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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 15 (HE), pour étudier le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je m’appelle Rosa Galvez, je suis une sénatrice du Québec et je suis présidente du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

J’aimerais commencer par un petit rappel très important. Avant de poser des questions et d’y répondre, je demanderais aux membres et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité dans la salle.

[Traduction]

J’inviterais mes collègues du comité à se présenter.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur Gignac : Bonjour; Clément Gignac, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Sorensen : Sénatrice Karen Sorensen, parc national de Banff, de l’Alberta.

La sénatrice McCallum : Sénatrice Mary Jane McCallum, du Manitoba.

Le sénateur Massicotte : Sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur MacDonald : Sénateur Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Merci, chers collègues. Bienvenue à toutes les personnes présentes dans la salle ainsi qu’aux membres du public qui regardent nos délibérations partout au pays. Aujourd’hui, le comité a invité de hauts représentants du gouvernement à comparaître dans le cadre de son étude du projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada.

Nous accueillons ce matin, de Parcs Canada, Mme Jewel Cunningham, vice-présidente, Politique stratégique et planification, et M. Andrew Campbell, vice-président principal, Opérations. Bienvenue au comité et merci d’avoir accepté notre invitation.

Madame Cunningham, vous avez la parole pour cinq minutes.

Jewel Cunningham, vice-présidente, Politique stratégique et planification (Parcs Canada) : Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, merci de m’avoir invitée à discuter du projet de loi S-14. Je suis accompagnée aujourd’hui de M. Andrew Campbell, vice-président principal aux opérations.

Je tiens d’abord à reconnaître que nous nous réunissons aujourd’hui dans le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Comme vous le savez, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi S-14 au Sénat le 19 octobre 2023.

[Français]

Le projet de loi qui vous est soumis propose des amendements qui permettraient de protéger officiellement plus de 12 millions d’hectares en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada.

La Loi sur les parcs nationaux du Canada et la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada seront modifiées afin de finaliser la création de la réserve de parc national Akami-UapishkU — KakKasuak — Monts Mealy et la création de l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga, une fois que le plan directeur provisoire sera achevé.

En outre, la Loi sur les parcs nationaux du Canada sera modifiée afin d’actualiser officiellement les limites de sept parcs nationaux existants et d’une réserve de parc national.

[Traduction]

Les terres énumérées dans le projet de loi, bien qu’elles soient déjà gérées ou administrées par Parcs Canada, seront pleinement protégées par les dispositions de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada et de leurs règlements. L’adoption de cette mesure législative est la dernière étape essentielle à franchir afin que ces terres soient protégées pour le compte des générations actuelles et futures.

Le projet de loi renferme également six modifications d’ordre administratif qui ont pour objet d’harmoniser la Loi sur les parcs nationaux du Canada et la Loi sur le parc urbain national de la Rouge avec le cadre législatif moderne et qui renforceront les instruments permettant d’exploiter et de gérer le réseau d’aires protégées de Parcs Canada.

[Français]

Honorables sénatrices et sénateurs, les lieux administrés par Parcs Canada sont une source de fierté pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. Ils sont également reconnus dans le monde entier comme des lieux d’intendance partagée avec plus de 300 Premières Nations, ainsi que les Métis et les Inuits.

Les lieux historiques nationaux, les parcs nationaux et les aires marines nationales de conservation représentent ce que le Canada a de mieux à offrir et racontent ce que nous sommes, y compris l’histoire, la culture et les contributions des peuples autochtones. Comme je l’ai déjà indiqué, Parcs Canada n’accomplit pas ce travail important seul.

En particulier, depuis l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982, la création et l’agrandissement de parcs nationaux, de réserves et d’aires marines nationales de conservation au Canada nécessitent une consultation et une collaboration approfondies avec divers partenaires et intervenants, y compris les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones, ainsi que les groupes et les communautés.

Il est important de reconnaître qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

[Traduction]

La désignation de lieux patrimoniaux par le gouvernement du Canada a souvent entraîné au cours de l’histoire l’expropriation de terres appartenant aux colons. Quant à eux, les peuples autochtones ont été séparés, souvent de force, de leurs terres et de leurs eaux ancestrales. Les liens rompus par l’adoption de certaines politiques ont entraîné des préjudices intergénérationnels résultant de la perte des savoirs, des cultures et des identités autochtones. Bon nombre de lieux patrimoniaux administrés par Parcs Canada ont connu une transition depuis. Aujourd’hui, les terres sont cédées avec le consentement de ceux qui les possèdent. Elles sont aussi données ou transférées d’un autre ordre de gouvernement ou d’un autre ministère fédéral. Surtout, Parcs Canada travaille en collaboration avec les peuples autochtones à cet égard, notamment en établissant des ententes officielles qui garantissent la reconnaissance des terres et les droits qui y sont rattachés.

Comme je l’ai mentionné au début de mon exposé, Parcs Canada collabore avec plus de 300 collectivités inuites, métisses et des Premières Nations partout au pays pour assurer la conservation, le rétablissement et la mise en valeur du patrimoine naturel et culturel. Il faut souligner que les terres qui obtiendront une protection permanente au titre du projet de loi S-14 ont été intégrées à cette mesure à la suite de vastes consultations et de négociations approfondies avec les gouvernements et les communautés autochtones, les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les communautés locales, y compris les parties prenantes régionales.

Par exemple, la création de la réserve à vocation de parc national Akami-Uapishku-KakKasuak-Monts Mealy est le fruit de plusieurs ententes avec les gouvernements et les organisations autochtones et la province qui énoncent clairement que Parcs Canada s’engage à faire de ce lieu une réserve de parc national. Ces ententes ont été conclues avec les Innus du Labrador, le Conseil communautaire NunatuKavut et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador à la suite de longues discussions, négociations et consultations.

Après des années de consultations, de négociations et d’efforts pour resserrer les relations, l’étape finale consiste à inscrire les aires protégées dans la loi. Grâce au dépôt du projet de loi S-14, la réserve à vocation de parc national Akami-Uapishku-KakKasuak-Monts Mealy et l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga ont franchi cette dernière étape. Les communautés autochtones ont demandé que des éléments additionnels soient ajoutés en vue de l’entrée en vigueur des dispositions sur les terres en question.

Comme on peut l’imaginer, chaque projet viendra avec un ensemble de circonstances à prendre en compte et différents partenaires et parties prenantes à consulter. L’agrandissement du parc national Tuktut Nogait prévu dans le projet de loi illustre bien ce qui précède. Le parc couvre plus de 16 000 kilomètres carrés dans la partie nord-est des Territoires du Nord-Ouest, dans la région désignée des Inuvialuits, telle qu’elle est définie par la revendication territoriale de l’Entente définitive des Inuvialuits. La création du parc a été proposée pour la première fois en 1988 par la collectivité de Paulatuk comme moyen de protéger les aires de mise bas de la harde de caribous de Bluenose Ouest. De fait, le nom Tuktut Nogait veut dire « jeune caribou » en inuvialuktun. Or, le projet de loi S-14 ferait augmenter de 11 % — environ 1 800 kilomètres carrés — la superficie du parc, qui empiéterait alors sur la région désignée du Sahtu.

Au titre de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et des Métis du Sahtu, le Canada s’est engagé à consulter les Dénés et les Métis du Sahtu au sujet de toute proposition de parc national dans la zone visée par leur règlement. En 2000, le Sahtu Secretariat Incorporated, ou SSI, a officiellement demandé au gouvernement fédéral d’entamer des négociations pour établir la partie Sahtu du parc. Le processus de consultation associé aux obligations relatives à l’article 35 comportait des rencontres avec des aînés et des entrevues chez les membres des collectivités de Paulatuk, de Délı̨nę et de Colville Lake. Le processus comportait également des communications directes avec la Première Nation Délı̨nę, l’Ayoni Keh Land Corporation et le Sahtu Secretariat Incorporated.

En 2022, un examen préliminaire de l’ajout proposé au parc national a été mené, comme l’exige la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Les documents d’examen préalable ont été envoyés à plus de 40 parties, dont aucune n’a exprimé de préoccupations au sujet de l’agrandissement en question.

Je tiens à souligner que le parc est géré par le Conseil de gestion du parc national Tuktut Nogait formé de représentants nommés ou recommandés par la Société régionale inuvialuite, le Conseil inuvialuit de gestion du gibier, la Société communautaire de Paulatuk, le Comité des chasseurs et des trappeurs de Paulatuk, le gouvernement Got’įnę de Délı̨nę et les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Canada.

Un processus de consultation similaire a été mené auprès des collectivités autochtones et d’autres parties prenantes, notamment les exploitants d’entreprises touristiques et le grand public, pour toutes les aires protégées touchées par le projet de loi. Un certain nombre de collectivités autochtones ont exprimé leur appui pour que les terres soient incluses dans la Loi sur les parcs nationaux ou dans la Loi sur la conservation marine nationale. Aucune collectivité n’a formulé d’objections. Les gouvernements provinciaux et territoriaux touchés par les propositions contenues dans le projet de loi se sont prononcés en faveur. Il en est de même pour les autres parties prenantes.

Honorables sénateurs, Parcs Canada a réussi à obtenir le soutien des Autochtones, des gouvernements provinciaux et territoriaux et du grand public. Je recommanderais respectueusement au Sénat d’appuyer lui aussi le projet de loi. Merci.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons passer à la période de questions, alors nous commençons par la sénatrice Miville-Dechêne.

La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue à vous deux. Depuis plusieurs années, l’Archipel-de-Mingan subit de plus en plus les effets néfastes des changements climatiques, comme la baisse drastique du nombre d’oiseaux, de phoques, de maquereaux et de harengs, et bien sûr, l’érosion des berges. Or, dans ce cas, je comprends que vous enlevez trois îles du périmètre du parc, dont l’île de la Maison, tout en agrandissant le parc de 42 hectares.

Pourquoi faites-vous cela? Que faites-vous précisément dans ce parc pour combattre les changements climatiques? J’ai un attachement pour ce parc où j’ai fait du kayac. J’ai pu y voir les merveilles des îles de Mingan.

Andrew Campbell, vice-président principal, Opérations, Parcs Canada : Merci beaucoup, madame la sénatrice. C’est une excellente question. Les trois îles que nous avons obtenues dans le cadre de l’expansion du parc faisaient partie de la demande des Innus et elles l’ont été grâce à un accord avec les anciens propriétaires de ces îles.

[Traduction]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous ajoutez les îles. Vous ne les excluez pas.

M. Campbell : Oui. Ces îles seraient ajoutées au titre du projet de loi. La modification des limites de l’aire protégée entraîne l’inclusion de parcelles appartenant à l’archipel de Mingan telles que l’île du Havre et d’autres petites îles. Ces inclusions sont proposées dans le cadre du projet de loi.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne savais plus si les îles étaient exclues ou non. En fait, vous agrandissez le périmètre. Ce sont d’excellentes nouvelles.

[Français]

M. Campbell : C’était totalement grâce au soutien des groupes innus de Mingan, aussi.

La sénatrice Miville-Dechêne : Voici mon autre question : que faites-vous pour combattre les changements climatiques dans cet endroit particulièrement fragile?

M. Campbell : Il existe plusieurs différentes étapes que nous sommes en train de mettre en place là-bas. Dans quelques îles, nous avons des projets qu’on appelle la restauration de l’écologie; dans quelques îles, ce sont des projets pour retourner à un état naturel de certains lieux — dans trois ou quatre îles.

Avec les biens et les effectifs qui sont là, il est nécessaire de lutter contre les changements climatiques ou avec —

[Traduction]

... renforcer les installations pour éviter qu’elles soient balayées par de fortes tempêtes.

Nous prenons des mesures qui permettront de...

[Français]

Les quais qui sont là sont maintenant mieux fortifiés; c’est un exemple.

Il y a plusieurs étapes pour s’assurer qu’il y a plus de monitoring là-bas pour ce qui est des changements climatiques.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aurais une dernière question.

Pour protéger leurs parcs nationaux, les États-Unis ont commencé à limiter le nombre de personnes qui peuvent y venir chaque jour et à imposer des quotas. Ici, au Canada, sommes-nous rendus là?

[Traduction]

M. Campbell : C’est difficile de répondre à cette question. La plupart de nos parcs ne subissent aucune pression directe du public, sauf quelques exceptions. Ces rares cas nous amènent à utiliser le zonage. Prenons Banff, dans la région de la sénatrice Sorensen. Dans ce parc qui fait partie de ceux qui accueillent le plus grand nombre de visiteurs, le zonage nous permet d’établir des aires naturelles où la présence humaine est exclue.

Dans quelques secteurs qui jouxtent les zones qui avoisinent la ville de Banff, la présence humaine est tout à fait acceptable à certaines conditions. L’exercice d’activités y est permis.

Au moyen du plan directeur, il est possible d’assigner des zones à différents types d’activités. Le système de parcs nationaux nous permet ainsi de gérer le nombre de visiteurs.

La sénatrice Miville-Dechêne : C’est soit l’exclusion totale, soit le plein accès.

M. Campbell : Non. Il y a quatre zones.

La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord. Il y a différentes zones. Je ne vous demanderai pas de les énumérer. Merci.

Le sénateur MacDonald : Merci aux témoins. Je suis ravi de vous revoir. Monsieur Campbell, nous nous connaissons depuis longtemps. Je vais donc vous adresser ma première question. Je sais que vous êtes bien au fait du sujet que je veux aborder.

Je veux me pencher sur ce que prévoit le projet de loi pour régler le problème des voies d’accès empruntées par les populations vivant à proximité des aires protégées. Je vais illustrer mon propos à l’aide de mon expérience personnelle à Louisbourg. Le site de la forteresse fait 60 acres, mais le gouvernement a fini par s’approprier une superficie de 16 000 acres, y compris l’accès entre Louisbourg et Gabarus, soit un tronçon de 13 kilomètres, ce qui a transformé ce port de mer en petit village éloigné. J’ai toujours été préoccupé par cette propension de Parcs Canada à acquérir de grandes étendues de territoire et par les conséquences de ces exagérations sur les collectivités voisines. Pouvez-vous nous assurer que cela ne se reproduira plus?

M. Campbell : Merci, sénateur.

À Parcs Canada, c’est très difficile de se projeter dans l’avenir et de dire que ces choses ne se reproduiront plus. Pour l’heure, nous avons le régime de gestion actuel. En plus, le projet de loi que nous avons sous les yeux énonce que nous nous occuperions, par exemple, d’une route provinciale qui traverserait un parc donné. Les infrastructures touchées nous seraient transférées et nous en serions les gardiens. Nous nous occuperions non seulement de l’asphaltage et des ponts, mais aussi de services comme le déneigement.

Cette approche s’appliquerait à toutes les zones énumérées dans le projet de loi qui sont traversées par une route. Nous continuerions d’entretenir les accès, sauf si la route se termine là. Dans certains parcs à l’Île-du-Prince-Édouard, lorsque la route se terminait au terrain dont nous prenions possession, nous avons ramené la zone à l’état sauvage ou nous y avons aménagé un sentier pour les utilisateurs.

Le sénateur MacDonald : Cette approche a été appliquée à Louisbourg dans les années 1960. Nous n’étions pas au bout de la route auparavant. Or, Parcs Canada a pris le contrôle de la route provinciale qui traverse la zone et l’a amputée au point où — selon lui — elle devait se terminer. Je ne vois pas vraiment en quoi diffèrent la méthode appliquée il y a 50 ans et la méthode actuelle.

M. Campbell : Dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard, la route se terminerait à l’océan. Il serait impossible d’aller plus loin en véhicule. La zone en question serait donc intégrée au parc national et une connexion serait établie avec la rive. Le parc à l’Île-du-Prince-Édouard est le seul cas que j’ai pu déceler dans le projet de loi où ce genre de situation pourrait arriver.

Le sénateur MacDonald : J’ai une autre question. J’aimerais savoir ce que le gouvernement a l’intention de faire et les mesures qu’il compte prendre pour préserver le patrimoine et perpétuer le souvenir des collectivités affectées par les modifications apportées aux parcs nationaux et aux aires de conservation. Je pense encore à ma ville natale, West Louisbourg, de même qu’à Kenyon Cove et à Deep Cove. Kenyon Cove et Deep Cove étaient des collectivités qui existaient depuis 120 ans. West Louisbourg existait depuis plus de 200 ans. La famille de ma mère y vivait depuis 200 ans et ma grand-mère a été expropriée. Dans le site de la forteresse, on ne voit nulle part de mention ou de signe qui reconnaît que ces personnes ont déjà vécu à cet endroit.

Que compte faire Parcs Canada dans des cas comme celui-là?

M. Campbell : Je vais donner quelques exemples — pas Louisbourg — où des personnes expropriées ont formé des associations. Le groupe d’expropriés du parc national de Forillon a formé une coalition, et nous travaillons avec eux sur plusieurs fronts, notamment l’accès gratuit et sans entraves au parc. Nous avons conclu des ententes sur l’entretien de certaines des habitations expropriées incluant par exemple les travaux de rénovation et l’accès aux installations. Des panneaux commémoratifs sur les personnes expropriées ont également été mis en place.

Ces ententes ont été conclues avec les colons expropriés, mais nous en avons conclu d’autres avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

Le sénateur MacDonald : J’espère que les choses vont s’améliorer.

La sénatrice McCallum : Merci. Bienvenue au Sénat. Tout d’abord, j’aimerais obtenir une liste de toutes les collectivités des Premières Nations et des collectivités inuites et métisses qui ont été consultées de même que de celles qui ne l’ont pas été. Ce serait bien de les inviter à témoigner.

Le projet de loi S-14 établirait la réserve à vocation de parc national Akami-Uapishku-KakKasuak-Monts Mealy à Terre-Neuve-et-Labrador. Une réserve à vocation de parc national est une région qui devait être transformée en parc, mais qui est visée par des revendications territoriales présentées par des groupes autochtones qui n’ont pas encore été réglées.

Quelles sont les revendications territoriales non réglées concernant cette réserve à vocation de parc national, et quels groupes autochtones les ont présentées? Quels accords de cogestion sont en place pour le parc et comment les collectivités autochtones partagent-elles avec Parcs Canada les responsabilités concernant la gestion et la planification?

M. Campbell : Je vais répondre à la question.

Parmi les accords sur les revendications territoriales qui ne sont pas encore réglés et sur lesquels nous continuons à travailler, il y a l’Accord de principe sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador. Le gouvernement du Nunatsiavut — qui représente les collectivités inuites du Labrador — l’a signé. Une petite superficie de la partie nord de la réserve à vocation de parc national est visée par cet accord.

Un autre processus de revendication territoriale est en cours pour le Conseil communautaire NunatuKavut, qui est encore bénéficiaire de l’accord que nous avons conclu pour l’établissement de la réserve à vocation de parc national Akami-Uapishku-KakKasuak-Monts Mealy.

Les groupes avec lesquels nous avons établi un accord de cogestion sont les Innus du Labrador, le gouvernement du Nunatsiavut représentant les Inuits, de même que le conseil communautaire. Chacun de ces trois groupes a signé un type d’accord distinct. Il y a eu des ententes sur les répercussions et les avantages et ce que nous appelons des protocoles d’entente. Un protocole d’entente a d’ailleurs été conclu avec le gouvernement du NunatuKavut, qui est toujours en quête de la pleine reconnaissance de ses droits au titre de l’article 35.

Voilà les groupes avec lesquels nous partageons la gouvernance. Cette gouvernance paritaire forme trois conseils différents. C’est ce qui nous permet d’établir le plan de gestion qui énonce les orientations pour le parc et de nous consulter à son sujet. De plus, les communautés sont impliquées dans certaines des activités quotidiennes du parc. Chacun de ces trois groupes compte également un poste d’agent de liaison avec la communauté. Puis, comme je l’ai dit, nous avons aussi des ententes sur les répercussions et les avantages avec les Inuits et les Innus.

La sénatrice McCallum : Qu’en est-il des autres parcs de la région? Sont-ils aussi visés par des revendications territoriales non résolues?

M. Campbell : Quatre sont visés par des revendications territoriales ou des revendications territoriales non résolues. L’association inuite, le parc national Quttinirpaaq et l’Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, ou ERAI, sont tous reliés à l’accord de revendication territoriale de la région du Qikiqtani. Je le répète, l’aire de conservation Tallurutiup Imanga se trouve dans la région du Qikiqtani et est également visée par une entente sur les répercussions et les avantages. Mme Cunningham a déjà mentionné le parc national Tuktut Nogait avec les Sahtus et Mingan avec les Innus.

La sénatrice McCallum : Pourrions-nous avoir une liste de ces parcs?

M. Campbell : Bien entendu.

La présidente : J’allais poser ces questions au ministre de l’Environnement, mais, comme nous ne savons pas s’il viendra, je vais vous les adresser.

Récemment, la COP15, la Conférence sur la biodiversité s’est tenue à Montréal. La crise de la perte de biodiversité est devenue extrêmement grave.

Hier, au Comité des finances nationales, nous avons discuté de la disparition des crevettes dans le golfe du Saint-Laurent qui sont victimes des changements climatiques.

Ma question porte sur la biodiversité et la façon dont vous en étudiez l’état.

Voici ma première question : quand il est décidé qu’un territoire deviendra un parc national, doit-il s’ancrer dans l’accord de Montréal dont l’objectif est de conserver 30 % des terres et des eaux du Canada d’ici 2030?

Deuxièmement, quand vous prenez possession du territoire, j’espère que vous mesurez et évaluez la biodiversité. Quels indicateurs vous démontrent que la biodiversité augmente dans ces aires protégées? Étudiez-vous les espèces en voie de disparition? Faites-vous un suivi de la biodiversité?

Je pose la question parce qu’il existe de nos jours d’incroyables d’outils génomiques qui indiquent en détail comment se porte la biodiversité.

Mme Cunningham : Je vous remercie énormément de ces questions, qui contenaient beaucoup d’informations.

Les terres nommées dans le projet de loi S-14 font partie des aires protégées visées par l’objectif de conserver 25 % des terres d’ici 2025 et de contribuer à la protection de 30 % des terres d’ici 2030.

En outre, Parcs Canada travaille à créer 10 nouveaux parcs nationaux, 10 nouvelles aires marines nationales de conservation et 10 nouveaux parcs urbains nationaux. Ces initiatives font partie du programme d’expansion pour poursuivre l’atteinte de l’objectif de conserver 30 % du territoire d’ici 2030.

En réponse à votre question sur la biodiversité, les valeurs écologiques et la sélection des terres, nous nous servons de divers facteurs lorsque nous choisissons des sites partout au pays. L’un d’entre eux est d’ailleurs la biodiversité, l’existence d’écosystèmes, la protection et la superficie des territoires sauvages. Pour créer un nouveau parc, il faut passer par l’étape de recensement du site, puis par l’étape de faisabilité pendant laquelle nous consultons les partenaires et nous cernons les limites potentielles. C’est à cette étape que nous évaluons en profondeur la faisabilité du projet en faisant notamment l’inventaire de la biodiversité, des espèces, des habitats naturels, des liens culturels et du savoir autochtone. Tous ces éléments sont étudiés pendant la phase de faisabilité pour la création d’un nouveau site ou pour ajouter des terres à un site existant.

Pour ce qui est des indicateurs, à chacun de nos parcs nationaux, nous nous servons d’un ensemble d’indicateurs de surveillance pour la conservation, la recherche, l’étude et la surveillance des ressources de façon continue. Dans certains de nos parcs plus anciens qui existent depuis des décennies, on recueille et analyse des données depuis longtemps, ce qui permet de faire le suivi de la santé des écosystèmes sur une certaine période dans ces sites nationaux. Nous observons des effets externes causés par les changements climatiques à chacun de nos sites. Nous pouvons remédier à certains d’entre eux et les atténuer grâce à la gestion active, notamment, de la restauration et des déplacements des espèces. Nous lançons également des projets de conservation des ressources dans nos parcs avec notre personnel scientifique. Dans d’autres cas, nous contribuons aux connaissances nationales et internationales sur les effets des différents types de changements climatiques dans nos sites.

Le type d’indicateurs dépend de la situation de chaque parc. Ils sont déterminés aux premières étapes, puisque des études scientifiques et de faisabilité orientent le choix des indicateurs à utiliser pour la surveillance continue dans chaque parc.

Je crois avoir abordé certains enjeux.

M. Campbell : Vous avez posé une question sur notre recours à différentes technologies. Nous utilisons un grand nombre de technologies à l’heure actuelle, de la surveillance électronique des espèces et de leurs déplacements à l’ADN environnemental. Vous avez peut-être entendu parler de la maladie du tournis dernièrement dans les médias : la maladie fait des ravages dans les parcs en région montagneuse et dans les lacs. L’ADN environnemental sert à étudier cette maladie, au même titre que pour le dépistage de moules zébrées. Les techniques ayant recours à l’ADN environnemental sont largement répandues pour les espèces envahissantes, ainsi que pour les déplacements des grands animaux terrestres. Lorsque les animaux empruntent des passages supérieurs et souterrains, des râteaux — faute d’avoir un meilleur mot — prennent des échantillons des animaux. Nous effectuons ensuite des tests d’ADN environnemental pour étudier la complexité des espèces et les déplacements du matériel génétique et ainsi veiller à ce que l’ADN comporte une résilience écologique généralisée.

La présidente : En question complémentaire, sommes-nous en voie d’atteindre l’objectif de conserver 30 % des terres et des eaux d’ici 2030? Où pouvons-nous trouver les rapports dans lesquels vous décrivez l’état de santé des écosystèmes de nos parcs nationaux?

M. Campbell : Parcs Canada est responsable d’un pourcentage de l’objectif de conservation de 30 % des terres et des eaux d’ici 2030, alors nous ne sommes pas les bonnes personnes pour commenter le statut de l’objectif entier. Parcs Canada continue toutefois de fournir sa part d’effort pour atteindre l’objectif, et nous avons des discussions fort fructueuses avec des groupes de partout au pays. Je précise que, dans bien des cas, ce sont des organisations locales autochtones qui viennent nous voir. Elles souhaitent garantir ce niveau de protection et espèrent l’atteindre conjointement, en conservant l’aire avec les Autochtones tout en continuant notre travail en vertu des lois fédérales.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Dans un premier temps, j’aimerais remercier ma collègue la sénatrice Julie Miville-Dechêne d’avoir soulevé le sujet du parc des îles de Mingan, que je connais bien pour l’avoir visité à plusieurs reprises au cours des dernières années, avec mes amis et proches de la famille à Havre-Saint-Pierre. Vos réponses m’ont rassuré à cet effet.

Je vais maintenant mettre mon chapeau d’économiste et de membre du Comité des finances nationales. Le projet de loi va élargir de façon significative la superficie d’au moins 2 des 10 parcs. J’aimerais connaître les conséquences budgétaire qui en résulteront. Quelle est la taille de l’enveloppe budgétaire?

On a un projet de loi qui est devant nous, mais il doit y avoir des conséquences financières et des coûts qui y sont rattachés, par la suite, car il y a évidemment des négociations. À quoi peut-on s’attendre, du point de vue financier, pour ce qui est des éléments rattachés à ce projet de loi?

M. Campbell : Il y a deux réponses à cette question. Pour les plus petites îles qui sont rattachées aux parcs déjà établis, il n’y a pas vraiment de grand coût. C’est donc difficile à déterminer. On subit plus de pression de chacun des parcs pour obtenir plus de terrain à gérer.

Pour ce qui est des autres grands parcs, il serait probablement préférable qu’on vous envoie une réponse par écrit, pour s’assurer que nous avons les chiffres exacts.

Le sénateur Gignac : D’accord. Comment est-ce que cela fonctionne? Je comprends que la marche à suivre et les facteurs à considérer varient d’un parc à l’autre. J’essaie de comprendre comment on détermine ce que vous devez protéger et les différents critères sur lesquels vous vous appuyez. Ces critères varient-ils d’un parc à l’autre?

Vous avez expliqué ce qui en est pour les îles de Mingan. On parle surtout de deux grands parcs, soit celui des Territoires du Nord-Ouest, le parc national Tuktut Nogait et celui de la Saskatchewan. Qu’est-ce qui vous a amenés à agrandir de façon considérable ces deux parcs? Quelles sont les raisons?

Pouvez-vous nous donner des précisions?

M. Campbell : Comme Mme Cunningham l’a mentionné, une série d’études ont mené à cette décision. Nous avons, à Parcs Canada, un plan pour l’établissement des différents parcs et l’acquisition de terrains et de différents écosystèmes partout au pays. On a donc des façons de créer des parcs représentatifs dans les différentes régions écologiques du Canada. C’est la façon de déterminer notre priorité pour établir les différents parcs et aires marines.

Pour ce qui est de la taille des différents lieux, nous voulons nous assurer que nous avons un certain niveau d’intégrité écologique. Le but de la création de parcs nationaux est d’assurer la durabilité écologique des aires marines. C’est l’objectif des aires protégées de Parcs Canada, et il s’agit aussi d’avoir une superficie assez vaste pour s’assurer qu’on dispose de vrais processus écologiques dans le parc.

Le sénateur Gignac : Je vais maintenant mettre mon chapeau d’ex-ministre du Développement économique du Québec et de responsable du Plan Nord. On a dû élargir les aires protégées et les négociations ont été un peu plus costaudes avec l’industrie forestière.

Est-ce que, dans l’un des 10 parcs il y a eu des enjeux? Avez-vous eu à négocier avec l’industrie forestière? Dans l’affirmative, quelle a été son attitude?

M. Campbell : Pour ce qui est de l’industrie forestière, étant donné que la plupart des discussions concernent le nord du Canada, ce n’est pas un enjeu. Nous menons de grandes consultations auprès de l’industrie de la pêche, par exemple, et de l’industrie du transport, dans certains cas aussi.

Comme je l’ai dit dans mes réponses aux questions du sénateur MacDonald, nous menons toujours ce type de consultation auprès de divers groupes de personnes, d’industries et d’autres acteurs qui se trouvent à côté des parcs.

Le sénateur Gignac : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Je vous en suis très reconnaissante. Comme vous les savez, j’ai beaucoup de respect pour votre organisation et j’approuve tous les processus que vous effectuez avec une grande diligence et qui, bien entendu, prennent du temps. Je suis très enthousiaste que nous soyons saisis de ce projet de loi, car je sais que ces initiatives exigent énormément de temps.

Pour reprendre le thème des coûts abordé par mon collègue, je dirai que j’aime toujours me renseigner sur la valeur. J’imagine que je me remets dans ma peau de mairesse.

Je crois que la valeur écologique saute aux yeux des intervenants impliqués dans ce projet de loi, mais je suis curieuse de savoir ceci : les agrandissements de parcs nationaux comme ceux qui nous occupent — qui sont différents des parcs nationaux que je connais mieux — engendrent-ils des retombées économiques dans leurs régions respectives?

Mme Cunningham : Je vous remercie de la question.

Vous qui venez de la région du parc national de Banff, vous voyez un grand nombre de touristes chaque année. Il est certain que Parcs Canada contribue au produit intérieur brut notamment grâce à l’économie touristique. Tous les parcs contribuent d’une façon ou d’une autre aux économies locales. Ils créent des emplois. Les infrastructures représentent un investissement en capitaux au fil du temps, tant sur le plan de l’entretien que des immobilisations — il faut recourir au secteur privé, par exemple. Nos négociations de revendications territoriales avec les communautés autochtones engendrent des emplois, garantissent un accès dans certains cas et créent des offres touristiques à petite échelle, même dans nos parcs dans le Nord : nos partenaires autochtones y offrent souvent du soutien logistique ou différentes attractions touristiques pour mobiliser la population.

Les statistiques nationales montrent que Parcs Canada est un exploitant touristique renommé qui accueille près de 25 millions de visiteurs chaque année. Dans bien des régions, nos parcs nationaux sont emblématiques. L’image de marque de notre organisation est percutante. Notre réseau est reconnu à l’échelle planétaire, et on dit de lui qu’il est sans pareil.

Étant donné notre réputation, bien souvent — par exemple, dans notre programme de parcs urbains nationaux —, les partenaires veulent voir la présence de Parcs Canada dans leurs milieux. Ils veulent voir nos investissements, nos efforts promotionnels et notre capacité à continuer à favoriser l’essor économique dans les communautés.

Je peux vous donner l’exemple des investissements en infrastructures que nous avons effectués au pays au cours des huit dernières années, qui s’élèvent à plus de 3 milliards de dollars. Comme je viens moi-même du Canada atlantique, je peux dire que l’apport du secteur privé dans certains des parcs de la région pendant l’hiver était considérable. Des maires m’ont dit, alors que j’étais au parc national de l’Île-du-Prince-Édouard et que je m’occupais même des cours d’eau, que des travailleurs de la construction restent dans les infrastructures touristiques en hiver étant donné toutes les activités entourant les infrastructures et le développement, ainsi que les retombées économiques qui en découlent. À l’échelon municipal, il ne fait aucun doute que Parcs Canada apporte des contributions et crée des possibilités pour que d’autres partenaires tirent parti de cette croissance économique.

M. Campbell : J’aimerais aborder deux autres aspects. L’autre d’entre eux est la continuité culturelle, pour que les utilisateurs traditionnels et les groupes autochtones locaux continuent à avoir un accès à un grand nombre de ces sites à perpétuité. Le parc national Tuktut Nogait en est un excellent exemple, car la cueillette ancestrale et la protection des troupeaux de caribous dans cette aire importent grandement pour la continuité culturelle des résidents de la région. Il est difficile de traduire cette continuité culturelle en termes économiques clairs, mais c’est un facteur important.

L’autre aspect concerne les services écologiques. Je ne vous apprends rien en vous disant que le champ de glace Colombia, dans votre région, produit de l’eau pour le reste du pays. D’autres zones, comme les grandes tourbières qui absorbent d’importantes quantités de carbone dans deux des parcs qui seront créés, serviront de gigantesques puits de carbone. La capacité du Canada de capter naturellement le carbone ainsi que la valeur qu’elle apporte à notre économie et notre santé sont difficiles à quantifier précisément. Différents modèles existent pour essayer de traduire ces bienfaits en chiffres. Je ne peux vous donner ce chiffre aujourd’hui qui quantifierait les services écologiques dans les aires en question.

La sénatrice Sorensen : Je peux vous dire que la valeur dépasse les coûts.

Je change de sujet pour que vous m’éclairiez. Généralement, Parcs Canada permet aux communautés autochtones de se livrer à la chasse et à la cueillette traditionnelles dans certains de ses sites. Comment cela se traduira-t-il dans les terres nouvellement protégées dont il est question aujourd’hui? Aussi, pour ma propre gouverne, pouvez-vous expliquer le concept d’utilisateur traditionnel des terres et me dire quels droits ils ont ou auront?

M. Campbell : Le terme « utilisateur traditionnel des terres » revient constamment de nos jours lorsque nous concluons des ententes avec les provinces et les territoires. Prenons l’exemple de la réserve à vocation de parc national des Monts Mealy, au Labrador. Dans cette région, les NunatuKavut, qui n’ont toujours pas de droits en vertu de l’article 35, sont toujours considérés comme des utilisateurs traditionnels des terres. Des paramètres définissant cette notion sont publiés. Je vais devoir les retrouver dans mes notes pour m’en souvenir. Il y a essentiellement 50 familles qui viennent d’un rayon de 10 kilomètres. Différents facteurs sont pris en considération pour définir ce groupe dans la communauté. Ce groupe n’est pas autochtone, mais il est composé d’utilisateurs traditionnels des terres.

Il existe d’autres exemples d’utilisateurs traditionnels des terres dans des provinces ou des territoires ou, notamment, en vertu de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut — comme des pêcheurs traditionnels qui ne sont pas Inuits — qui jouissent de droits sur l’utilisation et sur la cueillette. Tout se décide par négociation. La décision d’établir les droits des Autochtones se prend vraiment au moyen de l’article 35 de la Constitution. Nous concluons des ententes sur les répercussions, dont Mme Cunningham et moi avons déjà parlé dans nos réponses. Voilà comment les droits traditionnels sont établis.

Dans les parcs créés avant 1982, il arrive qu’il y ait des droits et des ententes de reconnaissance que nous négocions avec les peuples autochtones partout au pays, ce qui permet de rétablir des droits. On peut aussi s’y prendre au moyen d’un avis du directeur. Je suis certain que certains d’entre vous, y compris vous, madame la sénatrice, suivez un dossier dans les médias albertains au sujet d’une chasse récente. C’était une chasse cérémoniale, fondée sur un traité autochtone entre la nation Stoney et la nation Simpcw. Ils voulaient se livrer à une chasse ancestrale à Jasper. L’activité a été permise grâce à un avis du directeur.

Il existe de nombreux mécanismes. Les parcs créés avant 1982 à l’Île-du-Prince-Édouard ont des règles différentes des parcs plus récents.

Le sénateur Massicotte : Je n’avais pas de question, jusqu’à ce que vous mentionniez les puits de carbone et leur grande importance.

J’ai levé la main parce que je croyais que, au cours des quatre ou cinq derniers mois, la science nous avait révélé que ces puits ne sont pas nécessairement bénéfiques. À la suite des incendies de racines et de forêts, les études révèlent de plus en plus qu’ils sont néfastes. La quantité de CO2 libérée dans l’atmosphère — malgré la densité de la forêt — sera plus importante que la quantité captée. Est-ce exact?

M. Campbell : Je ne me prononcerai pas sur la science aujourd’hui. On sait notamment que le pergélisol, les fondrières de mousse et les vastes milieux humides n’ont pas le même effet. Les incendies n’ont évidemment pas le même effet sur eux. Le réchauffement a un effet sur eux, alors l’émanation de carbone causée par le réchauffement aura une incidence sur la quantité de carbone que ces espaces pourront continuer à capter.

Cela dit, plus les zones non perturbées sont vastes, plus il est probable que le carbone continue d’être capté et ne soit pas libéré. Je prenais donc plutôt l’angle des processus écologiques.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais poursuivre sur la lancée de la sénatrice Sorensen au sujet de l’utilisation de ces parcs nationaux quand ils sont partagés et quand il y a une cohabitation entre les allochtones et les communautés autochtones. Je pense, évidemment, au nouveau parc du Labrador.

En Colombie-Britannique, il y a eu l’exemple d’une communauté autochtone qui avait des droits historiques et territoriaux au parc Joffre Lakes — qui est un endroit hautement touristique. On a fait un accommodement pour fermer le parc au moment des activités de cueillette traditionnelle et de certaines célébrations.

Est-ce que, dans le cadre de vos accords avec les communautés autochtones, il y a aussi une possibilité de fermer entièrement ou partiellement le parc? Comment cela s’articule-t-il?

M. Campbell : Évidemment, il y a des lieux, partout au Canada, dans des parcs, où les groupes autochtones peuvent bénéficier d’une restriction, dans une zone d’une certaine superficie, afin de conserver un niveau de protection qui leur est nécessaire sur le plan spirituel.

[Traduction]

Même si l’on en parle en général comme d’un détail administratif, le changement de nom de la réserve à vocation de parc national Gwaii Haanas inclut le patrimoine haïda, et c’est ainsi que les Haïdas avaient nommé la région avant même la création de ce que nous considérons comme un parc national. Le mot « parc » ne fonctionne pas pour la nation haïda. Un changement important est fait pour reconnaître le lien spirituel qui unit ce peuple aux terres du parc. C’est pourquoi les Haïdas nous ont demandé de procéder au double changement de nom pour cette région. Dans le Gwaii Haanas, des zones sont réservées exclusivement à la nation haïda, en raison de leur forte signification spirituelle. Ces zones contiennent les restes et les esprits de leurs ancêtres. Ces zones font donc bien l’objet de restrictions, qui s’appliquent de deux manières. Comme une restriction écologique, ces restrictions peuvent être inscrites dans de plus vastes instruments législatifs, mais elles font partie du zonage du plan de gestion dont j’ai parlé, ou elles peuvent être intégrées à l’ordre du directeur si ce dernier détermine que la zone doit être restreinte.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je comprends votre réponse, mais ma question était plus pointue. Selon ces accords, avez-vous le pouvoir de fermer tout le parc, ou fermerez-vous seulement des zones précises où se pratiquent des traditions sacrées? J’aimerais savoir comment ces accords sont structurés et s’ils évoluent selon la situation. Je sais qu’en Colombie-Britannique, l’événement dont je parle a compliqué les choses, parce que tout le parc a été fermé.

M. Campbell : Il ne faut jamais dire « jamais », mais je ne peux pas imaginer dans quelles circonstances nous fermerions tout un parc pour des raisons culturelles. Cela va à l’encontre de la vocation d’un parc national ou d’une aire marine nationale de conservation. De nos jours, nous fonctionnons principalement par zones et par zones culturelles.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie.

La sénatrice McCallum : J’aimerais revenir aux utilisateurs traditionnels des terres et à la définition qui en est donnée, parce que ceux qu’on trouve là sont tous des gens qui sont nés ou qui ont été adoptés dans cette région. Il y a aussi le NunatuKavut Community Council, qui n’a pas encore de droits en vertu de l’article 35. Est-il pratique courante de négocier avec des gens qui tentent d’établir leurs droits, parce que cela fait controverse chez les Autochtones? Est-ce pratique courante pour vous de travailler de la sorte? Où se situent les titulaires de droits issus de l’article 35? Parce que je ne les vois pas dans la liste ici, et il y en a sûrement.

M. Campbell : Je répète qu’il y a deux groupes titulaires de droits en vertu de l’article 35, les Innus et les Inuits du Nunatsiavut. Les gens du NunatuKavut faisaient partie de notre entente d’établissement avec Terre-Neuve-et-Labrador, c’est un autre groupe avec lequel nous avons un accord. C’était prévu dans l’entente de transfert des terres de la province à Parcs Canada, c’est un groupe reconnu dans le cadre de cette entente.

D’autres groupes revendiquent leurs droits en vertu de l’article 35 dans d’autres régions du pays, et nous continuons à travailler avec eux jusqu’à ce que Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada détermine ce qu’il en est au moyen de ses processus de détermination des droits. À Parcs Canada, nous ne déterminons jamais des droits. Si des groupes sont en processus de revendication de leurs droits avec Relations Couronne-Autochtones, nous avons des ententes avec eux.

La sénatrice McCallum : Y a-t-il des désaccords entre les titulaires de droits et...

M. Campbell : Oui, il y en a.

La sénatrice McCallum : Je veux revenir à la biodiversité. Dans les deux articles du projet de loi intitulés « Protection de l’environnement », il y a deux définitions différentes. L’une est tirée de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, et l’autre dans la Loi sur le parc urbain national de la Rouge. Ces définitions sont différentes, et pourtant rien ne précise qu’il faut surveiller la biodiversité et les écosystèmes. Pourriez-vous expliquer cette différence?

M. Campbell : Oui, la définition « d’intégrité écologique » dans le parc national tient compte de la biodiversité, de notre façon d’examiner tous les processus écologiques dans un parc national, dans le parc urbain national et plus précisément, de la raison pourquoi le parc urbain national jouit de sa propre loi. Nous appliquons une norme différente pour un parc urbain national, car des rues le sillonnent. Dans le cas du parc urbain national de la Rouge, les deux autoroutes les plus achalandées du pays passent directement au milieu. C’est pourquoi nous devions créer une norme différente pour le parc urbain national de la Rouge, comparativement à celles de tous les autres parcs nationaux.

La sénatrice McCallum : Quand on parle de protection de l’environnement, je pense aux moules zébrées et aux algues bleues. Observez-vous ce genre de problèmes dans les parcs nationaux?

M. Campbell : Oui. Je vous remercie de la question. Nous avons recommencé à surveiller l’ADN environnemental, ce qui nous a permis d’en faire le constat. Nous surveillons le lac Clear, dans le parc national du Mont-Riding. Nous avons un programme pour tenter de réduire le risque d’infestation de moules zébrées, quoique ce soit dans une région où l’infestation continue de croître. La lutte pourrait s’avérer difficile à gagner. Nous perdurons dans nos efforts, car les moules zébrées peuvent considérablement changer l’écologie des lacs. J’ai déjà parlé du tournis des truites.

En pareil cas, s’il y a des mesures à prendre pour retirer les espèces envahissantes, nous allons les prendre. Nous le faisons dans le cas du sanglier dans l’Ouest. Nous devons prendre des mesures draconiennes pour nous assurer que les sangliers ne s’établissent pas dans les parcs urbains nationaux non plus. Il existe beaucoup d’espèces envahissantes. On a entendu parler du puceron lanigère de la pruche aux nouvelles cette semaine — c’est pourquoi j’en parle —, mais nous continuons de lutter contre un grand nombre d’espèces envahissantes à l’échelle du pays.

La sénatrice McCallum : Pouvez-vous faire un commentaire sur les algues bleues?

M. Campbell : Je pense que je me mettrais dans le pétrin si je commençais à parler des algues bleues sans la présence d’un de nos scientifiques environnementaux. Alors je vais éviter d’approfondir le sujet aujourd’hui.

La sénatrice McCallum : Dans la loi, à l’article 2, sous « Notes explicatives », il est écrit : « l’utilisation, le transport et l’entreposage temporaire des produits antiparasitaires et autres matières toxiques ». Qu’est-ce que cela signifie?

M. Campbell : Nous pourrons peut-être répondre à cette question durant l’étude article par article que nous ferons plus tard. Il pourrait m’être difficile de vous répondre aujourd’hui, mais nous vous répondrons avec plaisir par écrit ou durant l’étude article par article.

La présidente : Concernant les infractions, des modifications sont apportées à la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Des modifications semblables sont aussi proposées à l’article 17 de la Loi sur le parc urbain national de la Rouge.

M. Campbell : Je m’y attarde justement. Ces changements portent plus précisément sur le déversement de toxines et d’autres éléments dans le parc. Nous voulions un régime et des amendes plus robustes, parce que nous constatons des déversements dans le parc urbain national de la Rouge. Nous avions tous prévu que ce puisse devenir un problème; c’est maintenant le cas, et notre régime est un facteur dissuasif. Nous avons donc créé une section spéciale pour régir certaines toxines de façon distincte dans la réglementation. C’est prévu dans la loi et dans la réglementation.

La présidente : Pourquoi avez-vous ajouté des amendes au cadre législatif?

M. Campbell : Dans le parc urbain national de la Rouge, nous avons vu au fil du temps des gens s’y débarrasser de tout, des déchets aux animaux domestiques dont ils ne veulent plus, en passant par les produits chimiques dangereux. Puisqu’il y a tant d’endroits où on peut le faire dans le parc, nous voulions un régime réglementaire robuste comprenant les toxines pour réagir en cas d’infraction et faciliter la tâche des tribunaux ou la nôtre d’imposer des amendes par procédure sommaire.

La présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Miville-Dechêne : Serait-il possible d’avoir un résumé écrit de ce que vous faites en matière de préparation aux changements climatiques et de protection de la biodiversité dans la réserve de parc national de l’Archipel-de-Mingan? Avez-vous un tel résumé? Je sais que vous m’avez donné deux exemples, mais j’aimerais un document qui met de la chair autour de l’os.

M. Campbell : Nous pourrons vous fournir ce résumé sans problème, madame la présidente.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je parle d’une explication.

M. Campbell : Nous pourrons vous envoyer le plan de gestion et les rapports de surveillance.

La présidente : Nous vous serions reconnaissants d’envoyer le tout avant le 23 novembre.

M. Campbell : Tout cela se trouve sur le site Web, mais nous pouvons bien sûr vous envoyer le lien.

La présidente : Honorables sénateurs, chers collègues, nous avons épuisé les questions pour cette période-ci.

La sénatrice McCallum : [Difficultés techniques].

M. Campbell : Les abris ou « tilts » sont une forme de cabane en appentis, pour que tous comprennent bien de quoi il s’agit. Il s’agit d’un mot employé localement.

La présidente : Chers collègues, puisque nous en avons le temps, je profite de l’occasion pour vous transmettre un peu d’information. Tout d’abord, nous avons décidé au comité directeur de demander de continuer à siéger les mardis. Ce n’est pas que nous ne voulons pas siéger les jeudis; nous le voulons, mais nous allons faire cette demande, parce que nous devons examiner plusieurs projets de loi et que nous avons des études à mener.

Par ailleurs, comme vous l’aurez remarqué, l’ordre du jour peut varier, parce que les gens que nous invitons à témoigner ne peuvent pas toujours venir. Alors nous faisons de notre mieux avec les gens qui acceptent notre invitation.

De plus, le commissaire à l’environnement et au développement durable, que nous invitons souvent au comité, a pris contact avec moi et m’a parlé des quatre rapports qu’il vient de déposer. Il aimerait venir nous les présenter et obtenir notre opinion sur eux, mais aussi sur le travail qu’il fait pour nous.

Le sénateur Massicotte : Je suis d’accord avec cette proposition, qui me paraît appropriée. Cependant, le commissaire prend-il la place de quelqu’un d’autre, devrions-nous ainsi retarder l’étude d’un projet de loi?

La présidente : Comme je l’ai mentionné, il y a des témoins qui déclinent notre invitation à venir à une date précise.

Le sénateur Massicotte : Compte tenu des informations que nous avons jusqu’à présent, est-ce que cela va retarder un témoignage ou une étude?

La présidente : Je ne le pense pas.

Le sénateur Massicotte : Dans ce cas, je pense que c’est une bonne idée.

La présidente : Nous allons l’inviter, à condition de ne pas retarder le travail que nous avons à faire. Si nous n’avons pas le temps, le commissaire pourra témoigner l’an prochain, mais nous allons quand même l’inviter.

Sur ce, je vous remercie beaucoup. Je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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