LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 14 décembre 2023
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 15 (HE), afin d’étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.
La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis une sénatrice du Québec, et je préside le comité.
Aujourd’hui, nous tenons une réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Avant de commencer, nous devons présenter une motion. Comme vous vous en souvenez peut-être, il a été convenu au début de la session parlementaire que le sénateur Paul Massicotte et moi-même occuperions le poste de président à tour de rôle d’une année à l’autre. Comme il s’agit de la dernière réunion de l’année, j’aimerais présenter la motion suivante : Je propose que l’honorable sénateur Paul Massicotte préside le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles à compter du 1er janvier 2024.
Quelqu’un souhaite-t-il appuyer ma motion?
Une voix : Oui.
La présidente : Merci. Devons-nous mettre la question aux voix? Êtes-vous d’accord? Je vous remercie de votre appui.
Je ne veux pas exercer des pressions sur le sénateur Massicotte, mais les travaux qu’il reste à terminer sont le rapport que vous avez amorcé — lié à l’étude sur le pétrole et le gaz — et la planification liée aux conditions météorologiques extrêmes. Tout est là pour que vous puissiez poursuivre le travail, et j’espère qu’en mars, nous visiterons certaines des régions du Canada qui sont touchées par des conditions météorologiques extrêmes.
Le sénateur Massicotte : Je pensais que nous commencerions par visiter Dubaï.
La présidente : Non, non. Vous n’avez pas cette chance. Il est amusant de visiter Dubaï, mais les 13 heures de décalage horaire sont horriblement perturbantes.
Je voudrais commencer par faire un rappel : avant de poser des questions ou de répondre à celles-ci, je voudrais demander aux membres du comité et aux témoins présents dans la salle de ne pas se pencher trop près de leur microphone ou d’enlever leurs écouteurs s’ils le font. Dernièrement, quelques accidents sonores sont survenus, bien que ce ne soit pas durant des séances du comité. Il est donc important que nous évitions toute rétroaction sonore qui pourrait avoir des effets négatifs sur les membres du comité ou sur le personnel dans la salle.
Je vais maintenant demander aux membres du comité de se présenter.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, sénatrice de l’Alberta.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, sénatrice du Manitoba.
La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, sénatrice des Territoires-du-Nord-Ouest.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Wells : David Wells, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Arnot : David Arnot, sénateur de la Saskatchewan.
La présidente : Je vous remercie.
Je souhaite la bienvenue à tous les participants, ainsi qu’aux téléspectateurs des quatre coins du pays qui suivent nos délibérations.
Aujourd’hui, le comité a invité le commissaire à l’environnement et au développement durable à comparaître devant lui dans le cadre de son étude sur de nouvelles questions concernant le mandat du comité. Nous accueillons les représentants suivants du Bureau du vérificateur général du Canada : Jerry V. DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable; Susan Gomez, directrice principale; James McKenzie, directeur principal; et David Normand, directeur principal.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Dix minutes sont réservées à vos remarques préliminaires. Monsieur DeMarco, la parole est à vous.
Jerry V. DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Nous sommes heureux de comparaître devant votre comité pour discuter de cinq rapports, qui ont été déposés au Parlement le 7 novembre.
Je tiens à souligner que l’audience en cours se déroule sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinaabe.
[Français]
Trois de ces rapports traitent des réductions des émissions de gaz à effet de serre qui s’imposent d’urgence pour gérer la crise climatique mondiale. Les émissions au Canada sont plus élevées aujourd’hui que lorsque le pays et le monde se sont engagés pour la première fois à lutter contre les changements climatiques, il y a de cela plus de 30 ans.
[Traduction]
Des objectifs et des plans ont été établis et abandonnés, et le Canada tarde encore à obtenir des résultats. Entretemps, la nécessité de renverser la tendance en matière d’émissions de gaz à effet de serre au Canada est devenue de plus en plus pressante. Ce n’est pas la première fois que je lance ce cri d’alarme, et je continuerai à le faire tant que le Canada n’aura pas renversé cette tendance.
Notre premier audit met l’accent sur le Plan de réduction des émissions pour 2030 établi par Environnement et Changement climatique Canada en vertu de la nouvelle Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Même si nous n’étions pas tenus de rendre compte de la mise en œuvre de ce plan avant la fin de 2024, nous avons décidé de présenter un rapport plus rapidement étant donné qu’il est urgent que le Canada intensifie ses efforts pour lutter contre les changements climatiques. Nous avons constaté que le plan ne permettrait pas au Canada d’atteindre son objectif de réduction des émissions de 40 % à 45 % par rapport au niveau de 2005 d’ici 2030.
[Français]
Selon ses projections les plus récentes, Environnement et Changement climatique Canada a indiqué que les mesures précisées dans le plan entraîneraient une réduction des émissions de seulement 34 % par rapport au niveau de 2005. Les mesures qui s’imposent pour atteindre l’objectif de 2030 n’ont pas obtenu la priorité des ministères ou ont été retardées. Nous avons constaté un manque de fiabilité et de transparence en ce qui concerne la modélisation économique et celle des émissions, ce qui a porté le gouvernement à avancer des hypothèses trop optimistes sur les réductions attendues.
Je suis aussi préoccupé par le fait que la responsabilité de réduire les émissions était répartie entre des organisations fédérales multiples qui ne relèvent pas directement du ministre de l’Environnement et du Changement climatique. Le ministre n’a donc pas le pouvoir d’obliger les autres entités à atteindre l’objectif.
[Traduction]
Sur une note positive, les mesures prévues dans le plan, comme la tarification du carbone et les mesures réglementaires, pourraient entraîner des réductions considérables des émissions, si elles sont assez rigoureuses et appliquées à grande échelle. Le gouvernement fédéral peut encore réduire les émissions et atteindre son objectif pour 2030 en faisant preuve de leadership et en prenant des mesures ciblées et dynamiques. La mise en œuvre de nos recommandations serait un pas dans la bonne direction.
Passons maintenant à notre rapport sur les progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre de stratégies de développement durable. Nous avons évalué les progrès réalisés par la Défense nationale, par Parcs Canada, par Pêches et Océans Canada et par l’Agence des services frontaliers du Canada quant à l’objectif visant à ce que le parc de véhicules du gouvernement fédéral soit composé de 80 % de véhicules à émission zéro d’ici 2030. Collectivement, ces quatre organisations détiennent la plupart des véhicules appartenant au gouvernement fédéral.
Nous avons constaté qu’en 2022, le pourcentage de véhicules à émission zéro appartenant aux quatre organisations était très faible, c’est-à-dire de 1 à 3 %.
[Français]
Assurément, seulement 13 % des véhicules fédéraux seront sans émission d’ici 2030, ce qui est très loin de la cible de 80 %. Aucune des organisations n’avait d’approche stratégique pour indiquer comment elles comptaient atteindre la cible.
Avec 2030 comme objectif et étant donné que le gouvernement renouvelle habituellement ses véhicules aux sept ans, ces organisations doivent agir rapidement pour élaborer et mettre en œuvre des plans réalistes qui leur permettront d’acquérir des véhicules à émission zéro afin que la flotte du gouvernement puisse contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
[Traduction]
En ce qui concerne encore une fois les véhicules à émission zéro, notre audit du Programme d’infrastructure pour les véhicules à émission zéro a montré que Ressources naturelles Canada avait contribué, dans l’ensemble, au développement de l’infrastructure de recharge. Le programme est en voie de dépasser l’objectif d’installation de 33 500 points de recharge d’ici 2026. En date de juillet 2023, 33 887 points de recharge étaient, soit en chantier, soit achevés. Nous avons cependant aussi constaté que, dans le cadre du financement des bornes de recharge, le ministère n’avait pas accordé la priorité aux régions mal desservies, comme les collectivités rurales, éloignées, autochtones et à faible revenu. La grande majorité des points de recharge étaient situés en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique.
[Français]
Même si le gouvernement fédéral n’est pas le seul responsable du financement des bornes de recharge pour les véhicules à émission zéro, il peut en faire plus pour aider à corriger les écarts d’infrastructure qui sont peu susceptibles d’être comblés par le secteur privé. Nous avons constaté que Ressources naturelles Canada n’avait pas recueilli de données pour l’aider à cerner ces lacunes, et qu’il n’avait pas établi d’objectifs pour les régions mal desservies.
[Traduction]
Il reste un large écart entre le nombre actuel de bornes de recharge et le nombre requis d’ici 2035. Ressources naturelles Canada doit collaborer avec les autres ordres de gouvernement et avec le secteur privé afin de combler les lacunes de l’infrastructure de recharge et faire en sorte que les Canadiennes et les Canadiens puissent passer aux véhicules à émission zéro en toute confiance.
[Français]
Passons maintenant à notre audit de la surveillance des prises de pêche maritime commerciale. Nous avons constaté que Pêches et Océans Canada n’avait pas réussi à recueillir de données fiables et opportunes sur les prises de poissons. Le ministère n’avait pas une vue d’ensemble de la santé des stocks de poissons du Canada.
Nous avons aussi signalé que le ministère devait améliorer sa surveillance des renseignements fournis par de tierces parties. Nous avons constaté qu’un grand nombre des faiblesses que nous avions signalées, il y a sept ans, lors de notre dernier audit de ce secteur, posent toujours problème. Par exemple, le ministère a créé une Politique de surveillance des pêches en réponse à une recommandation formulée dans notre rapport de 2016, mais nous avons constaté qu’il ne l’avait pas mise en œuvre et que cette politique n’était pas soutenue par des ressources ou un plan d’action.
[Traduction]
Il y a sept ans, nous avions également signalé que les systèmes de gestion de l’information du ministère devaient être modernisés pour appuyer la collecte en temps utile de données fiables. Nous avons constaté que les progrès réalisés dans ce secteur étaient très lents. Pêches et Océans Canada a dépensé environ 31 millions de dollars pour mettre en œuvre un système qui fournit des données facilement accessibles et qui intègre les renseignements de toutes les régions. Cependant, nous avons constaté que le déploiement de ce nouveau système était incomplet et que le lancement de l’ensemble du système avait été reporté de 10 ans.
En l’absence de données fiables et actualisées sur les poissons pêchés, Pêches et Océans Canada ne sait pas si les stocks de poissons commerciaux sont surexploités. L’effondrement de la population de morue franche dans les années 1990 et ses importantes conséquences économiques et sociales ont démontré qu’il est beaucoup plus difficile et coûteux de reconstituer des stocks épuisés que de préserver la santé des stocks en premier lieu.
[Français]
Nous avons également publié le rapport annuel sur les pétitions en matière d’environnement. Les pétitions permettent à la population canadienne de soulever leurs préoccupations en matière d’environnement et de développement durable et d’obtenir des réponses des ministres responsables.
En conclusion, je souhaite réitérer qu’il sera bientôt trop tard pour éviter les effets catastrophiques des changements climatiques. Les feux de forêt intenses, la fumée dans le ciel, les vagues de chaleur, les orages violents et les inondations sont de plus en plus graves et fréquents, et ce sont les Canadiennes et les Canadiens, partout au pays, qui en subissent les conséquences.
[Traduction]
Le Canada est le seul pays du G7 qui n’a réalisé aucune réduction des émissions depuis 1990. La prise de mesures concrètes pour réduire les émissions est la tâche la plus importante que le Canada puisse accomplir pour remédier à l’urgence climatique mondiale. Des solutions existent, comme l’utilisation de véhicules à émission zéro pour renouveler le parc de véhicules du gouvernement ou la mise en œuvre de mesures financières et réglementaires efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le problème n’est pas que les solutions manquent, mais plutôt qu’elles sont mises en œuvre bien trop lentement. Il faut que cela change dès maintenant.
Madame la présidente, je termine ainsi ma déclaration préliminaire. Nous serions heureux de répondre à toutes les questions des membres du comité.
[Français]
La présidente : Merci beaucoup, monsieur DeMarco.
Nous passons maintenant à la période des questions.
La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue, monsieur DeMarco, à notre comité.
Dans vos notes de présentation, vous dites, sans ambages, que le Canada est le seul pays du G7 qui n’a réalisé aucune réduction des émissions depuis 1990, ce qui est profondément inquiétant pour l’avenir de notre planète.
Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a présenté son Cadre réglementaire pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier le 7 décembre dernier, dans lequel il a annoncé qu’il diminuerait de 35 % à 38 %, d’ici 2030, les niveaux de gaz à effet de serre (GES) sous les niveaux de 2019 et, en même temps, que la production pétrolière va augmenter de 12 %.
Tout cela s’est fait récemment, mais qu’en pensez-vous? Est-ce réaliste? Est-ce que cela vous redonne de l’espoir ou non?
M. DeMarco : Comme vous l’avez constaté, nous avons besoin de mesures additionnelles pour atteindre la cible. Les mesures qui sont dans le Plan de réduction des émissions pour 2030 n’ajoutent pas à la cible de 40 à 45 %. Nous avons donc besoin de nouvelles mesures comme celles-ci en ce qui a trait au plafonnement.
Est-ce que ce sera suffisant? Nous n’avons pas analysé les détails, et c’est seulement une possibilité. Les règlements ne sont pas encore entrés en vigueur. C’est une idée plutôt qu’une mesure concrète. Si c’était une mesure concrète, nous pourrions analyser la contribution de ces mesures par rapport aux cibles de 40 % à 45 %. Je suis content qu’on ajoute des mesures, mais je ne sais pas, à ce moment-ci, si les mesures additionnelles sont suffisantes pour atteindre la cible.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une deuxième question, rapidement. Ces cibles sont atteignables, selon le cadre, avec des mesures de captation du carbone. Comme vous êtes commissaire, vous avez étudié l’efficacité ou la non-efficacité des mesures de captation de carbone. Est-ce que vous vous êtes prononcé sur le fait que c’est la façon de faire pour diminuer les émissions à l’opposé d’une diminution de la production du pétrole?
M. DeMarco : La captation est une technologie émergente et nouvelle. Nous avons constaté que le niveau d’optimisme en ce qui concerne la captation du carbone est trop élevé. C’est un des exemples de notre rapport d’hypothèses quant à la modélisation : on est peut-être trop optimiste. Cela peut avoir un effet sur la réduction des émissions de GES, mais il est encore trop tôt dans l’évolution de la technologie pour connaître le taux de diminution des émissions qu’on pourrait attribuer à la captation du carbone.
[Traduction]
La sénatrice Miville-Dechêne : Si je peux me permettre d’être un peu plus précise à cet égard : disposez-vous de chiffres ou de pourcentages qui nous montrent combien d’émissions peuvent être captées à l’aide de la technologie à laquelle nous avons accès à l’heure actuelle?
M. DeMarco : Compte tenu de la technologie disponible à l’heure actuelle, ce nombre est plutôt limité. Je n’ai pas de chiffre exact à vous donner, mais nous avons constaté que le chiffre figurant dans le plan était trop optimiste. Nous n’avons pas tenté de le remplacer par notre propre chiffre parce qu’il y a trop d’incertitude dans ce domaine.
Nous pensons qu’en ce qui concerne la modélisation des émissions en général et ce plan en particulier, une approche prudente s’impose. Nous ne pouvons pas nous contenter d’espérer que les nouvelles technologies combleraient les lacunes actuelles. Nous devons nous appuyer sur les technologies existantes pour combler les lacunes et investir dans de nouvelles technologies susceptibles de faciliter la réalisation de l’objectif. Cependant, nous ne devons pas nous appuyer sur des technologies qui ne sont pas suffisamment avancées pour nous permettre de supposer qu’elles nous aideront à atteindre l’objectif.
Nous devons avoir un plan réaliste tout en investissant dans les nouvelles technologies, mais nous ne devons pas supposer que les nouvelles technologies feraient tout le travail sans être certains que ce serait le cas.
[Français]
La présidente : J’aimerais souhaiter la bienvenue au sénateur Boisvenu. Nous allons continuer avec nos questions.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Monsieur DeMarco, je vous félicite des rapports que vous avez publiés et de l’excellent travail que vous accomplissez. Vous apportez une évaluation objective et indépendante de ces questions cruciales. Vous indiquez que vous continuerez à reprendre ce refrain. Avez-vous l’intention de demander des comptes au gouvernement? Prévoyez-vous de le faire pendant des années ou des décennies?
Plus précisément, vous soutenez que la réussite est directement liée au leadership et à la prise de mesures ciblées et dynamiques. J’aimerais que vous formuliez des observations à propos de deux ou trois sujets. En ce qui concerne ce que sous-entendent clairement les performances du Canada depuis 1990 et 2005, pensez-vous que les mesures prises par le gouvernement dans le cadre du plan pourraient imposer un fardeau disproportionné à certains groupes afin d’atteindre l’objectif du plan?
Je tiens à souligner qu’en Saskatchewan en particulier, la SaskPower Corporation aura besoin d’environ quatre petits réacteurs modulaires et que leur mise en service exigera de 8 à 10 ans. Chaque réacteur coûte environ 5 milliards de dollars, ce qui veut dire que la société devra dépenser 20 milliards de dollars pour une population de 1,2 million d’habitants. Je crois que le gouvernement fédéral doit intervenir et commencer à parler de la nécessité d’avoir accès à de telles sommes.
Les infrastructures manquent en Saskatchewan. À l’heure actuelle, des millions de kilomètres de lignes électriques couvrent un vaste territoire de terres arables. Si un plus grand nombre de séchoirs à grains électriques et de véhicules électriques, ou VE, sont utilisés, l’infrastructure électrique sera mise à rude épreuve. Quelles mesures doivent être prises dès maintenant pour réaliser ces investissements et atteindre ces objectifs? Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?
J’ai une dernière question à vous poser, au cas où vous auriez l’occasion d’y répondre : récemment, un débat sur la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre a eu lieu au Sénat. J’ai soutenu que le grand public ne comprenait pas très bien certains de ces enjeux. Lorsque vous parlez de leadership et de mesures ciblées et dynamiques, quel rôle l’éducation joue-t-elle, selon vous, dans la sensibilisation du grand public à la véritable crise que nous vivons? Je ne suis pas sûr que le grand public canadien comprenne la crise. Avez-vous des observations à formuler à ce sujet? J’aimerais vraiment entendre ce que vous avez à dire à ce sujet, monsieur.
M. DeMarco : D’accord, je vais faire de mon mieux pour répondre à la plupart de ces questions, sénateur Arnot. Pour commencer, vais-je continuer à chanter ce refrain? Oui, en ce sens que j’ai l’intention de continuer à rendre compte des progrès ou de l’absence de progrès réalisés en matière de changement climatique, jusqu’à la fin de mon mandat. La nouvelle Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité m’oblige à commencer à le faire, à la fin de l’année prochaine et tous les cinq ans, mais je me suis engagé à commencer à le faire un an plus tôt en publiant ce rapport et à le faire chaque année jusqu’à ce que le Canada ait renversé la tendance.
Même si je continue à entonner un refrain, j’espère que ce refrain sera différent, et j’espère des progrès seront réalisés. Je ne dis pas que nos efforts sont voués à l’échec parce que nos performances antérieures ont été très médiocres. Si nous infléchissons la courbe et atteignons ces objectifs, mes rapports deviendront plus positifs, mais je continuerai à faire état de ces résultats. Voilà la réponse à votre première question.
En ce qui concerne la question de l’équité et des répercussions disproportionnées, il s’agit d’un thème abordé dans deux de nos rapports, qui n’ont pas été déposés cette fois-ci, mais plutôt la fois précédente. Ainsi, nos rapports intitulés La tarification du carbone — Environnement et Changement climatique Canada et Une transition équitable vers une économie à faibles émissions de carbone traitent des répercussions disproportionnées de la tarification du carbone sur, par exemple, les communautés autochtones ou les petites entreprises, ainsi que du fardeau disproportionné imposé aux particuliers comparativement aux industries, par exemple, compte tenu des diverses exclusions dont bénéficient les industries tributaires du commerce. Et l’ensemble du rapport intitulé Une transition équitable met principalement l’accent sur ces questions liées à la main-d’œuvre et aux collectivités.
Dans la présente série de rapports, nous abordons la question de l’infrastructure pour les véhicules à émission zéro. En particulier, les communautés rurales, éloignées, autochtones et à faible revenu ne bénéficient pas du même degré d’attention, même par habitant, que les régions déjà bien desservies. Les questions d’équité sont reprises dans tous les rapports publiés par notre bureau, qu’ils émanent de la vérificatrice générale ou de moi-même, dans le cadre de l’engagement que notre bureau a pris en faveur de l’équité, de la diversité et de l’inclusion, ainsi que des objectifs de développement durable, qui se rapportent également à ces questions.
L’investissement dans les technologies était l’un des autres enjeux. Le Canada doit absolument faire ces investissements, mais comme je l’ai mentionné en réponse à la question précédente, nous ne devrions pas nous contenter d’espérer que ces investissements comblent l’écart de 40 à 45 % lié aux autres éléments manquants du plan. Nous disposons déjà de technologies, notamment dans les domaines des énergies renouvelables et de la conservation de l’énergie, qui peuvent combler l’écart si nous sommes prêts à les utiliser. De plus, nous pouvons investir dans des technologies qui porteront fruit plus tard, c’est-à-dire probablement après 2030. Nous devons travailler des deux côtés du grand livre.
Ce sont les trois aspects dont je me souviens. Je ne sais pas s’il y en avait un quatrième.
Le sénateur Arnot : Il s’agissait du pouvoir de l’éducation et du fait que les gouvernements fédéral et provinciaux n’ont pas élaboré de plans d’éducation ou de communication solides pour garantir une bonne compréhension de la crise et de la nécessité de changer de paradigme.
M. DeMarco : Je vous remercie du rappel. Je savais que j’avais ouvert ce document à cette page pour une certaine raison.
Notre rapport de 2021, intitulé Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier des changements climatiques, comporte huit leçons, qui sont toutes pertinentes pour certains aspects de votre question. Je résumerai simplement la 5e leçon de notre rapport de 2021 en disant que la sensibilisation du public au défi climatique est un levier essentiel pour réaliser des progrès à cet égard.
Le gouvernement peut mettre en œuvre autant de mesures qu’il le souhaite, mais si la société canadienne ne souscrit pas à ces mesures — car il s’agit d’un problème qui concerne l’ensemble de la société et qui nécessite une solution mettant à contribution l’ensemble de la société —, ces mesures n’auront pas d’effet durable. La société s’élèvera contre elles, et elles seront abrogées. Il est essentiel d’assurer l’éducation et la sensibilisation du public. Nous avons noté dans notre rapport de 2021 que même si la connaissance du changement climatique a augmenté au Canada depuis la convention sur le climat de 1992, nous accusons toujours, relativement parlant, un retard par rapport à certains des autres pays en ce qui concerne le degré de sensibilisation de la population.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie de la réponse complète que vous m’avez donnée. Je vous en suis reconnaissant, et je vous remercie de l’excellent travail que vous accomplissez. Je vous prie de ne pas relâcher vos efforts.
Le sénateur Wells : Je remercie les membres du groupe de témoins de leur présence et du bon travail qu’ils réalisent. Ma question porte sur le paragraphe 22 de votre déclaration, qui indique que le Canada est le seul pays du G7 à n’avoir réalisé aucune réduction des émissions depuis 1990. Comment cela a-t-il été mesuré? J’aimerais parler un peu plus de ce résultat après avoir entendu votre réponse. S’agit-il des émissions par habitant, ou des émissions totales? Quelle est la mesure utilisée?
M. DeMarco : La mesure est illustrée dans la pièce suivante de notre rapport, et il s’agit de la variation en pourcentage des émissions totales de gaz à effet de serre dans chaque pays. Voilà la mesure que nous utilisons, bien que le Canada soit également à la traîne en ce qui concerne les émissions par habitant. Nous n’abordons pas cette mesure dans ce rapport, mais nous l’avons fait dans d’autres rapports. Dans le tableau, la variation en pourcentage des émissions totales par rapport à l’année de référence de 1990 est illustrée en bleu. Les émissions du Canada augmentent depuis 1990, alors que celles de tous les autres pays du G7 diminuent.
Si l’on utilise l’année de référence plus récente de 2005, on constate en gris foncé que le pourcentage de variation de tous les pays du G7 a diminué au moins un peu, mais c’est celui du Canada qui a diminué le moins. Que l’on se réfère à 1990 ou à 2005, le Canada occupe la dernière place dans les deux cas en ce qui concerne le pourcentage de variation des émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Wells : Le pourcentage de variation est la réponse que je recherchais. Qu’en est-il des émissions totales — non pas la variation en pourcentage, mais les émissions totales? Où se situe le Canada par rapport aux pays du G7?
M. DeMarco : Pour ce qui est du G7, il faudrait que je vous fournisse cette information plus tard. Au cours des 10 à 20 dernières années, nos émissions totales se situaient généralement entre le 10e et le 12e rang à l’échelle mondiale, ce qui est quelque peu surprenant étant donné que nos émissions relatives à notre population se classent généralement entre le 35e et le 40e rang, c’est-à-dire près du classement de l’Ukraine ou du Maroc. Nous produisons beaucoup d’émissions par rapport à notre population.
Le sénateur Wells : C’est là un autre sujet de discussion, mais je n’accorde pas beaucoup d’importance au nombre d’émissions par habitant, car lorsque nous examinons la Chine ou l’Inde, qui ont des populations massives et des émissions massives, notre classement est médiocre par rapport à ces pays. Selon moi, cette mesure n’a pas de sens.
Mais je précise encore une fois que c’est un sujet dont nous pourrons discuter une autre fois.
M. DeMarco : Il est clair que chaque pays doit faire sa part, et certains pays ont une incidence plus importante que d’autres en fonction de leurs émissions totales et de leur population. Étonnamment, même si le Canada se classe au 37e ou 38e rang du point de vue de sa population, ses émissions ne sont pas négligeables; elles se situent probablement entre le 10e et le 12e rang à l’échelle mondiale.
Le sénateur Wells : Cela représente encore 1,5 % des émissions mondiales.
M. DeMarco : Oui, le chiffre cité oscille habituellement entre 1,5 et 1,6 %.
Le sénateur Wells : Au cours de votre déclaration préliminaire, vous avez parlé du passage d’un parc de véhicules à essence à un parc de véhicules électriques, ce que je qualifierais de « mesures importantes », mais ce sont peut-être des mesures plus symboliques. Dans quelle mesure votre vision est-elle globale lorsque vous examinez ce que le Canada fait ou pourrait faire, par exemple, par rapport aux plus grandes causes d’émissions mondiales comme, évidemment, la Chine, l’Inde et les États-Unis en tant que nations, mais aussi les volcans, les incendies de forêt, les guerres et les émissions de l’industrie du transport aérien, qui ont une énorme incidence sur les émissions mondiales? Nous prenons ces petites mesures qui sont importantes, mais qui ont peut-être un effet plus important d’un point de vue symbolique. Quel est votre point de vue à ce sujet? Selon moi, nous devons avoir une vision globale de la situation. Nous devons faire notre part, mais nous devons aussi examiner l’effet que nos mesures ont à l’échelle mondiale.
M. DeMarco : Il est essentiel que nous apportions notre contribution. C’est un problème qui concerne l’ensemble de la société, mais aussi l’ensemble de la planète, étant donné qu’il y a environ 200 pays et des gouvernements infranationaux. Presque n’importe quel État peut se dire que s’il participe aux efforts, mais que les autres ne le font pas, il ne se passera rien d’important. C’est la nature des choses pour une planète qui est divisée en autant de pays. Le Canada n’est pas le plus gros émetteur, mais il n’est pas non plus un émetteur sans importance et il faudra une mobilisation collective à laquelle chaque pays devra participer. Si les pays ne s’attaquent pas aux grands émetteurs ou aux grandes sources d’émissions liées aux combustibles fossiles en particulier, comme le charbon dans d’autres pays — ce n’est pas un problème aussi important qu’auparavant au Canada —, alors tout cela ne servira à rien. L’idée de la Conférence des Parties, qui vient de s’achever il y a deux jours aux Nations unies, est d’essayer de rassembler tout le monde pour éviter une tragédie des biens communs, car chaque État ou chaque gouvernement infranational peut se considérer comme ayant peu d’importance et non comme étant la partie principale du problème puisque, forcément, avec un si grand nombre d’États, aucun pays ne peut résoudre le problème à lui seul. Cela ne doit pas nous amener à ne pas agir; cela doit nous amener à agir collectivement.
La présidente : Puisque vous en parlez, puis-je vous demander d’expliquer quels sont les indices de rendement du Canada en fonction des politiques actuelles et des contributions déterminées au niveau national?
M. DeMarco : Dans le cadre de l’Accord de Paris, qui constitue le dernier document important sur le changement climatique à l’échelle internationale, depuis Rio de Janeiro en 1992 jusqu’à Kyoto, Copenhague et ainsi de suite, une approche différente a été adoptée par rapport aux autres accords. On y a fixé une cible concrète, soit une limite de la température mondiale : de préférence 1,5 degré Celsius et, au maximum, 2 degrés Celsius. Ainsi, au lieu de s’intéresser uniquement aux émissions, on s’est penché sur le résultat concret, à savoir limiter le réchauffement de la planète à, de préférence, 1,5 degré Celsius. Puisque nous sommes déjà à 1,1 ou 1,2 degré Celsius, nous sommes déjà en danger. Dans le cadre de l’Accord de Paris, chaque pays s’est fixé une cible en matière d’émissions. C’est ce qu’on appelle la CDN, ou contribution déterminée au niveau national. Le Canada a fixé une première cible après Paris et l’a revue à la hausse pour atteindre une réduction de 40 à 45 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’année de référence 2005.
C’est sur cette base que nous mesurons les choses. Notre bureau examine l’engagement qu’a pris le Canada sur le plan des contributions déterminées au niveau national qui sont définies à l’échelle internationale et dans les engagements nationaux et détermine dans quelle mesure nous sommes près d’atteindre cette cible de 40 à 45 %.
C’est la cible actuelle. Mais comme je l’ai mentionné, elle a été revue à la hausse par rapport à la précédente. Compte tenu du bilan mondial qui a eu lieu cette semaine aux Nations unies, il est concevable que le Canada subisse des pressions pour augmenter sa CDN. C’est une autre raison pour le Canada de trouver d’autres mesures pour réduire ses émissions, parce que la cible actuelle est de 40 à 45 %. La prochaine fois qu’une CDN sera établie pour le Canada, elle pourrait se situer dans une fourchette de 50 à 60 %.
La présidente : Merci.
[Français]
Le sénateur Massicotte : J’ai un commentaire qui sera suivi d’une question. Regardons les choses sous l’œil d’un particulier comme moi, qui habite à Montréal. Je possède une voiture électrique et j’aimerais pouvoir la recharger quand je suis à Ottawa. En cherchant dans toute la région, je n’ai trouvé que quatre endroits. Au Westin, il y en a plusieurs dans le stationnement partagé avec le centre commercial. Toutefois, on espère, à notre arrivée, qu’une borne sera disponible ou que la voiture qui l’occupe n’y sera pas pour quatre ou cinq heures. J’en ai trouvé une dans le stationnement d’à côté, mais elle n’était pas fonctionnelle. Il y en a une autre en rentrant en ville en venant de Montréal.
J’ai été étonné de voir que dans la capitale, pour un visiteur ou pour nous qui arrivons d’une autre ville, il n’y a que quatre endroits. On voit un manque de leadership et je trouve cela incroyable. Je tenais juste à partager ce commentaire.
Votre examen vise toutes les stations de recharge incluant celles de sociétés et du gouvernement. Pour un touriste ou une personne de l’extérieur qui cherche un stationnement où il est possible de recharger sa voiture, je trouve la situation étonnante.
On a eu une discussion tantôt avec mes collègues au sujet de la technologie du captage et stockage de carbone (CSC), à savoir où elle est rendue. Il y a des opinions extrêmes sur le sujet. J’ai fait des lectures là-dessus. On n’est pas certains, d’après mes lectures, si cela va bien fonctionner. Il y a quelques cas où cela fonctionne, mais c’est très inefficace, et il y a des compagnies de pétrole qui disent qu’elles ont y arriver, qu’elles connaissent cela, qu’elles ont beaucoup d’expertise. Il y a plusieurs personnes qui soutiennent cette opinion, dont Bill Gates.
Selon vous, même si c’est complexe, quelle est la solution? Est-ce que la solution est le CSC? C’est la seule chose dont on parle. On dirait qu’il n’y a pas d’autres solutions. Où sommes-nous rendus dans tout cela?
M. DeMarco : Le potentiel est là pour ce qui est de la technologie. Sera-t-il possible, sur le plan économique, d’obtenir une technologie commune partout? Je ne sais pas. J’aimerais vous dire que le plan est trop optimiste en ce qui concerne le CSC et que le chiffre doit être X plutôt qu’Y, mais je ne sais pas. Comme je l’ai dit, il faut investir et se servir des technologies qu’on a pour relever nos défis.
Parallèlement aux investissements dans les nouvelles technologies, on ne peut pas être certains qu’elles seront la solution. Il faut faire les deux choses en même temps. C’est une question plutôt philosophique. Si on est optimiste, on va dire que oui, le CSC sera la solution; si on est pessimiste, on va dire que non, il n’y a pas de technologie et d’analyse économique qui démontrent que cela fonctionne. Je ne sais pas si le CSC sera la solution. Je pense qu’il y aura un effet, mais je ne sais pas jusqu’à quel point.
Le sénateur Massicotte : Étant donné qu’il y a un risque assez important en ce qui a trait aux connaissances ou aux technologies ou quoi que ce soit, selon mon expérience, il faut établir un partenariat avec certaines entreprises, car l’industrie est bien plus connaissante que nous quant à sa capacité de gérer cela ou d’innover.
Si c’est le cas, généralement, il faudra trouver un moyen pour dire à l’industrie, qui est très connaissante et qui cherche, par exemple, 15 à 18 milliards de dollars, que c’est bien de dépenser l’argent des autres, mais que si elles sont tellement convaincues que c’est valable, on va participer beaucoup si vous fournissez un gros pourcentage de l’argent. Je comprends qu’il y aura des subventions, mais il faut que les industries embarquent. Si ça ne marche pas, elles seront les premières à se retirer; il faudra établir un partenariat gagnant-gagnant sinon, il n’y aura pas d’argent.
M. DeMarco : Comme je l’ai mentionné au sujet de l’hydrogène il y a un ou deux ans, devant ce comité — et merci pour le très bon rapport sur le sujet, je l’ai lu —, il ne s’agit pas de choisir le gagnant avant de savoir que la technologie sera fiable et qu’elle pourra s’intégrer partout dans l’économie. Il faut choisir des solutions dont on sait déjà qu’elles fonctionneront et en même temps, investir dans les nouvelles technologies.
Toutefois, on ne peut pas seulement dire que l’hydrogène, le CSC ou le nucléaire sera la solution; il y aura une multitude de solutions. Il ne s’agit pas d’en choisir seulement une et de mettre tous nos investissements dans la solution qu’on a choisie. Il faut déployer tous les efforts qu’on peut et se concentrer sur les technologies qu’on a pour atteindre la cible de 2030. La nouvelle technologie ne sera pas mise en place à temps pour atteindre la cible de 2030.
Le sénateur Massicotte : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Sorensen : Il est dommage qu’il n’y ait pas de solution miracle. Ce serait très utile.
Le gouvernement du Canada a reconnu qu’il était de son devoir de prendre en compte la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones lorsqu’il élabore des plans de réduction des émissions. Dans votre rapport, vous avez constaté que les groupes autochtones ont soulevé des problèmes au sujet du processus de consultation. Notamment, l’Assemblée des Premières Nations a fait remarquer qu’on n’avait pas assez de temps pour fournir des observations pertinentes et que le plan de 2030 ne prenait pas pleinement en compte les normes de la déclaration. Dans le cadre de mes travaux en comité, j’ai souvent l’occasion de discuter de ce qu’on entend exactement par « consultation des Autochtones », car cela diffère d’un cas à l’autre. Je vous pose ma question. Quelles mesures le gouvernement devrait-il prendre pour relever ce défi, à votre avis?
M. DeMarco : Dans un esprit de réconciliation et dans le contexte des objectifs de développement durable en ce qui a trait aux collectivités autochtones, il est essentiel que le Canada remplisse ses obligations à cet égard — son obligation de consulter et ses obligations fiduciaires à l’égard des peuples autochtones. Qu’est-ce que cela signifie pour chaque consultation? C’est une échelle. Tout dépend de l’ampleur des effets, de l’existence ou non d’un traité, etc. Pour une question aussi importante que celle-ci, parce que la crise climatique est l’un des plus grands défis auxquels l’humanité est confrontée et parce qu’un certain nombre de collectivités autochtones se trouvent dans des zones qui seront touchées de manière disproportionnée — par exemple, le réchauffement est plus rapide dans le Nord du Canada que dans le Sud et plus on va vers le nord, plus la proportion d’Autochtones est élevée, comme vous le savez —, il est d’autant plus important de mener de véritables consultations et de ne pas se précipiter pour établir un plan ou une mesure.
Cela semble s’opposer au caractère urgent de la lutte contre le changement climatique, et il y a donc des objectifs divergents. Nous devons agir rapidement, mais nous devons aussi le faire correctement. Est-il impossible de faire les deux en même temps? Je ne pense pas. Si la volonté de mener de véritables consultations est présente, alors une mesure peut être mise en œuvre relativement rapidement, mais le caractère urgent ne doit pas être utilisé pour laisser de côté le processus de consultations ou ne pas tenir compte des populations vulnérables et des collectivités autochtones.
La sénatrice Sorensen : Merci. D’après le contenu de votre rapport et vos observations, qui ne constituent certainement pas de bonnes nouvelles, vous comprenez manifestement très bien les enjeux. Encore une fois, ma question en est une d’ordre général. D’après votre expérience, que recommandez-vous pour garantir un certain succès au cours des sept prochaines années? Sur quoi le gouvernement doit-il se concentrer? Quelles sont les premières choses que nous devrions faire pour essayer d’obtenir des résultats plus positifs que ceux que nous voyons maintenant?
M. DeMarco : C’est une excellente question. C’est l’une des questions que je me suis posées lorsque j’ai commencé à exercer mes fonctions de commissaire en 2021, ce qui a mené à la publication de ce rapport intitulé Leçons tirées. D’une manière générale, je répondrais à cette question de la même manière que je l’aurais fait en 2021. Nous devons faire les huit choses qui sont énoncées dans ce rapport. Ce sont des éléments généraux basés sur les thèmes du leadership, de la collaboration, de la sensibilisation du public et ainsi de suite.
Nous pourrions également examiner les choses d’un autre point de vue, à savoir par secteur. Notre récent rapport contient un graphique qui indique dans quels secteurs les effets sont les plus importants au chapitre des émissions et dans quels secteurs nous devons axer nos efforts. Si je devais en choisir deux, je dirais ceux du pétrole et du gaz et des transports. Si nous parvenions à réduire les émissions dans ces deux secteurs, qui représentent à eux seuls 50 % de l’ensemble des émissions au Canada, nous ferions des progrès considérables.
Dans le secteur du pétrole et du gaz en particulier, les émissions ont tellement augmenté depuis 1990 qu’elles ont étouffé les progrès qui ont été accomplis dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie lourde, des déchets, etc.
Si nous pouvions infléchir la courbe dans le secteur du pétrole et du gaz et dans celui des transports, je dirais qu’il s’agirait là des deux plus grandes priorités sectorielles, avec tous les éléments intangibles qui figurent dans notre rapport Leçons tirées, comme le leadership.
La sénatrice Anderson : Merci aux témoins.
Monsieur DeMarco, vous avez dit qu’il faut un plan réaliste. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous vivons les effets du changement climatique, qu’il s’agisse des inondations, des incendies, de l’élévation du niveau de la mer ou de la fonte du pergélisol. Nous ne sommes que trop conscients des événements qui se produisent parce qu’ils nous touchent.
Certains des plans proposés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont irréalistes. Comme vous le savez, dans le Nord, nos infrastructures sont désuètes et nous dépendons du pétrole et du gaz. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons 21 collectivités accessibles par avion. Au Nunavut, les 25 collectivités ne sont accessibles que par avion. Les types de véhicules dont nous avons besoin pour répondre à nos besoins sont des camions conçus pour nos routes, qui sont des routes de gravier, non pavées, et qui sont exposées aux intempéries et aux tempêtes. L’aspect sécurité des véhicules est très important.
L’utilisation de véhicules électriques dans le Nord n’est pas réaliste. Je ne conduirais pas un tel véhicule dans les Territoires du Nord-Ouest, indépendamment du fait que je ne vois pas de chargeurs nulle part. Par exemple, sur la route reliant Inuvik et Tuktoyaktuk, le concept de véhicule électrique n’est absolument pas réaliste. Il faut tenir compte des éléments. Il y a des tempêtes. Il y a des fermetures de routes. Il y a des animaux sur la route. Les véhicules électriques ne correspondent tellement pas à notre réalité. Il est très préoccupant de voir que l’on continue à préconiser cette solution sans tenir compte des réalités auxquelles nous sommes confrontés dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.
Je voudrais seulement mentionner quelque chose au sujet des pompes à chaleur. Les Territoires du Nord-Ouest se sont penchés sur les pompes à chaleur et ont constaté qu’elles n’étaient pas efficaces en raison du froid. Le coût de l’électricité est quatre fois plus élevé dans les Territoires du Nord-Ouest que dans le reste du Canada. Les Territoires du Nord-Ouest ne sont pas en mesure de procéder à un passage à grande échelle vers les pompes à chaleur en raison de leur capacité électrique. Nous ne disposons pas de l’infrastructure qu’il faut pour augmenter la capacité pour les pompes à chaleur.
En outre, nous vivons des phénomènes météorologiques extrêmes, de sorte que la livraison des carburants dont les collectivités ont absolument besoin ne peut se faire par le fleuve Mackenzie. Ils doivent être acheminés par avion jusqu’à nos collectivités, ce qui entraîne des coûts supplémentaires et une utilisation accrue de pétrole et de gaz, simplement pour qu’elles obtiennent le pétrole et le gaz dont elles ont besoin pour survivre pendant l’hiver.
Je vous pose donc ma question. Compte tenu de ce que j’ai dit, pouvez-vous expliquer en quoi les plans tiennent compte des réalités du Nord et incluent la consultation des Autochtones, particulièrement dans les trois territoires? Merci
M. DeMarco : Merci pour la question. C’est un excellent exemple de la raison pour laquelle une approche universelle ne fonctionnera pas dans un pays aussi diversifié que le Canada, tant sur le plan géographique que sur le plan culturel.
Je reprendrai l’exemple que vous avez donné au début, à savoir les véhicules sans émissions. C’est vrai pour toutes les raisons que vous avez évoquées. Il y a en plus le fait que, généralement, dans les collectivités accessibles par avion, la source d’électricité est une génératrice. En branchant un véhicule sans émissions dans une collectivité où l’on utilise une génératrice au diésel pour produire de l’électricité, on ne fait que déplacer les émissions; on ne les réduit pas. C’est pourquoi nous mentionnons dans notre rapport que, dans le cas du Nunavut, par exemple, rien n’indique dans l’immédiat qu’il faille passer à des véhicules sans émissions, parce qu’on ne fera que déplacer les émissions du tuyau d’échappement vers la génératrice. Tous les problèmes opérationnels dont vous avez déjà parlé seront encore présents.
C’est pourquoi il faut adopter une approche sur mesure lorsqu’il s’agit de la transition pour les véhicules, le chauffage résidentiel, les collectivités qui dépendent de l’extraction des ressources — toutes ces choses doivent être examinées par le gouvernement fédéral, mais mises en œuvre d’une manière qui soit adaptée aux besoins des collectivités. Si vous ne le faites pas, pour chaque élément, vous vous aliénerez différents groupes de collectivités qui sont touchées de manière disproportionnée. Par conséquent, cela suscitera beaucoup de mécontentement à l’égard des mesures de lutte contre le changement climatique dans leur ensemble.
Je suis tout à fait d’accord pour dire que les véritables consultations dont j’ai parlé précédemment avec la sénatrice Sorensen doivent avoir lieu. Il s’agit d’éviter que ne soient imposées des approches universelles qui pourraient n’avoir aucun effet net sur l’environnement, par exemple, pour les collectivités accessibles par avion qui utilisent des génératrices, et qui pourraient avoir des répercussions disproportionnées sur celles dont on attend qu’elles changent leur comportement pour s’adapter à l’approche universelle.
Il est possible de régler tous ces problèmes, mais les solutions dans le Nord du Canada seront probablement bien différentes de celles qui seront mises en place à Vancouver, à Montréal et à Toronto, où il est assez facile de passer à un véhicule sans émissions ou à l’utilisation d’une pompe à chaleur, par exemple.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie du travail que vous faites. C’est tellement important, en particulier pour les Premières Nations et les Inuits.
Je vais parler des Premières Nations du Manitoba qui vivent dans des collectivités touchées par l’hydroélectricité. Nous ne partons pas tous du même point. Les Premières Nations vivent déjà dans une situation d’inégalité en raison des effets négatifs cumulatifs de l’hydroélectricité. En tant qu’entité, Manitoba Hydro n’a pas pris en compte, de manière significative, les répercussions du débit des eaux dans les collectivités et la destruction de l’habitat et des structures de gouvernance des Premières Nations.
Ainsi, lorsque j’examine toutes les variables qui doivent être prises en compte dans la transition rapide, il y a le coût des véhicules et des bornes de recharge. Il y a la géographie, l’énergie pour soutenir les réseaux et l’exploitation liée aux batteries qui sont propres aux Premières Nations. Les répercussions sont plus importantes pour elles que pour les gens du Sud. Ensuite, il y a le poids d’une batterie, qui est énorme, ce qui cause des problèmes.
Nous cherchons à moderniser des immeubles à logements multiples, des maisons unifamiliales, des parcs de stationnement, des bateaux et des motoneiges et à transformer le réseau électrique et son intégrité. Tout cela se passe sur des terrains très différents et difficiles, dans des conditions météorologiques extrêmes en raison du changement climatique.
Comme je l’ai dit, l’emplacement des barrages a été un problème. Aujourd’hui, dans trois provinces, on nous dit que les barrages hydroélectriques actuels ne seront pas en mesure d’alimenter tout ce qui s’en vient. On veut plus de barrages, ce qui signifie plus de destruction. Nous avons également des barrages vieillissants.
Quand on voit tout ce qui s’en vient... Je travaille avec les Premières Nations du Manitoba. Elles tentent de se pencher sur ce problème, mais personne ne les écoute. Elles n’ont pas pu faire progresser les choses.
Comment le bilan des répercussions négatives sera-t-il pris en compte si nous envisageons de causer encore plus de dégâts en raison de ce changement dont les gens parlent?
M. DeMarco : Je vous remercie de la question. C’est un bon rappel du fait que les sources d’énergie à émissions faibles ou nulles ne sont pas synonymes de répercussions faibles ou nulles.
Lorsque je tranchais des différends entre des collectivités et le gouvernement au sujet de nouvelles installations de production d’électricité, c’est un point qui était soulevé, soit que ces installations génèrent non seulement de l’électricité, mais aussi des conflits et d’autres problèmes. Même les énergies propres ont des effets. Ces effets peuvent ne pas concerner le changement climatique, mais ils peuvent concerner les emplois locaux, les inondations, la destruction de l’habitat et d’autres choses du genre. Toutes les formes de production d’énergie ont un effet quelconque.
C’est notamment pour analyser les problèmes que vous venez de soulever et ceux mis au jour par la sénatrice Anderson et vous-même lors de mes comparutions devant le comité au cours des dernières années que nous avons convenu d’entreprendre deux nouveaux audits dont les rapports seront rendus publics au cours de la prochaine année. L’un de ces audits porte justement sur les sites contaminés dans les territoires, et nous espérons pouvoir en publier les résultats l’an prochain. En outre, nous commençons un audit sur les minéraux critiques et les batteries pour étudier le fait qu’une solution à un problème peut avoir des effets néfastes par ailleurs. Nous devons considérer l’ensemble de la situation, plutôt que d’adopter une approche trop restreinte qui nous donne l’impression de trouver une solution au problème ciblé, mais qui en fait en crée un autre par ailleurs. C’est le risque que nous courons avec les minéraux critiques et les batteries. Si nous voulons faire trop vite en essayant de réduire nos émissions de cette façon, nous pourrions causer toutes sortes d’autres problèmes. C’est une équation plutôt complexe.
Je ne connais pas très bien ces projets de Manitoba Hydro dont vous parlez. Nous sommes un organisme fédéral qui ne peut pas mener d’audit au sujet d’une société d’État provinciale. Vous pourriez toutefois saisir directement de la question le bureau du vérificateur général du Manitoba pour voir si quelque chose pourrait être fait.
Pour ce qui est des problèmes touchant un endroit précis pour lequel il y a un certain niveau de responsabilité fédérale, il y a aussi la possibilité de lancer une pétition, un processus dont j’ai traité brièvement dans mes observations préliminaires. C’est un autre outil à la disposition des Canadiens qui souhaitent mettre un ministre au fait d’un problème d’importance dont le caractère plus ciblé échappe au mandat de notre bureau. Nous nous intéressons plutôt à un programme dans son ensemble ou à des questions d’ordre plus général.
Pour revenir au principal enjeu que vous avez soulevé, toute solution à la crise climatique est susceptible d’entraîner différents problèmes liés à la biodiversité, à la vie des collectivités et aux moyens de subsistance pour les Autochtones. Nous devons trouver des solutions qui seront avantageuses pour tous, comme celles qui sont fondées sur la nature elle-même et qui ont énormément la cote à l’heure actuelle, plutôt que des solutions qui vont faire des perdants en ayant des répercussions positives dans un créneau très étroit, mais un effet net plutôt négatif lorsqu’on considère l’ensemble de la situation.
La sénatrice McCallum : Ces terres dont je parle sont des terres autochtones pour les Autochtones. On parle dans ce contexte d’une responsabilité fédérale. C’est là où je veux en venir. Les gens ne cessent de dire que l’hydroélectricité est une forme d’énergie propre et verte. Ce n’est pourtant pas le cas. C’est très frustrant. Pourquoi s’exprimer ainsi alors que cette énergie n’est ni propre ni verte — en tout cas, pas pour les Premières nations. Pourquoi le gouvernement le répète-t-il sans cesse?
M. DeMarco : Je dirais que c’est une question de degré. À titre d’exemple, une centrale au fil de l’eau a des impacts relativement limités comparativement à un grand barrage. Celui-ci a pour sa part moins de répercussions sur l’environnement qu’une centrale au charbon, sans compter que les émissions provenant d’une telle centrale et les effets qui en découlent sont complètement différents de ce qui peut émaner d’un barrage.
Comme je n’utilise pas moi-même ces qualificatifs, je ne ressens pas nécessairement le besoin de m’en faire le défenseur. Si vous analysez les choses uniquement du point de vue climatique — ce qui me semble être une mauvaise idée —, alors vous pouvez voir comment les installations énergétiques carboneutres ou à faibles émissions peuvent être considérées comme étant vertes. En revanche, si vous optez pour une analyse plus complète, vous devez choisir les emplacements de ces installations de manière à minimiser les répercussions possibles sur les collectivités et la biodiversité.
Tout cela nous ramène à une question qui, malheureusement, retient moins l’attention au Canada qu’au moment où nous vivions une crise énergétique. Il s’agit du fait que nous devrions aussi viser la conservation de l’énergie, plutôt que de nous contenter de présumer que la demande va demeurer stable et qu’il nous suffit d’ajuster l’offre en conséquence. Nous devons en outre mettre tout en œuvre pour accroître l’efficacité énergétique de manière à réduire la demande, plutôt que de simplement redistribuer l’approvisionnement pour que les niveaux de demande demeurent constants.
Dans bien des cas, la conservation de l’énergie est une mesure économiquement viable et abordable qui est susceptible de causer moins de problèmes que la volonté incessante de toujours pouvoir compter sur un plus grand nombre de nouvelles installations énergétiques à grande échelle.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Encore une fois, je m’excuse de mon retard.
Je partage entièrement l’opinion de ma collègue la sénatrice McCallum. Lorsqu’on parle d’hydroélectricité comme énergie propre, je pense qu’il s’agit d’un mythe. On l’a toujours comparée à ce qui était le plus polluant, entre autres le charbon. Cependant, les impacts de l’hydroélectricité sur la faune et la flore sont mal pris en compte lorsqu’on développe ce type d’énergie.
Je veux revenir à un autre sujet, soit la COP28. Il y a deux éléments que je retiens de la COP28, la première étant la réhabilitation de l’énergie nucléaire. La COP28 a ouvert cette porte qui avait été fermée par les écologistes il y a plusieurs années. On ne parle plus d’élimination progressive des combustibles polluants, mais on parle maintenant de réduction progressive. Sur le plan philosophique, c’est très important.
J’aimerais vous poser deux questions. Premièrement, selon vous, la réhabilitation du nucléaire est-elle une voie positive pour la réduction des GES, entre autres, considérant quand même que 50 % des GES sont produits par l’industrie du transport?
Deuxièmement, on parle maintenant de réduction progressive et non d’élimination progressive de l’utilisation, entre autres, des énergies comme le gaz naturel. Je pense aux pays les plus polluants : l’Afrique du Sud, la Chine et certains pays européens qui ont réintroduit le charbon dans la production de l’hydroélectricité à cause du conflit en Ukraine. Si l’on considère cela, le Canada ne devrait-il pas faire la promotion de son gaz naturel? Nous détenons d’énormes réserves de gaz naturel; lorsqu’on parle d’élimination progressive, ne serait-ce pas une bonne façon de remplacer le charbon, qui est très polluant, par le gaz naturel, qui l’est moins? Ce sont mes deux questions.
M. DeMarco : Merci de vos questions. Ce choix appartient au gouvernement fédéral, aux provinces et aux entités telles les sociétés d’État du domaine de l’énergie à savoir si l’énergie nucléaire fera partie de la transition des combustibles vers d’autres sources d’énergie. Je ne sais pas. Je ne dispose pas d’études ou de résultats d’audit sur la question de l’utilisation de l’énergie nucléaire parmi les différentes sources d’énergie.
Nous avons publié un audit sur l’aménagement des déchets de l’industrie nucléaire il y a un an, mais il ne m’appartient pas de déterminer si la meilleure solution est l’énergie nucléaire, l’hydrogène ou l’énergie solaire. Ce sont des questions qui doivent être posées au gouvernement.
Pouvez-vous répéter votre deuxième question?
Le sénateur Boisvenu : Je parlais du changement philosophique qui s’est opéré au sein de la COP28. On ne parle maintenant plus d’élimination, mais de réduction progressive.
Je vous demandais votre avis au sujet des pays qui ont réintroduit le charbon dans la production d’électricité. C’est le cas de la France, entre autres, ainsi que de l’Afrique du Sud, qui est un des pays les plus polluants en raison de l’usage du charbon pour produire son hydroélectricité. Le Canada ne devrait-il pas faire la promotion de son gaz naturel comme substitut à l’utilisation du charbon, afin de tenter d’accélérer cette réduction progressive qui est le nouveau vocabulaire utilisé par la COP28?
M. DeMarco : En effet, il y a un débat au sujet des sources de transition. À long terme — j’aime penser à 2030 ou 2050 et non pas seulement à demain ou l’année prochaine —, il faut limiter le déplacement du carbone sous la terre, sous les océans et dans l’atmosphère. C’est une question scientifique. Si on continue d’avoir un déplacement net du carbone qui est actuellement stocké sous la terre vers l’atmosphère, la planète va se réchauffer. On ne peut ignorer cette réalité.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Demarco, je comprends tout à fait cela, mais ce n’était pas l’objet de ma question. À la COP28, qui rassemble plusieurs intervenants de la planète, on ne parle plus d’élimination progressive de l’usage des ressources — le gaz et le pétrole, entre autres. On parle maintenant de réduction progressive.
Actuellement, ce qui pollue le plus sur la planète, c’est le charbon. Si on compare le charbon au gaz naturel, il s’agit d’un niveau de pollution de 1 à 10. N’y aurait-il pas lieu, dans les pays qui utilisent beaucoup le charbon, de remplacer cette source d’énergie par le gaz naturel? Ainsi, on aurait un effet net de réduction des GES sur la planète en entier, et ce, beaucoup plus rapidement.
Je pense notamment à la Chine, qui produit 30 % des émissions sur la planète. C’est un gros producteur et un gros utilisateur de charbon. N’y aurait-il pas lieu de remplacer le charbon rapidement par le gaz naturel, puisqu’on aurait un effet net de réduction des GES, entre autres? Ma question est très claire et très pointue.
M. DeMarco : En effet, pour beaucoup de pays, les sources d’énergie de transition sont nécessaires. On ne peut pas, du jour au lendemain, remplacer tout le charbon en Chine, en Inde, en Afrique du Sud par des sources renouvelables, comme l’hydroélectricité, par exemple. Alors, il faut une transition, et ces sources d’énergie auront un rôle à jouer, même si ce sont des combustibles et qu’elles ne sont pas renouvelables. Cela se fera au moyen d’une transition. En effet, ce n’est pas quelque chose qu’on peut changer du jour au lendemain.
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente : Toutes ces mesures dont nous parlons exigent du financement. Il faut prendre l’argent versé pour les combustibles fossiles et s’en servir pour s’attaquer à tous les problèmes soulevés aujourd’hui.
Vous avez effectué un audit sur le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF. Vous avez alors constaté que le BSIF considère qu’il ne fait pas partie de son rôle de contribuer à l’atteinte des grands objectifs climatiques du gouvernement du Canada. Le bureau ne met donc pas l’épaule à la roue pour appuyer le gouvernement comme le font les autres instances réglementaires qui prennent activement les mesures qui s’imposent pour nous permettre de faire cette transition. Considérez-vous que le mandat actuel du BSIF ne s’inscrit pas suffisamment dans la lignée des engagements du gouvernement concernant le changement climatique? En quoi cela influe-t-il sur le rôle du BSIF dans son analyse des gestes posés par les secteurs des banques, de l’assurance et des pensions dans le contexte climatique?
M. DeMarco : Merci pour la question. Je ne saurais trop insister sur les liens de plus en plus importants qui unissent le climat, la biodiversité et les différents secteurs financiers. C’est ce qui a motivé non seulement notre audit sur le BSIF dont vous avez parlé, mais aussi celui que nous avons fait sur l’hydrogène, un enjeu à la fois environnemental et économique.
À ce titre, je dois porter à l’attention du comité un rapport de Mme Hogan, notre vérificatrice générale, qui a aussi été rendu public en novembre à la suite de son audit sur la Directive en matière d’évaluation environnementale et sociale pour Exportation et développement Canada, ou EDC, un autre intervenant dans le domaine des finances.
Grâce à cet audit, notre bureau a constaté que la Directive en matière d’évaluation environnementale et sociale est appliquée pour traiter un très petit nombre des transactions financières effectuées par Exportation et développement Canada, et que cette société continue de financer des sources de fortes émissions. Parallèlement à son soutien accru pour le secteur des énergies renouvelables, EDC maintient son aide pour des projets touchant des ressources non renouvelables.
Tout cela témoigne de la nécessité de prendre en considération simultanément les enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Ce n’est pas à moi qu’il revient d’interpréter le mandat confié au Bureau du surintendant des institutions financières. Celui-ci considère que son mandat est plus restreint que ce que l’on peut observer en Europe, comme dans les quelques exemples que nous avons donnés dans notre rapport d’audit. C’est la façon dont le BSIF interprète son mandat.
Maintenant que le BSIF est assujetti à la Loi fédérale sur le développement durable, il ne peut plus simplement s’en remettre à sa propre loi-cadre pour guider ses actions. Il doit tenir compte du rôle que lui confie la Loi fédérale sur le développement durable, parce qu’il doit contribuer à la solution pangouvernementale que cette loi est censée mettre de l’avant.
Est-ce que le BSIF pourrait en faire davantage pour écologiser son approche en matière financière? Oui, cela ne fait aucun doute. Notre rapport contient d’ailleurs certaines recommandations en ce sens, dans les limites de notre mandat. Il faut cependant aussi se demander si le Parlement et le gouvernement souhaitent revoir le mandat du BSIF, d’EDC ou des autres organisations qui ont peut-être considéré jusqu’à maintenant que les enjeux liés au climat et à la biodiversité se situaient en marge de leur sphère de responsabilité. Il faudra donc voir si le Parlement juge nécessaire d’apporter d’éventuels changements législatifs pour imposer une vision plus large des mandats respectifs de ces différentes institutions qui sont désormais censées contribuer à l’approche pangouvernementale mise en œuvre par le Canada pour assurer le développement durable et protéger l'environnement.
La présidente : Je rentre tout juste de la COP 28 à Dubaï. On parle notamment d’une sous-évaluation pour ces institutions financières des risques liés au changement climatique pouvant découler par exemple des phénomènes météorologiques extrêmes et de leur effet destructeur. Nous vivons maintenant de tels événements tous les ans au Canada, et chacun d’eux nous coûte des milliards de dollars. C’est un risque qui est sous-évalué, mais qui se concrétise très rapidement, presque de façon exponentielle.
À quel point sommes-nous en danger si nous ne tenons pas compte de l’évolution très rapide du climat et de ces événements météorologiques extrêmes qui laissent les secteurs touchés encore plus vulnérables qu’ils l’étaient déjà?
M. DeMarco : Vous évoquez ici l’un des deux facteurs de risque dont nous traitons dans notre rapport sur le BSIF. Il y a des risques physiques pour les infrastructures, les moyens de subsistance et la survie des gens lorsque nous sommes touchés par des inondations, des dômes de chaleur, des incendies de forêt et toutes ces catastrophes dont nous avons été victimes. Il est tout aussi important de considérer les risques associés à la transition lorsqu’il s’agit de s’adapter à un nouvel environnement réglementaire prévoyant notamment la tarification du carbone et possiblement des mécanismes d’ajustement à la frontière pour le carbone, autant d’autres éléments qu’il faudra prendre en considération un jour ou l’autre.
Nous avons pu constater certains progrès au BSIF dans la foulée de nos recommandations que nous avons formulées. Le mandat actuel du bureau lui permet de prendre en considération les risques matériels, qu’ils soient reliés ou non au changement climatique. Nous leur avons recommandé en quelque sorte d’en faire davantage pour la prise en compte de ces risques dans le cas des institutions sous réglementation fédérale.
Nous avons donc pu voir certains progrès depuis la sortie de notre rapport non pas parmi ceux qui ont été rendus publics en novembre dernier, mais avec la série précédente. Il reste à voir si cela sera suffisant et si le BSIF souhaitera interpréter différemment son mandat ou en demander un nouveau de manière à pouvoir s’intéresser dans une perspective plus large à la question du climat.
Les risques physiques et les risques associés à la transition augmentent d’année en année. Nous pouvons voir certains domaines, comme celui des assurances, en prendre pleinement conscience au point d’en faire l’un de leurs secteurs d’activité. On ne sait pas encore si des secteurs comme les banques et les régimes de pension comptent en faire autant dans une mesure équivalente.
La présidente : Merci. Nous avons encore du temps pour un second tour de questions avec deux sénateurs.
Le sénateur Wells : J’allais poser une question au sujet des pêches, mais je vais y renoncer pour plutôt poursuivre dans le sens de celles posées par la sénatrice Anderson et de votre commentaire quant à l’impossibilité pour le Canada d’adopter une approche unique compte tenu de la grande diversité économique et culturelle de notre pays, notamment quant aux ressources à exploiter, aux besoins à combler et aux vulnérabilités à prendre en compte.
Vous avez indiqué que les hydrocarbures et le transport comptent pour la moitié des émissions du Canada, et j’en déduis que des mesures d’atténuation pourraient être recommandées à la lumière de cette proportion très élevée. Établissez-vous une distinction à cette fin entre, d’une part, l’Alberta et la Saskatchewan avec leurs émissions découlant de l’utilisation de la chaleur pour séparer le pétrole des sables bitumineux, et, d’autre part, l’extraction extracôtière au large de Terre-Neuve pour laquelle aucune séparation n’est requise? Le pétrole est extrait là-bas sans qu’on ait à le transformer davantage, ce qui réduit considérablement les émissions. De fait les seules émissions produites par cette activité seraient celles nécessaires pour le torchage, une question de sécurité, plutôt qu’un problème de pollution.
M. DeMarco : Nos rapports ne sont pas détaillés à ce point, mais il s’agit certes d’un enjeu d’importance dont les décideurs doivent tenir compte, car il est question essentiellement ici de l’intensité carbone de l’extraction et, au besoin, de la valorisation de la matière extraite. Il y a des organisations, comme Carnegie si je ne m’abuse, qui ont établi l’empreinte carbone des différentes formes d’extraction de l’énergie. Si je me souviens bien — et les analystes pourront peut-être éclairer les sénateurs à ce sujet —, le pétrole brut de l’Athabasca, soit celui tiré de l’une des trois principales sources de sable bitumineux en Alberta, a une empreinte carbone très élevée du fait que d’énormes quantités de gaz naturel sont requises simplement pour son extraction, puis pour sa transformation en un produit pouvant être transporté par oléoduc ou raffiné.
Il y a donc effectivement des niveaux d’empreinte carbone associés aux différentes sources pétrolifères, comme dans l’exemple que je viens de vous donner. Cependant, le Canada comptabilise uniquement les émissions qu’il produit à l’intérieur de ses frontières. Ainsi, nous nous intéressons de près à la très grande intensité carbone de l’extraction à partir des sables bitumineux, mais nous ne devrions pas oublier que le pétrole ainsi produit est consommé ailleurs dans le monde. C’est une considération importante dans le contexte de la transition vers la carboneutralité à l’échelle planétaire. Nous devons comprendre que même si nous en étions encore à la belle époque des puits à jaillissement spontané de la Californie qui n’exigeaient à peu près aucune énergie pour l’extraction, ce pétrole serait tout de même consommé par ailleurs pour se retrouver dans l’atmosphère, ce qui contribuerait au réchauffement climatique mondial. Il faut que cela soit pris en considération. Nous devons nous affranchir du recours aux combustibles fossiles tout en nous assurant de passer pendant la période de transition des sources à forte intensité carbone à celles dont l’intensité carbone est moindre.
Nous devons nous demander ce qu’il advient en définitive du pétrole qui est extrait. Si celui-ci est brûlé, torché ou évacué dans l’atmosphère, il y a une incidence sur le réchauffement climatique mondial, et ce, même si l’empreinte carbone du processus d’extraction n’est pas très élevée. Il y a assurément une différence relative, et je vous recommanderais de consulter le graphique sur l’intensité carbone des différentes sources, du pétrole brut de l’Athabasca jusqu’aux autres solutions.
Le sénateur Wells : C’est ce que je vais faire, et je vais aussi essayer de retracer le rapport de Carnegie. Il est possible que je vous demande de l’aide si je n’y arrive pas.
Lorsque nous évaluons les émissions du Canada, nous négligeons de tenir compte de la combustion finale, n’est-ce pas? Lorsque nous affirmons que le Canada est à l’origine de 1,5 % des émissions planétaires, nous parlons uniquement de ce qui se passe à l’intérieur de nos frontières, et pas en aval.
M. DeMarco : Tout à fait. Nous l’avons d’ailleurs souligné dans notre rapport de 2021 sur les Leçons tirées. Si l’on considère le portrait d’ensemble, les émissions de gaz à effet de serre du Canada sont beaucoup plus élevées que celles prises en compte aux fins de l’Accord de Paris, car celui-ci s’applique uniquement aux émissions à l’intérieur des frontières nationales, et non à celles qui sont exportées, lesquelles sont comptabilisées pour les pays consommateurs. Cette façon de faire a été retenue afin d’éviter un comptage en double. Cela camoufle toutefois le fait que n’importe quelle forme d’extraction de combustibles fossiles, même lorsque le processus utilisé est plutôt écologique et a une empreinte carbone réduite, a tout de même un effet sur le changement climatique une fois que le pétrole est exporté et brûlé dans une chaudière ou dans un véhicule ailleurs dans le monde.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais poursuivre sur la même voie que mon collègue le sénateur Wells. Le Canada est-il le seul pays à mesurer ses émissions en se limitant à ses frontières et en excluant l’empreinte, ou est-ce le système international qui suit l’Accord de Paris? En refaisant ses calculs, est-ce que le Canada pourrait avoir un système différent des autres? J’essaie de comprendre ce que vous proposez.
M. DeMarco : Tous les pays qui ont ratifié l’Accord de Paris utilisent le système de comptabilité en fonction du lieu des émissions, pour éviter de compter chaque émission deux fois s’il y a un transport de combustible transfrontalier.
Le système de comptabilité, c’est une chose, mais décider d’investir dans le défi global de la transition vers d’autres énergies renouvelables, c’est un choix. Même si le Canada a un système de comptabilité, il a le choix d’investir dans de nouvelles sources d’énergie, dans des pipelines ou dans de nouveaux projets d’extraction; c’est un choix.
On peut considérer un projet de manière globale même si la comptabilité des émissions se fait comme on en a convenu dans le cadre de l’Accord de Paris.
[Traduction]
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez indiqué ne pas vouloir vous prononcer sur le genre de pétrole que l’on devrait privilégier pour les activités d’extraction au Canada, mais pourquoi ne le faites-vous pas quand on sait que le processus utilisé d’une part est plus écologique et que le but est de s’affranchir de cette forme d’énergie le plus rapidement possible?
M. DeMarco : Ce sont des choix que le gouvernement doit faire. Il va de soi que si le Canada privilégie ou priorise les sources à faibles émissions par rapport à celle dont les émissions sont plus élevées, il améliore ses chances d’atteindre ses cibles, ce qui est notre objectif à tous.
Comme chacun le sait, dans le cas des sables bitumineux, nous utilisons une source de combustibles fossiles, le gaz naturel, pour extraire un combustible de plus grande valeur, le pétrole. Il y a des émissions aussi bien pour l’extraction que pour la combustion finale, sans compter les émissions fugitives associées au gaz naturel. Ces sources d’énergie ont donc une empreinte double, alors que d’autres, comme le recours direct au gaz naturel, évitent ce dédoublement. C’est pour cette raison que je disais tout à l’heure qu’il y a différents degrés d’empreinte carbone associés aux diverses sources d’énergie.
Le Canada se retrouve dans la situation où il est maintenant en raison des efforts considérables qu’il a déployés pour favoriser l’extraction des sables bitumineux, mais aussi des subventions qu’il verse à cet égard depuis un bon moment déjà. Le Canada doit maintenant composer avec la dure réalité. Nous nous retrouvons parmi les grands émetteurs, et nous sommes le seul pays du G7 dont les émissions sont plus élevées maintenant qu’en 1990. C’est au gouvernement qu’il incombe de faire les choix qui s’imposent pour ce qui est des secteurs à réglementer davantage ou à subventionner. Il n’en demeure pas moins que nous nous sommes placés en bien mauvaise posture en nous rendant aussi dépendants de combustibles fossiles à fortes émissions. Il est difficile de s’en affranchir tout en atteignant nos cibles, et c’est ce qui rend la situation si problématique au Canada.
La présidente : Merci énormément. Je vais bientôt lever la séance, mais je demanderais à mes collègues de ne pas partir précipitamment. Le commissaire souhaiterait inviter tous les membres du comité à demeurer en place pour une séance d’échanges informels de 45 minutes où nous pourrons discuter du travail de son bureau et connaître le point de vue de chacun.
[Français]
Je remercie les sénateurs ainsi que notre témoin de leur participation aujourd’hui. La séance est levée.
(La séance est levée.)