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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 27 avril 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 14 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).

Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Je suis le sénateur Boisvenu, du Québec, et j’ai le plaisir de présider cette réunion aujourd’hui en remplacement de ma collègue la sénatrice Jaffer. Nous tenons aujourd’hui une réunion hybride du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

En cas de difficultés techniques, notamment en ce qui concerne l’interprétation, veuillez le signaler au président ou au greffier et nous nous efforcerons de résoudre le problème rapidement.

[Traduction]

Je signale que notre présidente, la sénatrice Jaffer, n’est pas ici aujourd’hui. Nous lui envoyons nos meilleurs vœux et nous espérons qu’elle sera bientôt des nôtres.

J’aimerais prendre quelques minutes pour vous présenter les membres du comité.

[Français]

Le sénateur Dalphond, parrain du projet de loi, du Québec; le sénateur Carignan, porte-parole du projet de loi, du Québec; la sénatrice Batters, de la Saskatchewan; le sénateur Cotter, de la Saskatchewan; le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique; la sénatrice Clement, de l’Ontario; le sénateur Wetston, de l’Ontario; la sénatrice Dupuis, du Québec; le sénateur Harder, de l’Ontario; la sénatrice Pate, de l’Ontario; le sénateur Patterson, du Nunavut.

Je vous rappelle que vous devez m’en informer si vous n’avez pas de question à poser, sans quoi nous irons à tour de rôle selon la liste des sénateurs pour les questions.

Aujourd’hui, nous commençons notre étude d’un projet de loi important, le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).

Nous accueillons aujourd’hui l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné de Me Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal; Me Shannon Davis-Ermuth, avocate-conseil et cheffe d’équipe; Me Jos Normand Wong, avocat-conseil et chef d’équipe, qui sera avec nous par vidéoconférence et nous rejoindra à la deuxième heure.

Tout d’abord, bienvenue, monsieur le ministre. Je vous donne la parole; vous avez cinq minutes pour faire votre présentation.

David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci aux sénateurs et sénatrices qui sont ici aujourd’hui sur le territoire traditionnel de la nation algonquine anishinabe.

[Traduction]

Honorables sénateurs et sénatrices, le Canada, comme le reste du monde, se débat avec la pandémie de COVID-19 depuis maintenant plus de deux ans.

Les mesures de santé publique nécessaires ont eu des répercussions importantes sur le fonctionnement des tribunaux et l’administration de la justice pénale. En dépit d’énormes difficultés, les gens qui œuvrent dans nos cours de justice pénale ont fait un travail remarquable dans des circonstances sans précédent.

Voici quelques exemples : de nombreux palais de justice ont dû reconfigurer leurs salles d’audience pour accueillir les comparutions en personne en installant des barrières en plexiglas, des marqueurs de distanciation physique et des postes de désinfection des mains. Lorsque la reconfiguration n’était pas possible, certains tribunaux se sont déplacés dans des espaces plus grands, comme des centres communautaires, où ils pouvaient respecter les consignes de distanciation physique.

Les investissements dans la technologie, l’utilisation de documents électroniques et le recours accru aux séances virtuelles ont tous pesé dans la balance et représentent un grand bond dans la modernisation de l’appareil judiciaire par rapport à l’époque d’avant la pandémie. Cependant, les tribunaux ne sont pas tous en mesure de fonctionner à la même capacité qu’avant la pandémie. Les problèmes de capacité et les retards qui en découlent affectent les témoins, les victimes et leurs familles et, bien sûr, les défendeurs.

Comme vous le savez, toute personne accusée d’un crime a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte. À ce jour, la plupart des tribunaux ont considéré les retards dus à la pandémie comme des circonstances exceptionnelles, au sens où l’entend la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Jordan de 2016. Par conséquent, les affaires reportées en raison de la pandémie n’ont en général pas été rejetées pour cause de délai.

Cependant, en continuant de composer avec les effets de la pandémie, la Couronne et le système de justice doivent démontrer qu’ils prennent des mesures raisonnables pour réduire les délais. Mon projet de loi C-5 est une de ces mesures qui, je l’espère, contribueront à réduire les retards dans l’administration de la justice pénale. Le projet de loi S-4, celui dont nous parlons aujourd’hui, en est une autre.

[Français]

Le projet de loi S-4 est un élément de la solution. Il vise à améliorer la sécurité et l’efficacité des procédures pénales en assurant aux tribunaux plus de latitude pour répondre aux défis mis en lumière par cette pandémie. Il tient compte de commentaires reçus de mes homologues provinciaux et territoriaux ainsi que des intervenants. Je suis également au fait des défis rencontrés par les tribunaux, grâce aux travaux du Comité d’action sur l’administration des tribunaux en réponse à la COVID-19, que je copréside avec le très honorable Richard Wagner, juge en chef du Canada.

Plus particulièrement, le projet de loi contient deux grandes catégories de réformes. La première clarifie et élargit la disponibilité des comparutions à distance et vise à accroître l’utilisation de la technologie dans le processus de constitution de jurys.

La seconde met à jour et élargit l’accès au régime des télémandats du Code criminel. Cela permettra l’obtention, au moyen de la télécommunication, d’une plus grande variété de mandats de perquisition, d’autorisations et d’ordonnances.

[Traduction]

Je vais maintenant aborder la première catégorie de modifications, qui concerne les comparutions à distance.

Bien que ces modifications permettent aux accusés et aux contrevenants de comparaître par audioconférence ou vidéoconférence, elles ne changent pas le principe général selon lequel toute personne citée à comparaître en justice pénale doit le faire en personne, à moins d’une autorisation contraire. À l’heure actuelle, le régime général établi dans le Code criminel indique quand une personne peut comparaître à distance, lorsqu’il n’y a pas d’autres dispositions qui se rapportent à son cas. À l’heure actuelle, les dispositions propres à des cas particuliers sont dispersées dans l’ensemble du Code criminel.

Afin de rendre ce régime plus clair, le projet de loi S-4 déplace un grand nombre de ces dispositions dans la partie générale du Code criminel qui traite justement des comparutions à distance. Le projet de loi clarifie et élargit également l’offre de certaines comparutions à distance moyennant des mesures de sauvegarde connexes, comme l’exigence du consentement, la capacité de communiquer avec un avocat et des facteurs dont le tribunal doit tenir compte pour décider d’autoriser ou non une comparution à distance.

Le projet de loi permettra aussi aux candidats-jurés de participer à la sélection du jury par vidéoconférence, dans certaines circonstances, pourvu que les parties y consentent. Il y aura là aussi des mesures de sauvegarde, comme d’autoriser le tribunal à exiger la participation à distance uniquement s’il a approuvé un endroit doté de la technologie nécessaire à mettre à la disposition du candidat-juré. À défaut de fournir un tel endroit, comme lorsque le tribunal permet aux jurés de participer à partir de leur domicile, le tribunal devra donner aux candidats-jurés la possibilité de se rendre en personne dans la salle d’audience pour participer à la sélection.

Ce dernier point vise à faire en sorte que ceux qui n’ont pas accès à la technologie appropriée, ou qui ont une compréhension limitée de la technologie, puissent continuer de participer à la sélection du jury et éventuellement en faire partie.

[Français]

Je passe maintenant à la seconde catégorie de réformes. Le régime actuel de télémandats permet aux policiers de demander et d’obtenir un nombre limité de mandats et d’autres ordonnances d’enquête par téléphone ou par d’autres moyens de télécommunication, lorsque la présence en personne devant un juge de paix est peu commode.

Depuis son adoption, en 1985, et malgré sa portée limitée, ce régime s’est révélé être un outil efficace pour soutenir les enquêtes criminelles. Cela est particulièrement vrai pendant la pandémie. Le projet de loi élargit le régime de télémandats et le rend applicable à un plus grand éventail de mandats de perquisition, d’ordonnances et d’autorisations judiciaires.

Le projet de loi simplifie également le régime de télémandats. Il permet aux demandes de mandat d’être présentées à un juge de paix par un moyen de télécommunication qui produit un écrit, comme le courriel, sans que le demandeur ait à démontrer qu’il est peu commode de se présenter en personne devant le juge de paix. Ainsi, une demande pourra être présentée par un moyen de télécommunication qui produit un écrit aux mêmes conditions que les demandes faites en personne.

Ces changements permettent de faire un meilleur usage des ressources policières et judiciaires tout en permettant le respect des mesures sanitaires liées à la pandémie. Je tiens à préciser que les mesures de sauvegarde judiciaires continueront de s’appliquer.

Le vice-président : Monsieur le ministre, excusez-moi de vous interrompre. Pouvez-vous conclure d’ici une minute?

M. Lametti : D’accord. Je vais aller tout de suite à la conclusion.

[Traduction]

Ce projet de loi prévoit une plus grande souplesse dans la délivrance des mandats. Autre changement important, nous avons écouté les provinces et demandé un délai de 30 jours après la sanction royale pour qu’elles puissent mettre en œuvre les nouvelles dispositions.

Je serai heureux de répondre à vos questions. Plus que d’habitude, chers collègues, je vais faire appel à mes fonctionnaires aujourd’hui en raison de la nature technique du projet de loi, mais, comme toujours, je ferai de mon mieux pour répondre personnellement aux questions lorsque je le pourrai. Merci.

[Français]

Le vice-président : Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre.

Le sénateur Dalphond : Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas échapper à ma question puisqu’elle ne sera pas technique.

Nous avons vu au cours des dernières législatures de plus en plus de projets de loi du gouvernement présentés directement au Sénat. Dans certains cas, ces projets de loi ont rencontré des obstacles à la Chambre des communes.

Pourriez-vous nous indiquer ce qui a motivé la décision du gouvernement de présenter le projet de loi S-4 au Sénat et s’il y a des facteurs qui permettent de mitiger les obstacles qui semblent se présenter lors de la présentation de certains projets de loi au Sénat?

M. Lametti : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur Dalphond, et surtout d’avoir parrainé ce projet de loi. Dans ce cas, c’est uniquement dans le but d’obtenir la sanction royale le plus tôt possible.

C’est un projet de loi qui est nécessaire. Je viens de parler cette semaine aux juges en chef et aux juges des cours provinciales partout au Canada. Ce sont eux qui s’occupent de 80 % des causes criminelles partout au Canada. Donc, c’est très important pour eux d’obtenir cette réforme. Le projet de loi ne touche pas directement les finances du pays. Donc, nous pouvons commencer par le présenter au Sénat.

Notre gouvernement est ambitieux : il y a beaucoup de projets de loi, dont ceux de mes collègues et de moi-même, à l’étude à la Chambre des communes. Nous estimons que c’est plus efficace de procéder ainsi. J’espère que ce projet de loi sera adopté plus vite en commençant par le présenter au Sénat.

Le sénateur Dalphond : J’ai une autre question au sujet du financement. Ici, nous favorisons beaucoup l’utilisation des moyens technologiques nouveaux, mais ce ne sont pas tous les palais de justice qui sont munis de ces moyens technologiques nouveaux.

Y a-t-il un budget qui est prévu, éventuellement, pour soutenir les initiatives provinciales de virage technologique?

M. Lametti : Merci pour la question. Nous allons travailler avec nos homologues des provinces et des territoires. Effectivement, ce projet de loi est le fruit de suggestions faites surtout par l’Ontario et le Québec, et appuyées par les autres provinces et territoires.

Dans l’Énoncé économique de 2020-2021, nous avons annoncé des investissements d’environ 40 millions de dollars dans la technologie pour les tribunaux partout au Canada. Toutefois, il est clair qu’il faut continuer à travailler avec les provinces pour nous assurer que les services sont fournis. Vos collègues poseront sans doute la question, mais il faut aussi se pencher sur la connectivité en général, partout au Canada.

Le sénateur Dalphond : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Monsieur Lametti, le projet de loi S-4 de votre gouvernement vise en bonne partie à mieux gérer les délais de la justice pénale, qui demeurent un problème majeur au Canada. Depuis six ans et demi, monsieur le ministre, votre gouvernement est critiqué, y compris par notre comité sénatorial, pour sa lenteur à pourvoir les postes vacants à la magistrature. Le nombre de postes de juges fédéraux vacants au Canada pendant votre mandat fluctue généralement entre 40 et 60, et ce, après tant d’années au pouvoir. La donnée la plus récente, datée du 1er avril, révèle un nombre inacceptable de 58 postes vacants.

Monsieur le ministre, vous continuez de créer de nouveaux postes de juge, comme vous l’avez fait dans le budget de ce mois-ci, mais vous ne semblez pas pouvoir les combler. Peut-être que la fidèle Libéraliste est à court de noms, qui sait? La dotation des postes de juge vacants relève uniquement du pouvoir de votre gouvernement. Vous pouvez certainement contribuer à atténuer le problème critique des retards de la justice pénale au Canada, qui peuvent entraîner l’abandon d’accusations criminelles graves comme le meurtre et l’agression sexuelle.

Pourquoi votre gouvernement est-il encore aussi incapable de pourvoir les postes vacants après six ans et demi d’exercice, et plus de trois ans après votre nomination à la Justice?

M. Lametti : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Je ne suis évidemment pas d’accord avec le fond de votre question. Je pense que nous avons très bien réussi à pourvoir les postes de juge vacants. Lors de deux élections générales — la première en particulier —, nous n’étions pas habitués aux élections à date fixe. La prochaine fois, je pense que nous allons clairement pourvoir les postes vacants jusqu’au déclenchement des élections, ce que nous n’avons pas pu faire en 2019, et qui explique la plus grande partie, je suppose, des retards accumulés entre 2016 et aujourd’hui.

Comme vous l’avez signalé, j’ai réussi à obtenir des postes de juge supplémentaires, et nous avons mis en place un processus rigoureux, qui demande du temps. Il faut du temps pour nommer des juges et pour renouveler les comités de nomination des juges partout au Canada, de manière à ce qu’ils soient représentatifs. Ils ont un mandat de deux ans. Nous avons nommé plus de 500 juges de très grande qualité.

Je n’utilise pas la Libéraliste. Je l’ai dit publiquement à plusieurs reprises, tant à la Chambre des communes qu’à l’extérieur. C’est de la fausse présomption. Les nominations sont fondées sur le mérite et je suis très fier des juges que notre gouvernement et moi avons nommés.

La sénatrice Batters : Le cabinet de votre premier ministre a déjà admis avoir eu recours à la Libéraliste, de son point de vue.

Quoi qu’il en soit, vous m’avez donné la même réponse au sujet des postes de juge vacants avant l’élection de 2021. Vous m’avez donné cette réponse à propos de l’élection de 2019, et nous en avons eu une autre depuis, déclenchée par votre gouvernement, alors il n’en tenait qu’à vous d’agir, mais je veux passer à autre chose.

Il y a cinq ans, le Comité sénatorial des affaires juridiques a produit un excellent rapport, après 18 mois d’une étude exhaustive sur les délais judiciaires au Canada. Il contient tellement de mesures sensées pour aider à réduire les délais de la justice pénale. Notre rapport s’intitulait Justice différée, justice refusée, et il était visionnaire à bien des égards, surtout en ce qui concerne la technologie.

Monsieur le ministre, vous n’en avez pas parlé dans votre déclaration préliminaire aujourd’hui. J’espère que vous ne l’avez pas oublié. Alors ma question est la suivante : lorsque vous avez rédigé ce projet de loi, pourquoi n’avez-vous pas retenu beaucoup plus des mesures très utiles que le Comité sénatorial des affaires juridiques recommandait dans ce rapport?

M. Lametti : Merci de me rappeler le rapport, bien sûr. C’est un document important et c’est une ressource à notre disposition.

Ce projet de loi découle du fait que certaines provinces et certains territoires nous ont fait part de leurs besoins pendant la pandémie. Il représente donc un consensus de dispositions qui ont été proposées par les provinces, en particulier, et qui ont reçu l’appui de la magistrature, tant au sein du comité d’action, indirectement, que dans les autres consultations que j’ai eues avec des membres de la magistrature.

Il vise à régler les problèmes liés aux télécommunications en période de pandémie et à rendre le système plus efficace pour réduire les délais. Cela n’empêche pas d’autres réformes, madame la sénatrice.

Le sénateur Cotter : Je suis heureux de vous revoir, monsieur Lametti. Vous passez tellement de temps avec les sénateurs que je présume que vous allez poser votre candidature. Il y a une marche à suivre.

M. Lametti : C’est sur ma liste de souhaits, monsieur le sénateur.

Le sénateur Cotter : Beaucoup de gens trouvent que les tribunaux et les juges réagissent lentement aux changements dans la société, mais j’ai l’impression, après observation des dirigeants de nos tribunaux, qu’ils réagissent remarquablement bien dans des circonstances de pandémie que personne n’aurait pu prévoir. Je vois ce projet de loi comme une façon constructive de pousser plus loin les progrès réalisés.

Mais il soulève des questions. J’en ai huit, quoique j’en garde quelques-unes pour vos collègues un peu plus tard — quelques‑unes des plus importantes peut-être.

La première concerne le système de justice pénale en général et ses répercussions sur les Autochtones. Je pense à la Saskatchewan en particulier, mais pas exclusivement. En général, les gens qui ont affaire à la justice en viennent à commettre ce qu’on appelle souvent des « infractions contre l’administration de la justice », comme de ne pas pouvoir se présenter au tribunal, le défaut de comparaître, le manquement aux conditions de probation, toutes ces choses-là. En Saskatchewan, on disait que pour chaque infraction, on en commettait encore quatre dixièmes dans ces circonstances.

Je me demande, surtout dans le contexte des Autochtones, si les changements et les difficultés liés à la technologie ne vont pas empirer les choses pour de nombreux accusés, de nombreux prévenus.

Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure vous avez évalué les répercussions de ces dispositions sur les Autochtones?

M. Lametti : Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur. Elle est importante.

Nous pensons que ce projet de loi va les aider. La première chose que notre gouvernement a faite pour régler un certain nombre de ces préoccupations a été le projet de loi C-75, qui mettait l’accent sur ce qu’on appelle justement les « infractions contre l’administration de la justice », qui ont créé cette espèce de porte tournante dans le système de justice pénale, et qui devient un piège surtout pour les Autochtones.

Nous pensons que cela va aider, surtout parce qu’un certain nombre de ces infractions visent des personnes qui sont déjà incarcérées ou déjà dans le système de justice pénale. Les audiences vont se dérouler plus rondement et empêcher que surgissent d’autres obstacles.

Évidemment, ce n’est pas notre dernier mot. Il y a le projet de loi C-5, qui s’attaque directement à la surreprésentation des Canadiens autochtones et racisés dans le système de justice pénale. Et ce n’est pas fini non plus. Nous devons simplement éliminer les facteurs de discrimination systémique — de racisme systématique, pour tout dire — qui mènent à la surreprésentation des Autochtones dans nos prisons et au traitement qu’on leur fait subir à l’intérieur du système.

Le sénateur Cotter : Il arrive couramment que certaines des meilleures idées de modifications à apporter au système viennent des représentants du droit pénal à la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, qui se réunit pratiquement chaque été; je ne sais pas si elle a pu le faire dernièrement. Est‑ce que ces changements ont été examinés, ou avez-vous reçu des commentaires à leur sujet de la part de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada? Je ne m’intéresse pas seulement à ce que les provinces avaient à dire, mais aussi les avocats de la défense, qui aident souvent à faire des choix judicieux.

M. Lametti : Nous avons mené de vastes consultations auprès des avocats de la défense. Je crois comprendre que les mesures sont conformes à ce que proposait la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, mais je vais demander à Me Morency de vous donner plus de détails sur la consultation.

Me Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice du Canada : Je peux confirmer que les modifications au régime de télémandat proposées dans ce projet de loi ont reçu l’appui de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada. La CHLC s’est réunie tout au long de la pandémie, de façon virtuelle, mais elle est tout à fait d’accord. Les réformes ont aussi l’appui du Comité directeur sur l’efficacité et l’accès en matière de justice, qui réunit des dirigeants provinciaux, des juges, des universitaires et d’autres intervenants.

La sénatrice Clement : Bonjour, monsieur le ministre.

Je suis passée aux audiences virtuelles il y a deux ans. Je travaillais pour une clinique juridique à Cornwall. Je suis avocate spécialisée en droit des pauvres, alors ce qui me préoccupe, c’est l’incidence sur les gens qui n’ont pas accès à la technologie et qui n’ont pas les capacités de lecture et d’écriture nécessaires pour même s’initier à la technologie. Je fais du droit administratif, pas du droit pénal, mais la pauvreté est la même chose pour les clients, qui ont aussi toutes sortes d’autres problèmes.

Avez-vous des préoccupations à ce sujet? Qu’avez-vous prévu pour y remédier?

M. Lametti : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. C’est un sujet important.

La structure intégrée du projet de loi offre une certaine souplesse au juge, en fonction du contexte, en donnant des outils supplémentaires que la technologie pourrait fournir, seulement s’ils sont appropriés dans le contexte, seulement s’ils ne constituent pas un obstacle. Alors, ils seront utiles là où ils rendent les choses plus efficaces, bien sûr, mais le principe est que s’il y a un problème de compétence ou d’accès à la technologie, le juge ne s’en servira pas.

La question du consentement est toujours importante ici, et nous veillons particulièrement à ce que ce soit un consentement donné suivant des conseils juridiques appropriés.

Maître Morency, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose. Mais c’est le principe général qui prévaut ici, madame la sénatrice, et il s’applique à l’ensemble du projet de loi.

Me Morency : Comme le ministre l’a dit, il y a des mesures de sauvegarde qui sont prévues, notamment le consentement des parties, le pouvoir discrétionnaire du tribunal et le droit de consulter un avocat au besoin. Et puis, le tribunal aura toujours le loisir d’examiner les circonstances au fur et à mesure et de s’adapter en fonction des circonstances particulières.

La sénatrice Clement : Ma prochaine question porte sur la technologie et les investissements qui en découlent.

La technologie suppose non seulement la configuration initiale de l’équipement en général, mais aussi de la maintenance et la formation de personnel spécialisé. Certaines personnes ont eu du mal à négocier ce virage, notamment dans les milieux de l’aide juridique.

Est-ce que votre gouvernement discute de cela? Quand je parle d’investissements technologiques, j’entends le stockage numérique, les mécanismes anti-piratage, tout l’éventail de la technologie.

M. Lametti : Oui, nous en discutons. Comme je l’ai dit dans ma réponse au sénateur Dalphond, nous avons injecté de l’argent dans le système pour répondre aux besoins des provinces en technologie. Évidemment, la question plus générale des normes et de la protection des données et d’autres choses est omniprésente dans tout ce que nous faisons, mais surtout ici.

J’ai réussi à obtenir des fonds supplémentaires pour l’aide juridique dans la mesure où cela pourrait faciliter l’accès à la justice dans les affaires criminelles dont il est question ici, mais aussi en droit de l’immigration et des réfugiés.

Je vais continuer à travailler avec les provinces. Nous avons de bonnes relations avec elles et les territoires. C’est une question qui revient à chaque réunion fédérale-provinciale-territoriale, et la collaboration est bonne à l’heure actuelle. Nous avons mis sur pied le groupe de travail, coprésidé par le juge en chef du Canada et moi-même, qui réunit des administrateurs judiciaires de partout au Canada et qui établit un dialogue sur les pratiques exemplaires. Nous avons produit un certain nombre de documents à ce sujet, qui se sont révélés utiles pendant la pandémie. Il semble que les discussions se dirigent maintenant vers des questions comme la modernisation des tribunaux et les enjeux technologiques.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Monsieur le ministre, bienvenue au comité. Ma question concerne le comité d’action dont vous venez de parler, que vous coprésidez avec le juge Wagner.

Vous dites que c’est un projet de loi qui répond aux demandes des provinces. Y a-t-il, dans ce projet de loi, des choses qui ont été proposées par Ottawa et qui ont été rejetées par les provinces? Autrement dit, est-ce que le degré de consensus auquel Me Morency a fait référence était élevé ou y a-t-il des éléments que vous aviez proposés mais que vous avez dû retirer parce qu’il n’y avait pas d’adhésion?

M. Lametti : Merci de votre question. Effectivement, la base était surtout composée de propositions des provinces et — Me Morency pourrait me corriger— provenait surtout des lettres officielles de l’Ontario et du Québec, qui avaient des propositions différentes, et avec l’appui des autres provinces et territoires.

On a étudié les propositions et on a accepté celles qui faisaient consensus entre les provinces. On a donc effectivement choisi les moyens qui recevaient un appui plus significatif. Je crois que c’est la base d’un bon projet de loi, dans l’espèce. Lors de consultations qu’on a tenues avec d’autres parties prenantes et avec la magistrature, on a vu que ce projet de loi recevait un appui très fort.

La sénatrice Dupuis : Merci. On comprend très bien les questions de confidentialité liées aux mémoires au Cabinet. Toutefois, est-ce que vous seriez d’accord, comme vous l’avez fait à l’occasion lorsque vous avez témoigné devant le comité, pour déposer un résumé de l’analyse comparative entre les sexes plus qui, j’imagine, a été faite par votre ministère?

M. Lametti : Oui, avec plaisir.

La sénatrice Dupuis : J’ai une dernière question très courte. Il y a un élément difficile à suivre dans les projets de loi successifs du Code criminel. Je prends comme exemple l’article 36, où on prévoit qu’un juge de la cour provinciale pourrait décider que « l’inculpation devrait être poursuivie par mise en accusation [...] ».

Est-ce qu’il existe, quelque part dans votre ministère, une espèce de tableau qui nous permettrait de juger à partir, par exemple, des recommandations qu’on a faites dans le rapport du Sénat, quel est le plan d’ensemble que vous poursuivez par rapport à ce que nous considérons comme la nécessité d’une révision de l’ensemble du Code criminel?

Avez-vous un plan d’ensemble ou un document qui pourrait nous aider à comprendre comment le projet de loi C-75, et son successeur, le projet de loi S-4, s’intègrent dans une vision? Beaucoup de gens reconnaissent que l’on souhaite une révision de l’ensemble du Code criminel.

M. Lametti : Me Morency pourrait me corriger, mais c’est ce qui a été fait avec le projet de loi C-75, qui avait été adopté avant mon mandat en tant que ministre. C’était une réforme globale avec une vision cohérente en l’espèce. Le projet de loi S-4 s’insère dans cette vision, dans le sens que c’est une compression. On va ajouter au projet de loi certains aspects pour compléter ce qu’on avait dans le projet de loi C-75.

De telles études ont sûrement été faites au ministère de la Justice. Je passe la parole à Me Morency.

[Traduction]

Me Morency : Le projet de loi S-4, qui fait suite au projet de loi C-75, porte principalement sur les comparutions à distance. Le projet de loi C-75 modernisait, heureusement, les dispositions à ce sujet et c’est ce qui a permis aux tribunaux de procéder durant la pandémie. Le projet de loi S-4 apporte des modifications de forme et des correctifs à son prédécesseur. Quant aux autres modifications, il y en a quelques-unes qui concernent la prise d’empreintes digitales, un autre élément repris du projet de loi C-75. Nous pouvons vous fournir tout cela par écrit.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Monsieur le ministre, le projet de loi S-4 encourage une dépendance accrue à l’égard des télécommunications, comme vous l’avez déjà relevé. Je me demande si vous prévoyez une date limite pour certaines de ces mesures, puisque vous avez dit qu’elles répondent à la pandémie de COVID en particulier. De plus, comment prévoyez-vous surveiller leur mise en œuvre?

Bon nombre d’entre nous ont visité des prisons, notamment, et ont pu constater à quel point on y fait entorse à l’application régulière de la loi. On voit des portes béantes, une facilité d’accès, un manque de confidentialité et de vie privée. Je suis curieuse de savoir comment vous allez vous assurer qu’on répond aux préoccupations en matière d’accès tout en surveillant le respect des droits au cours normal de la loi et à la vie privée. Comment voulez-vous que les gens, s’il y a violation de ces conditions, aient accès à la justice en retour, étant donné que c’est déjà un obstacle et un problème?

M. Lametti : Merci, madame la sénatrice. Bien franchement, je ne vois pas de date limite. C’est le genre de changements qu’on va continuer d’apporter s’ils fonctionnent. Bien sûr, nous continuerons de surveiller la situation, avec la collaboration des provinces et des territoires, ainsi que des Services correctionnels.

Étant donné le fort appui que nous accordent tant les provinces que la magistrature — au niveau des cours provinciales en particulier, mais aussi des cours supérieures —, nous sommes bien placés pour surveiller la mise en œuvre des changements. Nous devons aussi nécessairement surveiller l’application de la technologie parce qu’elle évolue si rapidement qu’elle m’oblige, moi ou la personne qui occupe mon fauteuil, à un dialogue constant avec mes homologues provinciaux et territoriaux. Croyez-moi, j’en entends parler lorsqu’un procureur général de province trouve qu’il n’y a pas assez de ressources dans le système pour répondre aux exigences technologiques.

Il n’y a pas de plan écrit en ce sens. La surveillance sera continuelle. Il y a un certain nombre de choses, comme Me Morency l’a dit, qui viennent compléter des mesures déjà présentes dans le projet de loi C-75, des choses que nous avons préconisées et qui vont se peaufiner à l’étude de ce projet de loi.

Compte tenu de l’adhésion des gouvernements provinciaux et territoriaux et des instances dirigeantes, je pense que nous sommes bien placés pour surveiller la situation à l’avenir. Nous continuerons de peaufiner les choses à mesure que nous avancerons. Les préoccupations au sujet de la vie privée et de l’équité sont primordiales. Je les fais miennes aussi. Pour ma part, en tout cas, je vais m’assurer qu’on garde un œil là-dessus.

La sénatrice Pate : Comment envisagez-vous la surveillance, puisqu’il y a déjà des violations dont nous sommes témoins, sans compter les problèmes soulevés par mes collègues le sénateur Cotter et la sénatrice Clement? Les personnes incarcérées ont d’autres problèmes aussi qui, jusqu’à maintenant, ont échappé à toute surveillance malgré les dispositions en vigueur.

M. Lametti : Cela m’oblige à travailler avec le ministre de la Sécurité publique, qui est responsable du système carcéral. C’est ce que je fais. Écoutez, comme on dit au Québec, c’est une obligation de moyens, et je vais continuer de travailler fort pour améliorer les choses. Je comprends qu’il y a des lacunes dans le système. J’espère que la technologie nous aidera à en combler quelques-unes, mais par-dessus tout, la coopération qui sous-tend ce projet de loi nous aidera à obtenir de meilleurs résultats à l’avenir.

[Français]

Le sénateur Carignan : Excusez mon retard.

Monsieur le ministre, deux fois en deux jours, c’est toujours un plaisir de vous rencontrer.

M. Lametti : Avec un peu plus de distance cette fois-ci.

Le sénateur Carignan : Nous sommes plus en accord sur ce projet de loi. Même si je suis le porte-parole, je pense qu’il y a quand même des avantages importants à ce projet de loi. J’appuierai sûrement des amendements, des choses qu’on pourra retravailler, mais en principe, je pense que c’est un bon projet de loi.

J’aimerais savoir comment ont réagi les provinces et quels étaient leurs interrogations et commentaires, de façon à m’assurer que comme porte-parole, on puisse arriver avec des propositions qui sont constructives et qui respectent la volonté des provinces, et afin de m’assurer qu’elles sont prises en compte. À ce titre, j’ai demandé d’avoir une copie des échanges que votre cabinet a eus avec les représentants des différentes provinces sur le projet de loi, et on m’a dit qu’on ne pouvait pas me les envoyer sans l’autorisation des provinces.

Serait-ce possible de prendre l’engagement de faire le nécessaire pour obtenir les autorisations des représentants des provinces pour que j’aie la copie de ces représentations, de façon à ce qu’on ait un éclairage complet du dossier et qu’on puisse en tenir compte? De cette manière, peut-être pourrons-nous arriver avec des propositions qui viennent des différentes régions.

M. Lametti : Je suis content de m’y engager, monsieur le sénateur. Nous pouvons commencer avec les deux lettres de base du Québec et de l’Ontario; nous irons chercher des comptes rendus des réunions fédérales, provinciales. Nous essaierons d’avoir les permissions et de vous fournir les documents.

Le sénateur Carignan : C’est apprécié. Merci, c’était ma seule question.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Bienvenue, monsieur le ministre. Je viens du Nunavut, anciennement les Territoires du Nord-Ouest, où il y a une très longue tradition, comme vous le savez, d’amener la justice au seuil de chaque maison. Pensons au juge Sissons, par exemple, et au juge Morrow, que j’ai eu le privilège d’accompagner avec la cour de circuit en tant qu’avocat de l’aide juridique.

Il y a deux sujets sur lesquels j’aimerais avoir vos commentaires. Premièrement, nous avons de graves obstacles linguistiques et culturels à l’obtention d’un vrai consentement éclairé. Je sais que le consentement est nécessaire en l’espèce, mais malheureusement, il n’y a pas d’avocats de la défense inuits dans le barreau du Nunavut, bien qu’on ait offert plusieurs modules de programmes de droit. Un praticien d’expérience m’a dit, en commentant ce projet de loi, qu’il y a un risque réel de voir la technologie transformer le système judiciaire au Nunavut en une entreprise satellite où les avocats exercent à distance à partir d’endroits situés dans le Sud du Canada, ce qui, bien sûr, vient menacer cette très importante tradition de justice face à face.

Deuxièmement, et ce point a déjà été soulevé, il faut reconnaître la limite de la technologie disponible. Je ne parle pas de la capacité des tribunaux de capter des signaux, monsieur le ministre. Je parle des graves restrictions du service à large bande au Nunavut en particulier. Un praticien d’expérience m’a dit que le Parlement devrait se garder d’adopter des lois qui dépendent d’une technologie non accessible chez nous.

J’aimerais entendre vos commentaires sur ces deux points, s’il vous plaît.

M. Lametti : Merci, monsieur le sénateur. C’est une question extrêmement importante. J’ai eu le privilège de voir à l’œuvre le système judiciaire à Iqaluit et les progrès technologiques qu’il a réalisés, et on m’a expliqué la technologie qu’on utilise actuellement. Elle est en avance sur celle de bien d’autres endroits au Canada.

Cela dit, vous avez tout à fait raison de dire que la connectivité à large bande fait problème en général. Notre gouvernement s’est engagé à brancher 98 % des Canadiens d’ici 2026, et 100 % d’ici 2030, et à investir environ 2,5 milliards de dollars, je crois, en plus des autres sommes investies à cette fin par les gouvernements précédents, libéraux et conservateurs.

Ce ne sera toujours pas suffisant, et les défis technologiques vont demeurer, mais nous sommes déterminés à essayer de régler ce problème, dont je saisis l’ampleur et la profondeur, tout comme notre gouvernement d’ailleurs.

La réponse à la première question est plus complexe en ce sens que la technologie est disponible. Je suis au courant de la critique selon laquelle cela pourrait transformer la justice en entreprise satellite. Nous comptons sur le pouvoir discrétionnaire des juges. Ce sont des dispositions habilitantes et non pas des dispositions obligatoires, applicables lorsque la technologie est disponible, que le juge est convaincu et que l’accusé y consent. Sur cette base consensuelle et discrétionnaire, je suis d’avis que cela n’arrivera pas, et les principes en vigueur dans le système du Nunavut, que j’ai vu de mes propres yeux, continueront non seulement de s’appliquer, mais aussi de s’améliorer.

Il est important, je pense, de susciter une crainte légitime pour éviter que cela se produise.

J’ai aussi été témoin d’un de ces programmes de droit que l’Université de la Saskatchewan a dispensés à Iqaluit, et qui ont produit une cohorte de diplômés qui restent au Nunavut. J’espère qu’il n’y aura pas seulement l’Université de la Saskatchewan — je souris au doyen Cotter —, mais d’autres facultés de droit aussi qui collaboreront avec les pouvoirs publics non seulement au Nunavut, mais dans les autres territoires et les régions éloignées pour produire plus d’avocats, parce que c’est un problème critique.

[Français]

Le vice-président : Si vous me le permettez, avant de passer à la deuxième ronde, j’aurais une question pour vous.

Quel sera l’impact de cette réforme sur les victimes, sur les témoins et sur les jurés? On va souvent utiliser la notion de distance entre les témoins et les jurés par la vidéoconférence. Dans les procès, historiquement, le non verbal est souvent un élément important pour les avocats de la défense ou de la Couronne. Quel sera l’impact quant à la proximité historique entre le juré, l’accusé et le témoignage des victimes?

M. Lametti : On croit que cela aidera si le système est plus efficace et plus sensible. À propos des jurés, ce n’est que dans la sélection des jurés qu’on va travailler à distance. Le principe selon lequel un juré doit être capable de voir les participants et surtout l’accusé est encore valide. Je ne sais pas si Me Morency voudrait ajouter quelque chose, mais on ne réduit pas la distance quand celle-ci est nécessaire pour rendre la justice, surtout pour les victimes.

[Traduction]

Me Morency : Les victimes n’ont rien à gagner dans un système miné par des délais. Si on offre des façons de procéder et des moyens qui rendent le système plus efficace, pendant la pandémie et au sortir de la pandémie, cela profitera non seulement aux accusés, mais aussi aux victimes et cela renforcera la confiance dans le système de justice.

La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, votre projet de loi permet à un accusé de témoigner à son procès par vidéo, si je comprends bien. Je sais qu’il y a des limites à cela, mais il n’en demeure pas moins que cela pourrait se produire dans des procès criminels graves, y compris ceux intentés par voie de procédure sommaire. Est-ce que cela vous préoccupe? Je sais que cela ne s’applique pas aux procès devant jury, mais aux procès devant juge seul. Cependant, ne craignez-vous pas que des juges, dans certaines circonstances, ne puissent pas évaluer correctement la crédibilité d’un accusé qui comparaît seulement par vidéo et non en personne?

M. Lametti : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Elle est importante. Nous comptons sur le jugement et le bon sens des juges. S’ils ne peuvent pas évaluer la crédibilité ni mener un procès équitable en utilisant l’un ou l’autre des outils technologiques, alors ils ne doivent pas le faire. Cela vaut aussi pour le consentement que l’accusé et son avocat doivent donner. C’est pour cela qu’il y a des mesures de sauvegarde dans tout le projet de loi. Je pense qu’elles seront très efficaces pour empêcher que ne se produise jamais une situation où un juge ne pourrait pas évaluer la crédibilité, par exemple, en raison de la distance. Il faudrait simplement que le procès se tienne en personne.

Il n’est pas dans l’intérêt des juges, des accusés et des victimes que ce genre de procès ait lieu si le système est incapable de répondre à ces préoccupations. Et ces mesures font partie intégrante du système, alors je suis pas mal certain qu’elles vont bien jouer leur rôle.

J’ai déjà mentionné le genre de soutien qui existe dans l’ensemble du système, pour les intervenants, les avocats, les juges, les administrateurs provinciaux, les homologues provinciaux et territoriaux, mais j’ajoute à cela qu’un certain nombre de ces mesures ont été testées en partie dans différents tribunaux provinciaux, et cela semble bien fonctionner.

La sénatrice Batters : Est-ce que le procureur de la Couronne doit lui aussi consentir à ce que l’accusé subisse un procès par vidéo s’il peut y avoir des problèmes de crédibilité? Advenant une situation où l’Internet serait instable, par exemple, ou un problème de ce genre, est-ce qu’on pourrait changer... bon, ce sont deux questions distinctes, je suppose. D’abord, est-ce que les procureurs de la Couronne doivent aussi donner leur consentement et, ensuite, est-ce quelque chose qui doit être déterminé avant le début du procès, ou si le juge peut décider, à un moment donné pendant le procès, que non, cela ne fonctionne pas, que l’accusé devra se présenter en personne?

M. Lametti : Je crois comprendre que le procureur de la Couronne devrait donner son consentement. Pour ce qui est d’un changement en cours de procès, je dirais que la solution passe par le consentement aussi. Si le plan initial doit changer en cours de route, il faut le consentement des parties.

La sénatrice Batters : Je reste un peu sur ma faim, là. Je veux savoir.

Me Morency : Oui, si les deux parties consentent à procéder à distance et que le tribunal convient à sa discrétion qu’il est approprié de le faire dans les circonstances de l’affaire, on peut procéder. Si les circonstances changent pendant le procès, je crois comprendre que le tribunal aura toujours le pouvoir discrétionnaire de réévaluer la situation. Est-ce exact?

Me Shannon Davis-Ermuth, avocate conseil, cheffe d’équipe Ministère de la Justice Canada : Oui. À l’article 46 du projet de loi, au tout début de l’article 715.222, il y a une disposition de cessation. C’est déjà là dans les dispositions sur les comparutions à distance, mais on ne fait que le ramener à l’avant-plan pour que cela s’applique globalement dans la partie qui traite des comparutions à distance. Il y a une disposition de cessation qui dit que si le tribunal accepte la comparution ou la participation d’une personne par audioconférence ou vidéoconférence au titre de cette partie, il peut en tout temps mettre fin à l’utilisation du moyen technologique en cause et prendre toute mesure qu’il estime indiquée dans les circonstances pour poursuivre d’une autre façon.

La sénatrice Batters : En ce qui concerne la sélection du jury, étant donné que vous avez modifié la procédure dans le projet de loi précédent, faut-il comprendre que cela se fait toujours par vidéo maintenant, ou seulement que cela peut se faire? Parce que, là encore, c’est le juge qui détermine si... Il peut se présenter des cas où le juge aurait certainement avantage à évaluer le candidat-juré en personne plutôt que par vidéo.

M. Lametti : La réponse est que cela peut se faire. C’est un outil dont dispose le juge. Cela vient compléter le projet de loi C-75, comme vous l’avez relevé avec justesse. C’est une option, qui est là pour parer aux difficultés très réelles qui ont surgi pendant la pandémie de COVID-19, pour constituer des jurys de façon sécuritaire, sans réunir des groupes entiers de personnes et, par conséquent, les exposer au virus; permettre par exemple de faire des téléconférences, pour que les gens puissent rester à la maison.

La sénatrice Batters : La pandémie de COVID-19 est maintenant vieille de deux ans. Vous savez, il y a des foules qui se réunissent à de grands concerts.

M. Lametti : La situation évolue, c’est vrai.

Le sénateur Cotter : J’ai deux questions, si vous me permettez. L’une d’elles porte sur ce projet de loi et peut-être sur une de ses répercussions. Lorsqu’un tribunal siège en personne, le juge est là pour voir comment les choses se passent, et si un observateur à l’arrière sort son téléphone cellulaire pour filmer les débats, le juge peut intervenir.

Lorsque les audiences sont publiques, c’est-à-dire que les gens peuvent les regarder, ils peuvent aussi, sans que le juge le sache, filmer ou capter une partie de ce qui se passe et l’afficher sur Internet ou ailleurs. Je me demande s’il faut s’en soucier, et si nous ne sommes pas en train de commencer à décider, quasiment par défaut, de passer à des audiences publiques où les journalistes peuvent regarder ou filmer les débats, étant donné qu’ils échappent ou qu’ils risquent d’échapper en quelque sorte à tout contrôle. Qu’est-ce que vous en pensez?

M. Lametti : C’est un souci légitime, monsieur le sénateur. À notre avis, le principe de la publicité des débats judiciaires est préservé dans ce projet de loi. Malheureusement, la technologie facilite effectivement l’enregistrement indu. C’est sans doute un problème sur lequel nous devrons nous pencher.

Mais je pense que les juges sont généralement d’avis qu’ils peuvent s’en accommoder à ce stade-ci. Je ne sais pas si l’une ou l’autre de mes collègues veut parler de dispositions précises, mais c’est une chose dont nous devrons nous occuper à l’avenir.

Me Davis-Ermuth : J’aimerais ajouter quelque chose. Il y a des dispositions dans le code qui autorisent les séances à huis clos dans certaines circonstances ou lorsqu’il y a un interdit de publication. Elles continueraient de s’appliquer aux débats judiciaires, de sorte que les juges garderaient un certain contrôle de ce qu’on peut diffuser dans des circonstances particulières.

Aussi, dans bien des cas, il y a des lois provinciales et territoriales qui régissent la diffusion des séances. Je n’ai pas la référence précise ici, mais l’Ontario, par exemple, a une loi. Il y a un moyen. Les tribunaux rappelleront aux gens, lorsqu’ils voudront regarder un procès, qu’ils ne peuvent pas enregistrer sous peine d’enfreindre la loi. Il y a moyen de retracer les gens qui feraient un usage abusif de pareil enregistrement.

Le sénateur Cotter : C’est un peu comme un talon d’Achille. Ma deuxième question, si j’en ai le temps, est un peu plus vaste, et elle découle en partie des observations que la sénatrice Pate a faites ici et ailleurs. Nous cherchons des moyens de simplifier et de faire aller les choses plus rondement dans le système de justice pénale, et d’éviter les complications liées à l’arrêt Jordan, les retards et tout ce qui s’ensuit, comme d’avoir à déposer de nouvelles accusations.

Une des options que nous avons, et qui est utilisée dans un certain nombre de provinces, mais pas dans tout le pays, c’est l’approbation des accusations. Aucune accusation n’est portée tant que les procureurs n’ont pas donné leur aval. Si on regarde les statistiques en Colombie-Britannique, par exemple, en procédant de cette façon, on arrive à laisser tomber peut-être jusqu’à 10 % des accusations envisagées par la police. Cela représente une énorme économie pour le système.

Avez-vous une position à ce sujet? Êtes-vous capable d’amener vos collègues à bouger dans cette direction pour accélérer le cours de la justice et permettre aux procureurs de travailler sur les affaires qui vont de l’avant, plutôt que sur celles qu’ils vont rejeter après avoir vu le dossier?

M. Lametti : Comme vous le savez, la fonction d’enquête et la fonction de poursuite ont été séparées. Cela s’est fait sous le gouvernement conservateur qui nous a précédés, et je pense que c’était une bonne chose que cela se fasse du temps de Rob Nicholson, qui était ministre à l’époque. Je suppose que cela fait partie de la réponse.

En principe, j’aime ce genre de décisions discrétionnaires que l’on prend, pourvu qu’on s’assure bien au préalable de ne pas tomber dans le racisme fortuit ou systémique, parce que c’est toujours une crainte.

J’ai déposé le projet de loi C-5 qui est présentement à l’étude à la Chambre et qui, dans le cas des accusations de possession simple, vise avant tout à les retirer du ressort de la justice pénale. De toute évidence, je suis en faveur de ces types d’ententes qui peuvent intervenir entre les procureurs et la police avant le dépôt des accusations. Nous devons nous pencher sur toutes ces questions, surtout lorsque la meilleure solution n’est pas d’imposer une peine criminelle.

[Français]

Le vice-président : Monsieur le ministre, la question du sénateur Cotter est intéressante en ce qui concerne la publication de vidéos qui pourraient découler du nouveau système.

L’avenue possible ne serait-elle pas, éventuellement, d’encourager la diffusion des débats en cour, qui est quand même exigée depuis des années par les médias et certains groupes? Dans le fond, on risque de retrouver ces vidéos sur les réseaux sociaux; dès qu’on possède quelque chose de visible au moyen de la technologie, il y a une diffusion.

La solution idéale ne serait-elle pas d’éventuellement mettre le vidéo à la disposition du public?

M. Lametti : C’est une bonne question. Évidemment, c’est un défi amené par les changements technologiques.

Ce que j’ajouterais à la discussion que l’on vient d’avoir avec vous, monsieur le président, mais aussi avec le sénateur Cotter, c’est l’indépendance de la magistrature. C’est un principe de base de notre système : la capacité de gérer. Oui, on a le principe des procédures ouvertes, mais on a aussi l’indépendance du juge en l’espèce. C’est quelque chose dont il faut tenir compte dans l’évaluation de la question.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Monsieur le ministre, je pense que le consentement est une question cruciale ici, qui exige la plus grande attention, évidemment, dans des circonstances médicales. Un praticien à qui j’ai parlé de ce projet de loi dit que le nouveau libellé de l’article 650 comporte un risque très réel, à savoir que des gens accepteront d’être physiquement absents à des parties importantes de leur procès, soit par lassitude ou indifférence, soit parce qu’ils croient que les choses iront plus vite, qu’ils auront un procès rapide, à défaut d’être équitable.

Lorsque je vous ai interrogé à ce sujet plus tôt, vous avez dit, si je vous ai bien compris, qu’il incombe aux juges de s’assurer qu’il y a consentement éclairé. Mais lorsque je regarde l’article 715.23, je constate que le tribunal doit tenir compte de certains facteurs pour permettre la comparution par vidéoconférence et par audioconférence. Il ne semble pas y avoir ce que j’appellerais la mesure dans laquelle l’accusé ou le contrevenant a pu donner un consentement éclairé. Il y a cinq facteurs à considérer, et celui-là n’en fait pas partie, qui me paraît pourtant important. Je me demande si c’est clairement énoncé dans le projet de loi, si cela m’a échappé quelque part.

M. Lametti : Je crois savoir, monsieur le sénateur, avant de céder la parole à mes collègues, que nous accordons une attention particulière au consentement des personnes qui sont représentées par un avocat. C’est une autre mesure de sauvegarde qui est intégrée au système. Mais je vais laisser parler Me Davis-Ermuth ou Me Morency.

Me Davis-Ermuth : Merci. Vous avez raison; le projet de loi ne traite pas expressément du consentement éclairé, et comme le ministre l’a dit, dans le cas des personnes représentées par un avocat, on peut espérer que celui-ci pourra aider ses clients à prendre leur décision. Une chose que nous avons remarquée, c’est que de nombreux tribunaux ont publié, tout au long de la pandémie, différentes lignes directrices sur la façon de procéder à distance, notamment la Cour de l’Ontario, et j’essaie de me rappeler de quelle instance il s’agissait. Je crois que c’est la Cour de justice de l’Ontario qui vient de publier des lignes directrices très détaillées qu’elle va appliquer à l’avenir.

Une des choses que les tribunaux ont relevées, en parlant de ce qui se prête mieux à la téléconférence, parce qu’ils l’ont remarqué au fil du temps, c’est que dans tel cas, on fait des gains d’efficacité, tandis que dans tel autre, il vaut mieux procéder en personne, ce genre de choses. Ils font des analyses différentes, selon que l’accusé est représenté ou non par un avocat, pour certains types de comparutions qu’ils voient mieux se dérouler en personne. Je pense qu’ils veulent être sûrs de tenir dûment compte de l’aptitude de l’accusé à prendre sa décision de consentir ou non.

Le sénateur Patterson : Merci.

La sénatrice Clement : J’aimerais revenir à la question des intervenants. Les changements sont là pour rester, j’en ai bien l’impression. J’ai entendu Me Morency parler de consulter des groupes et des universitaires. Parlez-vous à des clients qui sont passés par le système, qui ont vécu l’expérience? Est-ce que cela fait partie du processus de consultation?

M. Lametti : Nous parlons à des associations d’avocats de la défense, donc à des gens qui les représentent. Maître Morency, pouvez-vous ajouter quelque chose?

Me Morency : Je pense qu’une bonne partie de ce que vous voyez dans le projet de loi S-4 s’inspire d’une discussion continue que nous avons eue avec nos homologues provinciaux et territoriaux. En général, nous avons ces tribunes tripartites, mais plus particulièrement dans le contexte de la pandémie, où des fonctionnaires de tous les différents éléments de l’appareil de justice pénale ont été réunis... Pour revenir à ce que disait la sénatrice Pate, les services correctionnels, les corps policiers, et cetera, tous ces éléments ont été réunis dans le but d’essayer de déterminer ce qui ne fonctionne pas actuellement et ce qui fonctionne bien à partir du projet de loi C-75, mais qui ne va pas assez loin et que nous devons améliorer.

C’est ainsi que nos discussions ont pu nous être vraiment utiles. De plus, nous avons examiné la jurisprudence publiée tout au long de la pandémie, pour voir comment les choses se déroulent en temps réel. C’est une démarche par laquelle nous essayons simplement de réunir toutes les sources. Nous n’avons pas consulté le public sur ce genre de questions en particulier, mais nous avons collaboré avec les principaux intervenants fédéraux, provinciaux et territoriaux pour essayer de réunir tous ces éléments. Comme le ministre l’a dit, en particulier, le comité d’action national a apporté un éclairage que nous n’avons pas normalement dans les tribunes tripartites.

La sénatrice Clement : Il peut être utile de parler au vrai monde aussi. Je sais que toutes ces personnes sont du vrai monde, mais...

La sénatrice Pate : J’aimerais revenir à ce que disait la sénatrice Clement. La dernière fois que j’ai visité le Centre de détention d’Ottawa-Carleton, c’est le personnel en fait, puis les prisonniers, qui ont dit craindre que, souvent, les avocats de la défense préfèrent ne pas avoir à se rendre sur place. Pendant que nous étions là, nous pouvions entendre tout ce qui se passait, toutes les audiences en cours. Je ne sais pas à quelle fréquence il y a eu des consultations avec le personnel, les administrateurs et les prisonniers. Mais le personnel trouvait préoccupant de voir des gens plaider coupables à des accusations en grande partie parce qu’ils ne voulaient pas qu’on fasse lecture de leur acte d’accusation et que d’autres prisonniers ou membres du personnel puissent entendre les détails de leur affaire.

C’est là pour moi une grave entorse à l’application régulière de la loi. C’est pourquoi je posais la question. Nous avons entendu la même chose dans des pénitenciers fédéraux, pour les audiences de libération conditionnelle, qui ne sont pas visées ici, évidemment, mais j’y vois un problème répandu dans les prisons provinciales et territoriales d’un océan à l’autre, et qui, malheureusement, n’est pas nécessairement dénoncé par les avocats de la défense.

M. Lametti : C’est évidemment une préoccupation légitime, et nous y reviendrons et nous y réfléchirons. Comme vous le savez, il y a eu des points de contact avec le système carcéral. Et la protection de la vie privée est d’une importance cruciale, de même que l’équité du processus lui-même.

En tout cas, le simple fait de soulever le problème, comme je le disais au sénateur Patterson, je crois, nous permet maintenant de sensibiliser les juges et les autres participants, et de voir comment nous pouvons améliorer les choses.

La sénatrice Pate : Merci.

[Français]

Le vice-président : Monsieur le ministre, j’aimerais vous remercier de votre présence. Ce fut un excellent débat ainsi que de très bonnes questions. Nous continuerons à étudier le projet de loi S-4 afin de tenter de l’améliorer, comme notre mandat l’exige.

M. Lametti : Merci.

[Traduction]

Le vice-président : Nous y allons donc avec le deuxième groupe de témoins. Je crois comprendre que ce sera plus technique. Si vous voulez poser des questions à nos témoins, veillez à en informer le greffier.

[Français]

Le sénateur Dalphond : En fait, je n’aurai pas de question, parce que j’ai eu des breffages techniques de plusieurs heures. Je laisserai donc le soin à mes collègues de poser leurs questions et d’obtenir des réponses.

[Traduction]

Le sénateur Cotter : J’aimerais revenir à la question des audiences publiques, qui pose un peu problème, à mon avis. Je me demande si vous pourriez nous en dire davantage.

Le juge, quand le procès se déroule en personne, sait au moins qui se trouve dans la salle d’audience. Étant donné la façon dont la technologie sera utilisée, il ne saura même pas qui sont les observateurs dans la salle. On a beau avoir des lois provinciales et des règles de cour, il me semble que la possibilité de mettre en ligne un échange entre l’avocat de la défense et un témoin sera bien tentante pour certaines personnes.

De nos jours, on dirait que le monde est devenu encore plus écrasant, avec tous ces gens qui font fi des droits des autres et tout le reste, et nous n’avons pas fini d’en voir. Cela m’amène au point de vue que j’exprimais, ainsi que le vice-président, le sénateur Boisvenu, à savoir que cela force quasiment l’ouverture par défaut des débats judiciaires à la publicité.

Si je suis juge, et que les gens se permettent d’afficher tout ce qui se passe pendant que je mène un procès, je suis aussi bien de passer à l’idée que tous les débats peuvent être filmés et diffusés en public. J’aimerais savoir dans quelle mesure cela a pu soulever des préoccupations dans vos consultations et vos discussions. C’est une conséquence imprévue qui nous attend dans les prochaines années.

Me Davis-Ermuth : Je vous remercie de votre question.

C’est un problème qui a surgi dès le début. Comme pour bien des choses durant la pandémie, tout le monde s’est demandé : comment allons-nous faire cela maintenant? D’après nos observations, de nombreux tribunaux ont traité cela de différentes façons.

À ce stade-ci, ce que nous constatons dans bon nombre des audiences, c’est qu’il y a un certain contrôle des entrées. Il faut avoir un code d’accès. Il faut appeler. Il faut s’enregistrer, ce genre de choses. Mais il est toujours possible de déjouer le système.

Nous constatons que les tribunaux tentent d’exercer un certain contrôle, d’entretenir un sentiment de gravité et de préserver le décorum de la cour. C’est une des choses qui ressortent des règles qu’ils publient.

Je pense aussi que, selon la nature et la sensibilité d’une audience en particulier, ils peuvent être plus circonspects quant à savoir qui est présent, qui surveille et quelles mises en garde il convient de faire.

Rien ne nous indique cependant que les gens veuillent aller vers des audiences entièrement publiques parce que, comme vous l’avez dit vous-même, il y a toujours cette crainte chez les juges que des gens se mettent à filmer ce qui se passe. Mais il y a aussi les témoins qui auraient lieu de s’inquiéter. C’est déjà assez stressant de se présenter devant une salle d’audience, imaginez si on sait que c’est pour être diffusé. Nous voyons que les tribunaux s’efforcent actuellement d’exercer un certain contrôle et d’imposer des règles.

[Français]

Le vice-président : J’aimerais poser une question complémentaire à la suite de la question du sénateur Cotter, mais je prendrai la parole après le sénateur Cotter.

[Traduction]

Le sénateur Cotter : En quelque sorte, le sénateur Boisvenu s’est montré visionnaire ici.

Mon autre question porte sur un aspect de ce qui est offert ici, à savoir la possibilité de procéder par audioconférence pour la détermination de la peine, moyennant consentement. Cela me semble bien inconfortable par rapport à toutes les autres options, lorsqu’on pense aux enjeux de crédibilité, de contrition, et cetera.

Est-ce qu’il y a une raison pour laquelle on a choisi de dire que même l’audioconférence fera l’affaire si la vidéoconférence n’est pas disponible? Ce qui me frappe, c’est que nous en arrivons au point où nous ne faisons même pas le strict minimum pour résoudre ce problème de technologie.

Me Davis-Ermuth : Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur.

Cela tient à des circonstances dans lesquelles l’audience de détermination de la peine pouvait être la prochaine étape avant la libération d’une personne et que celle-ci n’avait pas pu obtenir une audience en personne.

Nous avons examiné dans quels cas de figure ce type de décisions judiciaires ont été prises, d’après ce que nous avons observé, ce n’est pas parce que cela figure au Code criminel que cela sera utilisé fréquemment.

Dans ces circonstances les magistrats tiennent compte de divers facteurs et se demandent par exemple : avons-nous déjà rencontré cette personne face à face? Peut-être nous sommes‑nous déjà rencontrés maintes fois et ceci n’est que la dernière étape, et pour une raison ou une autre nous ne sommes pas en mesure de nous réunir en personne, ou encore n’avons‑nous pas accès à la vidéo à ce moment-là. Le fait de prononcer la peine de cette façon permettrait aux magistrats de passer à l’étape suivante et d’aller de l’avant.

Dans tous ces cas de figure, nous avons parlé de la nécessité du consentement. Mais selon les situations les juges doivent prendre en compte un certain nombre d’autres facteurs pour s’assurer que ce fonctionnement serait approprié.

[Français]

Le vice-président : Actuellement, les cours des palais de justice sont publiques. Les gens peuvent se présenter dans les palais de justice, aller dans les salles d’audience et écouter un procès. On voit même des gens qui se promènent d’une salle à l’autre et qui regardent avec curiosité.

Est-ce que vous nous dites que, demain matin, les gens qui voudraient assister à un procès par vidéoconférence devront avoir une permission préalable, ou qu’il y aura un code d’accès fourni au public qui permettra à des milliers de personnes de regarder le procès par vidéo?

Me Davis-Ermuth : D’après ce que je comprends, les procès sont publics, mais il y a tout de même encore des limites pour certains procès. Par exemple, il doit y avoir suffisamment de place dans la salle, et ainsi de suite. C’est la même chose avec la technologie. On doit avoir un code pour avoir accès à l’audience. Ce n’est pas accessible au public sur YouTube, par exemple. Les gens devront entrer dans la « salle technologique ». Parfois aussi, il y a des limites quant au nombre de personnes qui peuvent participer aux audiences. Cela dépend des capacités technologiques disponibles.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : Je ne tiens pas à jouer le rôle du vieux grincheux, mais j’ai été coroner pendant 20 ans, et pendant 20 ans, j’ai mené des enquêtes avec le même pouvoir que le juge avec jury en exercice de la Cour supérieure de la Colombie-Britannique. Ce qui m’inquiète vraiment, et je pense que nous l’avons vu avec les formats hybrides, c’est la perte de la capacité de lire la salle, de lire le témoin, l’avocat et le jury.

Je sais que c’est moderne et ainsi de suite, mais je pense que nous perdons une partie de notre système de justice. Je ne crois pas que cela permettra à quiconque d’aller plus facilement devant un tribunal. Je suis d’accord pour dire que lorsque ma salle d’audience était trop bondée, j’ouvrais simplement une autre salle d’audience à côté avec une retransmission sur écran. Nous avons trouvé des fonctionnements.

Je m’inquiète de la sécurité. Je crains que vous puissiez dire qu’il n’y aura que X personnes dans des circonstances très précises; nous disons rarement cela dans les salles d’audience. Il y a des circonstances où on limite le nombre de personnes voire même où l’on ne divulgue pas l’identité du témoin.

Ma question est donc la suivante : a-t-on suffisamment étudié la question pour que nous puissions mesurer les avantages de ce que l’on nous propose ici par rapport à ce que nous allons perdre par rapport à cette interface de personne à personne? Je le répète, je ne veux pas jouer le rôle du vieux grincheux, mais c’est une question qui me préoccupe, parce que le fait de travailler face à face est l’une des forces de notre système. Je me demande si nous avons suffisamment mesuré cela et si nous avons vraiment comparé les deux méthodes.

Me Davis-Ermuth : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Pour être franc, non, il n’y a eu aucune étude à même de quantifier ce genre de choses. Au cours de la pandémie, puisqu’il y a eu des expériences faites par nécessité, il y a eu des observations. Bon nombre de ces mesures ont été essayées. Tout n’a pas nécessairement été fait, comme les procédures de sélection des jurés, mais on a fait des expériences.

Lorsque le projet de loi C-75 a modifié les dispositions relatives à la comparution à distance, à l’époque on n’est pas allé aussi loin et personne ne pouvait savoir que les gens seraient prêts à essayer cela quelques mois plus tard.

L’intention du projet de loi n’est pas que cela devienne la façon normale de procéder. L’intention est de veiller à ce qu’il y ait une voie législative claire pour le faire lorsqu’il est approprié de le faire. Beaucoup de gens, juges, avocats de la défense et procureurs de la Couronne, font les mêmes observations que vous, à savoir que ce ne sera pas nécessairement approprié dans beaucoup de cas. Les juges doivent tenir compte de tous ces facteurs. Il n’est pas prévu que ce soit la norme, surtout dans certains cas graves où il peut y avoir des sensibilités plus importantes, comme l’a mentionné la sénatrice Batters. Ce n’est pas prévu pour tous les cas.

De plus, lorsqu’il y a des préoccupations particulières au sujet de la télédiffusion d’un procès ou d’un témoignage, cela pourrait peser dans la balance pour déterminer si le tribunal entendra des témoins en personne ou s’il tiendra des audiences virtuelles.

Il s’agit simplement d’avoir une voie législative claire pour faire ce genre de choses lorsqu’il semble approprié de le faire.

Le sénateur Campbell : Y a-t-il un processus en place pour permettre cela — pour que le juge dise : « Non, je veux que tout le monde soit dans ma salle d’audience »? Est-ce que cela pose un problème dans le cadre de ce processus?

Me Davis-Ermuth : Me demandez-vous s’il y a un processus permettant au juge de refuser cette façon de procéder?

Le sénateur Campbell : Oui.

Me Davis-Ermuth : Tout est laissé à la discrétion du juge.

Le sénateur Campbell : Puis-je contester cela? Comment puis-je contester cette décision?

Me Morency : Il faudrait que nous vous répondions plus tard pour voir si les processus d’appel existants s’appliquent à ces pouvoirs. Nous nous engageons à répondre à cette question.

Pour souligner le point soulevé par ma collègue, il s’agit d’une adaptation par nécessité, compte tenu du fait que même au sortir de la pandémie, le système aura du mal à traiter l’arriéré. Dans la mesure où ces nouveaux outils ainsi que les possibilités accrues de recours aux comparutions à distance aideront à régler ces problèmes à l’avenir — encore une fois, c’est une possibilité; ce n’est pas obligatoire. Les mesures de protection existantes seront conservées à l’avenir.

Enfin, je conviens qu’il s’agit d’une question importante qu’il nous faudra examiner de près avec nos homologues provinciaux et territoriaux, ainsi qu’avec la magistrature pour ce qui est des commentaires du ministre au sujet du comité national d’action et ainsi de suite, pour voir comment tout cela va se dérouler à l’avenir.

Je comprends les préoccupations concernant le contrôle du processus par le tribunal. Mme Davis-Ermuth en a parlé un peu, et elle a dit que certaines dispositions du Code criminel s’appliquent actuellement. Si quelqu’un contrevient à une ordonnance de non-publication ou à une décision du tribunal concernant le décorum, le tribunal a le pouvoir d’imposer des peines pour outrage au tribunal et interdiction de publication. Nous nous attaquons à ce problème depuis de nombreuses années par l’entremise de la radiodiffusion et des médias à l’ancienne, comme les journaux imprimés et les médias sociaux — en grande partie ensemble.

La sénatrice Clement : Je veux rester sur le sujet de la collecte de données. Ce ne sont pas seulement les vieux grincheux qui se posent cette question, sénateur Campbell.

J’ai l’impression que nous allons en rester là et aller de l’avant avec la technologie. Je pense qu’aucun des tribunaux devant lesquels j’ai comparu ne veut revenir à l’ancien monde; ils veulent conserver un fonctionnement à distance.

Comment recueillons-nous les données? Vous avez dit qu’il n’y avait pas eu d’étude exhaustive à ce stade. Recueillons-nous des données sur les infractions, les plaintes et tout le reste? Y a-t-il un recueil systématique des données afin qu’elles puissent éclairer les changements à venir?

Me Davis-Ermuth : Voulez-vous dire des données sur la façon dont les procédures virtuelles sont menées?

La sénatrice Clement : Oui, et de quoi se plaignent les magistrats, les gens qui participent au processus, le public, et cetera.

Me Davis-Ermuth : À ce stade, comme cela a été dit, nous avons surtout procédé par consultations dans un certain nombre de forums. Il y a eu beaucoup de programmes de formation continue et de tables rondes au sein de la profession juridique, qui s’ajoutent à l’autre forum fédéral-provincial-territorial et au comité d’action — ce genre de choses qui ont été mentionnées. Il y a eu des discussions à la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada. Pour répondre à une précédente question, en plus de discuter des télémandats, il y a eu des discussions continues sur les procédures virtuelles et la façon dont elles se déroulent.

Pour l’instant, il ne s’agit pas d’une étude officielle. Nos autres sources d’informations principales sont la jurisprudence et les discussions sur les décisions qui sont prises et ce genre de choses. Cela pourrait être fait à l’avenir. Je pense qu’il s’agirait d’une étude qualitative, mais le ministère continue autant que possible de surveiller les choses et de faire des comparaisons avec la façon dont d’autres pays gèrent ces situations.

La sénatrice Clement : Oui, j’allais vous poser une question à ce sujet. Y a-t-il des pays que vous examinez plus particulièrement dans le cadre de ce projet de loi?

Me Davis-Ermuth : Nous avons examiné des pays qui ont des systèmes juridiques semblables — les États-Unis, les pays du Commonwealth, ce genre de choses — juste pour voir. Des questions ont été soulevées, notamment pour savoir si les procès devant jury devraient se dérouler de cette façon? D’autres pays procèdent-ils ainsi et comment ça se passe? Ce genre de choses. Dans la mesure du possible, nous avons fait des comparaisons et nous avons examiné ce que font les autres pays, comment cela se passe et quelle sont les rétroactions.

La sénatrice Clement : Donc c’est en cours. Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’ai deux questions. La première concerne le paragraphe 36 (1) du projet de loi S-4. J’en ai parlé tout à l’heure. On modifie le paragraphe 555 (1) avec « par mise en accusation ». Il y avait une question à régler, une confusion avec la Cour supérieure du Québec. Pouvez-vous m’expliquer précisément la nature du changement introduit par ce paragraphe 36 (1), s’il vous plaît?

Me Davis-Ermuth : Merci beaucoup pour cette question, madame la sénatrice. C’est une question technique, qui est en fait un suivi du projet de loi C-75. C’est une modification de ce qui a été fait dans le projet de loi C-75. Excusez-moi.

La sénatrice Dupuis : Je comprends que dans le projet de loi C-75, au paragraphe 555 (1) on indiquait « l’inculpation devrait être poursuivie devant la Cour supérieure » et on change maintenant pour « l’inculpation devrait être poursuivie par mise en accusation ». Pouvez-vous me donner la raison de ce changement, s’il vous plaît?

Me Davis-Ermuth : Merci. Avant l’entrée en vigueur du projet de loi C-75, comme vous l’avez mentionné, l’article 555 visait les situations où un procès devant la Cour provinciale pouvait être transformé en enquête préliminaire. L’ancien projet de loi C-75 a apporté, à l’article 555, des modifications corrélatives à celles visant à restreindre la tenue d’enquêtes préliminaires pour des infractions passibles d’un emprisonnement de 14 ans ou moins. Ces changements ont nécessité la création d’un processus de choix, puisque dans certains cas, un procès ne pouvait plus être transformé en enquête préliminaire.

L’ancien projet de loi C-75 avait également apporté d’autres modifications à l’article 555 afin d’actualiser, de modifier et de clarifier le texte législatif. Ces changements faisaient mention de la Cour supérieure et ce faisant, ne tenaient pas pleinement compte du fait qu’un juge de la Cour du Québec, qui n’est pas une cour supérieure, a compétence pour agir à titre de juge sans jury à l’égard des actes criminels. Ce changement tient compte du fait que d’utiliser le terme « Cour supérieure » ne fonctionnait pas au Québec.

La sénatrice Dupuis : Merci. Ma deuxième question concerne l’article 46. Le sénateur Patterson a fait référence aux changements apportés au paragraphe 715.23, c.-à-d. les cinq situations où on permettrait une comparution par audioconférence ou vidéoconférence. Donc, le tribunal doit estimer si cela est approprié, eu égard à un certain nombre de circonstances. C’est le premier élément de ces cinq éléments qui m’intéresse particulièrement : « a) le lieu où se trouve l’accusé ou le contrevenant et sa situation personnelle; ». Qu’entend-on ici par « situation personnelle »?

Me Davis-Ermuth : Oui.

La sénatrice Dupuis : Ma question accessoire est la suivante : l’élément de « situation personnelle » ne peut-il pas comprendre la capacité d’une personne à comprendre dans quel univers elle se trouve, de quoi exactement on l’accuse et éventuellement, sa capacité de donner un consentement éclairé? J’ai été étonnée qu’on ne fasse pas référence à cet élément comme étant un aspect qui devrait être compris dans la situation personnelle de la personne, de l’accusé ou du contrevenant.

Le vice-président : Avez-vous une réponse rapide?

Me Davis-Ermuth : La réponse courte, c’est que cet aspect n’est pas modifié par ce projet de loi. Cela a été mis en place dans le projet de loi C-75. Le seul changement est que cela comprend « le contrevenant » aussi.

La sénatrice Dupuis : Cela ne dit pas ce que vous entendez par « situation personnelle ».

Me Davis-Ermuth : Je pense que cela dépend du cas qui est devant la cour.

La sénatrice Dupuis : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Tout à l’heure, Mme Morency parlait d’adaptation par nécessité. Plus de deux ans se sont écoulés depuis le début de la pandémie. Presque tout le monde lève les restrictions sur les rassemblements et les événements. Nous voyons 20 000 personnes se réunir à des parties de hockey et à des concerts au Canada. Ce projet de loi a d’abord été présenté sous le numéro C-23 à la Chambre des communes il y a plus d’un an, et il n’a pas vraiment été inscrit au Feuilleton par la suite. Maintenant, il est présenté de nouveau au Sénat et je crois comprendre qu’il est relativement inchangé, voire identique. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant l’adoption de ce projet de loi; pourtant, il a été présenté principalement pour mieux gérer la pandémie de COVID-19. Je veux dire qu’il est très en retard. Quel est son intérêt réel dans ce contexte?

Comme je l’ai dit tout à l’heure, je conviens qu’il y a des questions de technologie et ce genre de choses, auxquelles s’ajoutent de nombreux autres sujets que nous devrions examiner en nous reportant à notre étude précédente sur les retards judiciaires afin que ce soit mieux géré à l’avenir. Ayant pratiqué à la fois les procès criminels et les tribunaux, je pense personnellement qu’il existe une grande différence entre les deux vis-à-vis de l’utilisation de la technologie virtuelle, surtout lorsqu’un juge doit évaluer la crédibilité.

Je sais que vous n’êtes ici que pour représenter le ministère. Vous êtes les fonctionnaires. De toute évidence je n’ai pas eu beaucoup de temps pour poser cette question à M. Lametti, mais quel avantage réel cela présente-t-il pour faire face aux problèmes liés à la COVID-19, alors qu’en réalité nous arrivons à la fin de cette période de contraintes et de limites aux rassemblements?

Me Davis-Ermuth : Je vous remercie de votre question, sénatrice Batters. Je pense qu’une partie de la réponse est, comme la sénatrice Clement l’a dit, que désormais il ne semble pas y avoir de retour en arrière possible. C’est le genre de procédures que les tribunaux ont vues — dans certains cas, ils ont pu y avoir recours; dans d’autres, ils aimeraient pouvoir le faire. En raison de la pandémie, de nombreuses procédures ont été suspendues. On nous a dit que les tribunaux s’inquiètent de leur capacité de régler le problème. Le projet de loi C-75 a été adopté; nous avons commencé à le mettre en œuvre, puis la pandémie a commencé. Il n’a même pas été possible de profiter de ces changements. Maintenant c’est encore plus lent.

Certaines de ces choses sont en cours d’expérimentation. Les provinces, les territoires et les juges nous disent qu’ils estiment que ce genre de modernisation et d’ajustement des processus actuels les aiderait à réaliser des gains d’efficience et à réduire leurs arriérés.

La sénatrice Batters : Je suis d’accord avec certains de ces gains d’efficacité. En revanche, j’ai vraiment du mal à croire qu’un juge puisse évaluer la crédibilité lors d’un procès criminel. La crédibilité est toujours un problème. Si c’est quelque chose qui est accepté par le juge, le procureur, l’accusé, dans des situations très précises, parce qu’ils considèrent qu’un procès ne sera pas difficile à évaluer, je pense que cela pourrait devenir une possibilité, mais je ne sais pas combien de juges seront à l’aise avec l’idée d’évaluer la crédibilité par vidéo.

Me Davis-Ermuth : Merci. Je l’ai déjà évoqué, mais je ne savais plus de quelle cour il s’agissait, c’est le juge en chef Morawetz de la Cour supérieure de justice de l’Ontario qui a émis des lignes directrices qui sont utiles pour avoir une idée de ce à quoi l’avenir pourrait ressembler dans cette cour en particulier. Elles décrivent le type de procédures qu’ils envisagent et qui pourraient fonctionner avec ce genre de choses et les facteurs qu’ils prennent en considération de façon générale.

Nous pourrions partager un lien vers ces lignes directrices pour vous aider à vous faire une idée. Il s’agit d’un tribunal en particulier. Selon les groupes auxquels nous participons et le type de rétroaction, nous avons constaté que les gens ont des opinions différentes et que les juges ont des opinions différentes. Il y a des juges qui sont du même avis que vous. Il y a peut-être d’autres juges qui ont dit que parfois, voir quelqu’un à l’écran permet d’avoir une meilleure vue que dans une salle d’audience. Je ne dis pas que c’est toujours le cas ou que c’est la preuve de quelque chose, je dis simplement que les avis diffèrent et que certaines personnes trouvent que ces procédures fonctionnent mieux et d’autres pas.

Le sénateur Dalphond : J’ai vu par le passé des victimes demander à ne pas comparaître devant le juge, mais dans une autre pièce depuis laquelle elles étaient retransmises dans la salle d’audience sur un écran. Cela fait donc déjà partie du fonctionnement de certains procès criminels.

J’ai aussi constaté que, lorsque nous sommes passés d’un sténographe à un enregistrement, certains juges s’y opposaient, mais ils se sont adaptés en ne disant plus certaines choses qu’ils faisaient auparavant retirer de la transcription, car ce n’était plus possible. Nous passons maintenant à une forme plus évoluée d’enregistrement, mais il sera conservé par le tribunal tout comme les enregistrements audio le sont aujourd’hui.

Je comprends que le problème est l’accès pour ceux qui ne sont pas dans la salle d’audience et qui aimeraient voir ce qui se passe. Certaines instances saisies de recours collectifs sont déjà ouvertes de sorte que vous pouvez rester à la maison et regarder ce qui se passe en salle d’audience. Il y aurait peut-être des ajustements à faire et de nouvelles règles à adopter. Mais le procès peut se tenir virtuellement, le juge étant assis dans la salle d’audience avec un ou deux avocats. Ce n’est pas la cour qui contrôle cela; les flux, l’image, le décor.

Pour revenir à une autre préoccupation. Pour un procès devant jury, ce sera toujours en personne. Il ne peut pas en être autrement, sauf dans le cas d’un témoin éloigné ou d’une personne qui est décédée et qui avait été enregistrée.

Dans d’autres procès, dans le cas d’un procès présidé par un juge seul par exemple, l’accusé doit accepter de procéder ainsi. C’est la première étape. Si l’accusé refuse, cela ne sera pas possible.

Deuxièmement, même si l’accusé et la Couronne acceptent de procéder ainsi, le juge doit donner son accord. Comme la sénatrice Dupuis l’a souligné, l’article 46 précise clairement que le principe général veut que le juge puisse refuser s’il estime que l’évaluation de la crédibilité est essentielle. Il peut s’agir des victimes, des plaignants ou de l’accusé. Ensuite le juge ordonnera aux témoins ou à la plupart des témoins de comparaître devant lui. À moins que j’aie mal compris, nous n’allons pas passer à une audience virtuelle à part entière. Il y a beaucoup d’exigences à satisfaire pour mener une audience entièrement virtuelle.

Je l’ai lu plusieurs fois. Je veux m’assurer d’avoir bien compris.

Me Davis-Ermuth : Merci, monsieur le sénateur. C’est une excellente question.

Le sénateur Dalphond : C’est plutôt un commentaire, corrigez-moi si je me trompe.

Me Davis-Ermuth : Excellente réponse. Il est utile de garder à l’esprit qu’il y a beaucoup de dispositions dont nous parlons, comme l’article 715.23 pour lesquelles il ne s’agit pas de savoir si nous allons tenir le procès entièrement à distance. Cela concerne l’accusé. Il y a d’autres dispositions quant à savoir si le juge présidera à distance ou non et si la Couronne sera considérée comme un participant. Si l’avocat veut participer à distance, il devra considérer chaque aspect différemment. Il y a différentes considérations.

Ce projet de loi ne modifie pas la question de savoir si les témoins pourraient comparaître à distance, et cela concerne l’article 7.14 du Code criminel. Dans certains cas, l’accusé pourrait ne pas consentir à comparaître à distance, mais le juge pourrait tout de même présider à distance de même que la Couronne, et l’accusé pourrait être le seul présent dans la salle d’audience. C’est déjà le cas dans certains tribunaux criminels.

La sénatrice Pate : Je ne suis pas un vieux grincheux, mais une vieille femme ou presque. J’aimerais savoir quelles données sont disponibles au sujet des retards. Je sais que la question a été posée de différentes façons, mais il doit bien y avoir des données sur les retards causés par la pandémie. Elles n’ont peut-être pas toutes été collectées, et je ne dis pas qu’il vous incombe de le faire, mais quand prévoyez-vous d’avoir les données qui nous montrent vraiment quels ont été les retards, quelles parties du système sont concernées et quelles en sont les causes?

De plus, je me demande s’il y aura des renseignements sur le nombre de personnes qui se sont retrouvées sans abri ou qui l’étaient déjà et qui n’ont peut-être pas eu accès à Internet pour certaines des raisons que mes collègues ont déjà exposées. Y aura-t-il un recensement du nombre de ces cas concernés par les manquements administratifs qui ont été soulevés?

Ce qui me frappe, en plus des problèmes de piratage et de toutes les autres questions qui ont été soulevées, c’est qu’il y a des problèmes très réels concernant l’accès à la justice pour ceux qui, comme nous l’avons déjà dit, se trouvent dans des endroits plus éloignés. Bien que nous puissions avoir accès à l’Internet sur la station spatiale, nous ne semblons pas pouvoir le faire dans tout le pays.

J’aimerais savoir comment cela est documenté. S’il n’y a pas de plan pour le faire, pouvez-vous nous expliquer pourquoi? Pour revenir à la question que j’ai posée au ministre, comment va-t-on remédier à cette situation lorsqu’il y a des torts? Comment les gens sauront-ils comment obtenir un recours? À l’heure actuelle, je ne vois pas comment les personnes dans ce cas de figure pourraient savoir comment y avoir accès. Elles ne seront même pas au courant de ce projet de loi, encore moins de la façon d’obtenir des mesures correctives.

Me Davis-Ermuth : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Pate. Comme vous l’avez pressenti, nous n’avons malheureusement pas les données à l’heure actuelle, mais nous ne sommes pas les mieux placés pour vous donner des détails sur les plans. Nos collègues de Statistique Canada seraient mieux en mesure de parler de ce type de données. Nous les avons contactés et nous avons essayé d’obtenir l’information. Je sais qu’ils ont des plans et qu’ils sont en communication avec leurs homologues partout au pays, car la plupart des données sur les retards dans le système de justice pénale proviennent des provinces et des territoires eux-mêmes. Je sais que nos collègues de Statistique Canada y travaillent.

Pour ce qui est de la question des manquements administratifs, c’est aussi un aspect sur lequel on cherche à faire un suivi de l’information. Étant donné que le projet de loi C-75 prévoyait des amendements à cet égard, nous essayons de faire en sorte que certains de ces manquements — qui ont pu être involontaires — fassent l’objet d’un suivi afin de déterminer l’effet de ces amendements. Il s’agit de la possibilité de demander des comparutions et de celle de ne pas porter d’accusations. Ils cherchent à recueillir ce genre de données.

Ensuite, les provinces et les territoires devront probablement parler du problème des arriérés. Cela doit être fait, parce que les provinces et les territoires ont peu de temps pour traiter les cas. Un tri doit être fait pour s’assurer que les cas les plus importants sont traités. Il pourrait s’agir de cas susceptibles d’être réglés d’une autre façon, en dehors du système judiciaire.

Me Morency : Les tribunaux de certaines provinces ont leurs propres données. Je sais qu’il y en a quelques-uns dans ce cas, et nous pouvons vous fournir un lien vers l’un des tribunaux de l’Ontario, où l’on suit une partie des progrès. J’ai jeté un coup d’œil rapide hier soir à l’un de ces rapports, en Ontario, et si ma mémoire est bonne, les données concernaient les premiers jours de la pandémie. Il faudra donc probablement un peu de temps avant qu’ils puissent évaluer les véritables répercussions du fonctionnement pendant la pandémie, en prévision des réformes que le Parlement pourrait adopter ici. Ce sont les principales sources. Ensuite, pour revenir à ce que je disais, je pense qu’il s’agit manifestement d’un domaine où — comme nous l’avons fait après l’adoption du projet de loi C-75 — nous devons travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires, notamment en partageant les données en interne, pour avoir une meilleure idée de la façon dont les choses fonctionnent sur le terrain, puis travailler avec nos collègues de Statistique Canada pour essayer de mieux cerner la situation.

La sénatrice Clement : Je rejoins la sénatrice Batters sur cette question de la crédibilité. Ayant assisté à ces audiences virtuelles et vu les tribunaux administratifs confrontés à un témoin qui pleure, il est difficile d’aller de l’avant. Même si je pense qu’il n’est pas possible de revenir en arrière, je m’inquiète également de ce que cela signifie, et c’est pourquoi la question des données est si importante. J’ai hâte d’entendre ce que Statistique Canada a à dire à ce sujet pour que nous puissions nous sentir plus à l’aise.

Je vous ai entendue, madame Davis, en réponse à une question du sénateur Patterson, parler du consentement, qui est un élément important ici — nous avons besoin du consentement —, mais il n’y a pas eu de discussion au sujet du consentement éclairé. Pouvez-vous nous expliquer en quoi ce projet de loi traite du consentement et pourquoi il ne le définit pas plus précisément?

Me Davis-Ermuth : Oui. Bon nombre des dispositions sur le consentement figuraient déjà dans les dispositions sur la comparution à distance. La plupart d’entre elles ont été déplacées et peut-être élargies. Nous n’avions reçu aucune information indiquant que la définition du consentement avait posé problème. Cependant, il y a de la jurisprudence. Je ne l’ai pas apportée aujourd’hui, mais les tribunaux ont l’habitude de l’évaluer.

La sénatrice Clement : C’est en cours également, alors.

Me Davis-Ermuth : Dans bon nombre de ces cas, comme ces dispositions n’avaient pas beaucoup été utilisées, beaucoup d’entre elles étaient nouvelles, et il n’y avait pas le même désir ou la même nécessité de les utiliser, de sorte qu’il n’y avait pas tellement de jurisprudence au tout début de la pandémie sur ces dispositions. Ensuite cela s’est considérablement développé. Nous suivons la jurisprudence et l’évolution de la situation, nous essayons de déterminer dans quelle mesure les dispositions sont utilisées et nous évaluons continuellement les problèmes qui en découlent.

La sénatrice Clement : Merci.

Le sénateur Cotter : Dans quelle mesure les juges cherchent‑ils à être mieux formés, étant donné qu’ils auront affaire à des gens par le biais d’un dispositif différent de celui qu’ils ont toujours utilisé?

Il y a énormément de données qui montrent que personne n’est très doué pour évaluer la crédibilité des gens. Selon certaines études, les agents des services secrets sont les seuls à exceller dans ce domaine, et nous ne leur demandons habituellement pas d’être juges — à raison, me semble-t-il. Beaucoup de gens finissent par être condamnés à tort sur la base d’une évaluation inexacte de leur crédibilité. Et, très franchement, à l’inverse, bon nombre de personnes sont probablement acquittées à tort pour la même raison. Il me semble que c’est là que se situe le problème. Nous faisons de notre mieux — tout le monde fait de son mieux —, mais il n’y a pas de formule magique permettant de savoir quand les gens disent la vérité ou non. Mais il me semble qu’il sera encore plus difficile de le faire dans le cas de témoins ou d’accusés qui témoignent à distance. Savez-vous si les juges ont été incités à essayer d’obtenir un certain perfectionnement professionnel pour comprendre les défis supplémentaires qui se poseront à eux et dont parlait le sénateur Campbell, lorsqu’ils ne verront rien d’autre que la tête de la personne qui témoigne sur un écran?

Connaissez-vous le point de vue de la magistrature? Savez‑vous s’il y a une incitation ou si l’Institut national de la magistrature y réfléchit? Avant que vous ne répondiez, je tiens à m’excuser auprès de tous les anciens juges présents dans la salle, à divers titres.

Me Davis-Ermuth : Je n’ai rien entendu au sujet de ce type de formation. Nous savons qu’ils ont eu des difficultés avant la pandémie. Ils ont eu des difficultés face au recours accru à la technologie, il y a eu des ratées au démarrage, car ils ont été submergés. Je pense qu’un temps d’adaptation sera nécessaire. Maintenant la technologie est devenue indispensable et les gens commencent à l’utiliser davantage, et il semble se dégager un diagnostic de ce que nous devons faire maintenant. La première étape consiste à s’assurer que tout le monde peut utiliser la technologie, et la prochaine étape consistera à déterminer ce que nous pouvons en faire, ce qui est logique, ce genre de choses. Je n’ai toutefois pas d’information sur l’état d’avancement de leur formation pour le moment.

Le sénateur Cotter : En ce qui concerne le volet technologique, j’ai été heureux de vous entendre mentionner le travail du juge en chef Morawetz et de la Cour supérieure de l’Ontario, car on considère généralement ces travaux — du moins au sein de la magistrature — comme une approche axée sur les pratiques exemplaires. Tout le mérite revient au nouveau juge en chef. C’est encourageant. Si c’est ainsi que vous ou d’autres tribunaux concevez vos approches, cela mérite probablement des applaudissements.

Me Davis-Ermuth : Il y a une émission, et je pense que c’était sur CBC. Les trois juges en chef de l’Ontario étaient interrogés au sujet de la technologie et du travail à distance dans la salle d’audience et de la façon dont les choses se déroulent. C’est une émission très intéressante qui permet d’entendre leurs points de vue sur les procédures à distance et sur ce qui est approprié.

[Français]

Le vice-président : Comme on le sait — et on le devine en écoutant nos échanges —, cette réforme va toucher des centaines d’acteurs dans notre système judiciaire. Je suis convaincu que vous avez mené des consultations très élargies. On peut penser aux provinces qui ont la responsabilité d’administrer la justice.

Avez-vous un tableau de votre processus de consultation qui comprend possiblement une synthèse de la position de ceux qui ont été consultés? Y a-t-il un travail qui a été fait sur ce plan, au ministère?

Me Morency : Comme le ministre vient de le dire, les personnes qu’on a consultées depuis le début de la pandémie sont les provinces et les territoires, les principaux intervenants, les acteurs du système judiciaire criminel, les membres du Comité d’action sur l’administration des tribunaux. Nous n’avons pas de tableau comme vous le demandez.

Le vice-président : Ma préoccupation concerne les groupes de victimes qui sont quand même une partie importante de la sphère juridique. Avez-vous consulté les groupes de victimes?

Me Morency : Il est vrai qu’on travaille avec les provinces et les territoires. Je vais continuer en anglais.

[Traduction]

Nous avons un groupe de travail composé de directeurs qui offrent des services aux victimes. Tout au long de la pandémie, ce groupe de travail a mis l’accent sur les répercussions de la pandémie sur les victimes dans tout ce qui se passe dans les tribunaux. Par exemple, les victimes ne pouvaient pas forcément comparaître à une audience devant la Commission des libérations conditionnelles, au départ ce n’était pas du tout possible, ensuite elles pouvaient comparaître à distance. Nous travaillons à ce processus pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe dans chaque province et dans chaque territoire, de ce qui est fait pour soutenir les victimes tout au long du processus et de ce que nous pouvons faire au moyen de ressources fédérales comme le Fonds d’aide aux victimes pour les aider à offrir des services. Je suis heureuse de dire qu’il en sera davantage question dans le cadre de la Semaine des victimes et survivants d’actes criminels, qui sera célébrée au cours de la semaine du 15 mai. C’est une préoccupation pour tous ceux qui offrent des services aux victimes.

[Français]

Le vice-président : Je remercie nos témoins, ainsi que nos collègues sénateurs et sénatrices. Nous en avons appris plus sur ce projet de loi et nous allons poursuivre les travaux dans les prochaines semaines. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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