LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 23 mars 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 12 h 3 (HE), avec vidéoconférence, pour discuter de la motion concernant l’imposition du Chemin de fer Canadien Pacifique en Saskatchewan.
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je suis Mobina Jaffer, sénatrice de la Colombie-Britannique, et j’ai le plaisir de présider le comité. Aujourd’hui, nous tenons une réunion hybride du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
[Français]
Si vous éprouvez des difficultés techniques, notamment en ce qui concerne l’interprétation, veuillez le signaler à la présidente ou au greffier, et nous nous efforcerons de résoudre le problème.
[Traduction]
J’aimerais prendre un moment pour présenter les membres du comité : le sénateur Gold, leader du gouvernement; le sénateur Boisvenu, vice-président du comité; la sénatrice Batters; la sénatrice Boniface; le sénateur Campbell; la sénatrice Clement; le sénateur Cotter; le sénateur Dalphond; la sénatrice Dupuis; le sénateur Harder; la sénatrice Pate; et la sénatrice Wallin. Le sénateur Arnot se joint aussi à nous aujourd’hui. Sénateurs et sénatrices, je voudrais vous prévenir que je ne vais pas suivre l’appel normal de la liste. Je vais d’abord appeler le sénateur Cotter, la sénatrice Batters et la sénatrice Wallin.
Honorables sénateurs, nous étudions aujourd’hui la motion 14 du gouvernement, qui nous a été renvoyée le 1er mars. Cette motion, si elle est adoptée par le comité, apporterait un changement constitutionnel concernant l’imposition du chemin de fer du CP.
Aujourd’hui, nous entendons des représentants du gouvernement. Nous accueillons Michael Vandergrift, sous-ministre, Affaires intergouvernementales; et Louise Baird, sous-ministre adjointe, Affaires intergouvernementales, du Bureau du Conseil privé. Nous recevons Nancy Othmer, sous-ministre adjointe, Secteur du droit public et des services législatifs; Warren J. Newman, avocat général principal, Droit public; et Daniel Bourgeois, avocat général principal, Droit fiscal, du ministère de la Justice du Canada.
Honorables sénateurs, je tiens à vous dire que nous avons invité le ministre LeBlanc et le ministre Lametti. Nous nous sommes rendus disponibles à maintes reprises aujourd’hui. Malheureusement, ils n’étaient pas disponibles, mais nous avons des fonctionnaires très compétents qui répondront à vos questions et présenteront des exposés, en commençant par le Conseil privé.
Michael Vandergrift, sous-ministre, Affaires intergouvernementales, Bureau du Conseil privé : Je vous remercie, honorables sénateurs, de l’occasion qui m’est donnée ici et de votre aimable invitation.
[Français]
J’aimerais commencer en reconnaissant que je m’adresse à vous à partir du territoire traditionnel du peuple algonquin. Je suis heureux de me présenter devant vous aujourd’hui dans le cadre de votre étude de la proposition de résolution accordant l’autorisation au Sénat d’apporter une modification constitutionnelle en ce qui concerne la Saskatchewan.
Aujourd’hui, mes remarques porteront essentiellement sur les aspects fédéraux-provinciaux de cette résolution. Je laisserai à mes collègues du ministère de la Justice le soin de vous exposer le contexte juridique et constitutionnel et de répondre à vos questions à cet égard.
[Traduction]
À la lumière des délibérations qui ont déjà eu lieu sur cette question dans la salle du Sénat, je crois que vous connaissez assez bien le sujet. Je ne ferai donc qu’un bref résumé de la question avant de me plonger dans certaines considérations et certains précédents fédéraux et provinciaux qui pourraient vous être utiles dans votre étude.
Le 29 novembre 2021, l’Assemblée législative de la Saskatchewan a adopté à l’unanimité une résolution visant à abroger l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan, qui incorpore par renvoi la clause 16 d’un contrat conclu en 1880 entre le gouvernement fédéral et les fondateurs du CP, exonérant à jamais de certaines taxes la ligne principale historique de l’Ouest du CP. Cette disposition, qui est reprise dans les lois relatives à l’Alberta et au Manitoba, visait à reconnaître le rôle du CP dans la construction du réseau ferroviaire transcanadien au XIXe siècle. La Saskatchewan nous a fait part de son opinion selon laquelle cette exemption a dépassé son objectif initial et que le maintien de l’article 24 est injuste pour ses résidants et ses entreprises. Je sais que vous avez prévu d’entendre le ministre de la Justice et procureur général de la Saskatchewan dans le cadre de votre étude également, et je suis sûr qu’il pourra expliquer davantage ces points de vue.
Depuis l’adoption de la résolution par l’Assemblée législative de la Saskatchewan, le gouvernement de la Saskatchewan a cherché à obtenir l’appui du gouvernement du Canada pour présenter cette modification au Parlement et l’appui du Parlement pour l’adopter. La Saskatchewan demande que les chambres du Parlement adoptent des résolutions parallèles, autorisant ainsi l’abrogation de l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan conformément à la procédure de modification de l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Si une autre assemblée législative provinciale adoptait une résolution pour apporter une modification constitutionnelle bilatérale de nature similaire, que ce soit l’Alberta, le Manitoba ou toute autre province, le gouvernement du Canada étudierait et examinerait la modification proposée, comme nous l’avons fait dans ce cas. Bien que cette proposition de modification constitutionnelle bilatérale soit rare, elle n’est pas sans précédent. La procédure de modification bilatérale a en fait donné lieu à sept modifications constitutionnelles depuis 1982, chacune d’entre elles ayant modifié des dispositions de la Constitution du Canada qui s’appliquaient à une seule province.
[Français]
Il s’agirait donc de la huitième fois qu’une province canadienne se prévaut de la procédure bilatérale pour modifier la Constitution du Canada conformément à l’article 43. On a notamment eu recours à cet article pour modifier les obligations constitutionnelles liées aux écoles confessionnelles du Québec en 1997 et de Terre-Neuve-et-Labrador en 1998.
Bien qu’il s’agisse de modifications similaires ayant trait aux réseaux scolaires de ces deux provinces, elles ont été conclues séparément par la procédure bilatérale, car elles portent sur des articles distincts visant le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador.
Le dernier amendement constitutionnel bilatéral remonte à 2001, donc il y a plus de 20 ans, quand ce mécanisme a été utilisé pour procéder aux changements de nomenclature de la province de Terre-Neuve, qui est alors devenue Terre-Neuve-et-Labrador.
[Traduction]
La modification constitutionnelle bilatérale que vous avez devant vous aujourd’hui, que vous étudiez, est peut-être historique et la première du genre en 20 ans, mais elle n’est pas, comme vous pouvez le constater, unique et sans précédent.
Le gouvernement du Canada a appuyé cet amendement constitutionnel à la suite de la demande du gouvernement de la Saskatchewan et de l’Assemblée législative de la Saskatchewan d’abroger l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan et ne voit aucun obstacle juridique ou constitutionnel à la poursuite de cette démarche. Le gouvernement du Canada appuie les raisons évoquées pour procéder à cet amendement, à savoir la promotion de l’équité fiscale et budgétaire et des relations de coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces, mais cela refléterait également dans la loi la pratique actuelle selon laquelle le CP, malgré l’exemption fiscale historique, a payé des impôts à la Saskatchewan. Cela fait également partie de la collaboration avec les provinces et les territoires en appuyant l’examen de cet amendement constitutionnel demandé, qui est une priorité pour le gouvernement de la Saskatchewan et son assemblée législative. Au final, c’est aux chambres du Parlement de prendre cette décision, la motion ayant déjà été adoptée à l’unanimité à l’autre endroit et étant maintenant soumise à l’examen du Sénat.
Nous sommes tout à fait disposés à répondre à vos questions pour vous aider dans votre évaluation de la motion. Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, de m’avoir fourni cette occasion.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Vandergrift.
Nancy Othmer, sous-ministre adjointe, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice du Canada : Bonjour, madame la présidente et honorables sénateurs. Je suis ravie de comparaître devant vous aujourd’hui dans le cadre de votre étude de la motion de résolution autorisant le Sénat à apporter une modification constitutionnelle concernant la Saskatchewan.
J’aimerais d’abord prendre un moment pour reconnaître que je m’adresse à vous depuis mon domicile, qui est situé sur le territoire non cédé de la Première Nation algonquine anishinabe, dont la présence ici remonte à des temps immémoriaux. Les Algonquins sont reconnus comme les gardiens et les défenseurs coutumiers du bassin versant de la rivière des Outaouais et de ses affluents. J’honore leur longue histoire ici.
Permettez-moi également de commencer par dire que le représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold, a habilement communiqué l’appui du gouvernement à l’adoption de la motion et de la résolution nécessaire par la Chambre, et mes remarques aujourd’hui peuvent être considérées comme un complément de ces communications antérieures.
Pour récapituler, comme vous le savez, des résolutions autorisant la modification proposée de la Constitution du Canada ont déjà été adoptées par l’Assemblée législative de la Saskatchewan et la Chambre des communes. La modification, si elle est également autorisée par une résolution du Sénat, abrogera l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan, une loi qui a été adoptée par le Parlement en 1905 et qui est considérée comme faisant partie de la Constitution du Canada.
Les sénateurs du comité savent que, il y a 40 ans, la Constitution a été rapatriée par l’adoption de la Loi de 1982 sur le Canada. Le rapatriement signifiait que le Parlement du Royaume-Uni ne légiférerait plus pour le Canada, notamment en apportant des modifications à sa Constitution. La Loi de 1982 sur le Canada a permis au Canada de passer du statut de colonie à celui de dominion indépendant, puis à celui d’État pleinement indépendant, tout en préservant nos institutions et nos traditions de démocratie parlementaire et, bien sûr, la primauté du droit.
[Français]
La Loi constitutionnelle de 1982, qui figure en annexe à la Loi de 1982 sur le Canada, institutionnalise la Charte canadienne des droits et libertés, confirme les droits des peuples autochtones du Canada et renferme des engagements des gouvernements quant à la promotion de l’égalité des chances de tous les Canadiens.
La partie V de cette loi établit les procédures de modification constitutionnelle.
[Traduction]
Pour ceux d’entre nous qui ne sont pas des experts constitutionnels — et je m’inclus dans ce groupe —, il existe cinq procédures d’amendement. Deux d’entre elles ont été largement diffusées : la procédure normale et la procédure de consentement unanime.
La procédure normale, en vertu de l’article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982, exige l’autorisation de cette Chambre et de la Chambre des communes et d’au moins 7 des 10 assemblées législatives provinciales représentant 50 % de la population provinciale. Juste une seule modification constitutionnelle a été apportée dans le cadre de cette procédure 7/50, et c’était en 1983, pour renforcer les droits des peuples autochtones en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
La procédure de consentement unanime est énoncée à l’article 41 et elle s’applique à un nombre limité de sujets. Elle requiert l’approbation des deux Chambres fédérales ainsi que des dix assemblées provinciales. L’accord du lac Meech et l’accord de Charlottetown étaient des propositions constitutionnelles soumises à cette norme rigoureuse.
[Français]
En plus de ces deux procédures multilatérales, il y a deux procédures unilatérales à portée limitée.
Le Parlement peut, en vertu de l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, modifier la Constitution du Canada en ce qui a trait aux pouvoirs exécutifs fédéraux, au Sénat ou à la Chambre des communes, sous réserve des procédures multilatérales qui protègent les caractéristiques fondamentales de ces institutions.
[Traduction]
ChaquC’est ainsi que le Parlement a modifié, en 1985 et en 2011, l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant la représentation à la Chambre. C’est également ainsi que le Parlement, en adoptant la Loi constitutionnelle de 1999, a ajouté un sénateur pour représenter le territoire du Nunavut.
e assemblée législative peut, en vertu de l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982, modifier la constitution de sa province à condition que, ce faisant, elle ne porte pas atteinte aux dispositions fondamentales, comme l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba, qui protègent les droits linguistiques.
Nous en arrivons maintenant à la procédure bilatérale de modification constitutionnelle. C’est cette procédure que l’Assemblée législative de la Saskatchewan a invoquée, et elle est énoncée à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général autorisée par des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée.
C’est clairement le cas ici. La disposition qui devait être modifiée, l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan, ne s’applique qu’à la Saskatchewan, et l’Assemblée législative de la province concernée, l’Assemblée législative de la Saskatchewan, a autorisé la modification, c’est-à-dire l’abrogation de l’article 24.
[Français]
La version française de l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 parle de l’autorisation de l’assemblée législative de chaque province concernée. Le mot « concernée » signifie qu’il faut obtenir l’autorisation de l’assemblée législative de la province à laquelle s’applique la modification.
[Traduction]
Les Canadiens qui se souviennent des longs débats sur les accords du lac Meech et de Charlottetown, lesquels étaient soumis à la procédure du consentement unanime, seront peut-être surpris d’apprendre que la procédure bilatérale de modification constitutionnelle a produit pas moins de sept modifications constitutionnelles. Je sais que cela ne surprend pas le comité. Quatre d’entre elles concernaient Terre-Neuve-et-Labrador. L’une d’entre elles a changé le nom de la province pour inclure le « Labrador » en 2001, et trois ont modifié les dispositions relatives aux écoles confessionnelles des conditions de l’union en 1987, en 1997 et en 1998. L’une d’entre elles a été faite à la demande du Québec et concerne également les dispositions relatives aux écoles confessionnelles afin d’en supprimer l’application de manière à favoriser l’organisation des commissions scolaires selon des critères linguistiques. Cela s’est produit en 1997. Une autre modification a été apportée à la demande du Nouveau-Brunswick en 1993. Elle a ajouté l’article 16.1 à la Charte canadienne des droits et libertés, et a donc reconnu constitutionnellement l’égalité des communautés linguistiques anglaise et française dans cette province. L’une d’entre elles a été faite à la demande de l’Île-du-Prince-Édouard, en 1993, pour supprimer l’obligation, dans les conditions de l’union, pour le Canada de maintenir un service de traversier, ce qui a facilité la substitution et la construction du pont de la Confédération vers le continent.
La présidente : Madame Othmer, puis-je vous demander de conclure vos remarques, s’il vous plaît?
Mme Othmer : Absolument.
Ces modifications ont toutes les mêmes points en commun. Chacune d’entre elles a modifié des dispositions de la Constitution du Canada qui ne s’appliquaient pas à toutes les provinces. Chaque modification elle-même ne s’appliquait qu’à une seule province, et chaque modification a été initiée par l’assemblée législative provinciale avant d’être envisagée par les chambres fédérales. Enfin, chaque modification a modernisé certains aspects de la Constitution et démontré la coopération fédérale-provinciale.
La présidente : Merci beaucoup.
Sénateurs et sénatrices, nous sommes très chanceux aujourd’hui de recevoir les témoins du deuxième groupe également. Je vais vous les présenter maintenant. Nous allons les entendre, puis nous aurons plus de temps pour nous adresser à chacun d’entre eux.
Nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable Gordon Wyant, ministre de la Justice et procureur général de la Saskatchewan. Il est accompagné de Michelle Lang, sa cheffe de cabinet. Nous sommes aussi heureux de recevoir Merrilee Rasmussen, de Rasmussen & Co., Barristers and Solicitors, qui nous fournira également des renseignements sur cette question. Sénateurs et sénatrices, je tiens à vous dire que le procureur général a accepté notre invitation avec enthousiasme, et nous sommes heureux qu’il soit ici. Je vais vous demander de présenter votre exposé maintenant, monsieur Wyant.
Gordon S. Wyant, ministre de la Justice et procureur général, gouvernement de la Saskatchewan : Merci beaucoup, madame la présidente et honorables sénateurs, de me fournir cette occasion. C’est un grand plaisir pour moi d’être invité à m’adresser au comité aujourd’hui.
Je m’adresse à vous depuis la ville de Regina, dans le territoire du Traité no 4 et la patrie traditionnelle des Métis.
Je remercie les autres témoins des commentaires qu’ils ont présentés jusqu’ici.
Au nom de la population et du gouvernement de la Saskatchewan, je demande respectueusement au comité de recommander l’abrogation de l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan conformément au pouvoir de modification constitutionnelle du Sénat prévu à l’article 43 de la Loi constitutionnelle.
Cette question revêt une grande importance pour la population de la Saskatchewan, comme en témoigne le vote unanime de notre assemblée législative. L’article 24 est une relique d’une époque révolue. S’il est appliqué, il restreint les pouvoirs d’imposition de la population de la Saskatchewan et confère un avantage concurrentiel important à l’une des entreprises les plus prospères et les plus rentables du Canada, le Chemin de fer Canadien Pacifique. Cela signifierait que les habitants de la Saskatchewan auraient moins d’autonomie constitutionnelle que les Canadiens de la plupart des autres provinces.
Selon nous, l’article 24 est une mauvaise politique fiscale. Il signifierait qu’une société commerciale est un resquilleur, qui a le droit de profiter de tous les services et de toutes les infrastructures de la Saskatchewan, mais qui n’est pas tenu de payer sa juste part d’impôts. L’équité fiscale signifie que tous les résidants et toutes les sociétés commerciales paient leur juste part : les agriculteurs qui dépendent du CP pour expédier leurs céréales et importer des aliments pour animaux, les parents monoparentaux, les jeunes couples qui démarrent dans la vie, les néo-Canadiens qui commencent leur vie dans notre grand pays et les retraités à revenu fixe, mais pas le CP. Il dit qu’il n’a pas à payer sa juste part. À notre avis, c’est une gifle pour les habitants de la Saskatchewan qui paient leur juste part.
La position du CP est aussi directement contraire à la politique de transport du gouvernement fédéral. La Loi sur les transports au Canada reconnaît que la concurrence est essentielle dans le secteur des transports. Pourtant, le CP affirme qu’il bénéficie d’un congé fiscal perpétuel, contrairement à d’autres entreprises dans le secteur des transports, comme le Canadien National, Air Canada et WestJet, qui doivent payer des taxes, notamment sur le carburant. Si tel est le cas, il s’agit d’un avantage concurrentiel important.
Il n’y a aucun préjudice pour le CP si l’exemption est officiellement abrogée. Il n’y a aucun changement au statu quo. Le CP a payé toutes les taxes applicables en Saskatchewan depuis la création de la province, en 1905. De plus, nous soutenons que le CP a accepté l’abolition de l’exemption en 1966, comme nous l’avons indiqué dans notre mémoire écrit.
Cependant, l’application de l’exemption causerait un préjudice important à la population de la Saskatchewan. Le montant réclamé par le CP s’élève à au moins 341 millions de dollars. Si le CP obtient cette exemption, alors la population de la Saskatchewan devra compenser ce montant. Avec notre population d’un peu plus d’un million d’habitants, cela représenterait une augmentation d’impôt moyenne de 340 $ pour chaque résidant de la province.
Si l’article 24 reste en vigueur, la Saskatchewan aurait moins de pouvoirs constitutionnels que la plupart des autres provinces, et une grande société commerciale serait exonérée d’impôt. Les pouvoirs fiscaux de la Saskatchewan ne devraient pas dépendre de la date à laquelle notre province s’est jointe à la Confédération. À notre avis, il est temps d’abroger l’article 24.
Je veux profiter de l’occasion pour remercier les fonctionnaires du ministère de la Justice de la Saskatchewan de leurs excellents conseils, de leur orientation et de leur soutien à la population de cette province.
Je vous remercie d’avoir lu notre mémoire et d’avoir écouté mes observations aujourd’hui. Je serai certainement heureux de répondre aux questions du comité. Merci beaucoup, madame la présidente.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Wyant.
Merrilee Rasmussen, avocate, Rasmussen & Co., Barristers and Solicitors : Je tiens à remercier le comité de m’avoir invitée à me présenter devant vous aujourd’hui pour vous parler et vous donner un aperçu de mes antécédents par rapport à cette question et vous expliquer pourquoi j’ai reçu votre invitation.
Je suis avocate en pratique privée, tant en Saskatchewan qu’au Nunavut. J’ai commencé ma carrière juridique en rédigeant des lois et, pendant près de 15 ans, j’ai été conseillère législative et auxiliaire juridique à l’Assemblée législative de la Saskatchewan. J’ai également été membre de l’unité constitutionnelle de la Saskatchewan en 1992 et j’ai participé aux négociations de Charlottetown, dont il a été question plus tôt. De plus, j’ai participé à la préparation du texte juridique de l’accord de Charlottetown et à d’autres questions de rédaction dans un contexte fédéral. Dans ma pratique privée, j’ai également travaillé pour de nombreuses entités gouvernementales provinciales et territoriales en Saskatchewan et au Nunavut et pour de nombreux gouvernements autochtones en Saskatchewan.
En particulier, mon rôle dans la proposition d’abrogation de l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan a commencé au début des années 1990, alors que je travaillais comme conseillère constitutionnelle au ministère des Affaires intergouvernementales de la Saskatchewan. À l’époque, M. Howard Leeson était sous-ministre, et il a abordé la question de l’article 24 avec moi. Nous avons préparé à l’époque une proposition de résolution, mais elle n’a pas été reprise par le gouvernement de l’époque. Je suppose que la raison de cela, c’est que, comme l’a souligné le ministre Wyant, la question de l’imposition du CP ne posait aucun problème pratique, car le CP avait payé des impôts depuis que la Saskatchewan était devenue une province en 1905.
M. Leeson était aussi sous-ministre au début des années 1980, et il a participé de près aux négociations constitutionnelles qui ont mené au rapatriement de la Constitution du Canada en 1982. Comme nous l’avons entendu, ce processus de rapatriement comprenait la formule d’amendement qui a été si bien décrite par le témoin du ministère de la Justice. Bien sûr, comme cette modification ne touche qu’une seule province, soit la Saskatchewan, le changement ne nécessite que l’approbation de la l’Assemblée législative de la Saskatchewan, de la Chambre des communes et du Sénat au Parlement. L’adoption de cette formule d’amendement particulière a facilité la suppression de l’article 24, qui était une question de grand intérêt pour M. Leeson au début des années 1980, car il représente une inégalité entre les provinces en matière de compétence et d’impôt. Pourquoi le gouvernement de la Saskatchewan ne disposerait-il pas de la même compétence que les provinces de l’Est pour imposer et percevoir des recettes au profit de ses résidants?
La rédaction de l’amendement particulier visant à abroger l’article 24 n’est pas compliquée. Nos efforts se sont donc concentrés sur la préparation des attendus de la résolution. Dans le cadre de notre élaboration de ces clauses précédant la résolution d’abrogation, nous avons voulu fournir le contexte de l’amendement proposé. En ce sens, nous nous sommes concentrés sur l’inégalité des compétences fiscales entre les provinces.
Les attendus de la résolution qui vous est présentée aujourd’hui vont toutefois au-delà de l’inégalité sur laquelle nous nous sommes concentrés. Ils exposent aussi brièvement les faits historiques qui ont mené à l’inclusion de l’article 24 dans la Loi sur la Saskatchewan et soulignent l’injustice d’accorder l’exemption fiscale à une grande société, augmentant ainsi le fardeau fiscal des autres entreprises et des particuliers de la province.
La résolution qui vous est présentée indique également que la modification doit être rétroactive au 29 août 1966. Nous n’avons pas tenu compte de la rétroactivité, parce que nous avons initialement préparé la résolution il y a environ 30 ans, lorsque cette question ne se posait pas. M. Leeson nous informe également que la question de la rétroactivité n’a jamais été abordée dans les négociations qui ont mené à ce qui est devenu la Loi constitutionnelle de 1982. Je crois comprendre, d’après la décision de la Cour fédérale concernant le litige entre le CP et le gouvernement du Canada, que la date à laquelle cette modification est déclarée rétroactive est la date à laquelle la province a soutenu que le CP a accepté de renoncer à l’exemption d’impôt à laquelle l’article 24 fait référence.
Comme il est indiqué dans les attendus de la résolution qui vous est présentée aujourd’hui, le CP a en fait payé ces taxes ou des montants équivalents aux taxes qui auraient été exigées à la Province de la Saskatchewan depuis la création de la province en 1905. Ainsi, bien que la modification qui vous est présentée aujourd’hui change le pouvoir constitutionnel d’imposition de la province, elle ne change pas la réalité pratique.
Des lois rétroactives sont couramment adoptées par le Parlement et toutes les assemblées législatives du Canada, mais la Loi sur la Saskatchewan, comme nous le savons, n’est pas qu’un simple texte de loi. Il s’agit d’un document constitutionnel. Or, la rétroactivité incluse ici confirme simplement en droit ce qui a toujours été le cas.
La Saskatchewan devrait être habilitée à prendre ses propres décisions au sujet des politiques fiscales au sein de la province, et c’est ce que le retrait de l’article 24 permettra d’accomplir. Comme le ministre l’a souligné, cette résolution a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée législative de la Saskatchewan, et les résolutions unanimes dans une assemblée législative ne sont pas chose courante.
La présidente : Madame Rasmussen, puis-je vous demander de conclure, s’il vous plaît?
Me Rasmussen : Oui, j’ai juste un dernier commentaire à faire, madame la présidente.
La présidente : Certainement.
Me Rasmussen : L’approbation par le Sénat de cette résolution est la dernière étape pour permettre la publication d’une proclamation visant à modifier la constitution de la Saskatchewan et à mettre la province sur un pied d’égalité avec les autres provinces de la fédération.
Je vous remercie d’avoir fait preuve d’indulgence en m’écoutant aujourd’hui.
La présidente : Merci beaucoup d’avoir pris le temps d’être avec nous. Merci.
Sénateurs et sénatrices, nous allons maintenant passer aux questions. Si vous avez des questions pour le ministère, pourriez-vous s’il vous plaît les poser en premier? Monsieur Vandergrift et madame Othmer, devez-vous partir avant 14 heures?
M. Vandergrift : Madame la présidente, je ne vois pas d’inconvénient à rester jusqu’à la période de 14 heures afin que le comité puisse fonctionner comme il le souhaite.
La présidente : Merci. Étant donné que nous avons mélangé les groupes de témoins, sénateurs et sénatrices, vous aurez jusqu’à sept minutes pour poser vos questions.
Le sénateur Cotter : Merci à tous les témoins qui ont assisté à la réunion.
C’est un peu comme une semaine en Saskatchewan, à la maison, si je peux dire. Quatre ou cinq des sénateurs de la Saskatchewan sont présents aux délibérations, et je voulais souhaiter la bienvenue au ministre Wyant, à Mme Lang et à Mme Rasmussen, que je connais pour les avoir vus dans d’autres films, et les remercier.
J’ai deux questions, du moins pour ce tour-ci, si vous me le permettez, madame la présidente. La première s’adresse à M. Vandergrift. Elle ne concerne pas directement la Saskatchewan, mais a une application plus large. Je pense que vous conviendrez de ces trois propositions : premièrement, il s’agit d’une disposition constitutionnelle inhabituelle, en fait, une disposition de construction de la nation, initialement en 1880, et ensuite introduite dans la Loi sur la Saskatchewan en 1905; deuxièmement, elle a été mise en place unilatéralement par le gouvernement du Canada; et troisièmement, le gouvernement du Canada, dans l’une ou l’autre des chambres fédérales ou dans les deux, pourrait apporter la modification dans d’autres administrations, c’est-à-dire le Manitoba et l’Alberta, ainsi qu’en Saskatchewan.
Ma question est en fait de savoir si le pouvoir exécutif du gouvernement fédéral est ouvert et enclin — dans le cadre d’un autre exercice de construction de la nation — à l’idée d’aller de l’avant avec des résolutions non seulement en ce qui concerne la Saskatchewan, mais aussi l’Alberta et le Manitoba, afin que l’on puisse mettre derrière nous cette anomalie historique et ce degré d’injustice envers les trois provinces des Prairies.
M. Vandergrift : Merci, honorable sénateur.
Vous avez raison de souligner que cette disposition existe également dans les lois fondatrices de l’Alberta et du Manitoba. Nous avons communiqué de façon informelle avec des collègues de ces provinces pour entamer des discussions à cet égard.
Nous préférons que les modifications de cette nature proviennent de l’assemblée législative de la province à laquelle la disposition constitutionnelle s’applique. Je crois que Nancy Othmer, du ministère de la Justice, a dit que cela a été le cas pour toutes les modifications bilatérales précédentes utilisant cette formule. Nous croyons que la meilleure façon d’aborder la question serait que les assemblées législatives de ces provinces indiquent leur désir d’aller de l’avant, et le gouvernement du Canada y accorderait certainement toute son attention, comme il l’a fait dans le cas présent, et j’imagine que les deux Chambres du Parlement le feraient également. Nous sommes d’avis, en utilisant cette formule bilatérale, que la meilleure façon d’aller de l’avant serait en fait que l’assemblée législative à laquelle elle s’applique indique d’abord qu’il est important de retirer la disposition de la Constitution puisqu’elle s’applique exclusivement à elle.
Madame la présidente, si cela vous convient, j’inviterais les collègues du ministère de la Justice à ajouter d’autres éléments contextuels.
Warren J. Newman, avocat général principal, Droit public, ministère de la Justice du Canada : J’ajouterais un commentaire du ministère de la Justice. Merci, monsieur le sous-ministre, pour l’« ouverture », pour ainsi dire.
Il est vrai que chaque modification bilatérale de la Constitution en vertu de l’article 43 qui a été apportée depuis 1982 conformément à cette procédure a d’abord été faite par une résolution de la province concernée par la modification. Cependant, cela n’exclut pas la possibilité de discussions préalables pour coordonner l’introduction de modifications et le libellé des modifications afin que le gouvernement et les deux Chambres ne soient pas nécessairement mis devant le fait accompli. Étant donné qu’il s’agit d’une procédure bilatérale et non pas unilatérale, idéalement, nous devons discuter à l’avance pour nous assurer d’être tous sur la même longueur d’onde concernant le type de modification qui sera présenté. Heureusement, toutes les modifications à ce jour, y compris la proposition à l’étude devant le comité, ont été conformes à notre compréhension de ce que la Constitution exige. Je vous remercie.
Le sénateur Cotter : Si vous me permettez de poursuivre, madame la présidente, ma deuxième question s’adresse au ministre Wyant, mais d’abord, je tiens à vous remercier, maître Newman — je suis heureux de vous revoir — de votre approbation de la qualité de la rédaction assurée par les gens de la Saskatchewan ici présents.
Ma question, monsieur Wyant, concerne la résolution proposée. Il est envisagé qu’elle soit rétroactive à 1966. Pouvez-vous dire pourquoi 1966 est la date choisie pour sa rétroactivité? Je pense qu’il est juste de dire qu’il n’y a pas de contestation sur la capacité des gouvernements de mettre en place des modifications constitutionnelles rétroactives et que cela s’est produit auparavant, mais pourquoi 1966?
M. Wyant : Merci beaucoup, sénateur Cotter, de poser la question.
En effet, un certain nombre de modifications constitutionnelles rétroactives ont été apportées, comme vous l’avez mentionné. La date que nous avons choisie en 1966 correspond à la date d’une lettre entre le ministre des Transports de l’époque et le président du CP, dans laquelle il était indiqué qu’un certain nombre de changements réglementaires avaient été apportés à la politique des transports dans le pays et que, en échange, le CP avait fait savoir qu’il était prêt à renoncer à l’exemption. Je pense que cette lettre faisait partie de notre mémoire. C’est pour cette raison que la date a été choisie.
Le sénateur Cotter : Merci.
La sénatrice Batters : Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui. Je porte mon chandail vert de la Saskatchewan juste pour l’occasion.
C’est merveilleux de voir le ministre de la Justice. Je suis sûre que c’est le bureau dans lequel j’ai passé beaucoup de temps lorsque j’étais chef de cabinet de son prédécesseur, M. Don Morgan. Je suis ravie de vous voir ici aujourd’hui.
Je suis également ravie d’entendre la référence à M. Leeson. Il était mon professeur de sciences politiques de troisième année à l’Université de Regina, il y a de nombreuses années. Nous avons fait une simulation de l’accord du lac Meech. C’est agréable d’entendre son nom aujourd’hui.
Monsieur Wyant, j’aimerais commencer par vous. Je vous suis reconnaissante d’avoir souligné dans votre mémoire que cette modification constitutionnelle est tout à fait conforme au rôle du Sénat, qui joue un rôle essentiel pour protéger les régions du Canada. Je considère toujours cette tâche comme l’une des parties les plus essentielles de mon rôle, soit de faire valoir les préoccupations des gens de la Saskatchewan. À ce titre, essayer d’aider la Saskatchewan à bénéficier de l’équité fiscale ici — en particulier, avec 350 millions de dollars — est une tâche importante à cet égard. Monsieur le ministre, pourriez-vous s’il vous plaît expliquer pourquoi cette modification est essentielle pour que notre région de la Saskatchewan soit traitée équitablement en tant que partenaire à part entière de la Confédération?
M. Wyant : Merci beaucoup, sénatrice Batters, de poser la question.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous pensons que la disposition dans la Loi sur la Saskatchewan est un vestige d’une époque révolue. Il y a en place au pays une politique moderne des transports. Nous croyons que la Province de la Saskatchewan devrait être pleinement et officiellement habilitée à imposer le CP comme elle le fait relativement à toute autre société qui exerce des activités dans la province. Certainement, le CP profite de l’infrastructure de la Saskatchewan. Ses employés tirent profit de programmes qui sont offerts, comme les soins de santé, l’éducation et les services sociaux, et nous croyons donc que, en tant que partenaire à part entière de la Confédération, la Province de la Saskatchewan devrait avoir droit à ces recettes fiscales et ne pas être pénalisée simplement en raison de la date à laquelle nous sommes devenus une province du pays. Compte tenu de l’importance historique du chemin de fer pour l’ensemble de l’Ouest, et du fait que le chemin de fer et ses employés profitent d’un certain nombre de politiques et de programmes dans la province de la Saskatchewan, nous croyons qu’ils devraient payer leur juste part.
En tant que province exportatrice, la Saskatchewan compte vraiment sur le chemin de fer, mais pour que l’on puisse s’assurer que la province est traitée comme un partenaire à part entière, nous croyons que les politiques fiscales de la province devraient être conformes et égales aux politiques fiscales des autres provinces en ce qui concerne le chemin de fer. Nous croyons que c’est le cas pour l’Alberta et pour le Manitoba. Je tiens à souligner que nous avons communiqué avec le Manitoba et l’Alberta pour les informer de ce que nous allions faire. Nous laissons à ces provinces le soin de décider comment elles vont relever leurs défis respectifs dans ce domaine.
Nous croyons, compte tenu du fait que l’exemption a été accordée et que la Province de la Saskatchewan n’a pas eu son mot à dire dans la rédaction de la Loi sur la Saskatchewan lorsqu’elle a été proposée en 1905, qu’il s’agit d’une occasion de corriger ce que nous estimons être une erreur historique et, au final, de traiter la Saskatchewan comme un partenaire à part entière dans ce pays.
La sénatrice Batters : Merci.
Je veux passer aux fonctionnaires fédéraux pour dire que le gouvernement de la Saskatchewan n’est pas partie au contrat du CP dont il est question ici. À ce titre, la modification de cette partie particulière de la Constitution, qui ne concerne que la Saskatchewan, est le seul moyen de permettre à cette dernière d’éliminer cette restriction majeure de ses pouvoirs d’imposition. Je m’adresse aux fonctionnaires fédéraux : le gouvernement du Canada adopte-t-il la position du gouvernement de la Saskatchewan selon laquelle un contrat de droit privé ne peut être utilisé pour bloquer le pouvoir d’une province d’entreprendre une modification constitutionnelle pour atteindre l’égalité avec les provinces originales de la Confédération et la Colombie-Britannique?
Me Newman : Je vais parler de façon un peu plus générale. La Constitution est la loi suprême du pays, et les procédures de modification de la Partie V sont une expression de la souveraineté du peuple canadien, comme la Cour suprême l’a dit, agissant par l’intermédiaire de ses représentants, à l’échelon tant fédéral que provincial. Il existe un ensemble exhaustif — ou du moins complet — de procédures de modification, et il est certain que cette résolution particulière relève, selon notre analyse, de l’article 43 et des procédures de la Partie V, comme Mme Othmer l’a déjà expliqué.
Pour ce qui est de savoir si un contrat peut lier des acteurs constitutionnels à l’avenir, ce n’est certainement pas notre position. Dans une modification constitutionnelle précédente concernant Terre-Neuve, il y a eu un litige. J’ai défendu la position du procureur général du Canada dans cette affaire — qui s’est déroulée devant les tribunaux de Terre-Neuve — où l’on soutenait qu’il y avait eu un accord sur les conditions de l’union à Terre-Neuve et que cet accord était perpétuel et ne pouvait être annulé. On a soutenu que les conditions de l’union concernant les dispositions sur les écoles confessionnelles dans la province étaient de la nature d’un contrat dans ce cas particulier.
Les tribunaux de Terre-Neuve et, en particulier, la Cour d’appel ont carrément mis de côté cet argument et essentiellement dit que la Constitution est la loi suprême. Chaque contrat, bien sûr, doit être interprété conformément à la loi dans ses versions successives et, dans ce cas particulier, conformément à la loi suprême. Certes, la modification constitutionnelle a été maintenue malgré l’allégation selon laquelle il existait un engagement contractuel qui ne pouvait pas être modifié de cette manière. Cette affaire, soit dit en passant, s’appelle Hogan c. Nfld. (A.G.), (2000) 189 Nfld. & P.E.I.R. 183 (NFCA), et la décision a été rendue en 2000 par la Cour d’appel de Terre-Neuve. L’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada a été refusée.
La sénatrice Batters : Merci.
J’ai une question rapide...
La présidente : Madame la sénatrice Batters, puis-je vous inscrire pour le deuxième tour?
La sénatrice Batters : Oui. Absolument.
La sénatrice Wallin : Je suis sûre que de nombreuses personnes qui se joignent à nous à distance aujourd’hui se demandent pourquoi nous sommes tous ici. Il n’y a aucun doute sur la rétroactivité et le droit constitutionnel de procéder à la reconnaissance rétroactive. D’après tout ce que j’ai entendu aujourd’hui, je pense que l’on s’entend pour dire qu’il s’agit d’un acte discriminatoire et que les habitants de la Saskatchewan sont limités dans leur capacité d’imposer une entreprise rentable, sans oublier que nous ne voudrions pas procurer un avantage commercial à une entreprise plutôt qu’à une autre.
Je m’adresse aux fonctionnaires fédéraux : y a-t-il quelque chose ici qui impose une quelconque restriction de votre point de vue?
Au ministre Wyant, la menace du CP de vouloir percevoir rétroactivement ou rembourser des taxes est-elle un danger réel et présent dans le cas qui nous occupe?
M. Wyant : Madame la sénatrice Wallin, je pourrais peut-être passer en premier et répondre à votre question.
Comme vous le savez peut-être, le CP et le gouvernement de la Saskatchewan sont actuellement en litige sur cette question. Les défis que cela a présentés ont certainement été mis en évidence lorsque ce litige a été entamé. Le litige est en cours; je ne vais pas le commenter directement. Certes, c’est la pression qui a été exercée sur la Province de la Saskatchewan pour qu’elle s’efforce de régler cette question, ou à tout le moins, du point de vue constitutionnel, pour faire éliminer l’exemption. C’est aux tribunaux qu’il appartiendra de déterminer comment cela sera réglé au cours du litige. Mais il est certain que c’était important pour nous, compte tenu du litige en cours et de la menace qui pesait sur la province de la Saskatchewan en ce qui concerne le remboursement de l’argent qui a été versé.
Je pense qu’un certain nombre d’intervenants ont fait remarquer qu’il n’y a pas de préjudice réel pour le CP. Il paie des impôts depuis 1905, alors nous ne voyons pas le préjudice pour le CP, mais cela dit, il y a une pression considérable sur la province de la Saskatchewan en ce qui concerne la question, advenant que le CP ait gain de cause dans le litige.
La sénatrice Wallin : Merci d’avoir présenté ce contexte important. Y a-t-il quelqu’un du côté fédéral qui veut faire des commentaires?
Mme Othmer : Sénatrice Wallin, je peux confirmer que c’est la position du gouvernement du Canada et, en particulier, celle du ministre de la Justice et procureur général du Canada, le ministre Lametti, que, après avoir pris en considération nos conseils, le gouvernement estime que la modification constitutionnelle proposée s’inscrit parfaitement dans la formule de modification bilatérale et ne soulève aucune difficulté ou préoccupation juridique à cet égard. C’est la même procédure que celle que nous avons utilisée pour adopter sept modifications bilatérales précédentes, et nous y sommes favorables.
La sénatrice Wallin : Et le ministère fédéral de la Justice ne craint pas que cette décision, si elle est approuvée par le Sénat, soit en quelque sorte perçue comme une ingérence dans le processus judiciaire touchant le CP?
Mme Othmer : Pas du tout.
Le sénateur Arnot : Bonjour à tous et merci au ministre Wyant d’être présent ici aujourd’hui — je vous en suis reconnaissant — et certainement à Mme Lang et à Mme Rasmussen.
Monsieur le ministre Wyant, dans les délibérations de la Chambre des communes, Jack Pickersgill, alors ministre des Transports, a dit en septembre 1966 que ce que le CP faisait, c’est-à-dire accepter de renoncer à l’exemption perpétuelle, était juste, raisonnable et dans l’intérêt public, et il a ajouté plus tard dans ces mêmes débats qu’il s’agissait d’un bel exemple de responsabilité sociale des entreprises canadiennes. Pensez-vous que le public canadien verra ce que le CP fait aujourd’hui devant les tribunaux comme un mauvais exemple de responsabilité sociale des entreprises canadiennes dans notre contexte moderne?
M. Wyant : Sénateur Arnot, merci beaucoup de poser la question. C’est difficile pour moi de répondre précisément à cette question.
Je dirais que les habitants de la Saskatchewan considéreraient certainement que la situation actuelle est assez difficile pour la province — comme je l’ai déjà mentionné, il est question d’un passif de plus de 341 millions de dollars. Comme je l’ai dit plus tôt, l’engagement de renoncer à l’exemption n’a pas été pris sans réflexion. Je veux dire que certains changements ont été apportés au régime de réglementation de l’époque, ce qui a motivé la promesse de renoncer à l’exemption.
Du point de vue de la province assurément, la possibilité de modifier la constitution dans l’espoir d’éliminer la demande pour les contribuables de la Saskatchewan serait considérée comme une très bonne chose, et je pense que le consentement unanime de notre assemblée législative en est un exemple. Je ne vais pas me prononcer sur la bonne ou la mauvaise foi du Chemin de fer Canadien Pacifique. Il est certain qu’il s’agit d’un partenaire très important de la province de la Saskatchewan pour ce qui est du transport des marchandises hors de cette province. Comme vous le savez, puisque je viens de la province, nous sommes une économie d’exportation, donc la relation que nous entretenons avec nos partenaires des transports, y compris le CP, est très importante. Mais je sais que, du point de vue de la Saskatchewan, l’élimination de l’exemption serait considérée comme très populaire par les habitants de la province.
Le sénateur Arnot : Monsieur le ministre, lorsque vous regardez la correspondance entre Ian Sinclair et Jack Pickersgill, n’est-il pas clair qu’il n’y a aucune ambiguïté et qu’il y avait clairement un accord dans l’esprit de Sinclair pour renoncer à l’exemption à perpétuité afin d’obtenir la capacité de fixer les taux de fret dans l’Ouest du Canada, ou au Canada, en fait?
Aussi, il est clair que le CP et le gouvernement du Canada ont tous deux obtenu ce qu’ils voulaient, parce que Pickersgill voulait vraiment mettre fin à l’exemption. Il l’a décrite comme n’étant pas souhaitable. J’utiliserais le mot « inadmissible » dans la septième décennie du XXe siècle, et le fait de s’en occuper maintenant dans la troisième décennie du XXIe siècle est vraiment une anomalie.
Est-il clair pour vous qu’il n’y a aucune ambiguïté? Les deux parties ont obtenu ce qu’elles voulaient. La seule faille est que le gouvernement du Canada n’a pas saisi l’occasion de changer la Constitution après 1966 sur cette question.
M. Wyant : Je vous remercie encore une fois, sénateur Arnot, de cette question. De notre point de vue, il est clair qu’il y a un accord et qu’il est sans équivoque que le chemin de fer s’est engagé à renoncer à l’exemption en échange du changement réglementaire. C’est clair pour nous. C’est certainement notre position. Je ne peux pas expliquer pourquoi le gouvernement fédéral de l’époque n’est pas allé de l’avant avec la modification constitutionnelle, mais de toute évidence, le rapatriement de la Constitution de 1982 a fourni à la province de la Saskatchewan et à d’autres la possibilité d’apporter ces modifications constitutionnelles bilatérales, et c’est pourquoi nous le proposons aujourd’hui. Il est clair que notre position a été que cette lettre est sans équivoque en ce qui concerne l’accord qui a été conclu.
Le sénateur Arnot : Merci, madame la présidente. Je n’ai pas d’autres questions.
La présidente : Merci, sénateur Arnot, et nous passons maintenant au sénateur Boisvenu.
[Français]
Sénateur Boisvenu, merci infiniment de votre générosité. Le sénateur Boisvenu est vice-président du comité.
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup, madame la présidente. Il est tout à fait normal que mes collègues de la Saskatchewan aient le privilège de poser les premières questions, puisqu’ils sont les premiers concernés.
D’abord, je tiens à remercier les témoins qui comparaissent devant nous ce matin. Ma question s’adresse au ministre Wyant. Vous avez affirmé plus tôt que le fait de ne pas adopter cette motion aurait un impact direct sur la population de votre province. Vous avez parlé d’un montant d’environ 360 $ par habitant. Je suis convaincu que les citoyens de l’Alberta et du Manitoba qui nous écoutent présentement se disent que l’impact serait le même pour eux.
Pouvez-vous nous expliquer, de façon pratique, la raison pour laquelle il y a peu de conséquences pour le Canadien Pacifique, alors que, pour les citoyens de votre province, l’impact est plus important?
[Traduction]
M. Wyant : Merci beaucoup de poser la question, monsieur le sénateur.
Comme je l’ai déjà mentionné, le CP paie ces taxes depuis 2005, de sorte que les répercussions sur le chemin de fer sont négligeables. Pour ce qui est de la province de la Saskatchewan, nous avons 1,1 million d’habitants dans la province, et 341 millions de dollars au minimum constitueraient un fardeau important pour notre économie. Nous devrions trouver un moyen de nous assurer que cela est réglé. Ce serait certainement un fardeau pour la Province de la Saskatchewan si le CP avait gain de cause dans son litige. Cela a toujours été notre position, et nous continuerons de défendre les intérêts de la population de la Saskatchewan dans le cadre de ce litige pour un certain nombre de raisons que nous avons exposées dans notre mémoire et qui ont été évoquées ici aujourd’hui, y compris la correspondance. Mais cela représenterait certainement un préjudice important pour les habitants de la Saskatchewan.
Comme je l’ai mentionné, j’ai communiqué avec les provinces du Manitoba et de l’Alberta. Je crois savoir — sans être au courant du litige ou des plaidoiries — que les montants dans ces provinces sont nettement inférieurs au fardeau que ressentirait la Province de la Saskatchewan. Comme vous le savez, la Province de l’Alberta n’a pas de taxe de vente provinciale, ce qui représente une part importante de la réclamation déposée contre la Province de la Saskatchewan. Comme je l’ai dit, bien que je ne sois pas au courant des montants, nous comprenons qu’ils sont nettement inférieurs au montant qui a été réclamé par le CP. Cependant, cela imposerait un fardeau important à la population de la Saskatchewan et à notre budget si nous étions jugés responsables du paiement de ce montant.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie de votre réponse.
Donc, vous nous dites que le CP est en cour présentement. Cette contestation est-elle au cœur de la motion?
[Traduction]
M. Wyant : Nous aimons diviser un peu la question. Il y a, d’une part, la disposition constitutionnelle, qui porte vraiment préjudice à la province de la Saskatchewan en ce qui concerne son imposition, et, d’autre part, le litige. Je ne dirai pas si cette modification règle officiellement la question ou non. Il y a des questions complexes relatives à la Constitution, au droit contractuel, au droit législatif et à l’équité qui pourraient encore être abordées par le tribunal. Je ne me prononcerai pas là-dessus. Mais le fait que cette question ait été soulevée à ce moment précis, comme je l’ai déjà mentionné, est dû au fait que le litige a mis en évidence le fardeau que la Province de la Saskatchewan devrait assumer à cet égard. C’est pourquoi elle a été présentée. Mais nous considérons certainement qu’il s’agit en réalité de deux choses distinctes : la Constitution, d’une part, qui est une relique de l’histoire et est injuste pour la Province de la Saskatchewan, et le litige, d’autre part.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J’aurais une dernière question. Si je comprends bien, vu du Québec, parce qu’on est peut-être un peu plus loin de ce dossier, cette motion avantagerait votre province pour ce qui est de trouver une solution rapide dans le conflit qu’il pourrait y avoir entre vous et le Canadien Pacifique?
[Traduction]
M. Wyant : Oui. En fin de compte, cela règle certainement la question de la disposition constitutionnelle, mais comme je l’ai dit auparavant, il peut y avoir d’autres dispositions contractuelles, des considérations législatives et équitables, que le tribunal devra prendre en considération après — et, espérons-le, quand — la Constitution sera modifiée. Par conséquent, je ne dirai pas sans équivoque que le litige est résolu par la modification de la Constitution. Nous pensons juste qu’il est temps de faire le point sur la Constitution.
Je pourrais aussi dire, monsieur le sénateur, que la relation entre la Province de la Saskatchewan et ses partenaires en matière de transport est très importante. Nonobstant le litige et la modification constitutionnelle, la position de la Province de la Saskatchewan est qu’elle continuera d’avoir des conversations avec ses partenaires du transport pour ce qui est des projets et des programmes visant à renforcer la capacité d’exportation de la province. Nonobstant le fait que la Constitution puisse changer et que le litige puisse être réglé à la suite de cette modification, cela ne compromet en rien le désir de la province de continuer de dialoguer avec des partenaires du transport concernant les programmes et les projets qui aideront à relever les défis en matière de transport auxquels la province fait face. Il est certain que, en tant qu’économie d’exportation, la province doit continuer d’entretenir ces relations.
Le sénateur Dalphond : Mes questions s’adresseront au ministère de la Justice, aux personnes responsables du dossier devant la Cour d’appel fédérale. À la suite du jugement rendu par la Cour fédérale le 29 septembre 2021, le Chemin de fer Canadien Pacifique a interjeté appel, mais, si j’ai bien compris, pas le gouvernement fédéral. J’ai quatre questions.
Premièrement : cela signifie-t-il que le gouvernement fédéral a l’intention de défendre le jugement rendu par la Cour fédérale? Dans ce jugement, le juge a conclu que, en 1966, l’accord entre le gouvernement fédéral et le CP visait à éliminer et à annuler les exemptions fiscales liées aux taxes locales et municipales et que la clause 16 était toujours en vigueur et prévoyait une exemption, non pas pour l’impôt sur le revenu, la taxe d’accise ou la taxe sur le carburant, mais seulement pour l’impôt sur le capital social.
Deuxièmement : êtes-vous d’avis que si la modification constitutionnelle est adoptée, le contrat sera modifié ou restera tel quel entre la Couronne fédérale et le Canadien Pacifique?
Troisièmement : si le contrat n’est pas modifié, avez-vous l’intention d’indemniser le Canadien Pacifique pour l’impôt sur le capital versé à la Saskatchewan, soit un montant de 4 millions de dollars, selon le mémoire de la Saskatchewan, comme l’a fait l’Agence du revenu du Canada relativement à l’impôt fédéral sur le capital, qui a été remboursé par la Couronne fédérale?
Quatrièmement : croyez-vous que la Saskatchewan est tenue d’accorder plus d’exemptions que ce que prévoit le contrat entre la Couronne et le CP? Autrement dit, si le jugement de la Cour fédérale est maintenu, cela signifie-t-il que nous ne parlons ici que de l’impôt sur le capital social, donc de 4 millions de dollars et non de 341 millions de dollars?
Merci.
Daniel Bourgeois, avocat général principal, Droit fiscal, ministère de la Justice du Canada : Je crois que je devrais répondre à ces questions. Je peux certainement répondre aux deux premières.
Tout d’abord, vous avez expliqué avec précision le jugement rendu par la Cour fédérale. La Couronne a eu entièrement gain de cause dans cette affaire, car la Cour a conclu que le recours Kingstreet — le recours constitutionnel — demandé n’était pas disponible parce que les instruments n’avaient pas un statut constitutionnel.
Vous avez expliqué avec précision comment le tribunal a délimité la portée de l’exemption en concluant que, parmi les trois taxes en cause — l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le carburant et l’impôt sur les grandes sociétés — l’impôt sur les grandes sociétés aurait été visé.
De plus, vous avez correctement expliqué les conclusions de la Cour fédérale en ce qui concerne les négociations durant la période de 1966. La Couronne avait fait valoir l’argument selon lequel, à la suite de tout l’échange de correspondance et des éléments de preuve contextuels, le tribunal devait conclure que les deux parties avaient l’intention de faire en sorte que le CP abandonne l’exemption fiscale dans son intégralité. La Cour fédérale n’a pas admis cet argument et a conclu que les éléments de preuve ne suffisaient pas pour démontrer l’intention d’abandonner l’exemption en ce qui concerne les taxes municipales.
J’ajouterais que l’argument de la Couronne était le suivant : même si les documents fournis à titre d’éléments de preuve mettaient l’accent sur les taxes municipales, qu’ils aient été fournis par le président Sinclair ou que les documents aient mis l’accent sur les taxes municipales ou non, ces taxes étaient les seules que le Chemin de fer Canadien Pacifique ne payait pas à ce moment-là.
C’est la décision qui a été rendue. Évidemment, comme nous avons réussi, nous ne pouvions pas porter en appel la décision. L’appel a été interjeté par le Chemin de fer Canadien Pacifique.
Pour ce qui est de la position de la Couronne quant au fait que ces conclusions concernent la portée de l’entente, si vous voulez, conclue en 1966, la Couronne présentera son mémoire en juin. Elle aura l’occasion de formuler des commentaires quant à ces conclusions. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous dire quel sera cet argument final.
Je crois que cela répond à votre première question. Je vais peut-être vous demander de m’aider en répétant le deuxième volet de votre question.
Le sénateur Dalphond : Pensez-vous que l’amendement constitutionnel, s’il est adopté, modifiera le contrat, ou est-ce que celui-ci restera tel quel?
Me Bourgeois : Cette procédure de modification constitutionnelle qui vise à abroger l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan n’aura pas d’incidence sur la procédure fédérale ni sur l’obligation contractuelle existante. Donc, non, ce processus n’aura pas d’incidence sur les arguments soulevés dans le cadre de la procédure devant la Cour fédérale.
Peut-être que mes collègues seront davantage en mesure de répondre aux troisième et quatrième volets de votre question. Je ne sais pas s’ils sont en mesure de le faire, ou s’il leur serait bénéfique que vous répétiez de quoi il s’agit.
La présidente : Monsieur le sénateur, puis-je vous inscrire au deuxième tour s’il vous plaît.
La sénatrice Clement : Je suis une de ces personnes qui sont en faveur de payer des taxes, et je l’ai fait savoir même lorsque j’occupais une charge élective. Je le crois vraiment. Le fait de payer des taxes est une bonne chose. Bon nombre de mes collègues et moi sommes d’avis que cela a beaucoup de sens. Actuellement, j’essaie de trouver le mauvais côté des choses, un peu comme madame la sénatrice Wallin le faisait. Dites-nous ce qui pourrait avoir des conséquences défavorables dans cette situation. Est-ce que le fait d’approuver la motion d’amendement aura une incidence sur notre réputation quant au fait de respecter nos engagements auprès d’entreprises? Est-ce que l’un d’entre vous peut expliquer en quoi cela pourrait avoir une incidence défavorable sur notre réputation au moment de faire des affaires?
M. Vandergrift : Madame la présidente, peut-être que je pourrais répondre à la question de la distinguée sénatrice. Nous avons étudié la question, et nous ne voyons vraiment aucun obstacle juridique ou constitutionnel. Comme l’a mentionné le ministre de la Justice et procureur général de la Saskatchewan, il s’agit d’un accord qui a été conclu il y a longtemps, à une autre époque. Des événements qui sont survenus militent en faveur d’une telle modification, notamment les événements survenus en 1966, et un échange de lettres qui a été mentionné plus tôt dans le témoignage. Si on tient compte de ces éléments et qu’on étudie l’affaire, on ne décèle aucun obstacle dans le cadre de la procédure, compte tenu de cet historique et des circonstances entourant cette situation.
[Français]
La sénatrice Clement : Merci.
La sénatrice Dupuis : Monsieur le ministre de la Saskatchewan, bienvenue au comité du Sénat du Canada. C’est extrêmement important que vous soyez ici. Je veux souligner que j’apprécie le fait que vous avez accepté de comparaître, parce que vous savez aussi bien que moi que l’intention du législateur est fondamentale.
J’ai deux questions pour vous. La première, je l’adresse à vous-même et aux représentants du ministère de la Justice.
Quelle interprétation faites-vous de l’article 43? On parle d’une formule d’amendement constitutionnel bilatérale, donc fédérale-provinciale. Dans la rédaction de l’article 43, comment interprétez-vous les dispositions applicables à certaines provinces seulement?
Si l’on regarde comment est rédigé l’article 43, on peut imaginer qu’il y a juste une province à laquelle il s’applique. On peut aussi imaginer qu’il s’applique à plusieurs provinces, à plus d’une province, mais pas à l’ensemble des provinces. Dans ce cas-ci, on a affaire à un contrat signé avec le CP par le gouvernement fédéral, qui visait à répondre à une exigence de la Colombie-Britannique et qui portait sur trois provinces.
Est-ce que je comprends bien que vous interprétez l’article 43 dans le sens où il s’applique uniquement à la Saskatchewan, et que c’est pour cette raison que vous instaurez aujourd’hui une résolution constitutionnelle?
Mon autre question s’adresse aux représentants du ministère de la Justice. Qu’est-ce qui fait que le ministère de la Justice considère que tout cela s’applique séparément à chacune des provinces, et non pas à 3 provinces sur 10, dans ce cas-ci le Manitoba à partir de 1881 et la Saskatchewan et l’Alberta à partir de 1905?
[Traduction]
M. Wyant : Madame la sénatrice, je vais tenter de répondre à cette question en mentionnant d’abord que, avant 1982, les provinces ne pouvaient pas se prévaloir des avantages prévus à l’article 43, et je crois qu’un certain nombre de témoins ont mentionné le fait que ceux-ci peuvent être utilisés lorsqu’un amendement demandé a une incidence sur au moins une province, mais pas toutes. Nous sommes heureux que cette disposition figure dans la Constitution; elle nous permet d’aller de l’avant.
Je ne suis pas certain que cela répond adéquatement à votre question, mais selon nous, la disposition d’exemption qui figure actuellement dans la Loi sur la Saskatchewan, laquelle est considérée comme un document constitutionnel dans le cadre de la constitution de notre province, n’est plus utile. Il s’agit d’une relique du passé, et elle ne devrait vraiment pas s’appliquer à ces provinces simplement en raison de la date à laquelle elles se sont jointes à la Confédération. Nous faisons face à une situation particulière dans la mesure où, lorsqu’il est question de la ligne principale, des taxes sont payées jusqu’à la frontière du Manitoba, mais le CP en est exempté au moment où le chemin de fer traverse le Manitoba jusqu’à ce qu’il atteigne le territoire qui était jadis la province du Manitoba, qui traverse et contourne la rivière Rouge, puis en est exempté jusqu’à la frontière de la Colombie-Britannique. Comme je l’ai dit, je ne suis pas sûr que cela répond vraiment à votre question, mais il est certain que l’amendement constitutionnel bilatéral permet à la Saskatchewan de porter la résolution à l’attention de notre assemblée législative, puis de l’envoyer au gouvernement fédéral, à la Chambre des communes, et par la suite au Sénat afin qu’elle soit étudiée. Je crois avoir mentionné plus tôt que la province de la Saskatchewan, ou les Territoires du Nord-Ouest, au moment où la Saskatchewan est devenue une province, en 1905, n’a été consultée que peu, voire pas du tout, au moment où la Loi de la Saskatchewan a été rédigée. C’est pour cette raison que nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une relique d’une autre époque, d’une situation différente datant de plus de 140 ans au moment où le contrat a été signé.
Je ne suis pas sûr, madame la sénatrice, que cela répond à votre question. Peut-être que quelqu’un du gouvernement fédéral pourrait avoir une réponse différente à vous donner.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Monsieur le ministre, cela va dans le sens de la deuxième question que je voulais vous poser. En fait, si je comprends bien, le gouvernement de la Saskatchewan a pris l’initiative de présenter cette résolution constitutionnelle parce que, depuis 1982, vous avez cette possibilité, mais surtout parce que le gouvernement fédéral, à aucun moment avant 1982 ni après 1982, n’a fait ce qu’il aurait pu faire. Le gouvernement fédéral, depuis 1982, aurait pu, lui aussi, proposer une résolution constitutionnelle qui aurait porté sur les trois provinces. Donc, si je comprends bien, vous intervenez aujourd’hui parce que le gouvernement fédéral ne l’a pas fait jusqu’ici?
[Traduction]
M. Wyant : En effet, madame la sénatrice. Nous ne savons pas vraiment pourquoi le gouvernement fédéral n’a pas effectué d’amendement avant 1982 vu les conversations qui se sont tenues en 1966. Je ne suis pas en mesure de formuler un commentaire à ce sujet, mais je peux dire que depuis le rapatriement de la Constitution, nous avons été en mesure d’aborder les dispositions que nous avons prises avec notre assemblée législative.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur le ministre.
Est-ce que le ministère de la Justice pourrait nous donner de l’information du point de vue du gouvernement du Canada? Pourquoi ne pas considérer qu’il s’agit d’un amendement qui porte sur trois provinces et, donc, avoir le consentement des trois provinces ou présenter une formule de résolution portant sur les trois provinces?
Me Newman : Vous avez raison de dire qu’il y a des dispositions semblables qui visent l’Alberta, le Manitoba, et qu’on pourrait donc avoir une vue d’ensemble. D’ailleurs, je pense que notre sous-ministre des Affaires intergouvernementales a dit que cela aurait peut-être été souhaitable de faire des concertations sur des modifications à cet égard.
Cependant, sur le plan juridique, il est clair et limpide pour nous que l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan est en soi une disposition applicable à certaines provinces seulement, voire à une seule province : la Saskatchewan.
Émettons l’hypothèse selon laquelle la province de la Saskatchewan souhaite procéder de cette manière-là, mais que le Manitoba ne le souhaite pas. Est-ce que, à ce moment-là, la Saskatchewan serait empêchée de modifier la Loi sur la Saskatchewan, parce qu’une autre province liée par une disposition semblable ne croit pas qu’il est opportun, à ce moment-ci, de modifier la Constitution?
Pour répondre plus directement...
[Traduction]
La présidente : Nous allons maintenant donner la parole à madame la sénatrice Pate.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’aimerais que le témoin puisse éventuellement terminer sa réponse tout à l’heure. Merci.
[Traduction]
La présidente : Nous allons laisser le témoin finir sa phrase.
[Français]
Me Newman : Pour nous, une disposition, c’est, comme je l’ai dit, l’article 24. Il est vrai que la clé d’entrée de l’article 43 est une disposition ou des dispositions qui s’appliquent à certaines provinces seulement. Pour fermer la voûte, si vous voulez, il faut passer par une résolution de l’assemblée législative de la province à laquelle la modification s’applique. Telle est l’interprétation du mot « concernée » qu’a donnée la Cour d’appel du Québec dans la décision Potter c. Québec (Procureur général) rendue en 2001 où, justement, une des prétentions était que, pour modifier l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, il fallait avoir l’accord de l’Ontario ou peut-être de six provinces. L’article 93 s’applique à l’ensemble de ces provinces, pas seulement au Québec. La Cour d’appel, à l’instar de la Cour supérieure, avait conclu alors que la modification constitutionnelle s’appliquerait uniquement à la province du Québec, et que l’Ontario n’était pas visé par cette modification. Merci.
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur Newman.
La sénatrice Pate : Je remercie les témoins de leur présence et de leur témoignage.
Ma question s’adresse au gouvernement de la Saskatchewan et au ministère de la Justice du Canada. Durant le débat à l’occasion de la deuxième lecture, le sénateur Cotter et le sénateur Arnot ont tous deux soulevé certains problèmes relatifs à la saisie de territoires non cédés des Premières Nations par le CFCP qui ont été fournis par le gouvernement fédéral à l’époque. Nous savons qu’à ce moment-là, un nombre élevé de personnes appartenant aux Premières Nations, soit environ 5 000, ont été expropriées de leur terre dans la région de Cypress Hills, en Saskatchewan, uniquement. On a effectué la plupart de ces expropriations notamment en retirant des rations et en pénalisant les Autochtones.
Ma question pour vous deux est la suivante : à la lumière du rôle que joue le gouvernement fédéral dans le cadre de la réconciliation, et à la lumière des traités et des engagements fédéraux envers la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, sans oublier les protections constitutionnelles déjà en place pour les Premières Nations et les principes établis par le gouvernement canadien dans le cadre de ses discussions et de sa relation avec les Autochtones, selon vous, quelle est l’incidence de cette modification sur les deux gouvernements, celui de la Saskatchewan et du gouvernement fédéral, au chapitre de la réconciliation?
La présidente : Madame la sénatrice Pate, à qui posez-vous la question?
La sénatrice Pate : Au ministre et au ministère de la Justice.
M. Wyant : Je ne suis pas vraiment préparé pour aborder les éléments de votre question aujourd’hui, mais je peux vous dire que pour ce qui est du gouvernement de la Saskatchewan, et à la lumière de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, nous avons dit publiquement appuyer les principes établis dans la DNUDPA. J’ai formulé moi-même ces commentaires à titre de procureur général de la province au moment d’exprimer notre engagement continu vers la réconciliation. Malheureusement, un certain nombre de choses que nous avons faites et que nous continuons de faire lorsqu’il est question de réconciliation, pas seulement au sein du ministère de la Justice, mais au sein de l’ensemble du gouvernement de la Saskatchewan, m’échappent. Notre engagement a été clair en ce qui concerne la question de la réconciliation, et le fait de s’assurer que nous remplissons nos obligations, pas seulement celles prévues dans le traité, mais aussi celles qui concernent les principes de la réconciliation. Je sais que cette réponse n’est sans doute pas très exhaustive à vos yeux, mais je peux exprimer, au nom du gouvernement de la Saskatchewan, notre engagement envers les principes prévus dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et envers les questions liées à la réconciliation.
Je ne suis pas en mesure d’aborder directement la question que vous avez soulevée concernant les personnes qui ont été expatriées de leur terre en raison de la construction du chemin de fer. Malheureusement, je ne peux que mentionner l’engagement du gouvernement envers la réconciliation et les principes prévus dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
La présidente : Madame la sénatrice Pate, qui aimeriez-vous entendre maintenant à ce sujet?
La sénatrice Pate : N’importe qui du ministère de la Justice qui croit pouvoir répondre. Il est évident que certaines discussions se sont tenues au sujet de redressements et d’indemnisation en raison de torts passés, donc je suis curieuse de savoir si cela a fait partie de la discussion d’une façon ou d’une autre.
Mme Othmer : Madame la sénatrice Pate, je vous remercie de la question. Elle est très importante.
Mes collègues du ministère travaillent d’arrache-pied afin de mettre en place un plan d’action en collaboration avec les Autochtones en raison de la déclaration. Dans le cadre de ce travail, nous nous pencherons sur certaines anomalies historiques. Je n’ai pas eu de conversation directe au sujet de cet amendement constitutionnel, mais si le Sénat devait approuver cette résolution, je suis sûre qu’elle serait ajoutée au travail que nous devrions faire afin d’aller de l’avant tout en respectant nos obligations. Je crois que nous avons deux ans pour effectuer ce travail. Selon moi, de ce point de vue, tout peut faire partie de ce plan d’action que nous tentons d’élaborer avec nos partenaires.
Le sénateur Campbell : Je n’ai pas de question; j’aimerais plutôt formuler un commentaire. Je ne sais pas s’il y a quoi que ce soit de plus canadien que le fait de prendre 50 ans pour arriver à cette décision. Il est évident que c’est la bonne. Il s’agit d’une anomalie historique, et elle illustre bien la patience des Canadiens. Merci beaucoup.
Le sénateur Harder : J’ai trois questions rapides pour le ministre.
Monsieur le ministre, merci de comparaître ici. Vous avez parlé de la résolution qui a été approuvée à l’unanimité par l’Assemblée législative de la Saskatchewan. Pourriez-vous nous dire combien de discours et de témoins ont été entendus avant que l’Assemblée législative de la Saskatchewan ne procède au vote?
M. Wyant : Oui, je suis heureux de répondre à cette question. J’ai déposé la résolution au nom du gouvernement de la Saskatchewan. J’ai abordé ce sujet, et un membre de l’opposition l’a fait aussi : M. Wotherspoon a parlé au nom de l’opposition. Aucun témoin n’a été appelé à comparaître à cet égard, mais les commentaires qui figurent dans le hansard concernant ce que M. Wotherspoon et moi-même avons dit appuyaient la résolution et son adoption. Donc, pour répondre à votre question, il n’y a eu aucun témoin, et deux personnes ont parlé au sujet de la résolution.
Le sénateur Harder : Merci beaucoup. Nous savons qu’on a tenu compte de l’étude approfondie de la province à la Chambre des communes. Il s’agit de la première séance que nous tenons avec des témoins à ce sujet.
Monsieur le ministre, vous avez parlé à quelques reprises, du fait que vous ne pouviez pas expliquer pourquoi le gouvernement du Canada n’avait pas pris des dispositions à ce sujet durant les négociations constitutionnelles. Ma question est la suivante : pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas pris des dispositions plus tôt? Je crois que M. Wall a été élu en 1982. Qu’est-ce qui a poussé le gouvernement de la Saskatchewan, depuis que M. Wall et M. Moe ont été élus premier ministre, à agir maintenant?
M. Wyant : Je vais voir si je peux répondre à cette question.
Le gouvernement du Parti de la Saskatchewan a été élu en 2007. Je ne peux pas parler de conversations avant cela. Cependant, je sais, comme l’a fait remarquer Me Rasmussen, qu’il y a eu des discussions au sein du ministère de la Justice avant que nous formions le gouvernement en Saskatchewan.
En ce qui concerne les motifs qui nous poussent à agir maintenant, il est certain — et j’ai fait un commentaire là-dessus — que le litige a mis en évidence la responsabilité de la province, de sorte que nous voulons prendre toutes les mesures que nous jugions nécessaires afin d’atténuer les difficultés que rencontrerait la Province de la Saskatchewan si elle était reconnue responsable du remboursement de ces taxes. Je sais que cette question a déjà été soulevée lors d’une discussion, mais avant que le litige ne soit commencé, la province de la Saskatchewan n’avait pas vraiment de problème. Le CP avait payé ses taxes. Nous avions utilisé ces taxes au profit de la population de cette province, aussi bien en matière d’infrastructure que de programmation, et donc, même s’il y avait eu quelques discussions, celles-ci n’avaient certainement pas la même orientation que lorsque le litige a été entamé.
Le sénateur Harder : Merci beaucoup.
Ma dernière question fait suite à la réponse de Me Bourgeois à la question du sénateur Dalphond, qui a parlé de la responsabilité contractuelle en cours qui pourrait survenir et qui laisse entendre que la responsabilité contractuelle sera beaucoup moins élevée que la responsabilité de 341 millions de dollars. Que répondez-vous à la réponse du ministère de la Justice concernant la question du sénateur Dalphond, qui laisse entendre que le contrat ne sera pas affecté par cet amendement à la Constitution et que la responsabilité est d’environ 10 % de celle que vous avancez?
M. Wyant : Merci encore, sénateur. Nous connaissons la demande contre la Province de la Saskatchewan, alors c’est la défense que nous présentons.
Il y a un bon nombre de choses, et j’ai fait un commentaire à ce sujet plus tôt. Il s’agit d’une situation très complexe, qui porte non seulement sur la Constitution, mais également sur les obligations contractuelles. La province de la Saskatchewan n’est pas concernée par ce contrat, mais il existe des défis d’ordre réglementaire et liés à l’équité, présumément, qui sont soulevés dans le cadre du litige et continueront de l’être.
L’approche adoptée par la province, et qui me paraît responsable, est de supposer que la responsabilité finale sera le chiffre le plus élevé parce que c’est celui qui aurait assurément l’effet le plus dramatique sur la province. Au bout du compte, le montant des dommages-intérêts, si le CP a gain de cause, sera fixé par le tribunal, et nous présenterons assurément les arguments nécessaires pour réduire au minimum l’exposition de la province.
Comme je l’ai dit précédemment, l’amendement constitutionnel est vraiment indépendant et n’a rien à voir avec le litige. Nous ne sommes pas convaincus que l’amendement constitutionnel réglera le litige. Je n’en suis pas persuadé. Au final, il reviendra au tribunal de décider en se fondant sur les déclarations des conseils respectifs.
Le sénateur Harder : Je vous remercie.
Le sénateur Quinn : Merci, madame la présidente et chers collègues, de me permettre d’être parmi vous aujourd’hui.
Mes questions ont en grande partie trouvé réponse, mais il me reste deux petites questions; d’abord, je voudrais revenir sur la question que la sénatrice Wallin et quelques autres ont posée concernant l’incidence de l’adoption de la résolution par le Sénat et l’impact qu’elle peut avoir ou non sur une affaire judiciaire. J’aimerais savoir — il faut répondre par « oui » ou par « non » — si l’adoption de la résolution nuira d’une quelconque façon? Arrêtera-t-elle la procédure judiciaire ou l’affectera-t-elle d’une quelconque manière? Je pose cette question aux fonctionnaires de la Justice et à la province également.
Me Bourgeois : Je peux parler très rapidement de l’incidence de l’abrogation de l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan concernant le litige fédéral. La Loi n’affectera pas ni n’influencera les procédures devant la Cour fédérale, qui portent uniquement sur une demande de recouvrement d’impôts fédéraux passés et non d’impôts de la Saskatchewan. Je vous remercie.
Le sénateur Quinn : J’ai une question complémentaire, mais le procureur général voudra peut-être commenter, s’il peut le faire.
M. Wyant : Merci beaucoup, sénateur, de la question.
Comme je l’ai mentionné avant, nous ne sommes pas convaincus de la portée que l’amendement constitutionnel aura. Je ne peux pas me prononcer sur l’effet qu’il aura sur le litige. Il est certain que la position de la province de la Saskatchewan est de continuer à défendre les intérêts de la province dans ce litige.
Comme je l’ai mentionné, il y a une sorte de convergence de questions qui se posent ici; il s’agit non pas seulement du droit contractuel, car des considérations d’ordre réglementaire et liées à l’équité doivent être examinées par les tribunaux. Nous ferons bien sûr des observations au tribunal concernant l’amendement si nous réussissons à convaincre le Sénat d’aller de l’avant, mais je ne peux pas affirmer que cela mettra simplement fin au litige.
En revanche, je peux vous dire, et je l’ai déjà dit auparavant, que la relation entre la province de la Saskatchewan et les sociétés de transport qui desservent notre économie se poursuivra. Nous continuerons d’avoir des discussions avec ces sociétés, notamment le CP, afin de déterminer les projets qui pourraient être avantageux pour la province de la Saskatchewan et les types d’engagements que cette dernière prendrait dans le cadre de ces projets afin d’aider à améliorer la capacité d’exportation de la province. Ces discussions se sont tenues tout au long du litige, et elles se poursuivront, peu importe la décision du tribunal, au bout du compte.
Le sénateur Quinn : Je vous remercie.
Je ne suis pas un avocat, alors j’aimerais un peu de précisions. Plus tôt, un collègue a dit quelque chose durant la discussion au sujet de la primauté de la Constitution. Si nous apportons un amendement à une constitution qui devient essentiel, alors comment cet amendement ne pourrait-il pas avoir une certaine influence sur la procédure principale?
M. Wyant : Nous pensons, sénateur, que cela aurait un certain effet sur le litige, mais nous ignorons lequel. Il est certain que c’est important pour la province de la Saskatchewan. J’ai commenté plus tôt la séparation entre la Constitution et les obligations que la province peut avoir ou non envers le CP. Selon nous, l’amendement constitutionnel est important pour veiller à ce que la Saskatchewan soit traitée comme un partenaire égal au sein de la Confédération par rapport à l’autorité fiscale face au CP. Au final, il appartiendra au tribunal de déterminer la responsabilité de la province, peu importe que la Constitution soit modifiée ou non.
Le sénateur Quinn : Merci.
Pour ma dernière question, je voudrais revenir sur les commentaires de la sénatrice Clement. Après avoir entendu dire qu’il pourrait avoir une certaine incidence, en quoi incombe-t-il au Parlement — dont le Sénat fait partie — de compromettre une procédure judiciaire en raison d’une décision que nous pourrions prendre aujourd’hui ou dans les semaines à venir? Il semble que cela nous mette dans une position délicate.
La présidente : Un membre du ministère de la Justice souhaite-t-il répondre à cette question?
Me Newman : Encore une fois, je vais simplement parler de manière générale de ce point précis du litige.
Les lois, en vertu du principe de la souveraineté parlementaire, mettent souvent fin aux litiges en raison du fait que le Parlement ou une assemblée législative provinciale a décidé de clarifier le droit dans ce domaine, et les choses s’arrêtent parfois là.
Dans ce cas particulier, nous parlons d’un amendement à la Constitution du Canada. Des témoins vous ont parlé plus tôt des amendements apportés à Terre-Neuve concernant les écoles confessionnelles. Il y a eu trois amendements. L’un de ces amendements a été apporté en 1997, et il s’agissait, une fois encore, d’une modification touchant une clause — la clause 17 — au sujet des écoles confessionnelles, et un litige est apparu à la suite de cet amendement. La province a fait marche arrière en 1998 et a proposé un autre amendement visant à abolir complètement les garanties, et cet amendement constitutionnel a été adopté tant par l’Assemblée législative provinciale que par les assemblées législatives fédérales. Il y a eu un litige subséquent sur ce point, et j’y ai également fait allusion. Le tribunal a confirmé la validité de l’amendement, si bien que ce n’est pas, en principe une ingérence dans la procédure judiciaire que d’apporter des amendements législatifs ou constitutionnels.
Vous avez votre rôle, et les tribunaux ont le leur, mais ces derniers prennent la loi comme ils la trouvent. La législation est parfois rétrospective ou rétroactive dans son application, et cela ne constitue pas une infraction à la règle de droit, sauf si vous créez une infraction criminelle rétroactivement; dans ce cas, il existe une garantie dans la Charte, interdisant cela.
La Cour suprême a clairement fait savoir que la souveraineté parlementaire reste un principe de notre cadre constitutionnel et que, par conséquent, si la législation est modifiée ou, comme dans le cas présent, que la Constitution est modifiée, cela produira des effets juridiques.
Le sénateur Gold : Je n’ai pas de questions à poser, mais je tiens à remercier le ministre et les fonctionnaires qui sont ici. Votre présence est vraiment utile au comité.
La sénatrice Batters : Tout d’abord, je voulais faire un bref commentaire sur ce que le sénateur Quinn vient de dire. C’est le rôle du Sénat — c’est le rôle du Parlement — de s’occuper de la Constitution. Nous siégeons en ce moment au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles...
La présidente : Sénatrice Batters, vous avez deux minutes.
La sénatrice Batters : D’accord.
... Afin de l’examiner et, en de rares occasions, de faire des amendements. C’est notre rôle en tant qu’organe législatif.
Monsieur le ministre Wyant, je veux juste que cette question soit parfaitement claire. Que va-t-il se passer si cet amendement constitutionnel — cette motion — est encore retardé ou, dans le pire des cas, n’est pas adopté au Sénat?
M. Wyant : Comme je l’ai mentionné précédemment, nous allons assurément continuer à défendre les intérêts de la province de la Saskatchewan concernant la plainte déposée par le CP. Dans la mesure où l’amendement constitutionnel peut avoir ou non un effet sur le litige, nous laisserons nos fonctionnaires de la justice et les avocats qui représentent les parties régler la question devant les tribunaux. Au bout du compte, cette question fera l’objet d’une décision judiciaire.
Cependant, nous estimons, madame la sénatrice, que l’amendement est important, non seulement d’un point de vue pratique, mais aussi pour une question de principe. J’ai fait ce commentaire à maintes reprises aujourd’hui : nous croyons que la Saskatchewan devrait être traitée comme un partenaire égal au sein de la Confédération en ce qui concerne son pouvoir de taxation, tout comme nous pensons que le Manitoba et l’Alberta, au bout du compte, devraient être traités. Nous nous attendons à ce qu’ils demandent le même allégement à un certain moment. Nous sommes tous des partenaires égaux.
Rappelez-vous qu’un certain nombre de choses se sont passées au fil des ans qui ont permis à la Saskatchewan d’avoir une voix plus égale. Nous avons eu l’Accord de transfert des ressources naturelles dans les années 1930, qui accordait à la Saskatchewan le contrôle de ses ressources naturelles. Cet accord était équitable. Selon nous, il est juste de redonner le pouvoir de taxation à la province. Il est injuste que l’exemption existe. Les choses ont changé — et je pense, comme cela a été mentionné par un bon nombre de témoins, que les choses ont changé de manière importante — au cours des 141 années qui se sont écoulées depuis la signature de cet accord. Nous avons fait référence à un certain nombre de choses.
Quant à la suite des choses, j’ai donné des directives au ministère de la Justice pour qu’il continue à se défendre dans le cadre du litige intenté par le chemin de fer, que la résolution soit adoptée ou non. Il s’agit vraiment de la dichotomie qui caractérise les questions en cause aujourd’hui, avec la Constitution d’un côté et le litige de l’autre.
La présidente : Sénateur Dalphond, vous disposez de deux minutes.
Le sénateur Dalphond : Pour les fonctionnaires du ministère de la Justice, il me reste deux questions qui n’ont pas obtenu de réponse. Je demanderais qu’ils m’envoient une réponse écrite qui sera déposée auprès du comité.
Mes questions s’adressent maintenant au procureur général de la Saskatchewan. Je suis d’accord avec le principe de départ, à savoir qu’à des fins fiscales, toutes les provinces devraient être égales. Ce principe pourrait justifier un amendement à la Constitution si la Saskatchewan cherche à abroger l’article 24. Toutefois, ce principe implique-t-il une rétroactivité? Pourquoi est-il nécessaire d’être égal pour le rendre rétroactif lorsqu’il y a un litige en cours?
M. Wyant : Je vous remercie de la question, sénateur.
Selon moi, la question de la rétroactivité — et j’en ai parlé — est fondée sur l’accord qui selon nous, était en place entre le CP et le gouvernement fédéral en 1966. Je ne vais pas commenter d’autres exemples de rétroactivité concernant la Constitution, à part le fait que quelques-uns ont été relevés, mais nous croyons que cela devrait être rétroactif...
Le sénateur Dalphond : Je suis désolé de vous interrompre, mais je n’ai que deux minutes. Selon vous, il y a un accord qui couvre cela. La Cour fédérale a statué contre vous.
M. Wyant : Nous avons un point de vue différent. Nous pensons que, d’après la lettre, il y a eu un accord.
L’autre élément sur lequel nous fonderons nos arguments au cours du litige, c’est le fait que le CP paie la taxe depuis 1905, ce qui montre simplement, à nos yeux, qu’il croit avoir la responsabilité de soutenir les programmes et l’infrastructure que la province de la Saskatchewan fournit à tous ses résidants, dont les employés du Chemin de fer Canadien Pacifique. Voilà la position que nous continuerons d’adopter tout au long de l’évolution de ce litige.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci encore une fois à nos invités. Surtout, merci au ministre d’être parmi nous ce matin.
Maître Bourgeois, j’ai une question relativement simple. Pouvez-vous nous expliquer quelle serait la différence, sur le plan des obligations du transporteur, entre la fiscalité municipale, provinciale et fédérale après l’adoption de cette motion?
Me Bourgeois : Je veux bien comprendre votre question. Pouvez-vous la répéter, s’il vous plaît?
Le sénateur Boisvenu : Cette motion aura-t-elle un impact sur les obligations du transporteur? Aura-t-elle un impact sur le plan de la fiscalité municipale, provinciale et fédérale, ou si c’est seulement la province de la Saskatchewan qui subira un impact?
Me Bourgeois : Cela aura un impact uniquement sur la possibilité de la Saskatchewan de légiférer pour imposer le Canadien Pacifique sur ce qui serait, autrement, conforme à ce qui se trouve à l’article 16. Cela n’aura aucun impact sur les impôts fédéraux.
Le sénateur Boisvenu : Ou municipaux.
Me Bourgeois : Pour ce qui est des taxes municipales, si vous vous référez au jugement, vous allez voir que ce que la cour a dit, c’est qu’en 1966, il y a eu une entente selon laquelle le Canadien Pacifique a volontairement commencé à payer des taxes municipales — il s’agit en fait de subventions plutôt que de taxes municipales. Cette question a donc été réglée, et je pense que tout le monde est d’accord pour dire qu’elle a été réglée en 1966.
Ce que cette modification constitutionnelle va permettre de faire, c’est que ce qui sera désormais payé par le Canadien Pacifique à la Saskatchewan sera véritablement des taxes municipales, et non une subvention en lieu et place de taxes.
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente : Maître Rasmussen, vous n’avez pas eu l’occasion de répondre à des questions, et j’aimerais vous accorder quelques minutes. Je suis désolée de vous mettre dans l’embarras, mais si vous souhaitez ajouter quelque chose à cette discussion, je vous en serais reconnaissante.
Me Rasmussen : Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. Je ne crois pas que je puisse ajouter quelque chose d’utile à ce qui a déjà été dit. Le ministre Wyant a répondu de manière complète à toutes les questions qui ont été posées.
Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, je me suis engagée dans cette affaire parce que j’ai pris conscience, il y a de nombreuses années, avant le litige et alors que le CP payait volontairement des taxes, d’une question qui était peut-être perçue à l’époque comme un peu théorique. Elle n’était peut-être pas aussi théorique que l’on aurait pu le penser à ce moment-là. Il aurait peut-être été préférable de présenter cette résolution en 1982, peu de temps après l’existence de cette possibilité, mais, comme le ministre l’a dit, certains événements permettent de mettre l’accent sur la question et d’attirer l’attention sur ce que l’on doit faire.
Le point principal ici est que la Saskatchewan devrait pouvoir avoir sa propre politique fiscale, fondée sur des considérations importantes pour sa population. Aucune personne ni société ne devrait être exemptée de payer des impôts à la province.
Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs.
La présidente : Je vous remercie d’être ici et de prendre part à notre discussion. Nous apprécions beaucoup votre temps.
Chers collègues, avant de terminer, je tiens à remercier les interprètes qui ont fait un travail extraordinaire qui nous a permis de poursuivre cette séance aujourd’hui. Encore une fois, ils nous ont vraiment aidés, et je les remercie.
Monsieur le ministre, je souhaite vous remercier. Votre enthousiasme à l’égard de notre invitation a été très touchant. Vous avez été presque la première personne à accepter, et cela représente beaucoup pour notre comité.
M. Wyant : Merci.
La présidente : Aux fonctionnaires du Conseil privé, monsieur Vandergrift, madame Othmer et tous les autres, je vous remercie de votre présence.
Comme vous pouvez le constater, il y a beaucoup d’intérêt pour la question au Sénat, et le fait que nous y ayons consacré une séance du comité devrait vous montrer que nous sommes très intéressés par cette question. Nous allons poursuivre nos discussions cet après-midi. Je suis contrainte de m’arrêter maintenant, car nous n’avons pas l’autorisation du Sénat de siéger plus longtemps.
Je vous remercie, sénatrices et sénateurs. Nous vous verrons plus tard cet après-midi.
(La séance est levée.)