LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 6 juin 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur du projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre; et à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.
La sénatrice Josée Verner (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Je m’appelle Josée Verner, je suis une sénatrice du Québec et je suis vice-présidente du comité.
[Traduction]
Nous tenons aujourd’hui une réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs, à toutes les sénatrices et à toutes les personnes qui participent en personne de consulter les cartons sur la table pour connaître les directives sur la prévention des incidents acoustiques.
Je vous demanderais de respecter les mesures préventives suivantes, qui ont été mises en place afin de protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris nos interprètes.
[Français]
Dans la mesure du possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones. N’utilisez qu’une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment.
Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci à tous de votre coopération.
[Traduction]
Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario.
La sénatrice Robinson : Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
La vice-présidente : Aujourd’hui, le comité poursuit son étude de la teneur du projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre.
[Français]
Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons, par vidéoconférence, Aliénor Rougeot, responsable de programme, Climat et énergie, Environmental Defence Canada, et Shannon Joseph, présidente, Energy for a Secure Future.
Nous accueillons aussi, par vidéoconférence, Laura Cameron, conseillère politique, Institut international du développement durable, et le Dr Christopher Keefer, président, Canadiens pour l’énergie nucléaire. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Cinq minutes sont réservées pour vos allocutions d’ouverture. La parole est à vous, madame Rougeot.
Aliénor Rougeot, responsable de programme, Climat et énergie, Environmental Defence Canada : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices, et merci de me donner la parole aujourd’hui.
[Traduction]
Je suis ici pour exprimer notre appui au projet de loi C-50, la Loi canadienne sur les emplois durables, et pour recommander qu’il soit adopté, sans amendements, dans les plus brefs délais.
Pour comprendre l’importance du projet de loi C-50, vous devez comprendre comment le monde du travail changera avec la transition énergétique mondiale.
Les technologies d’énergie propre connaissent une croissance phénoménale et sont en train de remodeler le secteur de l’énergie. L’Agence internationale de l’énergie — l’AIE — prévoit que, d’ici 2030, il y aura 10 fois plus de voitures électriques sur les routes qu’aujourd’hui, que la technologie solaire photovoltaïque — ou solaire PV — à elle seule générera plus d’électricité que tout le réseau électrique américain et que les énergies renouvelables représenteront près de 50 % du parc électrogène mondial.
Cette même Agence internationale de l’énergie, l’AIE, prévoit aussi que la demande mondiale de charbon, de pétrole et de gaz atteindra son sommet au cours de la présente décennie. Le monde change, que nous le voulions ou non. Pour le Canada, qui dispose d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, de ressources naturelles en abondance, d’un accès aux marchés mondiaux de tous les côtés et d’une diversité d’atouts régionaux, ce changement est une incroyable occasion à saisir. Le problème, c’est que nous ne sommes pas prêts. Nous risquons d’être abandonnés par le reste du monde.
Le Bureau du vérificateur général ainsi que nombre de groupes de réflexion de banques, d’organisations de la société civile et d’universitaires ont souligné que, en l’absence d’un effort national concerté, nous courons un énorme risque de voir les collectivités et les travailleurs canadiens, qui dépendent des industries à fortes émissions carboniques, perdre des emplois, perdre des revenus et avoir de la difficulté à retourner sur le marché du travail, comme cela a malheureusement été le cas lors des transitions économiques précédentes, qui n’avaient pas été gérées.
C’est à cet égard que le projet de loi C-50, la Loi canadienne sur les emplois durables, intervient. Ce projet de loi crée une structure de gouvernance et de responsabilisation dont le but est de veiller à ce que le gouvernement fédéral soutienne les travailleurs et les collectivités pendant la transition. Même si des mesures de soutien directes pour les travailleurs, comme des programmes de recyclage professionnel ou des programmes de retraite anticipée, pourraient effectivement être mises en place sans la Loi canadienne sur les emplois durables, il n’y a que ce type de projet de loi qui assure les trois éléments essentiels de la réussite : la clarté, la cohérence et la responsabilisation.
Premièrement, la Loi canadienne sur les emplois durables fournit de la clarté pour les parties prenantes. Comme vous pouvez l’imaginer, la préparation de la transition mobilise toutes sortes de ministères et une foule d’organisations, et le projet de loi, avec des instruments comme la désignation d’un ministre, un secrétariat agissant comme guichet unique et des plans d’action accessibles au public, nous indique clairement qui au gouvernement est responsable de quoi.
Deuxièmement, la Loi canadienne sur les emplois durables apporte une cohérence dans l’approche gouvernementale sur l’économie carboneutre. Le plus important, c’est qu’elle fait cela en liant les efforts climatiques du gouvernement fédéral avec ses efforts de planification de la main-d’œuvre et de l’économie. Elle détaille également les principes que tous les organismes gouvernementaux compétents devront appliquer au moment d’élaborer des programmes et des politiques en lien avec la transition.
Enfin, et c’est le plus important, pour nous, la Loi canadienne sur les emplois durables constitue un instrument clé pour la responsabilisation. Elle donne aux parties concernées un accès aux décideurs. Comme Mme Bea Bruske, du Congrès canadien du travail, l’a déclaré :
Les travailleurs ont l’expertise nécessaire pour contribuer à la décarbonisation de notre économie, et ce projet de loi garantira que les syndicats et les travailleurs siègent au sein du Conseil du partenariat pour des emplois durables.
Le projet de loi exige également que le ministre réponde publiquement aux conseils donnés par ce conseil. Il exige que des plans d’action à jour soient établis tous les cinq ans et que des rapports d’étape soient publiés à la mi-parcours de tous les plans, afin que les parties prenantes, comme nous, puissent obliger le gouvernement à rectifier le tir avant qu’il ne soit trop tard. Encore mieux, chaque plan d’action doit comprendre des sections spécifiques sur les données recueillies, les progrès accomplis à ce jour, les programmes en cours et sur bien d’autres choses afin de donner aux parties prenantes un portrait complet de ce qui est fait et de ce qui ne l’est pas.
Honorables sénateurs et sénatrices, la version du projet de loi que vous avez sous les yeux est une version considérablement améliorée. Les partis de l’opposition et les parties prenantes se sont battus corps et âme pour que bon nombre des points forts que je viens d’énumérer soient inclus. Bien sûr, nous pouvons et devrions en faire davantage pour préparer le Canada à la transition énergétique. Cependant, notre priorité immédiate doit être l’adoption et la mise en œuvre du projet de loi C-50.
L’Institut climatique du Canada a récemment déclaré qu’il est plus dangereux aujourd’hui pour la compétitivité du Canada d’agir trop lentement dans la transition vers la carboneutralité que d’agir trop rapidement. À dire vrai, le meilleur moment pour adopter ce projet de loi était il y a des années, quand on nous l’a promis initialement, alors le mieux que nous pouvons faire est de l’adopter maintenant.
Merci de votre temps et de votre attention. Je suis impatient de discuter avec vous.
La vice-présidente : Merci.
Laura Cameron, conseillère politique, Institut international du développement durable : J’aimerais dire bonjour aux honorables sénateurs et sénatrices, à la vice-présidente et aux membres du comité. Merci beaucoup de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui au sujet du projet de loi C-50, la Loi canadienne sur les emplois durables. Je m’appelle Laura Cameron, et je suis conseillère politique à l’Institut international du développement durable.
L’Institut international du développement durable a une très vaste expérience en ce qui a trait à la recherche et à la promotion du développement durable, des politiques climatiques et des transitions justes, au Canada comme à l’étranger. L’année dernière, nous avons copublié un rapport intitulé Propositions pour la Loi canadienne sur la transition juste, dans lequel nous avons formulé des recommandations touchant la Loi canadienne sur les emplois durables, fondées sur les pratiques exemplaires internationales.
La transition énergétique mondiale s’opère maintenant, et elle offre d’incroyables occasions à saisir pour la croissance industrielle verte et la création d’emplois verts au Canada. Selon des études récentes menées par le Congrès canadien du travail et l’Institut Pembina, 1,6 million d’emplois seront créés dans le domaine des énergies renouvelables et des industries à faibles émissions carboniques entre 2020 et 2050, compensant largement les emplois perdus dans les industries à fortes émissions. Pareillement, Clean Energy Canada prévoit une croissance annuelle de 7 % des emplois dans le secteur des énergies propres pendant la transition vers la carboneutralité : ces secteurs vont des véhicules électriques — les VE — à la décarbonisation industrielle, en passant par la fabrication et la rénovation.
Au même moment, les marchés mondiaux se détournent des combustibles fossiles, et les marchés pétroliers et gaziers du Canada, axés sur les exportations, seront touchés par ce déclin. Selon les plus récentes prévisions énergétiques mondiales présentées par l’Agence internationale de l’énergie, la demande en pétrole et en gaz atteindra son sommet à court terme et commencera son déclin dans les prochaines décennies, même en l’absence de politiques climatiques supplémentaires.
Pour nous préparer à cette transition industrielle et pour saisir ces occasions, nous devons préparer et augmenter la main-d’œuvre. L’entrée dans l’économie de l’énergie propre doit se faire en partenariat avec les travailleurs et les collectivités, afin qu’elle soit aussi fluide que possible et que les Canadiens aient accès à des emplois à long terme décents pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs collectivités. Il est essentiel de planifier de manière proactive, comme nous l’avons appris des transitions industrielles précédentes.
La Loi canadienne sur les emplois durables jette les bases nécessaires pour la collaboration future avec les travailleurs, les peuples autochtones et les collectivités touchées. Ce projet de loi crée des mécanismes de gouvernance pour appuyer les nouveaux travailleurs ou les travailleurs qui se seront perfectionnés et qui entreront dans ces nouvelles industries à faibles émissions carboniques, mieux adaptées aux collectivités et aux régions.
Les éléments clés du projet de loi sont notamment le Conseil du partenariat pour des emplois durables, le Secrétariat pour des emplois durables et les plans d’action pour des emplois durables. Le Conseil du partenariat veillera à ce que les efforts du gouvernement soient orientés par les syndicats, les peuples autochtones, l’industrie et la société civile, et il assurera une vaste mobilisation du public à l’échelle du pays.
Ces structures de gouvernance reflètent les pratiques qui ont donné des résultats ailleurs, par exemple en Allemagne, en Nouvelle-Zélande, en Écosse et dans l’Union européenne. Grâce à ce projet de loi et aux mesures qui s’ensuivront, le Canada pourra se joindre à ses pairs en tant que chef de file international, qui soutient ses travailleurs et ses collectivités durant la transition.
Le projet de loi C-50 a été élaboré à la lumière d’une étude précédente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, durant laquelle 64 personnes ont témoigné. Il a ensuite été amélioré grâce aux amendements de la Chambre des communes, et l’Institut international du développement durable a contribué à ces deux processus, avec la société civile et ses partenaires syndicaux, en formulant des recommandations quant aux façons dont le projet de loi pouvait être renforcé.
J’aimerais souligner quelques-uns de ces amendements clés au projet de loi.
Premièrement, les liens entre les emplois durables et les politiques climatiques ont été renforcés, de manière à ce que la planification de la main-d’œuvre s’harmonise avec les politiques énoncées dans la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité et à ce que le Conseil du partenariat pour des emplois durables et le Groupe consultatif pour la carboneutralité soient bien coordonnés.
De plus, les principes directeurs ont été améliorés, et ils sont mentionnés dans le texte du projet de loi. Chaque plan d’action doit maintenant préciser comment le gouvernement applique ces principes directeurs ainsi que les mesures spécifiques qui seront prises et les jalons à respecter pour atteindre ces objectifs.
Enfin, les processus définis dans le projet de loi ont été modifiés de manière à être plus inclusifs; on a par exemple ajouté un renvoi à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ajouté un siège au Conseil du partenariat pour un organisme environnemental et d’autres parties prenantes et ajouté des exigences pour assurer une plus grande coordination entre les provinces et les territoires.
Compte tenu de ces améliorations, nous appuyons l’adoption immédiate de ce projet de loi dans sa forme actuelle. Ainsi, les organes de gouvernance pourraient se mettre en place et effectuer leurs travaux à temps pour la livraison du plan d’action 2025.
En conclusion, et en résumé, les travailleurs doivent savoir qu’il y a de bons emplois bien rémunérés pour eux dans leurs collectivités et qu’ils participeront au processus visant à déterminer quels seront ces emplois. Les communautés autochtones doivent jouer un rôle central, si nous voulons réussir la transition vers une économie équitable carboneutre. Le libellé actuel du projet de loi prouve que nous allons dans la bonne direction, et le projet de loi devrait être adopté sans délai.
Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup. La parole va maintenant au Dr Keefer.
[Français]
Dr Christopher Keefer, président, Canadiens pour l’énergie nucléaire : Merci de me donner l’occasion de partager mon point de vue sur le projet de loi C-50, Loi canadienne sur les emplois durables.
[Traduction]
Je m’appelle Chris Keefer, et je suis urgentologue et président de Canadiens pour l’énergie nucléaire. Notre organisation a mené une campagne incertaine — mais finalement réussie — pour la réfection de la centrale nucléaire de Pickering; cela sauvera plus de 3 000 emplois syndiqués de haute qualité dans le secteur de l’énergie verte et permettra à la centrale de produire 15 % de l’électricité sans émissions de l’Ontario jusque dans les années 2070. La centrale de Pickering ainsi que ses centrales jumelles de Darlington et de Bruce ont fourni 90 % de l’énergie qui a été nécessaire pour éliminer progressivement, mais de manière permanente, les centrales au charbon en Ontario. Cette réalisation a été qualifiée de plus grande réduction des émissions de gaz à effet de serre en Amérique du Nord. Cela a aussi permis une transition réellement juste des travailleurs bien rémunérés des centrales au charbon vers des emplois encore meilleurs dans le secteur nucléaire.
Le projet de loi C-50 définit un emploi durable comme étant tout emploi syndiqué, pouvant subvenir aux besoins des travailleurs et de leur famille au fil du temps et qui inclut un revenu équitable et une sécurité d’emploi.
Il s’agit de la définition mot pour mot du genre d’emplois offerts dans le secteur nucléaire. Les centrales nucléaires et ses industries auxiliaires offrent naturellement, pendant leur durée de vie de 70 à 100 ans, des emplois dignement rémunérés et un taux de syndicalisation inégalé, à 84 %.
Les Simpson ont fait beaucoup d’erreurs en ce qui concerne l’énergie nucléaire, mais ils ont brossé un juste portrait du travailleur d’une centrale nucléaire qui peut faire vivre confortablement sa famille de la classe moyenne avec son seul salaire. Malheureusement, les emplois du secteur de l’énergie propre ne sont pas tous égaux, et on ne peut pas blâmer les travailleurs de l’industrie des combustibles fossiles de s’inquiéter pour l’avenir de leur emploi et de leur capacité à subvenir aux besoins de leur famille. Pour citer Noam Scheiber, journaliste spécialiste du travail au New York Times :
[...] l’économie verte ressemble de moins en moins au lieu de travail industriel qui a permis aux travailleurs d’accéder à la classe moyenne, au XXe siècle, et de plus en plus à un entrepôt d’Amazon ou à des conducteurs du parc Uber : des horaires de travail exténuants, un taux de syndicalisation peu élevé, des salaires médiocres et des avantages sociaux limités.
Selon une étude de l’Université du Massachusetts, les salaires et avantages moyens dans le secteur des énergies renouvelables sont inférieurs de 36 % à ceux de l’industrie des combustibles fossiles. D’où viennent ces différences?
Jim Harrison, directeur des énergies renouvelables pour la Utility Workers Union of America, a déclaré : « Il y a beaucoup d’emplois transitoires, marginaux, précaires et très difficiles à organiser. » Les deux tiers des emplois sont peu spécialisés et la plupart ne sont pas syndiqués. Après tout, il y a peu d’emplois permanents dans les parcs éoliens et solaires, et pas de stationnements à proximité. Cela nuit considérablement à la capacité des travailleurs de négocier et d’avoir les emplois durables décrits sous la rubrique « Définitions » dans le projet de loi C-50.
Un autre défi tient au manque d’emplois au Canada dans la chaîne d’approvisionnement de l’énergie éolienne et solaire. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie, la Chine contrôle tous les maillons importants de la chaîne d’approvisionnement de l’énergie éolienne et solaire. Par exemple, 97 % des cellules solaires et 79 % du silicium polycristallin du monde sont produits en Chine, en grande partie par le travail forcé des Ouïghours, dans la province du Xinjiang. D’ailleurs, le Parlement canadien a reconnu à 266 voix contre 0 qu’un génocide est actuellement commis contre le peuple ouïghour.
Le Canada possède toutefois un atout sous-estimé caché dans sa manche. La technologie des réacteurs nucléaires CANDU est un trésor national, développé par des Canadiens et appartenant à des Canadiens. Les ingénieurs canadiens se sont surpassés avec la création du réacteur de génération III+, dont l’expérience opérationnelle lui a valu une renommée mondiale, qui rivalise avec les conceptions américaines des titans de l’industrie, comme General Electric et Westinghouse.
Les réacteurs CANDU sont tout particulièrement pertinents dans la discussion d’aujourd’hui sur les emplois durables, car ils ont été conçus spécifiquement pour optimiser la sécurité énergétique et maximiser la rentabilité de nos investissements dans le nucléaire. Le cœur d’un réacteur modulaire peut être fabriqué localement, car il ne nécessite pas de grosses pièces de forge, lesquelles supposent un procédé industriel qui n’existe pas au Canada.
Les réacteurs CANDU utilisent de l’eau lourde, et nous n’avons donc pas besoin d’uranium enrichi. La valeur ajoutée des emplois dans la fabrication des grappes de combustible reste au Canada. Ainsi, la technologie nucléaire CANDU crée une chaîne d’approvisionnement hyperlocalisée, 96 % canadienne, qui emploie 76 000 personnes. L’effet multiplicateur sur l’économie est sans précédent.
Selon des études du Conference Board du Canada, chaque dollar investi dans la technologie nucléaire CANDU rapporterait 1,40 $ à l’économie locale. Cet effet multiplicateur s’explique par le fait que des dizaines de milliers de travailleurs bien rémunérés vont dépenser leurs salaires dans des collectivités prospères et stimulent l’économie au plus haut point.
J’aimerais pour conclure encourager le futur Secrétariat des emplois durables à adopter une perspective technologiquement neutre, mais éclairée par une analyse exhaustive et objective des caractéristiques de chacune des options sur la table. Cela est nécessaire pour définir la trajectoire optimale vers les emplois durables que l’on souhaite créer grâce à ce projet de loi. L’énergie nucléaire et l’élimination progressive du charbon en Ontario représentent le modèle idéal pour la création de ces emplois.
Merci beaucoup, et j’attends avec impatience de pouvoir discuter avec votre comité.
La vice-présidente : Merci, docteur Keefer.
Madame Shannon Joseph, bienvenue. Vous avez la parole.
Shannon Joseph, présidente, Energy for a Secure Future : Merci.
L’initiative Energy for a Secure Future — ou l’énergie pour un avenir sûr — a pour but d’alimenter une nouvelle discussion sur l’avenir énergétique du Canada et le rôle que nous pourrions jouer sur l’échiquier mondial pour appuyer nos alliés internationaux grâce à la sécurité énergétique et au développement durable. Notre réseau national comprend des syndicats, des communautés autochtones, des municipalités et des leaders de l’industrie, qui ont une vision commune du rôle que doit jouer le Canada.
Il est fondamental, pour assurer l’avenir du Canada, de créer, préserver et multiplier les emplois bien rémunérés à long terme, et nous nous réjouissons de pouvoir donner notre opinion sur ce projet de loi.
Pour atteindre les objectifs énoncés dans le projet de loi, les entreprises devront d’abord décider de dépenser leur argent au Canada en modernisant leurs installations et en investissant dans l’innovation, et elles le feront seulement si elles peuvent répondre aux questions : Vais-je pouvoir récupérer l’argent que je dépense et plus encore? Combien de temps dois-je consacrer à cela?
Le projet de loi doit donc en priorité faire du Canada une destination plus attrayante pour les investissements, parce que ce sont les investissements qui créent les emplois durables.
Notre réglementation est-elle efficiente? L’énergie est-elle abordable au Canada? Comment les choses évolueront-elles au fil du temps si l’on veut que le Canada demeure un pays axé sur l’exploitation des ressources naturelles, la fabrication, l’agriculture et bien d’autres secteurs?
J’aimerais aussi souligner précisément l’importance du gaz naturel liquéfié canadien; il s’agit d’un important vecteur de réduction des émissions mondiales, qui contribue en outre à la création d’emplois durables. Le but de la politique climatique du Canada est de respecter les cibles nationales en matière de réduction des émissions, que le gouvernement s’est engagé à atteindre dans le cadre de l’Accord de Paris. La gestion des émissions de gaz à effet de serre, les GES, est un défi mondial, alors le Canada doit réfléchir à la meilleure façon dont il peut contribuer à la réduction mondiale des émissions.
Le Canada possède de vastes ressources énergétiques, et il est donc particulièrement bien placé pour aider ses alliés internationaux à satisfaire leurs besoins énergétiques d’une manière qui réduira les émissions mondiales. L’exportation de gaz naturel liquéfié canadien, le GNL, est la meilleure façon d’y arriver, puisqu’il s’agit du GNL à plus faibles émissions dans le monde. C’est aussi ce que nous demandent nos amis d’Europe et d’Asie.
La consommation de charbon n’a jamais été aussi forte dans l’histoire du monde qu’en 2022 et 2023 et, si la tendance se maintient, nous battrons un autre record en 2024. Cette consommation tient à la demande en électricité et en chauffage, en particulier dans les pays qui veulent augmenter le niveau de vie de leurs citoyens. Selon de multiples études — y compris celles de l’Institut C.D. Howe, de la Chambre de commerce du Canada et de la Banque nationale du Canada —, les exportations de GNL canadien pourraient remplacer les combustibles à fortes émissions en Asie, et la réduction des émissions mondiales serait équivalente à plus que toutes les émissions produites au Canada en un an. C’est toujours la plus importante contribution que pourrait faire le Canada à la réduction des émissions mondiales, et pourtant, cette perspective sur les émissions mondiales n’est pas du tout prise en considération dans le projet de loi.
Cela a aussi de l’importance pour les emplois durables en jeu. Il y a actuellement six projets de GNL en développement sur la côte Ouest du Canada. Si la plupart de ces projets se concrétisaient, les retombées économiques contribueraient 10,2 milliards de dollars au PIB annuel, 3,6 milliards de dollars aux recettes gouvernementales et 77 600 emplois au pays annuellement. Ces emplois seraient dans les métiers de la construction, dans la fabrication de l’acier, dans le transport ferroviaire et dans un éventail d’autres services.
Il convient de souligner également que ces projets comprennent tous une composante autochtone importante, comme des partenariats et souvent une participation à tous les maillons de la chaîne de valeur : en amont, au milieu et en aval. Dans le cas de Woodfire LNG, la Première Nation Squamish a effectué l’évaluation environnementale. Les Premières Nations de Blueberry River dirigent les stratégies d’intendance ou gouvernementales en amont. Dix-sept des 20 nations situées le long du pipeline Coastal GasLink ont l’option d’acheter une part du projet, et le projet de Cedar LNG de la nation Haisla sera le premier projet de GNL appartenant majoritairement à des Autochtones dans toute l’histoire du Canada. Ces projets génèrent donc tous d’importantes retombées sociales et économiques ainsi qu’à l’égard de la réconciliation pour notre pays, sans parler bien sûr des importantes retombées environnementales.
Pour conclure, nous recommandons que ce projet de loi prenne en considération des occasions de réduction des émissions mondiales grâce à l’exploitation des ressources canadiennes. Le Canada devrait travailler avec ses clients potentiels afin que soient reconnus les avantages environnementaux du remplacement par notre GNL des sources d’énergie à fortes émissions sur les marchés mondiaux. Nous recommandons aussi que ce projet de loi prenne en considération l’éventail des résultats, pour le pays et pour le monde, de la fourniture par le Canada de la future sécurité énergétique, passant par exemple par l’abordabilité, la fiabilité, la sécurité et la résilience.
Enfin, nous recommandons d’accorder une grande importance aux façons dont nous pourrions attirer les investissements qui seront nécessaires pour que le Canada, en tant qu’économie en croissance, puisse réaliser ses objectifs.
Merci.
[Français]
La vice-présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant commencer la période des questions avec la sénatrice Miville-Dechêne.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci à tous et à toutes pour vos présentations très informatives. J’ai des questions précises. Évidemment, on voit qui sont les parties prenantes dans le projet de loi; c’est assez clair et précis.
Je me demande deux choses. Est-ce qu’il y a un risque de blocage, puisque nous avons ici des parties prenantes qui n’ont pas forcément le même point de vue sur toutes sortes d’enjeux? Si oui, je me demande pourquoi on n’appelle pas à la table des experts universitaires, qui seraient à l’extérieur de la joute qui se déroule actuellement, pour qu’ils nous aident à mieux comprendre la question du marché du travail et ses transformations. C’est une question qui m’intéresse.
Je ne suis pas sûre que vous pourrez répondre à ma question, mais vous savez que, dans notre belle fédération, ce sont les provinces qui sont généralement responsables de la main‑d’œuvre. Alors, pourquoi le Conseil de la fédération n’est-il pas à la table, pour que l’on mène une large consultation qui pourrait donner des résultats sur le terrain?
Qui a quelque chose à dire sur ma question?
Mme Rougeot : Je veux bien contribuer. Merci beaucoup de votre question et de votre attention, sénatrice.
Pour la première question, vous avez correctement identifié qu’il y a un risque potentiel de blocage si ceux qui sont nommés à ce conseil ont intérêt à garder le statu quo et à favoriser une économie du passé, notamment une économie fossile, et non une économie de l’avenir. On a beaucoup travaillé avec le gouvernement pour s’assurer que le langage et les critères utilisés pour les membres de ce partenariat, de ce conseil, s’adressent bien clairement à des industries qui seront impliquées dans l’économie de l’avenir. Ce langage a été modifié à la demande de plusieurs parties prenantes.
Pour la deuxième question, je crois qu’il est très important d’avoir des groupes qui n’ont peut-être pas des intérêts parfaitement alignés, mais il est très important qu’ils soient tous à la même table. C’est un concept de dialogue social que l’on voit beaucoup dans d’autres juridictions et qui fonctionne. C’est un peu le seul moyen de débloquer les tensions. Il y aura sûrement des tensions à ce conseil, mais à notre avis, il vaut mieux qu’elles soient réglées là plutôt que dans la sphère publique ou qu’elles ne soient pas réglées du tout.
La sénatrice Miville-Dechêne : Qu’en est-il de la question des experts plus neutres, entre guillemets, comme des universitaires qui pourraient nous aider sur ces questions difficiles?
Mme Joseph : Je pense que c’est important d’avoir ces perspectives. Toutes les perspectives sont importantes quand on parle de la transformation de l’économie, mais je pense que ce n’est pas une lacune ou un manque d’expertise si on a des gens qui travaillent dans le secteur et représentent des industries qui créent des emplois aujourd’hui et qui ont un point de vue sur les façons de transformer les investissements pour les emplois du futur. Il ne faut jamais oublier que l’économie de l’avenir se bâtit sur quelque chose qui existe déjà. Comment transformer l’économie de manière à préserver l’abordabilité, les emplois, le coût de la vie et la compétitivité du marché au Canada? Ce ne sont pas que les universitaires qui peuvent commenter là-dessus. Merci.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins. Ma question s’adresse à Mme Rougeot, à Mme Cameron et à Mme Joseph, si possible. Cela concerne les collectivités, et j’aimerais situer le contexte.
En Saskatchewan, nous avions une ville appelée Uranium City. Elle avait été fondée en 1960, sur la rive nord du lac Athabasca. En 1981, c’était une collectivité très dynamique de 2 500 personnes. En 1982, la mine Eldorado a fermé sans préavis, et le dépeuplement a créé une ville fantôme de plus de 500 maisons. Les entreprises se sont écroulées. Plus près de notre époque, il y a la ville de Coronach, en Saskatchewan, qui pourrait subir le même sort : il s’agit d’une ville de 2 500 habitants, avec des écoles, des cinémas, des hôpitaux, et cetera, mais son économie repose sur la production d’électricité alimentée au charbon. Dans ce contexte, je veux donc mettre l’accent sur les collectivités.
Selon vous, comment le projet de loi C-50 pourrait-il répondre aux besoins des collectivités rurales et éloignées, en particulier les collectivités des Premières Nations et les collectivités rurales du Canada, dans les provinces où il y a moins de population, comme la Saskatchewan par exemple?
Mme Cameron : C’est une excellente question. Il est essentiel de tenir compte des besoins des collectivités, surtout celles qui seront les premières et les plus durement touchées. Le Conseil du partenariat doit commencer par là. C’est une des raisons pour laquelle il est urgent que ce projet de loi soit adopté et que le Conseil du partenariat puisse voir le jour et commencer à faire le travail qu’il prévoit faire, donc entreprendre des consultations régionales avec les collectivités, visiter régulièrement les collectivités touchées dans tout le pays, écouter ce que les membres de la collectivité et les travailleurs ont à dire spécifiquement à propos de la situation et soutenir l’élaboration de programmes et d’investissements qui aideront ces collectivités.
Nous appuyons ces éléments du projet de loi et nous espérons qu’ils seront également présents dans le Plan pour des emplois durables, nous voulons des mécanismes précis pour appuyer la planification régionale, de façon que les collectivités et les régions puissent diriger la planification de leur développement économique à venir, et nous voulons que le soutien offert par le gouvernement fédéral soit accompagné d’une approche ascendante qui permettra à ces collectivités et aux travailleurs d’être présents, dès le début, à la table des discussions.
Cette planification proactive nous donnera la possibilité de corriger et d’améliorer ce qui a été fait dans le passé à l’égard des transitions dont vous avez parlé, lorsqu’il n’y avait peut-être pas autant de planification proactive, que l’on a laissé jouer les forces du marché et que les travailleurs ont été laissés pour compte, dans certains cas. Donc, il y a une occasion à saisir. Je vais laisser les autres témoins intervenir.
Mme Joseph : Merci. C’est une des raisons pour lesquelles la compétitivité est une priorité si importante relativement à ce projet de loi. Elle n’est pas mise en relief dans les compétences du conseil ou dans l’approche du plan, mais le Canada a déjà vécu la fermeture soudaine d’industries, comme les pêches à Terre-Neuve ou les collectivités minières en Alberta, quand s’est opérée la transition rapide vers la production électrique alimentée par le gaz naturel. Si nous mettons tout cela en œuvre très rapidement, à l’échelle de l’économie, il ne faut pas surestimer la capacité budgétaire du gouvernement de combler tous les vides. Nous devons réellement continuer d’attirer les investissements et faire comprendre aux entreprises qu’elles sont en mesure de transformer les systèmes énergétiques de leurs installations afin d’avoir une transformation carboneutre des produits du charbon. Cependant, il faudra créer ces emplois avant de commencer l’élimination progressive, parce qu’il n’y aura peut-être rien pour combler les vides. C’est d’une importance cruciale. Je pense que c’est une lacune du projet de loi.
Mme Rougeot : Pour conclure, l’un des points forts que nous voyons dans ce projet de loi est l’article sur la collecte de données. Nous savons que Statistique Canada recueille des données de manière très robuste, mais que sa communication externe est très médiocre. La plupart du temps, les parties prenantes ne sont pas au courant de l’information dont dispose le gouvernement, surtout maintenant, alors que nous pouvons anticiper de grandes perturbations économiques. Il s’agit de tendances mondiales, comme plusieurs d’entre nous l’ont dit.
Je suis impatient de voir comment le premier plan d’action intégrera explicitement cette transparence en matière de collecte de données, de façon que les collectivités, y compris les chefs syndicaux, y compris les conseils locaux, puissent voir ces données et anticiper les investissements nécessaires, au lieu d’être pris de court comme nous l’avons vu dans le passé.
La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse aux représentants d’Environmental Defence Canada, d’Energy for a Secure Future et de l’Institut international du développement durable. Mais tout d’abord, je veux dire que je suis d’accord avec Mme Joseph sur le fait que nous devons investir. Nous devons tout d’abord créer les emplois et les industries afin de créer ces emplois durables.
La première version de ce projet de loi a été élaborée à part et n’était pas liée à notre projet de loi sur la carboneutralité en 2050. Elle était là, de son côté, et, à l’autre endroit, ils l’ont vue et l’ont liée au projet de loi sur la carboneutralité parce que nous avions besoin de buts, d’objectifs et d’un échéancier.
Maintenant, j’aimerais que vous me disiez qui va créer ces emplois. Quels sont les objectifs, en chiffres, et quels sont les secteurs? Quels secteurs créeront ces nouveaux emplois durables?
Mme Joseph : Je vais commencer, parce que j’ai beaucoup parlé de GNL, qui, je continue à le dire, est très important pour de nombreux pays qui continuent de dépendre des carburants à fort taux d’émissions pour faire croître leur économie.
Si nous commençons seulement par augmenter les activités de ce secteur, cela créera beaucoup d’emplois. Cela créera aussi beaucoup de richesse. Le développement fera aussi en sorte que, sur le plan international, on croira davantage que le Canada peut faire avancer les choses.
J’ai passé beaucoup de temps à travailler avec les membres de notre réseau, y compris dans les espaces autochtones, j’ai rencontré des diplomates et je leur ai parlé de la capacité du Canada à fournir des choses comme de l’hydrogène. La question est : pouvez-vous construire cela? Pouvez-vous le faire?
Mme Rougeot : Merci, madame la sénatrice, de la question. J’ai deux points. Le premier, c’est qu’il faut attirer des investissements, parce que je conviens aussi que la concurrence est un élément clé. C’est pour cela qu’il est de la plus haute importance que le pays soit prêt. Vous ne serez pas prêt pour les investissements si vous n’avez pas une main d’œuvre compétente et formée qui a les compétences requises par les industries de l’avenir. C’est un aspect dont traite précisément le projet de loi.
L’autre point concerne les secteurs de l’avenir; nous avons tendance à penser que seules les énergies renouvelables interviendront directement dans l’abandon de l’économie fondée sur les combustibles fossiles, alors qu’en fait, il faut aussi penser à l’efficacité énergétique et aux emplois dans la production, la construction et l’infrastructure bâtie ainsi que dans l’industrie du transport. Je pourrais signaler une multitude de secteurs.
Le sénateur Wells : Merci à nos témoins. J’ai deux questions. La première s’adresse à Mme Cameron et à Mme Rougeot. Comme le Canada émet 1,5 % des émissions mondiales de CO2 et qu’un rapport récent de la RBC donne à penser que l’engagement financier du Canada envers la réduction du carbone est de 2 billions de dollars, quelles sont vos attentes, ou que disent vos recherches, concernant la diminution des émissions du Canada après l’adoption du projet de loi C-50 et compte tenu des autres projets du Canada?
Mme Cameron : Merci de la question. Oui, je crois qu’il est essentiel que le Canada... il est vrai que nos émissions par habitant sont très élevées, mais il faut aussi assumer nos responsabilités pour nos...
Le sénateur Wells : Excusez-moi, je n’ai pas parlé des émissions par habitant; j’ai posé une question au sujet des émissions totales.
Mme Cameron : Oui. Je ne fais qu’ajouter de l’information.
Nous devons profiter des retombées en aval du pétrole et du gaz que nous produisons et exportons. Les émissions totales sont une pièce du casse-tête dont on ne rend pas souvent compte, mais nous devons assumer nos responsabilités à cet égard. En tant que producteur important de pétrole et de gaz à l’échelle mondiale, nous avons effectivement un rôle de chef de file à jouer dans la transition, et les autres pays s’attendent à ce que le Canada prenne les choses en main dans ce domaine.
Le projet de loi C-50 est une pièce du casse-tête. Il n’amorcera pas la transition à lui seul, mais, si je reviens à la question de la sénatrice Galvez, nous devons mettre en œuvre une stratégie industrielle verte, parallèlement à ce projet de loi, qui vise à créer des emplois et à améliorer les compétences des travailleurs de façon qu’ils puissent pourvoir ces postes et profiter de ces débouchés dans le secteur industriel. Le projet de loi C-50 à lui seul ne réduira pas nos émissions, mais il doit faire partie du large éventail des politiques en matière de changements climatiques.
Le sénateur Wells : Merci.
Mme Rougeot : Je pense aussi à autre chose; nous avons toujours vu cela comme un projet de loi complémentaire à tout le travail que nous avons fait au regard du Plan de réduction des émissions et de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. À bien des égards, nous aurions aimé que ces deux mesures soient appliquées en même temps, parce que nous voulons toujours que l’aspect humain soit en harmonie avec les aspects industriel et environnemental. Il s’agit plus d’une police d’assurance, pour nous assurer que nous ne laissons personne à la traîne, mais ce sont les deux autres mesures qui entraîneront réellement une réduction des émissions.
Du côté de l’industrie, nous voyons beaucoup de crédits d’impôt à l’investissement et d’autres mesures incitatives, et nous nous posons souvent des questions au sujet des gens. De nombreux dirigeants syndicaux nous ont dit que leur employeur recevait des crédits d’impôt à l’investissement, mais qu’ils n’en voyaient pas la couleur. Grâce à ce projet de loi, personne n’est laissé pour compte.
Je vais aussi souligner que le Canada se classe au 2e rang pour ce qui est des émissions de GES par habitant et au 11e rang dans le monde pour ce qui est de ses émissions totales; ce que nous faisons ici a donc vraiment de l’importance pour le reste du monde.
Le sénateur Wells : J’aimerais souligner que j’ai posé une question sur la réduction des émissions du Canada, non pas sur les émissions par habitant.
Madame Joseph, merci d’avoir mentionné Terre-Neuve-et-Labrador et ce que nous avons vécu au début des années 1990. J’ai passé 30 ans dans le secteur des pêches, et j’y étais à cette époque. Dans le cadre de deux programmes, la Stratégie du poisson de fond de l’Atlantique et le Programme d’adaptation et de redressement de la pêche la morue du Nord, on a dépensé des milliards de dollars en programmes de recyclage des travailleurs lorsqu’il y a eu une fermeture soudaine des pêches. Des dizaines de milliers de gens ont perdu leur emploi. Nous ressentons la même chose, maintenant, pas parce que l’on a voulu recycler le personnel pour des emplois qui n’existaient pas, comme le disait la sénatrice Galvez dans sa question, mais parce que les gens ont quitté les régions rurales de Terre-Neuve, où il n’y avait pas beaucoup d’autres débouchés.
Quelle est votre opinion sur la proposition actuelle du projet de loi C-50, puisque vous avez formulé des commentaires positifs au sujet du carburant de transition qu’est le gaz naturel? Que proposeriez-vous pour les régions rurales du pays, non pas seulement pour Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi pour d’autres régions, par exemple les régions autochtones de l’Ouest du Canada?
Mme Joseph : Merci beaucoup. J’aimerais parler rapidement des émissions par habitant parce que d’autres témoins en ont parlé. Soixante-sept pour cent de la consommation finale d’énergie est attribuable à l’activité industrielle. Nos émissions par habitant sont élevées parce que nous avons une petite population et que nous utilisons beaucoup d’énergie afin d’avoir une grande économie. Si nous voulons diminuer cette consommation, nous devons nous assurer de ne pas réduire notre économie en même temps. Je voulais seulement vous le dire.
En ce qui concerne les régions rurales du Canada, je pense qu’il est important de reconnaître qu’il y aura différents emplois, à différents endroits. Le Canada a une solide expérience du développement de différentes ressources, du secteur minier au secteur de la fabrication, etc. Un grand nombre de ses activités se déroulent dans les régions rurales du Canada. Ces régions ont besoin d’une mise à niveau de leur infrastructure électrique, de meilleures routes et d’une meilleure infrastructure de transport. Il y a plein de choses fondamentales qui aideront ces collectivités de ces régions à attirer des emplois, des entreprises, et cetera. C’est important, y compris pour les communautés autochtones, parce qu’elles ne veulent pas quitter ces lieux. Ils sont importants pour elles.
Pendant que le Canada poursuit ses efforts, il est important d’inviter à la table ces gens, les travailleurs de ces régions et les provinces pour examiner de plus près les débouchés économiques, et pas seulement en théorie, ainsi que les autres compromis qu’ils sont prêts à accepter. Il y aura toujours des compromis. Les données, ce n’est pas suffisant. Au bout du compte, il faudra faire un choix, et je pense qu’il est très important que ce soit le choix des gens les plus touchés.
La vice-présidente : Merci.
La sénatrice McBean : Merci. Merci à tous nos témoins d’aujourd’hui. Pour revenir à la question des collectivités dont ont parlé le sénateur Arnot, la sénatrice Galvez et le sénateur Wells, vous avez dit, madame Cameron, dans votre témoignage, qu’une planification proactive était essentielle, comme nous l’avons appris d’autres secteurs industriels. Pourriez-vous en dire plus à ce sujet? On nous a donné des exemples de collectivités qui étaient devenues des villes fantômes. Le sénateur Wells a parlé des investissements dans les collectivités de Terre-Neuve-et-Labrador après la fermeture de la pêche à la morue. Sur le plan international, pouvez-vous nous donner des exemples de transition positive des collectivités ou des industries?
Mme Cameron : Oui. Merci de la question. Les exemples qui concernent le Canada sont ceux dont il faut apprendre. Nous reconnaissons effectivement que les transitions ont parfois été cahoteuses pour les collectivités; c’est le moins que l’on puisse dire. C’est pourquoi nous avons ici une occasion de regarder ce qu’il faut faire de différent par rapport aux transitions économiques passées.
Je vais parler un peu de l’exemple de l’Allemagne et de la façon dont elle a délaissé progressivement le charbon, un produit d’exportation très important pour elle. Cela a été très intéressant, et je sais qu’il y a des discussions en cours entre les gouvernements de l’Allemagne et du Canada dans le but de partager les leçons apprises sur l’abandon du charbon et l’abandon des combustibles fossiles en général. L’Allemagne avait mis sur pied un important groupe de travail similaire, comptant des représentants de différentes régions, qui a élaboré un échéancier sur 20 ans pour éliminer graduellement la production de charbon. En plus de cet échéancier, l’Allemagne a élaboré un plan exhaustif et prévu des investissements nationaux dans les régions les plus touchées, en fonction de leur planification économique, pour attirer le capital et les investissements dans ces régions afin de créer de nouveaux emplois en prévision de la transition ou en parallèle et de faire en sorte que ces collectivités ne soient pas laissées pour compte. C’est un bon exemple. Je ne pense pas que ce soit un exemple parfait, mais il est très important que le Canada tire des leçons des autres pays à cet égard.
Dr Keefer : Comme bon exemple, j’ai mentionné dans mon témoignage la transition de l’Ontario du charbon à l’énergie nucléaire, qui est vraiment la norme à suivre selon moi. Nous devons nous rappeler que les emplois dans l’industrie des combustibles fossiles sont généralement d’excellents emplois qui soutiennent des familles et qui sont durables.
Évidemment, il faut faire la transition. Malheureusement, l’exemple de ma collègue témoin concernant l’Allemagne n’est pas juste. En Allemagne, la source principale d’énergie est encore le charbon. C’est notamment parce que l’Allemagne a progressivement délaissé l’énergie nucléaire, qui produisait 25 % de l’électricité du pays.
Nous n’avons pas à chercher si loin. Nous avons un exemple convaincant ici. Nous avons de formidables infrastructures hydroélectriques, partout au pays, mais la production est déjà au maximum — nous avons utilisé tous les meilleurs endroits. On ne peut plus vraiment l’agrandir. L’énergie nucléaire nous offre une option qui est fondée sur des données probantes. Nous n’avons pas vu de réseaux électriques éoliens et solaires similaires, à très faibles émissions de carbone, par exemple.
Ce qui est important, c’est que les comités et les secrétariats créés par ce projet de loi examinent les données probantes de façon réellement impartiale et qu’ils ne s’écartent pas des données probantes. Encore une fois, je pense que nous avons un excellent exemple ici, en Ontario, duquel on peut apprendre. C’est applicable aux autres provinces canadiennes qui, comme l’Ontario, ne peuvent pas en faire plus pour l’hydroélectricité.
Mme Cameron : Si vous me permettez de vous corriger, je n’ai pas dit que l’Allemagne avait éliminé le charbon. Je dis seulement que, à l’heure actuelle, elle a un plan pour y arriver.
La sénatrice McBean : Merci d’avoir donné votre avis, docteur Keefer. Madame Cameron, où en est rendue l’Allemagne dans son plan sur 20 ans?
Mme Cameron : Je pense que l’échéance est en 2038; donc ce plan a été élaboré il y a quelques années seulement. Il est très étoffé. Je serais ravie de vous fournir plus d’information. Mes collègues de l’Institut international du développement durable qui se trouvent à Genève et ailleurs en Europe suivent de près ce processus, donc je serais ravie de vous fournir plus d’information. Je sais que c’est aussi un dossier que le Secrétariat des emplois durables suit de très près.
La sénatrice McBean : Je serais ravie de recevoir cette information. Merci.
La sénatrice McCallum : Merci aux témoins de vos exposés.
Nous devons nous rappeler que, présentement, aujourd’hui, de nombreuses collectivités vivent toujours dans des environnements toxiques en raison de la présence d’entreprises d’extraction des ressources. Il y a toujours eu de la création de richesse, mais il y a toujours beaucoup de pauvreté, même si le Canada a eu beaucoup d’occasions de l’éliminer. Je sais que l’inclusion et la pauvreté sont des principes directeurs des exposés qui ont été présentés.
Tous les témoins ont parlé de l’importance d’inclure les Premières Nations, les Métis, les Inuits et les non-inscrits afin de procéder à une transition équitable. Les membres des Premières Nations ont toujours eu de la difficulté à obtenir et conserver des emplois durables parce qu’ils relèvent de trois entités, le gouvernement fédéral, et les gouvernements provinciaux et les sociétés, ce qui les a mis en retard compte tenu des enjeux liés à la compétence de chacun. On nous a dit qu’une approche gouvernementale efficace devrait inclure des éléments réactifs, pour tenir compte des répercussions historiques et des répercussions immédiates déjà visibles de cette transition, ainsi que des éléments proactifs qui permettront de planifier et d’anticiper les changements économiques
Comment les répercussions des facteurs extérieurs... le respect des traités selon lesquels les Premières Nations vont rester sur leurs territoires, les politiques du gouvernement, et surtout, le manque de responsabilisation des entreprises — par exemple, le principe de pollueur payeur et une réforme du droit de la faillite... Comment traitons-nous cela dans le projet de loi? Cela a beaucoup d’impact sur la situation actuelle des collectivités autochtones.
[Français]
La vice-présidente : Nous avons déjà un autre groupe de témoins en attente. Je ne sais pas s’il est possible pour les témoins de répondre à la question de la sénatrice McCallum et à la question du sénateur Arnot par écrit. Je crois que ce serait une bonne façon de conclure et de donner tous vos points de vue aux deux sénateurs qui attendent que l’on réponde à leur question. Est-ce d’accord?
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Merci. Docteur Keefer, selon vous, quels sont les investissements nécessaires dans le secteur nucléaire pour soutenir la transition indiquée dans le projet de loi C-50? J’aimerais avoir cette réponse par écrit.
Voici le contexte. Il y a en Saskatchewan une société, SaskPower, une petite société qui produit de l’électricité pour un petit 1,2 million de clients. Selon son estimation, nous avons besoin de quatre petits réacteurs modulaires de 5 milliards de dollars chacun pour un total de 20 milliards de dollars.
Où pouvons-nous obtenir le financement pour faire la transition entre les combustibles fossiles et l’énergie nucléaire? Sans oublier qu’il faut doubler l’infrastructure électrique au cours des cinq prochaines années pour cette nouvelle électricité. Pouvez-vous me fournir une réponse par écrit, monsieur? J’aimerais utiliser votre réponse, si possible, dans une observation sur ce projet de loi.
[Français]
La vice-présidente : Merci aux témoins qui ont accepté notre invitation ce matin.
[Traduction]
Dans notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons l’honorable Seamus O’Regan, c.p., ministre du Travail et des Aînés, Emploi et Développement social Canada, qui comparaît par vidéoconférence.
[Français]
Le ministre est accompagné par Eva Lazar, directrice exécutive, Projets spéciaux, Direction générale des compétences et de l’emploi, Emploi et Développement social Canada, ainsi que Christina Paradiso, directrice générale, Direction de la politique énergétique, et Cori Anderson, directrice, Emplois durables, Ressources naturelles Canada.
[Traduction]
Merci d’être avec nous, monsieur le ministre. Vous avez 10 minutes pour faire vos déclarations liminaires. Vous avez la parole, monsieur le ministre.
[Français]
L’honorable Seamus O’Regan, c.p., député, ministre du Travail et des Aînés : Merci beaucoup. Le projet de loi C-50 vise les occasions de l’avenir, et cet avenir est prometteur pour les travailleurs. Le monde entier est à la recherche d’énergie propre, d’énergie renouvelable : des biocarburants, de l’hydrogène et de l’énergie solaire.
Nous pouvons rester les bras croisés et laisser ces industries se développer dans d’autres pays, ou bien nous pouvons faire en sorte que ce soient les travailleurs d’ici qui obtiennent ces emplois — les travailleurs de Terre-Neuve-et-Labrador, de l’Alberta, de la Saskatchewan, de tout le Canada. Ce sont eux qui construiront cette industrie et qui vendront l’énergie renouvelable au monde entier.
Ce projet de loi reconnaît la réalité : le monde veut des énergies renouvelables. Les emplois durables sont de bons emplois. Pensons à l’usine d’hydrogène d’Air Products, à Edmonton, où plus de 2 500 employés travailleront; il s’agit d’emplois durables. Pensons à l’usine de batteries Northvolt, à Saint-Basile-le-Grand, où 3 000 travailleurs construiront les batteries pour nos voitures; il s’agit d’emplois durables.
J’invite les sénateurs à se rendre à Come By Chance, à Terre-Neuve, où 800 travailleurs ont transformé une raffinerie de pétrole en raffinerie de carburant renouvelable; ce sont des emplois durables. Je suis député de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous sommes une province pétrolière qui dépend des revenus pétroliers pour 50 % de son budget. Il est donc très important pour moi et pour les gens de ma région que nous fassions ce qu’il faut. Nous avons notre mot à dire. La législature provinciale de Terre-Neuve-et-Labrador a été la seule en Amérique du Nord à voter à l’unanimité pour le net zéro — à l’unanimité.
Je suis fier de l’association de ma province avec l’industrie pétrolière et gazière et encore plus fier qu’on ait rebaptisé Newfoundland and Labrador Oil and Gas Industries Association pour qu’elle devienne Energy NL. Ces gens parlent sérieusement de l’hydrogène, des énergies renouvelables et de portfolios de l’énergie. Certaines des solutions les plus créatives et les plus pratiques viennent des travailleurs et des syndicats. Ils veulent un siège à la table. C’est ce que fait le projet de loi C-50 : il garantit aux travailleurs un siège à la table. Rien de plus, mais rien de moins. Si les travailleurs se sentent exclus, ils peuvent devenir inquiets ou se mettre en colère. Je veux connaître leurs idées, surtout en cette période de pénurie de main‑d’œuvre, en particulier dans les métiers. Nous avons besoin de leurs idées.
Je vous remercie et je suis impatient de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre.
[Traduction]
Le sénateur Wells : Merci, monsieur le ministre, de votre exposé. Nous ne savons toujours pas combien va coûter le projet de loi C-50. Ce sera une de mes questions.
J’aimerais parler de ce qui s’est passé dans le secteur de la pêche à la morue dans les années 1990, comme vous le savez très bien, au moment où la LSPA et le NCARP — deux programmes de formation d’appoint, ce que sera essentiellement le projet de loi C-50 — cherchaient à recycler les gens pour...
M. O’Regan : Non, pas nécessairement.
Le sénateur Wells : Merci. Attendez que je pose ma question, et je vais attendre que vous me répondiez.
M. O’Regan : À quelle page renvoyez-vous dans le projet de loi pour ce qui est de la formation?
Le sénateur Wells : Monsieur O’Regan, nous tentons de recueillir de l’information et des données probantes pour notre étude, vous le savez. Vous aurez une chance de répondre.
M. O’Regan : Je regarde le projet de loi C-50. On ne parle pas de formation ou d’une table où les travailleurs peuvent donner leur avis. On ne parle pas de formation.
Le sénateur Wells : Merci. Le projet de loi C-50 — c’était avant la Loi sur la transition équitable et c’est maintenant la Loi canadienne sur les emplois durables — vise à priver les gens — je vais parler de Terre-Neuve-et-Labrador, mais on peut déjà présumer que c’est la même chose partout au pays, où le pétrole et le gaz sont une importante partie de l’économie — d’emplois déjà durables qui paient beaucoup trop, parfois...
M. O’Regan : Non, ce n’est pas le cas.
Le sénateur Wells : ... trois fois plus...
M. O’Regan : Non, ce n’est pas le cas.
Le sénateur Wells : ... que le salaire moyen d’un Canadien...
M. O’Regan : Non, ce n’est pas le cas.
Le sénateur Wells : ... et à les envoyer travailler dans une industrie qui n’est pas encore connue.
M. O’Regan : Non, ce n’est pas le cas.
Le sénateur Wells : Pouvez-vous me dire quel est son objectif?
M. O’Regan : Voyons voir. Regardons les verbes indiqués sous les responsabilités du conseil, à l’article 7 : conseiller, conseiller, conseiller, conseiller, conseiller, mobiliser et aborder. Il n’y a pas de « priver ». Il n’y a pas de « éliminer ». « Conseiller ». C’est l’objectif. Je veux que ce soit clair : nous parlons du projet de loi C-50. Les verbes utilisés ici sont conseiller, conseiller, conseiller, conseiller; d.1) on parle de conseiller, e) de mobiliser, f) d’aborder.
Le sénateur Wells : Monsieur le ministre, ce sera juste cela? On ne fera pas d’effort pour déplacer les gens du secteur du pétrole vers d’autres emplois, des emplois verts, dont vous avez parlé précédemment?
M. O’Regan : Les gens déménagent, parfois, pour un emploi mieux rémunéré ou parce qu’ils ont trouvé un emploi. Je suis présentement à Energy NL. Monsieur le sénateur, je sais que vous connaissez bien la conférence. Elle a eu un nombre de participants record, cette année, et c’est vraiment un record absolu. Une bonne moitié des participants provenaient du secteur de l’énergie renouvelable. Les gens accueillent le concept à bras ouverts. Ils vont là où se trouvent les emplois, où se trouve l’argent. Nous voulons leur fournir de la formation, et les gens vont avoir leur mot à dire sur le genre de formation offerte, mais je ne vais pas présumer que c’est de la formation. Ils sont ici pour conseiller le ministre sur certaines choses et donner des conseils indépendants. Les travailleurs ont demandé de pouvoir donner leur avis sur ce qui se passe.
Mon dieu! qu’il y a du monde ici. J’ai participé des conférences — vous aussi, je le sais — organisées par Energy NL, et avant cela par la NOIA, pendant, je ne sais pas trop, sept, huit, neuf ans. Cette conférence les dépasse toutes et de loin. Cela se passe, vous savez? La transition énergétique se passe. Cela se passe ici.
Le sénateur Wells : Monsieur le ministre, merci.
M. O’Regan : Les possibilités sont incroyables.
Le sénateur Wells : Merci, monsieur le ministre. Nous tentons de recueillir des données probantes ici.
M. O’Regan : Venez sur le terrain. C’est incroyable. C’est le genre de données probantes que vous voulez pour votre étude, croyez-moi.
La sénatrice McCallum : J’aimerais faire un commentaire. Serait-il possible de ne pas interrompre les gens qui parlent, qui témoignent ou qui posent des questions? C’est très dérangeant. Je n’ai même pas compris sa question parce qu’il y avait trop...
La vice-présidente : Je suis d’accord avec vous.
[Français]
S’il vous plaît, le ministre est avec nous jusqu’à 11 heures. Les sénateurs ont des questions à lui poser et on aimerait non seulement entendre les réponses, mais aussi la question. Je vous remercie.
[Traduction]
Le sénateur Wells : Merci, sénatrice McCallum, de l’avoir signalé au ministre.
Monsieur le ministre, ce projet de loi est parrainé par M. Jonathan Wilkinson, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles. Pourquoi ne le parrainez-vous pas en tant que ministre du Travail?
M. O’Regan : Au ministère du Travail, je m’occupe surtout des industries et des travailleurs sous réglementation fédérale. Je dirais que j’ai commencé ce travail quand j’étais moi-même ministre des Ressources naturelles. C’est moi qui ai semé la graine. Le ministre Wilkinson, à l’époque, était ministre de l’Environnement; nous avons commencé à travailler sur ce dossier à ce moment-là. Il est devenu ministre des Ressources naturelles et a pris la relève. Mais c’est quelque chose que les travailleurs de ma province, y compris Trades NL, réclament depuis assez longtemps, donc je défends leurs intérêts et m’assure d’être très engagé.
Le sénateur Wells : Merci. Monsieur le ministre, un témoin nous a dit mardi que l’écart salarial entre les travailleurs autochtones et non autochtones du secteur du pétrole et du gaz a été en grande partie comblé. En fait, nous avons entendu des témoins dire que les travailleurs autochtones du secteur pétrolier et gazier en amont gagnaient en fait plus que les travailleurs moyens de ce secteur. À titre de comparaison, les fonctionnaires autochtones gagnent 9,3 % moins que leurs pairs qui travaillent dans le secteur du pétrole et du gaz.
Que diriez-vous aux travailleurs autochtones qui profitent des excellents débouchés offerts dans ce secteur, quand il y a des partenariats pas seulement pour l’emploi, mais aussi la possibilité d’être propriétaire des projets importants sur leurs territoires, y compris les pipelines, les terminaux de GNL et les usines de gaz?
M. O’Regan : Je peux répondre à cette question en partie en tant que président du Groupe de travail ministériel chargé de l’efficacité réglementaire des projets de croissance propres. L’une de nos grandes priorités, c’est de nous assurer de la participation des Autochtones. Leur travail devrait avoir la même valeur, mais nous examinons aussi toutes sortes d’occasions de participation en capital. Je ne pense pas que ce soit un secret que ces discussions sur l’expansion du pipeline Trans Mountain ont déjà commencé dans certains coins. Je suis heureux de dire que le projet est maintenant construit et qu’il est maintenant en activité.
Vous le remarquerez dans le groupe de discussion que nous formons avec le ministre, les Autochtones sont aussi représentés, donc ils peuvent donner des conseils indépendants directement au ministre quant à ce que nous pouvons faire pour régler ces problèmes. Nous avons besoin de travailleurs autochtones. Beaucoup d’entre eux vivent dans le Nord près des sites où se font ces travaux dans le pays, que ce soit dans les secteurs des mines, de l’hydroélectricité ou du pétrole et du gaz ou que cela concerne les petits réacteurs modulaires, que l’on appelle aussi des PRM. Les Autochtones vivent près de ces endroits. Ils sont prêts à travailler et sont capables de le faire. Cela leur permet de vivre chez eux, quelque chose que peuvent aussi comprendre les Terre-Neuviens comme moi, quelque chose qui est bien en soi. Nous sommes tout à fait engagés à cet égard.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue, monsieur le ministre. Je suis consciente de la difficulté de créer un comité représentatif sur une question aussi sensible que celle-là. Je ne peux faire autrement que de m’étonner que, parmi les trois représentants des travailleurs, il y ait trois représentants syndicaux, dans la mesure où 70 % de la main‑d’œuvre canadienne n’est pas syndiquée. Pourquoi ne pourrait-on pas les avoir à la table? Je crois que l’un et l’autre sont importants.
Je viens du Québec, et nous sommes assez conscients et assez sensibles aux questions de compétence. On parle ici d’une question de main‑d’œuvre. Aurait-il été possible d’associer par exemple le Conseil de la fédération à cette initiative, de façon à ce qu’il n’y ait pas de ressac par la suite pour ce qui est de l’application de tout ce que vous discutez à ce comité?
[Traduction]
M. O’Regan : En ce qui concerne la première question sur la formation, oui nous nous concentrons sur la main‑d’œuvre syndiquée. Beaucoup de nos efforts liés au crédit d’impôt à l’investissement visent la promotion des emplois syndiqués; nous voulons que, quand ce n’est peut-être pas possible, les gens reçoivent quand même le salaire courant d’un emploi syndiqué.
Il y a une certaine souplesse dans un groupe où une partie intéressée nommée par le ministre peut combler une lacune. Je crois que le ministre pourrait décider que ce rôle pourrait être joué par des travailleurs non syndiqués.
Cependant, les représentants syndicaux que j’ai rencontrés et avec qui j’ai discuté, que ce soit des mécaniciens d’exploitation ou des électriciens ou des travailleurs de la construction, qui sont représentés par les Syndicats des métiers de la construction du Canada, les SMCC, gardent aussi un œil sur les travailleurs en général. Ils ne sont pas seulement là pour représenter leurs propres membres. Ils veulent aussi représenter tous les travailleurs.
Puis-je vous demander, sénatrice, de répéter votre deuxième question? Je voulais m’assurer de bien répondre à la première, mais je n’ai pas bien entendu la deuxième. Pouvez-vous me la répéter rapidement?
La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, cela concernait la représentation provinciale. Évidemment, la question de la main‑d’œuvre relève aussi des provinces. Pourquoi est-ce que le Conseil de la fédération, censé représenter les provinces, n’est pas représenté à ce conseil? Y avez-vous pensé? Vous ne pouvez peut-être pas parce qu’il relève des provinces. Pourquoi le conseil n’est-il pas à la table plutôt qu’à l’extérieur? Cela aura peut-être des répercussions une fois au moment de la mise en œuvre.
M. O’Regan : D’après mon expérience en tant que ministre des Ressources naturelles, sénatrice, si les provinces et les territoires veulent nous parler du secteur de l’énergie, ils peuvent nous en parler directement. Ils n’ont pas à passer par un conseil. Ils savent comment s’adresser au ministre des Ressources naturelles, au ministre de l’Environnement ou au premier ministre directement, comme il se doit, honnêtement. J’ai travaillé cinq ans au gouvernement provincial, ici. C’est très important. Je serais le premier à dire que, si vous regardez la Loi sur l’évaluation d’impact, que nous réexaminons présentement à la suite de la décision d’un tribunal, il est très important de respecter les compétences de chaque gouvernement.
Quand j’étais ministre des Ressources naturelles et que je devais travailler avec les ministres de l’Énergie de la Saskatchewan, de l’Alberta et de l’endroit où je me trouve, Terre-Neuve-et-Labrador, je commençais chaque réunion en disant « Voici mon champ de compétence. » Les gens ont tendance à s’adresser directement à la personne concernée. Cependant, nous avons apporté certains amendements au projet de loi pour qu’il mentionne précisément l’importance des gouvernements provinciaux et des territoires, surtout lorsqu’il est question de l’énergie et de l’extraction de ressources naturelles. Les provinces et les territoires ont clairement un champ de compétence dans divers domaines à cet égard.
La sénatrice Miville-Dechêne : Avez-vous consulté les provinces, et appuient-elles cette initiative?
M. O’Regan : Je vais laisser à Mme Anderson le soin de répondre à la question sur la consultation officielle. Je dirais, une fois de plus, que c’est très important. C’est un groupe de consultation pour le ministre. Le ministre tiendrait ensuite compte, dans les réunions avec ses homologues provinciaux, des conseils reçus. Ce sont des conseils qui s’adressent uniquement au ministre et dont il tiendra compte lorsqu’il rencontrera ses homologues provinciaux, comme il le doit.
Madame Anderson, auriez-vous quelque chose à ajouter, ici, peut-être au sujet du processus officiel de consultation?
Cori Anderson, directrice, Emplois durables, Ressources naturelles Canada : Avec plaisir. Pour ce qui est de la consultation, nous avons tenu de vastes consultations en 2021 et 2022. Nous avons entre autres tenté à de multiples reprises d’obtenir les commentaires des provinces et des territoires. Nous avons reçu les commentaires de certaines provinces et de certains territoires.
Nous n’avons reçu aucun commentaire officiel du Québec. Nous avons reçu des communications d’un certain nombre d’organisations qui participent au dialogue social au Québec.
J’aimerais attirer votre attention sur deux éléments du projet de loi. L’alinéa 7e) indique que le Conseil du partenariat devrait mobiliser les partenaires et les intervenants concernés, y compris à l’échelle provinciale et territoriale. Cela a été proposé en tenant vraiment compte des organisations qui participent au dialogue social au Québec, car nous savons qu’elles sont déjà établies et en activité et qu’elles font un bon travail. Nous voulions nous assurer que cela soit inclus dans le projet de loi et que le Conseil du partenariat mobilise des organisations comme celles-là.
L’alinéa 7d) prévoit que le Conseil du partenariat est habilité à conseiller le ministre sur de possibles domaines de coopération avec les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Le projet de loi est axé sur des domaines de compétence fédérale, mais nous voulions que le Conseil du partenariat se sente libre de proposer des domaines où nous pourrions coopérer avec les provinces et les territoires et à propos desquels le ministre pourrait recevoir ce genre de conseils.
La sénatrice White : Bonjour monsieur le ministre. Je vous remercie de votre déclaration. C’est un plaisir de vous voir, même si c’est de manière virtuelle.
J’aimerais mieux comprendre les échéanciers, compte tenu de la nécessité d’agir rapidement. Le projet de loi exige le dépôt du Plan d’action pour les emplois durables à chaque législature d’ici 2026. Serait-il possible de faire cela plus tôt ou y a-t-il d’autres initiatives et programmes mis en œuvre simultanément qui pourraient soutenir cette transition?
M. O’Regan : Madame Anderson, voulez-vous donner une réponse précise au sujet des échéanciers?
Mme Anderson : Oui. Pour ce qui est des échéanciers du plan d’action, le projet de loi exige que le plan d’action soit déposé au plus tard le 31 décembre 2025. Rien dans le projet de loi n’empêche qu’il soit déposé plus tôt. Ce serait à la discrétion du gouvernement.
Pour ce qui est d’autres initiatives, oui, le gouvernement met en œuvre de nombreuses initiatives pour soutenir des projets de développement économique à faibles émissions de carbone, pour soutenir le perfectionnement de la main‑d’œuvre. Le gouvernement a affecté 160 milliards de dollars depuis 2016 à la transition vers la carboneutralité et au perfectionnement de la main‑d’œuvre.
Nous n’attendons pas que le plan d’action soit lancé pour faire ce travail. De nombreuses initiatives sont déjà en cours. Le plan d’action nous donne la possibilité de nous concentrer davantage sur les lacunes qu’il resterait à combler, ainsi que la possibilité de montrer aux Canadiens tout le travail que nous faisons et en quoi ce travail permet de soutenir la main‑d’œuvre pendant que nous passons à une économie à faibles émissions de carbone.
La sénatrice Galvez : Bienvenue, monsieur O’Regan. Je suis d’accord avec vous pour dire que nous sommes déjà engagés dans la transition, qui est là pour de bon, et que nous accusons peut-être un retard par rapport aux autres pays du G7 et de l’Europe et que nous devons donc agir.
Je suis ravie de voir les amendements qui ont été adoptés à l’autre endroit pour lier ce projet de loi-ci et d’autres projets de loi, en ce qui concerne la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité qui établit un objectif de carboneutralité pour 2050. Mais je me pose la question suivante : Qui va créer ces emplois? Quel rôle le secteur financier va-t-il jouer dans la création de ces emplois?
Je sais qu’il n’y a dans le projet de loi aucune cible qui concerne le nombre d’emplois ou la réduction des émissions, dont il est question dans le préambule. Je me demande comment cela va fonctionner.
M. O’Regan : Je ne sais pas, mais je peux vous dire que tout fonctionne. Je suis enthousiasmé, madame la sénatrice. La raison pour laquelle je ne pouvais comparaître en personne, c’est que je participe comme chaque année à la conférence d’Energy NL, comme je l’ai dit dans mes déclarations préliminaires. Il s’agit d’un groupe qui s’appelait auparavant la Newfoundland Offshore Industries Association. Elle représentait des organisations du secteur de l’énergie pétrolière et gazière et, maintenant, elle représente des organisations de tous les secteurs énergétiques. La moitié des membres qui ont un kiosque là-bas représentent des organisations du secteur des énergies renouvelables.
La transition est en cours, et nous voulons nous assurer que les travailleurs, en particulier, aient leur mot à dire sur les décisions qui sont prises par le gouvernement, mais les travailleurs ne sont qu’une des parties concernées. Nous nous occupons d’eux, mais ce sont les entreprises, les employeurs et les promoteurs qui font preuve de leadership. Ils se lancent dans l’aventure.
Pas plus tard qu’hier, Pattern Energy, qui a des bureaux à Argentia, à Terre-Neuve, mais dont le siège social se trouve aux États-Unis, a déposé un projet de 1,5 milliard de dollars sur l’hydrogène vert et l’énergie éolienne, et elle vient tout juste de signer un contrat en Allemagne.
C’est parti. La plus grande [difficultés techniques] à Argentia. C’est parti. La transition se passe dans d’autres provinces. C’est parti.
La sénatrice Galvez : Nous sommes d’accord. Monsieur le ministre, vous avez inclus une définition d’emploi durable. Cela ne devrait-il pas être lié à une taxonomie afin d’établir clairement quel secteur devrait… Je ne sais pas. Nous faisons plus d’efforts dans un secteur parce que nous devons réduire les émissions d’ici 2050. Nous visons la carboneutralité. Pouvez-vous faire le lien entre votre projet de loi et les autres initiatives que nous réalisons afin de nous assurer que, cette fois, nous allons atteindre notre cible de réduction des émissions d’ici 2050?
M. O’Regan : Madame la sénatrice, le projet de loi est compatible avec l’objectif de carboneutralité du Canada. Il faut se concentrer sur n’importe quel emploi qui est compatible. Je parle des emplois dans le secteur pétrolier et gazier qui réduisent les émissions. Cenovus réduit déjà ses émissions de méthane, année après année, d’environ 21 %. Cela contribue grandement à l’atteinte de nos objectifs.
Je ne crois pas que nous devons nous concentrer sur un seul secteur. Ce que nous devons faire, c’est de nous concentrer sur les emplois qui sont compatibles avec nos cibles. Nous devons avoir cette souplesse. Bien des gens du secteur pétrolier et gazier, beaucoup de travailleurs, font un excellent travail. Comme je l’ai dit, Cenovus et Suncor sont deux entreprises dont les objectifs sont liés directement à la carboneutralité. Les six grands exploitants de sables bitumineux qui font partie de la Pathways Alliance travaillent ensemble au captage du carbone et ils prennent cela très au sérieux.
J’aimerais ajouter que nous avons appris une grosse nouvelle, il y a deux jours, durant la conférence d’Energy NL : une entreprise de la France avait effectué d’importants travaux géologiques extracôtiers près de l’une de nos formations géologiques. Selon cette entreprise, la province de Terre-Neuve-et-Labrador est l’un des endroits qui offrent le meilleur potentiel de captage, d’utilisation et de stockage du carbone, ou CUSC, au monde. Elle estime que la province a ce qu’il faut pour capturer tout le carbone du Canada pour 60 ans. Terre-Neuve a une capacité de stockage terrestre et extracôtier du carbone national pour 60 ans.
On ne parlait que de cela il y a deux ou trois jours. Pour des gens comme moi, qui y travaillent depuis un bon moment, c’était comme gagner à la loterie. C’est incroyable, et c’est une possibilité incroyable de création d’emplois et de revenus pour notre province et notre pays. Cela change la donne. Il se passe beaucoup de choses à l’heure actuelle.
Le sénateur Arnot : Monsieur le ministre, cette transition est, bien entendu, nécessaire. Je vais parler de deux grandes préoccupations, et j’ai deux questions à poser. La première concerne les collectivités.
Monsieur le ministre, comment, selon vous, le projet de loi C-50 répond-il aux besoins des Premières Nations et des collectivités éloignées et rurales? Je vous pose la question dans le contexte de l’exemple que j’ai donné au groupe de témoins précédent. En 1980, Uranium City, en Saskatchewan, était une collectivité en plein essor. En 1982, la ville s’était dépeuplée; les 500 maisons étaient vides, et c’était devenu une ville fantôme. La collectivité de Coronach, en Saskatchewan, a connu le même sort étant donné que toute son économie était fondée sur la production d’électricité à partir du charbon.
Qu’allons-nous faire pour nous assurer que les collectivités qui font face à ce genre de problèmes seront prises en compte dans le projet de loi C-50?
Ma deuxième question concerne l’énergie nucléaire. Selon vous, quels investissements particuliers faut-il faire dans le secteur nucléaire pour soutenir la transition prévue dans le projet de loi C-50?
Voici une mise en contexte : la province de la Saskatchewan compte une petite population de 1,2 million de personnes. Nous avons besoin d’au moins quatre réacteurs nucléaires qui coûtent chacun 5 milliards de dollars, ce qui fait 20 milliards de dollars. Comment allons-nous avoir accès à ces fonds pour passer des combustibles fossiles à l’énergie nucléaire?
De plus, nous avons entendu dire hier que nous devons doubler l’infrastructure électrique pour répondre à la demande dans cinq ans. C’est un coût énorme, et je peux dire qu’une petite province comme la Saskatchewan ne dispose probablement pas des ressources nécessaires pour accéder aux fonds nécessaires en si peu de temps.
M. O’Regan : Monsieur le sénateur, je ferai de mon mieux pour répondre à ces deux questions. D’abord, je dois souligner que ce projet de loi ne vise pas à répondre à l’une ou l’autre de ces questions. Ce projet de loi vise à mettre sur pied un groupe de consultation où des gens pourront répondre à ces questions en formulant des conseils à l’intention du ministre. C’est ce que c’est. Il s’agit de mettre sur pied un groupe de consultation.
Le sénateur Arnot : Il faut s’assurer que ces deux préoccupations sont prises en compte dans le groupe. Pouvez-vous me garantir que ces préoccupations feront l’objet de l’attention qu’elles méritent? Ce sont les principales préoccupations des collectivités rurales et éloignées des petites provinces du Canada.
M. O’Regan : Je vais y répondre du mieux que je peux. Tout d’abord, non, je ne peux vous le garantir parce que l’on suppose que ce groupe est indépendant.
Je ne crois pas qu’il y ait une manière quelconque de vous le garantir, surtout compte tenu de la composition de ce groupe. Il y aura trois membres représentant les peuples autochtones. Il n’y aura pas moyen de ne pas aborder la question. Je peux vous dire que, en tant que personne qui a étudié durant 30 ans les dossiers autochtones liés à l’énergie, il faut s’en occuper.
Nous n’allons pas présumer de ce que ce groupe va réussir à faire, mais il ne pourra pas éluder la question des ressources naturelles. J’ai fait mes études dans ce domaine. On ne peut éluder la question. Il faut travailler avec équité et authenticité avec les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis pour s’assurer d’y arriver.
Permettez-moi également de parler du nucléaire. Je suis extrêmement fier de ce que nous faisons dans le secteur du nucléaire, et je suis particulièrement fier, en Saskatchewan, que Cameco et Westinghouse soient désormais ensemble et soient toujours installés à Saskatoon. Je suis fier que le président et chef de la direction de Cameco se soit rendu à la Maison-Blanche rencontrer la secrétaire à l’Énergie. Je lui envoyais des messages textes pour lui dire que le Canada est aujourd’hui un acteur majeur dans le secteur du nucléaire avec deux sociétés. Il ne s’agit pas uniquement de réacteurs CANDU; nous avons maintenant une occasion incroyable où les fournisseurs de certains des uraniums les plus riches au monde — et j’ai visité cette mine en Saskatchewan — s’associent désormais à l’un des plus grands fabricants de réacteurs nucléaires au monde, Westinghouse, dont le siège social se trouve en Pennsylvanie.
Il s’agit d’une occasion incroyable pour nous, reconnue par la Maison-Blanche. Le Canada est un pays de première catégorie. Je n’ai jamais pensé que les régimes réglementaires constitueraient un avantage concurrentiel, mais c’est notre avantage concurrentiel. Le Canada jouit d’une immense confiance dans le monde entier en tant que joueur dans le secteur du nucléaire, et c’est incontournable. Nous avons besoin du nucléaire. C’est une force pour nous. Nous en avons besoin pour atteindre nos objectifs de carboneutralité; nous devons renforcer la capacité de petits réacteurs modulaires, ou PRM, en particulier dans le Nord. Les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis pourront largement s’exprimer à ce sujet, pour s’assurer que les PRM sont à la fois sécuritaires et pratiques, et qu’on peut abandonner le diésel dans le Nord, où j’ai grandi.
Il se passe des choses passionnantes. Je crois sincèrement que ces questions doivent trouver une réponse à cette table. Je ne veux pas dire qu’on y répondra, car, encore une fois, il s’agit d’un groupe indépendant, mais on doit y répondre. Le Canada doit faire face à ces deux problèmes, mais la bonne nouvelle est que nous avons d’énormes possibilités. Ce n’est pas une exigence; c’est une occasion dans ces deux secteurs.
Le sénateur Arnot : Merci.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être ici et de participer à cette discussion et, bien sûr, de votre travail dans ce domaine depuis de nombreuses années. J’ai une suggestion et une question.
La suggestion concerne le conseil. Je pense que sa taille et sa composition sont bonnes et excellentes, mais je pense que vous constaterez que beaucoup d’autres personnes — au moment de nommer les treize membres — se sentiront exclues. Cela concerne tout le monde, des divers secteurs aux provinces en passant par les groupes en quête d’équité, et cetera. J’aimerais suggérer — et cela n’a pas besoin d’être prévu dans la loi — qu’il y ait un processus selon lequel le conseil consulte un plus grand groupe de personnes : par l’intermédiaire d’un groupe de référence plus informel, dans le cadre d’une conférence annuelle ou d’un mécanisme quelconque. C’est important non seulement pour l’image de ce conseil, mais aussi pour que les gens aient confiance dans ce que le conseil peut faire. Voilà ma suggestion.
Ma question porte sur la façon dont les gens perçoivent ce projet de loi. D’un côté, il y a des gens qui aiment le projet de loi et estiment qu’il leur donne une feuille de route pour l’avenir. Nous l’avons entendu très clairement hier de la part de la présidente du Congrès du travail du Canada, Bea Bruske, devant un autre comité. D’un autre côté, on craint que ce projet de loi vise à accélérer l’abandon progressif du pétrole et du gaz sans que les emplois de l’économie verte soient prêts une fois que ces secteurs seront progressivement abandonnés. Quel message voulez-vous envoyer aux personnes qui ont ces inquiétudes?
M. O’Regan : Vous pourriez écouter mon discours d’hier lorsque j’ai pris la parole au congrès d’Energy NL à St. John’s. Si vous regardez notre cadre pétrolier et gazier classique ici dans cette province, le projet de Bay du Nord est nouveau, et on y fore encore cet été. Le projet Terra Nova est de nouveau en production avec une durée de vie prévue jusqu’en 2031. Le navire SeaRose, en Irlande, est en cours de radoub afin d’être prêt pour le projet White Rose, qui se prolongera jusqu’en 2038. ExxonMobil investit 1,5 milliard de dollars dans les projets Hibernia et Hebron. Nous sommes très fiers qu’ExxonMobil ait déclaré que le processus d’évaluation environnementale relatif au forage d’un puits d’exploration — que la société est en train de réaliser à proximité de certains des sables en développement près d’Hebron — a été le plus rapide au monde parce que nous avons pu faire du bon travail en vertu de la disposition relative aux évaluations régionales de la Loi sur l’évaluation d’impact.
Ce que vous voyez ici, dans cette province, c’est que cette transition n’est pas un simple changement de cap. Nous sommes une province fière et productrice de pétrole et de gaz qui explore maintenant, volontiers, avec enthousiasme et avec beaucoup d’argent, d’autres secteurs de l’énergie. Hibernia produit certaines des émissions les plus faibles au monde. Bay du Nord fait encore mieux. Nous aurons besoin de pétrole et de gaz pendant un certain temps, et les provinces comme la mienne continueront de compter sur les revenus qui en découlent, mais cela se produit. Cela se produit. C’est ce dont je suis particulièrement fier.
Il n’est nullement question ici d’éliminer quoi que ce soit. Tous les mots que vous voyez concernent la création, la création et la création. Mon plus gros problème, comme je l’ai dit au comité, dans le cadre de mes autres fonctions, c’est de m’assurer que nous avons suffisamment de main‑d’œuvre et que nous avons des gens formés dans les métiers. Vous l’avez souligné : les syndicats qui sont associés à ce projet de loi veulent que le projet de loi soit adopté, et ils veulent qu’il le soit parce qu’ils réclament une place à la table. Cela crée une table à laquelle prennent place trois d’entre eux. C’est quelque chose qu’ils ont demandé. Les métiers du bâtiment veulent que le projet de loi soit adopté; les mécaniciens d’exploitation, les électriciens — l’ensemble du secteur de l’énergie du pays. Cela signifie beaucoup pour eux, car ils veulent sentir qu’ils font partie de ce qui se passe et ils veulent pouvoir se préparer à la création de nouveaux emplois en plus de ceux qui existent déjà dans notre secteur de l’énergie.
Le sénateur Cardozo : Êtes-vous aussi optimiste à l’égard de l’économie verte en Saskatchewan et en Alberta, où je pense qu’il y a une certaine opposition, peut-être davantage de la part des gouvernements que des travailleurs?
M. O’Regan : Je crois fermement au marché. Je crois fermement que les gouvernements orientent parfois les choses pour s’assurer que le marché est équitable pour tout le monde et que nous sommes en mesure de tirer parti des occasions plus énergiquement lorsque nous estimons qu’il en va de l’intérêt public. Mais le marché bouge. L’argent circule. Suivez l’argent. Écartez-vous.
C’est évident autour de moi dans cette ville en ce moment. Je prends toujours le temps de nouer des liens; beaucoup de gens dans cette industrie font maintenant partie de mes amis, et certains ont opté pour d’autres débouchés dans le secteur du pétrole et du gaz et maintenant dans les énergies renouvelables, et vice versa. C’est interchangeable pour eux.
En ce qui concerne les travailleurs, lorsque j’ai parlé aux grutiers de l’Alberta, ils m’ont dit que, indépendamment qu’ils soulèvent un oléoduc ou une éolienne, le travail, c’est du travail. Laissez simplement les gens faire le travail. Suivons l’argent et les emplois. Cela se produit, et c’est très excitant.
Le sénateur Cardozo : Merci.
La sénatrice McBean : Bonjour, monsieur le ministre O’Regan. Merci du temps et de l’attention que vous accordez à nos questions d’aujourd’hui. Il est agréable de vous entendre dire qu’il y a suffisamment de main‑d’œuvre, car l’idée d’une transition durable ne se limite pas à des emplois durables. Si l’on regarde les travailleurs actuellement dans le secteur des ressources naturelles, Statistique Canada affirme que 82 % d’entre eux sont des hommes, et 18 %, des femmes.
Avec tous ces excellents emplois qui vont apparaître — que ce soit dans le secteur du nucléaire, qui nécessite des ingénieurs, des métiers spécialisés, des gens qualifiés en électricité —, je me demande : que fait le gouvernement avant que les emplois soient disponibles pour encourager et soutenir les personnes sous-représentées, comme les femmes, les Autochtones et les personnes non blanches, avec une formation et de l’éducation afin que, lorsque ces emplois se présenteront, ils aient la possibilité de faire la transition vers ce marché du travail?
M. O’Regan : C’est une excellente question. Merci, madame la sénatrice. Pour ce qui est du projet de loi en particulier — et encore une fois, ce projet de loi ne porte que sur la création d’un mécanisme qui donne des conseils au ministre —, celui-ci tiendra compte de l’importance de cette diversité, de la diversité régionale en particulier, mais il veillera également à ce qu’il y ait une représentation, comme vous l’avez mentionné. Il n’y a pas assez de femmes, par exemple, dans le secteur de l’énergie.
Les syndicats le reconnaissent. Nous collaborons avec les syndicats pour soutenir leurs programmes de formation. Ils ont déployé des efforts énergiques pour encourager les femmes à exercer des métiers, en particulier dans le secteur de l’énergie. Je le dis tout le temps : si vous n’incluez pas tout le monde, vous n’obtiendrez pas ce qu’il y a de mieux. Vous n’arriverez tout simplement pas à recruter les personnes les plus compétentes. Ce sont désormais des tâches très, très techniques. Une partie de ce travail est assez éreintant, mais la grande majorité est très technique. Parmi les femmes qui se sont lancées dans l’industrie, certaines ont trouvé un travail extrêmement satisfaisant. Dans d’autres endroits, elles se sont également heurtées à des obstacles, ont fait face à des murs et ont subi une certaine discrimination. Nous devons nous améliorer. Les syndicats le reconnaissent. Les entreprises le reconnaissent.
Nous traversons la plus grande pénurie de main‑d’œuvre que le pays ait jamais connue. C’est pourquoi nous essayons constamment de réfléchir à des moyens d’y remédier. Je préfère passer par les syndicats chaque fois que je le peux, car ils sont directement sur le terrain. Je ne crois pas à la nécessité de proposer de nouveaux programmes gouvernementaux si quelque chose fonctionne sur le terrain. Nous avons consacré énormément de temps à soutenir la formation syndicale, les centres de formation des syndicats et à augmenter le budget de ceux-ci, et ils ont été très énergiques en essayant de diversifier leur main‑d’œuvre.
La sénatrice McBean : Merci. Ce que j’entends, c’est que vous êtes d’accord pour dire que les emplois sont importants et que ce sont des emplois techniques, mais vous attendez que le prochain ministre s’en occupe. Il faut du temps pour cette formation, cette éducation et ce recrutement. Pensez-vous à des programmes comme les bourses?
Même si vous collaborez avec les syndicats, nous essayons également d’attirer davantage de personnes, car la main‑d’œuvre doit croître rapidement. A-t-on réfléchi à la provenance de cette main‑d’œuvre? Comme vous l’avez dit dans votre exposé, il y aura, je pense, des milliers d’emplois à Edmonton pour les personnes qui travailleront, mais qui sont ces personnes qui occuperont ces emplois?
M. O’Regan : Il est dans l’intérêt des syndicats d’augmenter le nombre de leurs membres et ils ont été très énergiques sur le terrain pour y parvenir. Je ne veux pas du tout que vous pensiez que j’attends. Durant mon mandat de ministre du Travail, j’ai travaillé intensément avec le ministre des Ressources naturelles et le ministre de l’Emploi et du Développement social pour m’assurer que nous profitions du Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, ou PFIMS. Nous avons commencé à doubler ses budgets il y a environ trois ans dans cet objectif, notamment dans le secteur de l’énergie. C’est ce que nous ont dit les mécaniciens d’exploitation, les électriciens et les métiers du bâtiment — les Syndicats des métiers de la construction du Canada, ou SMCC. Nous avons travaillé avec eux tous. Nous collaborons avec des syndicats plus importants comme l’Union internationale des travailleurs d’Amérique du Nord, ou UIJAN, par exemple. Ce sont eux qui sont les plus proches du terrain et de l’industrie. Ils traitent directement avec les employeurs et savent ce qui est nécessaire sur le terrain et sur le chantier. Ils font la formation. Nous travaillerons avec eux pour les aider à se diversifier, car c’est dans leur intérêt aussi bien que dans le nôtre — et dans l’intérêt de quiconque s’intéresse à la prospérité du pays.
Ce que je dis, c’est que le travail est en cours maintenant.
Ces groupes continueront de donner des conseils directement au ministre autour de cette table. C’est ce que fait le projet de loi C-50. Cela contribuera à faciliter le processus et à le rendre un peu plus officiel.
La sénatrice McBean : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice McCallum : Merci, ministre O’Regan, de votre exposé.
Même si la transition vers une économie carboneutre offre des avantages pour chaque région, elle entraînera aussi des conséquences négatives. Certaines industries et certains emplois sont plus vulnérables que d’autres à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Certaines régions pourraient être confrontées à des résultats plus positifs, et où se situeraient-ils ? Certaines régions auront plus d’effets négatifs que d’autres, et où se produiront-ils? Comment le projet de loi C-50 aborde-t-il les disparités ou les conflits possibles entre les politiques environnementales et économiques des différents gouvernements provinciaux et territoriaux, notamment ceux dont les industries sont fortement émettrices de carbone par rapport à ceux qui investissent massivement dans des industries à faibles émissions de carbone?
M. O’Regan : Sénatrice, comme je l’ai déjà dit, je ne pense pas que le projet de loi C-50 remplace les relations directes que le gouvernement fédéral entretient avec ses homologues provinciaux et territoriaux sur les questions liées aux ressources naturelles, à l’énergie et aux travailleurs concernés. Ce sont des négociations et des relations bilatérales qui ont lieu — et devraient avoir lieu — à ce niveau. Le ministre reçoit ainsi des conseils très clairs de la part de certains groupes concernés — à savoir les travailleurs qui seraient les plus directement touchés sur le terrain — sur ce qu’ils voient et sur la façon dont on peut améliorer les choses afin de pouvoir simplement fonctionner de manière harmonieuse et préparer les gens à pouvoir profiter de nouvelles possibilités.
Je suis ici à St. John’s pour assister à notre plus grand congrès sur l’énergie qui a lieu chaque année — l’AGA d’Energy NL — le plus grand que la société ait jamais organisé. La production pétrolière et gazière continue dans la province, et ces emplois sont nombreux et en croissance. Juste à côté se trouve une collectivité que j’aime beaucoup, Argentia, à Terre-Neuve. Il y a une structure gravitaire en cours de construction pour le projet West White Rose, juste à côté d’un énorme tas de monopieux. Ce sont les mâts des éoliennes, et c’est le plus grand port de triage de monopieux de la côte Est. C’est là qu’ils arrivent d’autres pays. Ils sont entreposés là-bas, puis ils sont érigés le long de la côte Est. Je suis très heureux de dire qu’un plus grand nombre de ces projets resteront à Terre-Neuve.
Ces occasions doivent se concrétiser. Ce que ces projets ont en commun — dans ma province, ainsi qu’en Alberta et en Saskatchewan —, c’est qu’ils ont exactement besoin des mêmes travailleurs. La plupart des responsables vous diront — par exemple, certains des partisans de l’hydrogène dans ma province — que l’hydrogène ressemble exactement à ce que l’on pourrait attendre d’une raffinerie de pétrole ou de toute autre façon de traiter le pétrole ou le gaz dans l’Ouest. C’est pareil. Je mentionnerai spécifiquement une raffinerie à Come By Chance, à Terre-Neuve, qui a commencé comme une raffinerie de pétrole et qui, grâce à un investissement de 84 millions de dollars de notre part, récupère des éléments, comme les huiles de cuisson usagées et fabrique du carburant d’aviation durable — du diésel renouvelable. Cela se produit. Les mêmes travailleurs font les deux.
Cependant, nous voulons simplement nous assurer qu’ils ont une place à la table. C’est ce qu’ils m’ont demandé lorsque j’étais ministre des Ressources naturelles pendant la COVID et qu’il y avait une guerre des prix du pétrole — et avant. Ils veulent une place à la table. Le projet de loi crée une table et leur donne un siège. Ils peuvent dire au ministre : « Voilà ce qui se passe, et nous pensons que c’est ce que nous devons faire ». Le ministre en tient compte dans ses initiatives et dans ses relations avec les provinces et les territoires.
La sénatrice McCallum : Pourriez-vous nous parler des régions où l’impact sera plus favorable et des régions où l’impact sera moins favorable? Cela nous donnera une idée de ce que nous recherchons et de ce que nous devons considérer et comprendre. Parce que ce ne sera pas équitable dans tout le pays. Il existe des contextes locaux et particuliers. Je voulais simplement savoir quelles sont ces régions, partout au Canada, et quel est l’impact prévu. Quel sera l’impact?
M. O’Regan : Mon jugement est peut-être légèrement brouillé par l’extraordinaire optimisme dont j’ai été témoin dans cette province — après beaucoup de turbulences pendant la COVID et une guerre des prix du pétrole — quant à la durabilité de notre industrie pétrolière et gazière, qui compte pour environ 50 % du PIB provincial. Il y a ici un optimisme incroyable quant aux occasions.
Pour répondre précisément à votre question, si vous regardez les trois provinces productrices de pétrole et de gaz au pays, ce sont l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador. Ce sont celles que j’ai toujours suivies de très près, durant mon mandat. Mais il s’agit de gérer les occasions. Il s’agit de garantir que, à mesure que les emplois se maintiennent dans l’industrie pétrolière et gazière, nous réduisons les émissions partout et chaque fois que nous le pouvons, en particulier celles de méthane. Il y a beaucoup de travail à faire là-bas. Nous nous engageons à le faire, et ce sont les travailleurs qui sauront où serrer les boulons du pipeline pour s’assurer que le méthane ne fuit pas. Je pense que c’est une occasion.
Encore une fois, rien dans ce projet de loi ne parle d’éliminer quoi que ce soit. On parle d’examiner des mesures et de conseiller, mais il n’y a rien sur l’élimination. Le secteur pétrolier et gazier de l’Alberta n’a jamais produit autant qu’à l’heure actuelle, et le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain, ou TMX, a vu le jour.
Nous reconnaissons tous que cette industrie doit réduire ses émissions. Je rejette simplement l’hypothèse selon laquelle cela pourrait être extrêmement difficile. Lorsque vous parlez de collectivités et du fait que certaines pourraient être plus touchées que d’autres, encore une fois, je considère l’occasion qui s’offre à elles. Par exemple, à Terre-Neuve, le pétrole et le gaz sont exploités au large des côtes. Beaucoup de ces travailleurs reviennent vivre dans différentes collectivités, mais certaines collectivités sur cette île de Terre-Neuve ont été laissées pour compte. Soudainement, il y a Exploits Valley Renewable Energy Corporation, ou EVREC, dans la région de Botwood. C’est une région qui a connu de nombreuses difficultés. C’est une région très rurale dans la partie nord de l’île, et la société envisage de construire une immense installation éolienne à hydrogène vert. À Burin, il y a EverWind. À l’ouest, près de la péninsule de Port‑au‑Port, il y a World Energy GH2. Ce sont tous des projets actuellement en cours de réalisation. Une tendance se dessine dans la région d’Argentia. Ce sont des régions très rurales, loin de St. John’s, de la péninsule d’Avalon et de la partie plus urbaine de notre île. Tout à coup, des régions qui ne bénéficiaient pas autant de l’industrie énergétique de notre province vont en profiter. Par conséquent, je continue de voir le verre à moitié plein — vraiment.
La vice-présidente : Il nous reste quelques minutes pour le deuxième tour.
Le sénateur Wells : Merci, monsieur le ministre.
La note d’information adressée au ministre concernant le projet de loi C-50 mentionne expressément que Terre-Neuve-et-Labrador sera touchée de manière disproportionnée par la transition vers une économie plus verte. Que diriez-vous aux travailleurs du secteur pétrolier de Terre-Neuve-et-Labrador — dont beaucoup travaillent en Alberta, et vous et moi voyageons avec eux chaque semaine, mais, bien sûr, la grande majorité d’entre eux se trouve à Terre-Neuve-et-Labrador — à propos de cet aspect particulier de Terre-Neuve-et-Labrador, qui sera touchée de manière disproportionnée par ce plan de transition équitable?
M. O’Regan : Il n’existe pas de plan de transition équitable. Je dirais à ces travailleurs : nous avons maintenant une place à la table pour vous. Nous mettons en place une table. C’est quelque chose que vos dirigeants demandent depuis des années : être entendus directement par le ministre sur ce qu’ils devraient faire, pour garantir qu’ils saisissent les occasions et qu’ils réduisent au minimum les risques. Nous sommes tous d’accord. Le projet de loi répond enfin à cet objectif — ni plus, ni moins. Voici votre table et voici votre place.
Le sénateur Wells : Merci, monsieur le ministre. Votre discours habituel porte sur la façon dont cela se produit, et sur le fait que cela se produit. Alors qu’environ 80 % de la main‑d’œuvre sont des travailleurs non syndiqués, ceux-ci ont-ils une place à la table? Vous avez mentionné plus tôt que vous aviez tendance à favoriser les travailleurs syndiqués, et ils font un excellent travail — je le sais. Mais y a-t-il une place à la table? Cela fait référence à la question de la sénatrice Miville-Dechêne plus tôt. Y a-t-il une place à la table pour les travailleurs non syndiqués — la grande majorité d’entre eux?
M. O’Regan : Écoutez, nous traitons plus directement avec les travailleurs syndiqués parce qu’ils sont plus organisés. Bien sûr, si vous regardez la formation, les syndicats disposent de trois sièges à la table du ministre.
Ils seraient les premiers à vous dire — qu’il s’agisse des SMCC, des mécaniciens d’exploitation, des électriciens, des grutiers, n’importe lequel d’entre eux —, lorsqu’ils s’assoient à cette table, qu’ils ne représentent pas seulement leurs syndicats — ils représentent tous les travailleurs. Ils représentent tous les frères et sœurs avec lesquels ils travaillent dans le secteur des sables bitumineux ou dans la zone extracôtière, et ils feront valoir toutes leurs préoccupations.
Quoi qu’il en soit, c’est une table conçue pour les travailleurs, et encore une fois, c’est ce qu’ils demandent depuis longtemps.
Le sénateur Wells : Êtes-vous favorable à la poursuite de l’exploration pétrolière et gazière au large de Terre-Neuve-et-Labrador?
M. O’Regan : Je suis très heureux de dire que nous en sommes à la deuxième semaine de forage du puits Perséphone dans le bassin Orphan Ouest. Hier soir, j’étais très heureux au congrès d’Energy NL parce que nous avons réduit le temps d’attente, qui est passé de 900 à 90 jours, pour une évaluation environnementale. La société n’a jamais vu une administration travailler aussi rapidement pour s’assurer qu’elle était en mesure de faire ce qu’elle devait faire. ExxonMobil a actuellement un projet juste à côté d’Hebron. L’obtention du permis…
Le sénateur Wells : Monsieur le ministre, je comprends la situation actuelle. Êtes-vous favorable à la poursuite de l’exploration au large de Terre-Neuve?
M. O’Regan : Non seulement je suis favorable, mais j’ai pris les choses en main après le fiasco des 900 jours du gouvernement précédent; de 300 jours, j’ai abaissé le temps d’attente à 90. C’est ma faute. Avec plaisir.
[Français]
La vice-présidente : Je remercie nos témoins de leur participation aujourd’hui.
[Traduction]
Nous allons maintenant passer à huis clos pour examiner le projet de rapport.
(La séance se poursuit à huis clos.)