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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 18 avril 2024

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.

Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Paul Massicotte, je suis un sénateur du Québec et je suis président du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

J’aimerais commencer par faire un petit rappel. Avant de poser des questions et d’y répondre, je demanderais aux membres du comité et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone et de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité qui se trouve dans la salle.

Je demanderais à mes collègues du comité de se présenter, en commençant par ma droite.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, du territoire du Traité no 7, en Alberta.

Le sénateur Arnot : David Arnot, du territoire du Traité no 6, en Saskatchewan.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

[Français]

Le président : Aujourd’hui, le comité poursuit son examen du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.

Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons M. Rueben George, membre de la Première Nation des Tsleil-Waututh et porte-parole de la Sacred Trust Initiative, par vidéoconférence; de l’Association communautaire de South Indian Lake, nous accueillons M. Leslie W. Dysart, président-directeur général.

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation.

Cinq minutes sont réservées pour vos allocutions d’ouverture. La parole est à vous, monsieur George. Vous serez suivi par M. Dysart.

[Traduction]

Rueben George, membre, porte-parole, Sacred Trust Initiative, Première Nation des Tsleil-Waututh : [mots prononcés en hən̓q̓əmin̓əm]

Bonjour. Je suis Rueben George. Mon nom traditionnel est Sxloose. Je viens de la Première Nation des Tsleil-Waututh. Nos noms nous ramènent directement à notre origine. Tsleil-Waututh signifie « peuple de l’eau ». Comme le disent la légende et l’histoire, nous venons de l’eau autour de Vancouver. C’est notre première mère.

Depuis des temps immémoriaux, nous avons été les gardiens de notre terre, l’avons protégée, en avons pris soin, l’avons cultivée et l’avons améliorée. Pendant 150 ans de colonisation, nous avons vu nos terres et nos eaux s’appauvrir, et être réduites à rien que nous ne puissions utiliser comme aliments. Des études ont montré que 80 % de notre régime alimentaire traditionnel proviennent de l’eau environnante, comme le révèle notre évaluation de 1 200 pages du pipeline TMX de Kinder Morgan. Rien n’est comestible maintenant, sauf le crabe pendant certaines parties de la saison. Il y a aussi le saumon, mais c’est parce qu’il ne reste pas dans les eaux lorsqu’il passe.

Nous avons vu le déclin et les effets qui se sont produits sur notre santé, mais nous continuons d’être des gardiens et de protéger ce que nous aimons.

L’industrie est présente, et où je suis, il y a une bande de 10 milles contenant six installations pétrolières différentes à grande échelle. L’une d’entre elles brûle et transforme du pétrole depuis plus de 90 ans — 365 jours par année, 24 heures sur 24. Ma tante est décédée, mais elle aurait eu 92 ans à l’heure actuelle, et elle n’a jamais vu cette flamme s’éteindre.

Juste en face de l’endroit où je suis assis, il y a le pipeline TMX. La probabilité d’un déversement est de plus de 80 %, mais même son existence pose problème. Dans n’importe quel autre port pétrolier du monde, tout ce qui se trouve en dessous meurt depuis toujours. En tant que gardiens de nos terres, nous avons vu le nombre de saumons dans notre rivière principale diminuer jusqu’à 6 000 pour toute l’année. Un jour l’an dernier, grâce à nos efforts de réhabilitation, nous avons eu 1,3 million de saumons dans la rivière au même moment.

Pour la première fois en 50 ans, nous avons réalisé une récolte de palourdes, parce que nous nettoyons le bras de mer. Nous avons réintroduit le wapiti dans nos territoires traditionnels. Nous avons commencé à ramener des loups, des grizzlis, des fleurs et à compléter cet écosystème. Tout cela a été ruiné à cause de décisions comme le pipeline. Comme je l’ai dit, les zostères juste à côté du terminal reviennent. Pour la première fois depuis des années, le hareng revient grâce à la réhabilitation. Les palourdes et les huîtres commencent à prospérer. Mais, comme je l’ai dit, tout meurt sous chaque port.

Lorsque des millions de dollars sont dépensés par le ministère Pêches et Océans Canada, ou MPO, et la Première Nation des Tsleil-Waututh pour la réhabilitation, il y a une grande divergence dans les décisions. Nous réduisons la pêche sportive et assurons la protection. Or, les mêmes décisions sont prises du côté de l’industrie. Nous savons la destruction et les ravages qui en découleront. Les efforts que nous avons déployés conjointement avec nos partenaires seront réduits à néant à cause de l’existence du pipeline.

Nous avons fait une analyse des déversements, notre évaluation de 1 200 pages et de multiples analyses économiques. Nous l’avons prouvé à la Cour d’appel fédérale. Ils ont même dit cette année : « Votre évaluation économique est juste, le Canada a tort, mais nous allons toujours nous ranger du côté des intérêts supérieurs du Canada. » C’est le genre de décisions qu’ils prennent.

Nous avons prouvé que la circulation des pétroliers va faire disparaître la population locale d’épaulards. Ils seront partis pour toujours. Nous l’avons aussi démontré. Dans la même affaire judiciaire, ils ont aussi dit : « Vous avez raison, mais nous allons nous ranger du côté des intérêts supérieurs du Canada. »

À une extrémité, nous travaillons avec le gouvernement pour améliorer ce que nous avons, protéger ce que nous avons, mais quand il s’agit de continuer à être des gardiens, c’est là que nous échouons. Le secteur industriel va décimer les écosystèmes que nous essayons de bâtir et de rétablir. C’est un énorme problème et une grande préoccupation.

Je suis ici pour appuyer le projet de loi C-226 afin que nous puissions cerner et résoudre ces problèmes, et que nous puissions travailler les uns avec les autres pour continuer à conserver Vancouver, qui est régulièrement désignée comme l’un des endroits les plus beaux et où il faut bon vivre au monde. C’est en raison de l’eau. C’est en raison des montagnes.

Il y a tellement de risques. Il ne s’agit pas de déterminer si un déversement se produira, mais à quel moment il surviendra. Il y a plus de 85 % de chance qu’un déversement se produise, et quand il aura lieu, un million de personnes seront malades, 500 000 oiseaux mourront. Trente ans après le déversement de l’Exxon Valdez, tout y est encore mort. Nous le savons.

À une époque de réconciliation, nous avons besoin de ce projet de loi pour aider le Canada à reconnaître nos droits de propriété et de gouvernance, nos droits culturels et spirituels, nos droits économiques et notre souveraineté alimentaire. Nous devons assurer la protection pas seulement pour nous, en raison du travail que nous avons fait sur le saumon, qui a permis de passer de 6 000 saumons à 1,3 million de poissons dans la rivière au même moment, ce qui profite à tout le monde. Une eau propre où nous pourrions pêcher la palourde profite à tout le monde. Nous réintroduisons des wapitis sur notre territoire. Ces décisions profitent à tous. C’est pourquoi ce projet de loi doit être adopté, afin que nous puissions protéger ce que nous aimons, et continuer à le faire alors que des rivières atmosphériques se forment.

Un jour l’an dernier, il y a eu plus de 250 incendies en Colombie-Britannique. L’accumulation de neige est inférieure à 65 %, ce qui signifie que les conditions seront plus sèches. Déjà à Prince George, une rivière s’est asséchée. Le saumon là-bas va mourir pour cette génération, cette année. Cinq cents espèces d’animaux, de plantes et d’insectes dépendent du saumon.

Avec les rivières atmosphériques, les inondations, les sécheresses et les incendies, nous n’avons pas besoin de plus de décisions qui nous mettront en danger, nous et la terre. Nous sommes ici depuis des temps immémoriaux, et nous n’allons nulle part. Ce projet de loi nous protégera pour nous assurer que nous puissions continuer à rester ici, avec nos invités qui se trouvent sur notre territoire, et continuer à être les gardiens de notre terre, à aimer et à profiter de la beauté de nos magnifiques terres du territoire Tsleil-Waututh.

Je vous remercie de m’avoir donné le temps de parler un peu. Il y a tellement plus de choses à dire. Si vous avez d’autres questions, je suis heureux d’y répondre. Comme je l’ai indiqué, nous avons fait des tonnes de travail pour arrêter ce pipeline : une analyse de 1 200 pages, une analyse des déversements, une analyse sur la propreté, de multiples études économiques et des tests de qualité de l’air, le tout basé sur la loi de la nation des Tsleil-Waututh, qui est la loi de notre culture et de notre spiritualité.

Je vous remercie beaucoup et je recommande que ce projet de loi soit adopté. Il permettra de réaliser de grandes économies et sera fort utile. Merci beaucoup.

Le président : Je vous remercie, monsieur George. Voulez-vous y aller, monsieur Dysart?

Leslie W. Dysart, président-directeur général, Association communautaire de South Indian Lake : Tansi, bonjour. Je suis Leslie Dysart. Je suis un chasseur, un pêcheur et un trappeur de South Indian Lake, et le PDG de l’Association communautaire de South Indian Lake. Ma communauté autochtone est située dans le Nord du Manitoba et était autrefois prospère.

Je suis ici pour exprimer mon appui au projet de loi C-226. Cette législation est nécessaire pour lutter contre le racisme environnemental qui sévit actuellement à l’égard des peuples autochtones et devrait être mise en œuvre le plus rapidement possible. L’engagement communautaire est essentiel et devrait être prioritaire. Nos voix doivent être entendues.

Je veux que le comité du Sénat comprenne que l’industrie ne devrait pas attendre le processus de présentation de rapports et que des mesures immédiates devraient être entreprises. Il est crucial que l’industrie — dans mon cas, il s’agit de Manitoba Hydro, qui est régi par le gouvernement provincial — entende et comprenne l’importance de ce projet de loi. Les décideurs doivent écouter et comprendre que leurs opérations en cours et leurs processus décisionnels historiques et actuels témoignent d’un racisme environnemental important. Notre histoire est un excellent exemple de la façon dont le racisme environnemental s’est manifesté depuis plus de 50 ans, et a eu des effets néfastes sur les peuples autochtones en plus d’enfreindre nos droits inhérents et protégés par la Constitution.

Ce racisme environnemental dont le Manitoba et Manitoba Hydro ont fait preuve depuis toujours et aujourd’hui encore n’a jamais été acceptable, et ne le sera jamais. Leurs actions incessantes doivent être contrées par des changements législatifs.

J’ai vécu chaque seconde de ma vie sous l’oppression de Manitoba Hydro à la suite du projet de dérivation de la rivière Churchill. Au début des années 1970, ma maison à South Indian Lake a été inondée par Manitoba Hydro à la suite de la dérivation. En 1973, Manitoba Hydro a obtenu une licence provisoire pour exploiter la dérivation de la rivière Churchill.

La licence provisoire a été accordée en vertu de la Loi sur l’énergie hydraulique de 1930, qui a été rédigée pour permettre à Manitoba Hydro de barrer les rivières et de produire de l’énergie sans tenir compte des répercussions sur les peuples autochtones et leurs terres. Depuis 1979, on permet à Manitoba Hydro de prolonger la durée de la licence provisoire et d’exploiter ses installations à l’extérieur de ses paramètres.

La structure de contrôle de Missi Falls a été construite au cœur de la nation et du lac pour barrer la rivière Churchill et manipuler le niveau d’eau du lac Southern Indian. Un chenal de dérivation a été creusé dans le bouclier précambrien pour détourner l’eau de manière non naturelle vers la partie inférieure du fleuve Nelson. Nous n’avions pas notre mot à dire sur la façon dont ces opérations étaient contrôlées, mais nous souffrons quotidiennement de leurs répercussions.

La dérivation de la rivière Churchill n’a jamais fait l’objet d’un examen environnemental, socioéconomique ou juridique. Les licences, la surveillance, la réglementation et les mesures d’atténuation pour réduire les dommages sont médiocres, manquent de surveillance, et sont franchement inexistantes la plupart du temps. Si elles sont mises en œuvre, ces activités sont dirigées par Manitoba Hydro et servent ses propres intérêts. Nos besoins, notre bien-être et nos priorités sont ignorés.

En 2021, Manitoba Hydro s’est vu octroyer une licence finale pour exploiter la dérivation de la rivière Churchill. Cette licence a été accordée sans que l’on ait tenu compte des droits ancestraux protégés par la Constitution et sans qu’on ait consulté les peuples autochtones au sujet de l’article 35.

En raison du racisme environnemental envers les peuples autochtones, nous avons été qualifiés de squatteurs sur les terres de la Couronne provinciale. Nos maisons ont été brûlées ou démantelées, et nos camps traditionnels, économiques et culturels ont été détruits. Nous avons été contraints de déménager de nos maisons traditionnelles et soumis à une structure gouvernementale étrangère. Nous n’avons plus le contrôle de notre propre destin.

Avant l’invasion de Manitoba Hydro, South Indian Lake était un symbole d’indépendance et de prospérité pour une communauté autochtone souveraine éloignée. Ma collectivité a subi et continue de subir de graves répercussions environnementales, économiques et sociales en raison des activités de la dérivation de la rivière Churchill. Notre collectivité, qui a toujours employé des centaines de pêcheurs, de collaborateurs, de travailleurs de l’industrie et leurs familles, ne peut aujourd’hui en accueillir que deux douzaines. Nous sommes maintenant en train de sombrer dans la dépendance, la perte de culture et de langue, les problèmes de santé, la toxicomanie et la violence qui en découle.

Depuis l’approbation de la dérivation de la rivière Churchill, le Manitoba et parfois le Canada n’ont pas tenu compte de ses répercussions sur l’intégrité écologique du lac South Indian et des peuples autochtones qui y vivent. La plupart de ces impacts auraient pu être évités si Manitoba Hydro et le gouvernement avaient réellement pris en compte l’incidence de leurs opérations et de leurs décisions sur la vie et les terres des peuples autochtones. J’espère toujours qu’avec l’adoption d’une loi comme celle-ci, on pourra éviter et même réparer les torts causés à ma collectivité. Ekosani, kinanâskomitin.

Le président : Je vous remercie, monsieur Dysart.

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie, et je souhaite la bienvenue à nos témoins qui sont ici aujourd’hui. Je voudrais revenir aux premiers principes de cette discussion. Je constate souvent un phénomène dans divers domaines — je le vois dans l’environnement et dans beaucoup d’autres. Nous créons des termes comme le « captage du carbone » et le « changement climatique », et nous passons vite à autre chose, puis les gens oublient de quoi il s’agissait, pourquoi le carbone est néfaste, pourquoi nous essayons d’en faire le captage, et ainsi de suite.

Je veux en venir à cette question du racisme environnemental. Pouvons-nous revenir à la case départ et définir le concept? Je vais paraphraser ici une définition de la Fondation canadienne des relations raciales, qui décrit le racisme environnemental comme une forme de racisme systémique, dans laquelle les politiques, les pratiques ou les actions relatives à l’environnement ont un impact disproportionné et négatif sur certains groupes. C’est une définition plutôt restreinte. Pourriez-vous nous donner votre idée de ce qu’est le racisme environnemental? Je vous demanderai de commencer, monsieur Dysart.

M. Dysart : Franchement, depuis le projet de dérivation de la rivière Churchill, nous avons été victimes de racisme environnemental. Grâce à certains de mes travaux et à mes recherches, il m’est apparu clairement que c’était devenu un projet d’arrogance et non de besoin de production d’électricité. Ce qu’on a dit à l’époque, lorsque la dérivation de la rivière Churchill a été proposée, est qu’elle n’aurait d’incidence que sur la petite bande indienne de South Indian Lake, et je crois que ce genre de raisonnement a persisté au cours des cinq dernières décennies.

Les actions entreprises par Manitoba Hydro par manque de surveillance du Manitoba sont presque toujours du racisme environnemental envers les peuples autochtones du Nord du Manitoba, et pas seulement envers ma collectivité. Il y a des dizaines de communautés touchées, mais nous sommes celle où les changements se font le plus sentir, et probablement la Première Nation à avoir reçu le moins d’aide.

Il y a eu une série d’accords et de programmes, mais ils sont déséquilibrés. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes les plus durement touchés. Or, la plupart de ces programmes ne sont pas mis en œuvre à South Indian Lake. Ce n’est que lorsque nous faisons entendre nos voix que les choses bougent, et c’est un processus très lent et inégal. En cette époque de prétendue réconciliation, ces mots sonnent très creux dans le Nord du Manitoba. Ces paroles sont prononcées, mais les actions qui sont posées avant, pendant ou immédiatement après celles-ci nous causent du tort. Aujourd’hui, en ce moment même, les actions d’Hydro Manitoba nous font du mal en raison du processus d’approbation laxiste du Manitoba.

Je sais qu’il ne s’agit pas d’une définition claire du racisme environnemental. Les actes qui sont dépeints, alors que les mots ne sont peut-être pas considérés, donnent lieu à du racisme. Ils n’ont pas à nous faire subir une telle chose. La plupart de leurs actions étaient évitables et auraient certainement pu être atténuées. Ils l’ont fait parce qu’ils le voulaient, et parfois par avidité.

Le sénateur Cardozo : Où se situe votre territoire de South Indian Lake, par rapport aux autres villes?

M. Dysart : Il est situé dans le Nord du Manitoba, à environ 75 milles aériens au nord-ouest de Thompson, à 310 kilomètres en voiture, sur la rivière Churchill, mais notre rivière a maintenant été détournée de façon inhabituelle dans la partie inférieure du fleuve Nelson.

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup et bienvenue à nos témoins. J’ai également le privilège de siéger au Comité des peuples autochtones. C’est une question que je pose couramment là-bas, et j’aimerais donc vous entendre tous les deux à ce sujet.

Le projet de loi met l’accent sur la consultation, puisqu’il devrait y en avoir. Comment les organismes communautaires et les membres de la collectivité peuvent-ils collaborer et conseiller au mieux le gouvernement fédéral? Ce que je demande vraiment, c’est de me donner une idée de ce à quoi devraient ressembler ces consultations. Je pose cette question parce que nous utilisons tellement le mot « consultation », « consultation des Autochtones », et il ne semble pas y avoir de modèle.

Je sais que nous avons un grand pays avec beaucoup de gens qui ont besoin d’être consultés, mais je pense simplement que nous et vous avons besoin de comprendre ce que signifie ce mot. Vous avez utilisé le terme « engagement communautaire », qui est, encore une fois, je pense, une chose différente. Je m’intéresse à votre point de vue sur ce que devrait être la consultation.

Le président : Voulez-vous commencer, monsieur George?

M. George : Je peux commencer par dire ce qui n’est pas de la consultation. Lorsque nous avons commencé cette lutte pour protéger nos terres et nos eaux contre le pipeline TMX, nous avions 40 minutes pour expliquer nos droits et nos lois à la Régie de l’énergie du Canada. Puis, en contrepartie, Steven Kelly était l’économiste qui a déposé 20 % de la demande de Kinder Morgan au nom de la société auprès de la régie, avant d’être embauché par celle-ci. Lorsque nous avons contesté ces éléments, un comité ministériel a été créé. Les décideurs ont dit : « Oh, nous avons embauché de bonnes personnes pour faire partie de ce comité », mais il s’agissait d’anciens employés de Kinder Morgan qui ont été embauchés à nouveau par la Régie de l’énergie du Canada. Comme je l’ai indiqué, nous avons réalisé une évaluation de 1 200 pages, une analyse des déversements et une analyse de la propreté, mais ces choses n’avaient pas d’importance quand on vous donne 40 minutes avec les meilleurs experts. Ils ne le feraient pas.

Quand nous avons soumis nos dossiers de toutes les recherches que nous avions faites, les juges — trois d’entre eux — ont pris des semaines à examiner le travail que nous avions fait. Il est si important de nous consulter sur les impacts environnementaux, spirituels, économiques et culturels, ainsi que sur la souveraineté alimentaire et la façon dont nous avons été touchés. La Constitution canadienne est censée protéger nos droits autochtones à l’égard de ces choses qui sont ignorées et piétinées, même par le système judiciaire. En ce qui concerne la dernière question, quand nous prenons la parole pour défendre nos croyances et dire ce que nous faisons, voici ce qu’il arrive. Mon cousin a immédiatement été condamné à 30 ans de prison pour avoir protesté contre la violence qui se produit chez les femmes assassinées et disparues. Nous devons protéger notre peuple et le rendre équitable et juste pour tout le monde et pas seulement punir les Premières Nations. Je vais m’arrêter ici.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie. Je vous en suis reconnaissante.

M. Dysart : Les expériences de M. George sont semblables aux miennes. La consultation — d’après mon expérience — n’a presque aucun sens au Manitoba. Le Canada est très absent de ces processus en ce qui concerne la réglementation et l’approbation des projets hydroélectriques du Manitoba. La seule fois que le Canada — par l’entremise du ministère des Pêches et des Océans, ou MPO — est venu faire des consultations sur le projet de la centrale électrique de Wuskwatim, les représentants sont venus pour une balade en bateau et un café, et ils sont ensuite partis. Apparemment, nous avons été « consultés ».

La consultation doit signifier quelque chose. Il doit y avoir des règles du jeu équitables et pas seulement une liste de contrôle des visites ou une distribution d’information. Je suis désolé de dire que je suis probablement l’une des personnes les plus consultées dans le Nord du Manitoba en ce qui concerne les projets hydroélectriques parce que, honnêtement, cela ne veut rien dire. Les décideurs ne font que partager de l’information. Ils ne se soucient pas vraiment de ce que nous avons à dire. Ils ne tiennent pas compte des impacts environnementaux, qui sont flagrants. Ils arrivent avec des conclusions et des hypothèses prédéterminées. Dans la plupart des cas, d’après mon expérience, ils prennent nos renseignements et élaborent des arguments et des justifications afin d’aller de l’avant sans ajuster les projets.

Nos voix doivent être entendues, mais elles doivent aussi être respectées. Il devrait y avoir un échange réciproque pour la communication d’informations et les changements aux projets. Les communautés devraient être consultées dès le coup d’envoi, et non après 10 ans de déversement de béton dans les rivières. C’est mon expérience. Ces projets sont presque toujours pratiquement terminés avant même le début de la consultation. S’il y a des pressions pour ne pas réaliser le projet, on répond que « Oh, trop d’argent a été dépensé. » C’est courant. Ce n’est pas par hasard.

La consultation doit être concrète et des ajustements doivent être apportés en fonction de nos connaissances écologiques traditionnelles. C’est nécessaire pour qu’il y ait un équilibre. C’est l’élément-clé : il doit y avoir un équilibre.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie. Vos réponses sont ce que nous entendons continuellement.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je continuerai sur la même voie. Je suis évidemment choquée et aussi surprise par le processus du projet de dérivation de la rivière Churchill. Je viens du Québec. En 1975, il y a eu un énorme traité — il y a longtemps — entre les Cris, les Inuits et le gouvernement du Québec sur le projet de la baie James. Je ne dis pas que c’était parfait, mais il impliquait beaucoup d’argent à l’époque et c’était assez historique.

Quelle est la différence ici? Avez-vous signé des documents qui vous ont apporté une certaine aide, ou s’il ne s’agissait pas d’un traité? J’ai compris ce que vous avez tous dit, mais y avait‑il une indemnisation réelle? Que pouvez-vous me dire à ce sujet?

M. Dysart : La « Paix des Braves » est ce à quoi vous faites référence dans le projet de la baie James. La Paix des Braves, bien qu’elle ne constitue pas une entente, un règlement ou une indemnisation sans faille, est très différente de ce qui se passe au Manitoba. Ma collectivité de South Indian Lake, qui était au cœur du projet de dérivation de la rivière Churchill, s’est vu refuser ce qu’on appelle la Convention sur l’inondation des terres du Nord, ce que les gens ont appelé le « traité moderne », qui a été signé en 1977, essentiellement la même année que l’achèvement du projet. Notre communauté n’a pas été autorisée à participer à ce processus. On nous a refusé l’appui nécessaire pour dialoguer avec le Canada et le gouvernement. Nous avons été laissés à nous-mêmes, et avons dû utiliser nos propres ressources pour réclamer une indemnisation.

Le Manitoba — sous toutes réserves — a retiré du financement à ma collectivité parce que nous nous sommes opposés au projet. En gros, ils nous ont dit : « Nous ne vous fournirons aucun financement pour cela, mais nous discuterons de l’indemnisation. » Nous ne pouvions pas parler d’indemnisation lorsque nous ne comprenions pas pleinement les effets et les impacts du projet. Ils se poursuivent. Ce n’était pas un événement unique. Il y a eu 51 ans de dommages environnementaux et sociaux pour ma communauté.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie de cette précision. Tout dépend aussi de la durée et de la façon dont le processus s’est déroulé.

Comment ce projet de loi — s’il est adopté — vous aidera-t-il? C’est ce que nous appelons un cadre. Il n’y a pas d’obligations en tant que telles. Qu’en pensez-vous? Peut-être que les deux témoins peuvent répondre, si nous avons le temps.

M. Dysart : Tout d’abord, le Canada a été absent de notre collectivité pour ce qui est des projets hydroélectriques du Manitoba. Il a disparu de notre communauté à la fin des années 1980. Il faut le ramener au dialogue et à la discussion. C’est un aspect.

De plus, ce projet de loi exposera — j’utiliserai le mot « exposer » — les actions de Manitoba Hydro et, parfois, du gouvernement du Manitoba, qui sont vraiment du racisme environnemental. Ce sont deux choses très importantes qui doivent se produire.

Oui, il s’agit d’un cadre, mais je crois que c’est un cadre important pour aller de l’avant afin d’exposer le racisme environnemental et de lutter contre celui-ci. Je crois qu’il y aura une incidence positive. Encore une fois, je souligne au comité sénatorial qu’un message doit être envoyé à l’industrie. Il ne faut pas attendre. Des solutions existent. Elles devraient être immédiates et significatives. Cela enverrait un message fort.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie.

M. George : Je suis d’accord avec ma collègue et amie du Québec. Je suis entièrement d’accord. Ce que je voudrais ajouter à cela, c’est la Première Nation des Tsleil-Waututh. En un sens, nous sommes prêts et capables de répondre à ces besoins et de trouver des ressources. Nous avons dépensé des millions de dollars pour protéger nos terres contre le pipeline Trans Mountain, ou TMX, de Kinder Morgan. Il a fallu beaucoup de travail pour faire les évaluations, et travailler avec des scientifiques, des économistes et des biologistes marins de renommée mondiale. Mais certaines nations ne sont pas prêtes à cela. Certaines continuent de s’occuper des effets de la colonisation et de l’héritage des pensionnats sur nos communautés.

Dans certaines nations nordiques du Canada, les problèmes qui touchent l’environnement sont transmis à la génération suivante parce qu’elles n’ont peut-être pas la capacité de s’en occuper autant que nous. Ce projet de loi aiderait ces nations à protéger ce qu’elles veulent et ce que nous voulons, comme ma relation avec le Québec. Nous voulons protéger ce que nous aimons, et nous disons que nos actions profitent à tous : tout le monde gagne quand nous gagnons.

Quand l’industrie entre en jeu et qu’elle gagne, nous perdons tous, surtout l’environnement et les gens qui en ont été les gardiens. Lorsqu’un déversement se produit, nous ne partons pas. Nous sommes ici depuis des temps immémoriaux, et nous n’allons nulle part. Je pense que le projet de loi aidera les nations qui ont besoin d’aide. Il leur donnera une voix plus forte, qu’elles n’auraient pas eue. Il n’y a pas si longtemps, nous étions dans la même position. La population de Tsleil-Waututh est passée de 20 000 à 13 000 personnes. Ma mère est la 62e personne. Quand elle était plus jeune, nous étions encore en train de guérir. Si la réconciliation signifie quelque chose, elle pourrait nous orienter vers une véritable réconciliation, où nous nous asseyons ensemble pour régler nos problèmes ensemble. Il faut écouter les Premières Nations et écouter nos droits à la terre que la Constitution canadienne est censée protéger.

Avec le glyphosate, par exemple, on enverra une lettre une fois par année disant : « Nous allons faire une pulvérisation sur votre territoire. » S’il n’y a pas de réponse, ou si elle est enterrée dans un tas de courriel, les décideurs vont de l’avant et font ce qu’ils veulent. Mais ils ont fait l’effort. Il s’agit le plus souvent de cocher une case. Ils prennent déjà leur décision et n’écoutent pas les faits que nous présentons en tant que nation, avec tout le travail que nous avons fait avec l’analyse et les études — il leur suffit de cocher une case. Les choses ne devraient pas se passer ainsi. J’espère et je sais que ce projet de loi réglera ce problème. Merci.

Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins. J’ai quelques questions et elles sont pour chaque témoin, en général.

Pensez-vous que le projet de loi C-226 présente des faiblesses? Est-ce qu’il y a des choses qui, selon vous, devraient être renforcées dans ce projet de loi, et sur lesquelles nous pourrions nous prononcer? J’aimerais vraiment savoir ce que vous pensez parce qu’il s’agit uniquement d’un cadre.

Une grande partie de la mesure concerne la responsabilité du gouvernement. Je ne sais pas si vous en êtes conscients, mais je pense qu’il y a un lien. La Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, comporte un plan d’action que le ministère de la Justice a présenté. Si vous êtes au courant de cela, c’est bien. Si ce n’est pas le cas, j’aimerais que vous y jetiez un coup d’œil parce que je pense que cela pourrait vous aider à répondre, car j’y vois un lien réel. Il s’agit de créer un mécanisme relatif à la surveillance, ou des mécanismes qui permettraient aux peuples autochtones d’avoir accès à des mesures de réparation de façon beaucoup plus musclée et immédiate qu’actuellement. C’est le point 19 du Plan d’action de la Loi relative à la DNUDPA. Je dis cela afin de faire progresser la responsabilisation.

Je pense que vous en avez déjà parlé, mais c’est l’idée que la réconciliation nécessite des actions. Je pense qu’il existe un principe énorme de réconciliation que nous pouvons lier aux questions que vous avez soulevées sur le racisme environnemental.

J’aimerais entendre les deux témoins réagir à ces questions.

M. Dysart : Le Canada est vaste, vers l’est, l’ouest et le nord, et de nombreuses collectivités et territoires ont des impacts différents. Quelque chose doit commencer. Il est beaucoup trop tard. Nous devons commencer maintenant, immédiatement.

Mon éducation secondaire remonte à plusieurs années, mais je comprends en quelque sorte le processus qu’un projet de loi suit à la Chambre et au Sénat. Toutefois, lorsque des modifications sont apportées à des projets de loi qui ont été adoptés, ils doivent parfois revenir en arrière, ce qui signifie généralement qu’ils échouent. En tant que personne autochtone qui a fait face à des impacts quotidiens toute ma vie, il est frustrant de voir quelque chose de positif juste arrêter. Il permet le statu quo afin que l’industrie pollue et cela a un impact sur les populations autochtones. Je suis sûr que chaque projet de loi comporte des faiblesses, mais nous ne devrions pas tomber dans le piège et tenter de le rendre parfait alors que l’industrie en est au statu quo.

Je propose que le Sénat aille de l’avant et présente d’autres projets de loi au besoin. Comme je l’ai dit plus tôt, le message doit être fort, clair et immédiat pour l’industrie, à savoir que cela n’est pas acceptable et qu’il faut changer maintenant. Je crois que l’adoption du projet de loi enverrait ce signal.

Je ne suis pas très au courant de la DNUDPA, comme on peut s’en attendre dans une petite communauté où je porte beaucoup de chapeaux. C’est un terrain de jeu injuste à chaque fois. L’industrie contrôle habituellement les processus au Manitoba et les finance. En tant que simples citoyens dans les collectivités éloignées, nous n’avons pas le même accès aux ressources, même à certaines connaissances pour être ici. Vous pouvez consacrer beaucoup de temps et d’efforts. L’industrie est passée à autre chose et a tenu des réunions à huis clos, si je peux me servir de cet exemple. Nous sommes toujours en train de rattraper le retard.

Il faut prendre des mesures concrètes, importantes et immédiates pour régler la question de la réconciliation. Je crois que tout le monde comprend cela. Agissons en conséquence. Allons de l’avant. S’il y a des faiblesses, réglez-les au fur et à mesure que vous avancez. Ne vous arrêtez pas, et ne reculez pas.

M. George : Il y a certainement un lien entre la réconciliation, le projet de loi et la DNUDPA parce que ce que nous expliquons, c’est que nous ne sommes pas entendus.

Par exemple, même en cour, quand nous avons expliqué ces faits, ils ont dit : « Vous avez raison concernant l’économie et les épaulards, mais nous allons toujours nous ranger du côté des intérêts supérieurs du Canada. » Ce n’était pas dans l’intérêt supérieur de tout le travail que nous avons accompli.

Je suis d’accord pour dire que c’est un début. Vous dites que la DNUDPA mentionne les mêmes choses que nous. La DNUDPA contient des éléments précieux et positifs que nous pourrions intégrer à ce que nous faisons alors que nous allons de l’avant. Ce projet de loi est un bon début, mais vous donnez des exemples qui pourraient l’améliorer. Je sais que nous le ferions aussi assurément. Je sais que beaucoup de nations feraient de même. Il doit être favorable à la fois pour notre environnement, pour notre peuple et pour les générations futures.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie.

La sénatrice MacAdam : Je remplace aujourd’hui la sénatrice McCallum au comité. Je pose des questions qu’elle a préparées pour que les deux témoins y répondent.

Dans les exemples que vous nous avez donnés au sujet de vos terribles expériences de vie sous les entreprises d’extraction de ressources, en tant qu’Indiens vivant sur des terres indiennes traditionnelles et donc sous la juridiction fédérale, vous avez assisté à la destruction de l’environnement même qui a soutenu votre peuple depuis des temps immémoriaux. C’est un exemple d’échec de la responsabilité. Vous avez indiqué dans vos présentations que les gouvernements fédéral et provinciaux n’ont pas fait preuve de responsabilité même si des preuves concernant la destruction leur ont été fournies.

Il n’y a aucun moyen pour les petites communautés de contourner les centres de pouvoir de l’État, y compris le pouvoir donné aux entreprises. Quand les choses tournent mal, quand les moyens de subsistance sont perdus ou sont considérablement réduits, quand on voit la morbidité ou la mortalité prématurée, que faut-il faire pour commencer à chercher des moyens de remédier à cela? Compte tenu de vos contextes différents et uniques, et qu’il n’y a pas de solution universelle, à quoi ressemblerait votre cadre pour sensibiliser à l’existence du racisme structurel et systémique auquel vous êtes confronté? Qui devrait participer à ce processus?

M. Dysart : Encore une fois, il n’y a pas de structure parfaite alors que le temps passe. Certains de ces projets sont là depuis si longtemps que je pourrais siéger ici probablement pendant trois heures et vous donner une liste d’exemples d’injustices et d’actes écologiques racistes qui ont eu lieu et des répercussions que nous ressentons. Nous perdons littéralement des membres de nos communautés, de notre nation, de plus en plus rapidement à cause de ces actions. Nos populations sont déplacées et privées de leurs droits.

Encore une fois, je pense qu’il faut concentrer les efforts en commençant par une action positive. Je crois que ce projet de loi appuie cela. Nous devons continuer à avancer. Je peux donner de nombreux exemples des torts qui ont été commis et de la personne qui peut les corriger. Toutefois, comme je l’ai dit plus tôt, le Canada n’a pas été autorisé à réglementer, surveiller et approuver l’énergie hydroélectrique du Manitoba. Le Manitoba a toujours été très laxiste en ce qui concerne la réglementation et la surveillance.

Que je sache, l’industrie contrôle la plupart de ces processus. La semaine dernière, j’ai littéralement dit à un représentant de Manitoba Hydro que nous étions sous surveillance jusqu’à la mort. Je n’essaie pas d’être dramatique. Nous perdons nos membres presque chaque mois maintenant.

Nos voix, nos collectivités doivent être sur un pied d’égalité avec le Canada, le Manitoba et l’industrie. Les influences de l’industrie doivent être reconnues, observées et suspendues pendant un certain temps. Ils ont une grande influence sur la prise de décision. Nous sommes généralement les derniers à savoir. Il devrait y avoir un processus équitable. Il est difficile de présenter les grandes lignes tout de suite, parce qu’il y a des règlements différents.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, avec le projet de loi C-226, j’ai utilisé les mots « exposer les actions ». Nous pourrons ensuite commencer à les aborder et à faire venir ceux qui doivent être impliqués.

M. George : Je vous remercie. La loi des Salish de la Côte est la vérité, la famille, la santé et la culture. La culture comprend la loi spirituelle. Ces principes fondamentaux de toute croyance religieuse et spirituelle sont l’amour, l’honneur, le respect, la dignité, la fierté, la compassion et la compréhension. Nous les avons mis en œuvre dans le travail que nous avons fait avec les évaluations et les études que nous avons réalisées. Nous le faisons également avec tous nos ministères ici à Tsleil-Waututh. Le développement économique, le logement, la justice sociale, les terres et les ressources issues des traités sont tous sous cette loi.

Il serait important que nous soyons à la table des négociations, que le cadre soit dirigé par les peuples autochtones, puisque nous sommes les gardiens de nos terres et de nos territoires traditionnels. Nous devons participer dès le début à ce processus pour nous assurer de mettre en œuvre ces mesures afin de prendre des décisions pour les générations futures, la santé et la culture. Ces éléments constitueraient des principes très importants à ajouter à un cadre qu’il faut aider à faire avancer pour continuer à protéger les terres et éliminer le racisme.

Comme le disait mon ami, l’industrie dicte ce qui va se passer. J’ai donné l’exemple de Steven Kelly, qui a soumis une évaluation économique du pipeline pour le compte de Kinder Morgan, et qui a ensuite été embauché par la régie. Voilà ce qui se passe depuis les 13 dernières années.

Pendant les 13 dernières années, quand le pipeline appartenait à Kinder Morgan, ils ont travaillé fort pour y arriver. Maintenant, nous regardons cela et ils sont propriétaires du pipeline. Ils prennent des décisions sur le pipeline, et veillent à ce qu’elles soient mises en place, quel qu’en soit le coût, car il s’agit d’un actif irrécupérable.

Même maintenant, très bientôt — on parle du 1er mai — les risques provenant de toutes les études que nous avons faites sont devenus réels. Selon l’analyse économique, il s’agit de 20 milliards de dollars pour un pipeline qui est un actif irrécupérable. Ils continueront de brûler de l’argent en l’utilisant et en versant des subventions à quelqu’un pour acheminer leur produit par ce pipeline. Tout cela n’a pas de sens.

Si nous étions impliqués dans quelque chose de similaire dans un cadre, nous nous assurerions que nous informions correctement les gens, comme nous l’avons fait pour Burnaby. Soixante et onze pour cent des résidants de Burnaby ont appuyé la Première Nation des Tsleil-Waututh et ont poursuivi le Canada, car ils n’ont pas été consultés, et qu’ils ont entendu et vu les faits réels.

Nous voyons et connaissons également les faits réels en regardant par nos fenêtres quand il y a eu de la fumée pendant un mois à cause des incendies qui se sont produits pendant l’été, ou comment Vancouver a été coupée du reste du Canada à cause des inondations. C’est ce vers quoi nous nous dirigeons pour empêcher la construction de ce pipeline, et ils sont ceux qui prennent les décisions. Ce projet de loi empêcherait cela. Merci.

La sénatrice Galvez : Je remercie les témoins d’avoir introduit et présenté vos enjeux ici.

Mon bureau a récemment fait un examen de la littérature sur les litiges environnementaux. Nous avons constaté que les cas étaient stables jusqu’en 2015. Puis, tout à coup, ils ont augmenté de façon exponentielle. Nous avons maintenant 2 300 affaires en litige aux tribunaux à propos de l’environnement, de la pollution et des changements climatiques. Cela montre que la législation environnementale qui est là pour protéger les gens ne le fait pas. Cela nous montre pourquoi nous avons besoin de ce projet de loi, de ce cadre, pour dire — haut et fort — que le racisme environnemental existe.

En lisant à propos des deux communautés, nous constatons que vous avez été obligés de lancer des poursuites judiciaires importantes, vous, monsieur Dysart, contre Manitoba Hydro pour un demi-siècle de dommages causés par des projets entrepris contre la volonté de la communauté.

Pour ce qui est de notre autre témoin, je me souviens du moment où, au Sénat, un de nos collègues a tenté de mettre en place une loi pour protéger le pipeline TMX en le désignant comme étant de l’intérêt supérieur du Canada. Donc, ce que vous avez dit m’a beaucoup interpellée.

Pouvez-vous nous expliquer si les lois actuelles sont suffisantes pour défendre votre peuple et vos terres? Devant les tribunaux, quels problèmes voyez-vous? Pourquoi cette législation environnementale ne vous protège-t-elle pas des dommages que vous avez décrits? Merci.

M. Dysart : Je vais le répéter encore une fois — cela mérite d’être redit — : le Canada brille par son absence dans le Nord du Manitoba pour ce qui est du développement hydroélectrique.

À nos yeux, les poursuites judiciaires sont notre seule option. Oui, elles sont longues et coûteuses, mais depuis plus de 25 ans, je crois que j’ai eu recours à tous les mécanismes à notre disposition. J’ai écrit aux ministres. J’ai attiré l’attention sur les enjeux. Je crois que j’ai même convaincu certains ministres qu’il faut agir.

L’industrie est tellement puissante et influente qu’on finit par nous ignorer. Parfois, les poursuites judiciaires sont notre seule option. Je vous donne un exemple très réel et tout récent. La semaine passée, soudainement, les responsables de Manitoba Hydro ont manifesté l’intérêt de s’entretenir avec nous parce que nous avons entamé une poursuite judiciaire l’an dernier, en 2023. Ils sont arrivés les mains vides. Sept d’entre eux ont apporté des cahiers et des stylos. Ils nous ont demandé : « Voulez-vous nous donner des idées? » Je leur ai répondu : « Nous ne sommes pas ici pour vous éduquer. Vous devez agir. Vous devez prendre des mesures concrètes et immédiates. »

Il y avait deux avocats et cinq employés qui travaillent pour ce qu’ils appellent les relations avec les Autochtones ou des départements connexes. Tous sont arrivés les mains vides. Je connais Manitoba Hydro. Je suis au fait de son modus operandi. Je sais comment elle distribue son argent. Je leur ai dit : « Nous ne voulons pas passer des années à avoir d’innombrables réunions stériles avec vous. Si vous n’êtes pas au courant des répercussions, tant pis pour vous. Nous allons de l’avant. »

Je vous suis sincèrement reconnaissant de l’occasion que vous nous offrez aujourd’hui. Vous nous permettez d’aller de l’avant en attirant l’attention sur les enjeux, en réclamant des mesures et en espérant qu’elles seront mises en œuvre.

Les règles du jeu sont inéquitables. Généralement, nous sommes les derniers à savoir ce qui se passe parce que l’information qu’on nous transmet est incomplète ou insuffisante. L’étape de la préparation a été franchie il y a longtemps. Le ciment coule déjà dans la rivière quand quelqu’un se dit : « On devrait peut-être parler aux Autochtones qui sont touchés par le projet. » Je le répète, normalement, les décisions sont déjà prises.

D’après mon expérience, on peut convaincre tout le monde qu’il faut des changements, mais les gens déclarent : « On ne peut rien faire maintenant; il est trop tard. » Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Selon moi, les poursuites judiciaires sont parfois nécessaires. Le résultat sera-t-il positif? Je l’ignore. J’ai dit aux membres de mon conseil et à d’autres dirigeants que nous étions obligés d’utiliser cette approche pour contraindre les gens à participer à la discussion. En un mot, pendant 25 ans, j’ai suivi le processus. J’ai essayé le processus décisionnel, mais j’ai l’impression que les décisions sont arrêtées. Des membres de la Commission de protection de l’environnement et de la Régie des services publics sont venus me voir durant nos séances pour continuer à se battre. Ne prendrez-vous pas une décision positive? D’après mon expérience, la décision a été prise avant même que nous commencions. Les poursuites judiciaires me déplaisent, mais comme on dit, c’est un mal nécessaire.

M. George : La Cour d’appel a déclaré que nous avions raison, que le pipeline allait tuer les épaulards et que nos analyses économiques étaient justes, mais elle s’est tout de même rangée du côté des intérêts supérieurs du Canada. Peu importe l’angle sous lequel on envisage la question, la population canadienne se retrouvera avec une facture de 20 milliards de dollars. Nous l’avons expliqué. C’est une décision ridicule, mais la cour l’a maintenue.

L’ancienne petite amie de mon fils est très semblable à ma fille. Les deux ont obtenu leur diplôme à 15 ans, elles sont allées directement à l’université et elles ont décroché leur premier diplôme universitaire avant l’âge de 18 ans. Ce sont des citoyennes exemplaires et exceptionnelles. Un jour, pour manifester, elles ont revêtu des costumes comiques de dinosaure et elles sont allées jouer au badminton près de la clôture de Kinder Morgan. Elles ont été condamnées automatiquement à 30 jours de prison. Elles n’avaient pas de casier judiciaire, elles n’avaient jamais enfreint la loi, elles n’avaient jamais reçu de contravention pour excès de vitesse. J’ai travaillé dans le domaine social et dans le système judiciaire. J’ai vu des listes de clients qui faisaient face à des dizaines d’accusations, et ils n’ont jamais vu l’intérieur d’une cellule. Quand on se frotte à l’industrie, on finit derrière les barreaux.

Les rapports Gladue sont censés reconnaître les effets de la colonisation et des pensionnats indiens sur les Autochtones. Mon grand-père est le chef Dan George, un acteur, poète et activiste célèbre. Quand il avait cinq ans, il s’est fait couper le doigt au pensionnat indien parce qu’il parlait sa langue. Ces traumatismes sont transmis d’une génération à l’autre; le rapport Gladue l’a expliqué.

Notre mère, c’est l’eau qui se trouve juste ici. On nous apprend à entretenir une relation réciproque avec l’eau et la terre parce qu’ensemble, ils forment notre mère. Notre mère nous nourrit. Nous pratiquons des cérémonies sur l’eau. Nos liens sont réciproques. Notre mère prend soin de nous. Nous l’expliquons durant les cérémonies. Dans le rapport Gladue, Will George a expliqué ce lien et le traumatisme inhérent qui perdure parce que l’on continue à détruire et à maltraiter notre mère, comme au pensionnat indien. Cependant, la cour n’en a pas tenu compte, et lui aussi a été condamné à une peine d’emprisonnement obligatoire de 30 jours.

C’est problématique, tout comme la situation de l’ancienne petite amie de mon fils. Un rapport a été préparé à son sujet. Elle est devenue activiste tard — il y avait environ un an et demi qu’elle militait contre le pipeline TMX. Pourtant, le rapport à son sujet comptait 2 182 pages. Le Canada a investi quantité de ressources dans la surveillance d’une citoyenne exceptionnelle n’ayant jamais reçu de contravention pour excès de vitesse et n’ayant jamais fait face à des accusations. Un rapport de 2 182 pages a été déposé; toutes ces ressources canadiennes ont été utilisées et ces grands efforts de surveillance policière déployés pour nous protéger contre une jeune femme qui allait décrocher son deuxième diplôme universitaire avant l’âge de 22 ans. Voilà comment les ressources sont utilisées. Je ne peux m’imaginer tous les renseignements qu’ils ont sur moi. Je vais demander mon dossier. Elle militait depuis un an et demi; combien de pages ont-ils sur moi qui milite depuis 13 ans?

Vous voyez comme c’est incohérent. Si vous vous frottez à l’industrie, vous finirez derrière les barreaux, et l’on recueillera une quantité ridicule de renseignements sur vous. Voilà quelques-unes de mes pensées sur le sujet que vous avez soulevé. Merci.

Le président : Merci. Cela conclut la première partie de la réunion et la discussion avec notre premier groupe de témoins.

[Français]

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons, par vidéoconférence, de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, Mme Jane McArthur, directrice du programme sur les substances toxiques et la Dre Ojistoh Horn, médecin et membre du conseil d’administration. Nous accueillons également, par vidéoconférence, Me Victoria Watson, avocate-conseil à l’interne, Réforme du droit, Ecojustice Canada.

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Cinq minutes sont accordées pour vos allocutions d’ouverture. La parole est à vous, docteure Horn. Vous serez suivie par Me Watson.

[Traduction]

Dre Ojistoh Horn, médecin et membre du conseil d’administration, Association canadienne des médecins pour l’environnement : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. J’appartiens au clan de l’ours des communautés mohawks Kanyen’kehà:ka de Kahnawake et d’Akwesasne. Je travaille comme médecin communautaire depuis 16 ans et je suis membre du conseil d’administration de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, ou l’ACME.

L’Association canadienne des médecins pour l’environnement recommande l’adoption du projet de loi C-226 et la mise en œuvre rapide de la stratégie. Nous insistons sur l’importance de reconnaître que la justice environnementale, la santé humaine et la biodiversité écologique sont interreliées et qu’elles sont toutes touchées par le racisme environnemental. Le racisme environnemental représente le partage inéquitable de la responsabilité. Il est soutenu par des facteurs systémiques en amont — des croyances et des valeurs sociétales en conformité avec l’économie capitaliste — selon lesquels, dans la pratique, les humains n’ont pas droit à un environnement sain; par des lois qui ne protègent pas équitablement les communautés autochtones, noires et de couleur; par des institutions dont les mandats cloisonnés et contradictoires ne protègent pas ces communautés, et qui ne sont pas uniformément tenues responsables en vertu des lois déjà en place; et par des programmes conçus sans la participation de toutes les parties intéressées.

Les vignettes suivantes décrivent des points chauds de pollution. Elles offrent des exemples de racisme environnemental et d’injustice qui se traduisent par une mauvaise santé pour de nombreuses populations défavorisées partout sur l’île de la Tortue.

Depuis le milieu des années 1950, les membres de la communauté des Kanyen’kehà:ka d’Akwesasne, à la frontière de l’Ontario, du Québec et de l’État de New York, sont exposés chroniquement à des toxines telles que les biphényles polychlorés et la fluorine. Les biphényles polychlorés, ou PBC, sont liés entre autres à des maladies endocriniennes, auto-immunes et neurodégénératives de même qu’à des problèmes de santé mentale et à des cancers. Quant à elle, la fluorine est à l’origine de troubles neurodéveloppementaux et musculaires.

L’exposition à ces substances fluctue avec le temps. Par exemple, lors de leur dégradation, les PBC perdent du chlore et deviennent ainsi plus légers et volatils. Ils sont alors transportés par les faibles vents qui passent au-dessus d’Akwesasne. De plus, les nouvelles industries, même si elles sont propres, dégagent des effluents qui peuvent déplacer les sédiments contenant des composés toxiques qui s’étaient déposés au fond des cours d’eau. Les êtres humains, l’air et l’eau sont alors réexposés à ces substances.

Le climat fait partie du patrimoine mondial. L’eau, l’air et la pollution ne respectent pas les frontières des provinces et des pays.

Dans le nord de la Colombie-Britannique, on a autorisé des opérations de fracturation pour la production de gaz naturel même si très peu de données scientifiques indiquaient que le processus était sécuritaire. Dans cette région, des quantités énormes d’eaux propres sont utilisées pour la fracturation, ce qui entraîne une forte contamination des eaux de surface, des eaux souterraines et de l’aquifère. Les dommages causés par les infrastructures telles que les barrages, les routes et les fossés et la destruction des forêts sont une cause de stress pour la biodiversité écologique. La fracturation est liée à la leucémie infantile, aux maladies cardiovasculaires, aux effets neurologiques, aux malformations congénitales et aux maladies respiratoires graves.

Dans cette région éloignée, les terres et les communautés autochtones sont affectées de manière disproportionnée par la maladie. Elles ne tirent pourtant aucun avantage de l’industrie. Les principes du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause énoncé dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui a été signée par le Canada et la Colombie-Britannique, ont-ils été appliqués à ces projets?

La Première Nation des Chipewyans d’Athabasca dans le nord de l’Alberta vit à côté des bassins de résidus miniers contenant les effluents de l’industrie pétrolière et gazière. Les eaux, les animaux, les poissons, l’air et l’écosystème de la forêt boréale sont contaminés par l’arsenic, le benzène, le plomb et le mercure. Les membres de la communauté ne peuvent plus chasser, pêcher et se rassembler en toute sécurité dans leur territoire traditionnel.

Comme ils ne peuvent plus interagir avec les terres et les eaux dans le territoire où vit leur peuple depuis des temps immémoriaux, les membres de la communauté sont plongés dans une immense tristesse collective et dans une profonde anhédonie. La dévastation de l’environnement qui s’est produite en une seule génération et l’incapacité de la communauté à y mettre fin malgré toutes ses tentatives entraînent ce qui pourrait être qualifié de profond préjudice moral.

Il est nécessaire de renforcer les lois qui obligent les sociétés à respecter les règlements et les normes de sécurité de l’industrie, et non pas seulement à tenir compte des intérêts de leurs actionnaires.

Dans le nord-ouest de l’Ontario, une exposition chronique et persistante au mercure provoque la neurotoxicité dans les communautés qui se trouvent dans le réseau hydrographique de la rivière English-Wabigoon. Les problèmes d’accès à l’eau potable, l’incapacité à manger des poissons et des animaux en toute sécurité et la dévastation complète de leur économie autrefois florissante ont rendu ces communautés encore plus vulnérables aux phénomènes météorologiques extrêmes tels que les feux de forêt et les inondations qui surviennent lors des étés de plus en plus chauds. L’accès aux services de soins de santé est entravé par des routes moins sécuritaires et plus difficiles à entretenir.

Le soutien aux infrastructures de soins de santé dans les communautés autochtones, rurales et éloignées est déterminé par des facteurs d’égalité, et non pas d’équité. Des changements doivent être apportés. Je vous demande d’adopter le projet de loi et de mettre en œuvre rapidement la stratégie qui permettra à la fois de dialoguer avec les populations concernées et de produire des études et des données sur les écosystèmes qui ne sont pas bien protégés par la loi.

Niawen go:wa.

Le président : Merci, madame McArthur. Souhaitez-vous ajouter quelque chose?

Jane McArthur, directrice du programme sur les substances toxiques, Association canadienne des médecins pour l’environnement : Non. Je suis ici pour répondre aux questions des membres du comité. Merci.

Le président : Je vais donc céder la parole à Me Watson, d’Ecojustice Canada.

Victoria Watson, avocate-conseil à l’interne, Réforme du droit, Ecojustice Canada : Bonjour, monsieur le président, bonjour honorables sénateurs. Je vous parle à titre d’avocate d’Ecojustice et femme d’ascendance mixte Haudenosaunee et écossaise. Je suis ici pour discuter de la capacité du projet de loi C-226 à présenter les conceptions de la justice environnementale des peuples autochtones comme des moyens d’atteindre l’objectif de ce même projet de loi. Je veux également démontrer la nécessité d’adopter cette mesure qui aiderait à remédier aux violations des droits des Autochtones et à faire progresser les engagements envers la réconciliation.

Le projet de loi C-226 prévoit l’élaboration d’une stratégie et la réalisation d’une étude sur la justice environnementale. Même si ce n’est pas énoncé explicitement dans le projet de loi, les nations et les communautés autochtones doivent être traitées de manière distincte des autres communautés racisées et marginalisées. Cette distinction est nécessaire pour préserver et intégrer davantage les droits des Autochtones dans l’administration de la justice environnementale procédurale et distributive.

Comme les autres témoins l’ont souligné, le Canada s’est engagé légalement à remédier aux violations commises par le droit colonial en signant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il souscrit à l’obligation légale de respecter les droits des peuples autochtones et de s’assurer que les lois du Canada concordent avec la déclaration. La préexistence des droits et des territoires autochtones confirmée par la déclaration onusienne s’exprime par un ensemble unique d’intérêts juridiques qui doivent être respectés et maintenus dans la stratégie et l’étude sur la justice environnementale. Les nations et les communautés autochtones sont aux prises avec des injustices environnementales, mais ce sont également des nations souveraines ayant droit à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale, comme le souligne la déclaration. Ces droits sont distincts des droits des autres communautés racisées et marginalisées au Canada visées dans le projet de loi. La stratégie et l’étude doivent tenir compte de la souveraineté autochtone dans leur élaboration, leur contenu et leur application. Le projet de loi renferme justement des dispositions qui permettraient d’atteindre cet objectif.

Pour instaurer une justice environnementale efficace qui préserve et fait progresser les droits des Autochtones, il faut intégrer le savoir, les lois et le leadership autochtones, y compris les conceptions autochtones de l’environnement, aux stratégies et aux études. Pour respecter l’esprit de la déclaration, il faudrait permettre aux peuples autochtones de définir les injustices qu’ils subissent et de déterminer les mesures réparatrices qui conviennent au contexte de leur communauté et à leurs besoins écologiques uniques.

Il est important de reconnaître la coexistence de nombreuses définitions de la justice dans ce territoire qu’on appelle le Canada, qui compte également de nombreux ordres juridiques autochtones qui prônent une conception de la justice différente de celle qui prévaut dans le monde occidental. La loi devra permettre à ces différents systèmes d’influer sur l’administration de la justice.

Bien que les nations comptent chacune un ordre juridique qui doit être traité de manière distincte, les traits communs que partagent plusieurs communautés démontrent que la justice environnementale est vécue différemment chez les peuples autochtones comparativement aux autres groupes. Par exemple, un principe du droit autochtone est le caractère culturel de la connexion avec le territoire traditionnel et ancestral et la responsabilité à l’égard de ce territoire. Selon ce principe, les préjudices environnementaux pourraient être considérés comme des préjudices culturels et comme une menace à la survie des peuples autochtones.

Un autre principe de la justice autochtone repose sur les responsabilités et les relations de réciprocité entre les générations actuelles et futures d’êtres vivants, et non pas sur le droit d’utilisation et de jouissance de la nature. De telles conceptions de la justice demandent la mise en place de solutions différentes pour remédier aux injustices. Cet écart doit être résolu en arrimant adéquatement l’étude et la stratégie à la Déclaration des Nations unies et en respectant l’objectif énoncé dans la loi. Pour être efficace, l’administration de la justice doit résonner auprès de la communauté qu’elle est censée aider. Le droit coutumier doit par conséquent guider l’application de cette même loi conformément aux droits des Autochtones confirmés dans la déclaration onusienne et l’esprit et l’objet initiaux des traités fondateurs du Canada.

Comme l’a dit le chef Christopher Plain de la Première Nation d’Aamjiwnaang, certaines communautés autochtones dans ce territoire qu’on appelle le Canada sont victimes d’un profond racisme environnemental.

Dans l’histoire passée et actuelle, l’échec de la Couronne à reconnaître la souveraineté autochtone conformément à la déclaration des Nations unies a entraîné des injustices environnementales uniques telles que l’exploitation délétère des ressources et l’accès limité aux trésors et aux bienfaits de la nature, y compris l’accès aux territoires, aux plantes et aux remèdes ancestraux, de même qu’à l’eau potable et à l’air pur. Cet échec menace les modes de subsistance et l’existence culturelle des peuples autochtones.

Le projet de loi C-226 est l’occasion de commencer à réparer ces échecs et à aider ce qu’on appelle le Canada à cheminer vers la mise en œuvre complète de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et vers la reconnaissance du pluralisme juridique au pays. Adoptons au plus vite ce projet de loi qui pourrait conduire à une guérison nécessaire et à un affranchissement des systèmes coloniaux oppressifs. Merci.

Le président : Merci. Nous allons passer aux questions.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma première question s’adresse au témoin d’Ecojustice Canada.

Vous avez très clairement expliqué la différence de droits légaux entre les communautés autochtones et les communautés racisées ou marginalisées. Pensez-vous qu’il faille faire une distinction dans le projet de loi? Vous n’avez suggéré aucun amendement à ce stade. S’agit-il d’une « erreur fatale », ou pouvons-nous composer avec cet état de la situation, étant donné qu’il est question de l’élaboration d’une stratégie et que celle-ci n’a pas encore été rédigée? Selon vous, était-ce une erreur de combiner ces deux ou trois éléments?

Me Watson : C’est une excellente question. Je vous remercie de me permettre de clarifier cet élément.

Je ne suggère pas que le projet de loi, dans sa forme actuelle, doit être amendé. Bien que la distinction et l’obligation pour le gouvernement de traiter les nations autochtones comme des entités distinctes des autres communautés marginalisées et racisées ne soient pas explicitement prescrites dans la loi, les nations et communautés autochtones sont considérées comme distinctes du fait que la loi les traite séparément et ne les regroupe pas dans la catégorie des communautés racisées et marginalisées sur la seule base de l’énumération des trois catégories de communautés qui seront visées dans la mise en œuvre.

Selon moi, le projet de loi, tel qu’il est actuellement rédigé, permet à la Couronne de traiter les communautés autochtones comme des communautés différentes et distinctes des autres communautés marginalisées et racisées. Il ne s’agit donc pas d’une erreur fatale dans le projet de loi.

La sénatrice Miville-Dechêne : Nous avons entendu de nombreuses histoires extraordinaires et tristes de racisme environnemental. Ecojustice mène d’excellentes recherches. Il y a évidemment des problèmes environnementaux qui touchent les communautés non autochtones. Au Québec, l’affaire de la fonderie Horne, qui pollue toute la ville, se poursuit depuis des années.

Vous avez fait, je suppose, des recherches pour essayer de comparer les incidents. Comment pouvez-vous, d’un point de vue scientifique — parce qu’il s’agit d’une série de problèmes dans différentes communautés —, avoir une certitude absolue? Je ne nie rien. J’aimerais simplement savoir s’il existe des chiffres qui montrent à quel point les incidents liés à l’installation d’industries polluantes sans protection suffisante sont plus nombreux dans les communautés autochtones.

Me Watson : Je vous remercie de votre question. Je ne souhaite en aucun cas minimiser le racisme environnemental ressenti et vécu à travers ce qu’on appelle le Canada par d’autres communautés racisées et marginalisées sur la base de leur race ou de leur statut socioéconomique, notamment.

Je désire plutôt attirer l’attention sur le fait que les nations autochtones jouissent d’un ensemble unique de droits légaux en tant que nations souveraines. Il ne s’agit pas de comparer l’expérience vécue en matière de racisme environnemental. Je souligne le fait que ce projet de loi superpose des éléments par dessus des droits juridiques de souveraineté et de compétence qui existent uniquement pour les nations autochtones en tant que peuples autochtones de ce qu’on appelle le Canada et en tant que premiers intendants de ce territoire. Les peuples autochtones sont distincts des autres communautés racisées, comme le reflètent la Loi sur la Déclaration des Nations unies et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA. Ainsi, le projet de loi, dans sa forme actuelle, permet vraiment de s’attaquer au fait que les diverses communautés qui subissent le racisme environnemental en font l’expérience et y sont soumises de différentes manières.

Lorsqu’on examine l’incidence du racisme environnemental sur la base de l’appartenance autochtone, on constate une oppression passée et continue de la souveraineté autochtone et des droits qui existaient avant le colonialisme et la prise en charge de la Couronne. Ce contexte crée une approche unique dans l’administration de la justice environnementale. Il faut reconnaître l’effet du colonialisme sur l’oppression des pouvoirs autochtones. Mais encore une fois, cela ne minimise ou n’invalide pas les revendications des autres communautés marginalisées et les difficultés qu’elles rencontrent en raison de la pollution, de l’exploitation des ressources naturelles et d’autres problèmes liés au racisme environnemental.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci beaucoup.

La sénatrice Sorensen : Je vais adresser ma question à la Dre Horn, mais, si le temps le permet, je ne verrais pas d’inconvénient à ce que Me Watson y réponde également.

Docteure Horn, vous avez mentionné dans votre témoignage une communauté de ma province, l’Alberta, touchée par le racisme environnemental, la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca. Comme nous le savons, l’année dernière, Imperial Oil et l’Alberta Energy Regulator, ou AER, ont caché à la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca qu’un déversement massif s’était produit dans sa communauté. L’AER a publié une déclaration indiquant qu’il est de la responsabilité de l’entreprise, dès qu’elle en a connaissance, de signaler de tels incidents aux parties concernées.

Le gouvernement fédéral, lorsqu’il en a enfin été informé, a communiqué avec le chef Adam et la ministre provinciale responsable et leur a offert son soutien. Il a finalement émis une ordonnance de nettoyage en vertu de la Loi sur les pêches.

Les dirigeants autochtones et les défenseurs de l’environnement affirment à juste titre que l’AER n’assume pas ses responsabilités adéquatement et insistent pour que le gouvernement fédéral joue un rôle accru dans la protection des communautés autochtones, rurales et isolées contre la contamination environnementale à l’échelle industrielle.

Pensez-vous que la stratégie proposée dans ce projet de loi donnera au gouvernement fédéral les outils nécessaires pour jouer un rôle plus important dans la protection des communautés telles que la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca?

Dre Horn : Pour autant que je sache, les détails de ce projet de loi s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie. Je pense qu’il y a une répartition inégale de la responsabilité. C’est là tout le problème. Comment renforcer les lois qui existent déjà et qui sont simplement pondérées différemment selon le groupe touché?

Nous avons déjà mis en place un grand nombre de lois. C’est simplement que nous ne soutenons pas les organisations chargées de les appliquer. J’ai l’impression que nous avons déjà créé tous les mécanismes nécessaires, alors pourquoi ne pas trouver un moyen de les utiliser équitablement?

La sénatrice Sorensen : Nous espérons que, lors de la rédaction de la stratégie, certains de ces outils seront mis en place ou imposés, pour autant que le libellé le plus sévère soit employé.

Dre Horn : Par exemple, il existe de nombreuses zones grises en ce qui concerne les Autochtones. C’est pourquoi nous parlons toujours des terres autochtones et des terres de la Couronne et des Autochtones : c’est une grande zone grise. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ou LCPE, est une loi fédérale qui doit être mise en œuvre et appliquée par les provinces, mais les communautés et les terres autochtones ne sont pas visées par ce mandat. C’est donc à tous les conseils de bande qu’il incombe, individuellement, de superviser ces sociétés très bien financées qui les encerclent et leur demandent l’autorisation de faire ce qu’elles veulent. Or, les conseils de bande n’ont peut-être pas les ressources humaines ou en nature nécessaires, ou simplement la capacité de faire cette supervision.

C’est très inégal. Voilà pourquoi la DNUDPA est si importante. Le consentement libre, préalable et éclairé permet de prendre le temps et les ressources nécessaires de trouver les personnes en qui nous avons confiance pour nous aider à comprendre ce qui se passe. On peut ainsi obtenir de l’aide pour comprendre la situation — non pas en jargon juridique, mais de manière à ce que tous les membres de la communauté puissent comprendre — et prendre une décision en toute connaissance de cause. La question qui se pose alors est la suivante : qui a le droit de signer ces documents? Ces personnes sont-elles vraiment issues de la communauté? Sont-elles validées à l’interne ou à l’externe par un autre gouvernement, une municipalité ou une entreprise? Tout dépend de l’entité qui valide les personnes qui signent ces décisions.

Nous évoluons dans une zone grise, et c’est pourquoi nous ne parvenons pas à atteindre nos objectifs. Il y a des éléments en place, mais il faut juste trouver le moyen de les répartir équitablement.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup.

Me Watson : Je pense que, bien qu’il existe des mécanismes qui permettent d’améliorer la réglementation et la reddition de comptes, ce projet de loi nous donne l’occasion de mener un examen systémique plus large des répercussions environnementales intersectionnelles et de la manière dont l’oppression des peuples autochtones et d’autres communautés racisées et marginalisées est largement incorporée dans le système juridique. Il y a ces écarts de pouvoir. L’on présume que le pouvoir colonial a permis de poursuivre l’exploitation, par exemple, des terres autochtones et de donner la priorité aux besoins et aux intérêts de l’industrie.

Ce projet de loi offre réellement l’occasion de tenir compte de la situation dans son ensemble et d’examiner de façon plus générale le contexte juridique et politique dans lequel se situe cet organisme de réglementation. Quelles sont les politiques et les lois qui donnent plus de pouvoir à l’industrie qu’aux communautés autochtones? Comment la Couronne peut-elle participer aux discussions et favoriser une plus grande reconnaissance de la compétence des Autochtones pour que ces déséquilibres de pouvoir qui existent en ce moment — qui maintiennent le statu quo — puissent être lentement démantelés?

Le projet de loi stipule-t-il que c’est ainsi que la loi sera mise en œuvre au bout du compte? Non, il ne le prévoit pas, car il offre une grande liberté — et c’est nécessaire — pour que les personnes qui sont directement touchées par le racisme environnemental puissent s’asseoir à la table et dicter d’emblée comment ce projet de loi se concrétisera, comment cette stratégie prendra forme et comment cette intersectionnalité pourra être réellement ressentie et constatée par l’entremise de changements politiques et juridiques qui résulteront de la mise en œuvre de la loi.

Le sénateur Arnot : J’ai une question pour la Dre Horn et une autre pour Me Watson.

Docteure Horn, selon vous, en votre qualité de médecin qui allie les pratiques médicales traditionnelles autochtones et occidentales, comment ce projet de loi peut-il soutenir l’intégration de ces divers points de vue dans le traitement des questions de santé environnementale? Compte tenu de votre plaidoyer en faveur de la reconnaissance du lien qui existe entre la santé des terres et la santé des communautés, quelles mesures devrions-nous inclure dans le projet de loi C-226 pour protéger efficacement ces éléments au profit des communautés autochtones?

Dre Horn : L’économie du mieux-être et le bien-être sont deux choses très différentes. Pour l’instant, beaucoup d’argent a été investi dans l’économie du mieux-être. L’on peut se tourner vers la massothérapie, l’acupuncture et toutes ces autres approches pour se sentir mieux.

Le problème, c’est que beaucoup de ces pratiques se sont éloignées de leur contexte; de ces milliers d’années pendant lesquelles elles ont été développées dans une région précise du monde. Lorsque l’on ne fait que sélectionner les soins que l’on veut, ces soins ne s’inscrivent plus dans leur contexte. L’on ne tient plus compte des relations avec l’environnement qui ont mené à leur création, et ces pratiques s’en voient affaiblies.

Beaucoup d’énergie a été consacrée à l’économie du mieux-être. Les gens dépensent beaucoup d’argent dans ce domaine. Puisque ces soins coûtent cher — ils ne font pas partie du système de santé régulier —, l’on s’éloigne des liens qui, au départ, ont rendu cette pratique si forte, mais cela ne fonctionne pas.

Lorsque nous parlons de médecine traditionnelle, nous parlons réellement du fait d’entretenir ces relations qui, à l’origine, nous ont permis d’être en bonne santé — comme nos relations avec l’eau et la terre et la reconnaissance du fait que nous ne sommes pas simplement ici —, et de les améliorer et de les soutenir. Nous avons des responsabilités. Nous ne sommes pas seulement là pour profiter de la nature. Nous sommes responsables de l’intendance de la terre. Cette terre n’est pas la nôtre. Cette terre appartient à ceux qui arrivent, à ceux qui ne sont pas encore là, à ceux qui ne sont pas encore nés.

Lorsque nous parlons de médecine traditionnelle, nous parlons de bien-être, et non de mieux-être. C’est un autre niveau, et c’est une question de contexte. Cette médecine repose nécessairement sur la terre et nous oblige à penser à l’avenir. Nous sommes d’avis qu’il est tout à fait approprié de penser à la gérance environnementale dans ce contexte. Cette médecine est très proche des modes de vie autochtones.

Le sénateur Arnot : Merci beaucoup de cette réponse.

Madame Watson, comment Ecojustice Canada concilie-t-elle l’urgence d’une protection immédiate de l’environnement avec les objectifs à plus long terme d’une réforme juridique? Quels sont les principaux défis liés à la reconnaissance juridique du racisme environnemental?

J’aimerais aborder un autre point sur lequel vous ne pourrez peut-être pas vous prononcer aujourd’hui, mais j’aimerais que vous fassiez parvenir votre réponse au greffier. Il s’agit du point 19 du Plan d’action relatif à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones du ministère de la Justice du Canada. Il traite d’un mécanisme de règlement des différends très robuste et exhaustif dont les Autochtones pourraient se prévaloir afin de trouver des solutions et obtenir des réponses. Existe-t-il un lien, selon vous, entre les questions plus larges dont nous parlons et ce type de mécanisme de recours, qui fait actuellement défaut?

Me Watson : Il existe de nombreux croisements entre la mise en œuvre du projet de loi C-226, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, et le Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Comme on l’a dit plus tôt, il existe des chevauchements avec la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ou LCPE, et le droit à un environnement sain. Ce qui est vraiment positif dans ce projet de loi, c’est sa portée générale. Cela touche également le rôle d’Ecojustice.

Il est très difficile de concilier l’urgence d’un changement immédiat, la lutte contre les graves changements climatiques et les répercussions sur la biodiversité que nous observons et auxquels nous sommes confrontés — qui sont des crises —, ainsi que la lutte contre l’oppression systémique du monde naturel et des communautés autochtones et racisées. Le problème est attribuable au fait que l’action urgente est systématiquement très limitée en raison de la façon dont nos institutions, nos systèmes juridiques et nos politiques actuels donnent la priorité aux droits et aux intérêts de l’industrie et à l’économie capitaliste plutôt qu’au bien-être des communautés autochtones, des autres communautés racisées et de la nature.

Il peut s’avérer très difficile de prendre des mesures urgentes, et le faire peut être trompeur, car c’est en s’attaquant aux causes profondes d’une situation donnée que l’on trouvera des solutions durables. Pour quelles raisons l’oppression des communautés autochtones et des autres communautés racisées et marginalisées se poursuit-elle? Comment cette oppression est-elle ancrée dans notre système? Dans le cadre de la mise en œuvre du projet de loi C-226, d’autres modifications législatives pourraient être envisagées. Il pourrait y avoir de nouveaux projets de loi. Il pourrait y avoir des déclarations et certainement des politiques qui tiennent compte du fait que nous travaillons dans un système qui ne valorise pas et ne donne pas la priorité à la santé et au bien-être du monde naturel ou de ces communautés marginalisées. Comment pouvons-nous décortiquer cette oppression systémique et reconstruire de manière à soutenir la pérennité de la nature et les moyens de subsistance durables de ces communautés marginalisées?

Autrement dit, il s’agit d’un processus de décolonisation. Il faut examiner la situation plus en profondeur, sensibiliser, reconstruire et visualiser une voie vers l’avenir que nous ne pouvons peut-être pas voir pour l’instant. Il sera impératif de le faire tout en prenant des mesures urgentes et en saisissant toutes les occasions possibles pour assurer la guérison et la connexion à l’environnement dès maintenant et commencer à rétablir la confiance. J’ai bon espoir qu’avec la mise en œuvre des obligations énoncées dans ce projet de loi, cette vision globale du changement systémique nécessaire pour favoriser la justice environnementale sera conjuguée à des mesures sur le terrain qui permettront de reconnecter les communautés marginalisées à des environnements sains et à un sentiment de guérison et de confiance.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie.

La sénatrice White : J’ai deux questions, une pour chacun des intervenants. Tout d’abord, je vous remercie de votre déclaration préliminaire d’aujourd’hui, car elle était très informative.

Docteure Horn, j’aimerais vous poser ma première question. Elle concerne une partie de ce que vous avez dit au sénateur Arnot plus tôt. Nous savons qu’il existe une abondance de capacités et de connaissances autochtones qui sont souvent laissées de côté lors de l’élaboration de politiques ou de solutions pour la gestion de l’environnement.

Pouvez-vous nous donner des conseils ou nous faire part de vos réflexions sur la manière dont nous pourrions faciliter l’échange de ces connaissances entre les parties intéressées et veiller à ce que ces capacités soient intégrées dans la politique? Ce projet de loi porte sur l’élaboration d’un cadre. Comment pouvons-nous nous assurer au mieux que cela se produise et que ces connaissances soient effectivement intégrées au règlement et non laissées de côté à l’étape de la consultation?

Dre Horn : Je pense qu’il est très important de reconnaître que les fonds alloués aux différents programmes de subventions de recherche s’accompagnent tous d’outils de mesure préétablis ou acceptés à l’avance qui indiquent comment mesurer la réussite ou l’échec. Ces outils de mesure sont généralement assez stricts et laissent peu de place à la créativité. Il faut utiliser ces mêmes outils de mesure tout au long des progrès et des découvertes, ce qui est très restrictif. Nos outils de mesure ne valent que ce que valent les hypothèses utilisées pour leur conception, qui à leur tour ne valent que ce que vaut la réflexion sous-jacente à leur création.

Nous ne savons pas comment mesurer une grande partie des connaissances autochtones. Par conséquent, elles ne sont pas capturées par les outils de mesure et ne sont donc jamais mesurées, et c’est la raison pour laquelle elles ne font jamais partie de la réussite ou de l’échec de la situation à l’étude.

Une partie du problème consiste à déterminer comment mesurer, qualitativement et quantitativement, notre contribution à ce processus. Pour le moment, la méthode scientifique est en grande partie contre nous. Il y a des progrès dans le sens de ce que je viens d’évoquer, mais c’est un très gros obstacle. Je mène des recherches et je comprends donc cela.

L’autre question est de savoir qui administre ces recherches. Pourquoi nous adressons-nous seulement aux établissements d’enseignement, aux hôpitaux et aux établissements cliniques? Pourquoi faisons-nous cela? Pourquoi ne pouvons-nous pas établir des conseils consultatifs communautaires par l’entremise de nos méthodes traditionnelles, comme la maison longue, et inviter les gens à venir y acquérir certaines connaissances en matière de recherche et d’environnement dans le contexte de nos espaces traditionnels, afin que nous puissions prendre des décisions au niveau communautaire? Au lieu de cela, nous avons actuellement quelques personnes qui ne s’engagent pas dans la collectivité. Elles ont une approche plus descendante qui reflète le système colonial dans lequel nous travaillons. Nous pourrions travailler davantage dans une perspective communautaire. Par exemple, dans ma collectivité, nous parlons de la maison longue. Nous pourrions en faire le centre de recherche plutôt que la clinique. Il y a différentes façons de mesurer et différents lieux où partager l’information. Où pouvons-nous obtenir l’avis de tous les membres de la collectivité pour parvenir au meilleur consensus et aux meilleures vérités, afin de prendre les décisions les plus appropriées pour l’endroit où nous vivons?

Nous devons revenir à l’essentiel et reconnaître que nous sommes très différents. Nous avons établi des relations très étroites et nous ne les utilisons pas, pour l’instant, dans le cadre de la méthode scientifique.

Le président : Cela répond-il à votre question?

La sénatrice White : Oui. Je vais y réfléchir un peu plus, mais je vous remercie.

Ma prochaine question s’adresse à Me Watson. Vous avez indiqué que ce projet de loi est un bon début, et je présume que ce qui compte, c’est la façon dont nous le mettrons en œuvre au moment d’élaborer notre stratégie.

Si le projet de loi est adopté, le gouvernement peut-il en faire davantage, parallèlement aux consultations prévues dans le projet de loi, en ce qui concerne la manière dont ces consultations sont menées — même si nous ne savons pas encore qui participera à ces consultations — pour apporter un soutien et des recours plus immédiats aux collectivités à ce moment-là, plutôt que d’attendre à la fin du processus, lorsque tout sera terminé? Pouvons-nous faire quelque chose pendant le processus d’élaboration et de consultation?

Me Watson : C’est une question importante. Le projet de loi crée l’espace nécessaire pour permettre la consultation. C’est important, car cela reflète les défis posés par le contexte communautaire et écologique unique dans lequel se trouvent les différentes collectivités, les distinctions qui existent entre ces collectivités et, par conséquent, les besoins éprouvés et cernés par ces collectivités, que ce soit dans l’immédiat ou à long terme.

Même si je reconnais l’existence de facteurs systémiques habilitants qui perpétuent la priorité accordée aux intérêts de l’industrie et du gouvernement de la Couronne au détriment de ces collectivités marginalisées, je pense qu’il existe également une véritable possibilité de guérison sur le terrain. Le simple fait de modifier l’approche de la gouvernance dans la mise en œuvre du projet de loi pourrait permettre une guérison sur le terrain, tout en offrant la possibilité, dès le début de la mise en œuvre du projet de loi, de demander aux collectivités touchées ce dont elles ont besoin et ce qui représente une injustice dans leur cas, puis d’intégrer ces personnes dans le processus de justice procédurale et de permettre à ces voix d’informer et de dicter la manière dont la justice est ensuite administrée par l’entremise de l’étude et de la stratégie. Je pense que c’est essentiel.

Il est possible d’engendrer des expériences et des impacts immédiats de la justice, et cet élément procédural de la justice aidera à établir un climat de confiance qui permettra aux collectivités d’aller de l’avant, en partenariat avec la Couronne, pour créer une vision de la justice environnementale qui sera adoptée par ces personnes et qui ne sera pas qu’une façade, car elle permettra de combiner la guérison sur le terrain et les changements systémiques. J’espère que le projet de loi, tel qu’il est rédigé, pourra permettre d’introduire, de façon enrichissante et éclairée, une justice procédurale et distributive sur le plan environnemental.

La sénatrice Galvez : Je remercie beaucoup les témoins. Nous avons reçu beaucoup de renseignements et établi de nombreux liens entre différents enjeux, ce qui nous aide à mieux comprendre la question de façon holistique.

Je suis prête à voter pour le projet de loi. Nous en avons besoin. C’est tellement évident. Il est incroyable que nous ne l’ayons pas proposé plus tôt. J’en suis désolée.

Notre comité a adopté la Loi sur l’évaluation d’impact et la modernisation de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Le Sénat a récemment adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

J’aimerais savoir comment, selon vous, le projet de loi s’harmonise avec ces trois autres instruments. Quels sont les liens entre eux et comment, selon vous, ces instruments pourront-ils s’harmoniser dans le cadre de l’élaboration de la stratégie?

Dre Horn : Je connais bien la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, mais je connais moins le troisième instrument. Comment harmoniser ces instruments? À l’heure actuelle, dans notre collectivité, nous avons une quantité incroyable de pollution historique qui risque d’exposer à nouveau notre collectivité à une quantité incroyable de pollution comme les BPC, le fluor, l’arsenic et le benzène. Un grand nombre de ces substances ont des effets sur les capacités cognitives. Ils posent donc un risque réel pour notre développement neurologique et pourraient causer toute une série de maladies neurodégénératives dans nos collectivités, ce qui a une incidence sur notre capacité à réfléchir à ces questions.

Puisque notre communauté est dispersée en Ontario, au Québec et dans l’État de New York, nous avons des lois internationales. Du côté américain, nous avons la loi américaine sur la protection de l’environnement. Du côté canadien, nous avons la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, mais il s’agit d’une réserve, et cela ne s’applique donc pas vraiment. Nous avons aussi nos propres programmes environnementaux de chaque côté, mais ils n’offrent pas les moyens de traiter cette situation de manière adéquate. C’est très fragmentaire.

Nous avons également un énorme barrage hydroélectrique qui fournit beaucoup d’énergie bon marché à ces nouvelles industries vertes — c’est une industrie formidable. Il s’agit d’un combustible à base d’hydrogène, mais il n’y a eu aucune discussion véritable sur l’impact des expositions antérieures de notre collectivité et sur la façon dont la situation pourrait s’aggraver. Nous n’avions pas la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C’est tout simplement arrivé et nous n’avons pas eu voix au chapitre.

Les choses peuvent être bien décrites dans chacune de nos collectivités, car elles se ressemblent beaucoup. Je sais très bien comment cela se passe à Akwesasne.

Je pense qu’il est très important de comprendre la différence entre la défense d’une cause et l’activisme. Il y a une connotation et c’est assez pernicieux.

Je donne des cours à l’École de médecine de l’Université McGill. Dans l’une des évaluations à mon sujet, on dit que je suis très intéressante et que je comprends vraiment la matière, et d’autres choses positives de ce genre. Cependant, on y dit aussi : « La ligne entre l’activisme et la défense d’une cause est mince et la Dre Horn semble la franchir souvent; je ne sais pas si c’est souhaitable. » Et j’ai dit : « Quoi? »

J’ignorais qu’il y avait une distinction, parce que je suis une femme autochtone qui travaille dans une réserve. Toute ma famille s’y trouve. Il y a toutes ces choses ici. Je pensais que je défendais une cause, que j’agissais à titre de promotrice.

Nous avons le référentiel CanMEDS. On parle d’une approche visant à enseigner à nos étudiants en médecine et à nos résidents comment être des communicateurs, des éducateurs, des érudits et des promoteurs. Nous apprenons à tout le monde à être des promoteurs. Cependant, il y a une limite à ne pas franchir lorsque l’on adopte une certaine position d’activiste, et c’est en fait assez négatif. Je me suis dit : « Nous devons nous protéger », car cela peut sembler très négatif.

Il s’agit d’une nouvelle phase de réflexion sur la manière dont nous défendons nos communautés de manière positive et c’est une question qui prend de plus en plus d’importance. Non seulement nous devons connaître toutes ces lois et comprendre comment elles interagissent entre elles dans nos communautés, mais nous devons agir de manière à ne pas être dépeints de manière négative.

La sénatrice Galvez : Je pose la même question à Me Watson.

Me Watson : Merci. C’est une question importante qui, à mon avis, illustre vraiment toute l’importance et l’incidence que pourrait avoir le projet de loi. Plus précisément, la Loi sur l’évaluation d’impact, ou LEI, ainsi que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ou LCPE, sont vraiment des exemples de la façon dont notre paradigme occidental actuel et nos systèmes juridiques coloniaux cloisonnent les questions environnementales. On a tendance à traiter chaque industrie de manière différente et chaque question environnementale dans différents compartiments étanches. Par conséquent, les effets cumulatifs qu’ont les diverses activités et les divers projets qui sont approuvés et permis par ces lois ne sont pas considérés dans une perspective holistique.

Le projet de loi, et principalement la justice environnementale, nous demande d’examiner, sous l’angle de l’intersectionnalité et de manière globale, les répercussions qu’ont les lois et les politiques environnementales dans ce que l’on appelle le Canada. Je considère vraiment que le lien entre le projet de loi et des lois comme la LEI et la LCPE est fondamental pour améliorer nettement notre conception quant aux répercussions qu’ont nos régimes réglementaires sur la santé environnementale et sur la santé des communautés marginalisées de façon générale.

Il est possible que cette stratégie fonctionne presque comme un cadre qui crée des liens entre ces catégories juridiques et politiques distinctes de réglementation environnementale et d’autorisation et qu’elle crée des facteurs de rattachement. Il est possible également qu’elle aille au-delà de certains des goulots d’étranglement bureaucratiques et des compartiments étanches qui sont, en fait, responsables de l’application de ces lois et des règlements et des politiques qui en découlent. Il pourrait y avoir, par exemple, des outils d’évaluation et d’autres outils habilitants qui permettraient de manière générale, dans l’ensemble des éléments dont les ministères doivent tenir compte, de prendre en compte les effets de la justice environnementale de sorte que nous puissions constater que la santé et l’environnement ne sont pas si séparés.

Les taux d’emploi et les initiatives socioéconomiques qui permettent aux communautés autochtones et aux autres communautés racisées et marginalisées de prendre des décisions éclairées et de s’occuper de leurs terres et de leurs familles sont en fait liés à leur bien-être environnemental. Il y a également les liens entre la culture et l’environnement dont j’ai parlé et qui sont essentiels aux Autochtones.

Je considère également que la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones remplit une fonction similaire. Je pense qu’il est très important que nous comprenions que la déclaration repose sur une approche tenant compte de l’intersectionnalité. Il y a des considérations culturelles et environnementales et cela cadre très bien avec la mise en œuvre du projet de loi C-226.

Je considère que les deux textes fonctionnent comme une loi‑cadre, en quelque sorte, dont la substance est élaborée dans leur mise en œuvre. J’ai bon espoir qu’elles touchent à la fois la mise en œuvre de la Loi sur l’évaluation d’impact et celle de la LCPE.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice MacAdam : Je remplace aujourd’hui la sénatrice McCallum au sein de ce comité et je pose la prochaine question en son nom.

Les Premières Nations n’ont pas besoin de s’appuyer sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour obtenir la permission d’appliquer leurs droits inhérents. L’existence de ces droits fait en sorte que toute consultation auprès des Premières Nations et toute discussion avec elles devraient toujours être fondées sur le respect, la vérité et l’honnêteté.

Le Canada sait que les Premières Nations portent en elles ces droits inhérents et qu’ils ont toujours existé, et il l’a reconnu. Par conséquent, ces droits englobent tous les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ainsi, les Premières Nations n’ont pas besoin de la permission et de l’autorisation que leur donnerait la déclaration, par exemple, pour exercer et confirmer ces droits.

Je vais demander à tous les témoins de s’exprimer à ce sujet.

Dre Horn : L’un des tout premiers traités qui ont été signés à l’époque coloniale est le Traité du wampum à deux rangs, le traité du Kaswentha, dans le cadre duquel nous avions notre canot avec nos façons d’être. Nos lois, nos droits, que nous allions défendre, notre gouvernance, notre langue et nos cérémonies se trouvaient dans notre embarcation, tandis que le navire hollandais contenait toutes leurs choses. Nous voguerions ensemble sur la rivière de la vie.

Nous avons également le concept du bol à une seule cuillère. Nous disposons d’une vaste superficie de terre, qui est assez grande pour nous tous, à condition que nous fassions une récolte responsable et respectable, et que nous ne prenions pas plus que ce dont nous avons besoin. Nous ne constituons pas de réserves, nous partageons et nous avons un engagement commun à l’égard de cette terre.

Cela a été ratifié d’abord par les Hollandais, ensuite par les Français, puis par les Anglais et enfin par le Canada. Dès le début, nous avons eu cette idée d’intendance et de respect mutuel. Au fil des ans, d’une manière ou d’une autre, cet engagement a été modifié et dilué, et l’esprit en a été perdu.

Cependant, ce que vous décrivez est tout à fait juste. Nous essayons de revenir à ce traité du Kaswentha qui a déjà été conclu dans les années 1610 — en 1614. Ce n’est pas nouveau et vous avez raison. Nous nous souvenons de notre part du traité, mais je ne pense pas que l’on puisse dire la même chose des structures dirigeantes coloniales.

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est moins destinée à nous qu’au Canada et aux provinces.

Le président : Voulez-vous ajouter quelque chose?

La sénatrice MacAdam : Oui, j’aimerais que l’autre témoin intervienne également.

Me Watson : Merci.

J’approuve, je pense, la façon dont vous avez expliqué que les droits des Autochtones sont confirmés par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ils n’ont pas été établis par la déclaration, pas plus que par l’article 35. Ils existaient déjà et l’existence des traités fondateurs de ce que l’on appelle le Canada vient en fait confirmer la souveraineté des nations qui ont participé au processus de conclusion de traités.

Malheureusement, le colonialisme de peuplement a mis en place des structures qui ont empêché les Autochtones d’agir et d’exercer leurs droits et leur souveraineté inhérente. Les facteurs d’oppression qui ont privé les peuples autochtones de leur pouvoir et qui ont coupé les communautés autochtones de leurs terres ont rendu impossible ou presque l’exercice complet des droits qu’ils possèdent intrinsèquement.

Le projet de loi offre réellement la possibilité d’examiner ces effets systémiques et les façons dont les Autochtones ont été privés de pouvoirs et séparés de leurs terres et de leurs communautés et dont on les a empêchés de poursuivre leur existence culturelle, et de considérer le tout comme un droit environnemental.

Le respect, la vérité et l’honnêteté entrent réellement en jeu lorsqu’il s’agit de reconnaître non seulement que les droits et les pouvoirs inhérents dont nous parlons existent depuis des temps immémoriaux, mais aussi que, de différentes manières, la Couronne, ses lois et ses politiques ont rendu presque impossible l’exercice complet et significatif de ces droits. La reconnaissance, le respect, la vérité et l’honnêteté peuvent nous faire avancer et, espérons-le, faire en sorte que ces systèmes soient modifiés afin que nous puissions réellement incarner le wampum à deux rangs et coexister harmonieusement. Nous pouvons nous aider les uns les autres et être considérés comme égaux, de sorte que les systèmes juridiques et les systèmes de connaissances qui existent pour les peuples autochtones, ainsi que les systèmes de la Couronne, soient valables en soi. Ce genre de respect nous mènera loin.

[Français]

Le président : Je remercie les sénateurs et les témoins de leur participation et de leur contribution aujourd’hui. Je crois que ce sera très utile.

En prévision de l’étude article par article du projet de loi C-226 qui aura lieu le mardi 30 avril 2024, les membres du comité qui souhaitent proposer des amendements sont invités à consulter le conseiller juridique désigné du Bureau du légiste et conseiller parlementaire pour s’assurer que tout amendement est rédigé dans le format approprié et dans les deux langues officielles. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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