LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 11 juin 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois; et à huis clos, pour étudier la teneur du projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre (étude d’une ébauche de rapport).
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir à tous. Je m’appelle Paul Massicotte, sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Avant de commencer, je voudrais rappeler à tous les sénateurs et aux autres participants à la réunion qui sont présents dans la salle les mesures préventives importantes suivantes.
Pour prévenir les incidents acoustiques perturbateurs — et potentiellement dangereux — susceptibles de causer des blessures, nous rappelons à tous les participants de garder leur oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment.
Comme l’indiquait le communiqué de la Présidente à tous les sénateurs le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour aider à prévenir les incidents acoustiques.
Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit considérablement la probabilité d’un incident acoustique. Les nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes oreillettes étaient grises. Veuillez utiliser uniquement une oreillette noire approuvée.
Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées au début d’une réunion seront débranchées. Lorsque votre oreillette n’est pas utilisée, veuillez la placer, face vers le bas, au milieu de l’autocollant sur la table, comme l’indique l’image. Veuillez consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices sur la prévention des incidents acoustiques.
Veuillez vous assurer que vous êtes assis de manière à augmenter la distance entre les microphones. Les participants doivent brancher uniquement leur oreillette sur la console de microphone située directement devant eux. Ces mesures sont en place afin que nous puissions exercer nos activités sans interruption et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
Merci à tous de votre coopération.
Je demanderais maintenant à mes collègues de se présenter, en commençant par ma droite.
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Petten : Iris Petten, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.
[Traduction]
Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Prosper : Peter Prosper, du territoire Mi’kma’ki, en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.
La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario.
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
[Français]
Le président : Aujourd’hui, nous commençons notre étude du projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Pour le premier groupe de témoins, nous accueillons l’honorable Jonathan Wilkinson, c.p., ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles. Il est accompagné de Mme Abigail Lixfeld, directrice principale, Division de l’énergie renouvelable et électrique, Mme Annette Tobin, directrice, Direction de la gestion extracôtière, et M. Daniel Morin, conseiller législatif et de politiques principal, Ressources naturelles Canada.
Nous recevons Mme Christie Chute, directrice principale, Secteur des programmes, Planification et conservation marine, Pêches et Océans Canada.
Nous accueillons enfin Mme Lori MacAdam, directrice, Établissement des aires marines nationales de conservation, Parcs Canada.
Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie, vous et vos collègues, d’avoir accepté notre invitation. Dix minutes sont réservées pour votre allocution d’ouverture.
[Traduction]
L’honorable Jonathan Wilkinson, c.p., député, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles : Merci.
Sénateurs, je suis heureux d’être ici pour discuter du projet de loi C-49, la Loi modifiant les Accords atlantiques.
[Français]
Nous parlons beaucoup de changements climatiques ces jours-ci. Les changements climatiques modifient l’environnement naturel de notre planète d’une multitude de façons néfastes.
Nous l’avons constaté au Canada l’année dernière, lorsque nous avons connu la pire saison d’incendies de forêt jamais enregistrée.
La saison des incendies de forêt de l’année dernière a été riche d’enseignements. Elle nous montre à quoi ressemblera l’avenir si nous ne parvenons pas à lutter contre les changements climatiques.
[Traduction]
En même temps, les changements climatiques transforment rapidement l’économie et les finances mondiales, créant d’énormes occasions économiques pour ceux qui abordent la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone de manière réfléchie, déterminée et ciblée. Comme je l’ai dit récemment à certains de vos collègues qui étudient le projet de loi C-50, Loi sur les emplois durables, la transformation énergétique mondiale est à la fois un impératif environnemental à protéger la planète pour les générations futures et une occasion économique d’une ampleur comparable à la révolution industrielle.
Pour que le Canada puisse saisir les occasions extraordinaires créées par la transition vers une économie carboneutre, nous devons d’abord accepter la réalité scientifique des changements climatiques et veiller à ce qu’elle informe et façonne la stratégie économique du Canada. C’est un choix que font déjà nombre de nos alliés et partenaires.
Au cours de l’été 2022, le président Biden a promulgué la loi sur la réduction de l’inflation, qui représente la mesure la plus importante prise par nos voisins du Sud pour lutter contre les changements climatiques et développer massivement les investissements dans l’industrie verte.
L’Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon, l’Australie et bien d’autres pays ont également mis en place des stratégies visant à accélérer l’expansion des industries propres telles que l’hydrogène, les énergies renouvelables, les minéraux critiques, l’énergie nucléaire, les technologies de gestion du carbone, etc.
Cette transformation mondiale représente une pression concurrentielle de plus en plus importante, car des pays comme la Chine investissent massivement dans la construction d’une économie à faibles émissions de carbone tout en s’assurant une part de marché importante dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Le Canada a élaboré une stratégie économique visant à assurer la prospérité dans un avenir à faibles émissions de carbone. Cette stratégie est, en partie, axée sur la saisie des occasions qu’offrira la transition énergétique, l’une de ces occasions étant l’hydrogène.
L’hydrogène représente un catalyseur majeur de la décarbonisation à l’échelle nationale ainsi qu’une occasion majeure d’exportation d’énergie. Sur la côte Est, les possibilités relatives à l’hydrogène consistent principalement en l’exploitation des ressources éoliennes qui existent à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse. Puisque le Canada a les côtes les plus longues au monde dont la vitesse des vents n’a d’égale que celle de la mer du Nord, où est née l’industrie éolienne en mer, le projet de loi C-49 permettra à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador de saisir cette immense opportunité économique en permettant le développement d’une industrie éolienne en mer. À l’échelle mondiale, on prévoit que cette industrie vaudra 1 000 milliards de dollars.
À propos du projet de loi C-49, Peter Nicholson, dont beaucoup d’entre vous ont sans doute déjà entendu parler, a déclaré : « [...] le pays a actuellement une occasion extraordinaire qui revêt une importance historique [...] on parle ici d’un projet d’importance nationale ».
Le projet de loi C-49 a été élaboré en étroite collaboration avec les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. Conformément au principe de gestion conjointe prévu par les accords atlantiques, chaque point, virgule et mot a été élaboré en collaboration avec les provinces et approuvé par elles. Chaque province adoptera également une législation miroir si le projet de loi C-49 est adopté.
Cette législation garantira un régime réglementaire moderne, clair et solide pour l’énergie renouvelable en mer, et ce, d’une manière qui prend en compte les intérêts vitaux de la pêche, soutienne les communautés autochtones et protège l’environnement.
Premièrement, le projet de loi modifie la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada—Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Les modifications visent principalement à mettre à profit l’expertise de calibre mondial et l’engagement à protéger l’environnement des offices des hydrocarbures extracôtiers existants. Je sais que l’un des membres du comité possède une expérience considérable relativement aux offices extracôtiers. Ce projet de loi élargira le mandat de ces offices afin de réglementer l’ensemble du cycle de vie des projets d’énergie renouvelable extracôtiers.
Deuxièmement, conformément à la jurisprudence et aux pratiques actuelles, ce projet de loi reconnaît que le gouvernement peut s’appuyer sur des processus d’évaluation et de réglementation établis pour s’acquitter de l’obligation de la Couronne de consulter et de prendre en compte toute répercussion négative, le cas échéant. Cela s’ajoute bien sûr à d’autres moyens de consultation, tels que les évaluations d’impact.
Troisièmement, le projet de loi reconnaît l’importance des industries de la pêche du Canada atlantique et veille à ce qu’elles soient prises en compte de manière réfléchie dans l’évaluation des projets proposés. Nous avons renforcé cet aspect en adoptant des amendements qui affirment l’intention du gouvernement de prendre en compte les activités de pêche tout au long du processus de délivrance des permis d’exploitation visant des terres submergées.
Quatrièmement, le projet de loi modernise certains aspects de la procédure d’occupation des terres afin de les aligner sur les nouvelles technologies et les meilleures pratiques mondiales, notamment en limitant à 25 ans la durée d’une attestation de découverte importante.
Enfin, le projet de loi étend l’application des régimes de santé et de sécurité au travail aux projets d’énergie renouvelable en mer et élargit le régime de réglementation et de responsabilité pour les installations abandonnées.
Sénateurs, nous pouvons lutter efficacement contre les changements climatiques tout en créant de bons emplois, de la prospérité et des occasions économiques dans toutes les régions de ce grand pays. Le projet de loi C-49 est un élément clé de cette démarche pour les provinces de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador.
Sur ce, chers sénateurs, je répondrai volontiers à vos questions. Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Arnot : Monsieur le ministre, merci d’être ici aujourd’hui.
Premièrement, des préoccupations ont été soulevées concernant les processus de consultation auprès des communautés autochtones et l’emploi du mot « peut » dans le projet de loi. Cette consultation véritable a-t-elle eu lieu, selon vous? Croyez-vous que le projet de loi C-49 garantisse la consultation véritable des communautés autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse ainsi que la collaboration avec elles, en particulier à la lumière de l’obligation fiduciaire?
Deuxièmement, à votre connaissance, des mesures sont-elles prises pour garantir que les Autochtones auront accès aux incroyables occasions d’emploi que ce projet de loi générera?
M. Wilkinson : Ce sont d’excellentes questions, monsieur le sénateur.
En ce qui concerne la participation et la consultation, les communautés autochtones ont grandement participé à l’élaboration de ce projet de loi. De concert avec les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, nous avons envoyé des lettres à toutes les communautés autochtones afin qu’elles participent aux discussions en 2022. Nous avons répété le processus en mai 2023.
Des communautés nous ont répondu et ont participé à ces processus, ce qui a été utile pour la suite des choses.
Mais en ce qui concerne à la participation de choses comme le protocole, qui est d’un grand intérêt pour certains des sénateurs présents ici, les évaluations régionales —toutes les évaluations environnementales liées spécifiquement à un projet— comprennent l’obligation de consulter. Cela signifie qu’elles entraînent l’application du protocole et qu’il y aura donc un solide processus de participation pour tout projet qui ira de l’avant.
En ce qui concerne les occasions d’emploi, oui, beaucoup de projets ont déjà des bailleurs de fonds autochtones. Il y en a cinq uniquement en Nouvelle-Écosse. Dans le récent budget, nous avons notamment créé le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones, doté d’une enveloppe de 5 milliards de dollars, qui vise à favoriser l’accès aux capitaux nécessaires pour investir dans ce genre de projets.
Le sénateur Arnot : Ma deuxième question est la suivante : monsieur le ministre, pouvez-vous commenter la synergie entre le projet de loi C-49 et le projet de loi C-50 en ce qui a trait aux possibilités en matière d’emplois de transition?
M. Wilkinson : Comme vous le savez, le projet de loi C-50 vise à établir un cadre afin d’assurer la reddition de comptes et la transparence relativement aux plans qui nous permettront de créer des emplois et des débouchés économiques dans toutes les provinces et les territoires dans une économie carboneutre. Cela inclut les secteurs prometteurs où le Canada estime qu’il possède ou peut créer un avantage concurrentiel mondial et qu’il peut fournir des produits ou des technologies non seulement au pays, mais aussi à l’étranger.
Ce projet de loi vise essentiellement à favoriser l’exploitation de l’électricité extracôtière, justement dans le but de produire de l’électricité, mais il porte aussi beaucoup sur la production d’hydrogène, un secteur où nous voyons d’énormes possibilités. Si vous avez lu les commentaires de M. Nicholson dans le rapport qui a été publié, selon lui, un seul de ces projets en Nouvelle-Écosse permettra de créer 30 000 emplois dans le secteur de la construction. On parle d’un seul projet.
Le sénateur Arnot : Merci.
Le sénateur Manning : Bienvenue, monsieur le ministre.
Le projet de loi C-49 ne contient aucun détail concernant des indemnités éventuelles pour les pêcheurs qui pourraient être exclus de zones extracôtières à cause de l’approbation de projets énergétiques extracôtiers, des parcs éoliens par exemple. Le 23 mai 2023, CBC News a rapporté une déclaration publique de la PDG de l’Office Canada–Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers où elle expliquait que les permis d’utilisation du plancher océanique et les modèles d’indemnisation sont déterminés par les gouvernements fédéral et provinciaux.
Pouvez-vous nous dire s’il y a eu des développements récents au sujet des modèles d’indemnisation pour les pêcheurs? Ces modèles incluraient-ils de tierces parties, comme les promoteurs des parcs éoliens?
M. Wilkinson : C’est une excellente question, sénateur.
Les préoccupations des pêcheurs sont extrêmement importantes. En tant qu’ancien ministre des Pêches, je prends ces préoccupations très au sérieux.
Il est très important que les projets comportent des mécanismes qui prévoient la prise en compte de l’opinion des pêcheurs. La Chambre a présenté un amendement afin que les pêcheurs aient leur mot à dire dans les discussions sur des permis visant des terres submergées. Les pêcheurs participent aux évaluations régionales, mais ils vont aussi participer à toutes les évaluations concernant un projet précis, ce qui mènerait — en cas d’impacts — à des discussions sur l’indemnisation.
Je ne sais pas si mes fonctionnaires souhaitent ajouter quelque chose à ce sujet.
Abigail Lixfeld, directrice principale, Division de l’énergie renouvelable et électrique, Ressources naturelles Canada : J’ajouterais que dans le contexte d’un projet précis et d’autres discussions avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, c’est vraiment l’endroit approprié pour discuter d’indemnisations possibles.
Pour l’élaboration du projet de loi, nous avons adopté une approche de collaboration et de coexistence afin de trouver des moyens de faire en sorte que les activités de pêche puissent continuer de s’épanouir de concert avec les activités d’exploitation des ressources énergétiques renouvelables afin d’atténuer les répercussions possibles sur les pêches grâce au processus réglementaire et, en dernier recours, afin de veiller à ce qu’il y ait une indemnisation. En général, cela relève directement des promoteurs eux-mêmes.
Le sénateur Manning : L’article 56 proposé dans le projet de loi fait en sorte que toutes les zones extracôtières risquent d’être rendues inutilisables pour l’exploitation des ressources même si ces activités sont en cours dans le cadre d’une approbation réglementaire appropriée. C’est l’opinion de Mark Ruelokke, un ingénieur qui œuvre dans l’industrie pétrolière de Terre-Neuve-et-Labrador depuis 1980. Qu’avez-vous à répondre à cela?
M. Wilkinson : Comme vous le savez très bien, sénateur, les lois sur les accords sont rédigées de telle sorte qu’il doit y avoir une entente entre la province et le gouvernement fédéral pour que toute mesure soit mise en place. C’est un système à deux clés. Il en a toujours été ainsi, et il en sera toujours ainsi.
La conservation est importante à nos yeux, et il existe des zones particulièrement importantes du point de vue de la biodiversité. Je pense que tous les Canadiens en conviennent, à une époque où la biodiversité diminue au Canada et partout dans le monde. Il faut toutefois également agir d’une manière qui tient compte du rôle important que joue cette industrie en matière de création d’emplois et de débouchés économiques.
Il existe une stratégie de protection pour les aires marines et les aires terrestres, mais en ce qui concerne la décision finale, cela relève des discussions entre le gouvernement fédéral et les provinces. Nous devons tous nous entendre à ce sujet. Les discussions sont en cours depuis de nombreuses années déjà.
Le sénateur Manning : Donc, les provinces feront partie intégrante du processus décisionnel à toutes les étapes?
M. Wilkinson : Oui, tout à fait.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue, monsieur le ministre. Comment pensez-vous que le projet de loi C-49 peut favoriser le développement de nouveaux secteurs énergétiques — je pense aux éoliennes — sans affecter la biodiversité marine? Selon l’institut d’études géologiques des États-Unis, les éoliennes de mer affecteraient négativement les mammifères marins à cause des collisions et en raison de la pollution sonore, de la perte d’habitat et de la réduction de la reproduction. Le développement d’énergies renouvelables et la faune sont deux choses importantes. Comment allez-vous trouver cet équilibre?
M. Wilkinson : C’est important. On doit penser aux manières de protéger les espèces, en particulier les espèces en péril comme les baleines noires et d’autres. Bien sûr, il y a des endroits où on ne peut pas avoir cette industrie, comme les zones marines protégées. Il y a beaucoup d’États qui ont une industrie éolienne sur mer et où l’on protège les espèces qui y vivent. On doit travailler en pensant à ces deux choses importantes. On doit avoir plus d’électricité, mais on doit aussi penser aux manières de protéger les espèces.
[Traduction]
La sénatrice Miville-Dechêne : Lorsque vous avez dit « Il y a beaucoup d’États [...] », parliez-vous d’États américains?
M. Wilkinson : Non. Du Royaume-Uni, par exemple.
La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord. Merci.
Le sénateur Gold : Bienvenue, monsieur le ministre. C’est bon de vous voir.
Monsieur le ministre, le projet de loi C-49 précise que les gouvernements fédéral et provinciaux ont le droit de se fier aux processus réglementaires existants des organismes de réglementation afin de s’acquitter de l’obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones. Comme vous le savez, les organismes de réglementation doivent rendre des comptes au gouvernement fédéral et à la Couronne appropriée, en l’occurrence les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. Ils sont chargés de l’administration des dispositions des lois sur les accords en leur nom.
Est-ce que vos fonctionnaires et vous pouvez nous en dire plus sur la manière dont cela tient compte des pratiques actuelles et de la jurisprudence pertinente, ainsi que sur la manière dont cela continuera de faire en sorte qu’on tiendra bel et bien compte des points de vue des groupes autochtones concernés, conformément à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982?
M. Wilkinson : Merci, sénateur. Je dirais que c’est conforme aux pratiques existantes, en tout cas certainement conforme à la manière dont nous avons mené la gestion conjointe. C’est aussi conforme à ce que font d’autres organismes de réglementation, comme la Régie de l’énergie du Canada, en ce qui concerne la capacité de pouvoir se fier à quelque chose.
C’est aussi conforme à la jurisprudence existante. En tant qu’ancien professeur de droit, je pense que vous connaissez les deux décisions concernant les affaires Clyde River et Chippewas of the Thames First Nation, qui soulignent le droit de pouvoir se fier. Ce n’est pas qu’on transfère la responsabilité, mais on peut se fier à ces processus réglementaires, tout comme on le fait dans d’autres domaines.
Le sénateur Gold : Donc, pour ce qui est de l’avenir, monsieur le ministre, quelle est la responsabilité du gouvernement pour ce qui est de s’assurer qu’on tienne adéquatement compte des points de vue des groupes autochtones affectés?
M. Wilkinson : De toute évidence, nous avons une responsabilité. C’est en partie par l’entremise du cadre de cette mesure législative, mais je dirais que c’est particulièrement vrai dans le contexte de la mise en œuvre réelle. C’est au niveau des évaluations régionales et des évaluations basées sur les projets que nous pouvons vraiment avoir une incidence sur les droits prévus à l’article 35.
Dans ce contexte, il existe au besoin une obligation de consulter et d’accommoder, chose que le gouvernement prend très au sérieux, tout comme les tribunaux d’ailleurs.
Le sénateur MacDonald : Monsieur le ministre, merci d’être ici.
La promesse de nombreux emplois est la bienvenue en Nouvelle-Écosse, mais la province possède un secteur des pêches très important et très lucratif, et ces emplois sont eux aussi importants. J’ai grandi dans une collectivité de pêcheurs, et la plupart des gens qui vivent le long des côtes de la Nouvelle-Écosse ont grandi dans des villages de pêcheurs.
Ces engagements concernant cinq gigawatts signifient que des milliers de kilomètres carrés d’océan seront occupés par des parcs éoliens. Pourquoi le projet de loi ne tient-il pas compte de l’effet cumulatif sur les pêches de parcs éoliens aussi grands que ceux qui sont proposés au large des côtes de la Nouvelle-Écosse et de leurs répercussions possibles sur les pêches dans l’ensemble de la région?
M. Wilkinson : C’est encore une fois une excellente question. Permettez-moi de dire une chose ou deux. Il est clair que le gouvernement et moi — en tant qu’ancien ministre des Pêches — devons être parfaitement conscients des répercussions possibles sur les pêches. Je me souviens très clairement de certaines de mes interactions avec des pêcheurs de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador.
J’ajouterai que, de toute évidence, les gouvernements provinciaux ont eux aussi intérêt à veiller à ce qu’on réponde aux préoccupations des pêcheurs. Les premiers ministres Houston et Furey sont de grands partisans de cette mesure législative, mais la question des effets cumulatifs est vraiment importante.
Elle est importante à divers points de vue, mais surtout dans le cas des évaluations régionales. À mon avis, on va déterminer que certaines zones sont impropres à l’exploitation de l’énergie éolienne en mer et que d’autres y conviennent davantage. Les pêches pourraient faire partie de la justification. Je ne veux pas préjuger des décisions des comités indépendants, mais ils sont justement censés se pencher sur la question des effets cumulatifs dans le cadre de l’évaluation régionale.
Le sénateur MacDonald : Si une zone convient autant à la pêche qu’à l’exploitation de l’énergie éolienne, lequel des deux secteurs aura la priorité? Lequel bénéficiera d’un appui?
M. Wilkinson : Je pense que le travail sera fait au cas par cas en ce qui concerne les sensibilités et les particularités d’une zone, mais l’idée, dès le départ, consiste à trouver des moyens de pouvoir faire les deux. Si on en vient à la conclusion que c’est impossible, il faudra alors faire un choix. Idéalement, toutefois, il faut trouver des moyens de coexister. Comme je l’ai dit, il existe de nombreux pays où l’industrie de la pêche et l’industrie de l’énergie renouvelable se côtoient de manière productive.
Le sénateur Prosper : Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre. Je tiens à vous remercier de votre lettre du 10 juin, que mon bureau a reçue et qui décrit un certain nombre de choses en ce qui concerne l’étendue de la consultation avec les peuples autochtones, les Mi’kmaq en Nouvelle-Écosse et ailleurs dans la région de l’Atlantique.
J’ai posé une question au sénateur Gold lors d’une séance du Sénat, et il m’a essentiellement dit que c’est à vous que je devais poser la question. La question que je vous pose maintenant est semblable.
Le Bureau de la Nouvelle-Écosse des affaires l’nues, qui est l’équivalent provincial de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et de Services aux Autochtones Canada, écrit ceci dans son site Web :
Le 31 août 2010, après un projet pilote de trois ans, les treize communautés mi’kmaq représentées par l’Assemblée des chefs mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse ont signé une entente historique avec les gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse. Cette entente établit un cadre de référence relatif au processus de consultation que les parties doivent respecter lorsque les gouvernements prennent des décisions qui pourraient nuire à l’exercice, par les Mi’kmaq, de leurs droits ancestraux ou issus de traités [...]
J’ai rencontré les fonctionnaires de votre ministère pour qu’ils m’informent sur ce projet de loi, mais ils se sont contentés de me dire qu’ils avaient envoyé des lettres aux communautés. Comme vous le savez, le protocole établi dans l’entente-cadre de 2002 doit être suivi. Malheureusement, cela n’a pas été le cas, comme j’ai pu en obtenir la confirmation dans une lettre datée du 4 juin 2002 que m’a envoyée le chef Sidney Peters, qui est coprésident de l’Assemblée des chefs mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse.
Cette entorse au protocole me surprend, compte tenu de l’engagement du gouvernement dont vous faites partie à entretenir des relations de nation à nation avec les peuples autochtones du Canada ainsi qu’à favoriser une véritable réconciliation avec les Premières Nations.
Monsieur le ministre, pouvez-vous m’expliquer pourquoi votre ministère n’a pas respecté le cadre de référence relatif au processus de consultation qui est prévu dans l’entente-cadre dont le gouvernement du Canada ainsi que la province de la Nouvelle-Écosse sont signataires? Je vous remercie.
M. Wilkinson : Je vous remercie, monsieur le sénateur. Je comprends votre point de vue et de vos questions.
Pour ce qui est du travail fait relativement à ce projet de loi, je vous dirais que nous avons tenté d’engager le dialogue avec les communautés mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse. Comme les fonctionnaires du mon ministère vous l’ont expliqué, des lettres ont été envoyées en 2022 pour amorcer ce dialogue, puis des lettres ont encore été envoyées en 2023. Un certain nombre de communautés ont répondu favorablement à ces invitations, pour avoir leur mot à dire dans la préparation du texte de ce projet de loi.
Il s’agissait d’invitations au dialogue, mais en ce qui a trait aux consultations dont vous parlez et qui sont prévues dans le cadre de référence tripartite, elles auront lieu lors de l’évaluation régionale et de l’évaluation particulière à chaque projet, car il est certain que les droits garantis à l’article 35 sont concernés. Par conséquent, une consultation plus large se tiendra. Ce qui a eu lieu lors de l’élaboration du projet de loi, c’est plutôt un dialogue.
Le sénateur Prosper : Je vous remercie. Vous dites que les consultations doivent avoir lieu en lien avec les évaluations régionales et les évaluations des projets, alors dois-je en conclure que, selon vous, le gouvernement n’a aucune obligation de consulter les peuples autochtones concernant les projets de loi?
M. Wilkinson : Les fonctionnaires de mon ministère voudront peut-être vous répondre à ce sujet, mais le gouvernement est nettement obligé de procéder à des consultations lors des évaluations régionales lorsqu’il peut y avoir des répercussions sur les droits des Autochtones, mais la Cour suprême a clairement indiqué que cette obligation ne concernait pas l’élaboration des projets de loi, qui donne plutôt lieu à un dialogue. Le projet de loi C-49 a fait l’objet d’un dialogue passablement fructueux, en particulier avec les communautés qui ont répondu à notre invitation.
Le sénateur Prosper : Je suppose que c’est discutable. J’ai tendance à croire que le dialogue n’a pas vraiment été fructueux. Selon moi, l’obligation de consulter s’étend aux projets de loi qui ont des répercussions sur les droits. Toutefois, je dois déférer à l’avis de votre conseiller.
M. Wilkinson : J’ajouterais simplement que, comme vous le savez très bien, monsieur le sénateur, bon nombre de communautés mi’kmaq font partie des investisseurs dans ces projets de production d’hydrogène. Ce n’est pas une réponse directe à ce que vous dites, mais disons qu’il y a tout de même un lien.
Le sénateur Wells : Je vous remercie, monsieur le ministre et mesdames et messieurs les fonctionnaires, d’être parmi nous aujourd’hui.
Monsieur le ministre, l’article 28 du projet de loi C-49 donne au ministre fédéral le pouvoir d’interdire le forage dans certaines zones — le forage pour, évidemment, les ressources pétrolières — et de suspendre les projets en cours, ce qui entraînerait évidemment d’importantes pertes d’emplois, nuirait à l’économie et étoufferait les investissements, ce qui, si je comprends bien, est peut-être le but recherché.
Pourquoi l’article 28 figure-t-il dans ce projet de loi alors qu’il n’a absolument rien à voir avec l’énergie éolienne?
M. Wilkinson : Permettez-moi de dire quelques mots, puis je céderai la parole à Abigail Lixfeld.
Il n’y a absolument rien dans ce projet de loi qui vise à étouffer l’exploitation des ressources énergétiques à Terre-Neuve-et-Labrador. Je pense qu’il est un peu malhonnête de laisser entendre le contraire.
Le sénateur Wells : Cet article est toujours là.
M. Wilkinson : D’accord, mais il n’y a rien dans ce projet de loi qui permet au ministre fédéral de prendre des mesures sans le consentement de la province et territoire. En ce qui concerne les détails de l’article 28, voulez-vous dire quelques mots, madame Lixfeld?
Mme Lixfeld : En fait, je m’en remets à ma collègue, Annette Tobin.
Le projet de loi C-49 a plusieurs objectifs. En plus d’élargir le mandat des organismes de réglementation des projets d’énergie renouvelable extracôtière pour inclure les énergies renouvelables, le projet de loi nous donne également l’occasion de mettre à jour la loi, qui est demeurée en grande partie inchangée depuis son adoption, il y a près de 35 ans. La mise à jour a pour but de tenir compte de certains changements qui se sont produits au fil du temps. Nous voulions saisir l’occasion de prévoir des outils et d’en préciser les contours, en ce qui a trait à la protection des aires marines. Nous voulions aussi définir le rôle de chaque ministre dans le contexte particulier de la gestion conjointe. Nous avions l’appui des provinces pour ce faire dans le cadre du projet de loi C-49.
Le sénateur Wells : Je vous en remercie. Avec cet article et le pouvoir du ministre de suspendre les projets déjà autorisés qui sont en cours de réalisation et qui ont un potentiel de production, il n’est pas difficile d’imaginer qu’il puisse y avoir des poursuites judiciaires. Supposons qu’il y ait un procès, comme je crois que cela se produira, et que le dédommagement à verser s’élève à des milliards de dollars, compte tenu de la perte de bénéfices futurs et du capital investi jusque-là. Qui serait tenu responsable de payer ces dommages?
M. Wilkinson : Je ne pense pas qu’il soit réaliste de s’attendre à ce qu’un ministre fédéral ou provincial fasse une telle chose. Je dirais que, pour qu’une pareille décision soit prise, il faudrait que ce soit fait conjointement par le ministre fédéral et son homologue de la province concernée. Il faudrait aussi qu’il y ait une raison vraiment pressante de prendre une telle décision puisqu’en temps normal, ce genre de décisions n’aurait pas beaucoup de sens.
Le sénateur Wells : Alors, si nous n’arrivons pas à nous imaginer une situation où cette décision serait nécessaire, comment se fait-il que l’on prévoie la prendre en vertu de l’article 28 du projet de loi?
M. Wilkinson : Auriez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
Annette Tobin, directrice, Direction de la gestion extracôtière, Ressources naturelles Canada : Oui, bonjour. L’article 7 du projet de loi nous confirme que tout règlement pris en vertu des lois sur l’accord, y compris l’article dont vous parlez, est pris conjointement. Il n’y a pas d’échappatoire qui permettrait à un gouvernement seul de prendre un règlement pour interdire des activités pétrolières ou pour prendre la décision d’annuler un intérêt et d’indemniser pour cela.
Comme nous l’avons dit dans une séance d’information il y a deux ou trois semaines, il s’agissait en fait de prévoir un outil qui n’existe pas à l’heure actuelle dans les lois sur l’accord adoptées en 1985. Vous pouvez faire une recherche par mots. Il n’y a rien sur la conservation marine. Il est admis qu’il pourrait y avoir des cas où, en vertu des lois sur les accords, nous aurions besoin d’interdire une activité dans une partie particulière de la zone extracôtière. Il faudrait alors que la décision soit prise conjointement, conformément à l’esprit de la gestion conjointe.
Le sénateur Wells : Bien sûr.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Merci, monsieur le ministre.
Je viens du Cap-Breton, un village côtier et de pêcheurs. Je sais que mes collègues ont déjà posé des questions sur les pêches, et vous avez dit que les pêcheurs seraient consultés. Je crois comprendre qu’une fois que le projet sera mis en route, les pêcheurs auront déjà donné leur accord.
Donc, quelle sorte de garantie restera-t-il pendant la construction et par la suite, pour s’assurer que les pêcheurs continueront de faire partie de la discussion au besoin?
M. Wilkinson : Bien sûr, les intérêts et les perspectives des pêcheurs sont très importants, pas seulement dans le processus d’évaluation, mais aussi après.
S’il y a des problèmes, nous avons d’autres lois, comme la Loi sur les pêches, que l’on doit respecter, et on protège les espèces de poissons. On peut vous assurer qu’il y a un cadre à l’intérieur duquel le projet doit fonctionner.
Le sénateur Aucoin : Vous avez peut-être répondu à la question du sénateur Manning, mais dans la compensation qui serait accordée aux pêcheurs, a-t-on réfléchi à ce que cette compensation comprendrait s’il y avait un incident, des débris ou quelque chose qui perturbait la pêche, et ce, surtout durant la construction? En effet, c’est une chose quand le projet est complété, c’est important de réfléchir à cela durant la construction aussi. Cela pourrait inclure une plus grande région ou cela pourrait vouloir dire que les pêcheurs ne pourraient pas aller dans une autre grande région par la suite. Est-ce que tout cela a été pris en considération?
M. Wilkinson : Oui, il y a un cadre pour s’assurer qu’il y aura une compensation s’il y a des impacts pour les pêcheurs.
Le sénateur Aucoin : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Petten : Merci d’être ici cet après-midi, monsieur le ministre. Je voudrais vous parler de l’économie. Je sais que vous avez vanté les mérites de ce projet de loi et ses effets bénéfiques sur l’économie. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur certains ces effets?
M. Wilkinson : Oui. Le monde change et évolue parce que la science des changements climatiques nous dit que nous devons le faire si nous voulons laisser un monde habitable à nos enfants et petits-enfants. Dans ce contexte, des possibilités apparaissent et nous pouvons les saisir pour nous aider à passer le cap de la transition énergétique.
L’une de ces possibilités est l’hydrogène, qui peut jouer un rôle dans la décarbonisation en particulier de la décarbonisation industrielle, mais qui peut aussi aider nos amis et alliés aux ressources moins abondantes que celles du Canada, qu’il s’agisse de l’énergie éolienne sur la côte Est ou du gaz naturel et de la capacité à séquestrer le carbone sur la côte Ouest.
Nous avons la possibilité de créer des emplois et des retombées économiques, en particulier dans les communautés rurales et côtières, qui seront en fait une source de prospérité pour l’avenir. Les possibilités économiques sont immenses pour l’avenir de ces deux provinces. Je pense que c’est ce que disent les deux premiers ministres provinciaux, un libéral, et un conservateur.
La sénatrice Petten : Je me souviens que, lorsque j’ai commencé à examiner ce projet de loi, la question des éoliennes qui seraient installées sur la terre ferme a été soulevée. Le projet de loi porte sur la production d’énergie éolienne en mer. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Parfois, lorsque nous parlons de la pêche et de certaines répercussions, il s’agit en fait plutôt de la production d’énergie éolienne sur terre. J’aimerais que vous nous précisiez cela.
M. Wilkinson : Oui, la réglementation de la production de l’énergie éolienne sur terre relève de la compétence de chaque province. Elles ont leurs propres régimes réglementaires. Elles doivent évidemment respecter certaines lois fédérales, en particulier la Loi sur les pêches, lorsque des éoliennes sont érigées sur leur territoire. Mais ce n’est pas seulement dans le cas de l’éolien terrestre. Cela concerne aussi les éoliennes installées dans les baies, qui relèvent également de la compétence des provinces. Dans le cas de Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons conclu avec cette province une entente selon laquelle les baies s’étendent en fait à toute la zone qui se trouve entre les mâchoires de la terre. Les baies sont en fait un peu plus grandes à Terre-Neuve-et-Labrador pour ce qui est de désigner de l’étendue qui relève de la province. Il est clair que les provinces devront être très sensibles à certaines préoccupations soulevées ici lorsqu’elles envisageront de permettre la construction de parcs éoliens dans cette zone.
Les éoliennes terrestres et celles qui pourraient être érigées dans les baies seront les premières à être exploitées. Elles précéderont les éoliennes en mer. Nous sommes juste en train d’établir la structure réglementaire pour la production d’énergie éolienne en mer, structure qui nous permettra de passer aux étapes suivantes, y compris les évaluations régionales et, en fin de compte, les évaluations de projets individuels et les appels d’offres pour l’attribution des droits d’exploitation dans une zone donnée. Il sera très important que nous soyons tous très attentifs à ce que les pratiques dont nous parlons actuellement, dans le cadre de la gestion conjointe, soient également suivies à l’échelon provincial.
La sénatrice Petten : C’est la même chose pour la Nouvelle-Écosse?
M. Wilkinson : Les baies sont de compétence provinciale en Nouvelle-Écosse également, mais cette province n’a pas réclamé l’extension de la zone faisant partie d’une baie jusqu’aux mâchoires de la terre, ce qui fait que les baies sont un peu plus petites dans cette province.
La sénatrice McBean : J’ai deux questions à poser et je ne sais pas laquelle choisir. En fin de compte, je vais poser la première.
La sénatrice Petten vient de vous poser une question sur les évaluations et sur ce qui se passe. La sénatrice Miville-Dechêne et le sénateur MacDonald ont discuté des considérations relatives à la gestion des impacts et au juste équilibre à trouver.
Le projet de loi C-49 vise à rationaliser le processus permettant d’autoriser les projets, alors j’aimerais soulever la question du moment où cela se fera. Certains diraient que cette rationalisation se fera au détriment des évaluations environnementales, des consultations, et ainsi de suite. Comment ce projet de loi nous permettra-t-il d’atteindre le juste équilibre entre, d’une part, l’efficacité du processus d’autorisation des projets et, d’autre part, les consultations et les évaluations environnementales bien effectuées qui sont nécessaires pour la planification à long terme?
M. Wilkinson : C’est une excellente question. Je dirais qu’il ne sera pas simple d’atteindre cet équilibre comme nous le démontre la course actuelle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en nous laissant guider par la science. Nous devons, par exemple, extraire du sol une grande quantité de minéraux critiques, ce qui implique qu’il faille ouvrir beaucoup de mines. Alors, comment peut-on gérer les impacts sur l’environnement? Comment trouver le juste équilibre? Le constat issu de cette réflexion est que nous devons nous dépêcher.
Dans ce contexte, il s’agit en fait d’un cadre habilitant. On ne traite pas directement de la façon d’accélérer le développement de ce genre de projets, mais on établit un cadre au moyen duquel nous effectuerons les évaluations régionales et les évaluations des projets individuels. Nous avons précisément ces discussions, qui portent sur la manière dont nous envisageons de faire les choses plus rapidement que dans le passé, mais en ne tournant pas les coins ronds, sur le plan de l’environnement, et certainement pas sur le plan de la consultation et de la participation des communautés autochtones. C’est une question dont le gouvernement parle et sur laquelle il travaille depuis un certain temps. Un comité du cabinet — un groupe de travail — s’est penché sur ces enjeux. Nous vous présenterons très bientôt un document qui tente d’établir un cadre précis pour répondre exactement aux questions que vous soulevez.
La sénatrice McBean : Nous parlons du potentiel de toutes les possibilités. Même si le projet de loi C-49 se concentre sur le Canada atlantique, pourrait-il servir de cadre national pour réglementer les futurs projets d’énergie renouvelable extracôtière dans des régions comme la côte du Pacifique ou — je viens de l’Ontario — les Grands Lacs? Si c’est le cas, le projet de loi contient-il des dispositions permettant une certaine adaptation en fonction de considérations régionales, environnementales et économiques?
M. Wilkinson : C’est une excellente question. C’est drôle parce que je suis un député de la Colombie-Britannique, et des gens là-bas m’ont posé exactement la même question : pourquoi pas en Colombie-Britannique?
Oui, je pense qu’il y a beaucoup d’enseignements à tirer de cette mesure législative. C’est probablement un peu différent dans d’autres contextes parce que nous n’avons pas de lois sur les accords ailleurs qu’à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Selon moi, il y a certainement des éléments qui pourraient s’appliquer à d’autres régions du pays si elles souhaitaient s’engager dans cette voie.
Je dirais également que, jusqu’à maintenant, aucune des autres provinces ne m’a parlé de mettre en place quelque chose de semblable. Si la Colombie-Britannique se montrait intéressée, serions-nous ouverts à cette idée? Bien sûr, mais je dirais aussi qu’en raison de l’existence des lois sur les accords, l’organisme de réglementation concerné est probablement la Régie de l’énergie du Canada, et nous pourrions probablement en discuter avec la Colombie-Britannique ou d’autres provinces dans ce contexte.
La sénatrice McBean : Comme l’Ontario. D’accord.
La sénatrice Anderson : Merci, monsieur le ministre.
Ma question porte sur le consentement et la consultation; j’aimerais obtenir quelques précisions sur ce que vous avez dit. Depuis mon arrivée au Sénat, il y a cinq ans, je constate qu’il y a un thème commun concernant les nouveaux projets de loi, et c’est le manque de consultation auprès des peuples autochtones une fois que ces projets de loi sont présentés. C’est très courant. C’est le cas pour presque toutes les mesures législatives dont nous sommes saisis.
Vous avez parlé tout à l’heure d’une consultation importante. Pour moi, cela signifie beaucoup plus que l’envoi d’une lettre. Pouvez-vous nous parler plus en détail de cette consultation importante et des lettres dont vous avez parlé, ainsi que de l’application du protocole? Pouvez-vous nous dire en quoi consiste précisément ce protocole?
M. Wilkinson : Je vais dire quelques mots, puis céder la parole aux fonctionnaires qui ont pris part au processus.
Il y a eu consultation dans le contexte du projet de loi. Comme je l’ai dit, des lettres ont été envoyées à toutes les communautés concernées, et des discussions ont eu lieu directement avec un certain nombre d’entre elles. Il y aura certainement d’importantes consultations. Il y en a déjà dans le cadre de l’évaluation régionale, mais il y en aura également pour toute évaluation propre à un projet, car cela concerne les droits prévus à l’article 35, qui exigent des consultations approfondies et des accommodements.
Mme Lixfeld : Les lettres envoyées ont été préparées avant la présentation du projet de loi, alors qu’il n’en était encore qu’à l’étape de la conception. Elles décrivaient l’intention du gouvernement et ce que nous pensions. Ces lettres ont été préparées avec chacune des provinces, étant donné que le projet de loi est une initiative gérée conjointement.
Le gouvernement a également lancé les évaluations régionales pour l’énergie éolienne en mer, et le ministre de l’Environnement et du Changement climatique s’est employé à faire participer les communautés de l’ensemble du Canada atlantique en vue d’expliquer comment cette mesure législative créera une industrie de l’énergie renouvelable extracôtière et de discuter de certaines des considérations potentielles dont les gouvernements doivent tenir compte.
Lors des suivis ultérieurs avec les communautés, nous avons également discuté de l’avancement du projet de loi dans le processus parlementaire et convenu qu’il y aurait des possibilités de participer activement au comité d’examen parlementaire. Certaines communautés ont effectivement participé. Elles ont écrit des lettres ou participé aux audiences. Je crois que vous entendrez également les ministres provinciaux. J’imagine que leurs gouvernements ont également entrepris une consultation directe tout au long de ce processus.
La sénatrice Anderson : Vous parlez beaucoup d’une consultation « approfondie », notamment. Vous parlez de personnes qui ont répondu. Disposez-vous d’un registre des personnes qui l’ont fait? Donnez-vous des chiffres sur le nombre de personnes qui ont répondu et sur leur provenance? Ces informations sont en effet beaucoup plus utiles pour comprendre exactement le contexte et la nature de votre consultation.
Il semble que vous ayez eu beaucoup d’échanges et de consultations avec les provinces respectives. À quel moment les peuples autochtones interviennent-ils sur ce plan? En tant qu’Autochtones, dès que nous lisons ce projet de loi, nous savons quelle incidence il aura sur nos peuples. Je ne comprends donc pas pourquoi le projet de loi n’est pas perçu tel qu’il est perçu par les peuples autochtones.
Mme Lixfeld : Je crois que la lettre envoyée le 10 juin contient une liste des consultations qui ont eu lieu, et qu’on y mentionne les communautés qui y ont participé. Ces informations relatives aux discussions qui ont eu lieu lors de l’élaboration du projet de loi sont disponibles.
Comme l’a fait remarquer le ministre Wilkinson, en ce qui concerne l’application réelle du projet de loi — lorsque nous parlons de la mise en œuvre de ce cadre — les gouvernements doivent utiliser un certain nombre d’outils avant même d’en arriver à l’étape de l’examen d’un projet précis. C’est là que l’obligation de consulter devient vraiment primordiale.
Le président : Merci.
Monsieur le ministre, j’aimerais vous poser une question. Comme vous le savez, nous avons consacré beaucoup de temps, il y a plusieurs années, aux études d’impact et à toute la question. La Cour suprême a déclaré récemment que vous étiez allés trop loin et que, par conséquent, vous deviez effectuer des modifications. Vous l’avez fait et vous avez maintenant une version révisée. Or, d’après leur réponse, l’Alberta et les autres provinces ne sont pas impressionnées. Elles sont très contrariées et disent que c’est ridicule. Vous avez gaspillé tout ce temps et vous êtes presque revenus au point de départ.
Une nouvelle mesure législative est maintenant présentée — celle dont nous sommes saisis, le projet de loi C-49 — et des études d’impact sont également prévues dans ce contexte. Les provinces vont-elles également refuser ces études parce qu’elles n’aiment pas l’approche utilisée par le gouvernement fédéral, ou s’agit-il ici d’une exception?
M. Wilkinson : Non, je ne crois pas. Le projet de loi C-49 ne remplace essentiellement que des références obsolètes à la mesure législative précédente, à savoir la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Il clarifie la façon dont les offices des hydrocarbures extracôtiers travailleront avec l’Agence d’évaluation d’impact. Toutefois, les modifications que nous avons proposées dans la loi d’exécution du budget pour répondre à certaines des préoccupations de la Cour suprême ne concernent pas du tout le projet de loi C-49. Il s’agit essentiellement de mesures administratives. Je ne vois pas de lien entre les deux. J’aurais probablement une interprétation légèrement différente de la vôtre en ce qui concerne les modifications à la Loi sur l’évaluation d’impact, qui, à mon avis, répondent pleinement aux exigences de la Cour suprême, mais c’est mon point de vue.
Le sénateur Gold : Monsieur le ministre, d’après ce que j’ai lu, ce projet de loi représente vraiment le meilleur du fédéralisme coopératif. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador appuient ce projet de loi? Pourquoi est-il important de l’adopter rapidement, surtout si l’on tient compte de la nécessité pour les deux provinces d’adopter une loi miroir lorsque le projet de loi C-49 aura reçu la sanction royale?
M. Wilkinson : Monsieur le sénateur, permettez-moi de commencer par expliquer pourquoi il est important que nous agissions rapidement. Le monde évolue, et le Canada n’est pas seul. D’autres pays cherchent à saisir les occasions offertes, en particulier dans le domaine de l’hydrogène. S’ils y parviennent bien avant nous, nous y perdrons probablement. Je parle de nos amis du Sud, de l’Australie, du Qatar, et d’une foule d’autres pays.
Agir rapidement est essentiel dans ce domaine, ainsi que dans celui de la décarbonation. L’Allemagne ne peut pas atteindre ses objectifs de réduction des émissions si elle ne dispose pas d’une source fiable d’hydrogène. C’est donc très important. Comme vous l’avez dit, c’est un excellent exemple de fédéralisme coopératif que d’avoir deux premiers ministres provinciaux d’allégeances politiques différentes qui disent que c’est nécessaire, et ce, dès maintenant; nous devons le faire. Ils le disent sur un ton assez éloquent. Le ministre de la Nouvelle-Écosse, du Parti conservateur, a déclaré :
Dans les années à venir, je pense que les gens se souviendront de cette initiative. Une fois que le projet de loi C-49 aura été adopté, les gens se diront, dans les décennies à venir : « Voilà une mesure qui a fait de la Nouvelle-Écosse une capitale mondiale de l’énergie renouvelable. »
C’est ainsi que les deux gouvernements provinciaux voient les choses, et nous les voyons de la même manière. Comme les gens le savent, nous avons travaillé en étroite collaboration sur les accords atlantiques. Chaque période et chaque mot ont été négociés, et ils doivent mettre en place exactement la même mesure législative — sans changer un seul mot — dans leurs assemblées législatives une fois que nous aurons terminé ici.
Il s’agit d’une occasion unique. Elle transcende les allégeances politiques. Nous le reconnaissons tous. J’en parle très souvent avec le premier ministre Houston et le premier ministre Furey. C’est un grand pas en avant, et nous devons saisir cette occasion.
Le sénateur Gold : Je vous remercie. Ai-je bien compris que la Nouvelle-Écosse, du moins, attend à la fois avec impatience et anxiété parce qu’elle avait espéré, en fait, commencer à travailler à sa loi miroir si nous pouvions franchir la ligne d’arrivée avant l’ajournement? Nous ne pourrons pas le faire, mais ai-je raison de penser que le temps est un facteur essentiel pour ces provinces, étant donné la façon dont elles envisagent les projets qu’elles aimeraient adopter?
M. Wilkinson : Oui. Je pense que le premier ministre Houston aimerait présenter cette mesure à l’Assemblée législative cet automne. L’idée est de pouvoir lancer un processus d’appel d’offres en 2025. Cela fait partie du plan qu’il a annoncé relativement au développement de cette industrie en Nouvelle-Écosse. Cela fait partie de notre travail pour répondre aux besoins de l’Allemagne. J’ai rencontré les Allemands. J’y étais il y a un mois et demi, et nous aurons d’autres entretiens très bientôt. L’Allemagne est impatiente de nous voir aller de l’avant et d’avoir la certitude que nous pourrons répondre à ses besoins. Oui, le moment est vraiment important.
Le sénateur Wells : À ce sujet, vous vous souviendrez que le chancelier allemand Scholz est venu au Canada à la recherche de gaz naturel il y a quelques années et qu’il a essuyé un refus, sous prétexte que ce ne serait pas rentable.
Ma question ne porte pas sur ce point. Le sénateur Gold a mentionné le fédéralisme coopératif. Nous comprenons que c’est une bonne chose. C’est une excellente chose au Canada. Or, le ministre fédéral — et cela revient à la question du sénateur Manning sur la coopération entre le ministre fédéral et le ministre provincial — conserve un droit de veto absolu sur tout projet dans la zone extracôtière de Terre-Neuve. Ils doivent tous deux donner leur accord.
M. Wilkinson : Le ministre fédéral ne peut pas mettre son veto à une mesure sans consulter la province.
Le sénateur Wells : Je n’aurais pas dû utiliser le mot « veto ». Il peut simplement refuser de signer.
M. Wilkinson : Les solutions proviennent généralement des deux gouvernements. Comme vous le savez du fait de votre expérience avec l’office des hydrocarbures extracôtiers, la province et le gouvernement fédéral collaborent continuellement dans ces dossiers.
Pour ce qui est du commentaire sur le gaz naturel liquéfié, je vous renverrais aux conclusions du premier ministre Higgs. Nous avons longtemps collaboré de très près dans ce dossier. Ce sont le premier ministre Higgs et les entreprises qui ont conclu qu’acheminer le gaz de l’Alberta en passant par les États-Unis ne fonctionnait carrément pas. Il existe un potentiel commercial, oui, mais sur la côte Ouest, et non sur la côte Est.
Le sénateur Wells : Oui. À Terre-Neuve-et-Labrador, nous n’avons évidemment pas besoin de pipelines, de pétroliers ou de transport par rail. Il suffit de l’acheminer jusqu’au point d’approvisionnement le plus proche en Amérique du Nord, là où se trouve le marché. Dans le cas de Terre-Neuve, le potentiel commercial est différent.
M. Wilkinson : Oui.
Le sénateur Wells : J’ai lu le protocole d’entente qu’ont conclu le gouvernement fédéral et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Je ne sais pas si celui de la Nouvelle-Écosse est identique. J’imagine qu’il existe un lien entre le protocole et le projet de loi. Si c’est le cas, sera-t-il possible de modifier le protocole plus tard sans modifier la loi?
M. Wilkinson : Les fonctionnaires devraient avoir les détails à ce sujet.
Mme Lixfeld : Oui, la frontière réglementaire prendra effet grâce à la réglementation prise en vertu des lois de mise en œuvre modifiées. L’adoption du projet de loi C-49 nous permettra de délimiter le champ d’action de l’organisme de réglementation extracôtière et celui de la province.
Il est difficile de savoir quel sera l’objectif du protocole une fois cet exercice terminé, car il établira que la province s’occupe de la réglementation dans les baies et qu’une gestion conjointe s’applique aux zones à l’extérieur des baies. C’est une bonne question, mais je ne sais pas avec certitude à quoi servira le protocole d’entente une fois son rôle mené à bien.
Le sénateur Wells : À titre d’exemple, la liste comprend 16 baies. Qu’arrivera-t-il si la province souhaite en ajouter une autre? Cet ajout passera-t-il par le processus législatif ou le processus du protocole d’entente?
Mme Lixfeld : Ce changement pourrait être fait au moyen d’un règlement pris en vertu des lois de mise en œuvre.
Le sénateur Arnot : Monsieur le ministre, je m’interroge simplement à propos des enjeux de sécurité dans le contexte dont nous discutons. Le projet de loi envisage la possibilité de négociations fédérales et provinciales. Il envisage aussi la possibilité de négociations internationales cruciales, le choc des frontières et la zone économique exclusive. À quel point êtes‑vous convaincu que les gouvernements fédéral et provinciaux et les organismes de réglementation proposés dans le projet de loi seront prêts à agir dans le contexte d’enjeux de sécurité mondiale?
M. Wilkinson : On peut probablement examiner cette question sous différents angles. Le fondement même du projet de loi est fortement axé sur l’approvisionnement énergétique mondial et la sécurité énergétique. Il s’agit de collaborer afin de tenter de répondre à certains des besoins de nos amis européens, et de les aider afin qu’ils continuent de délaisser graduellement le gaz naturel russe et cessent, au final, d’utiliser du gaz naturel pour des applications sans captage du carbone.
Nous avons actuellement des conversations semblables avec le Japon sur la côte Ouest, mais l’hydrogène dont il est question est produit à partir de gaz naturel, dans un contexte de captage et de séquestration du CO2. Dans ce cas, il s’agit d’assurer la sécurité énergétique du Japon alors qu’on se dirige vers un monde à faibles émissions de carbone.
Certaines dispositions du projet de loi portent sur des éléments tels que les zones transfrontalières et modernisent vraiment les mécanismes utilisés dans ce contexte. De toute évidence, cela touche plus particulièrement la France, étant donné la situation géographique de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le sénateur Arnot : Je n’ai pas de question complémentaire, mais peut-être avez-vous quelque chose à ajouter.
Mme Lixfeld : Je n’ai rien à ajouter, si ce n’est que j’aimerais beaucoup aller à Saint-Pierre-et-Miquelon, car l’archipel semble charmant.
Le sénateur MacDonald : Monsieur le ministre, il semble clair que les gens appuient fondamentalement le projet de loi. Celui-ci reçoit un accueil favorable en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador. Je reviens toutefois constamment à la question de la pêche. Pêches et Océans Canada a publié récemment une carte des aires marines de conservation. De toute évidence, ces zones de conservation viendront réduire la taille des zones dans lesquelles les gens peuvent pêcher pour gagner leur vie.
Le projet de loi exige-t-il de faire preuve de souplesse quand il s’agit d’envisager des projets éoliens extracôtiers dans les zones de conservation? Offrira-t-on la même souplesse dans le cas de l’exploration pétrolière et gazière extracôtière?
M. Wilkinson : Comme vous le savez, il y a différentes catégories de zones de conservation. Outre les zones de protection marine, il y a ce qu’on appelle les autres mesures de conservation efficaces par zone, qui comprennent les refuges marins. À chaque catégorie correspond une liste de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas.
Dans le cas des zones de protection marine créées après 2019, l’exploration pétrolière et gazière n’est pas permise. Elle est toutefois permise dans des refuges marins.
En ce qui concerne l’énergie renouvelable, j’étais ministre des Pêches quand nous avons élaboré ces normes. Nous n’avons pas vraiment réfléchi à l’énergie éolienne extracôtière à ce moment‑là. Cela en dit probablement long sur la rapidité avec laquelle la conversation à ce sujet a avancé depuis. Je dirais que l’idée de faire quoi que ce soit dans une zone de protection marine poserait presque certainement de grands défis, parce qu’il serait très difficile d’obtenir les multiples permis nécessaires.
Pour ce qui est des zones où les normes sont moins serrées, il faudra voir.
Le sénateur MacDonald : Pourriez-vous nous parler simplement de la distinction entre les zones de protection marine et l’autre catégorie? Quels sont les critères utilisés?
M. Wilkinson : Bien sûr. La fonctionnaire du ministère des Pêches et des Océans pourra me corriger au besoin. Les zones de protection marine — pour lesquelles le Canada a recours à une norme largement utilisée à l’échelle internationale — représentent le plus haut niveau de protection, en quelque sorte. Très peu d’activités industrielles y sont autorisées.
Ma collègue pourra me rafraîchir la mémoire, mais il me semble que même les activités de pêche posent problème dans une zone de protection marine, alors que la pêche peut être permise dans un refuge marin. L’exploration pétrolière et gazière est possible.
Le sénateur MacDonald : Je vous remercie. Quels sont les critères qui font que toute forme d’exploitation est inacceptable dans un cas, mais acceptable dans l’autre?
Christie Chute, directrice principale, Secteur des programmes, Planification et conservation marine, ministère des Pêches et des Océans : Je vous remercie de votre question. Comme le ministre l’a souligné, les aires protégées sont classées en deux catégories : les zones de protection marine et les autres mesures de conservation efficaces par zone. La norme de protection des aires marines protégées s’applique aux zones de protection marine. Le gouvernement du Canada interdit un certain nombre d’activités dans toutes les zones de protection marine fédérales, y compris l’exploration, l’exploitation et la production pétrolières et gazières; l’exploration et l’exploitation minières; et d’autres activités, dont l’emploi d’engins de pêche en contact avec le fond. Bref, il y a une norme.
Dans le cas des autres mesures de conservation efficaces par zone, nous adoptons une approche plus souple : nous évaluons à quel point certaines activités humaines risquent de nuire à l’objectif de conservation. Il y a plus de souplesse. Aucune norme de protection n’indique que telle ou telle activité est interdite.
Le sénateur MacDonald : Je comprends, mais sur quoi se base-t-on pour déterminer que tout développement sera impossible dans une certaine zone, donc qu’il n’y aura pas de pêche, ni d’exploration, ni de recherche de minéraux?
Mme Chute : C’est une excellente question. Dans les zones de protection marine, ce sont les objectifs de conservation de la zone qui servent à déterminer si oui ou non une activité humaine peut continuer. Nous évaluons à quel point les activités humaines risquent d’avoir une incidence sur les objectifs de conservation de la zone et les priorités de conservation, et nous concevons la zone protégée en conséquence.
M. Wilkinson : Monsieur le sénateur, je me suis trompé. Ma collègue a raison. Elle m’a rappelé que, même dans les zones protégées par la norme la plus élevée, la pêche peut être autorisée. Ce qui est interdit, ce sont des techniques comme le chalutage de fond, qui dérange les fonds marins. Mais il peut être possible de pêcher dans une zone de protection marine.
Le sénateur MacDonald : Je vous remercie.
Le sénateur Prosper : Je souhaite simplement poser une question et dire, brièvement, que les Mi’kmaqs ne sont pas complètement opposés à ce projet de loi, selon moi. Le nœud, c’est plutôt d’avoir la possibilité de participer sérieusement au processus législatif. Je crois comprendre, du moins d’après le contenu de la lettre du 10 juin, que des éléments ont été présentés et que les processus bien établis concernant la mobilisation des communautés autochtones ont été respectés. Il en est question dans la lettre. Je vous ai parlé du cadre de référence relatif au processus de consultation, qui existe depuis un certain temps. Il s’agit du processus à privilégier.
Tout d’abord, j’aimerais avoir plus de détails sur le processus de mobilisation bien établi que votre ministère a suivi. Deuxièmement, quelle est la différence entre la mobilisation et la consultation? Y a-t-il un lien entre les deux? Je vous remercie.
M. Wilkinson : En ce qui concerne la première partie de votre question, nous pourrions avec plaisir vous fournir un sommaire contenant plus de renseignements que n’en contenait la lettre. Pour ce qui est de la différence entre mobilisation et consultation, je laisserai à Mme Lixfeld le soin de répondre.
Mme Lixfeld : Je crois que l’obligation de consulter est un terme bien connu. Elle est prévue dans la législation pour les situations qui pourraient avoir une incidence sur les droits établis des peuples autochtones, sur les droits qu’ils revendiquent, et sur l’obligation qu’a la Couronne de trouver des accommodements appropriés.
La Couronne a donc la responsabilité de satisfaire à l’obligation de consulter dans certaines circonstances. Cela dit, les gouvernements ont aussi d’autres occasions et d’autres raisons de tendre la main aux communautés autochtones et de dialoguer avec elles afin d’obtenir leurs points de vue et leurs commentaires. L’obligation de consulter est une norme très élevée qu’il faut respecter dans certaines circonstances. Par ailleurs, dans un esprit de bonne gouvernance et de bonnes politiques publiques, les gouvernements devraient toujours chercher des occasions de mobiliser les communautés autochtones à propos de ce qui pourrait avoir une incidence sur leurs droits et leurs intérêts, de manière à encourager leur participation et à obtenir des commentaires.
Nous nous sommes efforcés de respecter cette norme pour l’élaboration du projet de loi, de voir à ce que les gens sachent ce que le gouvernement avait l’intention de faire pour communiquer avec les chefs de conseil de l’ensemble du Canada atlantique et du Mi’kma’ki, et de créer des occasions d’avoir ces conversations.
Le sénateur Prosper : Pourquoi n’utilisez-vous pas, par exemple, un processus de consultation déjà établi, qui existe depuis des années? Pourquoi ne pas y avoir recours?
Mme Lixfeld : Nous voyons une différence entre consultation et mobilisation. Le protocole tripartite a été établi pour les situations où il existe une obligation ou un besoin de faire une consultation officielle, en bonne et due forme, afin de s’acquitter de l’obligation de consulter. Lorsque cette obligation n’entre pas en jeu, les gouvernements devraient avoir pour pratique, dans un esprit de bonne gouvernance, d’avoir recours à la mobilisation. Nous voyons donc une différence. Nous avons compris que l’entente tripartite concernait la consultation, mais que nous cherchions à mobiliser les communautés touchées.
Le président : Merci beaucoup. Monsieur le ministre, je pense que nous approchons de la fin de la soirée, mais je voulais vous poser une question à laquelle vous avez répondu à maintes reprises, mais dont la plupart des Canadiens ont du mal à comprendre le message. Nous sommes censés être verts. Nous « parlons vert » beaucoup, mais aux yeux de bien des gens, nous sommes aussi une nation pétrolière et gazière. Nous sommes axés sur le pétrole et le gaz et nous ruinons le monde et tous les concepts que nous avons. C’est pourquoi les gens se disent : « Bon sang, c’est compliqué. Sont-ils honnêtes avec moi? Pourquoi utiliser ce langage? » On a l’impression que l’on stimule le secteur pétrolier et gazier partout où l’on peut, y compris avec des subventions, mais en même temps, ce n’est pas le cas.
Pourriez-vous essayer d’utiliser des mots — si les Canadiens nous écoutent. Comment pouvons-nous faire passer ce message de manière cohérente et au mieux de nos intérêts? Pourriez-vous nous aider?
M. Wilkinson : Absolument. Je vais tenter le coup. Le monde est confronté à une menace existentielle, les changements climatiques, et si nous ne changeons pas fondamentalement la façon dont nous faisons les choses et ne nous efforçons pas de réduire considérablement les émissions de carbone au cours des prochaines décennies, nous laisserons, comme je l’ai déjà dit, nos enfants et nos petits-enfants dans une situation très difficile. C’est une question scientifique. Ce n’est pas une question politique. Ce ne devrait pas être une question partisane. C’est une question scientifique.
Toutefois, nous devons également reconnaître que le monde ne va pas changer du jour au lendemain. Il s’agit d’une transition qui s’étalera sur des décennies et non sur des mois ou des semaines, voire sur quelques années. C’est une transition qui nécessitera la prise de mesures particulières dans tous les secteurs de l’économie. Nous devons commencer à voir des changements qui modifient véritablement les types d’énergie que nous utilisons, ce que nous constatons dans de nombreux endroits.
Nous devons parvenir à éliminer, d’ici à 2050, l’utilisation du pétrole et du gaz dans les applications de combustion où le carbone n’est pas capté. Il est impossible d’atteindre la carboneutralité sans cela. Dans ce contexte, de nombreuses voitures continueront à rouler à l’essence au cours des deux prochaines décennies. Nous devons participer à cette transition et rentabiliser les ressources dont nous disposons de manière réfléchie au cours de cette période.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le secteur pétrolier et gazier doit se concentrer sur la réduction des émissions liées à la production; cela permettra au Canada d’être l’un des pays où les émissions liées à la production sont les plus faibles, de sorte que la valeur de notre produit sur le marché international sera maintenue dans un monde qui cherche à se décarboniser.
Notre secteur pétrolier et gazier doit également se concentrer de plus en plus sur les applications sans combustion, surtout celles du pétrole, notamment les solvants, les cires, les produits pétrochimiques et les matériaux de construction comme le carbone graphite, qui représentent près d’un tiers des applications du pétrole à l’heure actuelle. Là encore, il faut éliminer les émissions liées à la production si l’on veut pouvoir utiliser ces produits dans un monde carboneutre.
Il en va de même pour le gaz. Il existe un avenir pour le gaz naturel, c’est l’hydrogène. Il y a une voie à suivre dans le contexte de la production d’hydrogène à très faible teneur en carbone.
Nous devons examiner la situation secteur par secteur. Nous devons comprendre que la transition ne se fera pas du jour au lendemain, mais nous devons travailler de toute urgence. Le temps dont nous disposons, non seulement en tant que Canadiens, mais aussi en tant qu’êtres humains, n’est pas très long.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Merci à vos collègues d’avoir été parmi nous et de nous avoir aidés à mieux comprendre le dossier. Nous vous remercions.
Nous poursuivons la séance à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)