LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 18 juin 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir à tous. Je m’appelle Paul J. Massicotte, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes sur les tables pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.
Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes, qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
Dans la mesure du possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones.
N’utilisez qu’une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.
Merci à tous de votre coopération.
Je demanderais à mes collègues du comité de se présenter, en commençant par ma droite.
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Petten : Iris Petten, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
[Français]
Le président : Aujourd’hui, le comité poursuit son examen du projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons, à titre personnel, M. Bill Montevecchi, professeur de sciences océaniques, Université Memorial de Terre-Neuve; de Seafood Producers Association of Nova Scotia, M. Ian McIsaac, président, qui est avec nous par vidéoconférence; de Marine Renewables Canada, Mme Elisa Obermann, directrice générale.
Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation.
Cinq minutes sont réservées pour vos allocutions d’ouverture. La parole est à vous, monsieur Montevecchi, et vous serez suivi par M. McIsaac et Mme Obermann.
[Traduction]
Bill Montevecchi, professeur sciences océaniques, Université Memorial de Terre-Neuve, à titre personnel : Merci, monsieur le président, de me donner l’occasion de comparaître, et merci sénateur Wells de l’invitation.
J’ai présenté mes notes d’allocution. Je ne suis pas certain que mon intervention durera cinq minutes. Je vais les lire pour le comité et, s’il y a des questions, nous pourrons en discuter par la suite.
J’étudie les oiseaux de mer depuis longtemps, à l’Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador. Je vais présenter une vue d’ensemble de mes travaux au comité.
L’océan à l’est du Canada est un lieu de prédilection pour les oiseaux de mer. Quarante à cinquante millions d’oiseaux marins occupent la région au cours d’une année.
Le développement de parcs éoliens en mer entraînera de nouveaux risques. Les risques écologiques liés à l’exploitation d’une ressource sont déterminés en grande partie par son emplacement et sa taille. Il s’agit de décisions initiales qui peuvent l’emporter sur les considérations relatives à l’atténuation des risques après la construction.
Ces facteurs peuvent déterminer le risque de collision avec les turbines pour les oiseaux, mais aussi avoir une incidence sur les déplacements et les mouvements des oiseaux depuis leurs habitats marins et de leurs lieux de prédilection. Les oiseaux marins de l’Est du Canada sont exposés à de nombreux risques, notamment la pollution par les hydrocarbures et le plastique, les prises accidentelles dans les engins de pêche, la surpêche, la chasse et les influences omniprésentes des influenzas aviaires et du changement climatique.
Si de nombreux oiseaux de mer — y compris des espèces en péril — sont vulnérables au développement de l’énergie éolienne, je me concentre ce soir sur une seule espèce qui pourrait être très vulnérable à l’exploitation extracôtière. J’ai travaillé sur ce sujet pendant des jours pour m’assurer d’avoir tout bon, et je n’ai pas tout bon. Mais je tiens à souligner qu’il existe de nombreuses espèces vulnérables et qu’il y a une autre espèce dont nous pourrions discuter qui est également très vulnérable. J’ai beaucoup d’expérience avec le fou de Bassan, et c’est donc lui qui a retenu mon attention.
Le fou de Bassan est le plus grand oiseau marin qui se reproduit dans l’Atlantique Nord. Il est fortement associé et il est vulnérable aux éoliennes. Toutes les colonies de fous de Bassan d’Amérique du Nord se trouvent dans l’Est du Canada. Trois se trouvent dans le golfe du Saint-Laurent et trois au large de la côte Est de Terre-Neuve. Il y a une petite carte ici, qui peut être agrandie, mais vous pouvez voir où se trouvent ces colonies.
La population canadienne stagne. Son succès de reproduction est médiocre depuis plus d’une décennie. Il y a plus de 10 ans, en 2010, les fous de Bassan ont été fortement touchés par l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, où de nombreux fous de Bassan qui se reproduisent au Canada passent la saison de non-reproduction.
En 2022, les fous de Bassan ont été dévastés par une grippe aviaire hautement pathogène, le virus IAHP H5N1 de l’influenza aviaire, qui est très contagieux. Plus de 26 000 adultes nicheurs ont succombé au Québec et à Terre-Neuve. Cela représente plus de 10 % de la population nord-américaine.
J’ai envoyé d’autres documents, car je m’intéresse depuis longtemps à ce sujet d’étude. Mes étudiants et moi-même sommes attentifs aux évaluations environnementales, et j’ai été très préoccupé par les risques pour les oiseaux de mer lorsque les évaluations sont passées de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, ou ACEE, à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, ou AEIC.
Dans le cadre du Programme d’aide financière aux participants, mes étudiants et moi-même avons soumis nos observations sur l’évaluation par l’Agence d’évaluation d’impact des forages de prospection extracôtière, une analyse de l’outil de décision du système d’information géographique qu’elle a mis au point et une étude récente des accords et des mandats relatifs aux projets extracôtiers d’exploitation de l’énergie éolienne à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse.
J’ai fait parvenir ces rapports à chacun d’entre vous, pour que vous puissiez y jeter un coup d’œil si vous avez le temps. Je pense avoir communiqué suffisamment d’informations, à moins que quelqu’un veuille en savoir davantage immédiatement.
Le président : Nous nous adresserons à vous plus tard pour vous poser des questions.
Elisa Obermann, directrice générale, Marine Renewables Canada : Bonsoir et merci beaucoup de m’avoir invité à la réunion d’aujourd’hui. Je suis très reconnaissante d’être invitée à donner mon avis sur l’importance du projet de loi C-49 pour le secteur de l’énergie éolienne en mer et les membres que je représente.
Mon nom est Elisa Obermann. Je suis la directrice générale de l’organisme Marine Renewables Canada, qui est l’association industrielle nationale pour les secteurs de l’énergie éolienne en mer, de l’énergie marémotrice, de l’énergie houlomotrice et de l’énergie générée par les courants fluviaux.
Nous représentons 180 membres, et nombre d’entre eux s’emploient à la réalisation de projets d’exploitation de l’éolien extracôtier au Canada, y compris des entreprises qui développent déjà des projets éoliens extracôtiers à l’étranger, ainsi que de nombreux fournisseurs ayant des décennies d’expérience dans les industries océaniques du Canada.
Marine Renewables Canada appuie pleinement le projet de loi C-49 et demande instamment au comité de voir à son adoption rapide. Le développement des ressources éoliennes extracôtières du Canada atlantique est une possibilité que nous ne pouvons pas laisser passer. C’est l’occasion de produire de l’électricité propre qui peut aider à décarboniser notre réseau et jouer un rôle majeur dans la production d’hydrogène vert destiné à l’usage local et à l’exportation. Il recèle également un potentiel énorme pour la création d’emplois locaux, la croissance de l’économie et l’établissement d’une industrie qui aura des retombées positives pour les générations à venir.
À l’échelle mondiale, le marché de l’éolien en mer connaît une croissance rapide; on prévoit l’ajout de plus de 380 gigawatts de nouvelles capacités éoliennes extracôtières au cours de la prochaine décennie. Selon les estimations, cette croissance représente un marché de 1 billion de dollars d’ici 2040.
L’expérience des pays qui ont été actifs dans le domaine de l’éolien extracôtier montre bien l’importance de faire progresser le secteur. Par exemple, des études sur l’industrie éolienne extracôtière du Royaume-Uni montrent que, pour chaque gigawatt, 1 500 emplois sont créés pendant la seule phase de construction.
Plus près de chez nous, selon une étude récente menée par le Conseil économique des provinces de l’Atlantique, au cours des premières étapes du développement de l’énergie éolienne en mer dans le Canada atlantique — c’est-à-dire au cours des six prochaines années — la valeur totale de la construction pourrait s’élever à environ 7 milliards de dollars, une grande partie du travail étant assurée par des fournisseurs locaux.
Mais je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas seulement d’emplois. Nous savons également que pour que cette industrie réussisse, elle doit être développée de manière responsable, avec la rigueur scientifique requise pour préserver l’intégrité des écosystèmes marins et dans le respect des droits inhérents, légaux et issus de traités des communautés autochtones. Ce même respect doit s’étendre aux populations locales et aux autres utilisateurs de l’océan.
Marine Renewables Canada et ses membres sont profondément attachés à ces principes et croient en un engagement précoce et proactif. C’est pourquoi, avant même que les gouvernements fédéral et provinciaux n’annoncent publiquement leur intention de modifier les lois de mise en œuvre des accords en avril 2022, nous nous sommes efforcés de favoriser un dialogue en amont avec les pêcheries, les collectivités, les fournisseurs, les organismes environnementaux et les groupes autochtones afin de comprendre leurs préoccupations, de partager des informations sur l’énergie éolienne en mer et de trouver des domaines de coopération et de collaboration.
Nous n’en sommes qu’au début de l’établissement d’une industrie éolienne extracôtière au Canada. Les modifications apportées aux lois de mise en œuvre des accords constituent une première étape importante, qui jette les bases d’un travail beaucoup plus approfondi en vue de construire une industrie responsable, durable et inclusive.
D’autres étapes suivront. Des règlements et des politiques doivent être élaborés. L’engagement concernant des projets particuliers et le secteur dans son ensemble devra être permanent. L’élaboration de bonnes pratiques en matière d’atténuation et de coexistence est essentielle. Cependant, sans cette voie réglementaire initiale et sans la certitude offerte par les lois des accords, le Canada risque de manquer l’occasion d’établir un secteur de l’éolien extracôtier.
Les retards dans l’adoption de la loi ont des répercussions sur des initiatives parallèles. Pensons notamment à l’objectif de la Nouvelle-Écosse de commencer à louer des éoliennes en mer en 2025. Le temps presse. Un cadre réglementaire est essentiel pour donner certitude et confiance aux investisseurs. Ceux-ci se tourneront vers les pays qui disposent d’un cadre réglementaire clair. Le Canada est déjà en concurrence avec de nombreux autres pays qui sont dotés de cadres réglementaires matures pour l’éolien extracôtier. Les 18 pays qui produisent actuellement de l’énergie éolienne en mer devraient être rejoints par 17 autres d’ici 2030. Nous devons faire en sorte que le Canada soit l’un d’entre eux.
De la phase de planification à la mise en service d’un projet d’énergie éolienne extracôtier, il peut s’écouler 7 à 10 ans. Les retards dans la mise en place d’un cadre réglementaire retarderont encore ce délai.
Si le Canada veut vraiment lutter contre le changement climatique et soutenir et développer l’économie locale, nous devons unir nos efforts pour faire avancer rapidement les modifications aux lois sur les accords. Marine Renewables Canada et ses membres se sont engagés à travailler avec toutes les entités pour y parvenir. C’est pourquoi je suis vraiment reconnaissante d’avoir l’occasion de témoigner aujourd’hui. Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Ian McIsaac, président, Seafood Producers Association of Nova Scotia : Merci, monsieur le président. Bonsoir et merci de m’avoir invité à témoigner devant le comité.
Depuis plus de 80 ans, la Seafood Producers Association of Nova Scotia, ou SPANS, représente les entreprises néo-écossaises de produits de la mer, avec une attention particulière pour la pêche hauturière.
Nous soutenons la Nova Scotia Fisheries Alliance for Energy Engagement et nous appuyons ses propositions, notamment en ce qui concerne l’importance de l’évaluation d’impact régional. Mais pour les besoins du comité, j’aimerais attirer l’attention de ses membres sur deux erreurs limitées, mais importantes, du projet de loi C-49 qui n’ont pas été abordées jusqu’à présent.
Si vous adoptez le projet de loi C-49 dans sa forme actuelle, vous donnerez, par omission, le feu vert au développement d’énergies renouvelables à l’échelle industrielle sur le banc de Georges et à l’île de Sable, ce qui est contraire à des décennies de politique législative. Ces erreurs sont décrites plus en détail dans mon mémoire, mais je vais vous résumer les problèmes aujourd’hui.
Je commencerai par le banc de Georges. Le banc de Georges est une zone de pêche très riche de l’Atlantique Nord, située à environ 100 milles de la côte Sud de la Nouvelle-Écosse. Il est prolifique en partie en raison de ses caractéristiques océanographiques qui favorisent l’abondance du phytoplancton et distribuent les larves des espèces de poissons commerciales. En conséquence, il contribue de manière importante à l’économie de nombreuses communautés de pêcheurs le long de la côte Sud de la Nouvelle-Écosse et, plus récemment, il soutient aussi de nombreuses Premières Nations de la province.
L’article 140 de la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers protège le banc de Georges de l’exploitation pétrolière. On l’appelle couramment moratoire sur le banc Georges. L’article 140 fait partie de la loi depuis son entrée en vigueur en 1988. Le banc de Georges jouit d’une protection spéciale en partie à cause des préoccupations concernant les caractéristiques naturelles du banc et la façon dont celles-ci pourraient amplifier les impacts d’un déversement ou d’une éruption.
L’article 140 a été modifié pour la dernière fois en 2015 par la Loi sur la protection du banc de George, mais l’objectif de cet article a toujours été de protéger le banc de Georges contre l’exploitation.
Et voilà que le projet de loi C-49, par omission, modifie sans préavis 40 ans de politique législative à l’égard du banc de Georges. Le projet de loi peut sembler neutre à première vue, mais il apporte par omission l’un des plus grands changements législatifs touchant les pêcheries depuis des décennies en permettant l’exploitation du banc de Georges.
Le banc a fait l’objet d’études approfondies au fil des ans et nous avons une bonne compréhension de la relation entre l’océanographie, l’écosystème et la pêche commerciale. Pourtant, avant de procéder à ce changement législatif majeur, le gouvernement n’a entrepris aucune étude particulière permettant d’enrichir cette base de connaissances ou de justifier ce changement de politique majeur.
Peut-être pense-t-il que l’exploitation à l’échelle industrielle des énergies renouvelables n’affectera pas l’océanographie et l’écosystème du banc de Georges, mais si c’est le cas, on pourrait penser qu’il le divulguerait au Parlement. Pourquoi, dans le cadre de la mise à jour du rôle des régulateurs, prévoient-ils de saper le moratoire prévu à l’article 140? Si rien ne justifie ce changement, comme cela semble être le cas, la Seafood Producers Association of Nova Scotia vous demande instamment d’honorer la promesse de l’article 140 et de maintenir les limites imposées aux régulateurs.
Le même problème se pose pour l’île de Sable, qui jouit d’une protection spéciale en vertu de l’article 140.1 de la loi, mais le projet de loi C-49 n’actualise pas non plus cette disposition pour y inclure les énergies renouvelables en mer.
La protection spéciale de l’île de Sable est nécessaire en partie à cause de l’article 4 de la loi sur la mise en œuvre des accords, qui donne la priorité à la loi sur d’autres textes législatifs, y compris la Loi sur les parcs nationaux du Canada, qui établit la réserve de parc national de l’Île-de-Sable. Sans cette mise à jour, vous ouvrirez non seulement l’île de Sable, mais aussi la zone tampon d’un mille marin autour de l’île de Sable — qui ne fait pas partie de la Loi sur les parcs nationaux du Canada — à l’exploitation par l’organisme de réglementation.
Enfin, il convient de souligner que l’exploitation du banc de Georges ou de l’île de Sable n’est pas nécessaire à l’atteinte des objectifs de la Nouvelle-Écosse en matière d’énergie renouvelable. Dans son rapport provisoire, le comité chargé de l’évaluation régionale du développement de l’énergie éolienne extracôtière en Nouvelle-Écosse a déterminé ce qui est amplement nécessaire pour atteindre ces objectifs sans toucher au banc de Georges ou à l’île de Sable.
Sénateurs, la crise climatique est réelle, et nous comprenons l’urgence pour les gouvernements provinciaux et fédéral d’atteindre leurs objectifs en matière d’énergie renouvelable. Mais ces objectifs, bien que pressants, ne justifient pas l’adoption hâtive d’une loi qui supprime la protection de longue date du banc de Georges et de l’île de Sable.
Nous vous demandons instamment de corriger ces erreurs et nous aiderons volontiers le comité à le faire. Merci de votre attention.
Le président : Merci beaucoup. Nous passons aux questions.
Le sénateur Manning : Je remercie tous les témoins. Ma première question s’adresse à M. Montevecchi.
Vous avez parlé des emplacements à risque et de la taille des éoliennes. Je connais votre travail. J’habite à côté de Cape St. Mary’s. Vos années de travail ont été bénéfiques pour cette région.
Avez-vous eu l’occasion d’étudier d’autres projets d’éoliennes dans d’autres régions et leurs effets sur la population d’oiseaux? Je vous invite à répondre à cette question en premier.
Vous avez parlé des accords d’exploitation d’énergie éolienne à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse. Ces accords prévoient-ils une protection de la population d’oiseaux? Existe-t-il des moyens de protéger les oiseaux dans le cadre de ces accords? Je m’intéresse davantage aux autres projets d’énergie éolienne et, si vous en avez vu, aux endroits où les populations d’oiseaux sont touchées de manière négative.
M. Montevecchi : La réponse à votre question est oui. La plupart des travaux de recherche proviennent de l’Europe. Le Journal of Science a publié une étude récemment. La taille du projet d’exploitation et l’emplacement sont des facteurs; en l’occurrence, des plongeons et des sauvagines ont été déplacés des eaux allemandes vers la mer du Nord.
Oui, il y a eu des déplacements considérables d’oiseaux. C’est dû à la taille, et les tailles augmentent. Il ne semble pas y avoir de réglementation particulièrement stricte en la matière. Nous parlons de l’Allemagne en l’occurrence, mais je ne vois pas de réglementation stricte.
Ce qui me préoccupe particulièrement, c’est d’abord l’emplacement. Il s’agit d’un élément crucial qui ne semble pas faire l’objet d’une grande attention. Lorsque nous parlons de ce sujet, il est presque toujours question d’atténuation et de collisions avec les turbines — qu’il est très important d’atténuer —, mais si on installe les turbines au mauvais endroit, les mesures d’atténuation ne seront pas très efficaces. Si on les place au bon endroit, le problème sera moindre.
Selon moi, on ne consacre pas suffisamment de temps en amont à la question. Je ne sais pas si cela vous suffit. Oui, il existe des données probantes provenant de l’Europe, qui montrent l’importance de l’emplacement et de la taille. C’est d’une importance cruciale et il s’agit de décisions qui peuvent être prises avant le commencement des travaux.
Le sénateur Manning : Ma prochaine question s’adresse à M. McIsaac. En ce qui concerne l’île de Sable et le banc de Georges, j’ai bien entendu ce que vous aviez à dire, mais il y a une zone tampon autour de l’île de Sable, et le banc de Georges se trouve à 100 milles au large. Votre organisation envisage-t-elle des éoliennes à 100 milles de la côte ?
En ce qui concerne l’île de Sable, la zone tampon la protège actuellement de toute exploitation. Serait-elle toujours en place en cas d’installations d’éoliennes?
M. McIsaac : Je vous remercie de votre question. Assurément, le Comité d’évaluation régional propose des zones situées à plus de 100 milles du rivage. D’autres témoins seraient peut-être mieux placés pour donner une réponse détaillée à cette question, mais, en ce qui concerne l’île de Sable et la limite d’un mille marin, c’est très important. Je tiens à préciser que la zone tampon d’un mille marin autour de l’île n’est pas incluse dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Elle ne fait pas partie du parc national. Il s’agit d’un ajout spécial dans les lois de mise en œuvre des accords. Elle ne figure nulle part ailleurs que dans ces lois.
Elle ne s’applique actuellement qu’aux forages pétroliers. Il existe d’autres autorisations pour les intérêts pétroliers historiques sur l’île de Sable, mais elles sont limitées aux projets à faible impact, et cela a été fait par une loi modificative adoptée en 2013.
Pour répondre directement à votre question, rien n’interdirait le développement des énergies renouvelables en mer dans cette zone tampon, à moins que vous ne corrigiez cette omission. Je ne suis pas certain que les pouvoirs réglementaires prévus par la loi puissent remédier à cette lacune. Comme je l’ai dit précédemment, il ne s’agit pas d’une zone conservée. La zone ne fait pas partie du parc à l’heure actuelle.
Le sénateur Arnot : Ma question s’adresse au professeur Montevecchi. Est-il possible de trouver un moyen pour à la fois protéger la population d’oiseaux de mer et soutenir le développement du secteur éolien extracôtier? Vous avez parlé de l’emplacement et de la taille comme facteurs. Est-il possible d’avoir des réglementations qui permettraient d’atteindre un juste équilibre et de protéger la population d’oiseaux?
M. Montevecchi : Bien sûr, sénateur, c’est ce que l’on espère, et il y aurait des moyens de minimiser les effets nuisibles. La chose la plus productive que nous puissions faire est de commencer par réfléchir à l’endroit où les éoliennes seraient installées et à leur taille, car c’est essentiel.
Il existe des exemples évidents de projets terrestres qui sont trop grands et au mauvais endroit, et ils sont évidents, mais d’une manière ou d’une autre, ils sont tout de même approuvés.
Nous ne voulons pas en arriver là et — oui, je le veux. Personne ne s’oppose à l’énergie éolienne.
J’ai lu à plusieurs reprises une étude qui provient de Norvège. Ils ont essayé de faire une analyse de sensibilité sur l’endroit où les effets d’un parc éolien seraient les plus grands, et la conclusion est simple : plus le site est proche de la côte, plus les effets potentiels sont importants, et ce, parce que les oiseaux circulent près de la côte. Ce n’est pas beaucoup d’informations, mais c’est un début. Je pense donc que c’est vrai.
J’ajoute que nous savons très bien où se trouvent les points chauds au large des côtes, sur la bordure du plateau des Grands Bancs, où il y a beaucoup de remontée d’eau. Il s’agit de points chauds bien définis. On pourrait les indiquer. Le Service canadien de la faune et Environnement Canada les connaissent bien.
Le sénateur Arnot : Merci.
J’invite maintenant Mme Obermann et M. McIsaac à nous dire ce qu’ils savent sur les stratégies à mettre en œuvre dans le cadre du projet de loi C-49 pour trouver un équilibre entre le développement du secteur éolien extracôtier et la nécessité de préserver la biodiversité marine et de protéger l’industrie des produits de la mer.
Mme Obermann : Je peux répondre à cette question. L’une des choses importantes concernant le projet de loi C-49 — et j’y ai fait allusion dans mon intervention — est qu’il ne s’agit pas du seul projet de loi. Il n’y aura pas qu’un seul règlement. Tous les projets d’éoliennes en mer qui seront mis en œuvre seront également soumis à d’autres lois environnementales, par exemple la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur les pêches. Nous connaissons maintenant la situation et nous en discutons avec les organismes de réglementation concernés.
Il existe déjà des mécanismes pour répondre au problème, mais, en grande partie, c’est à l’industrie qu’il incombera d’élaborer des plans de gestion environnementale, des plans de sécurité et des mesures pour protéger l’environnement.
Les mécanismes existent, mais, encore une fois, le projet de loi est très important parce qu’il s’agit d’une première étape à partir de laquelle nous commencerons à parler de ce à quoi cela ressemblera, des pratiques exemplaires et des orientations.
Le sénateur Wells : Je remercie les témoins. Madame Obermann, quelles objections avez-vous reçues — votre organisation, Marine Renewables Canada — de la part des pêcheurs ou d’autres personnes qui travaillent en mer ou près du littoral dans le contexte du développement de parcs éoliens?
Mme Obermann : En fait, je dirais que nous n’avons pas eu de réactions négatives jusqu’à présent. Nous savons qu’il y a des inquiétudes, et elles sont tout à fait légitimes, puisque nous envisageons d’utiliser un espace que d’autres utilisateurs de l’océan utilisent depuis des décennies.
Nous avons adopté une approche d’engagement très précoce avec les groupes dont nous savons qu’ils pourraient être affectés par l’exploitation. Comme je l’ai mentionné, avant même que les lois de mise en œuvre des accords ne soient présentées en 2022 — ou annoncées —, nous avions déjà entamé des discussions avec un grand nombre des groupes concernés, et nous nous réunissons fréquemment avec diverses organisations de pêcheurs. Nous avons organisé, par exemple, des ateliers éducatifs « Éolien extracôtier 101 », afin d’entamer un dialogue précoce.
Nous sommes conscients qu’il y aura probablement des préoccupations — voire une opposition — à l’avenir, et nous le comprenons.
Notre principal objectif est d’engager un dialogue, de comprendre ces préoccupations et de travailler avec nos membres pour trouver une solution en collaborant avec d’autres secteurs.
Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre réponse.
M. Montevecchi, je suppose que tout projet de parcs éoliens à Terre-Neuve se ferait sur la côte Sud? Il n’y a pas de glace. Il y a moins d’obstacles pour l’infrastructure physique des turbines. La côte Sud est-elle particulièrement vulnérable en ce qui concerne les populations d’oiseaux de mer?
M. Montevecchi : C’est une question très intéressante. Il est certain que la côte Nord-Est et la côte Est sont les points chauds pour les colonies. Il y a beaucoup d’oiseaux sur la côte Sud, et cela dépend certainement de l’endroit.
Je ne veux pas généraliser, mais je dirais que c’est une question très pertinente, car la plupart des oiseaux nicheurs se trouvent sur la côte Nord-Est et la côte Est de Terre-Neuve.
Il y a souvent des oiseaux, et en particulier des fous de Bassan, venant des Îles de la Madeleine et parfois de l’Ouest, sur la côte Sud.
Si je devais faire une supposition — et je déteste faire cela —, mais oui, ce sera différent, c’est certain. Je pense que ce sera différent.
Le sénateur Wells : Quand je pense à une éolienne, je me dis qu’elle pourrait s’élever à 80 ou à 120 mètres. Je n’en suis pas sûr, mais cela semble être le cas. Est-ce que c’est essentiellement l’altitude à laquelle volent les oiseaux de mer ou y a-t-il des oiseaux qui s’envolent plus haut? Je sais qu’il y a des macareux le long de la rive. Nous les voyons tout le temps. Mais qu’en est-il des fous de Bassan, par exemple, ou des guillemots?
M. Montevecchi : Pour être totalement transparent, comme je l’ai dit, j’ai beaucoup travaillé sur ce sujet. Je me penche constamment là-dessus, mais les fous de Bassan ne seraient pas nécessairement à cette hauteur. Les analyses de sensibilité sont faites. Il y a le diamètre de la turbine et sa hauteur au-dessus de l’eau, et les analyses de sensibilité portent à vrai dire sur d’autres oiseaux dans cette zone.
Les oiseaux se déplacent différemment lorsqu’ils migrent. Ils se déplacent différemment lorsqu’ils voyagent. Ils volent à plus haute altitude lorsqu’ils cherchent de la nourriture. Les fous de Bassan peuvent se situer dans cette fourchette, mais ce qui m’a frappé — je dois le mentionner parce que nous avons fait quelques recherches —, ce sont les fous de Bassan de Terre-Neuve, et surtout les jeunes fous de Bassan, que nous avons suivis depuis Terre-Neuve et qui passent l’hiver au large de la côte Est des États-Unis, alors nous avons fait cette recherche avec le U.S. Fish and Wildlife Service.
Nous avons comparé les fous de Bassan au plongeon et au canard de mer, et il n’y a pas d’exploitation à cet endroit, mais ils connaissent les sites d’exploitation. Ils se trouvent principalement dans le golfe du Maine et un peu plus au Sud, au large de Long Island, dans l’État de New York.
Parmi ces trois espèces, qui sont représentatives de groupes d’oiseaux — plongeons, canards, oiseaux de mer — les fous de Bassan, de loin, étaient ceux qui se trouvaient le plus dans la zone où l’on proposait d’exploiter l’énergie éolienne. Les fous de Bassan ont été considérés comme vulnérables en raison d’une considération liée à l’emplacement dans ce cas.
Ce que vous dites est tout à fait exact. La plupart des études sont réalisées en Europe et portent spécifiquement sur l’altitude et la distance de déplacement, que l’on compare ensuite au diamètre de l’éolienne. C’est vrai.
Ai-je répondu à votre question?
Le sénateur Wells : Oui, merci. Je participerai à la deuxième ronde de questions, s’il vous plaît, monsieur le président.
La sénatrice Galvez : Dans le cadre de la présente étude, nous n’évaluons pas les répercussions sur l’environnement. Bien qu’il en soit question, nous ne...
M. Montevecchi : Non, je comprends cela.
La sénatrice Galvez : Laissez-moi poursuivre.
Nous sommes en train de décider s’il est important d’étendre l’éolien extracôtier dans la région.
Selon votre expérience et votre expertise spécifiques, admettez-vous que les risques liés à la production d’énergie à partir d’éoliennes sont égaux, comparables ou supérieurs aux risques liés à l’exploitation du pétrole qui s’y trouve déjà? C’est ce que je veux savoir.
Si vous disposez d’informations sur le chevauchement de la présence d’espèces vulnérables dans l’océan et à l’intérieur des terres avec les oiseaux, je vous en serais reconnaissante.
J’aimerais entendre la réponse des trois témoins à la question, en commençant par M. McIsaac.
M. McIsaac : Merci. Je ne suis pas certain d’avoir tout à fait compris la question. Je vais passer mon tour pour l’instant.
Mme Obermann : Je pense que vous demandez quelle industrie présente le risque le plus important. Je ne saurais dire laquelle comporte le plus grand risque.
Comme nous le savons, le développement de l’éolien extracôtier a des effets positifs. La production d’électricité propre nous aidera à réduire les émissions, ce qui est une bonne chose. Nous savons que le Canada aura besoin de deux à trois fois plus d’électricité propre que nous n’en avons actuellement pour atteindre les cibles de carboneutralité, mais aussi pour répondre à la demande d’électricité propre que l’électrification créera. L’éolien extracôtier peut contribuer à cela également, et à grande échelle.
En ce qui concerne les risques par rapport aux avantages, nous n’avons pas effectué d’analyse complète, mais il y a beaucoup d’éléments positifs. Il est évident que les débouchés économiques en font également partie.
La sénatrice Galvez : C’est une bonne façon de présenter la question — les risques par rapport aux avantages. Laquelle est la meilleure, selon vous trois?
M. Montevecchi : C’est l’effet cumulatif qui est préoccupant. Si on continue à en rajouter, il y a aussi quelque chose de plus. Il y a les pêches.
Pour répondre franchement à votre question, nous avions de vives inquiétudes concernant l’exploitation pétrolière. L’espèce dont je pourrais parler est l’espèce nicheuse la plus abondante — je sais qu’il ne s’agit pas d’une évaluation environnementale, mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir un parti pris — l’espèce qui nous préoccupe probablement le plus en termes de population est l’océanite cul-blanc. C’est un tout petit oiseau. C’est l’oiseau le plus abondant de l’Est du Canada. Des millions d’entre eux ont disparu au cours des quatre dernières décennies, ce qui coïncide parfaitement avec l’exploitation pétrolière en mer. Ce problème pourrait être dû à la pollution lumineuse dans les zones extracôtières qui étaient auparavant opaques. C’est un sujet de préoccupation.
Si vous me demandiez de les classer par ordre d’importance, je ne le ferai pas, car cela dépend de l’échelle. Il existe des moyens de réduire la lumière sur les plateformes extracôtières, mais dans l’état actuel des choses, c’est le pétrole qui est le plus préoccupant. Toutefois, la pollution lumineuse est le principal sujet de préoccupation à l’heure actuelle.
La sénatrice Petten : Monsieur Montevecchi, les évaluations régionales récemment lancées au sujet de l’exploitation de l’éolien extracôtier examineront les impacts potentiels de l’exploitation de l’énergie renouvelable extracôtière sur la faune, comme les mammifères marins et les oiseaux, par l’intermédiaire des comités d’examen indépendants, qui présenteront publiquement leurs conclusions aux gouvernements fédéral et provinciaux.
En outre, dans le cadre des mesures annoncées dans le budget de 2023, le gouvernement du Canada mènera également des campagnes de collecte de données marines afin d’approfondir sa compréhension de la faune et des considérations environnementales qui pourraient contribuer à éclairer les examens réglementaires des projets d’éoliennes extracôtières. Tous les projets seraient soumis à un examen réglementaire par les organismes de réglementation et d’autres autorités fédérales, notamment le ministère des Pêches et des Océans et Environnement et Changement climatique Canada, et feraient très probablement l’objet d’une évaluation d’impact.
Tout comme les projets pétroliers extracôtiers, les projets d’éoliens extracôtiers autorisés seraient soumis à des conditions visant à atténuer les effets potentiels.
Tout cela ne répond-il pas à vos préoccupations concernant l’impact sur les mammifères marins et sur les oiseaux?
M. Montevecchi : Pour être franc, la réponse à votre question est « non ». Lorsqu’on lit cela, on constate qu’il y a un parti pris structurel en faveur de l’industrie. Ce parti pris structurel est essentiellement en faveur d’une procédure accélérée. C’est en grande partie ce que nous avons vu dans les évaluations environnementales : « nous devons agir plus rapidement; nous devons devancer tous les autres pays. »
Ce qu’il faut faire, c’est s’y prendre correctement. Cela me préoccupe. Je vois dans ces évaluations un parti pris structurel qui a été imposé lorsque nous sommes passés de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. Je m’en inquiète donc.
Évidemment, les évaluations d’impact sont importantes, mais je suis d’avis qu’elles ne répondent pas toujours à nos besoins. Il y a une énorme pression. On veut de l’énergie éolienne, on veut des emplois. Je ne suis pas contre, mais je m’inquiète parce que « nous nous y prenons trop lentement; il faut agir plus vite. »
En fait, le ministre a dit:
[...] de nombreux effets potentiels des activités courantes de forage exploratoire dans cette zone sont relativement bien compris et peuvent être gérés par des mesures d’atténuation plutôt génériques qui sont souvent fondées sur des réglementations ou d’autres lignes directrices et constituent donc des pratiques industrielles relativement usuelles [...]
Il est donc prêt à renoncer aux évaluations environnementales. Alors oui, je m’inquiète.
La sénatrice Petten : J’ai une question pour M. McIsaac. Je vous remercie de votre témoignage.
Le ministre Rushton a témoigné la semaine dernière. Au sujet du banc de Georges, il a dit :
[...] Nous continuerons à solliciter des commentaires tout au long de l’élaboration de notre approche. Par exemple, je sais que des questions se posent au sujet du banc de Georges. J’ai déclaré à maintes reprises que nous construirons des éoliennes extracôtières sans nuire aux industries traditionnelles ni à l’environnement. [...]
Cela n’apaise-t-il pas certaines de vos inquiétudes?
M. McIsaac : Merci de votre question. Non, cela ne les apaise pas.
Nous considérons le projet de loi dans sa version actuelle. Le projet de loi prévoit des mesures spéciales de protection pour le banc de Georges. Le projet de loi C-49 actualise les pouvoirs de l’organisme de réglementation pour qu’il puisse réglementer non seulement le pétrole, mais aussi les énergies renouvelables. Mais, ce faisant, le projet de loi étend les pouvoirs de l’organisme de réglementation de manière plus importante pour les énergies renouvelables que pour le pétrole.
Si on est si convaincu que le banc de Georges sera protégé, pourquoi le Sénat ne ferait-il pas une chose simple et qui relève de ses pouvoirs, en mettant à jour l’interdiction entourant le banc de Georges pour y inclure les énergies renouvelables, et ce, dès maintenant, alors qu’il vous est possible de le faire?
La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés.
J’aimerais parler des défis particuliers qui sont liés aux éoliennes. Je me suis renseignée sur ce qui se passe en Europe.
Où sont fabriquées les éoliennes — et leurs composantes — qui sont utilisées au Canada?
Mme Obermann : On n’a pas encore réalisé de projets d’éolien extracôtier. Il n’y a donc pas d’éoliennes qui sont fabriquées.
Cependant, je crois savoir qu’au Québec, General Electric, ou GE, est une entreprise qui fabrique diverses composantes et turbines pour des projets d’éoliennes extracôtiers aux États-Unis. Il y a une possibilité là également.
Vous vous demandez peut-être aussi quelle quantité de travail serait réellement effectuée au Canada, ou comment nous profiterions du développement de la chaîne d’approvisionnement. Je dirais que 80 % de nos membres sont des fournisseurs, et nous avons donc beaucoup travaillé avec eux pour comprendre où ils pouvaient s’intégrer dans la chaîne d’approvisionnement. Nous pensons que la plupart d’entre eux pourraient probablement le faire.
Nous menons une étude plus vaste sur ce point précis afin de comprendre quelles sont les capacités actuelles dans le Canada atlantique, quelles sont les lacunes et comment nous pouvons les combler. En effet, nous en sommes à un stade très précoce où nous avons la possibilité d’élaborer une stratégie pour nous assurer un avantage concurrentiel et faire en sorte qu’un maximum de travaux puisse être réalisé au Canada.
La sénatrice McCallum : En Europe, les fabricants ont eu du mal à obtenir le matériel nécessaire, ce qui a donné lieu à des retards et à l’abandon de certains projets.
Pour le processus de fabrication, il faut aussi avoir accès à des matières premières comme le cuivre, les terres rares, l’acier, le nickel, la fibre de verre et le silicium. Vous avez dit que vous allez être concurrentiels sur les marchés internationaux. Or, d’après ce que j’ai lu, la Chine s’est positionnée en tant que fournisseur très concurrentiel. Elle ne respecte pas les règles du jeu. Elle peut produire plus rapidement et à moindre prix. Je me demande quelle incidence cela pourrait avoir sur la chaîne d’approvisionnement au Canada.
Lorsque je regarde les deux parcs éoliens au Manitoba, d’où je viens, un a reçu des turbines provenant d’Amérique du Sud et l’autre, des États-Unis. Je me demande comment tout cela va se dérouler. À l’heure actuelle, la Chine nuit grandement aux entreprises européennes en raison du fait qu’elle ne joue pas à armes égales.
Il y a ensuite la question de la disponibilité des travailleurs qualifiés. Je pense par exemple aux gens de métier ou encore aux professionnels qualifiés dont on a besoin pour manœuvrer les navires, les grues ou les appareils de transport lourd. En tenant compte de tout cela, quand serez-vous en mesure de dire que vous êtes prêts à lancer les travaux?
Mme Obermann : C’est une très bonne question.
L’une des principales raisons pour lesquelles nous allons bientôt commander l’étude dont j’ai parlé tantôt est justement pour faire exactement ce dont vous parlez. Certains éléments seront fabriqués ailleurs, et nous devrons donc les importer. Nous voulons comprendre quels sont ces éléments clés, ou quelles parties de la chaîne d’approvisionnement il n’est pas logique d’essayer de mettre en œuvre au Canada.
La législation est l’un des principaux facteurs qui nous permettront de garantir que nous avons les composantes, les navires et tous les autres éléments de la chaîne d’approvisionnement dont nous avons besoin. Dès que nous aurons de la prévisibilité, les promoteurs pourront commencer à élaborer leurs plans. Les fournisseurs sauront aussi qu’ils peuvent commencer à augmenter leur capacité de production. Cette prévisibilité et cette certitude sont des facteurs clés.
C’est aussi ce qui s’est passé à certains endroits, où un événement quelconque a miné la certitude au sein du marché. Cela peut aussi se répercuter dans toute la chaîne d’approvisionnement.
La sénatrice McCallum : Quand pensez-vous que vous seriez en mesure de lancer les travaux de construction? Dans combien d’années?
Mme Obermann : Normalement, entre le début des travaux de planification — c’est-à-dire les toutes premières étapes, comme l’élaboration des plans et l’obtention des permis — et le moment où les projets sont construits et mis en œuvre, il peut s’écouler de 7 à 10 ans.
C’est encore assez loin, et c’est pourquoi le moment est propice à l’heure actuelle pour élaborer bon nombre des stratégies dont nous aurons besoin pour la chaîne d’approvisionnement, entre autres choses.
Le président : À ce sujet, pourriez-vous nous dire combien d’unités on s’attend à construire? Qu’est-ce que cela représente, quant au nombre de foyers qui pourront être alimentés? Donnez-nous une idée de l’ampleur des projets.
Mme Obermann : Bien sûr. Pour le moment, tout ce que je peux dire, c’est que la Nouvelle-Écosse vise un total de 5 gigawatts. Pour mettre les choses en perspective, à l’heure actuelle, la Nouvelle-Écosse a besoin d’environ 2,5 gigawatts au total. Ainsi, un total de 5 gigawatts d’énergie éolienne extracôtière permettrait d’alimenter deux fois toute la province.
Le président : Deux fois...
Mme Obermann : Autrement dit, ce serait plus que ce dont la Nouvelle-Écosse a besoin.
Le président : Quel est le plan? Combien d’unités seront construites d’ici 20 ans, par exemple?
Mme Obermann : Cela dépend de la taille des projets. Je peux vous donner quelques statistiques. Il s’agit aussi d’un élément clé de la question.
Les éoliennes n’ont pas toutes la même taille. La technologie évolue, et les turbines sont de plus en plus grosses. Certaines éoliennes avaient une capacité de 12 mégawatts chacune. Maintenant, nous avons des éoliennes qui produisent généralement 15 ou 20 mégawatts. Ainsi, le nombre d’éoliennes dont nous aurons besoin dépend vraiment de cette capacité.
Si on prend l’exemple d’un projet de 1 gigawatt, cela devrait se traduire par un parc comptant entre 60 et 100 éoliennes. Cela dépend vraiment de la taille de chaque éolienne. Plus les éoliennes sont grosses, plus le projet pourra être efficient et plus les éoliennes devront être espacées les unes des autres, mais il y en aura aussi un moins grand nombre.
Le sénateur Manning : J’aimerais revenir au plan pour protéger les oiseaux. Monsieur Montevecchi, je sais qu’au fil des ans, vous avez participé aux discussions sur le développement de l’industrie pétrolière.
Lorsqu’on parle de développer l’industrie des éoliennes au large de Terre-Neuve-et-Labrador, je me pose des questions sur le processus de consultation qui pourrait être mené sous le régime de réglementation actuellement en place pour l’exploitation du pétrole et du gaz. Je me demande si on va y greffer la mesure législative ou si on va créer un tout nouveau texte législatif.
Mais ce que j’aimerais savoir, c’est où vous vous situez dans ces discussions. Prévoyez-vous que vous ferez partie intégrante des discussions concernant... Vous avez parlé des différents emplacements, par exemple, et je me demande si vous allez avoir l’occasion... Comme pour le pétrole et le gaz, et maintenant, nous allons avoir l’énergie éolienne. Quel rôle pensez-vous jouer?
M. Montevecchi : Je ne pense pas que ce soit différent. Nous nous concentrons sur les évaluations environnementales et la conservation des oiseaux marins. À partir du moment où ces animaux sont touchés, que ce soit l’un ou l’autre, cela ne change pratiquement rien. C’est probablement un processus cumulatif.
Il y a beaucoup de choses qui diffèrent, évidemment. Avec le pétrole, il y a l’aspect de la pollution par la lumière. Les gens parlaient des risques de collision. Il y a des moyens — qui n’ont toutefois pas encore été testés — de rendre les pointes des pales plus visibles en y ajoutant des bandes noires et blanches ou d’autres solutions du genre. Cela peut aider un oiseau à remarquer le danger et peut-être parvenir à l’éviter. Il y a beaucoup de solutions possibles.
Quant à moi personnellement, et c’est la même chose pour les étudiants avec qui je travaille, nous nous concentrons exclusivement sur la conservation dans son ensemble. On parle des pêches, de la pollution par le plastique... Nous ne pouvons pas tout faire, mais c’est là-dessus que nous centrons nos efforts.
Quoi qu’il en soit, c’est notre champ d’application. Nous sommes préoccupés par la hausse des activités en mer.
Le sénateur Manning : J’avais une autre question, mais une chose que vous avez dite il y a quelques instants m’a fait penser à autre chose.
Pour produire 1 gigawatt, il faudrait possiblement de 60 à 100 éoliennes. Ai-je bien compris?
Mme Obermann : C’est probablement plus près de 60. J’ai probablement donné un chiffre un peu trop élevé.
Le sénateur Manning : Si la Nouvelle-Écosse souhaite produire 5 gigawatts, cela pourrait représenter autour de 300 éoliennes ou plus?
Plus tôt, dans votre déclaration liminaire si je me souviens bien, vous avez fait un commentaire sur l’instauration d’un dialogue bidirectionnel avec l’industrie de la pêche, les groupes autochtones, et ainsi de suite. Qu’avez-vous fait en ce sens en tant qu’organisation et quelle est l’étendue de vos efforts? Je ne parle pas nécessairement des réactions négatives, mais quelle est la rétroaction que vous avez reçue? Les réactions étaient-elles vives?
Sur le plan des consultations, nous avons le problème que certains groupes en Nouvelle-Écosse estiment ne pas avoir été suffisamment consultés dans le cadre de ce processus. Je me demande comment votre organisation mène ce processus. Peut-être que les gouvernements devraient en tirer des leçons.
Mme Obermann : Comme je l’ai mentionné, nous avons jugé nécessaire de commencer tôt étant donné qu’il s’agit d’une nouvelle industrie.
Nous avons tenu des rencontres individuelles. Nous avons mené plusieurs ateliers. Nous avons également offert des webinaires éducatifs et nous invitons chaudement les groupes de pêcheurs, les communautés autochtones et les organisations concernées à faire partie de cela. Nous avons aussi organisé des réunions avec chacun de ces groupes individuellement.
Nous avons aussi essayé, dans la mesure du possible, de participer à des conférences et à des événements organisés par ces groupes afin de leur transmettre de l’information.
L’une des principales choses auxquelles nous avons consciemment tenté de faire attention est que nous sommes encore très tôt dans le processus et, pour cette raison, nous voulons éviter de submerger certaines de ces organisations, parce que nous savons qu’elles n’ont pas nécessairement la capacité ou le temps de parler constamment d’énergie éolienne extracôtière avec nous. Nous avons donc tenté de trouver un juste équilibre dans la façon dont nous menons ces consultations.
À mon avis, jusqu’à présent, nous entretenons une relation très positive. Nous comprenons que certains ont des préoccupations. C’est en partie pourquoi nous voulions lancer rapidement les consultations. Nous comptons parmi nos membres de nombreux promoteurs de parcs éoliens extracôtiers qui œuvrent à l’étranger. Ils ont beaucoup d’expérience à faire valoir, ce qui a aidé à faire connaître les pratiques exemplaires et les leçons apprises dans d’autres pays.
J’en reviens au fait que nous en sommes encore aux premières étapes, alors nous pouvons prendre appui sur ces relations que nous avons établies. C’était là notre objectif : développer ces relations à un stade précoce et bâtir une certaine confiance, ce qui peut être difficile dans ces circonstances.
Le sénateur Wells : Ma première question s’adresse à M. McIsaac. Êtes-vous au courant qu’il existe un protocole d’entente entre Terre-Neuve-et-Labrador et le gouvernement fédéral au sujet des zones d’exclusion pour les énergies renouvelables extracôtières?
M. McIsaac : Je ne suis pas au courant de cela.
Le sénateur Wells : Il y a un protocole d’entente qui est pertinent pour le projet de loi, et il exclut 16 baies qui sont actuellement sous la compétence de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. Toutefois, pour les énergies renouvelables extracôtières, le gouvernement fédéral a conclu une entente avec le gouvernement provincial pour qu’elles soient exemptées de la réglementation de l’office d’énergie extracôtière. Si vous n’étiez pas au courant de l’entente avec Terre-Neuve-et-Labrador, j’imagine que vous n’êtes pas non plus au courant d’une entente similaire avec la Nouvelle-Écosse, dans laquelle il y a une zone d’exclusion?
M. McIsaac : Non, je ne suis au courant d’aucune zone d’exclusion semblable.
Le sénateur Wells : C’est peut-être quelque chose que vous pourriez envisager, prévoir une zone d’exclusion aux alentours des pêcheries traditionnelles, historiques ou lucratives où vous ne voudriez peut-être pas — pour revenir à votre première réponse au sénateur Manning — une zone d’exclusion où l’ancienne réglementation de l’office des hydrocarbures aurait préséance sur toute autre réglementation, surtout s’il y a un important changement pour votre secteur, pour l’industrie ou pour l’association que vous représentez pour le banc de Georges ou toute autre zone de pêche traditionnelle.
M. McIsaac : Je vous remercie de votre suggestion.
La position des pêcheries de la Nouvelle-Écosse en matière de planification des ressources extracôtières repose beaucoup sur le processus d’évaluation régionale. Par extension, nous aimerions qu’on accorde plus de place au processus d’évaluation régionale, du moins dans les lois sur les accords atlantiques. Nous aimerions voir les évaluations régionales devenir partie intégrante du processus d’appel d’offres. À l’heure actuelle, l’évaluation d’impact n’est effectuée qu’à l’étape des autorisations pour des activités spécifiques, après la fin du processus d’appel d’offres.
Nous estimons que le projet de loi pourrait être grandement renforcé en tenant compte des résultats des études régionales dans les décisions sur les appels d’offres à l’égard des endroits précis où développer le potentiel extracôtier. Dans un sens, l’idéal est de cerner les zones d’exclusion dans la réglementation. Toutefois, les évaluations régionales reposeront sur une compréhension holistique du milieu océanique afin d’en arriver à des décisions fondées sur des principes quant aux endroits où réaliser les projets. Nous croyons donc que cela devrait être reflété dans la loi.
Pour revenir à ce que je voulais dire, c’est vrai que la réglementation est utile pour créer des zones d’exclusion, mais je reviens au fait que le banc de Georges et l’île de Sable sont tous deux spécifiquement protégés par une loi. C’est la plus haute forme de protection qui existe, et il y a une bonne raison à cela. C’est à cause de la nature particulière du banc de Georges et de l’île de Sable. J’exhorte vivement le Sénat à faire fi des autres approches qui pourraient sembler viables et à honorer l’objectif des dispositions établissant le moratoire du banc de Georges et protégeant l’île de Sable en particulier.
Le sénateur Wells : Je vous remercie. J’aimerais formuler un dernier commentaire; ce n’est pas une question.
Alors que nous sommes en public et que le monde nous écoute, je tiens à remercier M. Montevecchi pour tout le travail auquel il a contribué, non seulement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi pour enrichir les connaissances mondiales sur les oiseaux marins. Lorsque nous avons commencé cette étude, vous êtes la première personne que j’ai pensé à inviter à témoigner afin de profiter de vos connaissances. Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait à cet égard.
Le président : Si je puis ajouter mes propres observations, nous nous sommes rencontrés — nous en parlions tantôt — il y a environ 15 ans, et nous étions déçus, car la dernière fois vous êtes venu à la réunion avec un de vos oiseaux.
M. Montevecchi : Un fou de Bassan serait trop grand.
C’est curieux, je ne m’étais pas rendu compte de l’effet que cela a pu avoir. Je l’avais apporté parce que c’est un petit oiseau tenace, un peu comme un tout petit albatros. C’est une espèce qui a tout ce dont elle a besoin pour prospérer — si on exclut le facteur humain. Oui, je suis un peu déçu de ne pas y avoir pensé. Ce sera pour la prochaine fois.
La sénatrice Galvez : Monsieur Montevecchi, je vous comprends. Je vous comprends quand vous dites qu’il existe un biais structurel et que nous sommes toujours en train de réagir face aux répercussions de nos activités, plutôt que de les prévenir.
Pour faire suite à l’idée de M. McIsaac d’élargir la portée des dispositions pour protéger le banc de Georges et de l’île de Sable, selon vous, y aurait-il d’autres zones qui devraient être protégées? Je pense aux promesses faites par l’autre gouvernement de protéger 30 % du territoire d’ici 2030.
Y a-t-il d’autres zones précises que vous aimeriez voir être protégées de la même façon que le banc de Georges et l’île de Sable?
M. McIsaac : Je vous remercie. Cette question m’était-elle adressée?
La sénatrice Galvez : Vous pourrez répondre après M. Montevecchi.
M. Montevecchi : Pour trouver les sites de prédilection des oiseaux, nous leur installons maintenant des dispositifs de positionnement global, ou GPS, qui permettent de suivre leurs mouvements. Comme le sénateur Wells l’a mentionné, ces sites pourraient se trouver au large de la côte Sud. Je n’approuverais rien avant de savoir où se trouvent les sites névralgiques.
Il y a des choses que nous pouvons faire, oui. Nous suivons les oiseaux, nous savons où ils vont pour se nourrir. J’essaie de me souvenir. Il y a des oiseaux qui proviennent de la baie Lawn, sur la côte Sud, et de la baie Placentia, en fait, qui se trouve aussi au Sud de l’île.
Ce que nous ferions — ce qu’Environnement Canada ferait — c’est que nous examinerions ces données afin de déterminer où se concentrent les oiseaux en mer. C’est ce qu’ils font, ce n’est pas nouveau, et vous pourriez le faire aussi. Croyez-le ou non, je ne suis pas le seul à faire cela. Tous ceux qui étudient les oiseaux marins examinent ces données, et cela inclut le gouvernement fédéral. Les gens sont préoccupés. Ils passent beaucoup de temps à essayer de cerner les sites de prédilection.
Lorsque les zones auront été cernées, tout le monde se penchera là-dessus. C’est ce que nous ferons aussi.
La sénatrice Petten : Ma question s’adresse à Mme Obermann.
Le projet de loi C-49 établit un cadre réglementaire pour l’énergie éolienne extracôtière. Comme vous le savez, il faudra adopter des lois équivalentes dans les deux provinces.
Avez-vous eu des discussions à ce sujet avec vos homologues provinciaux afin d’en savoir plus sur ce qu’ils font? Pourriez-vous nous en parler?
Mme Obermann : En ce qui concerne les prochaines étapes?
La sénatrice Petten : Oui.
Mme Obermann : D’après ce que je comprends, l’intention était de déposer le projet de loi miroir à l’automne. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’insiste pour essayer de faire avancer les choses de manière à ce que ce soit encore possible.
Nous sommes préoccupés par le fait que les choses n’avancent pas rondement entre autres parce qu’il y a beaucoup d’investissements prévus dans l’énergie éolienne extracôtière à l’échelle mondiale. Nous comptons un certain nombre de membres qui cherchent activement à lancer des projets au Canada. Cela dit, au-delà de l’Europe, il y a aussi d’autres pays qui investissent dans l’énergie éolienne extracôtière et qui sont en train d’élaborer leurs cadres réglementaires. Je pense au Brésil, à la Colombie et à l’Australie.
Là où je veux en venir, c’est que nous avons beaucoup à perdre si nous ratons cette occasion. Nous sommes aussi en contact étroit avec les deux provinces pour savoir comment ils progressent dans leurs plans.
La sénatrice Petten : Je vous remercie.
Le président : Monsieur McIsaac, plus tôt, vous alliez répondre à la question de la sénatrice Galvez. Aimeriez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet?
M. McIsaac : Oui. Pour répondre à la question, il y a de nombreux bancs de pêche qui sont lucratifs et importants dans les zones côtières et extracôtières de la Nouvelle-Écosse. L’approche que nous préconisons pour protéger ces zones consiste à mener de robustes évaluations régionales et à veiller à ce que ces évaluations soient prises en compte pour rendre les décisions sur les appels d’offres.
Pour répondre à l’autre partie de la question de la sénatrice, ce projet de loi prévoit aussi un pouvoir de réglementation pour les aires marines de conservation, ce qui est un autre moyen de protéger ces zones. Je tiens à rappeler que le banc de Georges et l’île de Sable jouissent d’une protection légale spéciale qui a préséance sur toute autre mesure législative canadienne. Nous devrions honorer la raison d’être de ces dispositions.
La sénatrice McCallum : J’aimerais poser une question sur les accords d’achat. Prévoyez-vous conclure des accords d’achat et, si oui, avec qui? Qui en bénéficierait? Est-ce la population locale, y compris les Premières Nations?
Mme Obermann : Comme je l’ai mentionné, nous sommes actuellement à un stade très précoce. Nous ne savons pas exactement à quoi ressemblera le marché. Cela montre à quel point nous ne sommes pas avancés dans le processus.
En ce qui concerne les accords d’achat d’énergie, ce serait quelque chose dont l’industrie voudra discuter pour en déterminer l’utilité, par exemple.
Comme je l’ai aussi mentionné, si nous regardons par exemple du côté de la Nouvelle-Écosse, cette province peu peuplée n’aura pas nécessairement besoin de l’électricité produite par les projets d’énergie éolienne extracôtière.
L’autre marché que nous regardons et qui présente un énorme potentiel est celui de l’hydrogène vert. Plusieurs de nos membres examinent la possibilité de mettre à profit l’énergie éolienne extracôtière pour produire de l’hydrogène vert qui pourrait être utilisé localement ou exporté à l’étranger. C’est un peu différent d’un accord d’achat d’énergie, mais il y aurait d’autres types d’accords qui seraient mis en place pour faciliter les projets de ce type.
La sénatrice McCallum : Ou même pour le Canada, car nous avons besoin de beaucoup d’énergie.
Mme Obermann : Oui.
La sénatrice McCallum : Je constate qu’il y a beaucoup d’énergie qui est exportée et que nous nous retrouvons alors avec un manque à gagner. Avec l’énergie hydroélectrique, ce qui me préoccupe, c’est que cela se fait toujours sur des terres autochtones et que cela entraîne beaucoup de destruction. Maintenant, toutes les centrales hydroélectriques disent qu’elles ont besoin de produire plus d’électricité, mais elles continuent d’en exporter quand même. Voilà pourquoi je posais la question.
Mme Obermann : Oui. Je dirais que, pour ce qui est de produire de l’énergie éolienne extracôtière pour d’autres régions du pays, c’est effectivement une possibilité. Nous pouvons produire suffisamment d’électricité pour aider d’autres régions. À cet égard, ce sont les réseaux et les connexions interrégionales qui limitent les possibilités. Une fois que ces problèmes seront résolus, nous aurons plus d’options. Certains de nos membres envisagent aussi d’exporter l’énergie vers les États-Unis, lorsqu’il sera possible de le faire.
J’aimerais donner suite à votre question sur les retombées locales et sur les avantages pour les peuples autochtones. Je sais qu’un certain nombre de nos membres ont déjà entamé ce genre de conversations afin de mieux comprendre comment leurs projets pourront bénéficier à ces communautés. Tout ce que je peux dire pour le moment, c’est que c’est ce que nous espérons voir et qu’il y a des plans et des stratégies pour s’assurer que ces espoirs se réalisent.
Le sénateur Manning : Je vous remercie. Comme je l’ai mentionné plus tôt, je vis tout près de la réserve écologique de Cape St. Mary’s, que M. Montevecchi connaît très bien. La colonie d’oiseaux qui s’y trouve est la deuxième en importance en Amérique du Nord, et la seule à être accessible par voie terrestre pour les visiteurs. Il n’y a pas beaucoup de fous de Bassan ou d’océanites à cet endroit.
Il y a 35 ans, à Terre-Neuve-et-Labrador, toutes les discussions tournaient autour du développement de l’industrie pétrolière. Au fil des ans, nous avons connu des hauts et des bas, mais nous avons trouvé un moyen de coexister avec l’industrie de la pêche et d’autres industries qui exercent leurs activités en mer.
Du point de vue des populations d’oiseaux que vous avez étudiées depuis maintenant plusieurs décennies, dans quelle mesure croyez-vous que l’industrie pétrolière a contribué à la décimation de certaines de ces espèces? Nous parlons maintenant d’une nouvelle source majeure d’activités en mer, là où passent des populations d’oiseaux. Qu’avez-vous vu à dire sur la façon dont l’industrie pétrolière et gazière s’est développée, notamment en ce qui a trait aux emplacements choisis et aux autres choses du genre dont vous avez parlé tantôt? J’aimerais connaître votre avis sur ce que vous avez pu constater au cours des 30 dernières années.
M. Montevecchi : L’exemple le plus frappant est ce petit oiseau dont nous parlons, l’océanite cul-blanc. Les oiseaux de cette espèce ne nichent pas à Cape St. Mary’s, mais on en trouve des millions à Terre-Neuve, et il y en a des millions en moins depuis le début de l’exploitation du pétrole extracôtier.
Je pense qu’une grande partie de ce phénomène est attribuable à la lumière qui provient des plateformes. On y fait du torchage, et il n’y a aucune mesure d’atténuation. On ne fait aucun effort pour réduire cette lumière. Autrefois, ce milieu était d’un noir opaque. Ces oiseaux sont des animaux nocturnes qui chassent les proies bioluminescentes.
Si nous cherchons un facteur qui a un impact potentiel — et j’insiste sur le mot « potentiel », car il y a beaucoup d’activités à ces endroits —, je dirais que c’est un facteur qui a assurément un impact qui pourrait être atténué en réduisant la quantité de lumière produite. C’est ce qui est le plus préoccupant. Il y a eu beaucoup d’oiseaux mazoutés.
Nous n’en avons pas parlé ce soir, mais nous savons que les changements climatiques ont aussi des répercussions — comme ce virus horrible qui vient de faire des ravages à Terre-Neuve. Qu’est-ce que c’est? Cela a tué plus d’oiseaux que n’importe quelle pollution liée au pétrole. Cela a tué plus d’oiseaux que n’importe quelle lumière produite en zone extracôtière. D’un coup, cela a tué 10 % de la population canadienne de fous de Bassan.
Maintenant, quand on va à Cape St. Mary’s pour voir où nichent ces oiseaux, on voit de grandes taches brunes là où les oiseaux sont morts. Normalement, ces endroits seraient blancs et recouverts de fous de Bassan.
Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte, mais les seuls sur lesquels nous pouvons agir sont ceux dont nous sommes responsables, comme l’exploitation du pétrole, l’énergie éolienne et la pêche. Les changements climatiques ne sont liés que de très loin par ce que nous faisons au quotidien. Voilà pourquoi nous devons nous concentrer sur les causes humaines; c’est là que nous pouvons avoir une incidence.
Le sénateur Wells : Monsieur Montevecchi, en réponse à une question de la sénatrice Galvez, vous avez parlé des oiseaux mazoutés. Est-ce que cela provient des rejets des navires ou des plateformes?
M. Montevecchi : Voilà un problème qui a été réglé. La plus grande part du problème était attribuable aux rejets provenant des navires. Grâce aux efforts déployés par Environnement Canada, Transports Canada, la Garde côtière canadienne et le milieu universitaire, on a réussi à éliminer ce problème. On y est parvenu en imposant de lourdes amendes aux navires qui voguaient au sud de Terre-Neuve. C’était le principal facteur de la mortalité dont nous étions témoins.
Le problème avec les activités extracôtières, c’est que bien souvent, on ne voit pas ce qui se passe. Cela fait partie du problème. On ne voit pas la pollution chronique.
Quand on y pense, c’est très encourageant. Il s’agissait d’un très grave problème qui a persisté pendant des décennies. Grâce aux efforts de nombreuses personnes, ce problème a été résolu. Il arrive qu’un événement se produise à l’occasion, mais c’était un problème énorme qui revenait chaque hiver, à Terre-Neuve, et ce n’est plus le cas.
Chaque hiver, j’emmenais mes étudiants sur les plages du cap Shore et, peu importe à quel moment nous y allions, nous revenions toujours avec de nombreux oiseaux mazoutés. Nous avons cessé d’y aller parce que, Dieu merci, on n’y trouve plus d’oiseaux mazoutés. Alors oui, il est possible de régler les problèmes.
Le sénateur Wells : C’est bon à savoir.
Le président : Merci beaucoup.
Je remercie les témoins d’avoir été parmi nous aujourd’hui. Vous avez fait un très bon travail. Tout en gérant vos attentes, vous nous avez permis de mieux comprendre tous les enjeux scientifiques en cause. Je vous remercie beaucoup.
Pour les membres du comité, je tiens à souligner qu’il s’agit de notre dernière réunion jusqu’à l’automne, où nous procéderons à l’étude article par article. Il y aura une séance d’information, puis nous passerons rapidement à l’intersession.
Je vous remercie. Je déclare cette séance levée.
(La séance est levée.)