LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 17 juin 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 14 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle Paul J. Massicotte, je suis un sénateur du Québec et je suis président du comité. Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.
Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes, qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
Dans la mesure du possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones.
N’utilisez qu’une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.
Merci à tous de votre coopération.
Je demande à mes collègues du comité de se présenter, en commençant par ma droite.
[Traduction]
La sénatrice Petten : Bonjour. Iris Petten, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Robinson : Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
[Français]
Le président : Aujourd’hui, le comité poursuit son examen du projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada —Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons par vidéoconférence M. Paul Barnes, directeur, Atlantique et nord du Canada, Association canadienne des producteurs pétroliers, et M. Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association.
Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Cinq minutes sont réservées pour vos allocutions d’ouverture. La parole est à vous, monsieur Barnes, et vous serez suivi de M. Sproul.
[Traduction]
Paul Barnes, directeur, Atlantique et nord du Canada, Association canadienne des producteurs pétroliers : Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui pour vous faire part de nos observations sur le projet de loi C-49.
Je m’appelle Paul Barnes et je suis directeur, Atlantique et nord du Canada, pour l’Association canadienne des producteurs pétroliers, qu’on appelle souvent l’ACPP. Je travaille à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’industrie pétrolière et gazière extracôtière et, pendant cette période, j’ai beaucoup travaillé avec les mesures législatives relatives aux accords atlantiques, qui seront modifiés par le projet de loi.
L’Association canadienne des producteurs pétroliers est une association industrielle non partisane fondée sur la recherche qui défend les intérêts des sociétés membres qui font de l’exploration en vue de trouver du pétrole et du gaz, et qui exploitent et qui produisent ces ressources au Canada.
J’ai eu l’occasion de faire un exposé devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes lors de son examen du projet de loi C-49. Comme je l’ai indiqué au comité à ce moment-là, une grande partie du projet de loi porte sur le développement des énergies renouvelables, mais mes observations porteront uniquement sur les aspects du projet de loi qui concernent directement les activités pétrolières et gazières extracôtières et les règlements qui s’y rattachent.
Je vais commencer mon intervention en parlant de divers articles du projet de loi et en mettant l’accent sur trois d’entre eux, soit les articles 36, 71 et 72. L’ACPP aimerait que des amendements soient apportés à ces articles du projet de loi actuel.
L’article 36 du projet de loi apporte un changement important pour l’industrie pétrolière et gazière extracôtière. L’objet de cet article est de faire passer les futures attestations de découverte importante à une durée fixe de 25 ans. Passer à une durée fixe sans offrir suffisamment de marge de manœuvre pour prolonger la durée pourrait avoir des conséquences imprévues en raison du contexte opérationnel difficile entourant l’exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers dans le Canada atlantique, étant donné qu’il a parfois fallu jusqu’à 30 ans pour développer les projets actuels.
Il pourrait y avoir des cas uniques à l’avenir, où il faudra plus de 25 ans pour passer de l’exploration à la production, et l’ACPP encourage le gouvernement à prévoir une certaine marge de manœuvre pour ces circonstances uniques. Plus précisément, le projet de loi devrait prévoir un libellé juridique permettant de prolonger la durée des attestations si le détenteur d’une attestation ou l’exploitant peut prouver qu’il cherche à exploiter la ressource avec diligence.
L’article 71 du projet de loi permet aux gouvernements de prendre des règlements régissant l’accès aux infrastructures extracôtières, notamment l’application de droits et de tarifs. Selon l’ACPP, l’accès aux infrastructures ne nécessite pas d’autres règlements et il ne devrait pas non plus être inclus dans le projet de loi. Les propriétaires d’installations extracôtières sont disposés à envisager d’ajouter la production d’autres personnes qui souhaitent accéder à leurs installations si celles-ci ont une capacité supplémentaire, à condition que ces personnes partagent la responsabilité de tous les coûts et de toutes les responsabilités connexes et qu’elles assurent un rendement équitable par rapport au risque de l’investissement.
Passer à un système dans lequel les gouvernements peuvent réglementer l’accès et appliquer des droits et des tarifs suscite de l’incertitude dans un environnement où il y a un nombre limité de projets et où les propriétaires d’installations sont prêts à négocier directement avec les autres.
L’article 72 du projet de loi élimine l’obligation de passer par le processus de la partie I de la Gazette du Canada. Nous comprenons que l’article porte uniquement sur les changements administratifs qui ne nécessitent pas de vastes consultations, mais nous pensons que le libellé du projet de loi devrait être plus clair. En précisant que le processus relatif à la Gazette du Canada ne sera contourné que pour les changements administratifs, on évitera toute confusion quant à l’importance de mener des consultations sur les modifications législatives importantes.
Avant de conclure, je tiens également à souligner certains des changements positifs prévus dans le projet de loi que notre industrie appuie.
Par exemple, l’article 28 lève l’interdiction des activités pétrolières et gazières dans un secteur visant la conservation ou la protection des milieux marins, de l’environnement ou des espèces sauvages. Cet article vise à renforcer le rôle des ministres fédéral et provinciaux des Ressources naturelles en cas d’interdiction des activités pétrolières et gazières dans une zone donnée. L’Association canadienne des producteurs pétroliers appuie cet article du projet de loi, compte tenu du régime de gestion conjointe qui régit les activités pétrolières et gazières extracôtières à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse.
L’article 134 du projet de loi offre une plus grande marge de manœuvre en ce qui concerne les exigences en matière d’essais pour prouver une découverte importante. L’ACPP appuie cette modification, mais elle estime que le projet de loi pourrait clarifier davantage le libellé des lois sur les accords atlantiques afin de reconnaître les nouvelles technologies pour répondre à l’exigence de prouver une découverte importante.
L’Association canadienne des producteurs pétroliers est également heureuse de constater que le projet de loi précise le rôle du processus d’évaluation des répercussions de chaque office des hydrocarbures extracôtiers.
Voilà qui conclut mes observations. Une fois de plus, je vous remercie de m’avoir invité à témoigner devant le comité dans le cadre de son examen du projet de loi. Je serai heureux de répondre à vos questions au moment opportun.
Le président : Merci beaucoup. Monsieur Sproul, la parole est à vous.
Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association : Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de nous donner l’occasion d’exprimer notre point de vue.
Je comparais devant vous aujourd’hui au nom de la Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, que je préside. Depuis 29 ans, nous représentons les familles de pêcheurs propriétaires-exploitants qui vivent sur les rives de la baie de Fundy, en Nouvelle-Écosse. Notre groupe se distingue depuis longtemps parce qu’il prône des pratiques de pêche durables et une gestion communautaire des pêches.
Au fil du temps, notre engagement à l’égard de l’utilisation responsable des ressources nous a amenés à établir des partenariats avec de nombreux groupes du milieu universitaire et du milieu de la conservation. Nous coopérons depuis longtemps avec les gouvernements et les organismes de réglementation à tous les niveaux, ce qui nous a valu la réputation d’être un allié précieux sur les questions relatives aux océans.
Nos membres sont fiers de cet héritage et ils sont déterminés à préserver notre mode de vie pour les générations futures de Néo-Écossais.
Un certain nombre de personnes ont comparu devant le comité pour parler des aspects techniques du projet de loi. Bien qu’ils soient très importants, je tiens aujourd’hui à me concentrer sur le manque général de consultations auprès de l’industrie de la pêche ou le manque de considération pour cette dernière. Depuis des centaines d’années, les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse adoptent un mode de vie véritablement durable en exploitant les ressources renouvelables des océans de la Nouvelle-Écosse. Notre gestion prudente a permis à l’industrie de devenir le moteur économique de la Nouvelle-Écosse : elle fournit des milliards de dollars chaque année à notre économie.
La prospérité de tous les Néo-Écossais repose sur ces fondements, qu’il convient de préserver. Il est temps de reconnaître que les pêcheurs — à l’instar des agriculteurs — sont un pilier de l’économie du Canada atlantique et qu’ils sont essentiels à la sécurité alimentaire de tous les Canadiens. Les pêcheurs ne devraient pas être contraints de faire des pieds et des mains ou de recevoir des débouchés à la dernière minute pour que leurs intérêts soient pris en compte par le gouvernement dans le cadre de l’étude du projet de loi. Notre industrie n’est pas une case à cocher ou un obstacle à éviter. En tant qu’acteurs de longue date de la pêche hauturière en Nouvelle-Écosse, les organismes de réglementation et les promoteurs du projet de loi auraient dû nous approcher dès le départ. Dans sa course effrénée au développement de l’énergie renouvelable extracôtière, le gouvernement a certainement manqué cette étape très importante.
La décision des pêcheurs côtiers et hauturiers de la Nouvelle-Écosse, qui refusent souvent de travailler ensemble, en dit long sur nos graves préoccupations. Nous avons également été clairs quant à nos intentions louables. Notre approche non obstructionniste et de bonne foi à l’égard du gouvernement montre que nous sommes prêts à partager l’océan et capables de le faire si nos intérêts sont également pris en compte de bonne foi. Toutefois, de nombreux pêcheurs commencent à se rendre compte que ce n’est pas le cas. Comme toujours, nous demandons seulement d’être traités équitablement et d’uniformiser les règles du jeu.
Nos membres posent désormais des questions légitimes. Pourquoi le gouvernement n’accorde-t-il pas plus d’attention aux effets des grandes installations éoliennes sur les populations de baleines, étant donné les règles très strictes auxquelles notre industrie est assujettie pour protéger ces mêmes animaux? Pourquoi les organismes de réglementation ne tiennent-ils pas compte des effets cumulatifs sur les espèces viables sur le plan commercial que nous exploitons? Pourquoi les organismes de réglementation ne recueillent-ils pas des données de référence fiables sur le plateau néo-écossais dans les zones qui seront indubitablement perturbées par des travaux de construction industrielle afin que ces effets puissent être mesurés à l’avenir? Qui indemnisera les collectivités de pêcheurs pour la perte d’une richesse générationnelle lorsqu’elles seront chassées de leurs zones de pêche traditionnelles à cause des parcs éoliens? Comment peut-on considérer que le projet de loi est complet, alors qu’il ne contient pas de dispositions relatives au démantèlement des installations en fin de vie? Le gouvernement n’a-t-il rien appris du fiasco du développement de l’énergie marémotrice dans la baie de Fundy? Pourquoi les leçons tirées de ce fiasco ne sont-elles pas appliquées maintenant?
Il est évident que l’immense richesse générée en Nouvelle-Écosse par notre industrie mérite d’être protégée dans l’intérêt de tous les Canadiens. Il faut répondre à ces questions pour assurer notre avenir. La prudence veut que l’on prenne le temps de bien faire les choses, mais la loi nous y oblige aussi. L’article 1 de la Loi sur les pêches ainsi que d’autres lois du Parlement indiquent clairement que :
[...] en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement [...]
Nous reconnaissons que ces incertitudes existent et que, dans leur hâte, les organismes de réglementation choisissent d’en faire fi.
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie et vous invite à me poser vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le sénateur Wells : Messieurs Barnes et Sproul, je vous remercie de vos présentations. Monsieur Barnes, je me suis longuement entretenu avec vous sur les questions relatives au pétrole et au gaz et avec vous, Monsieur Sproul, sur les questions relatives à la pêche. Je vous remercie de votre dévouement à l’égard de ces deux secteurs.
Monsieur Barnes, je tiens à parler de l’article 36, dont vous avez parlé dans votre déclaration liminaire, qui prévoit limiter la possibilité d’exploitation à 25 ans. Vous et moi savons que, auparavant, les attestations étaient valides pour une durée indéterminée ou à perpétuité, de sorte qu’un exploitant potentiel en pouvait détenir une, mais ne plus l’utiliser pour forer d’autres puits ou produire de ressources. Par conséquent, j’estime que la durée de 25 ans est raisonnable au cas où une autre société voudrait produire des ressources à la place du détenteur initial de l’attestation, qui, lui, n’en produit pas.
Si nous proposions un amendement ou si nous examinions le projet de loi d’une autre manière, quelle serait, selon vous, une façon raisonnable d’instaurer ce plafond de 25 ans pour remplacer l’attestation à durée indéterminée, qui est inacceptable?
M. Barnes : Je vous remercie de votre question. Vous avez raison. Actuellement, les attestations de découverte importante sont détenues à perpétuité. Le projet de loi modifie la durée de ces attestations : elles passeront à une durée fixe de 25 ans, ce qui correspond à ce que l’on observe à l’échelle internationale. À l’échelle internationale, il y a des dispositions législatives qui permettent à un détenteur d’attestation qui est sur le point d’expirer — par exemple, à la fin de la 24e ou de la 25e année — qui s’efforce de produire une ressource au titre de cette attestation de faire prolonger la durée de cette dernière.
Ce qu’il n’y a pas dans le projet de loi, c’est un libellé à cet effet, et c’est ce qui nous préoccupe. Cette préoccupation figure dans mes observations écrites ainsi que dans notre mémoire. Ce que nous proposons, c’est un libellé simple qui vise à permettre de prolonger l’attestation au-delà de 25 ans si un exploitant ou un détenteur d’attestation peut prouver qu’il s’efforce avec diligence de produire une ressource au titre de cette attestation.
Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre réponse, monsieur Barnes.
Qu’en est-il si l’attestation d’une entreprise en est à sa 23e année sur 25, et que l’entreprise voit son expiration arriver rapidement? Quels éléments pourraient l’empêcher de réaliser son projet dans le délai de 25 ans ou qui pourraient ralentir sa réalisation?
M. Barnes : Il pourrait y avoir toutes sortes de facteurs. Nous venons de traverser une pandémie. Comme tout le monde le sait ici, quand la pandémie a frappé, une grande partie des activités industrielles liées à la construction navale et à la production d’acier se sont arrêtées partout dans le monde. Par conséquent, un certain nombre d’installations de production dans le monde liées à notre industrie se sont arrêtées à cause de la pandémie. Par exemple, si l’attestation d’une entreprise se trouve à l’an 23 et qu’une pandémie survient, qu’il y a une quelconque pénurie mondiale d’acier ou que les activités de certains chantiers de fabrication internationaux cessent, et que l’entreprise ne peut pas faire construire ses installations, elle court le risque de voir son attestation expirer sans pouvoir la prolonger.
Le sénateur Wells : D’accord, merci beaucoup.
Monsieur Sproul, votre problème avec le projet de loi est-il qu’il n’y a pas eu assez de consultations, ou y a-t-il des mesures précises qui vous posent problème? Vous avez parlé de certaines mesures. Y a-t-il des mesures que vous aimeriez voir modifiées ou éliminées du projet de loi?
M. Sproul : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur.
Il est évident qu’il y a eu un manque de consultation auprès de l’industrie, et, compte tenu du peu de temps dont elle disposait, elle a très bien réagi en créant la Nova Scotia Fisheries Alliance for Energy Engagement. Grâce à cet organisme, nous avons fait une présentation lors de l’évaluation régionale, mais nous constatons que les recommandations formulées par le comité chargé de l’évaluation régionale ne figurent pas dans le projet de loi.
D’abord et avant tout, si l’exploitation pétrolière et gazière dans ces mêmes zones nuit à une pêche, la Loi sur les pêches prévoit des mécanismes pour indemniser les collectivités et les familles de pêcheurs pour la perte de revenus subie. Toutefois, le projet de loi ne prévoit pas de tels recours, ce qui constitue une omission importante pour nos membres. Le projet de loi doit prévoir un mécanisme en ce sens.
Surtout, le projet de loi doit tenir compte de l’importance des effets cumulatifs, car les Canadiens ne comprennent pas ce qui est proposé pour la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse. Selon moi, l’ampleur et la taille des parcs éoliens mettent en avant l’importance des effets cumulatifs. Aucune attention n’a été portée sur eux, en particulier les effets cumulatifs sur les espèces commercialement importantes, comme les effets sur le brassage des eaux, mais aussi sur des choses comme la migration du homard et de nombreuses autres espèces.
C’est pourquoi nous pensons que le projet de loi n’est pas encore prêt, car il a besoin d’un examen plus approfondi et d’autres amendements.
Le sénateur Wells : Merci, monsieur Sproul.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question pour M. Colin Sproul. En fait, j’ai deux questions pour lui.
Avez-vous examiné ce qui se passe au Royaume-Uni concernant la cohabitation des parcs éoliens et des stocks de poissons pour voir s’il y a vraiment une incidence?
Ma deuxième question est la suivante : vous avez dit au début de votre présentation que vous vous occupiez très bien des stocks de poissons et que vous tentiez de pratiquer une pêche prudente. Je viens de faire une recherche sur Google au sujet de la baie de Fundy. C’était il y a un certain temps, donc les pratiques ont peut-être changé, mais, en 1989, les populations de saumons avaient diminué de 90 % dans la baie de Fundy, principalement à cause de la pêche, d’après ce que j’ai compris.
Premièrement, quelle est l’efficacité de vos efforts de conservation des poissons, ceux dont vous avez parlé? Deuxièmement, avez-vous examiné l’incidence des parcs éoliens sur les stocks de poissons? J’ai pensé à la Grande-Bretagne parce qu’il y a des parcs éoliens là-bas, mais il y en a aussi à d’autres endroits.
M. Sproul : Je vous remercie de vos questions. Tout d’abord, en ce qui concerne les populations de saumon dans la baie de Fundy, au cours de ma vie ou de la vie de mon père, le saumon de l’Atlantique n’a jamais fait l’objet d’une pêche commerciale dans la baie de Fundy. Il ne s’agit pas d’une pêche commerciale. La décimation des populations de saumon de l’Atlantique dans la baie de Fundy est liée à la construction de barrages hydroélectriques sur les rivières.
Quand j’ai parlé de notre excellente gestion de la pêche, je faisais référence à des choses comme le homard, qui apporte plus de valeur à la Nouvelle-Écosse que la pêche au poisson de fond du passé, qui était mal gérée par les gouvernements, et non par les pêcheurs. La pêche au homard est gérée de façon très différente. Elle est gérée de façon naturelle par les pêcheurs, en partenariat avec les organismes de réglementation dans le cadre du Plan de gestion intégrée des pêches applicable au homard dans l’Atlantique. Nous en sommes fiers et nous ne sommes certainement pas responsables de l’effondrement des stocks de saumon de l’Atlantique, qui a été causé par les compagnies d’électricité dans les rivières d’eau douce.
La sénatrice Miville-Dechêne : Très bien.
M. Sproul : En ce qui concerne la situation en Europe, les pêcheurs de la mer du Nord ont été très durement touchés par la prolifération des parcs éoliens extracôtiers, en particulier parce qu’ils ont été chassés de leurs zones de pêche en raison de la présence des turbines.
Il est également important de souligner qu’une grande partie des recherches scientifiques ont été financées par l’industrie éolienne et qu’elles n’ont pas été réalisées de manière indépendante par les gouvernements et les organismes de réglementation, et nous aimerions vraiment que des recherches indépendantes soient réalisées au Canada.
La sénatrice Miville-Dechêne : Que peut-on faire? Il est évident que l’énergie produite par les éoliennes est importante pour avoir de l’énergie propre. Cependant, vous pensez que vous risquez d’être touchés. À part une indemnisation, comme dans le cas de l’exploitation pétrolière, quelle autre solution envisagez-vous?
M. Sproul : Je vous remercie de votre question. J’ai pris soin de préciser dans ma déclaration que nous ne cherchons pas à faire obstruction à l’exploitation de l’énergie éolienne. La plupart des pêcheurs que je connais sont des partisans de l’énergie renouvelable. Il faut respecter nos points de vue et se concentrer sur les zones de pêche importantes que nous ne pouvons pas nous permettre d’abandonner, ainsi que sur les endroits que nous pouvons partager avec les exploitants de parcs éoliens.
Il y a une énorme différence entre la position adoptée par les pêcheurs canadiens et celle adoptée par les pêcheurs américains, qui sont totalement opposés aux parcs éoliens et qui tentent d’y faire obstruction par tous les moyens possibles.
Nous, nous participons aux discussions en toute bonne foi et nous disons que, certes, il y a des endroits où il est possible d’installer des parcs éoliens, mais il y a d’autres endroits que nous ne pouvons pas nous permettre d’abandonner en tant que pêcheurs. C’est toute une différence.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
La sénatrice Petten : Je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur Barnes, vous avez dit avoir examiné les modifications concernant le pétrole et le gaz. Comme vous le savez, ce projet de loi exige que les provinces adoptent des mesures législatives correspondantes.
Avez-vous demandé au gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador ou à celui de la Nouvelle-Écosse ce qu’ils pensent des modifications?
M. Barnes : Je vous remercie de votre question. Oui, j’ai rencontré quelques fois les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, ainsi que Ressources naturelles Canada, à l’échelon fédéral, au sujet des modifications. En fait, quand j’ai comparu devant le comité de la Chambre des communes, nous lui avons présenté un mémoire supplémentaire contenant certaines formulations possibles pour ces modifications.
Le ministère fédéral et les deux gouvernements provinciaux ont estimé qu’il semblait y avoir une certaine précipitation à faire adopter le projet de loi, surtout à la lumière des investissements potentiels dans l’énergie éolienne. Ils ont dit qu’ils tenteraient soit de s’occuper de nos amendements après l’adoption du projet de loi, soit de demander aux offices des hydrocarbures extracôtiers d’ajuster certaines de leurs orientations pour prendre des règlements afin de régler certains des problèmes que nous avons au sujet des articles en question.
La sénatrice Petten : Au cours de vos 30 années d’expérience, l’Association canadienne des producteurs pétroliers a-t-elle déjà eu des problèmes à coexister avec l’industrie de la pêche hauturière à Terre-Neuve-et-Labrador ou est-elle déjà entrée en conflit avec cette dernière?
M. Barnes : Malheureusement, nous entrons parfois en conflit, principalement parce que nous menons nos activités dans l’océan à proximité les uns des autres. Toutefois, la plupart de ces conflits sont relativement mineurs. Nous avons pu en résoudre une grande partie en créant une entité appelée One Ocean il y a une vingtaine d’années. Il s’agit essentiellement d’un organisme bénévole qui regroupe l’industrie pétrolière et gazière et l’industrie de la pêche de Terre-Neuve-et-Labrador au sein de laquelle nous examinons des questions d’intérêt commun par l’intermédiaire d’un organisme indépendant lié au Fisheries and Marine Institute de l’Université Memorial de Terre-Neuve. Cette entité nous a permis d’avoir d’excellentes conversations avec l’industrie de la pêche — nous avons établi une très bonne communication et une excellente relation avec elle —, de sorte que nous sommes capables de nous attaquer aux problèmes avant qu’ils ne s’aggravent.
La sénatrice Petten : Diriez-vous qu’il n’y a pas eu de problèmes de coexistence avec les deux industries?
M. Barnes : Nous avons eu quelques problèmes, mais ils ont été réglés et ils étaient relativement mineurs.
La sénatrice Petten : Merci.
Le sénateur Arnot : Ma question s’adresse à M. Barnes. Monsieur Barnes, l’Association canadienne des producteurs pétroliers, ou l’ACPP, est un organisme influent au Canada. Je suis au courant des amendements que vous proposez, mais mes questions portent sur autre chose.
Compte tenu de l’accent que vous mettez sur les ressources non renouvelables, croyez-vous que les membres de l’ACPP sont prêts à discuter de façon significative avec les communautés autochtones à l’avenir?
Quelles sont les stratégies que vous ou vos membres avez mises en place pour collaborer de façon significative, pour encourager les communautés ou les entreprises des Premières Nations à investir et pour favoriser l’emploi des membres des Premières Nations dans l’industrie dans la région de l’Atlantique et dans le Nord du Canada?
M. Barnes : Je vous remercie de vos questions. Lorsqu’il s’agit des activités pétrolières et gazières extracôtières, non seulement nos membres discutent avec les communautés autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador, mais ils saisissent également l’occasion, surtout récemment, de discuter avec d’autres groupes autochtones dans tout le Canada atlantique, car ils savent que ces groupes peuvent aussi pêcher dans les eaux de Terre-Neuve-et-Labrador ou pêcher des espèces qui peuvent migrer des eaux de Terre-Neuve vers d’autres régions du Canada atlantique.
Chaque fois qu’il est question d’une activité pétrolière et gazière — à savoir que l’un de nos membres a commencé à prévoir une activité d’exploration, d’exploitation ou de production —, nos membres discutent avec les groupes autochtones locaux. De même, en tant qu’association, quand nous organisons de grandes activités — nous organisons parfois des forums, qui peuvent porter sur la sécurité, l’environnement, etc., pour entendre différents groupes communautaires ou autochtones —, nous invitons toujours les groupes autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador ou du Canada atlantique à y participer.
Nous discutons beaucoup avec les Autochtones et nous prévoyons certainement continuer de le faire.
Le sénateur Arnot : Combien d’Autochtones sont actuellement employées dans ce secteur par vos sociétés membres?
M. Barnes : Je n’ai pas de données de cette nature, mais je peux certainement vous en fournir.
Le sénateur Arnot : Je vous serais reconnaissant que vous m’en fournissiez par écrit, si vous le pouvez, monsieur. Merci beaucoup.
La sénatrice Galvez : J’ai deux questions pour M. Barnes et une pour M. Sproul.
L’un de vos membres envisage-t-il de promouvoir ou de construire des parcs éoliens dans cette région? Pour produire de l’énergie à partir du pétrole, il faut de l’énergie. Où puisez-vous votre énergie?
M. Barnes : Plusieurs de nos membres investissent également dans des sources d’énergie renouvelable, comme les parcs éoliens. Je sais qu’un certain nombre d’entre eux étudient les possibilités d’investissement, tant à Terre-Neuve-et-Labrador qu’en Nouvelle-Écosse. Pour l’instant, aucun d’entre eux n’a proposé d’investissement, mais l’ensemble du Canada atlantique est dans la ligne de mire d’un certain nombre de nos membres qui souhaitent investir davantage dans ce secteur.
La sénatrice Galvez : Est-ce pour changer le secteur ou pour continuer à produire du pétrole et du gaz, mais en utilisant des énergies renouvelables?
M. Barnes : C’est pour continuer à produire du pétrole et du gaz, ainsi que pour investir dans le secteur éolien. C’est également afin d’utiliser éventuellement le vent pour certains aspects de l’activité pétrolière et gazière, comme l’énergie éolienne à petite échelle sur les plateformes.
La sénatrice Galvez : D’accord.
La semaine dernière, les fonctionnaires ont déclaré qu’il n’y a actuellement aucun article dans l’Accord atlantique qui donne le pouvoir aux ministres fédéraux et provinciaux de revenir sur leur décision d’accorder un permis d’exploitation pétrolière et gazière pour des motifs de conservation ou de protection de l’environnement ou de la faune, mais nous savons que des choses peuvent se produire. Dans cette région, on a observé une diminution des stocks de poissons, mais le gouvernement serait en mesure de les protéger dans les circonstances actuelles. Il est capable de verser des indemnisations, mais pas de prévenir les catastrophes.
Cenovus Energy a dû payer une amende de 2,5 millions de dollars pour un déversement d’hydrocarbures survenu en 2018 dans le champ pétrolifère et gazier White Rose. Il s’agissait du plus grand déversement d’hydrocarbures extracôtier à Terre-Neuve-et-Labrador.
Ainsi, des accidents peuvent se produire.
Êtes-vous en train de dire que, conjointement, les gouvernements fédéral et provinciaux ne devraient avoir absolument aucun recours pour revenir sur une décision afin d’offrir une protection et une indemnisation pour répondre aux risques et aux préoccupations environnementales?
M. Barnes : Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question. Nous sommes favorables à ce que Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral assument conjointement un rôle pour verser des indemnisations en cas d’annulation de licences.
La sénatrice Galvez : J’en conviens pour les indemnisations, mais qu’en est-il de la prévention ou du retrait des licences en cas de préoccupations ou de risques environnementaux?
M. Barnes : Encore une fois, la façon dont nous interprétons le projet de loi est que les deux ministres des Ressources naturelles devraient approuver l’annulation de toute licence qui pourrait entrer en conflit avec une aire marine de conservation ou de protection.
La sénatrice Galvez : D’accord. Je vais continuer lors de la deuxième période de questions.
La sénatrice McCallum : Je voudrais revenir sur la section VI, redevances et recettes. Elle porte sur la mise en œuvre de l’accord, les redevances, les intérêts et les amendes. Elle est modifiée pour inclure les projets d’énergie renouvelable extracôtière afin de compléter le système de redevances existant pour la production de pétrole et de gaz. Quel est le système actuel? En ce moment, les Premières Nations reçoivent-elles des redevances ou des intérêts provenant de vos productions?
M. Barnes : La réponse courte est « non ». Aucun groupe autochtone ne reçoit d’indemnisation ou de paiement direct issus de redevances. Les redevances provenant de la production extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador sont versées à la province, qui décide comment elle distribue et utilise ces fonds.
La sénatrice McCallum : D’accord.
Dans ce cas, quand vous dites que vous collaborez avec les Premières Nations, comment procédez-vous, si elles ne reçoivent pas de redevances? Comment participent-elles au processus de manière à ce qu’on collabore sérieusement avec elles?
M. Barnes : Nous laissons normalement ce type de collaboration aux gouvernements. Normalement, notre industrie collabore en fournissant de l’information aux groupes autochtones et aux autres intervenants avant qu’une activité ait lieu pour leur permettre de la comprendre et pour que nous comprenions leurs préoccupations à ce sujet. C’est essentiellement le genre d’interaction directe que nous avons avec les groupes autochtones.
La sénatrice Galvez : Monsieur Sproul, il semble y avoir une sorte de concurrence entre les projets pétroliers, les projets éoliens prévus et la pêche. Pouvez-vous expliquer la différence entre le rendement sur investissement de ce genre de projets et les emplois créés dans les provinces par chacun de ces secteurs? Quelles sont les retombées positives pour les collectivités?
Je pose la question parce que vous avez dit qu’il y a des incidences cumulatives et indirectes, mais celles-ci sont prises en compte par les nouvelles évaluations des répercussions sur l’environnement. Je m’intéresse davantage aux répercussions sociales et économiques de ces différents projets.
M. Sproul : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice.
La chose la plus importante à souligner, ce sont les retombées sociales et économiques que la pêche engendre actuellement en Nouvelle-Écosse. L’industrie de la pêche de la Nouvelle-Écosse procure plus de 25 000 emplois directs et des milliers d’autres emplois indirects. Les derniers chiffres de 2022 montrent que les exportations de produits de la pêche de la Nouvelle-Écosse s’élèvent à près de 3,5 milliards de dollars pour une province qui compte moins de 1 million d’habitants.
On ne saurait donc trop insister sur les bénéfices diffus de la pêche, qui assurent de hauts revenus à la classe moyenne dans les régions éloignées du Canada atlantique, mais ce n’est pas tout, madame la sénatrice. Je me souviens que vous m’avez posé une question il y a quelques années quand j’ai témoigné devant un comité permanent. Vous m’avez dit que vous n’aviez jamais entendu un non-Autochtone parler du lien profond qu’il entretient avec l’océan comme je l’ai fait ce jour-là à Halifax. Je tiens à vous dire que ce lien n’a pas changé pour moi ni pour les membres de la Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association. Les bénéfices de l’histoire de notre industrie de la pêche vont au-delà de l’argent. Ils sont sociaux et culturels, et ils constituent le tissu de ce que nous sommes en tant que Néo-Écossais. Nous tenons vraiment à les protéger.
Nous ne voulons pas faire obstacle aux autres industries. Nous croyons sincèrement que nous pouvons partager l’océan.
Nous ne voulons pas qu’une industrie extrêmement précieuse soit échangée contre une autre. C’est pourquoi nous devons vraiment nous concentrer sur les dangers cumulatifs qui pèsent sur les espèces à valeur commerciale, ainsi que sur d’autres espèces, comme les baleines.
Le président : Je vais intervenir sur cette question. Ma question porte sur la même perspective économique. Aidez-moi à comprendre une chose. Si on prend les mêmes ressources — je ne sais pas, par exemple, sur un millier de kilomètres carrés, ou peu importe —, laquelle est la plus rentable? En comparant les mêmes ressources disponibles, est-ce le pétrole et le gaz qui sont les plus rentables, ou de la pêche?
M. Sproul : Je vous remercie de votre question. Je ne peux parler que de l’industrie de la pêche dans ce cas-ci. Je ne connais pas suffisamment les circonstances pour parler de la prospérité qu’apporte, par exemple, l’industrie pétrolière et gazière à Terre-Neuve-et-Labrador.
La seule différence que je soulignerais, c’est le bénéfice diffus que procure l’industrie de la pêche. En ce qui concerne les parcs éoliens proposés, certains emplois seront créés pendant leur construction. Je pense qu’il est assez évident qu’après leur construction, il y en aura très peu.
Je ne suis pas sûr du mécanisme de redevance que l’on peut espérer obtenir en Nouvelle-Écosse, si tant est qu’il y en ait un. Selon moi, il y aura un bénéfice pour les promoteurs et la compagnie d’électricité de la Nouvelle-Écosse, mais je ne pense pas qu’il y aura un jour de bénéfices diffus pour l’industrie de la pêche.
Le président : Monsieur Barnes, comment répondriez-vous à cette question? Quelle industrie apporte le plus de bénéfices à la province?
M. Barnes : À Terre-Neuve-et-Labrador, je pense que l’industrie pétrolière et gazière contribue plus au PIB de la province que l’industrie de la pêche, mais les deux sont assez proches l’une de l’autre. Il est certain qu’il s’agit des deux industries de Terre-Neuve-et-Labrador qui contribuent le plus à l’économie de la province. L’industrie de la pêche fournit plus d’emplois que l’industrie pétrolière et gazière, mais cette dernière fournit davantage de redevances et de bénéfices.
Comme je l’ai indiqué plus tôt en répondant à la question de la sénatrice Petten, les deux industries ont réussi à collaborer très efficacement et à coexister, car nous occupons une grande partie du même espace océanique. Souvent, notre industrie utilise les bateaux ou les gens de l’industrie de la pêche pour différentes activités, comme la fourniture de services environnementaux ou de services de surveillance quand nous déplaçons certaines installations dans l’océan.
La sénatrice McCallum : Savez-vous quelle zone le secteur des énergies renouvelables couvrira maintenant? Il y aura beaucoup d’éoliennes. Je ne pense pas que nous savons combien il y en aura. Quels seront les effets cumulatifs de cette nouvelle attaque contre l’industrie de la pêche et les écosystèmes de la région? En Ontario, 155 collectivités ont refusé l’installation d’éoliennes, dans l’immédiat et à l’avenir.
Avez-vous réfléchi aux effets des éoliennes et à leur incidence sur la région?
M. Barnes : Je pense que M. Sproul est mieux placé que moi pour répondre à la question, étant donné que je ne m’occupe pas de l’aspect éolien du secteur de l’énergie.
M. Sproul : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Je pense que la réponse à votre question est que nous l’ignorons. Nous ne pouvons que présumer que les éoliennes auront des effets cumulatifs en nous fondant sur d’autres situations où il existe des données sur d’autres parcs éoliens dans le monde.
On propose quelque chose de nouveau pour les eaux au large de la Nouvelle-Écosse, mais pas dans le cadre d’un plan de gestion adaptatif. Il s’agit d’installer dès le départ de très grandes éoliennes à grande échelle. Cela montre qu’il est nécessaire de recueillir de meilleures données sur la situation actuelle du plateau néo-écossais et de réaliser le projet à un rythme qui permette d’évaluer et d’atténuer les répercussions potentielles.
Je suis conscient qu’il faut développer les énergies vertes, comme tous les pêcheurs. Nous sommes très préoccupés par le réchauffement des océans. Cependant, ces préoccupations ne peuvent pas être utilisées pour faire disparaître les questions légitimes auxquelles il faut répondre concernant l’exploitation des ressources énergétiques extracôtières, qu’il s’agisse de préoccupations concernant le transport de l’électricité jusqu’à la côte et son effet de barrière potentiel sur la migration des espèces, ou le brassage des eaux océaniques, qui peut augmenter ou diminuer en fonction des éoliennes. Le plus préoccupant pour les pêcheurs, ce sont les éoliennes flottantes, car leurs énormes chaînes d’amarrage balaieraient le fond et détruiraient les écosystèmes.
La réponse à votre question est que nous l’ignorons, mais il incombe au gouvernement de recueillir davantage de données et d’obtenir davantage de réponses à ces questions.
Le sénateur Wells : J’ai une brève question pour M. Sproul, puis une question — ou deux, si nous avons le temps — pour M. Barnes.
Monsieur Sproul, compte tenu de votre préoccupation concernant le manque de consultations auprès des groupes que vous représentez, si nous revenons à l’automne pour poursuivre l’examen du projet de loi, considérez-vous que les mois d’été sont une période appropriée pour mener de telles consultations, ou les pêcheurs sont-ils trop occupés et ce n’est pas le bon moment? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet, s’il vous plaît?
Le président : Le sénateur Wells s’est porté volontaire pour vous rencontrer pendant les mois d’été.
Le sénateur Wells : Je peux le faire.
M. Sproul : Je ne voudrais certainement pas parler au nom de l’ensemble du secteur de la pêche dans la région de l’Atlantique, mais je sais que nous serions très heureux qu’on nous accorde du temps pour mieux évaluer les risques et préparer les réponses. Nous avons besoin de beaucoup plus de temps pour réaliser les études scientifiques nécessaires avant d’ériger des installations extracôtières à grande échelle. Je pense que quelques mois supplémentaires au cours de l’été seraient très utiles, et j’encourage le comité à faire en sorte que cela se produise.
Le sénateur Wells : Merci.
Monsieur Barnes, j’aimerais dire deux choses. D’abord, j’aimerais vous parler de la question de la sénatrice Galvez concernant l’éventualité d’un déversement et le pouvoir des ministres de retirer un permis. Je sais également que l’une des conditions d’octroi d’un permis prévoit qu’en cas de déversement d’une substance nocive ou d’une autre violation, des sanctions peuvent être imposées par l’office. Il a le pouvoir de le faire.
Je voulais vous poser une question sur l’organisme One Ocean. Pour tout vous dire, j’ai représenté l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers pendant trois ans au sein de One Ocean.
Selon vous, quel effet aurait la présence d’un troisième joueur, en plus des secteurs de la pêche et du pétrole? Que diriez-vous d’intégrer, par exemple, le secteur de l’énergie éolienne? Pensez-vous que cela soit réalisable? Je pense que vous faites également partie du conseil d’administration de One Ocean. Je sais que c’était le cas lorsque j’y étais.
M. Barnes : Oui, c’est une question intéressante. La dernière réunion du conseil d’administration de One Ocean s’est tenue jeudi dernier, et cette question a été soulevée. À Terre-Neuve-et-Labrador, nous constatons que les sociétés d’énergie éolienne sont davantage portées à dialoguer avec l’industrie de la pêche. Certaines préoccupations de l’industrie de la pêche à l’égard de l’industrie éolienne ont été réglées avec l’industrie pétrolière et gazière.
C’est principalement le secteur de la pêche qui se demande s’il n’y aurait pas lieu d’inviter les sociétés d’énergie éolienne à faire partie de One Ocean. Dans l’industrie pétrolière et gazière, nous n’aurions aucune objection. One Ocean est constituée en personne morale, donc elle devra notamment modifier ses statuts, mais je pense que l’ajout du secteur éolien deviendra une réalité dans un avenir assez proche.
Le sénateur Wells : Merci.
La sénatrice Petten : Monsieur Barnes, avez-vous participé à l’évaluation régionale qui est en cours dans la province?
M. Barnes : Nous n’avons pas participé à l’évaluation environnementale régionale dans le cas de l’énergie éolienne, mais nous avons participé à l’évaluation environnementale régionale pour les activités de prospection pétrolière et gazière.
La sénatrice Petten : Une évaluation est en cours. Comme vous le savez, un protocole d’entente a été signé par la province de Terre-Neuve-et-Labrador concernant les zones côtière et extracôtière. Seize baies de la province sont incluses dans la zone côtière, ce qui est de compétence provinciale, et je crois savoir qu’il y a des problèmes relativement à la consultation des Autochtones. Les membres de l’Association canadienne des producteurs pétroliers ont-ils des activités dans les baies, c’est-à-dire dans la zone côtière? Dans quelles zones les membres de l’Association canadienne des producteurs pétroliers peuvent-ils mener leurs activités?
M. Barnes : L’industrie pétrolière et gazière est active strictement dans les zones où elle détient des permis d’exploration ou d’exploitation pétrolière et gazière. Je peux me tromper, mais je pense que techniquement, la zone extracôtière commence à 12 kilomètres du littoral et s’étend jusqu’à la limite du plateau continental du Canada. L’industrie pétrolière et gazière ne fait pas d’exploration et d’exploitation dans les baies. Nous pouvons être présents dans une baie, par exemple, dans la baie Placentia, mais c’est pour des activités de transbordement du pétrole et du gaz, qui sont en fait une extension de l’industrie pétrolière et gazière.
La sénatrice McCallum : Le parc éolien de Wolfe Island, sur le fleuve Saint-Laurent, compte 86 éoliennes. Dans ce cas, les avantages directs ne sont allés que d’un seul côté de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Les personnes les plus proches des parcs éoliens ont reçu des paiements, notamment les propriétaires fonciers et le canton de Frontenac Islands. Aujourd’hui, on voit que les Étatsuniens commencent à résister parce qu’ils ne tirent aucun avantage des éoliennes.
Dans ce projet de loi, les structures gouvernementales prendront-elles pleinement en considération les avantages et les coûts pour tous les acteurs? Le savez-vous, monsieur Sproul?
M. Sproul : Je vous remercie, sénatrice. À ce que je sache, le projet de loi ne contient aucune disposition prévoyant une indemnisation directe ou des avantages directs pour les collectivités voisines des parcs éoliens.
La sénatrice Galvez : L’un d’entre vous peut-il fournir au comité une carte où nous pourrions voir les zones à fort potentiel éolien, les zones actuelles où l’on a trouvé du pétrole et du gaz et où il existe un potentiel d’exploitation, ainsi que les zones où nous devons protéger l’océan en raison des stocks de poissons ou des baleines? Sans cette information, il est très difficile de se faire une idée de la complexité du problème. Par ailleurs, quel est l’objectif de ces projets? S’agit-il d’un levier économique pour la région ou de fournir l’énergie électrique dont la région a besoin?
Où en est l’évaluation régionale? Je pense que nous devrions d’abord procéder à l’évaluation régionale et ensuite discuter de ce dont il est question maintenant.
Le président : Monsieur Barnes, pouvez-vous nous fournir cette information?
M. Barnes : Certainement, pour ce qui est du secteur pétrolier et gazier, je peux certainement vous fournir des cartes des zones d’activité pétrolière et gazière, ainsi que des zones d’exploitation potentielle du pétrole et du gaz. Mais je vous renvoie au ministère des Pêches et des Océans, qui a entrepris ces dernières années un travail de superposition de la carte de l’industrie pétrolière et gazière à la carte de l’énergie éolienne potentielle et à la carte des espèces de l’industrie de la pêche, avec les endroits où elles sont pêchées, pour voir s’il existe une interaction ou un chevauchement entre les zones d’activité des trois industries.
Le président : Je pense que c’est une bonne idée. Si nous pouvions y donner suite et nous assurer que nous obtenons ces cartes, je suis sûr que nous serions tous ravis d’en prendre connaissance. C’est très important pour nous.
M. Sproul : Sénateur, je serais également heureux de vous fournir ces données au nom de l’industrie de la pêche, et j’encouragerais tous les membres du comité à examiner les observations écrites de la Nova Scotia Fisheries Alliance for Energy Engagement, qui indiquent les endroits susceptibles de poser problème en raison du chevauchement des zones d’activité.
La sénatrice Petten : J’ai une brève question à poser à M. Sproul. Je voulais vous poser la même question : avez-vous participé aux évaluations régionales en Nouvelle-Écosse?
M. Sproul : La Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association n’a pas participé directement. La plupart des associations de pêcheurs de Nouvelle-Écosse ont participé par l’entremise de la Nova Scotia Fisheries Alliance for Energy Engagement, dont elles sont membres. Nous avons été heureux de faire part de nos préoccupations directement au groupe d’évaluation régional.
Le président : Merci beaucoup à nos deux témoins d’être venus à notre réunion et d’avoir répondu à des questions importantes pour nous permettre de mieux comprendre ce qui se passe. Je vous remercie de votre présence.
En guise de deuxième panel, nous accueillons Thomas Arnason McNeil, coordinateur principal de l’énergie au Centre d’action écologique.
Thomas Arnason McNeil, coordinateur principal de l’énergie, Centre d’action écologique : Merci et bon après-midi à tous les membres du comité. Je m’appelle Thomas Arnason McNeil et je suis coordinateur principal de l’énergie au Centre d’action écologique d’Halifax, en Nouvelle-Écosse. Depuis plus de 50 ans, le Centre d’action écologique joue un rôle de premier plan dans les questions environnementales cruciales, de la protection de la biodiversité aux changements climatiques en passant par la justice environnementale. Mon équipe s’efforce de faire progresser les politiques qui faciliteront la décarbonation du réseau de production d’électricité et l’exploitation des énergies renouvelables. Avec nos collègues de notre programme marin, nous participons actuellement à l’évaluation régionale de l’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière en Nouvelle-Écosse.
Nous apprécions l’occasion qui nous est donnée de nous adresser au comité, non seulement pour appuyer de manière générale les modifications indispensables que le projet de loi C-49 apporte aux lois de mise en œuvre des accords, mais aussi pour demander aux décideurs politiques présents aujourd’hui de suggérer des modifications qui, selon nous, renforceront fondamentalement le cadre réglementaire régissant l’exploitation de l’énergie éolienne en mer dans la région de l’Atlantique.
J’espère que nous sommes tous d’accord — tant les membres du comité que les autres témoins qui ont participé aux réunions précédentes — pour dire que nous faisons face à une crise climatique, que la saison record des incendies de forêt de l’année dernière n’était pas le fruit de notre imagination, que le risque accru d’inondations, de tempêtes et d’événements météorologiques extrêmes constitue une menace sérieuse pour les populations côtières de la région de l’Atlantique, et que les importantes conséquences des changements climatiques hors de contrôle sur nos écosystèmes marins menacent fondamentalement les moyens de subsistance qui dépendent des océans.
J’espère que nous sommes tous d’accord pour dire que tout effort sérieux pour lutter contre cette crise exige une transition rapide vers les énergies renouvelables. Cette transition devrait être non seulement vue comme une nécessité, mais comme un filon économique. Selon une analyse par Ressources naturelles Canada, le potentiel de production d’énergie éolienne extracôtière dans la région de l’Atlantique pourrait atteindre 26 gigawatts.
Pour mémoire, ce chiffre est nettement supérieur à la demande maximale d’électricité en Ontario l’année dernière. L’exploitation de l’énergie éolienne pourrait générer jusqu’à 52 000 emplois directs par année pendant la construction et l’installation, puis des milliers d’autres pour l’exploitation et la maintenance.
Sénateurs, j’espère que nous comprenons tous ce qui est en jeu et que nous sommes tous conscients de la nécessité de partir du bon pied. Pour jeter les bases d’un nouveau secteur des énergies renouvelables extracôtières, il faut prêter attention aux détails. Ayant moi-même dû affronter l’opposition aux énergies renouvelables en Nouvelle-Écosse, j’invite le comité à renforcer ce projet de loi.
Ne laissez pas les arguments fallacieux s’insinuer dans le débat. Ne laissez pas planer l’incertitude sur le plan de la réglementation et veillez à combler les lacunes dans les politiques qui pourraient nuire à l’acceptabilité sociale de l’énergie éolienne.
Nous croyons que ces pièges sont faciles à éviter. Il ne faut pas accorder un discrétionnaire complet aux organismes de réglementation de l’énergie extracôtière quand vient le temps de mener des évaluations régionales et stratégiques. Dissipez toute ambiguïté en ce qui concerne les responsabilités des organismes de réglementation en ce qui a trait aux évaluations des projets dans les cas où une évaluation d’impact en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact n’est pas requise.
Nous vous recommandons de modifier le projet de loi C-49 afin d’exiger une évaluation stratégique, c’est-à-dire ce que nous appelons une évaluation environnementale stratégique. Veillez à ce que les résultats d’une telle évaluation soient suivis lorsqu’un appel d’offres est lancé. En outre, nous vous recommandons de modifier le projet de loi C-49 afin d’exiger que chaque projet d’énergie éolienne extracôtière fasse l’objet d’une évaluation d’impact environnemental menée par les organismes de réglementation lorsqu’une évaluation d’impact fédérale n’est pas requise.
Ces deux recommandations visent à donner des garanties réglementaires au public, aux intervenants, aux régulateurs et aux promoteurs de projets. Il est important que nous agissions rapidement pour faciliter l’exploitation des énergies renouvelables, mais les détails de ce projet de loi sont aussi importants.
Ces recommandations sont reprises dans une lettre commune envoyée au ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles le 5 juin, au nom de sept organisations environnementales. Elles sont incluses dans les documents que j’ai remis au comité.
J’aimerais réitérer notre appui au projet de loi C-49 dans son ensemble. En formulant ces recommandations, nous voulons avant tout le renforcer et assurer la longévité de l’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière dans la région de l’Atlantique. Nous appuyons fermement de nombreux aspects de ce projet de loi, notamment les dispositions qui permettront aux organismes de réglementation d’interdire l’énergie en mer, tant le pétrole et le gaz que les énergies renouvelables, dans les aires marines de conservation, ainsi que les dispositions qui permettent aux ministres provinciaux et fédéral de mettre fin conjointement à l’exploration ou l’exploitation pétrolière et gazière en cours dans les aires de conservation.
Je vous remercie de me donner cette occasion. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Arnason McNeil. Pour vous rassurer un peu, lorsque vous dressez votre liste d’énumérations de valeurs ou de points de référence, je pense que nous sommes largement sur la même longueur d’onde. Mes collègues seraient d’accord, je crois bien. Le problème n’est pas là. Le problème réside dans l’exécution ou l’interprétation. Commençons par les questions. Je cède la parole au sénateur Wells.
Le sénateur Wells : Je vous remercie, monsieur Arnason McNeil. Vous avez parlé de l’incertitude réglementaire. Pensez-vous que, dans le secteur des énergies renouvelables extracôtières, il est important de pouvoir compter sur des garanties réglementaires? Seriez-vous... Pardon?
M. Arnason McNeil : Je suis désolé. Avez-vous terminé votre question?
Le sénateur Wells : C’était le premier élément.
M. Arnason McNeil : Je pense que c’est certainement essentiel.
Le sénateur Wells : Êtes-vous d’accord pour que les ministres aient la possibilité de retirer le permis d’un projet d’énergie renouvelable en mer? Devraient-ils être obligés de justifier un tel retrait?
M. Arnason McNeil : Ce que je suis venu dire aujourd’hui, c’est que la cohérence est importante. Il ne devrait y avoir aucune raison de réaliser des projets d’énergie éolienne hors de la zone délimitée à la suite de l’évaluation régionale. Si l’on veut réaliser des projets hors de cette zone, il faudrait procéder à une autre évaluation régionale et nous devons nous assurer que nous réalisons des évaluations environnementales même si elles ne sont pas requises par la loi sur les études d’impact. Je pense que nous pouvons faire ce choix pour donner au public une garantie quant à ce processus. Il ne faudrait pas donner l’impression que ces projets ont en quelque sorte contourné les évaluations. À mon avis, c’est ce genre de choses qui minent la confiance du public à l’égard des énergies renouvelables en général.
Le sénateur Wells : Merci. Je pense que je comprends votre réponse.
Appliquons aux énergies non renouvelables le raisonnement concernant les énergies renouvelables. Seriez-vous favorable à l’incertitude réglementaire pour le secteur pétrolier et gazier en mer? Ou êtes-vous opposé au pétrole et au gaz, qu’ils soient renouvelables ou non?
M. Arnason McNeil : Je suis ici dans un but très précis. Je ne voudrais pas m’éloigner de ce que je définirais comme mon domaine d’expertise. Je ne suis pas un expert de l’exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers. Je suis ici pour renforcer, je l’espère, le cadre juridique de l’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière.
Le sénateur Wells : Merci.
La sénatrice Galvez : Je ne sais pas si vous avez entendu la réponse de M. Barnes à ma question, lorsque je lui ai demandé si ses membres allaient également appuyer des projets d’électricité éolienne, et il a répondu par l’affirmative. Que pensez-vous du fait que l’industrie pétrolière et gazière appuie des projets de parc éolien pour produire de l’électricité?
M. Arnason McNeil : Nous aurons besoin d’investissements massifs dans l’énergie éolienne extracôtière si nous voulons que des projets se réalisent dans ce domaine. Idéalement, j’aimerais que notre société s’éloigne de l’univers des grandes entreprises qui sont à l’origine de l’exploitation du pétrole et du gaz.
En revanche, des investissements sont nécessaires, alors c’est difficile à dire. Nous parlons d’une production colossale d’énergie éolienne. Des investissements sont nécessaires. Voudrais-je interdire purement et simplement à ces entreprises d’investir dans l’énergie éolienne? Je vais me risquer à dire que ce n’est pas nécessairement ce que nous devrions faire. Je pense que tout investissement dans les énergies renouvelables est fondamentalement constructif et correspond à la direction que nous devons prendre en tant que société. Je suis heureux d’apprendre que l’Association canadienne des producteurs pétroliers ne s’oppose pas catégoriquement à l’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière.
S’ils veulent investir dans ce qui sera, faut-il le répéter, un véritable filon économique pour la région de l’Atlantique, je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose.
La sénatrice Galvez : D’accord.
La sénatrice Petten : Je vous remercie de votre présence. Je vous cite ce que nous a dit Mme Bonnell-Eisnor, de l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, qui est venue témoigner devant nous la semaine dernière :
[...] j’ai cru comprendre que les projets ne seront pas plus petits. Il n’est pas économique d’installer moins de 10 éoliennes. En fait, les projets pourraient même être beaucoup plus importants. Il existe une disposition dans la Loi sur l’évaluation d’impact exigeant qu’une liste soit dressée pour les projets d’au moins 10 éoliennes; cependant, d’autres options sont offertes.
Le ministre [...] d’Environnement et Changement climatique Canada pourrait aussi imposer des évaluations d’impact pour les projets de moins de 10 éoliennes. De plus, n’importe qui peut demander au ministre d’imposer la tenue d’une évaluation d’impact complète pour les projets de moins de 10 éoliennes, si ceux-ci n’apparaissent pas sur la liste des projets.
Même s’il est déterminé qu’une évaluation d’impact complète n’est pas nécessaire, nous n’autoriserons pas un projet sans une évaluation environnementale très rigoureuse. L’exploitant doit prouver qu’il a fait preuve de diligence raisonnable et qu’il répond à toutes les exigences d’une évaluation environnementale.
Cela répond-il à votre préoccupation concernant les cas où aucune évaluation n’est requise en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact?
M. Arnason McNeil : Je pense que vous avez mis le doigt sur quelque chose d’important, et ma réplique serait la suivante : pourquoi ne pas exiger une évaluation environnementale lorsque la Loi sur l’évaluation d’impact ne l’exige pas? Nous affirmons que nous les ferons de toute façon, alors pourquoi ne pas l’inscrire dans le cadre réglementaire?
La Loi sur l’évaluation d’impact me satisfait dans sa formulation actuelle, mais nous savons tous que les réglementations et la législation peuvent changer au fil du temps. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour exiger que nous procédions à des évaluations environnementales même dans les cas où il s’agit de projets de moins de 10 turbines. Si cette règle change, pourquoi ne pas l’exiger dans ce texte législatif? Voilà ce que je répondrais.
La sénatrice Petten : Pensez-vous qu’il serait important d’adopter le projet de loi sans tarder?
M. Arnason McNeil : Certainement. Je ne pense pas que les recommandations que nous formulons doivent être interprétées comme un désir de retarder l’adoption du projet de loi. J’aimerais vraiment qu’il soit adopté le plus rapidement possible, mais je pense que ce que nous disons, c’est qu’il faut faire les choses correctement. Partons du bon pied.
Comme je l’ai dit, il est question d’un potentiel immense de production d’énergie éolienne dans la région de l’Atlantique, alors mettons les points sur les « i » et assurons-nous que le cadre régissant l’exploitation de cette énergie est détaillé et ne contient pas des échappatoires.
La sénatrice Galvez : Nous entendons beaucoup parler dans les médias des changements en cours dans l’océan Atlantique, en particulier dans la partie canadienne de l’océan. Pouvez-vous nous en dire plus sur la nature de ces changements et sur les raisons pour lesquelles cette zone est si vulnérable? Pourquoi est-elle plus sensible à toutes les crises, comme celles de la biodiversité, de l’acidification des océans et des changements climatiques?
M. Arnason McNeil : Avant toute chose, je tiens à préciser que je ne suis pas un expert. Au centre d’action écologique, nous avons des experts des conséquences des changements climatiques sur les écosystèmes marins.
Avant toute chose, je vous renvoie à notre mémoire qui aborde ces conséquences de manière assez détaillée. Je crois comprendre — et je ne suis pas un expert en conservation marine — que les changements et les conséquences que nous observons en termes de changements climatiques dans la région de l’Atlantique du Canada menacent à long terme les moyens de subsistance qui dépendent des océans, qu’il s’agisse des changements migratoires qui déterminent à quels endroits les poissons se rassemblent ou à quels endroits les homards se rassemblent pour la reproduction.
Tout expert en conservation marine vous dira que les changements climatiques constituent une menace sérieuse pour nos pêcheries. En fin de compte, tenter d’atténuer les changements climatiques, ne pas jeter l’éponge, mais plutôt regarder la capacité de production dont nous disposons dans la région de l’Atlantique pour l’éolien extracôtier, c’est de la plus haute importance. Mais je vous renvoie également au mémoire que nous vous avons remis.
Le sénateur Arnot : Monsieur McNeil, vous avez parlé de l’important potentiel de production d’énergie renouvelable dont le projet de loi C-49 vise à favoriser l’exploitation. Ce serait jusqu’à 26 gigawatts. J’aimerais avoir votre avis sur l’échéancier qu’il serait réaliste d’envisager. Nous avons besoin de beaucoup d’investissements. Nous avons besoin de beaucoup de main-d’œuvre. Nous avons également besoin d’autorisations. Dans ces conditions, quels sont, à votre avis, les délais réalistes? Mais surtout, dans une optique réaliste, quelle contribution pourraient apporter ces projets à la transition énergétique dans la région de l’Atlantique?
M. Arnason McNeil : Je vous remercie pour cette question. J’ai rencontré des promoteurs de projets qui tentent de réaliser des projets de parc éolien extracôtier à grande échelle d’ici environ 2030 afin de contribuer à la décarbonation du réseau de production d’électricité de la Nouvelle-Écosse.
Les échéances semblent toujours très lointaines, n’est-ce pas, lorsqu’on parle des années 2030, mais 2030, c’est dans moins de six ans.
Le sénateur Arnot : C’est demain.
M. Arnason McNeil : C’est tout à fait exact. Je pense que la demande de main-d’œuvre va commencer à être très importante. Nous connaissons déjà des pénuries de main-d’œuvre en Nouvelle-Écosse, mais je pense qu’un horizon de 2030 n’est pas irréaliste. Nous verrons cette industrie décoller dans les années 2030, 2035 ou 2040.
Je tiens à réaffirmer qu’il existe un immense potentiel économique à long terme dans la région de l’Atlantique. Les investissements dans l’énergie éolienne extracôtière sont des investissements dans l’avenir économique des provinces de l’Atlantique, que ce soit en 2030, 2035 ou 2040.
Le sénateur Arnot : Merci beaucoup.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie pour votre présentation. Je voudrais passer en revue certaines répercussions néfastes que pourrait avoir l’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière.
Bien sûr, nous devons nous pencher sur la question de l’énergie, mais si nous allons trop vite et qu’il y a plus de répercussions néfastes que d’avantages, nous devons le savoir pour pouvoir prendre des décisions responsables.
Parmi les répercussions néfastes se trouve l’augmentation du bruit dans l’océan, ce qui a un effet sur les poissons, les baleines et d’autres espèces. La production de champs électromagnétiques complique la navigation, la détection des prédateurs, la communication et la recherche de partenaires pour les poissons et pour d’autres espèces. Des modifications des habitats et de l’hydrodynamisme créent un effet de récif, et la vie marine se regroupe autour des surfaces dures que leur offrent les éoliennes. Des répercussions se font sentir sur les étapes du cycle de vie des espèces océaniques, telles que le frai ou la dispersion des larves. La distribution et les taux de survie des espèces marines sont modifiés. Le trafic maritime augmente. Des contaminants sont rejetés et peuvent être consommés ou absorbés par les espèces marines.
J’ai regardé la carte, et c’est autour de Terre-Neuve, où se fait déjà l’exploitation pétrolière extracôtière. C’est une zone très étendue, et maintenant on va y ajouter toutes ces éoliennes. Quel effet pensez-vous que cela aura sur les poissons ou les autres espèces? En fin de compte, comme le disent les Premières Nations en parlant du pays du pétrole et du gaz, elles se sont fait priver de leur capacité à vivre de la terre. Maintenant que le pétrole et le gaz ont disparu, les gens partent. Que leur restera-t-il pour les générations à venir?
Ma question est la suivante : quels seront, selon vous, les effets de la production d’énergie provenant de deux sources qui est proposée?
M. Arnason McNeil : Je vous remercie pour votre question. Je dois bien sûr commencer ma réponse en disant que je ne suis pas moi-même un expert en conservation marine. Si je suis ici aujourd’hui, c’est vraiment pour demander une approche plus rigoureuse en ce qui concerne les évaluations environnementales et les évaluations stratégiques ou régionales concernant l’exploitation d’éoliennes extracôtières.
Ce que nous essayons de dire, et ce que les organismes East Coast Environmental Law, Ecojustice et West Coast Environmental Law ont dit en signant cette lettre que nous avons soumise au comité, c’est qu’il faut tâcher d’être rigoureux en ce qui a trait aux évaluations environnementales et régionales. Il ne faut pas créer d’échappatoires dans ce processus.
Je pense que la coexistence est possible entre la pêche et l’exploitation des énergies renouvelables. Ne les plaçons pas l’une à côté de l’autre, n’est-ce pas? Gardons une certaine distance. Créons la séparation entre ces deux industries qui sera nécessaire pour créer un climat de confiance, à la fois au sein des communautés autochtones et des autres parties prenantes du secteur de la pêche. Je pense que la coexistence entre ces deux industries est possible.
Comme d’autres, je constate que nous ne sommes pas les premiers. Nous ne serons pas les premiers à exploiter l’énergie éolienne extracôtière dans le monde. D’une certaine manière, nous n’aurons pas à sortir des sentiers battus. Nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait dans d’autres pays du monde et emprunter les pratiques exemplaires afin de créer un bon cadre juridique pour l’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière. Faisons en sorte, par exemple, qu’il ne soit pas possible de réaliser ces projets sans évaluation environnementale.
Comme je ne suis pas un expert en conservation marine, je ne peux pas entrer dans les détails, mais je vous renvoie encore une fois à notre mémoire. Je vous invite à communiquer avec le Centre d’action écologique pour poser vos questions à ses membres. Ce sont des experts de la conservation marine. Nous continuons à collaborer avec le comité d’évaluation régionale en Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci beaucoup, monsieur McNeil. Nous apprécions votre présence parmi nous cet après-midi. Nous vous remercions de participer à nos travaux et de nous faire bénéficier de vos connaissances. Nous l’apprécions beaucoup.
Je tiens simplement à signaler aux membres du comité que nous nous réunissons demain soir à 18 h 30. Nous espérons que le Sénat nous autorisera à nous réunir et nous nous attendons à ce que ce soit le cas. Ce sera la dernière réunion de notre comité sur ce sujet jusqu’à notre retour en septembre. Je vous remercie et je vous souhaite une bonne soirée.
(La séance est levée.)