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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 29 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner la teneur des éléments des sections 29, 30, 35, 36, 43 et 44 de la partie 4, et des sous-sections B et C de la section 34 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je m’appelle Mobina Jaffer et je suis sénatrice de la Colombie-Britannique et présidente de ce comité. J’invite mes collègues à se présenter, en commençant par la vice-présidente, à ma gauche.

La sénatrice Batters : Sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Sénateur P. J. Prosper, de la Nouvelle-Écosse, territoire mi’kma’ki.

La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simons, de l’Alberta. Je viens du territoire visé par le Traité no 6.

Le sénateur Cotter : Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La présidente : Bienvenue à notre comité, monsieur le ministre. C’est probablement une de mes dernières séances, alors c’est bien de voir deux Ougandais présents ici aujourd’hui : le ministre et moi-même.

Avant de commencer, je demanderais à tous les sénateurs et aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir consulter les fiches disposées sur la table. Vous y trouverez les consignes à suivre pour prévenir tout incident de rétroaction acoustique.

Veuillez prendre note des précautions suivantes destinées à protéger la santé et la sécurité de tous les participants, dont les interprètes. Assoyez-vous de manière à garder la plus grande distance entre les microphones. Servez-vous uniquement d’une oreillette noire approuvée, les anciennes de couleur grise étant désormais proscrites. Gardez-la loin du microphone en tout temps. Lorsque vous ne vous en servez pas, déposez-la face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cette fin.

Chers collègues, mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie de votre collaboration.

Chers collègues, comme vous le savez, nous nous réunissons pour poursuivre notre étude de la teneur des éléments des sections 29, 30, 35, 36, 43 et 44 de la partie 4 et des sous-sections B et C de la section 34 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

Comme premier groupe de témoins, j’ai le plaisir d’accueillir l’honorable Arif Virani, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada. C’est un réel plaisir de vous accueillir à nouveau, monsieur le ministre. Vous êtes accompagné de fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada : Me Shalene Curtis-Micallef, sous-ministre et sous-procureure générale du Canada; Me Sandro Giammaria, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal; Me Anna Dekker, avocate-conseil et directrice adjointe, Section des affaires judiciaires; Me Erin Cassidy, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal; Me Kenyatta Hawthorne, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal; Me Daniel Bourgeois, avocat général principal, Portefeuille des services du droit fiscal; Me Joanna Wells, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal; et Me Marie-Josée Poirier, conseillère juridique, Section des affaires judiciaires. Bienvenue à vous tous et toutes également. C’est un plaisir de vous recevoir.

Chers collègues, puis-je vous demander respectueusement de réserver vos questions aux fonctionnaires pour le deuxième tour? Pour ce premier tour si vous le pouvez, veuillez adresser vos questions au ministre, car le temps est toujours limité.

Monsieur le ministre Virani, nous allons commencer par votre déclaration préliminaire. Vous avez la parole pour 10 minutes dès que vous êtes prêt. Bienvenue, monsieur le ministre.

L’hon. Arif Virani, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : C’est un insigne honneur non seulement de comparaître à nouveau devant ce comité, mais aussi de vous avoir à la présidence. Je tiens à souligner que vous avez consacré plus de 20 années à cette éminente institution et à vous souhaiter une retraite aussi formidable que bien méritée. Merci de tout ce que vous avez fait pour notre pays. C’est un honneur pour moi de m’adresser à une compatriote ougandaise occupant ce fauteuil.

Je suis ici pour parler des questions qui se rapportent à la justice dans la Loi d’exécution du budget et, plus précisément, des mesures rapides et énergiques que nous prenons pour lutter contre le vol de véhicules.

Nos initiatives portent en particulier sur les vols qui sont commis avec violence ou qui sont liés au crime organisé, ainsi que sur le blanchiment d’argent.

[Français]

J’ai également l’intention de souligner certains changements liés à l’utilisation des ressources judiciaires et des mesures visant à soutenir un système de justice fiscal équitable et accessible à tous et à toutes.

[Traduction]

Nous savons qu’un véhicule est volé toutes les cinq minutes au Canada. C’est clairement un problème majeur pour nos collectivités.

Le gouvernement est déterminé à agir pour assurer la sécurité des Canadiens et de leurs biens. C’est pourquoi nous incluons dans la Loi d’exécution du budget un certain nombre de mesures propres à lutter efficacement contre le vol de véhicules. Nous savons que les profits qui en découlent servent à financer le crime organisé, notamment la traite des personnes, le trafic de drogues et le trafic d’armes.

Au cours des derniers mois, le gouvernement a entendu les doléances et les problèmes soulevés par les provinces et les territoires, les forces de l’ordre et les secteurs de l’automobile et de l’assurance.

C’est pourquoi nous avons convoqué en février dernier le Sommet national pour lutter contre le vol de véhicules. Nos engagements à cette fin figurent dans le Plan d’action national de lutte contre le vol de véhicules, que nous avons rendu public récemment et qui s’appuie sur cet important travail.

[Français]

Bien que le Code criminel contienne déjà des mesures robustes pour lutter contre le vol de véhicules, il est possible d’en faire plus. C’est pourquoi le gouvernement propose des modifications législatives qui fourniraient aux forces de l’ordre et aux procureurs des outils supplémentaires conçus pour lutter contre les vols de véhicules violents et contre les réseaux criminels complexes souvent impliqués dans le vol de véhicules.

[Traduction]

Les modifications proposées comprennent cinq mesures :

Premièrement, deux nouveaux actes criminels visant le vol de véhicules et ses liens avec la violence et le crime organisé, passibles d’un emprisonnement maximal de 14 ans.

Deuxièmement, deux nouvelles infractions pour possession ou distribution d’un dispositif permettant de commettre un vol de véhicule, passibles d’un emprisonnement maximal de 10 ans.

Troisièmement, une infraction de recyclage des produits de la criminalité au profit d’une organisation criminelle, passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans.

Quatrièmement, une nouvelle circonstance aggravante applicable à la détermination de la peine lorsqu’un contrevenant adulte amène une jeune personne à prendre part à la perpétration du crime.

Cinquièmement, des dispositions visant à rendre les mandats d’écoute électronique et les ordonnances de prélèvement génétique applicables au vol de véhicules.

[Français]

Ces modifications aideront les forces de l’ordre à enquêter et à arrêter les personnes impliquées dans des vols violents de véhicules et à examiner leurs liens avec les réseaux criminels complexes.

[Traduction]

Nos policiers auront ainsi une meilleure chance d’intervenir avant que des vols ne soient commis, en décelant des préparatifs comme la possession et la distribution de dispositifs technologiques qui facilitent le vol de véhicules.

[Français]

Les mesures fourniraient également aux tribunaux une direction claire pour imposer des sanctions plus sévères pour le vol de véhicules lorsque c’est approprié et protégeraient les jeunes pour éviter qu’ils soient utilisés par des groupes criminels organisés pour commettre des vols de véhicules et d’autres crimes.

[Traduction]

Ces modifications vont frapper le crime organisé là où cela fait mal, en s’en prenant à l’argent que lui rapporte le vol de véhicules. Elles établissent en effet l’infraction de recyclage des produits de la criminalité au profit d’une organisation criminelle. Ces produits comprennent ceux provenant du vol de véhicules.

[Français]

Cette nouvelle infraction de recyclage des produits de la criminalité est l’une des nombreuses mesures législatives annoncées par le gouvernement dans le budget de 2024 pour lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le contournement des sanctions. Le gouvernement a également apporté des modifications au Code criminel et à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

[Traduction]

Les réformes proposées au Code criminel dans la Loi d’exécution du budget comprennent :

Premièrement, une nouvelle ordonnance autorisant le maintien d’un compte ouvert ou actif pendant une période limitée, à la disposition des forces de l’ordre suivant une autorisation judiciaire préalable, pour appuyer une enquête sur une infraction criminelle. Cette mesure préviendrait la perte d’éléments de preuve en empêchant pendant un temps un fournisseur de services financiers de fermer un compte soupçonné d’être lié à une activité criminelle.

Deuxièmement, une nouvelle ordonnance de communication, à la disposition de forces de l’ordre suivant une autorisation judiciaire préalable, qui obligerait une personne à produire des documents ou des données précis à des dates préétablies pendant la durée de l’ordonnance. Cette mesure faciliterait les enquêtes criminelles en prévoyant la production en temps opportun de documents ou de données récents et pertinents.

Les changements supplémentaires prévus dans le projet de loi C-59 faciliteront également les enquêtes et les poursuites en matière de blanchiment d’argent. Le projet de loi C-59 est l’énoncé économique d’automne du gouvernement. On vise ici des choses comme les tiers et les comptes qui détiennent des actifs numériques.

[Français]

Ces mesures reflètent les points de vue des parties prenantes qui ont été exprimés lors des consultations qui ont été menées sur le renforcement du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, qui ont eu lieu pendant l’été 2023. De nombreux intervenants ont indiqué au gouvernement que de nouveaux outils d’enquête étaient nécessaires pour aider les forces de l’ordre à répondre aux crimes graves, notamment le blanchiment d’argent.

Les intervenants ont également souligné l’importance des droits protégés par la Charte. Ces mesures contiennent des garanties importantes telles que l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable, des délais et la possibilité de contester l’ordonnance.

[Traduction]

Ces modifications répondent également à une recommandation du rapport final de la commission d’enquête sur le blanchiment d’argent en Colombie-Britannique — votre province, madame la présidente —, mieux connue sous le nom de commission Cullen, qui parlait d’établir un mécanisme pour garder des comptes ouverts aux fins des enquêtes criminelles.

Le budget de 2024 annonçait aussi des modifications à la Loi sur les juges afin de renforcer l’effectif de la magistrature. Ces modifications ont pour effet de faire passer 17 postes de juge des tribunaux unifiés de la famille à nos cours supérieures.

Le gouvernement continue d’appuyer les tribunaux unifiés de la famille comme recours judiciaire pour les familles canadiennes, mais la réaffectation de ces 17 postes permettra d’absorber la charge de travail dans les cours supérieures, y compris possiblement dans les dossiers du droit de la famille.

Je suis déterminé à régler le problème de l’arriéré judiciaire au Canada. J’ai nommé 113 juges au cours des 10 premiers mois de mon mandat, un rythme de nominations absolument sans précédent dans l’histoire du Canada, qui éclipse tout total annuel de nominations effectuées par un ancien ministre de la Justice — conservateur ou libéral. Je continuerai de faire diligence pour doter les cours supérieures de tout le pays d’un effectif de juges de grande qualité qui soit à l’image de la diversité du Canada.

Je tiens à signaler aussi un petit changement apporté à la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, par lequel la cour pourra autoriser une personne morale, dans des circonstances particulières, à se faire représenter par une personne autre qu’un avocat si cette personne fait partie de son organisation, comme un gestionnaire ou un employé.

Bien que cela ne figure pas dans la Loi d’exécution du budget, je veux parler des sommes que le gouvernement investit dans l’aide juridique dans son budget de 2024. Assurer aux Canadiens l’égalité d’accès à la justice fait partie intégrante d’une société juste et équitable. Je regarde la sénatrice Clement parce que je sais qu’elle a une vaste expérience dans ce domaine. Donc, dans le budget de 2024, nous investissons sur une période de cinq ans 440 millions de dollars dans l’aide juridique en matière pénale et 273,7 millions de dollars dans l’aide juridique aux immigrants et aux réfugiés. Cela fait en tout 710 millions de dollars en cinq ans pour les deux catégories d’investissements dans l’aide juridique.

En matière pénale surtout, ces investissements favoriseront l’accès à la justice pour les Canadiens qui sont incapables de payer les services d’un avocat, notamment parmi les Autochtones, les Noirs et les autres communautés racisées qui sont surreprésentés dans le système de justice pénale. Ils aideront aussi à réduire l’arriéré judiciaire. Les plaideurs non représentés ou mal représentés causent des retards dans l’appareil judiciaire. En leur offrant le soutien et la représentation dont ils ont besoin, nous les aidons à obtenir un règlement plus rapide de leur cause.

[Français]

J’ai hâte de répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Nous passons maintenant aux questions. J’en ai deux à vous poser. Monsieur le ministre, vous avez dit que vous alliez transférer 17 postes de juge des tribunaux unifiés de la famille aux cours supérieures de première instance afin d’améliorer l’accès à la justice pour les Canadiens. Cela m’inquiète parce que, si je comprends bien, vous allez dégarnir des tribunaux unifiés au profit des cours supérieures. L’idée était que les tribunaux unifiés seraient plus accessibles et moins coûteux. Je comprends que l’Alberta ait choisi de renoncer à ces postes, mais la situation n’en est pas moins troublante.

M. Virani : Je suis d’accord avec vous. C’est une situation troublante. Lorsque nous avons attribué 17 postes de juge destinés à des tribunaux unifiés de la famille en Alberta en 2018, nous nous attendions à une forte participation dans cette province, comme ce fut le cas dans beaucoup d’autres. Les provinces qui adhèrent au système des tribunaux unifiés de la famille sont l’Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan et le Manitoba.

L’Alberta a eu six ans pour se prévaloir de ces postes. Mon prédécesseur en a fait la demande à maintes reprises, tant oralement que par écrit. J’ai demandé personnellement au ministre Amery, oralement et par écrit, s’il allait s’en servir. Ces postes sont en grande demande dans quelques-unes des autres provinces, alors nous avons l’intention de prendre les montants déjà alloués pour 17 postes de juge et les attribuer, y compris dans le contexte des tribunaux unifiés de la famille, aux provinces qui veulent s’en servir pour assurer l’accès à la justice.

La présidente : Merci, monsieur le ministre, de cette explication. Pourquoi les modifications au Code criminel concernant le grave problème des vols de véhicules à moteur dont vous avez parlé sont-elles incluses dans le projet de loi d’exécution du budget au lieu de faire l’objet d’une loi distincte? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet? D’après mon expérience, il est très difficile d’étudier une question en particulier dans un projet de loi d’exécution du budget. Cela ne se prête pas à une étude aussi exhaustive que dans un projet de loi distinct.

M. Virani : Madame la présidente, je vous remercie de la question. Il y a deux aspects à considérer. D’abord, une des mesures ciblées que nous prenons pour réprimer le vol d’automobiles est l’utilisation d’instruments financiers, car nous nous sommes rendu compte que l’époque où les adolescents faisaient des balades en voiture volée est révolue. Nous avons maintenant une criminalité organisée qui est orchestrée au Canada et parfois à l’étranger, et nous devons nous y attaquer énergiquement, notamment au moyen des dispositions sur le recyclage des produits de la criminalité qui figurent dans le projet de loi C-59 et dans le budget.

Ensuite, pourquoi est-ce dans le budget et non dans une loi distincte? Je vous dirais — et il vaudrait peut-être mieux poser la question aux quelques députés assis à cette table qui font partie d’un caucus, c’est-à-dire vos collègues conservateurs — combien il est difficile d’adopter un projet de loi à la Chambre des communes. Lorsque nous faisons face à une crise nationale comme le vol d’automobiles, nous travaillons au rythme soutenu que les Canadiens s’attendent que nous suivions. L’inclusion de ces mesures dans la Loi d’exécution du budget nous permet de les faire adopter plus rapidement que nous ne pourrions le faire autrement à cause des tactiques d’obstruction que nous voyons de nos jours à la Chambre des communes, notamment de la part de l’opposition officielle de Sa Majesté.

C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, mais nous n’allons pas tarder à nous attaquer à ce problème urgent et à répondre aux besoins de sécurité communautaire dont les Canadiens nous ont fait part d’un océan aux deux autres.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour cette explication très détaillée.

La sénatrice Batters : Merci. Monsieur le ministre, cette semaine, la Police régionale de Peel a rendu publics les résultats du projet Odyssey, une enquête qui a duré sept mois et mené à 26 arrestations, 322 accusations et 10 nouveaux mandats d’arrestation pour vol d’automobiles. Quatorze des 26 personnes arrêtées étaient déjà en liberté sous caution dans des affaires de vol d’automobiles et huit d’entre elles ont déjà été libérées dans la semaine même. Exaspéré, le chef de police de Peel a déclaré : « Nous constatons que les mêmes personnes continuent de victimiser notre collectivité. »

Après neuf ans de laxisme des lois pénales du gouvernement Trudeau, les vols de voitures au Canada ont augmenté de 34 % : de 300 % à Toronto, 100 % à Montréal, 100 % dans la région d’Ottawa-Gatineau, 120 % au Nouveau-Brunswick, 122 % en Ontario et 59 % au Québec.

Monsieur le ministre, ne reconnaissez-vous pas que les actions du gouvernement libéral ont aggravé cette situation épouvantable avec les mesures que vous avez présentées dans votre projet de loi C-75? Le principe de retenue dans le projet de loi C-75 stipulait que toute décision sur la mise en liberté d’un accusé devait viser sa mise en liberté le plus tôt possible, aux conditions les moins sévères possible.

M. Virani : Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice Batters, je rejette à peu près tout ce que vous venez de dire.

Tout d’abord, si la police de Peel a pu procéder à des centaines d’arrestations et porter des centaines d’accusations, c’est en partie grâce aux investissements que nous avons faits dans la répression des armes à feu et des gangs, et contre lesquels, disons-le franchement, votre parti a voté. C’est 121 millions de dollars. Voilà pour le premier point.

Le deuxième point concerne les décisions individuelles sur la mise en liberté sous caution. Elles sont alignées sur les paramètres énoncés dans le Code criminel. Vous savez — pour avoir examiné le projet de loi ici même — qu’en vertu du projet de loi C-48, nous avons modifié les dispositions sur la réforme de la mise en liberté sous caution, notamment par l’inversion du fardeau de la preuve en matière de mise en liberté sous caution pour tout récidiviste violent en cas de crise grave. Aujourd’hui, quiconque utilise une arme à feu pour commettre un crime ou commet un vol à main armée avec violence est assujetti à l’inversion du fardeau de la preuve, ce qui rend plus difficile la mise en liberté sous caution.

Si une décision de mise en liberté sous caution est rendue par un juge de paix — ce n’est pas moi qui la prends, comme vous le savez très bien. Une décision rendue par un juge de paix de l’Ontario peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire de la mise en liberté sous caution. Je vous demanderais de poser certaines de ces questions aux procureurs de la Couronne locaux.

Enfin, en ce qui concerne le projet de loi C-75, en tant qu’avocat, je vous invite à réfléchir à votre propre formation ou peut-être à celle du sénateur Dalphond en tant qu’ancien juge. Lorsque vous codifiez la jurisprudence de la Cour suprême dans un projet de loi comme le C-75, vous ne faites que refléter l’état de la loi actuelle, comme l’a fait le projet de loi C-75.

Votre parti a insisté pour voter contre ce projet de loi, même s’il augmentait les peines pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour vol d’automobile. Je remets en question l’intégrité de votre engagement à l’égard du vol de voitures au sein de votre caucus, tout au moins.

La sénatrice Batters : Je vous remercie de cette explication d’avocat.

Monsieur le ministre, vous avez mentionné le projet de loi C-48 comme réponse aux préoccupations que j’ai soulevées au sujet du système de mise en liberté sous caution, mais le projet de loi C-48, contrairement à la façon dont vous vous êtes exprimé, a en fait donné une réponse minimale, malgré ce que les premiers ministres des provinces ont demandé. Elle se limitait à l’inversion du fardeau de la preuve, mais seulement pour certaines infractions, assortie de multiples conditions et situations.

Pourquoi n’avez-vous pas proposé depuis un projet de loi beaucoup plus complet qui tienne compte de ces préoccupations et qui réponde aux préoccupations concernant les voleurs d’automobiles? De plus, pourquoi, dans le projet de loi C-5 de votre gouvernement, avez-vous permis un recours accru aux peines d’emprisonnement avec sursis — la détention à domicile — pour vol d’automobiles?

M. Virani : Encore une fois, j’aimerais apporter quelques précisions.

Le projet de loi C-5 ciblait des choses comme les peines minimales obligatoires qui ont entraîné une surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans notre système pénal et notre système judiciaire. Si ce n’est pas une priorité pour vous et votre caucus, c’est tant pis.

Deuxièmement, en ce qui concerne les dispositions du projet de loi C-48, nous avons inversé le fardeau de la preuve pour les personnes qui ont commis à répétition des infractions graves avec violence. Nous avons notamment amélioré les dispositions concernant l’utilisation des armes à feu.

Pour votre gouverne, je soulignerais que la possession illégale d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée ou facile à charger, comme une arme qui pourrait être utilisée dans un détournement de voiture en plein jour à Toronto ou dans votre province de la Saskatchewan, déclenche l’inversion du fardeau de la preuve pour la mise en liberté sous caution.

Nous n’allons pas nous lancer dans certaines des choses qui ont été proposées de façon cavalière par le chef de votre caucus, c’est-à-dire essentiellement l’inversion de la présomption de mise en liberté sous caution qui est enchâssée à l’alinéa 11e) de la Charte par le recours à la disposition de dérogation. Cela n’a jamais été fait par un gouvernement fédéral ou par quelqu’un qui prétend assumer la direction d’un gouvernement fédéral. De notre côté de la Chambre, nous défendons la Charte, y compris tous les droits qu’elle garantit dont le droit à un cautionnement raisonnable en vertu de l’alinéa 11e).

[Français]

Le sénateur Dalphond : Ma question fait référence aux juges. Je comprends que, dans la Loi sur les juges, on a changé le nombre de juges flottants, soit ceux qui sont prévus pour chaque cour spécifiquement, et qu’on en a transféré un certain nombre du projet familial au projet général. Ma première question est la suivante : est-ce un signe qu’il y a un plafonnement dans l’unification en matière familiale? Le projet est commencé depuis longtemps. J’étais un jeune juge quand le projet a commencé il y a presque 30 ans.

Ma deuxième question est la suivante : ce sont des chiffres maximaux d’autorisation, mais combien y a-t-il de disponibilité dans le système? On a 58 juges possibles de plus pour la division familiale, mais il en reste combien dans les faits? Est-ce que le bassin est épuisé en partie?

M. Virani : Pour répondre à vos questions, à l’époque, lorsqu’on a créé le système, on a établi une allocation — je ne suis pas certain si j’utilise le bon mot — de 75 juges au total. En fait, 58 juges étaient déjà alloués aux provinces que j’ai mentionnées : l’Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan et le Manitoba. Les 17 qui restaient étaient ceux qui visaient ou ciblaient l’Alberta.

Après six ans, ils ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils n’étaient pas en mesure d’utiliser les juges pour une cour familiale unifiée comme telle. On a donc pris la décision de redistribuer ces juges au sein des cours supérieures partout au Canada, surtout dans les provinces qui souhaitaient avoir plus de juges pour les cours unifiées. Y a-t-il un plafond de 58 juges? Pas du tout. Il peut y avoir un maximum de 75 juges qui étaient déjà prévus, mais on garde toujours une flexibilité. Si une province dit qu’elle a besoin de quelques juges pour une cour familiale, mais qu’il y a aussi quelques juges sur la liste générale; on peut faire les deux en même temps avec les 17 juges qui restent.

Le sénateur Dalphond : Je comprends, selon votre réponse, que la province de l’Alberta n’a pas modifié sa Loi sur les tribunaux judiciaires pour créer les 17 postes en question. Par conséquent, après plusieurs années, le besoin n’est pas établi, alors que d’autres provinces ont modifié leur loi et sont en attente de nominations?

M. Virani : C’est exactement cela. Dès mon arrivée, j’ai eu plusieurs réunions avec mes homologues partout dans les autres provinces. On m’a dit à plusieurs reprises que s’il y a des juges qui ne sont pas utilisés par nos collègues dans l’Ouest du Canada, on peut les utiliser ici. Nous sommes toujours à l’écoute, surtout en Alberta. S’ils ont besoin d’aide avec d’autres types de juges, nous sommes à l’écoute également.

Le sénateur Dalphond : Mon autre question porte sur les nouvelles infractions en matière de vol de voitures. Je m’intéresse en particulier aux équipements électroniques qui permettent d’entrer facilement dans une voiture et d’en prendre le contrôle. L’infraction créée porte sur la possession de ces équipements, mais avec l’intention de voler la voiture. On donne un nouveau pouvoir au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie en vue d’interdire l’importation de ce type d’équipement au Canada. Dans ce cas-là, quelqu’un qui est en possession de l’équipement n’aurait pas besoin d’avoir l’intention de voler; l’équipement serait interdit, purement et simplement, tandis que, dans l’infraction générale qui a été créée, il faut aussi avoir l’intention d’utiliser l’équipement pour voler un véhicule. N’aurait-il pas été préférable de créer une infraction de possession de l’équipement en question sans excuse légitime?

M. Virani : C’est une très bonne question. Je veux souligner qu’on vise la situation à deux volets. Le volet du ministre Champagne touche l’importation de ce type d’équipement, qui peut être utilisé pour faciliter un vol, alors que nous visons la position et la distribution de cet équipement. Cela peut nous aider à prévenir un vol avant qu’il se réalise.

Le sénateur Dalphond : Cela prend l’intention?

M. Virani : Cela prend l’intention, bien sûr, avec la mens rea requise pour l’infraction prévue au Code criminel.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Merci, monsieur le ministre, d’être venu aujourd’hui.

Ma question concerne le vol d’automobiles et les nouveaux outils — vous avez décrit cinq mesures — axés sur l’utilisation d’un jeune par un adulte. C’est un élément de la détermination de la peine que le juge a le pouvoir discrétionnaire de prendre en compte.

Avez-vous pensé à d’autres lignes directrices ou facteurs pour orienter cette évaluation?

M. Virani : Vous avez raison dans la mesure où des facteurs aggravants sont pris en compte dans la détermination de la peine dans divers contextes — si la haine était un motif, par exemple. Pour ce qui est de ce que nous avons compris et de ce que nous avons fini par apprendre de l’application de la loi, il s’agit d’une opération criminelle complexe et on instrumentalise les jeunes Canadiens, en particulier, y compris les Canadiens autochtones et noirs racisés. Nous voulions cibler le fait que, s’il devient évident pour un juge qui entend une telle affaire qu’il y a ce type d’utilisation d’un jeune, cela pourrait aggraver le crime et, par conséquent, entraîner une peine plus lourde.

Le sénateur Prosper : Ce serait au juge de tenir compte de ces facteurs dans le contexte des faits?

M. Virani : Oui.

Le sénateur Prosper : Merci.

Le sénateur Cotter : Bienvenue, monsieur le ministre. C’est toujours un plaisir de vous recevoir. J’ai deux questions qui n’ont rien à voir avec ce qui a été dit jusqu’ici. La première concerne les procédures mises en place pour un appel dans le cas de la prestation canadienne pour les personnes handicapées. La prestation est si dérisoire que peut-être personne n’interjettera appel. J’espère que vous commencerez votre réponse en reconnaissant qu’elle laisse à désirer et présentant vos excuses.

Cela dit, le processus d’appel de la prestation est le même que pour toutes les autres prestations, comme l’assurance-emploi, la prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada, le Régime de pensions du Canada lui-même et la sécurité de la vieillesse. L’affaire aboutit finalement à la Cour fédérale ou la Cour d’appel fédérale. Pour une raison quelconque, si l’appel de ces prestations porte sur le revenu, c’est la cour de l’impôt qui s’en mêle. Les appels sur d’autres questions vont ailleurs. Il me semble que vous avez rendu ce processus inutilement et injustement complexe. Je vais vous demander de répondre à cela dans une minute.

Ma deuxième question est une question constitutionnelle concernant la Loi sur l’évaluation d’impact. À la Cour suprême du Canada, une grande partie de la loi porte sur la question de savoir si ce qu’on appelle les « effets relevant d’un domaine de compétence fédérale » sont suffisants pour justifier la constitutionnalisation de la Loi sur l’évaluation d’impact. La Cour suprême du Canada — c’est-à-dire le juge en chef écrivant au nom de la majorité — a déclaré que cette expression va bien au-delà des limites de la compétence fédérale. Suite aux modifications proposées dans le projet de loi, on utilise maintenant le terme « effets non négligeables ».

Selon vous, en tant que ministre de la Justice, est-ce que cela répond maintenant à la norme constitutionnelle? Hier, nous avons entendu le témoignage du ministre de la Justice de l’Alberta — pas au comité — qui a dit, pour paraphraser, « pas même proche ».

M. Virani : Je vais commencer par votre deuxième question. À mon avis, notre réponse à la décision rendue par la cour en octobre dernier au sujet de la Loi sur l’évaluation d’impact correspondait tout à fait à l’analyse du partage des pouvoirs faite par la Cour suprême du Canada.

Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Cotter, j’ai en fait entendu d’autres préoccupations de l’autre camp. Des défenseurs acharnés du climat ont dit que nous sommes allés trop loin en ce qui concerne le calibrage et la conformité avec la décision de la Cour suprême.

Quant aux dispositions touchant les appels, c’est une question à laquelle je me suis préparé pour le cas où la question se poserait. J’avoue que je ne connais pas parfaitement toutes les nuances de la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, mais nous avons mené de vastes consultations sur cette nouvelle disposition et sur la façon de la formuler. Pour ce qui est du parcours de l’appel, l’appel d’une décision rendue en vertu de la loi sur la prestation serait d’abord entendu par le Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Si l’appel porte sur le revenu, le tribunal le renvoie à la Cour canadienne de l’impôt pour décision. Ce n’est qu’un sous-ensemble des dispositions qui sont soumises à la Cour canadienne de l’impôt. Cette décision de la Cour canadienne de l’impôt est alors communiquée au tribunal, et ainsi de suite. Je ne sais pas si cela vous aide à comprendre.

Le sénateur Cotter : Dans ce dernier cas, la question est pourquoi? Tous les autres cas sont soumis à la Cour fédérale et il n’est pas nécessaire de démêler les multiples choix à faire pour interjeter appel.

M. Virani : L’un des résultats de la consultation, c’est que les parties prenantes ont parlé spécifiquement de mon premier point, soit le recours au Tribunal de la sécurité sociale. Elles ont fait l’éloge de la capacité de ce tribunal d’aider les personnes non représentées à naviguer dans le système. C’est pourquoi le premier point de chute est le Tribunal de la sécurité sociale.

Le sénateur Cotter : Ma question porte en fait sur le deuxième point de chute.

M. Virani : À cet égard, la Cour canadienne de l’impôt possède une expertise en matière de revenu.

Le sénateur Cotter : Toutes les autres questions concernent le revenu également, mais elles ne sont pas soumises à la Cour canadienne de l’impôt. Je peux vous montrer votre propre site Web à ce sujet.

M. Virani : Je fais de mon mieux pour vous aider, sénateur Cotter, mais il y a eu un effort pour assurer la symétrie en ce qui concerne les causes qu’entend la Cour canadienne de l’impôt comme organisme. Selon mes notes, il y a des aspects du processus décisionnel qui vont à la Cour fédérale plutôt qu’à la Cour d’appel fédérale. Cette disposition était fondée sur l’idée que cela commence par le Tribunal de la sécurité sociale et que c’est seulement s’il s’agit de revenu que la Cour canadienne de l’impôt est mise à contribution.

La sénatrice Simons : J’ai une nouvelle question à soulever, de même qu’une autre que nous avons déjà abordée rapidement. En tant que sénatrice de l’Alberta, je tiens à être très claire. Ces 17 juges devaient être mis à la disposition des tribunaux de l’Alberta. Le gouvernement de l’Alberta ne voulait pas utiliser les juges comme vous l’aviez demandé. Les Albertains se voient donc retirer ces 17 juges de l’Alberta, qui sont affectés ailleurs. C’est de cela que nous parlons ici. C’est difficile à avaler pour les Albertains, dont les tribunaux sont aussi engorgés que ceux de toutes les autres provinces.

M. Virani : En toute franchise, sénatrice Simons, je partage votre frustration. Je serais encore plus frustré si j’étais Albertain. C’est pourquoi nous avons mis six ans à travailler avec eux et à essayer de comprendre le problème que pose le recours à ces juges pour ce qui a été conçu, à savoir le Tribunal unifié de la famille. Environ sept autres provinces et territoires ont profité de l’offre de les utiliser. Le Tribunal unifié de la famille est un modèle de guichet unique qui aide les plaideurs à avoir accès à la justice en n’ayant pas à déterminer s’ils doivent s’adresser à une cour supérieure ou à une cour provinciale. Il est plus rapide et moins coûteux, et c’est un modèle éprouvé qui fonctionne pour le monde et qui fonctionnerait pour les Albertains.

La sénatrice Simons : Ma fille est avocate en droit de la famille en Colombie-Britannique. Je ne suis pas contre les tribunaux unifiés de la famille. Ce que je remets en question, cependant, c’est que si l’Alberta a le pouvoir constitutionnel de décider comment organiser ses tribunaux, ces 17 juges, ou du moins certains d’entre eux, auraient pu être affectés à des postes à la Cour supérieure de l’Alberta.

Soyons bien clairs : l’Alberta est pénalisée pour ne pas avoir utilisé les juges de la façon que vous et peut-être moi aurions préféré, et ces juges seront affectés à d’autres tribunaux et l’Alberta devra se contenter d’observer ce qui se passe sur les lignes de côté.

M. Virani : Je n’accepterais absolument pas cette interprétation, sénatrice Simons. Ce que je dirais, c’est que si vous vous inquiétez de l’incapacité de l’Alberta de répondre aux besoins des Albertains de façon efficace et rentable, vous devriez en parler au ministre Amery et à la première ministre de l’Alberta. Parce qu’après six ans, le gouvernement du Canada ne laisse pas inutilisés les postes financés pour l’accès aux tribunaux de la famille, alors que la demande est très grande dans d’autres régions du pays.

Je comprends vos frustrations, et je les fais miennes. Cette mesure est l’aboutissement de longues négociations et de multiples tentatives de faire comprendre à l’Alberta pourquoi ce modèle est solide et a fait ses preuves. Ils ont choisi de ne pas utiliser les postes aux fins pour lesquelles ils ont été conçus. Il faut comprendre que, lorsqu’ils ont été affectés en 2018, ce n’était pas une affectation de juges en général. Il s’agissait d’une affectation de juges pour les tribunaux unifiés de la famille. Sept autres provinces ont accepté l’offre. Pourquoi l’Alberta ne s’en est-elle pas prévalue? À vous d’en discuter avec le gouvernement de l’Alberta.

La sénatrice Simons : Ma prochaine question porte sur les centres de consommation supervisée. Je suis partisane de longue date des centres d’injection et de consommation supervisés. Mais — à l’instar de nombreux Canadiens — j’ai observé avec une consternation croissante une politique qui me semblait logique dans l’optique de la santé publique. Nous voyons une telle détresse dans nos rues. Des gens meurent à cause de leurs drogues empoisonnées, et les centres de consommation semblent banaliser la consommation de médicaments plutôt que de distribuer un approvisionnement sûr.

Pouvez-vous me dire comment les dispositions du budget protègent la santé et le bien-être des personnes qui consomment des stupéfiants illégaux et d’autres drogues tout en tenant compte des considérations de sécurité publique?

M. Virani : Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, notre gouvernement a toujours essayé de veiller à ce que, tout d’abord, la question des décès imputables aux stupéfiants et aux opioïdes soit traitée comme un problème de soins de santé plutôt que de criminalité. Vous avez demandé quelle est la place faite à l’application de la loi. Nous avons une stratégie à quatre piliers : la prévention, la réduction des méfaits, le traitement et l’application de la loi. Les dispositions de décriminalisation contenues dans la Loi d’exécution du budget portent à la fois sur la réduction des méfaits et le traitement.

Vous avez pu le constater jusqu’à maintenant en ce qui concerne la souplesse dont nous faisons preuve dans notre réponse à ces enjeux. Je sais que ce n’est pas dans votre province — c’est dans la province voisine —, mais nous avions un projet pilote que la Colombie-Britannique avait demandé. Elle a demandé des changements, et nous avons accepté. Très récemment, dans ma propre ville, Toronto, nous avons reçu une demande de décriminalisation semblable que nous avons rejetée au motif que nous avons jugé que cela ne répondait pas à l’impératif de sécurité publique.

La sénatrice Pate : Bienvenue, monsieur le ministre, et bienvenue à vos fonctionnaires.

J’aimerais aborder deux sujets. D’abord le vol de voitures. J’aimerais revenir sur certaines des questions soulevées. Nous savons — et comme vous l’avez dit — que le recrutement de jeunes est un problème, particulièrement le rendement des jeunes racisés au moment même où le gouvernement a souligné l’importance de s’occuper des mesures de soutien pour les jeunes Autochtones et Noirs afin qu’ils ne soient pas à risque d’être la proie de ceux qui pourraient les recruter. Cette mesure visant à lutter contre le vol de voitures semble viser les très jeunes qui sont les plus susceptibles d’être criminalisés. Ils seront les plus faciles à attraper. Cela semble être ce que veulent les constructeurs d’automobiles, et pas nécessairement ce qui réglera le problème. Nous savons que les constructeurs pourraient installer des coupe-circuits et d’autres dispositifs antivol pour aussi peu que 10 $ à 100 $ pour empêcher le vol de ces voitures.

J’aimerais savoir pourquoi on a opté pour cette solution plutôt que d’envisager la voie la plus efficace qui consiste à poursuivre les constructeurs d’automobiles et à insister pour qu’ils agissent. Cela ne fera qu’anéantir les autres efforts que vous faites pour réduire le nombre de Noirs et d’Autochtones en prison.

Voici mon deuxième sujet d’intérêt. Même si ce n’est pas tout à fait dans les domaines que nous vous avons demandé d’examiner, lorsque la situation se détériorera, il appartiendra à votre ministère de justifier les actions du gouvernement. Il s’agit du plan visant à réserver des lits dans les prisons fédérales pour la détention d’immigrants à un moment où, selon l’Agence des services frontaliers du Canada, ou l’ASFC, nous comptons 25 à 47 personnes. On a déterminé que ces personnes présentent un risque élevé, mais les données de l’ASFC révèlent que seulement 1 % représentent un danger pour le public, et que 83 % et plus sont considérés comme à haut risque en raison du risque de fuite.

Un certain nombre d’entre nous ont visité des centres de détention de l’immigration. Comme vous le savez, je crois avoir vu tous les pénitenciers fédéraux du pays, sauf un. La mise en œuvre d’une mesure intérimaire coûtera près de 1 million de dollars par personne. En visitant les nouveaux centres de Surrey et de Laval, nous avons compris qu’ils sont en situation de surcapacité. Ils ont plus de 200 lits libres. Ils ont aussi des unités entières qui, si nécessaire — selon l’ASFC — pourraient être renforcées.

Pourquoi a-t-on décidé d’envoyer des gens dans des pénitenciers fédéraux, lorsqu’on s’inquiète énormément de l’utilisation excessive de l’isolement ainsi que des droits de la personne?

M. Virani : Je vous remercie, sénatrice Pate, de vos deux questions.

Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d’accord avec vous pour dire que les mesures que prévoit la Loi d’exécution du budget entraîneront une surreprésentation accrue des hommes et des femmes noirs et autochtones. Je vous ferais remarquer qu’en instaurant des mesures ciblées comme celle qui intéresse le sénateur Prosper, lorsqu’on considère qu’il s’agit d’un facteur aggravant pour les membres du crime organisé qui utilisent et victimisent des adolescents — y compris des adolescents racisés — c’est la preuve que nous ciblons ceux qui orchestrent, payent et commandent les crimes, par opposition à ceux qui commettent le vol d’une automobile donnée. Je pense que cela contraste vivement avec les beaux discours du Parti conservateur à la Chambre des communes, un parti qui rejette du revers de la main la garantie de présomption d’innocence selon la Charte et, par exemple, comme votre droit à la mise en liberté sous caution raisonnable sans motif valable.

Vous avez raison de souligner nos stratégies pour les Noirs et les Autochtones. Nous y tenons beaucoup. Je suis bien déterminé à les mettre en œuvre, notamment en les parachevant et en les rendant publiques d’ici la fin de l’année. Le projet de loi C-5 visait exactement ce dont vous parlez au sujet de la surreprésentation. De plus, nous avons mis en place des mesures concernant la formation des juges en matière de racisme systémique notamment.

J’aimerais également attirer votre attention sur le Plan d’action national sur la lutte contre le vol de véhicules, qui traite de différentes composantes. Nous examinons la situation d’une manière qui n’est pas cloisonnée. Les normes et la modification des normes sur les véhicules automobiles relèvent du ministre Champagne, et c’est exactement ce qu’il est chargé de faire. Je suis donc d’accord avec vous là-dessus.

Quant à la détention des immigrants, je peux vous dire que nous avons fait une analyse de la nécessité de cette mesure. Nous comprenons qu’il faut prévoir un lieu pour l’hébergement des personnes qui en ont besoin. Nous avons également effectué une analyse de la Charte pour déterminer les éventuelles préoccupations liées à la Charte. Cet énoncé de la Charte est un document public, et vous pouvez le consulter. Selon notre évaluation, il satisfait à l’exigence de l’examen de la Charte, et c’est aussi une initiative importante pour la sécurité publique des Canadiens.

[Français]

Le sénateur Carignan : Bonjour, monsieur le ministre.

Je comprends qu’il n’y a pas de nouveaux juges pour le Québec dans ce que vous avez annoncé. Il y a 17 postes de juges dont l’Alberta ne veut pas, et vous les offrez aux provinces intéressées. Cependant, au Québec, quand nous parlons avec les juges — parce qu’ils nous parlent, les juges, comme à vous —, ils nous disent qu’il en manque beaucoup. Au Québec, on me dit qu’il manque une quinzaine de juges. Dans le budget ou dans votre annonce, il n’y a pas de nouveaux postes de juges puînés attribués spécifiquement au Québec.

M. Virani : Ce qu’on vise avec le projet de loi sur le budget, c’est qu’on a libéré ces 17 juges, mais la cible des provinces n’est pas précisée dans le projet de loi.

Le sénateur Carignan : Dans vos discussions avec les provinces, au-delà du projet de loi, a-t-on parlé d’augmenter le nombre de juges au Québec, que ce soit à partir des 17 juges ou ailleurs?

M. Virani : Oui, les adjoints de mon bureau ministériel et moi sommes toujours en contact avec les juges en chef de toutes les provinces. Cela inclut l’honorable Marie-Anne Paquette, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, ainsi que la juge en chef de la Cour d’appel du Québec.

Le sénateur Carignan : Est-ce qu’elle pourra obtenir satisfaction quant à ses demandes de juges supplémentaires dans les prochains jours ou les prochaines semaines?

M. Virani : Ce qu’il est important de souligner, c’est que c’est toujours une discussion avec les juges en chef... La demande pour le nombre de juges doit venir du ministre. Donc, la demande doit venir de M. Simon Jolin-Barrette, pas de l’honorable Marie-Anne Paquette ou de quelqu’un d’autre.

Le sénateur Carignan : Est-ce que je comprends que le ministre Jolin-Barrette ne vous a pas fait de demandes spécifiques pour de nouveaux juges?

M. Virani : Je suis en contact avec lui; je ne suis pas certain s’il m’a écrit sur le fait qu’il a besoin de plus de juges. Je rappelle, car nous avons été questionnés à ce sujet la semaine dernière, qu’il manque seulement huit juges au Québec; six à la Cour supérieure et deux à la Cour d’appel.

Le sénateur Carignan : Vous avez autorisé des mandats de prélèvements d’ADN génétique pour les infractions de vol de voitures.

M. Virani : Oui.

Le sénateur Carignan : Vous l’avez fait également pour les infractions de possession et la distribution de dispositifs électroniques. J’en suis très heureux, parce que j’ai déposé un projet de loi pour étendre les infractions du Code criminel qui pourraient être visées par un mandat de prélèvement d’ADN. Je vous félicite pour cela.

Il y a beaucoup d’autres infractions au Code criminel; je ne veux pas sous-estimer l’importance de ces infractions, mais la possession et la distribution de dispositifs électroniques relativement au vol de voitures, par rapport à d’autres infractions, ce ne sont pas les plus graves. Certaines infractions le sont encore plus. Avez-vous l’intention d’étendre les mandats de prélèvements d’ADN à d’autres infractions que ces deux-là, le vol de voitures et la possession et la distribution de dispositifs électroniques destinés aux vols?

M. Virani : Notre volonté exprimée dans le projet de loi est bien précisée dans celui-ci. Je voulais juste souligner que le vol de voitures n’est pas que cela, mais qu’il permet aussi de financer les organisations criminelles nationales et internationales. Cela aide à commettre d’autres types d’infractions, comme la prostitution et le trafic de drogues et d’êtres humains. Cela touche un aspect beaucoup plus large. Ce qu’on a entendu de la part des policiers, surtout au Québec, c’est qu’il faut interrompre et intercepter le lien des organisations criminelles avec leur financement, car ces organisations sont là pour promouvoir plus de crimes.

Le sénateur Carignan : Ma question est la suivante : voulez-vous étendre le prélèvement d’ADN à plusieurs autres infractions? La demande vient des policiers; ils le demandent tous.

M. Virani : On est à l’écoute des policiers, de ce qu’ils veulent faire pour vraiment cibler les personnes et pour éviter et prévenir les crimes. Ce qu’on vise avec ce projet de loi, c’est seulement le prélèvement d’ADN pour les vols de véhicules.

Le sénateur Carignan : Merci.

La sénatrice Clement : Bonjour, monsieur le ministre.

[Traduction]

Je vous remercie d’avoir mis en lumière les immenses contributions de la sénatrice Jaffer. Toujours un bon point de départ.

Ensuite, je ne contesterai certainement pas vos investissements dans l’aide juridique, qui sont toujours une bonne chose. Je veux simplement rappeler que l’Ontario a un réseau de cliniques juridiques qui ne fait pas dans le droit de la famille ou le droit pénal, mais qui s’occupe des retombées du racisme systémique de la surreprésentation des Noirs et des Autochtones. Elles ont donc également besoin de financement et d’un peu d’amour et d’attention. Je tenais à ce que cela figure au compte rendu.

Mes questions portent sur les centres de consommation. J’ai pris note de votre réponse à la sénatrice Simons. J’ai vu les documents où vous avez mené des consultations au sujet des sites de consommation supervisée. Je ne vois nulle part que les municipalités ont été consultées. Vous avez consulté les exploitants de services, autochtones, provinciaux et territoriaux, mais les municipalités ont aussi beaucoup à dire sur ces sites. Je me demandais si cela est en cours ou si vous y avez songé.

En ce qui concerne le vol d’automobiles, vous avez mentionné le Plan d’action national sur la lutte contre le vol de véhicules. Selon cette stratégie, votre gouvernement envisage-t-il de collaborer avec les constructeurs d’automobiles pour la conception des véhicules, de parler de prévention — rien à voir avec le Code criminel — avec les entreprises et les compagnies d’assurances, de même que de leur responsabilité?

Je vais vous parler de la Stratégie en matière de justice pour les personnes noires, parce que je ne vous vois pas souvent. J’ai entendu de bonnes choses et une certaine frustration au sujet du temps qu’elle a pris. J’ai parlé à des Noirs à Halifax et à Yellowknife, dans le Nord, qui souhaiteraient sentir que leurs considérations locales particulières sont prises en compte dans la Stratégie en matière de justice pour les personnes noires et déplorent que cela manque.

M. Virani : Merci beaucoup. En ce qui concerne les cliniques juridiques, je vous entends très bien, sénatrice Clement. J’ai participé à la création de la clinique juridique SALCO à Toronto.

La sénatrice Clement : Oui.

M. Virani : Je dirais que notre rôle au niveau national est de financer, à l’occasion, divers projets ou initiatives d’une clinique d’aide juridique en Ontario ou ailleurs au pays. Principalement, le financement d’Aide juridique Ontario est un point de chute du ministre Downey au niveau du gouvernement provincial.

Pour ce qui est des villes, je regarde les notes que me remet le ministère. Je sais qu’il y aura d’autres consultations. La demande de décriminalisation de Toronto était une initiative de la ville. Il y a donc eu une vaste consultation avec la ville dans ce contexte, mais évidemment, la demande provinciale en Colombie-Britannique était pour l’ensemble de la province.

Quant au vol d’automobiles, il est certain que tous les intervenants au système, les associations de normalisation, les compagnies d’assurances et les concessionnaires d’automobiles ont participé au Sommet national pour lutter contre le vol de véhicules. Je n’oublie pas que certains dispositifs antivol peuvent être facilement mis en œuvre et, jusqu’à un certain point, le sont déjà dans certains véhicules hautement électrifiés. Vous pouvez parler des véhicules hautement électroniques qui sont moins susceptibles d’être volés parce qu’ils sont contrôlables et contrôlés. Cela amène la question des normes pour les véhicules automobiles, qui font partie du plan d’action national que nous avons annoncé la semaine dernière à l’occasion de la fête de la Reine.

Quant à la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires, je partage votre désir de travailler rapidement à ce dossier et de bien faire les choses. Je dirais gentiment qu’il y a eu un léger retard qui n’était pas un retard de ma part, mais un retard causé par la finalisation du plan de travail de ce comité directeur d’experts. Les experts font un travail incroyable. Ils voulaient s’assurer que leur travail était parfait. Il l’est, mais il y a eu un retard à me transmettre les documents. Nous progressons au rythme des prochaines étapes, qui consistent à produire un rapport sur ce que nous avons entendu, à élaborer une ébauche de stratégie et à travailler à sa mise en œuvre dans l’année civile 2024.

La sénatrice Clement : Merci.

[Français]

La sénatrice Audette : Je suis contente de vous voir, monsieur le ministre.

Vous comprendrez que ce gouvernement a ordonné la tenue de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Il en a résulté 32 appels à la justice pour le gouvernement du Canada et 183 pour l’ensemble des gouvernements à travers le Canada.

Bien sûr, j’ai regardé attentivement et vous avez beaucoup de responsabilités comme ministre. On crée rapidement une équipe pour les vols de voitures, on fait des propositions d’amendement et de loi.

Après une grande enquête sur les disparitions humaines, nous ne semblons pas voir de réaction dans la façon dont nous pouvons honorer les appels à la justice. C’est une question que je vais poser à chaque témoin du gouvernement. Nous en sommes où? L’alerte AMBER, la Journée de la robe rouge, pourquoi une seule région? Le Canada est grand.

En même temps, on devrait avoir un tribunal des droits des peuples autochtones ou une ombudsperson pour savoir où l’on va et comment les choses progressent. Ce sont des choses que j’aurais aimé voir dans ce projet de loi comme engagement de la part du gouvernement.

Brièvement, je comprends aussi que des questions ont été posées et qu’il y a de nombreuses préoccupations au sujet des sites de consommation supervisée.

Dans le monde d’où je viens, cela a aggravé la situation au lieu d’atténuer les problèmes ou de soutenir les gens. Allez dans le Downtown Eastside; c’est à cet endroit que je vais en fin de semaine, à Vancouver. Les femmes nous disent que la consommation a augmenté. Donc, si on enlève le côté criminel, les statistiques seront intéressantes, mais les décès vont continuer d’augmenter.

Je ne sais pas comment vous vous coordonnez avec vos collègues pour atténuer les problèmes de santé mentale et tout ce qu’ils entraînent et comment vous traitez le reste des appels à la justice.

Merci, monsieur le ministre.

M. Virani : Merci, madame la sénatrice. Concernant l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, plusieurs appels à la justice touchent mon ministère et le gouvernement en général. Je souligne tout d’abord que c’est une priorité pour moi et pour tout le gouvernement. Je comprends votre inquiétude et votre frustration sur la vitesse à laquelle on traite les vols de véhicules. Je peux toutefois souligner que, depuis 2015, les investissements ont triplé par rapport au gouvernement précédent pour tout ce qui touche les ayants droit autochtones à travers le Canada.

Pour l’alerte robe rouge, le budget inclut un investissement de 1,3 million de dollars. Nous avons 12 nouvelles tours de cellulaires sur la route des larmes en Colombie-Britannique. On a aussi créé de nouvelles places d’hébergement pour les femmes autochtones. On a créé 36 services policiers menés par les groupes autochtones ou les ayants droit autochtones. Est-ce suffisant? Non, il faut en faire plus et je le comprends.

Pour ce qui est de l’ombudsman et de la possibilité de créer une commission, je crois que cet aspect touche davantage la Déclaration des Nations unies, mais nous sommes justement en train de cibler cet élément. J’ai d’ailleurs une réunion bilatérale avec l’Assemblée des Premières Nations et Cindy Woodhouse la semaine prochaine et nous allons en discuter.

Pour ce qui est des problèmes de consommation et de notre façon de traiter la situation, en gros, le but est d’éviter les décès. C’est aussi simple que cela. Un autre aspect qu’on n’a pas traité jusqu’à maintenant, c’est l’objectif d’un approvisionnement plus sécuritaire. Le fentanyl cause beaucoup de décès et c’est un sérieux problème. C’est la raison pour laquelle on a créé le Programme sur l’usage et les dépendances aux substances, accompagné d’un programme d’approvisionnement. Cet élément touche ma propre circonscription de Toronto.

Il faut voir encore et encore ce qu’on peut faire de plus, surtout compte tenu du fait que les maladies mentales sont souvent à l’origine des problèmes de consommation d’opioïdes.

La sénatrice Audette : Merci.

[Traduction]

La présidente : Monsieur le ministre, puis-je vous demander de rester encore quelques minutes? Un autre sénateur a une question à vous poser. Vous êtes d’accord?

M. Virani : Oui.

Le sénateur Tannas : Merci, monsieur le ministre. Je serai bref. J’ai noté la question de la sénatrice Simons relativement aux postes du Tribunal unifié de la famille et la réponse qu’elle a reçue. J’ai ensuite comparé cela à l’échange que vous avez eu avec le sénateur Carignan en français. Ils ne participent pas non plus au Tribunal unifié de la famille. Pourtant, avec la sénatrice Simons, vous avez dit : « Dites à l’Alberta tant pis, c’est dommage, nous ferons ce que nous voudrons avec ces juges. » Vous n’avez pas fait la même réponse au sénateur Carignan. Vous avez dit que vous n’aviez pas décidé ce que vous alliez faire. Pouvez-vous m’expliquer?

Je ne suis pas avocat et je suis nouveau au comité. J’ai peut-être raté quelque chose, mais il m’a semblé y avoir deux séries de réponses à la même question.

M. Virani : Sénateur Tannas, je vous remercie de votre question. Je n’essaie pas de donner des réponses différentes aux différentes provinces. Je suis à l’écoute de toutes les provinces et de leurs ministres.

Ce que j’ai dit tout à l’heure avant mon échange avec la sénatrice Simons, c’est que les 17 juges disponibles peuvent être affectés à l’échelle au pays pour les besoins des tribunaux unifiés de la famille ou aux fins générales des cours supérieures. Je pense l’avoir dit au sénateur Dalphond. Cela inclurait les besoins de l’Alberta pour sa cour supérieure générale.

Deuxièmement, je n’aime pas votre interprétation de mon « tant pis, c’est dommage ». Ce n’est pas du tout ce que j’essayais de dire. Si vous voulez une expression de mon engagement à répondre aux besoins des tribunaux de l’Alberta, je vous dirais de ne pas aller plus loin que la personne que j’ai recommandé au premier ministre de nommer à la Cour suprême du Canada, soit la juge en chef de la Cour du banc du Roi de l’Alberta, Mary Moreau, une juriste exceptionnelle qui est également la première Franco-Albertaine à siéger à la Cour suprême du Canada.

J’ai une bonne relation avec Mickey Amery. J’étais déçu qu’on ne veuille pas de lui pour le Tribunal unifié de la famille, mais si le ministre Amery a un besoin différent de juges différents d’un type différent ou d’une catégorie différente, je serai toujours à l’écoute comme je le suis pour tous les ministres du pays.

Le sénateur Tannas : Merci de cette précision.

La présidente : Monsieur le ministre, merci beaucoup d’être venu. Votre bureau a tout de suite répondu à notre invitation, et nous vous en sommes très reconnaissants. Nous avons hâte de vous revoir.

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous avons de nombreux fonctionnaires prêts à répondre à nos questions. Du ministère des Finances Canada, nous accueillons Erin Hunt, directrice générale, Division des crimes financiers et de la sécurité, et Justin Brown, directeur principal, Politique sur les crimes financiers. D’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, nous recevons Marc-André Rochon, directeur général par intérim, Direction générale des opérations de la gestion du spectre, Secteur du spectre et des télécommunications, et Amy Jensen, directrice, Direction des opérations de la gestion du spectre, Secteur du spectre et des télécommunications, Secteur des télécommunications. Santé Canada, nous avons Jennifer Pelley, directrice, Bureau des affaires législatives et réglementaires, Direction des substances contrôlées et de la réponse aux surdoses, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis; et le ministère de la Justice Canada nous envoie Erin Cassidy, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal.

J’invite les gens de Justice Canada à commencer leurs exposés. Commençons par vous, maître Cassidy, puis ce sera le tour de Me Bourgeois.

Erin Cassidy, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Merci beaucoup. Je vais faire de brèves observations sur les réformes proposées au Code criminel en matière de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes, à la sous-section C, section 34 de la partie 4.

Mes collègues du ministère des Finances parleront également des nouvelles mesures supplémentaires concernant le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, qui sont énoncées dans la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et d’autres instruments.

Le budget de 2024 et la nouvelle Loi d’exécution du budget proposent deux modifications au Code criminel. La première est une nouvelle ordonnance visant à ce qu’un compte soit maintenu ouvert ou actif pour un temps limité pour l’application de la loi sur autorisation judiciaire préalable pour soupçon raisonnable afin de faciliter l’enquête sur une infraction établie en vertu d’une loi fédérale.

Il est fréquent que les fournisseurs de services financiers décident unilatéralement de fermer des comptes soupçonnés d’être liés à des activités criminelles, ce qui peut nuire aux enquêtes criminelles. Telle est la raison d’être de cette première mesure proposée.

La deuxième mesure proposée est une nouvelle ordonnance de communication pour permettre au service d’application de la loi d’obtenir une autorisation judiciaire préalable pour un motif raisonnable pour la communication de documents ou de données déterminés à des dates préétablies pour la durée de l’ordonnance afin de faciliter l’enquête sur une infraction établie en vertu d’une loi fédérale.

Cette proposition donnerait un moyen plus uniforme et plus rapide qui permettra au service d’application de la loi d’obtenir les documents ou les données recherchées, dans le respect des droits protégés par la Charte. Merci beaucoup.

La présidente : Merci.

Daniel Bourgeois, avocat général principal, Portefeuille des services du droit fiscal, ministère de la Justice Canada : Je suis ici pour présenter la section 30 de la Loi d’exécution du budget. Il s’agit d’une brève modification à la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt; elle vise à accorder à la Cour canadienne de l’impôt le pouvoir d’autoriser une personne qui se trouve devant elle et qui n’est pas un particulier — essentiellement une société — à être représentée par un membre de son organisation plutôt que par un avocat.

Essentiellement, la disposition aligne les pouvoirs de la Cour canadienne de l’impôt sur ceux de la Cour fédérale, qui avait déjà ce pouvoir. Elle permet à la cour d’examiner la demande d’un contribuable qui n’a pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat et qui a un choix à faire entre ne pas contester une cotisation d’impôt et engager un avocat, d’être représenté par un employé, un administrateur ou un dirigeant. Il améliore l’accès à la justice et assure l’équité en plaçant les plaideurs devant la Cour canadienne de l’impôt sur le même pied que ceux qui se retrouvent devant les autres tribunaux fédéraux.

La présidente : Merci. Au tour de Me Dekker, section 29, Loi sur les juges?

Marie-Josée Poirier, conseillère juridique, Section des affaires judiciaires, ministère de la Justice Canada : Je vais faire l’exposé. Je travaille avec Me Dekker.

[Français]

Bonjour, madame la présidente, messieurs les sénateurs et mesdames les sénatrices. Nous travaillons à la Section des affaires judiciaires du ministère de la Justice et nous allons vous parler de la section 29 de la partie 4 du projet de loi.

Cette section contient l’article 320, qui modifie deux alinéas de la Loi sur les juges afin de réaffecter 17 traitements ou salaires aux juges initialement autorisés dans le budget de 2018 à la section des tribunaux unifiés de la famille, plus précisément au paragraphe 24(4), que l’on réaffecte à la section des tribunaux de première instance, donc l’alinéa 24(3)b). Cela permettra au ministre de la Justice de réaffecter ces ressources judiciaires à des cours supérieures de première instance au Canada d’une manière qui répondra aux demandes de ressources judiciaires et aux besoins démontrés. Les juges nommés à un poste en vertu de l’alinéa 24(3)b) peuvent entendre des affaires variées, y compris des affaires criminelles, civiles et de droit de la famille. Merci.

[Traduction]

La présidente : Nous passons maintenant à Sandro Giammaria, section 35 du Code criminel (vol de véhicules à moteur).

Sandro Giammaria, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Merci, madame la présidente. Bonsoir, honorables sénateurs. Comme je l’ai mentionné, je suis là pour présenter brièvement les modifications relatives au vol de véhicules à moteur. Je ne saurais faire mieux que le ministre pour résumer tout cela, alors je vais répéter son explication.

Cette partie du projet de loi propose cinq changements. Le premier serait la création de deux nouvelles infractions ciblant le vol d’automobiles avec usage, tentative ou menace de violence. L’autre infraction de vol d’automobiles est lorsque le vol est lié au crime organisé.

La deuxième mesure propose deux nouvelles infractions liée, toujours, à des dispositifs électroniques qui facilitent le vol d’automobiles. La première infraction criminaliserait la possession d’un tel dispositif dans le but de commettre un vol d’automobile, tandis que la seconde criminaliserait diverses formes de distribution — comme la fabrication, la réparation, la vente, l’importation, et cetera. La disposition les énumère toutes, mais collectivement, nous appelons cela la distribution. Il y a infraction lorsque la personne qui distribue le dispositif sait que le destinataire a l’intention de l’utiliser pour un vol d’automobiles.

La troisième mesure introduirait une nouvelle infraction de recyclage des produits de la criminalité lorsqu’elle est le fait du crime organisé. Je pense que le ministre a bien fait ressortir les liens avec le vol de voitures à cet égard.

La quatrième disposition introduirait une nouvelle circonstance aggravante applicable lors de la détermination de la peine et applicable aux contrevenants adultes ou aux jeunes contrevenants qui sont condamnés comme adultes. Les juges devraient considérer comme circonstance aggravante le recours à un adolescent pour la commission d’une infraction.

Enfin, il y a plusieurs modifications qui rendent disponibles des outils d’enquête comme l’écoute électronique et les ordonnances de prélèvement d’ADN pour les nouvelles infractions qui sont proposées.

La présidente : Merci. Nous passons maintenant au ministère des Finances.

Erin Hunt, directrice générale, Division des crimes financiers et de la sécurité, ministère des Finances Canada : Bonsoir. Je m’appelle Erin Hunt. Je travaille à la Division des crimes financiers et de la sécurité du ministère des Finances, et je suis ici pour parler de la section 34, sous-section B, qui propose des modifications destinées à renforcer les pouvoirs d’enquête et à appuyer l’efficacité opérationnelle du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

D’autres changements proposés à la partie A de la sous-section sont propres à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, mais je vais parler des modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu et à la Loi sur la taxe d’accise. Il est question de confier à l’Agence du revenu du Canada le pouvoir de demander, d’obtenir et d’exécuter des mandats généraux à des fins précises et limitées.

Les enquêtes fiscales criminelles deviennent de plus en plus complexes, puisqu’elles s’étendent souvent au-delà des frontières provinciales et nationales et que les criminels ont recours à de nouvelles technologies et à des stratagèmes sophistiqués pour échapper à l’impôt. Afin de suivre le rythme, les enquêteurs de l’Agence du revenu du Canada et les analystes judiciaires informatiques doivent pouvoir saisir et analyser les preuves plus rapidement, avant qu’elles ne soient perdues, détruites ou autrement compromises.

L’Agence du revenu du Canada, l’ARC, les enquêteurs et les analystes judiciaires en informatique sont autorisés à demander et à exécuter des mandats de perquisition et toute une gamme d’autres mandats et ordonnances en vertu du Code criminel pour enquêter sur des infractions à l’impôt sur le revenu et à la taxe d’accise. Toutefois, ils ne sont actuellement pas autorisés à demander et à exécuter des mandats généraux aux termes du Code criminel. Dans certaines conditions, les mandats généraux autorisent l’utilisation de techniques ou de dispositifs d’enquête, comme l’analyse judiciaire par ordinateur. Les mandat sont régulièrement utilisés par les organismes d’application de la loi pour perquisitionner et saisir des éléments de preuve dans toutes les formes d’enquêtes criminelles, comme des données électroniques relatives aux transferts de fonds.

L’Agence du revenu du Canada doit actuellement demander qu’un policier obtienne et exécute les mandats généraux émis pour le compte de l’ARC. Le fait de donner aux enquêteurs de l’ARC le pouvoir de demander, d’obtenir et d’exécuter certains volets des mandats généraux émis par un tribunal permettrait que les cas d’infraction fiscale délicats, complexes et soumis à des contraintes de temps fassent plus efficacement l’objet d’enquêtes, sans qu’il soit nécessaire de s’en remettre à des organismes d’application de la loi pour exécuter ce genre de mandats. Ces modifications entreraient en vigueur 90 jours après la sanction royale.

La présidente : Merci. Nous passons maintenant à Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

[Français]

Marc-André Rochon, directeur général par intérim, Direction générale des opérations de la gestion du spectre, Secteur du spectre et des télécommunications, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l’occasion de témoigner devant le comité aujourd’hui. Je voudrais tout d’abord rappeler que nous nous adressons à vous depuis le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe. Je tiens également à remercier ce dernier d’être le gardien des terres et des eaux de cette région depuis des temps immémoriaux.

[Traduction]

Le vol d’automobiles est un problème complexe qui exige que les fabricants, les compagnies d’assurances, les transporteurs, les services de police et les gouvernements coopèrent pour trouver des solutions. Chaque partenaire a un rôle à jouer pour combattre ce fléau.

Nous sommes ici aujourd’hui pour discuter du rôle d’Innovation, Sciences et Développement économique, ISDE, à titre d’organisme de réglementation des dispositifs de communication sans fil, dans le cadre de la stratégie canadienne de lutte contre le vol d’automobiles.

Le vol de véhicules touche des milliers de ménages canadiens chaque année et le gouvernement a constaté une tendance à la hausse. En 2022, par rapport à l’année précédente, l’augmentation du nombre de véhicules volés a été de 50 % au Québec, de 48 % en Ontario, de 35 % dans les provinces de l’Atlantique et de 18 % en Alberta. Ces vols sont de plus en plus souvent commis par des groupes du crime organisé, qui se servent des sommes recueillies pour financer d’autres activités illégales.

Ces dernières années, les technologies de communication sans fil sont devenues omniprésentes dans notre quotidien, pour le plus grand bénéfice de la population canadienne. Malheureusement, ces technologies peuvent également être utilisées pour faciliter des activités illégales.

[Français]

C’est pourquoi le gouvernement a annoncé, dans le budget de 2024, des propositions de modification de la Loi sur la radiocommunication. Ces modifications ont pour objectif de contrer les vols d’automobiles au Canada et font partie de l’ensemble des changements proposés par le gouvernement. Elles limiteront notamment l’accès aux dispositifs sans fil utilisés pour le vol de voitures et permettront de les retirer du marché canadien.

Pour le moment, le ministre a établi des normes techniques et des exigences d’homologation pour les appareils radio afin d’assurer une gestion efficace du spectre.

[Traduction]

Innovation, Sciences et Développement économique prend des mesures pour empêcher la vente et la distribution de dispositifs qui ne respectent pas les normes techniques établies, y compris les dispositifs qui peuvent faciliter le vol d’automobiles. Ces dispositifs non conformes peuvent comprendre des programmateurs de clés à distance, des programmateurs de clés antidémarrage et des capteurs de codes.

Dans le cadre des activités courantes de surveillance du marché, ISDE repère les dispositifs se trouvant dans la chaîne de distribution canadienne qui ne sont pas dans la Nomenclature du matériel radio; il est pourtant obligatoire d’y figurer pour la majeure partie du matériel radio au Canada.

Innovation, Sciences et Développement économique cible également les brouilleurs de signaux de radiofréquence, qui sont interdits selon la Loi sur la radiocommunication et sont réputés pour être très utilisés dans les vols de véhicules. Innovation, Sciences et Développement économique est en contact avec les distributeurs pour s’assurer que des mesures correctives, tels que la suspension de leur distribution, sont prises concernant la vente de dispositifs non homologués et interdits au Canada.

Toutefois, certains appareils radio susceptibles d’être utilisés pour des activités criminelles peuvent également l’être à des fins légitimes. Par conséquent, il est nécessaire de procéder à ces modifications, car bon nombre de ces dispositifs ne sont pas couverts par la législation et la réglementation en vigueur. Il est donc possible de les utiliser et de les vendre partout au Canada, à condition qu’ils répondent aux normes techniques et qu’ils soient homologués.

[Français]

ISDE a récemment lancé une consultation publique pour recueillir plus d’informations sur la nature et la gamme des usages illégitimes potentiels de ces dispositifs sans fil. Ces données serviront à informer toute modification réglementaire concernant la vente, la distribution et la possession de ces dispositifs.

Bien qu’il n’y ait pas de solution miracle, nous pensons que les modifications apportées à la Loi sur la radiocommunication pour tenir compte des nouvelles technologies et des menaces grandissantes constituent une réponse mesurée et adéquate au vol de véhicules.

[Traduction]

Nous vous remercions de votre attention et nous répondrons aux questions des membres du comité avec plaisir.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre la représentante de Santé Canada.

Jennifer Pelley, directrice, Bureau des affaires législatives et réglementaires, Direction des substances contrôlées et de la réponse aux surdoses, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, Santé Canada : Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’entretenir avec vous aujourd’hui. Je m’appelle Jennifer Pelley et je suis la directrice du Bureau des Affaires législatives et réglementaires, Direction des substances contrôlées et de la réponse aux surdoses, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, à Santé Canada.

[Français]

Je suis ici pour vous parler aujourd’hui de la section 44 de la partie 4, qui propose un certain nombre de modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS).

[Traduction]

Les services de consommation supervisée et de vérification des drogues sont d’importants éléments fondés sur des données probantes de la réponse globale du Canada en matière de santé publique aux méfaits liés à la consommation de substances et à la crise des surdoses.

[Français]

Au cours des 20 dernières années, des études canadiennes et internationales ont montré que, lorsqu’ils sont bien établis, les services de consommation supervisée et de vérification de drogues contribuent à sauver des vies et à mettre les consommateurs de drogues en contact avec des services sociaux, des services de santé et des traitements.

[Traduction]

Les données communiquées à Santé Canada indiquent qu’entre janvier 2017 et octobre 2023, les sites de consommation supervisée au Canada ont reçu plus de 4,4 millions de visites, pris en charge plus de 53 000 surdoses non mortelles, et ont effectué plus de 424 000 orientations vers des services sociaux et de santé.

Les sites de consommation supervisée réduisent la consommation de drogues en public, la propagation des maladies et la pression exercée sur les services d’urgence.

Actuellement, les services de consommation supervisée fonctionnent en vertu d’une exemption ministérielle accordée aux termes de l’article 56.1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la LRCDAS. D’autres services de consommation supervisée à court terme, souvent appelés sites de prévention des surdoses, et des services autonomes de vérification des drogues sont offerts conformément à une exemption accordée en vertu du paragraphe 56(1) de la loi. Les demandes d’exemption sont examinées au cas par cas.

Le nombre de services de consommation supervisée et de vérification de drogues a augmenté au Canada depuis 2016, tout comme les données probantes à l’appui de leur impact positif sur la réduction des méfaits des surdoses.

[Français]

Les modifications proposées à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances permettraient d’atteindre trois objectifs clés.

[Traduction]

Premièrement, les pouvoirs réglementaires prévus au paragraphe 55(1) de la LRCDAS seraient modifiés afin de permettre la mise en place d’un régime réglementaire autorisant la consommation supervisée et les services de vérification des drogues.

Les modifications proposées sont assorties d’exigences réglementaires claires et prévisibles visant à fournir plus de stabilité et de transparence aux opérateurs de services, tout en maintenant des contrôles stricts qui sont compatibles avec les objectifs de santé publique et de sécurité publique de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Le projet de loi modifie notamment l’alinéa 55(1)c) pour inclure certaines activités pertinentes au fonctionnement des services de consommation supervisée et de vérification des drogues — à savoir la possession, le transport, l’expédition ou la livraison de la substance ou de la catégorie de substances. Cela permettrait au gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant l’autorisation de ces services.

Deuxièmement, l’article 56.1 de la LRCDAS et les dispositions connexes seraient abrogés à une date fixée par décret du gouverneur en conseil. Le nouveau régime réglementaire proposé, une fois élaboré et approuvé, remplacerait le régime d’exemption actuel. Par conséquent, l’article 56.1 et les dispositions connexes, qui régissent le régime d’exemption pour les sites de consommation supervisée, ne seraient plus nécessaires.

Ces sections ne seraient abrogées qu’après l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, afin d’éviter toute perturbation pour les prestataires de services existants et leurs clients.

Troisièmement, des dispositions transitoires garantiront que, même après l’abrogation de l’article 56.1 de la LRCDAS, tous les sites existants pourront continuer à fonctionner jusqu’à l’expiration de leurs exemptions. À ce moment-là, les exploitants demanderont une autorisation dans le cadre du nouveau régime réglementaire. Si les modifications législatives sont adoptées, Santé Canada engagera des consultations avec les intervenants afin de s’assurer que tous les points de vue sont pris en compte dans l’élaboration du nouveau régime réglementaire.

Merci.

La présidente : Merci beaucoup. Honorables sénateurs, vous aurez chacun trois minutes pour poser des questions, et nous débuterons par la vice-présidente.

La sénatrice Batters : Commençons par le vol de voitures. Pourquoi le nouveau paragraphe 333.1(3) du Code criminel proposé dans ce projet de loi ne prévoit-il pas une peine minimale en cas de récidive, dans les cas de vols commis avec recours, tentative ou menace de recours à la violence, contrairement à la peine minimale pour le vol de véhicule sans violence qui est actuellement prévue au paragraphe 333.1(1) du Code criminel. Le même raisonnement s’applique au nouveau paragraphe 333.1(4) du Code criminel envisagé dans ce projet de loi, qui traite du vol de véhicule à moteur à destination d’une organisation criminelle? Il n’y a pas non plus de peine minimale pour cela, et pourtant, pour les viols sans violence, il y a une peine minimale. En quoi est-ce cohérent?

Me Giammaria : Je vous remercie de la question, sénatrice, Pour ce qui est du choix d’inclure ou non des peines minimales obligatoires, il vaudrait mieux poser la question au gouvernement. En tant que fonctionnaire, je peux parler du contenu du projet de loi et essayer de clarifier les choses.

Selon l’infraction actuelle prévue au paragraphe 333.1 (1), la peine minimale obligatoire s’applique à une troisième condamnation ou à une condamnation subséquente. Les données sur les condamnations nous indiquent que très peu de délinquants sont effectivement assujettis à cette peine minimale obligatoire. Le fait de reprendre cette disposition aurait probablement le même effet limité.

Quoi qu’il en soit, la principale différence entre ce qui existe et l’infraction proposée tient au fait que la peine maximale est de 14 ans. Le recours à la violence qui vient s’ajouter lors de la perpétration de l’infraction, quand ce n’est pas un élément essentiel de l’infraction, a tendance à conférer un caractère plus grave, plus sérieux à l’acte commis ou à son impact sur les victimes de l’infraction, justifiant ainsi une peine maximale plus élevée.

La sénatrice Batters : Comme je n’ai que trois minutes, je dois enchaîner. J’imagine que, d’après les données recueillies, la peine maximale n’est presque jamais imposée.

C’est une autre question que j’aurais aimé poser au ministre, mais il n’a pas pu rester pour un deuxième tour.

La présidente : En toute justice, nous ne lui avions demandé de venir que pour une heure.

La sénatrice Batters : J’admets qu’il n’y avait pas de temps pour un deuxième tour.

En octobre dernier, la Cour suprême du Canada a statué que la vaste majorité du projet de loi destiné à sonner le glas des pipelines — le projet de loi C-69 — et l’ensemble des dispositions réglementaires en découlant étaient inconstitutionnels. Par ailleurs, sur les quelque 200 articles de ce projet de loi, la Cour suprême a jugé que 10 seulement étaient acceptables. Qu’a fait ce gouvernement? Eh bien, sept mois plus tard, il a inséré dans le projet de loi C-69, le projet de loi omnibus d’exécution du budget, un énorme correctif législatif, même si nombre d’observateurs sont d’avis que ces dispositions seront également jugées inconstitutionnelles par les tribunaux.

J’aurais voulu demander au ministre, en sa qualité de ministre de la Justice — soit de législateur en chef du Canada —, pourquoi il n’a pas dit au gouvernement Trudeau qu’il était inapproprié d’imposer ce genre de mesure extrêmement compliquée pour essayer de transformer le projet de loi C-69 en loi d’exécution du budget qui empêche le Parlement d’examiner et de modifier adéquatement cette importante mesure législative. Puisque le temps de comparution du ministre s’est écoulé sans que je n’aie eu l’occasion de lui poser cette question, je vais la poser aux fonctionnaires. Quand les fonctionnaires du ministère de la Justice ont-ils reçu des instructions du gouvernement pour apporter ce genre d’énorme changement législatif à la loi d’exécution du budget?

Me Giammaria : Je suis le seul fonctionnaire autour de cette table, et je suis ici pour parler du vol d’automobiles.

La sénatrice Batters : J’imagine que vous avez des fonctionnaires qui s’occupent de divers autres dossiers. Auriez-vous l’amabilité de demander à un collègue du ministère de la Justice à quel moment le ministère a reçu la directive d’inclure ces nombreuses dispositions dans la loi d’exécution du budget?

Me Giammaria : Je ne peux pas répondre à cela.

La sénatrice Batters : Je sais que vous ne le pouvez pas, mais je vous demande de...

La présidente : Vous en êtes à quatre minutes.

Le sénateur Prosper : J’ai une question pour Mme Pelley. Concernant la section 44, vous avez expliqué le rôle des dispositions transitoires entre les dispositions d’exemption existantes et le nouveau régime réglementaire qui sera proposé. D’après ce que je comprends, d’ici à ce que la nouvelle réglementation soit en place, l’actuel régime d’exemption demeurera valide.

Mme Pelley : C’est exact.

Le sénateur Prosper : Vous avez dit qu’une partie du nouveau régime réglementaire s’appuiera en partie sur des consultations tenues en vertu du règlement. Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui orientera ces consultations relatives à l’élaboration de cette nouvelle réglementation? Qui consulterez-vous ou quel est le processus envisagé à cet égard?

Mme Pelley : Volontiers. Merci beaucoup pour cette question. Je vous signale que nous avons déjà consulté les intervenants au sujet d’une proposition visant l’élaboration d’une nouvelle réglementation relative aux sites et aux services de consommation supervisée. Cette consultation exhaustive a été menée en 2020-2021.

Ce sont d’ailleurs les résultats de cette consultation qui ont fait ressortir la nécessité d’apporter des modifications législatives qui s’écarteraient du régime d’exemptions actuel pour les sites et les services de consommation supervisée. À l’époque, nous avons mené de vastes consultations auprès de groupes clés, principalement de fournisseurs de services — les actuels exploitants de sites de consommation supervisée au Canada — ainsi que des personnes ayant vécu une expérience de consommation de substances, des forces de l’ordre et des professionnels de la santé. Il s’agissait d’un processus de consultation très rigoureux. Nous avons également accepté des commentaires écrits. Nous avons publié un avis d’intention et reçu une centaine de réponses par écrit. Nous avons aussi organisé une série d’échanges de connaissances à laquelle ont participé des spécialistes qui ont échangé de l’information sur les données probantes relatives aux sites et aux services de consommation supervisée. Ces consultations nous ont permis de soupeser une diversité de points de vue sur ces questions. C’est vraiment le résultat des consultations qui nous ont orientés dans cette direction.

Nous avons l’intention de tenir d’autres consultations si jamais les modifications législatives sont adoptées. Nous consulterions essentiellement les mêmes groupes, mais nous donnerions aussi l’occasion à quiconque s’intéresse à la réglementation de donner son avis.

Le sénateur Prosper : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Dalphond : J’ai oublié qui a parlé de la section 36.

[Traduction]

Quel représentant du ministère de la Justice a parlé de la section 35? Modification relative au vol de véhicules à moteur.

[Français]

Pour la section 36, la Loi sur la radiocommunication crée une nouvelle infraction à l’article 380 du projet de loi, qui interdit de posséder tout appareil radio, matériel ou dispositif. Si je lis bien la disposition, elle ne requiert pas une intention; la simple possession suffit.

M. Rochon : C’est exact.

Le sénateur Dalphond : Le but de la législation est de permettre au ministre, conformément à l’article 381, d’interdire des équipements permettant de commettre des vols de voitures.

M. Rochon : Ce pourrait être autre chose, mais l’objectif principal, dans le contexte actuel, c’est le vol de voitures; vous avez raison.

Le sénateur Dalphond : C’est ce que j’avais compris. Si je passe à la partie 35, qui modifie le Code criminel en matière de vol de véhicule moteur, l’article 370 dit que le Code criminel est modifié au paragraphe 333.2(1) pour dire ceci :

Commet une infraction quiconque possède un dispositif électronique pouvant servir à commettre un vol de véhicule à moteur dans le but de commettre une infraction de vol de véhicule à moteur.

Donc, l’intention est requise.

M. Rochon : Vous avez raison.

Le sénateur Dalphond : Dans un cas, l’intention n’est pas requise et c’est la possession d’un équipement; dans l’autre cas, c’est la possession d’un équipement pour commettre un vol de voiture, mais l’intention est requise.

M. Rochon : Oui.

Le sénateur Dalphond : On a deux infractions de possession pour probablement le même équipement.

[Traduction]

Me Giammaria : L’une est une infraction criminelle, l’autre est de nature réglementaire. Sur le plan constitutionnel, l’un des principes de la justice fondamentale veut que pour qu’il y ait infraction criminelle, il doit y avoir un élément de faute, comme vous le savez sans doute.

Le sénateur Dalphond : Quelle est la peine maximale prévue à la Loi sur la radiocommunication?

[Français]

M. Rochon : Voulez-vous que je vous réponde en français?

Le sénateur Dalphond : Oui.

M. Rochon : Conformément à la Loi sur la radiocommunication, c’est une sanction administrative pécuniaire. Pour un individu, la peine peut aller jusqu’à 25 000 $. Pour un non-individu, la peine peut aller jusqu’à 10 millions de dollars. Pour les récidivistes, la peine va jusqu’à 50 000 $ pour un individu et à 15 millions de dollars pour un non-individu.

Le sénateur Dalphond : Combien de millions?

M. Rochon : Quinze. C’était déjà dans la loi; c’est pour cette raison que vous ne le voyez pas. C’est déjà là pour d’autres types d’infractions.

Le sénateur Dalphond : Il n’y a pas de peine d’emprisonnement possible? C’est seulement une amende?

M. Rochon : Il peut aussi y avoir une peine d’emprisonnement de six mois à un an, selon l’infraction.

[Traduction]

La sénatrice Simons : C’est exactement ce que je voulais savoir. Dans le Code criminel, la disposition porte spécifiquement sur le vol de véhicules à moteur. Cependant, en vertu de la Loi sur la radiocommunication, comme vous venez de l’expliquer, l’infraction doit être commise dans l’objectif précisé par le ministre, et vous avez ajouté que ce pourrait être dans différentes sortes d’objectifs. Cette disposition me semble trop générale parce que ce projet de loi permettrait au gouvernement ou au ministre en poste d’interdire la fabrication, la vente, la possession, l’utilisation et ainsi de suite de tout appareil radio, matériel ou dispositif précisé dans un arrêté du ministre. Il n’est pas précisé que ce doit être un dispositif qui serait utilisé pour commettre un crime ou pour espionner des gens.

Je suis également membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Ce qui m’inquiète, c’est que cette disposition confère au ministre une vaste latitude pour interdire la vente de radios ou de tout autre type d’appareil pour toute raison qu’il précisera.

M. Rochon : Je vous remercie de votre commentaire, sénatrice. Vous avez raison; la portée est très générale. Contrairement au Code criminel, la Loi sur la radiocommunication ne peut pas désigner des infractions précises. Elle porte sur l’utilisation de la communication sans fil et, dans le cas qui nous occupe, de l’interception de signaux de communication.

Pour que le ministre émette un arrêté, le ministère doit, en son nom, suivre le processus réglementaire applicable à tout type d’arrêté ministériel. Il faut faire une étude d’impact de la réglementation pour s’assurer que la décision n’aura aucun effet néfaste sur d’autres plans. Il faut aussi tenir une consultation publique. Au sein du Conseil du Trésor et du gouvernement, il existe un système de freins et de contrepoids pour s’assurer que les avantages sont plus importants que les préjudices potentiels pour les Canadiens.

Aujourd’hui, les dispositifs sans fil sont omniprésents, sénatrice. Ils sont dans les ordinateurs portables, dans les véhicules et dans les usines automatisées du secteur. Il existe un risque potentiel d’interception de signaux de télécommunication susceptible de causer un grave préjudice aux Canadiens et aux entreprises canadiennes, ce qui explique pourquoi les dispositions sont ainsi structurées. Si jamais un nouveau risque grave se posait pour les Canadiens, ces dispositions pourraient être adoptées pour régler ce problème.

La sénatrice Simons : Vous pouvez donc aller de l’avant. Je suis toujours préoccupée par tout ce qui concerne la communication et porte atteinte à la liberté d’expression et au droit de savoir. J’imagine toujours que ce projet de loi pourrait être manipulé par le pire premier ministre possible. Je me demande s’il y a suffisamment de freins et de contrepoids pour veiller à ce que cette disposition ne puisse pas être utilisée de façon abusive de façon à nuire à la capacité des Canadiens de communiquer entre eux ou à freiner les progrès technologiques dont vous parlez. Cela pourrait permettre à un futur ministre de réglementer la façon dont nous utilisons la technologie sans fil.

M. Rochon : Ce projet de loi respecterait la Loi sur les textes réglementaires. Au gouvernement, nous devons faire confiance à nos institutions gouvernementales en matière d’application de la loi et nous assurer que ces scénarios ne se produiront pas. Si ces systèmes fonctionnent comme prévu, ils devraient empêcher ce genre de choses.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Le sénateur Cotter : Je reviens à la Loi sur les juges. Je ne sais plus à qui je dois poser ma question.

Nous sommes très heureux de vous avoir tous ici, même si je pense que les nombreux signes que nous devons faire vont se répercuter sur notre budget.

La sénatrice Simons : J’ai l’impression que nous avons besoin de musique, dans le style de Benny Hill...

Le sénateur Cotter : Pour que ce soit tout à fait clair et, peut-être, pour exprimer mon désaccord avec certains propos du ministre, je dois faire observer que la discussion portait sur l’Alberta. Les modifications apportées à l’article 24 de la Loi sur les juges semblent réaffecter à travers le pays d’éventuels juges supplémentaires qui devaient être affectés aux tribunaux unifiés de la famille. Dix-sept d’entre eux ont été transférés dans le bassin de ressources plus général des cours supérieures. Si j’ai bien compris, ces 17 juges pourraient être réaffectés dans n’importe quelle province, dont l’Alberta.

Ai-je raison de dire que, contrairement à ce qu’a laissé entendre le ministre, ces 17 juges ne peuvent pas être réaffectés aux tribunaux unifiés de la famille d’autres provinces ou territoires parce qu’on les a sortis de la catégorie des tribunaux de la famille? Ai-je raison de dire qu’ils ne seront plus disponibles pour exercer leur fonction dans les tribunaux de la famille d’une autre province?

Me Dekker : Ils ne pourraient pas être affectés aux tribunaux de la famille tels qu’établis par les provinces. Ils pourraient toutefois traiter des affaires familiales dans les tribunaux de première instance, par exemple, si un juge en chef décidait de répartir les causes entre ses différents juges.

Le sénateur Cotter : Cela pourrait être n’importe où au pays?

Me Dekker : Exactement.

Le sénateur Cotter : N’est-ce pas là une façon de concéder que cet aspect de l’accès à la justice — je ne veux pas dire l’échec — a atteint sa limite?

Me Dekker : Je n’irais pas jusqu’à dire ça. Je sais d’expérience que les tribunaux de la famille ont d’abord été créés à titre expérimental. L’expérience a été considérée comme un succès. Au fil des ans, divers gouvernements ont pris des décisions stratégiques en vue d’en augmenter le nombre. Ces tribunaux ont ouvert leurs portes en 1970. Il y a donc eu divers efforts d’expansion. La plus récente mesure a été annoncée dans le budget de 2018, je ne dirais donc pas qu’il s’agit d’un échec. Le gouvernement continue de soutenir les tribunaux unifiés de la famille, mais les besoins varient d’un endroit à l’autre.

Le sénateur Cotter : Cette modification limite et même réduit le nombre de juges supplémentaires qui peuvent être affectés aux tribunaux de la famille.

Me Dekker : Oui.

Le sénateur Cotter : Merci.

La sénatrice Pate : Je m’intéresse aux données démographiques sur les infractions commises dans la catégorie des vols de voitures. Quelles sont les données démographiques? Je m’intéresse à l’âge des contrevenants reconnus coupables, tant en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qu’en vertu du Code criminel du Canada, ainsi qu’à la durée des peines, à la race des contrevenants et à la façon dont ces données sont prises en compte. Avez-vous des données à nous fournir à cet égard?

Me Giammaria : Je m’excuse, sénatrice. Je n’ai pas réussi à prendre note de tout ce que vous demandez. Je n’ai noté que l’âge et la durée de la peine.

La sénatrice Pate : Aussi la race et le genre. Je suppose que les contrevenants sont surtout des hommes.

Me Giammaria : Je n’ai malheureusement pas ces données sous la main, mais je peux vous les faire parvenir si elles peuvent vous être utiles.

La sénatrice Pate : Ce serait fantastique. Pouvez-vous aussi indiquer comment elles ont évoluées au fil du temps?

La présidente : Auriez-vous l’amabilité de les faire parvenir à notre greffier qui les transmettra à tous les membres du comité?

Me Giammaria : Oui, je vous remercie, madame la présidente.

La sénatrice Pate : Si vous pouviez les ventiler par provinces et territoires, ce serait formidable. Je sais que les provinces ne transmettent pas toutes ces données périodiquement à Statistique Canada, mais tout ce que vous avez serait utile.

Est-ce que l’un ou l’autre d’entre vous se sent à l’aise de nous donner son avis sur cette question dans son ensemble? De toute évidence, ces infractions sont le fait du crime organisé, mais d’après mon expérience, ce ne sont habituellement pas les gens qui se trouvent dans la catégorie intermédiaire qui les commettent, mais ceux qui sont au bas de l’échelle. En général, les contrevenants que je rencontre quand je vais dans un pénitencier fédéral ne sont pas ceux qui profitent de la vente internationale de ces automobiles, et certainement pas des réseaux criminels internationaux.

Quelles mesures devons-nous prendre pour régler ces problèmes? Dans un pays où nous avons divulgué le nom des personnes impliquées, par exemple, dans les Panama Papers et les Pandora Papers, mais sans intenter de poursuites contre elles, j’ai du mal à croire que nous finirons par nous attaquer aux gros poissons, si je peux m’exprimer ainsi, au lieu de continuer à courir après les plus faciles à attraper.

Me Giammaria : Je vous remercie pour cette importante question. Pour commencer, je vous signale qu’en ce qui concerne la responsabilité des parties — c’est un concept que vous connaissez, j’en suis certain —, la loi s’appliquerait à quiconque participe concrètement à l’infraction, que cette personne se trouve au Canada ou pas. Sur le plan législatif, il existe des fondements de responsabilité pour tous les acteurs faisant partie, par exemple, d’une organisation criminelle.

C’est la police qui détient le pouvoir discrétionnaire de déterminer qui est accusé, quand et pour quels motifs. Dans le cas d’acteurs étrangers, c’est une question de coopération internationale des forces de l’ordre, ce qui dépasse en quelque sorte la portée de ce dont je suis en mesure de parler. Je peux toutefois vous dire que le régime juridique propose des fondements de responsabilité. Ce qui motive le type d’accusations ou d’enquête relève davantage de la police.

La sénatrice Pate : Espérons que tout cela deviendra évident grâce aux données que vous pourrez nous fournir.

Me Giammaria : Si vous demandez des données sur les peines, comme il s’agira de données globales, je ne sais pas si elles indiqueront où se trouvait la personne quand elle a été accusée ou des détails du genre. Je peux certes demander à obtenir ces données.

La sénatrice Pate : Ce serait formidable. Merci.

Me Cassidy : Vous avez parlé de personnes impliquées dans le crime organisé ou qui sont plus haut placées dans la hiérarchie et qui profitent des crimes. L’une des modifications proposées dans la série de mesures relatives au vol d’automobiles est une nouvelle infraction de recyclage des produits de la criminalité au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle, ce qui constituerait carrément une infraction criminelle. Cette disposition vise à envoyer un message et pourrait être utilisée pour cibler les personnes haut placées dans la hiérarchie qui profitent de ces infractions et qui recyclent les produits de leur crime.

La sénatrice Pate : Il serait très utile que nous prenions connaissance de l’analyse que vous avez faite pour expliquer que cela ne viserait pas les personnes qui seront entraînées dans le crime par autrui. D’après mon expérience, plus nous prendrons des mesures de ce genre, plus nous remonterons la chaîne des responsables du recyclage des produits de la criminalité. Merci.

La sénatrice Clement : J’ai des questions pour Mme Pelley, de Santé Canada, et Me Bourgeois, du Portefeuille des services du droit fiscal.

Tout d’abord, merci à tous d’être ici. Je suis toujours impressionnée par notre fonction publique et par les gens qui font partie du gouvernement et représentent les Canadiens. Je vous remercie de votre perspicacité et de votre travail assidu. C’est rassurant.

Je vais poser mes questions en rafale et vous laisserai ensuite répondre. Voici ma question pour Mme Pelley. Vous avez parlé de sites de consommation bien établis. Vous avez donné des statistiques sur les avantages qu’ils apportent. C’est une situation terrible, mais ces sites peuvent contribuer à la réduction des méfaits.

Vous avez utilisé les mots « bien établis ». Avez-vous des modèles que vous analysez, des sites modèles et que vous voudriez voir implantés ailleurs? Dans votre réponse aux questions de la sénatrice Prosper au sujet des consultations, j’ai cru comprendre que vous alliez en tenir davantage. Je vous propose donc d’inviter également des municipalités à y participer. J’aimerais avoir votre avis à ce sujet.

Maître Bourgeois, la cour de l’impôt et l’accès à la justice me paraissent deux choses bien différentes, mais quand je regarde plus attentivement, je comprends. J’ai fait mon stage à la cour de l’impôt, il y a déjà longtemps. C’était un endroit où la compétence technique était valorisée, bien entendu. Parliez-vous des petites entreprises, des entrepreneurs? Si cette cour de l’impôt entend des personnes qui ne sont pas représentées par un avocat, comment les fonctionnaires et les juges seront-ils appuyés dans leur travail? C’est difficile de traiter avec des personnes qui se représentent elles-mêmes. Même les avocats ont du mal à comprendre cette brique qu’est la Loi de l’impôt sur le revenu.

Madame Pelley, quelle est votre réponse?

Mme Pelley : Merci beaucoup de la question. Je vous remercie également pour vos commentaires.

En ce qui concerne les sites et les services de consommation supervisée, le rôle de Santé Canada consiste à veiller à ce que ces sites — qui sont pour la plupart communautaires et qui ont été mis en place dans le cadre d’initiatives communautaires locales — puissent fonctionner en toute légalité. Notre rôle principal est de nous assurer qu’ils sont à l’abri des sanctions pénales prévues dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, par exemple, pour possession de substance sur place. C’est vraiment le rôle de Santé Canada. Le concept de la réduction des méfaits s’est imposé, en fait, dans le cadre d’une initiative communautaire lancée à diverses périodes pour recueillir des données probantes. Je ne veux pas parler au nom des sites, car ce sont eux qui ont recueilli cet ensemble de données probantes et expérimenté différentes solutions.

Quant à savoir à quel moment un site est bien établi, je dirais que cela dépend en grande partie des consultations communautaires qui ont lieu avant l’ouverture du site. Quel est le site approprié, quel est l’emplacement idéal qui permettront de répondre aux besoins de la clientèle et à ceux de la collectivité en général? Notre expérience de l’autorisation de ces sites par le biais d’exemptions au fil des ans a fait ressortir l’importance des consultations communautaires au cas par cas. Ce n’est pas vraiment le rôle de Santé Canada de mener ces consultations ou de déterminer à quel endroit un site peut être établi, cela relève de la collectivité. Pour ce qui est de la consultation plus vaste sur la réglementation elle-même, nous avons vraiment l’intention d’aborder ces questions avec les municipalités.

La sénatrice Clement : Merci.

La présidente : Je vous remercie, chers collègues. Il nous reste environ cinq minutes. Deux d’entre vous souhaitent avoir un second tour...

La sénatrice Clement : J’avais une deuxième question pour Me Bourgeois.

La présidente : Je suis désolée, allez-y.

Me Bourgeois : Je vais être bref. Pour répondre à votre question au sujet des particuliers ou des entreprises qui se représentent eux-mêmes, je rappelle que le régime fiscal canadien comporte deux volets. Il y a d’abord la procédure générale, dont les règles en matière de preuve et de procédure sont comparables à celles des cours supérieures d’autres provinces. Il y a ensuite la procédure informelle, puisqu’il s’agit d’une cour « informelle », une sorte de cour des petites créances. Les dispositions législatives ici ne visent que la procédure générale, parce que dans le cadre de la procédure informelle, les contribuables peuvent être représentés par une personne de leur choix, par exemple, par un voisin ou un ami. Il n’en demeure pas moins que les litiges où des personnes se représentent elles-mêmes sont parfois très complexes. Il faut savoir s’y retrouver dans les règles.

Il va sans dire que nous ne pouvons pas donner de conseils aux contribuables qui comparaissent devant le tribunal, mais nous pouvons les aider, et nous avons été formés pour cela. Nous pouvons, par exemple, fournir à l’avance nos documents et nos arguments juridiques afin que les contribuables qui assurent leur propre défense puissent en prendre connaissance avant de se présenter au tribunal. Il existe toujours une tension entre le fait d’être un officier de justice qui présente et défend la position d’un client devant le tribunal et le fait d’autoriser un contribuable, qui se représente lui-même, à naviguer dans ces règles, ce qui est parfois difficile.

La sénatrice Batters : Ma question s’adresse à Me Cassidy et concerne la disposition dont vous avez parlé. Vous nous avez expliqué ce que sont les ordonnances ex parte. Pour l’information des non-avocats qui nous regardent, ce sont des ordonnances, émises sans préavis aux parties concernées, qui permettent à un juge de maintenir ouverts et de traiter certains comptes.

J’aimerais d’abord avoir une précision. Ces ordonnances s’appliquent-elles seulement aux comptes électroniques, comme les comptes de courriel ou de médias sociaux? Ou est-ce qu’elles s’appliquent aussi aux comptes bancaires électroniques ou aux comptes bancaires tout court? Je n’étais pas certaine si ces comptes étaient visés par les ordonnances ex parte comme le prévoit l’article actuel, mais j’ai vérifié le libellé de l’article et c’est bien le cas. Je remarque que ces nouveaux pouvoirs sont inclus dans une loi d’exécution du budget. Oui, il s’agit d’y inclure les ordonnances émises en réponse à une demande ex parte. Pouvez-vous préciser de quels comptes il s’agit et nous dire également si ces nouveaux pouvoirs de rendre une ordonnance sans préavis pourraient aussi s’appliquer à une situation comme celle du convoi de camionneurs?

Me Cassidy : Merci beaucoup. Je suis désolée, mais je n’ai pas entendu le début de votre question. Si je ne fais pas erreur, je pense qu’elle porte sur l’ordonnance de maintien d’un compte ouvert, n’est-ce pas?

La sénatrice Batters : Désolée, pourriez-vous répéter, je n’ai pas bien compris?

Me Cassidy : Votre question concerne-t-elle l’ordonnance de maintien d’un compte ouvert?

La sénatrice Batters : Oui, toute la sous-section C de la section 34. Je ne sais pas trop de quel compte vous parlez.

Me Cassidy : Les deux ordonnances devraient s’appliquer. Elles peuvent s’appliquer à des comptes financiers, par exemple, des comptes bancaires. La première disposition, en particulier, découle d’une recommandation de la Commission d’enquête sur le recyclage des produits de la criminalité de la Colombie-Britannique. Selon cette recommandation, le gouvernement de la Colombie-Britannique doit collaborer avec le gouvernement du Canada à la mise en place d’un cadre pour le maintien de comptes ouverts. Cette recommandation a été formulée par des témoins qui ont comparu devant la commission au sujet du cadre de comptes ouverts mis en place aux États-Unis.

Le nôtre est différent en ce sens que nous proposons une autorisation judiciaire préalable — une ordonnance du tribunal — alors qu’aux États-Unis, les forces de l’ordre peuvent en faire la demande

La sénatrice Batters : Est-ce que cela concerne aussi les comptes électroniques, comme les courriels, les médias sociaux, ou seulement des comptes financiers?

Me Cassidy : Oui, je voulais vous décrire le contexte ...

La sénatrice Batters : Je sais, mais j’ai très peu de temps.

Me Cassidy : Le mot « compte » n’est pas défini parce que nous prévoyons que ces ordonnances pourraient être utiles pour d’autres types de comptes, par exemple pour un compte de messagerie électronique. C’est exact.

La sénatrice Batters : Désolée, vous avez été interrompue à la fin. Que disiez-vous en terminant votre réponse?

Me Cassidy : Je suis désolée. Nous anticipons que ces ordonnances pourraient être utilisées pour d’autres types de comptes.

La sénatrice Batters : D’accord. Est-ce qu’elles pourraient s’appliquer au convoi des camionneurs, par exemple?

La présidente : Le temps est écoulé. Merci à tous de votre présence. Je remercie notamment les fonctionnaires de leur présence et de leur grande patience à notre égard. Nous aurions bien voulu vous accueillir à une table plus grande, mais ce n’est vraiment pas une situation habituelle. Merci beaucoup à vous tous d’être venus. Je suis certaine que nous vous reverrons. Chers collègues, je vous remercie. Nous nous reverrons demain matin.

(La séance est levée.)

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