LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 18 septembre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 16 (HE), avec vidéoconférence, afin d’étudier le projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels).
La sénatrice Denise Batters (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour, sénateurs et sénatrices.
Je m’appelle Denise Batters et je suis sénatrice de la Saskatchewan. Je suis habituellement vice-présidente du comité, et j’ai aujourd’hui le plaisir de présider le comité parce que le sénateur Cotter, le président habituel, est absent. Je suis heureuse de me retrouver dans cette position, surtout pour ce projet de loi.
J’invite mes collègues à se présenter.
[Français]
Le sénateur Carignan : Claude Carignan, du Québec.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Busson : Sénatrice Bev Busson, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Patterson : Rebecca Patterson, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Audette : Michèle Audette, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 6.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
La vice-présidente : Avant de commencer, je demande à tous les sénateurs et à toutes les autres personnes présentes ici aujourd’hui de bien vouloir consulter les cartes sur la table pour obtenir des directives visant à empêcher les rétroactions acoustiques. Assurez-vous de garder vos oreillettes loin des microphones en tout temps. Lorsque vous n’utilisez pas vos oreillettes, veuillez les mettre face contre le bas sur les autocollants placés sur la table à cette fin. Je vous remercie de votre participation.
Honorables sénateurs et sénatrices, nous nous réunissons aujourd’hui pour commencer notre étude du projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels). Pour étudier ce projet de loi d’initiative parlementaire, nous sommes ravis d’accueillir ici aujourd’hui deux députés de la Chambre des communes : Mel Arnold, député de North Okanagan—Shuswap, qui est le parrain du projet de loi; et Frank Caputo, député de Kamloops—Thompson—Cariboo.
Bienvenue à vous deux, chers collègues, et merci de vous joindre à nous. Nous allons commencer par vos déclarations liminaires avant de passer aux questions des sénateurs.
Nous allons commencer par M. Mel Arnold, puis nous suivrons avec M. Caputo. Vous avez la parole pour cinq minutes chacun lorsque vous serez prêts.
Mel Arnold, député, North Okanagan—Shuswap, Colombie-Britannique, parrain du projet de loi : Merci, madame la présidente et sénateurs et sénatrices, de nous recevoir ici aujourd’hui. Je suis honoré d’être ici en votre présence pour parler de mon projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels).
Tout d’abord, je tiens à remercier l’honorable député de Kamloops—Thompson—Cariboo, M. Caputo, qui a joué un rôle essentiel dans la conception et la rédaction du projet de loi. L’expérience de l’honorable député en tant que procureur de la Couronne lui a permis de comprendre comment nous, parlementaires, pouvons renforcer nos lois fédérales afin de mieux protéger les Canadiens, surtout les enfants, et je le remercie de son travail sur le projet de loi.
Comme je l’ai affirmé dans des débats précédents concernant ce projet de loi, je pense qu’il est essentiel que le Code criminel du Canada contienne des termes qui décrivent avec précision les activités interdites. Je pense également que l’utilisation de l’expression « pornographie juvénile » dans le code est trompeuse et ne décrit pas avec exactitude la gravité et la réalité d’un tel matériel.
Ce que le Code criminel désigne actuellement comme de la « pornographie juvénile » est plus grave que la simple pornographie, parce qu’elle touche des enfants, ne peut être consensuelle, constitue de l’exploitation et de l’abus, et le Code criminel devrait refléter clairement ces réalités.
Madame la présidente, le Code criminel du Canada contient de nombreux éléments, y compris des éléments essentiels visant à définir, à interdire, à dissuader et à pénaliser les activités criminelles. Le projet de loi C-291 ne propose pas de modifications des définitions, interdictions ou sanctions; il propose de manière claire et succincte de changer l’expression « pornographie juvénile » pour « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels ».
Jusqu’ici, la progression du projet de loi dans le processus législatif a bénéficié d’un vaste soutien de tous les partis. Pendant l’étude du projet de loi au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, un amendement élargissant le nouveau terme proposé par l’ajout des mots « et d’exploitation » a reçu un soutien unanime.
J’espère que le projet de loi et les améliorations qu’il propose pourront continuer de progresser au moyen d’un examen productif et efficace aujourd’hui et au Sénat au cours des prochaines semaines.
Le matériel d’abus pédosexuel est un problème croissant au Canada, et les Canadiens s’attendent à ce que le Parlement prenne les mesures requises, grandes et petites, pour s’attaquer aux problèmes comme l’abus et l’exploitation pédosexuels.
Parmi ceux qui s’attendent à ce que le Parlement prenne de telles mesures, il y a des organisations qui sont aux premières lignes de la lutte contre l’abus et l’exploitation pédosexuels au Canada, et je tiens à les remercier de leur travail et de leur soutien à l’égard de ce projet de loi. Je remercie sincèrement le Centre canadien de protection de l’enfance, Ratanak International et la First Call Child and Youth Advocacy Society de leur soutien du projet de loi et du travail qu’ils font chaque jour pour lutter contre l’abus et l’exploitation pédosexuels.
Je remercie les membres du comité d’avoir pris le temps dans leur horaire occupé d’examiner le projet de loi et je suis impatient de répondre à vos questions. Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Frank Caputo, député, Kamloops—Thompson—Cariboo, Colombie-Britannique : Merci, madame la présidente, et merci beaucoup, honorables sénateurs et sénatrices. C’est un véritable honneur d’être ici. Je n’ai jamais pensé qu’un enfant de North Kamloops viendrait témoigner devant le Sénat. D’aucuns diraient que ses commentaires seraient préparés avec soin. Aujourd’hui, je veux vous parler du fond du cœur, car c’est un sujet qui m’est très cher.
En ce qui me concerne, je suis devenu agent de libération conditionnelle à 22 ans, un travail que j’ai trouvé assez difficile. À bien y penser, ce n’était pas aussi difficile que l’histoire de la sénatrice Busson. Mais j’ai eu à composer avec un certain nombre de délinquants sexuels durant cette expérience. Je n’avais alors pas beaucoup réfléchi à ce type d’infraction. Pas jusqu’à ce que je devienne procureur. J’ai été admis au Barreau en 2008, après avoir eu le sénateur Cotter comme doyen à l’Université de la Saskatchewan; je pense qu’il est notre président, et je veux aussi le saluer. Je suis devenu procureur de la Couronne en 2011 et j’ai poursuivi mes fonctions jusqu’à mon élection en 2021.
C’est vers 2014 ou 2015 que j’ai commencé à intenter des poursuites presque exclusivement dans le domaine des infractions sur Internet contre des enfants et des infractions sexuelles contre des enfants, en particulier la production, la distribution et la possession de matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels et du leurre d’enfants sur Internet. C’était essentiellement ce sur quoi je me concentrais.
C’est durant cette période que j’ai commencé à prendre conscience de l’appellation trompeuse de ce que nous appelons dans le Code la « pornographie juvénile ». En fait, lorsque je me retrouvais devant la cour, je disais souvent :
Cet ordinateur portable contient du matériel qui correspond à la définition dans le Code criminel de pornographie juvénile ou de ce qu’il convient maintenant mieux d’appeler matériel d’abus pédosexuel.
C’est le premier souvenir que j’ai de sa désignation dans le code et du fait qu’il nous a fallu en tenir compte dans la loi, mais cela ne devrait pas être le cas.
Je me rappelle avoir assisté à ce qu’on appelait la conférence de lutte contre l’exploitation des enfants en Colombie‑Britannique, ou BC ICE. C’est une unité. Je suis sûr qu’on la retrouve partout au pays. Elle réunissait dans une salle environ 200 personnes passionnées d’application de la loi, de poursuites et d’imposition de peines relativement au matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels.
Ce sont les types de questions que nous soulevions lorsque j’enseignais, par exemple, la détermination de la peine et le droit pénal avancé à l’Université Thompson Rivers.
Je ne sais pas si beaucoup de gens s’en rendent compte, mais la prolifération de ces types d’infractions, pas seulement parce qu’elles surviennent plus souvent, mais parce que nous en détectons davantage, est probablement environ 10 à 15 fois plus importante que lorsque j’ai commencé ma carrière, selon un changement dans la loi en 2014. Je n’entrerai pas trop dans ces détails.
Habituellement, nous lisions des choses à ce sujet, mais il y a des agents d’application de la loi — tout particulièrement au sein de la BC ICE, qui est une très petite unité comptant une poignée d’agents — qui voient ces choses tous les jours. Je me rappelle les traumatismes et les blessures émotionnelles que j’ai ressentis en lisant à ce sujet. Nous devons saluer, selon moi — et je tiens à le faire aujourd’hui — les agents d’application de la loi qui passent chaque jour ce matériel en revue à la recherche de nouvelles victimes à sauver. Je suis très reconnaissant de leur travail.
Je me rappelle encore à ce jour les fois où du matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels a été divulgué par inadvertance; il n’était pas censé parvenir jusqu’à nous, les procureurs. Ces images, vous ne pouvez cesser de les voir. Et je ne parle que des personnes qui les voient, même pas des témoins de la victimisation directe. Ce n’est pas de la pornographie, à savoir des adultes consentants qui font des actes et les montrent à d’autres. Il faut appeler les choses par leur nom : c’est de l’abus sexuel.
J’ai parlé de cela il y a un an ou deux avec un intervenant en Allemagne, qui a trouvé formidable que nous soyons les chefs de file dans le domaine. À ma connaissance, le Canada serait un chef de file. Et ainsi, je vous exhorte en tant que sénateurs… Je sais que vous êtes séparés de la Chambre des communes, mais nous connaissons tous la situation précaire dans laquelle nous nous trouvons avec les gouvernements minoritaires. Je vous prie instamment de bien vouloir accorder la priorité à l’adoption du projet de loi de la manière la plus non partisane qui soit.
Quand j’étais sur leur perron ou que je frappais à leur porte, j’ai dit aux gens — je n’ai jamais été élu pour quoi que ce soit avant d’être élu député de Kamloops—Thompson—Cariboo— que j’apporterais ce changement. Je n’aurais pas pu le faire sans le soutien et le leadership du député Arnold ici présent.
Je vous en supplie : concrétisons ce désir, soyons à l’avant‑plan du changement au Canada et appelons les choses par leur nom afin que ce crime pernicieux et insidieux soit reflété avec exactitude, car si nous ne le faisons pas, qui le fera? Veuillez l’adopter le plus tôt possible. Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Je suis très reconnaissante de votre présence à tous les deux ici aujourd’hui. Merci de vos commentaires, qui viennent manifestement du fond du cœur.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres. Je suis en fait la marraine du projet de loi au Sénat, et nous avons avec nous la sénatrice Patterson, qui est la critique du projet de loi. Sénatrice Patterson, aimeriez-vous commencer les questions, ou souhaitez-vous passer un peu plus tard?
La sénatrice Patterson : Il me manque peut-être certains des documents, madame la présidente. Je m’en excuse.
La vice-présidente : Pas de problème. Aimeriez-vous être un peu plus loin dans la liste?
La sénatrice Patterson : Si je le peux, oui. J’ai quelques observations. Je veux simplement m’assurer de bien comprendre le contexte. Merci.
La vice-présidente : Très bien. Pas de problème. Je vous ai en quelque sorte mise sur la sellette. Dans ce cas, nous écouterons le sénateur Dalphond.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie d’être ici avec nous aujourd’hui. Nous sommes conscients du temps qu’il pourrait rester à la présente législature. C’est pourquoi j’ai appuyé l’idée que nous accélérions l’étude du projet de loi.
Mes questions découleront de mon expérience. Comme vous le savez, monsieur Caputo, je n’ai pas été procureur de la Couronne. Je veux m’assurer que, aux fins du compte rendu, ma question répond à l’une de mes préoccupations concernant une plus grande certitude.
Ai-je bien compris que le projet de loi ne vise pas à changer de quelque manière que ce soit le corpus de jurisprudence qui a été élaboré au sujet de l’interprétation des dispositions qui sont touchées par cette nouvelle désignation et le remplacement du terme « pornographie juvénile » par cette nouvelle terminologie? Pouvez-vous confirmer que votre intention n’est pas de changer le corps de la loi ni d’envoyer un message aux juges pour qu’ils augmentent les sanctions?
M. Caputo : C’est une question difficile, car nous ne savons pas comment le système judiciaire réagira à ce que fera le Parlement.
Ce que je peux dire, c’est que le paragraphe 163(1) contient actuellement une définition de ce qu’on appelle la « pornographie juvénile ». Cette définition restera identique. Ce qui changera, c’est le nom et rien d’autre. Actuellement, la possession est passible d’une peine maximale de 10 ans, je crois; elle reste la même. Cela reflète l’intention du législateur quant à la gravité de la situation. Je crois que la peine maximale devrait être augmentée, mais ce n’est pas ce que nous étudions aujourd’hui. Je crois que la peine maximale pour la production est de 10 ou 14 ans; encore une fois, cela n’a pas changé.
Je ne dis pas que nous ne devrions pas réexaminer la gravité de cette infraction. À mon avis, nous devrions le faire. Les victimes subissent souvent une peine d’emprisonnement à vie sur le plan psychologique, mais ce projet de loi ne modifie que cette ligne distincte du paragraphe 163(1) qui traite de ce que nous appelons « pornographie juvénile ». Les juges diront-ils que le législateur a choisi de refléter exactement ce qui se passe et que, par conséquent, les choses changeront? Je ne saurais le dire, mais je veux vous donner une réponse complète.
Le sénateur Dalphond : Vous souhaitez donc modifier le terme, mais pas le contenu de la disposition.
M. Caputo : Ce projet de loi ne modifie que le terme.
Le sénateur Dalphond : Le sénateur Gold a déclaré dans son discours au Sénat que de nombreux territoires et provinces utilisent la même expression, de sorte qu’une modification du Code criminel pourrait créer des problèmes. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Arnold : Oui. Cette question a déjà été soulevée lorsque le Comité de la justice de la Chambre des communes a étudié le projet de loi. Nous avions reçu l’assurance du ministre à l’époque. Je n’ai pas la citation exacte, mais le gouvernement s’est engagé à travailler en étroite collaboration avec les provinces pour mettre à jour leur législation. Évidemment, les provinces sont responsables de leur propre législation, nous ne pouvons donc pas l’imposer. Mais si les provinces comprennent la raison d’être de ce projet de loi et la nécessité du changement, j’espère qu’elles agiront rapidement pour mettre à jour leur législation afin qu’elle reflète véritablement ce qu’est le matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels.
Le sénateur Dalphond : Pourriez-vous nous expliquer les facteurs qui vous ont poussé à choisir ce terme plus que tout autre?
M. Caputo : Je me souviens de l’époque où nous avons eu cette formation du Groupe intégré de la lutte contre l’exploitation des enfants en Colombie-Britannique. J’y ai souvent participé, comme quelques procureurs. J’ai eu l’honneur d’assister au programme de formation de la GRC pour la première fois lorsqu’il a été rétabli après la COVID. Cette fois, j’y suis allé en tant que conférencier plutôt que participant. Nous utilisions justement l’expression « matériel d’abus pédosexuels ». En fait, quelqu’un a plaisanté : « Nous l’appelons MAP depuis toutes ces années. Maintenant, nous allons devoir l’appeler MAEP. »
Pour les personnes touchées par ce phénomène, ce terme est considéré comme désuet. S’il est considéré comme un terme désuet sur le plan professionnel — et, en réalité, il est considéré comme inapproprié sur le plan logique pour assimiler la pornographie à la maltraitance et à l’abus sexuel d’enfants —, alors franchement, cela aurait dû être fait il y a longtemps. C’est quelque chose que nous aurions dû faire il y a des années, voire des décennies. Pour moi, l’idée est de bien faire les choses.
Le sénateur Dalphond : Est-ce que cela codifie la pratique?
M. Caputo : À mon avis, oui. C’est la pratique d’un très petit nombre de personnes, mais ce sont elles qui la vivent. Leur vie tourne autour de la protection des enfants.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Je voulais vous poser une question. Lorsque le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi S-12, un projet de loi omnibus qui a été présenté initialement au Sénat, il contenait une disposition de coordination dans laquelle le gouvernement reconnaissait le changement de formulation de « pornographie juvénile » à « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels ».
Je pense que le sénateur Dalphond citait certaines des remarques du sénateur Gold; c’est de là que cela vient.
En octobre, il y a un an, j’ai posé une question au sénateur Gold à ce sujet, et il m’a confirmé que oui, cela signifiait ce que le gouvernement du Canada accepte réellement avec votre projet de loi d’initiative parlementaire. Je l’ai remercié à l’époque au nom du gouvernement d’avoir accepté cette disposition dans le projet de loi.
Le sénateur Gold a dit :
Je pense que cela reflète l’accord du gouvernement sur le fait que l’ancienne description de ce matériel était inappropriée et que la définition proposée dans le projet de loi — dont vous êtes la marraine au Sénat — est plus appropriée et plus juste pour désigner ce matériel. Aucun d’entre nous ne souhaite l’existence de ce matériel, mais il existe et, par conséquent, il faut le traiter de manière appropriée et dans le contexte du Code criminel.
C’est très bon à savoir, étant donné que le gouvernement du Canada a déjà inclus ce même libellé dans l’un de ses propres projets de loi pour souligner la pertinence de cette idée.
À ce propos, je me demande simplement quelle a été votre réaction. Je crois que ce n’est pas une situation consensuelle, et j’en ai parlé lors de mon long discours en deuxième lecture au Sénat. Voici ce que j’ai dit :
Si l’expression « pornographie juvénile » permet d’une quelconque façon aux auteurs de ces crimes de tenter de justifier leurs actes, nous devons utiliser un autre terme. On ne doit laisser place à aucune ambiguïté.
Pouvez-vous nous parler de certains des éléments internationaux? En examinant cela, j’ai remarqué que certaines organisations internationales utilisent l’expression plus appropriée « abus et exploitation d’enfants ». Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
M. Caputo : Je vais laisser M. Arnold en parler.
M. Arnold : Merci, sénatrice Batters, de cette question. Oui, ce projet de loi harmonisera la terminologie des lois canadiennes avec celle de nombreux autres pays avec lesquels nous coopérons à l’échelle internationale pour lutter contre le matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels.
En 2016, le Projet interinstitutionnel sur la terminologie et la sémantique de l’exploitation sexuelle des enfants a publié ses Directives du Luxembourg pour harmoniser et renforcer le travail de défense des intérêts et la coopération entre gouvernements et institutions. Les Directives du Luxembourg recommandaient de remplacer le terme « pornographie juvénile » par les termes « matériels d’abus sexuels d’enfants » et « matériels d’exploitation d’enfants ». Ce projet de loi correspond donc aux directives et à la terminologie que de nombreuses organisations utilisent déjà. Il s’agit simplement d’actualiser les lois canadiennes avec la terminologie actuellement utilisée.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Monsieur Caputo, vous avez dit que le sénateur Cotter avait été votre doyen à l’excellente faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan. C’est aussi mon alma mater, alors je salue la faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan.
Au fait, le sénateur Cotter a dit qu’il était désolé de ne pas pouvoir être présent aujourd’hui, mais qu’il appuie sans réserve votre amendement et ce que vous essayez de faire ici, et il est très fier de son ancien étudiant à cet égard.
J’ai une autre question. Ce projet de loi modifie un certain nombre de passages différents en plus de cet article du Code criminel. Le projet de loi modifie également la terminologie pour garantir que nous utilisons la bonne expression dans tous ces différents passages du Code criminel et d’autres lois qui font référence à cette terminologie inappropriée. Ce terme sera remplacé par celui plus approprié dans toutes ces autres lois, n’est-ce pas?
M. Caputo : Oui, c’est ce que je comprends. Par exemple, dans la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, j’imagine que les termes seraient modifiés là et partout ailleurs. Les termes sont souvent utilisés. Par exemple, je pense que les dispositions sur les mises en accusation directes énuméreraient probablement les différentes lois. C’est ce qui me vient à l’esprit. Je crois comprendre que « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » remplacerait simplement « pornographie juvénile » là où on trouve le terme dans le Code criminel et les lois fédérales correspondantes.
La vice-présidente : C’est tout à fait exact. Ainsi, même si votre projet de loi n’est pas extrêmement long, mais qu’il comporte plusieurs pages, toutes ces différentes choses qu’il cite ne changent rien d’autre. Il remplace simplement l’expression inappropriée « pornographie juvénile » par l’expression « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels », qui devrait être l’expression correcte. N’est-ce pas?
M. Caputo : Exactement.
La vice-présidente : D’accord. Merci beaucoup.
La sénatrice Simons : La nécessité de ce projet de loi m’est apparue lorsque j’ai cherché sur Google le projet de loi C-291. Les résultats que j’ai obtenus utilisaient l’expression « pornographie juvénile ». Je suppose que nous devrions être redevables qu’ils n’aient pas calqué l’expression anglaise « kiddie porn » pour décrire cette réalité, une expression que j’ai déjà vue, car il est très important de ne pas « rendre mignon » un crime contre les enfants.
Je suis un peu préoccupée par l’expression « matériel d’exploitation ». Est-ce que cela est défini ailleurs dans la loi canadienne? Je vais vous dire pourquoi je pose la question.
J’ai été journaliste pendant de nombreuses années et j’ai couvert les tribunaux et les crimes pendant une bonne partie de cette période. L’un des cas concernait un Edmontonien très en vue qui a été reconnu coupable de possession de pornographie juvénile, comme on l’appelait à l’époque. L’une des raisons pour lesquelles il a été condamné était qu’il possédait une collection de photos d’enfants nus provenant de sites naturistes. Les photos n’étaient pas sexuelles ou sexualisées. Les enfants n’étaient pas exploités au moment où les photos ont été prises. L’exploitation a sans doute eu lieu après coup. Et je me demande si des personnes qui auraient pu être condamnées suivant l’ancien terme pourraient dire qu’il ne s’agit pas de matériel d’exploitation. Je me demande si ce terme a une définition technique dans la loi canadienne ou si vous devez le définir d’une manière ou d’une autre.
M. Caputo : Je dirais que non. En tant que personne qui a été confrontée à ces problèmes sur le terrain, mon argument serait... je repense à la common law. Pardonnez-moi, cela fait trois ou quatre ans que j’ai plaidé ma dernière cause.
Je regarde la définition au paragraphe 163(1). Il est question ici de matériel qui prône ou qui favorise l’exploitation sexuelle des enfants. La définition de la common law telle qu’elle a évolué au fil des ans — la Cour suprême du Canada a examiné cette question dans l’arrêt Sharpe en 1997, si ma mémoire est bonne... rien de tout cela ne change. Ce que nous faisons, c’est refléter avec précision ce qui s’est passé. Le terme « matériel » est donc censé englober tout; il peut s’agir de données, d’écrits — car les gens peuvent écrire de telle manière qu’ils prônent l’exploitation sexuelle des enfants. Les gens peuvent avoir des enregistrements, n’importe quel type de média.
Lorsque j’ai rédigé ce texte pour la première fois, il s’agissait de « matériel d’abus ». Le gouvernement a demandé que l’on ajoute « et d’exploitation ». Je suis sûr qu’il avait de très bonnes raisons pour cela. Potentiellement des abus et de l’exploitation; je suppose que quelqu’un pourrait couper les cheveux en quatre sur ce point. Je ne pense pas que cela aurait le moindre impact à cet égard, car la common law reste exactement la même, à mon avis, et l’intention du Parlement ici est de la refléter avec exactitude.
Je ne sais pas comment la common law évoluera à partir de ce changement, mais je ne crois pas que la préoccupation que vous évoquez se manifestera.
La sénatrice Simons : À votre connaissance, l’expression « matériel d’exploitation » est-elle utilisée dans d’autres types de... Je n’aime pas l’appeler « pornographie vengeresse » pour la même raison que je n’aime pas l’appeler « pornographie juvénile ». Mais connaissez-vous d’autres endroits dans le Code criminel où l’on utilise le terme « matériel d’exploitation » pour désigner un type d’infraction parallèle?
M. Caputo : Pas à ma connaissance. L’article 150 est le point de départ des infractions contre les enfants. Je réfléchis simplement. Je n’ai pas le Code criminel sous les yeux, mais je réfléchis, et cela ne me dit rien. Je suis sûr que quelqu’un sur Internet me dira probablement que j’ai tort.
La sénatrice Simons : Je me demandais si c’était une nouvelle description.
M. Caputo : Le procureur général et ministre de la Justice à l’époque, M. Lametti, est venu me voir avec la partie « et matériel d’exploitation », puis c’est le ministre Gary Anandasangaree qui m’a demandé que cela soit ajouté. Si je me souviens bien, cela ne se fondait pas sur un autre article du code. C’est la meilleure réponse que je puisse donner.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup. Je vous en suis vraiment reconnaissante.
La vice-présidente : D’accord, parce que, à ce sujet, les mots « et d’exploitation » y ont été ajoutés au comité de la Chambre des communes. C’était une modification, parce que votre projet de loi contenait initialement le libellé « matériel d’abus pédosexuels ». Puis, les mots « et d’exploitation » ont été ajoutés. Vous rappelez-vous qui a apporté cette modification?
M. Arnold : Je crois que c’était les membres libéraux du comité là-bas.
La vice-présidente : Et puis le projet de loi a été adopté avec cet ajout. Oui. Merci.
La sénatrice Patterson : Je n’ai pas d’antécédents juridiques, mais j’en connais assez pour savoir que les mots sont essentiels, et ce projet de loi vise à changer des mots. Nous savons que, à mesure que le droit évolue, nous tentons de changer le libellé des lois pour tenir compte des conséquences pour les victimes plutôt que du produit en tant que tel. Ma question comporte deux volets, je vous assure.
Pour ce qui est du premier volet, lorsque nous parlons d’abus sexuel, il s’agit de l’acte, et l’exploitation consiste à prendre le produit et à le distribuer de différentes manières. De ce que je comprends, pour ce qui est de la définition proprement dite, la définition juridique d’« exploitation » va un peu plus loin. Il ne s’agit peut-être pas de l’acte même d’en faire la production, quelle que soit la manière, qui suppose l’abus d’un enfant pour y parvenir, mais d’aller plus loin en perpétuant l’exploitation et la victimisation pour faire de l’argent. Je viens de reprendre la définition.
Ai-je bien compris? Est-ce que nous tentons de faire, c’est‑à‑dire s’assurer de tenir compte de toutes les conséquences sur les enfants qui se font abuser de cette manière en modifiant cette définition? C’est le premier volet. Ma question était un peu alambiquée, mais je ne suis pas avocate.
M. Caputo : Pas de problème. Le monde a suffisamment d’avocats.
M. Arnold : Je ne suis pas non plus avocat, et je souhaite remercier M. Caputo d’être ici pour nous faire profiter de son expérience et de ses connaissances.
« Abus et exploitation » conviennent tout à fait parce que l’exploitation se poursuit chaque fois qu’une image ou un dessin est rediffusé, regardé de nouveau ou partagé; cette exploitation se perpétue. Il ne s’agit pas seulement de l’acte initial de produire une image ou du matériel. Il s’agit de l’exploitation qui se poursuit et que nous voulons enrayer grâce à ce changement de terminologie afin de protéger nos enfants au Canada. Monsieur Caputo, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Caputo : Bien sûr. Cela revient à ce que la sénatrice Simons disait, lorsque vous disiez que c’est quelque chose qui persiste. Je viens tout juste de consulter le code. Je ne l’ai certainement pas mémorisé, mais je croyais qu’il y avait peut‑être quelque chose.
L’article 153 porte sur l’infraction d’exploitation sexuelle et fait référence à une personne « en situation d’autorité et de confiance ». Il s’agit en fait exactement de la même chose lorsqu’on regarde les lois sur le consentement, l’âge de consentement, si je me souviens bien. Je vais simplement lire le paragraphe 153(1) aux fins du compte rendu :
Commet une infraction toute personne qui est en situation d’autorité ou de confiance vis-à-vis d’un adolescent, à l’égard de laquelle l’adolescent est en situation de dépendance ou qui est dans une relation où elle exploite l’adolescent et qui, selon le cas [...]
Puis le code passe en revue l’actus reus des infractions et les aspects physiques de l’infraction, c’est-à-dire le fait de toucher, d’inviter, d’inciter. Donc cela fait bien évidemment partie de notre droit criminel. Je crois que c’est le seul article qui utilise ce libellé.
En voici peut-être l’étendue. Lorsque vous exploitez quelqu’un, vous en abusez sans doute. Lorsque vous en abusez, il est évident que vous l’exploitez. Et le député Arnold a bien raison au sujet de la répétition. C’est quelque chose que je ne comprenais aucunement avant de commencer le travail, aucunement.
Voyons les choses en face. Lorsqu’un enfant est victime d’abus pour intéresser des gens de la manière la plus ignoble et vicieuse et que des gens revoient des images sur des supports — appelons cela du « matériel » — qui sont visionnées littéralement des millions de fois, cet enfant est de nouveau victimisé chaque fois. C’est de l’abus. Lorsque j’envisage les choses de cette manière, les mots « exploitation et abus » conviennent très bien.
La sénatrice Patterson : Ai-je le temps de poser une question de suivi? D’accord. Et c’est très important aussi. Lorsque je regarde le paragraphe 163(1) — étant donné que nous avons d’autres documents ici —, je dois simplement réitérer en tant que porte-parole de l’opposition qu’il met l’accent sur la définition. Parce que je vois qu’il est question de condamnation minimale, de peine minimale, et cetera. Il n’y a aucune intention. Ces mots ont été retirés, n’est-ce pas?
M. Caputo : Ils ont été retirés. Les peines minimales d’un an et de six mois ont été retirées. Oui, il s’agit essentiellement de retirer deux mots et d’en introduire cinq.
La sénatrice Patterson : Merci.
M. Arnold : La terminologie change, et non pas la définition. La définition se trouve ailleurs. La terminologie change dans cet article et dans d’autres lois au besoin.
La sénatrice Patterson : Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’aimerais savoir si vous avez consulté des organismes d’application de la loi ou d’aide aux victimes. Pourriez-vous nous faire une petite synthèse de leurs commentaires sur votre projet de loi?
[Traduction]
M. Arnold : Je vais commencer, puis je céderai la parole à M. Caputo. Dans ma déclaration préliminaire, j’ai dit que nous avons eu le soutien du Centre canadien de protection de l’enfance, de Ratanak International et de la First Call Child and Youth Advocacy Society. Lors de l’examen de ce projet de loi à la Chambre des communes, je crois que c’est la sénatrice Batters qui avait organisé une visite à l’Unité des enquêtes spéciales de la GRC, ici, à Ottawa. C’était une révélation pour bon nombre d’entre nous, je vous remercie donc de l’avoir organisée. C’est là où nous avons entendu parler des enquêteurs, de la police, et des traumatismes qu’ils subissent lorsqu’ils enquêtent sur des situations comme celle-ci. Certains d’entre eux finissent par souffrir d’une forme de syndrome de stress post-traumatique à cause des images qu’ils ont vues.
J’aimerais donc prendre quelques secondes pour remercier chaque enquêteur, chaque agent de police et chaque agent d’exécution de la loi qui a déjà été amené à traiter une affaire ou une enquête concernant ce type de matériel. Je ne peux pas l’imaginer. Je m’excuse. Je suis le fier grand-père d’un enfant de trois ans. Je ne peux pas imaginer que quelqu’un puisse s’en tirer avec une telle chose à cause d’un terme dans un projet de loi, que nous pouvons corriger. Merci.
M. Caputo : Je remercie M. Arnold de son intervention et de sa réponse très honnête.
Madame la sénatrice, merci de la question. Je suis un nouveau député, à la 44e législature. Je peux vous dire que j’ai probablement discuté de cette question pas moins de 50 fois. J’en ai parlé avec des avocats de la défense et des procureurs. J’ai rencontré des responsables d’un grand nombre d’organismes sans but lucratif. Je n’ai pas de Rolodex de ces organismes. Maintenant que j’y repense, j’aurais dû le garder. Je dirai ceci : je n’ai jamais ressenti de réticence à ce sujet. Des personnes de toutes allégeances politiques m’ont dit : « J’appuie cela sans réserve. Je peux ne pas être d’accord avec vous. Je peux ne pas être d’accord avec votre parti. Mais j’appuie cela sans réserve. » Il peut s’agir de groupes, comme des centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle, des lieux spécialisés dans ce domaine, et j’en ai visité un certain nombre. Il y a eu un soutien sans réserve. Comme je l’ai dit, je n’ai pas de Rolodex, mais je peux vous donner ma parole : c’est une chose qui a été bien accueillie par les personnes qui composent avec ce type de matériel ou qui font ce type de travail.
La vice-présidente : Merci beaucoup. En fait, monsieur Arnold, ce n’est pas moi qui avais organisé cette visite très importante. Je crois que c’était la sénatrice Busson. N’est-ce pas?
La sénatrice Busson : Je pense que nous y sommes toutes les deux pour quelque chose.
La vice-présidente : Quoi qu’il en soit, ça en valait vraiment la peine. Je vous en remercie.
[Français]
La sénatrice Audette : Merci du fond du cœur de défendre des personnes vulnérables et merci de votre humilité; on en a besoin. Mon collègue à l’autre bout de la salle, que j’apprécie beaucoup, a prononcé des paroles que je voulais moi-même prononcer. Merci, sénateur Carignan, d’avoir demandé qui a été impliqué et consulté.
Je viens d’un parcours où l’on a entendu pendant 33 mois des femmes et des hommes qui étaient des enfants, au moment de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le choix des mots est important; il n’y a pas de politique ou de parti politique. Vous l’avez mentionné au début de votre émouvant message : il ne faut pas politiser ce projet de loi. Dès le début, je vous le dis, quand on parle d’exploitation et d’abus, le choix de mots est important, parce que l’ancienne terminologie — qui est encore en vigueur — était très légère. Je vais appuyer le projet de loi.
Voici ma question. Je ne suis pas une experte et je n’ai pas vécu ce que vous avez vécu. Y a-t-il eu des groupes de femmes qui étaient des victimes, qui étaient des enfants et sont devenus des adultes, qui ont pu partager avec vous le sentiment qu’elles sont effectivement à l’aise avec ces changements, même si tout cela ne va pas assez loin? Les projets de loi font de petits bouts de chemin.
On sait qu’on parle de matériel; par contre, il y a une exploitation sexuelle auprès de nos jeunes enfants qui n’est pas nécessairement filmée, mais qui existe. Est-ce à part ou en fait‑elle partie? Je termine en vous disant un gros merci, car ce sont souvent les femmes qui portent ces enjeux et ici, nous avons deux hommes; je vous en remercie.
[Traduction]
M. Caputo : Merci beaucoup. J’ai rencontré tellement de jeunes femmes courageuses... et ce sont surtout les jeunes femmes qui sont touchées. Un certain nombre de jeunes hommes le sont également. Certaines personnes ne veulent rien savoir du système. Certaines personnes ne savent même pas qu’elles ont été victimes de violence jusqu’à plus tard dans leur vie.
Je me souviens de quelques histoires. Je ne veux pas violer la vie privée de personne, mais je connais des cas où des personnes s’en sont rendu compte dans la trentaine. Il y avait ce traumatisme latent, qui est lié à la gravité de la situation. J’ai assurément eu affaire à un certain nombre de personnes... Madame la sénatrice, si je comprends bien, votre question était de savoir si j’ai eu affaire à des personnes qui ont vécu cela? Oui, absolument.
La deuxième partie de votre question était : « Cela a-t-il une incidence sur la violence proprement dite? » La violence elle‑même est généralement reflétée dans l’article 151 du Code criminel, soit les contacts sexuels, ou à l’article 271 du Code criminel, soit l’agression sexuelle. Il y a également le leurre sur Internet, qui, je crois, est prévu au paragraphe 172(1), ou une invitation à commettre une infraction sexuelle. Ce sont des infractions inchoatives. Ce sont des invitations à commettre l’infraction ou une tentative de la commettre. Ce que l’on appellerait le comportement déviant lui-même est bien codifié. Il s’agit de la production du matériel au moment de l’agression, si vous voyez ce que je veux dire.
Je suis vraiment content que vous en ayez parlé, et je m’excuse de ma réponse un peu longue. L’une des difficultés que je rencontre lorsque je m’occupe des victimes, c’est qu’elles sont souvent, disons, emprisonnées. Elles purgent une peine psychologique à perpétuité. J’ai enseigné un cours sur les peines, et il était question de la proportionnalité des peines. Elle est extrêmement importante, lorsque l’on veut refléter la gravité de cette infraction dans les mots, parce que, quand on rencontre une victime — et on les rencontrera lorsqu’elle sera dans la quarantaine, la cinquantaine, la soixantaine ou même quelques mois plus tard —, les conséquences sont encore là. Selon moi, voilà l’importance de ce projet de loi. Merci.
La sénatrice Audette : Merci beaucoup.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
M. Arnold : Je crois avoir rencontré les représentants d’un centre d’appui aux enfants, à Vernon, le Oak Centre, peu après l’adoption du projet de loi à la Chambre des communes. Il fait partie de la Archway Society for Domestic Peace. Il y avait environ six représentants : des conseillers, un représentant autochtone, un représentant de la GRC. La quasi-totalité du travail que faisait ce centre concernait les jeunes ou les enfants qui ont été victimes d’une certaine forme de violence. Il ne s’agissait pas seulement d’abus sexuels, mais il y en a. Quand je leur ai expliqué le projet de loi, ils ont souhaité qu’il soit rapidement adopté. Toutes les organisations qui y étaient ce jour-là l’ont dit, et cela s’est généralisé partout. Merci.
[Français]
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup, messieurs, de votre présence ici pour tenter de résoudre cet important problème.
[Traduction]
Je ne suis pas avocate. Je ne siège pas habituellement à ce comité. Je remplace ma collègue, la sénatrice Pate, mais le sujet me touche profondément.
Quand mon fils était à l’école primaire, nous avons appris un jour que, à la fin de la journée d’école, quelqu’un était venu chercher un petit garçon à la sortie. Je vis dans un très beau quartier. Jamais je n’aurais pu le croire, mais pendant quelques heures, on ne savait pas ce qui s’était passé ni où se trouvait le petit garçon. C’était horrible, tout comme l’idée que cela aurait pu être notre fils. C’est inacceptable. C’est très important.
Nous voyons les statistiques. En me préparant, j’ai consulté les statistiques. Elles augmentent de manière exponentielle. Les choses évoluent plus vite que le projet de loi.
Pourquoi deux députés tentent-ils de changer le projet de loi? Pourquoi le système judiciaire ne fonctionne-t-il pas à plein régime? Je m’excuse, mais je veux comprendre l’origine du problème, parce que, autrement, nous devrons procéder à des changements petit à petit, chaque fois que quelqu’un se rendra compte de quelque chose. Que pouvons-nous proposer au gouvernement?
M. Arnold : Je vais commencer. Je tiens à remercier M. Caputo d’avoir reconnu, lorsqu’il travaillait comme procureur de la Couronne, l’importance du problème. Souvent, on ne pense pas à la manière dont un mot peut changer une interprétation.
J’ai récemment eu connaissance d’un autre cas. Je n’en parlerai pas ici, mais cela m’a donné une raison d’examiner le Code criminel, et je vois bien que changer un seul mot dans le code aurait empêché une autre personne d’être potentiellement libérée et de récidiver. Ce n’est que lorsque j’ai pris connaissance de cette affaire et que j’ai fait moi-même des recherches dans le code pour voir comment cela a touché une personne. Je n’en dirai pas davantage ici, parce que je vais approfondir la question, mais j’ai pu voir comment le simple fait de changer un mot dans le code pourrait changer les choses.
En tant que législateurs, il est de notre responsabilité d’écouter nos électeurs, les gens et les tribunaux et de déterminer où nous pouvons améliorer les lois afin que les organismes d’application de la loi et le système judiciaire puissent mieux remplir leurs rôles.
M. Caputo : Merci, sénatrice Galvez. Je comprends. Le changement est si lent dans ce domaine. Si ma mémoire est bonne, l’arrêt Ewanchuk de la Cour suprême a été la première affaire où l’on a dit : « Ce n’est pas que “non veut dire non”; c’est seulement que “oui veut dire oui” ». Historiquement, il était question de « s’arrêter au non », plutôt que de « commencer au oui ».
Un mot pour ceux qui nous regardent : c’est la loi. On doit vous dire oui; n’attendez pas qu’on vous dise non.
Je pourrais en parler pendant des heures. Je soulignerai quelques points simples. Je l’ai dit dans mon premier discours devant la Chambre des communes, où j’ai parlé de cette question.
J’ai un projet de loi d’initiative parlementaire qui traite de la différence entre une agression sexuelle et un vol qualifié. Pour ceux qui ne sont pas avocats — bon nombre ne savent pas ce qu’est un vol qualifié —, c’est essentiellement un vol accompagné de violence. Si je prends le téléphone de M. Arnold, c’est un vol. Si je le pousse et que je prends son téléphone, c’est un vol qualifié. Un vol qualifié, c’est un vol auquel s’ajoute de la violence. La peine maximale pour un vol qualifié est l’emprisonnement à perpétuité.
D’après le vieux dicton, chacun est roi dans sa maison. La peine maximale pour une entrée par effraction dans le domicile d’autrui est l’emprisonnement à perpétuité.
Quelqu’un ici connaît-il la peine maximale pour une agression sexuelle? C’est 10 ans. La peine maximale pour des contacts sexuels est de 14 ans. Pour une agression sexuelle sur un enfant de moins de 16 ans, c’est 14 ans. On traite l’appropriation de biens plus sérieusement que le vol de la dignité sexuelle d’une personne, de son inviolabilité et de son droit au consentement. C’est absolument dégoûtant.
Vous voulez savoir par où commencer? Commencez par vous attaquer à cette mentalité archaïque qui sous-tend chaque projet de loi.
J’ai défendu une affaire d’agression. C’était une Autochtone âgée de 12 ans. Elle a été à maintes reprises agressée par son beau-père, et de la pire manière qu’il soit. Sa mère a été assassinée quand elle avait 18 mois. J’ai plaidé en faveur d’une peine très stricte, dans cette affaire. J’ai dit : « Savez-vous quoi? C’est essentiellement de l’inceste. »
« Non, monsieur Caputo, il n’y a pas de lien de sang. »
« Allons donc! » C’est ce que je pensais. Je ne critique pas le juge, parce qu’il a appliqué la loi. On s’attend à ce que les gens appliquent la loi, mais pourquoi ne la change-t-on pas?
Je viens justement d’avoir avec quelqu’un une discussion sur les relations d’adoption. Il est temps de se mettre à la page et de reconnaître la nature pernicieuse des agressions sexuelles. Nous sommes tellement lents. Je n’essaie pas d’être partisan, mais, lorsqu’on regarde pour quelles infractions on a adopté des peines minimales obligatoires, particulièrement sous le gouvernement Harper, elles concernaient les drogues — et non pas les crimes sexuels — et les armes. Le gouvernement s’est occupé des armes et de la drogue. Personne n’a rien dit sur les crimes sexuels, pas un mot.
À ma connaissance, la loi ne dit absolument rien sur les crimes sexuels. On était heureux de supprimer les peines minimales liées aux armes et à la drogue. Il n’y a pas eu un mot sur les crimes sexuels. Pourquoi?
Je m’excuse si je suis passionné par ce sujet, parce que, en politique, personne ne veut en parler. Eh bien, sénatrice Galvez, j’en parle ici. C’est l’éléphant dans la pièce.
Je sais que vous devez interrompre, madame la présidente. Je suis désolé. Je m’excuse.
La sénatrice Galvez : Je suis heureuse d’avoir posé la question.
La sénatrice Busson : J’ai une question. Je me suis prononcée en faveur de ce projet de loi, au Sénat; je crois que nous en avons discuté en avril. J’ai eu la chance d’être allée avec vous deux au quartier général de la GRC pour discuter avec les enquêteurs du travail qu’ils font. À ce moment-là, ils nous ont souligné qu’une partie de leur travail consistait à enquêter sur les agresseurs, mais ces choses se passent parfois en temps réel. Il est essentiellement possible de sauver ces enfants en temps réel.
Est-ce que l’un de vous deux pourrait nous parler de l’objet de notre réunion d’aujourd’hui? On pourrait se demander « Qu’y a‑t-il dans un nom? Pourquoi est-il si important de se concentrer sur le libellé? » Parce qu’il s’agit seulement d’un libellé, de définitions, et nous nous perdons parfois dans les mots. Pourriez‑vous dire pourquoi il est si important que le mot « pornographie » soit retiré?
On a tourné autour du pot, mais c’est essentiellement la raison pour laquelle ce projet de loi est si important. Je ne veux pas porter de jugement. La pornographie est légale quand il s’agit d’adultes consentants, comme vous l’avez dit, monsieur Caputo. Elle crée des images un peu salaces et évoque différentes choses. Je parle trop. Pourriez-vous, s’il vous plaît, commenter la question?
M. Arnold : Je vous félicite pour vos années de service à la GRC. Félicitations pour le dernier anniversaire de votre Troupe 17, je crois que c’est son nom. Je ne dirais pas il y a combien d’années...
La sénatrice Busson : Vingt-cinq ans?
M. Arnold : ... mais c’était fantastique. Sénatrice, merci d’avoir choisi Salmon Arm pour votre première affectation en tant qu’agente de la GRC.
La sénatrice Busson : J’y vis, maintenant, cela veut tout dire.
M. Arnold : Cela a dû bien se passer puisque c’est là où vous avez pris votre retraite. Merci pour vos années de service, et merci de poser la question.
Les mots sont si importants. C’est pour cela que nous étudions ce projet de loi. Comme vous l’avez dit, la pornographie montre généralement des adultes consentants. Les enfants ne peuvent pas légalement consentir à des activités sexuelles. C’est pourquoi il s’agit véritablement de matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels.
Je ne sais pas si M. Caputo peut nous en dire davantage, mais ça se résume à ça. Les mots qui figurent dans le code et dans nos lois doivent représenter de manière appropriée ce dont il est question. Je ne crois pas qu’il existe quoi que ce soit que l’on puisse qualifier de pornographie juvénile. Je pense qu’il s’agit toujours de matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels.
M. Caputo : Permettez-moi d’intervenir brièvement. Je me rends compte que je me suis vraiment emporté à la fin de la dernière réponse, mais, si vous me le permettez, sénatrice Busson, je résumerai les choses ainsi : nous avons du travail à faire et ce travail ne se fera pas du jour au lendemain. Il s’agit d’une petite étape dans un long processus, et une partie de ce processus est de reconnaître la gravité des infractions sexuelles.
De plus, il faut fondamentalement réorganiser, en tant que société, et en tant que système de justice, la façon dont on conçoit les infractions sexuelles. Il faut entre autres dire que ce n’est pas consensuel. Les enfants ne peuvent pas donner leur consentement, comme M. Arnold l’a dit, point final.
Je considère cela comme une petite étape dans un long processus. Quand on cherche à réorienter notre façon de voir les infractions sexuelles, c’est important. Merci.
La vice-présidente : Je comprends. Sénatrice Busson, je note que vous avez dit que vous aviez prononcé ce discours en avril. C’était en fait en avril 2023. Je cherchais la date de mon discours, et c’était le 30 mars 2023.
La sénatrice Busson : Merci.
La vice-présidente : Je vous en prie. Nous allons laisser la sénatrice Clement terminer notre première série de questions, et nous aurons le temps pour une très courte seconde série de questions.
La sénatrice Clement : Je tiens à vous remercier tous les deux d’être ici. Félicitations également, monsieur Caputo, pour votre carrière et merci du travail que vous avez fait. Merci, monsieur Arnold, d’appuyer et de défendre ce projet de loi.
Je vous remercie également de vous montrer passionné et émotif en public. Je pense que c’est une très bonne chose. Il n’y a rien de mal à cela quand on occupe un espace public et qu’on y travaille. C’est tout à fait acceptable de montrer ces choses, donc, je l’apprécie.
Ma question concerne l’échange entre M. Arnold et la sénatrice Audette. Nous parlions du libellé, des changements de mots et des changements législatifs, et c’est une chose, mais, ce que nous voulons vraiment, c’est influencer les gens et ce qui se passe dans la collectivité. Selon vous, comment ces changements de mots influent-ils sur la sensibilisation du public? Est-ce que cela nous permet de prendre de l’avance et de faire de la prévention et de nous assurer que les enfants et les familles sont sensibilisés? Comment cette modification du libellé permettra‑t‑elle d’y parvenir? Comment envisagez-vous cela?
M. Arnold : Comme nous l’avons dit, la pornographie est une chose différente dans l’esprit de bien des gens, et peut-être même dans l’esprit de la plupart des gens, puisqu’il s’agit d’une chose créée par consentement. Remplacer ce terme par « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » contribuera, je l’espère, à changer la croyance selon laquelle cela devrait être acceptable d’une manière ou d’une autre. Ce n’est pas le cas.
Certains peuvent penser que la pornographie est acceptable. Le simple fait de mettre le mot « enfant » à côté ne change pas la façon dont bon nombre de personnes perçoivent la pornographie juvénile. Quand on remplacera ces termes par « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels », j’espère que tout le monde dans la société regardera cette expression et verra clairement de quoi il s’agit.
M. Caputo : Je vais vous raconter deux anecdotes. Nous parlons de choses où les mots sont importants. N’oublions pas non plus les victimes.
Une personne avait entendu mon premier discours et, encore une fois, pour des raisons liées à la protection de la vie privée, je ne donnerai pas beaucoup de détails, mais elle m’a dit qu’elle s’était sentie vraiment validée. Une personne qui a vécu cela et qui en a été victime peut dire : « Ce que j’ai enduré n’était pas de la pornographie. C’était de la violence, c’est ainsi qu’il faut l’appeler. »
Une autre personne avec qui je parlais par hasard, un jour — encore une fois, je ne donnerai pas trop de détails —, a dit « Parlez-moi de votre travail ». J’ai donc commencé à en parler, et je n’oublierai jamais cela : cette personne m’a attrapé et m’a pris dans ses bras en plein milieu d’une phrase.
C’est pour ces personnes que nous faisons ce travail, pour montrer que ce qu’ont vécu les deux personnes à qui j’ai parlé, ce n’était pas de la pornographie. Appelons un chat, un chat. Encore une fois, il s’agit d’un très petit changement. Je suis conscient qu’il s’agit de l’étape 1 de peut-être 100 étapes, mais on doit commencer quelque part et, en ce qui me concerne, c’est là où j’ai choisi de commencer, avec le leadership excellent et exemplaire de M. Arnold, qui encadrera ce projet de loi, espérons-le, jusqu’à la troisième lecture.
La sénatrice Clement : Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Voici ce que j’ai dit quand j’ai pris la parole à la deuxième lecture, encore une fois, le 30 mars 2023 :
Le projet de loi C-291 marque une étape essentielle dans la lutte contre cette triste réalité qu’est l’exploitation sexuelle des enfants. Pour régler ce problème, il faut l’appeler par son nom : il s’agit d’abus et d’exploitation pédosexuels. Ce matériel révoltant n’a rien de consensuel. Ce n’est ni du divertissement ni de l’art. Il s’agit d’abus infligés à des enfants, d’abus qui leur volent encore et encore leur innocence, leur enfance et l’essence même de leur identité.
J’ai demandé que le projet de loi C-291 soit rapidement adopté, à l’unanimité à la Chambre des communes. J’espérais qu’il connaîtrait aussi un cheminement rapide au Sénat, et beaucoup de temps a passé, déjà, mais je tiens à vous dire que j’apprécie beaucoup ce que vous avez fait, tous les deux.
Nous commençons une courte seconde série de questions par la sénatrice Patterson, qui a une question.
La sénatrice Patterson : Tout d’abord, je tiens à faire remarquer que vous avez inclus la Loi sur la défense nationale, et j’aimerais vous en remercier, parce qu’elle est très souvent oubliée. Il ne faut pas oublier que les membres des Forces armées canadiennes iront à l’étranger et s’en apercevront, parce que, lorsque les pays se désintègrent, les enfants sont souvent les premières victimes. Je vous en félicite. Merci beaucoup.
Encore une fois, nous avons expliqué pourquoi il faut que cela aille vite. Il s’agit de changer la définition. Il n’y a pas de doute. Cependant, je pense que mes collègues ont certainement soulevé quelques points concernant la voie à suivre à partir de maintenant. Quelle est votre recommandation? J’en ai choisi quelques-unes. Quelle voie faut-il suivre, non pas pour changer ce que l’on a ici, mais sur quoi devons-nous nous concentrer à l’avenir pour rendre ce projet de loi plus solide afin de protéger les jeunes?
M. Arnold : Merci. Je suis certain que M. Caputo en aura beaucoup plus à dire, mais ce n’est que le début.
Je crois qu’il faut qu’il y ait plus de mesures dissuasives et plus d’obligation de rendre des comptes pour les gens qui commettent ces actes et surtout maltraitent nos jeunes citoyens, ceux qui sont les plus vulnérables. Il y a beaucoup de travail à faire compte tenu de la situation actuelle, de ce que l’on voit dans nos rues, et même chez les gens. Nous avons beaucoup de travail à faire en tant que législateurs pour nous assurer de protéger les Canadiens, parce que c’est vraiment notre priorité la plus importante. La protection et la sécurité de nos citoyens devraient être notre priorité la plus importante.
J’aimerais corriger une chose; lorsque j’ai répondu à la question initiale au sujet des changements possibles des lois provinciales, j’ai dit que c’était le ministre qui avait dit que le gouvernement travaillerait avec les gouvernements provinciaux. Il était en fait secrétaire parlementaire lorsqu’il a comparu devant le comité. Je voulais corriger cette erreur aux fins du compte rendu.
M. Caputo : Que devons-nous faire maintenant? Je vais reprendre où je m’étais arrêté la dernière fois.
Je pense que la disposition sur l’inceste est un bon point de départ. Au titre du paragraphe 172(1) du code... J’espère que je ne donne pas trop l’impression d’être un pro du droit. Je sais que je le suis, mais j’essaie de ne pas l’être.
Le leurre par Internet. La chose la plus difficile pour un procureur, c’est de faire asseoir quelqu’un sur le banc des accusés et de prouver que c’est lui qui était devant l’écran d’ordinateur. Si vous consultez les articles 3 et 4, si je ne me trompe pas, il y a des raccourcis en matière de preuve. Quand je parle de raccourcis, à proprement parler, on a jugé que l’un d’eux était inconstitutionnel.
Nous devons trouver une façon de prouver que cette personne maltraite des enfants tout en respectant la primauté du droit et la Charte, mais il faut aussi simplifier le processus. Présentement, il y a un arriéré d’environ 12 mois quand quelqu’un obtient un disque dur et l’envoie à un expert. Un expert, c’est la personne qui doit montrer qui se trouvait sur ce disque dur. N’importe qui peut dire ce qui se trouve sur un ordinateur; l’expert est le seul qui peut dire comment les fichiers se sont retrouvés là.
Ce sont des problèmes touchant la preuve, et ils peuvent être réglés. Nous devons réorienter fondamentalement la façon dont nous envisageons ces choses. Je dois être prudent ici, parce que des gens m’ont dit, « Frank, vous êtes avocat. Vous avez deux diplômes en droit, et conformément à la règle de droit, vous ne pouvez pas critiquer un juge. » Je vais toutefois critiquer une mentalité. J’ai lu un jugement récemment. Je l’ai peut-être mal lu, mais il m’a troublé.
Il s’agissait d’un cas d’agression sexuelle qui impliquait un rapport sexuel complet. Encore une fois, nous devons peut-être légiférer à ce sujet. Le juge a dit que nous ne pouvons pas dire à quel point une victime a été touchée en nous fondant sur son témoignage, mais qu’elle ne semblait pas si touchée. C’est ce que j’ai compris. Encore une fois, le juge a fait cette mise en garde. Si je me rappelle bien, la personne a été condamnée à la détention à domicile. Donc, je ne critique pas le jugement; je veux que ce soit clair. Je critique le cadre législatif qui permet ce genre de choses.
Je ne pense pas que la détention à domicile soit une peine appropriée pour quelqu’un qui agresse sexuellement un enfant. Toutes les agressions sexuelles sont graves, mais il y a une ligne, un seuil. Lorsque vous commettez cet acte, et que vous volez la dignité et l’inviolabilité de quelqu’un, excusez-moi, mais jouer sur une console vidéo n’est pas une option. Je sais que des gens ne sont pas d’accord avec moi là-dessus. Je ne suis pas ici pour défendre mon parti. Je pense que cette question mérite réflexion.
Je pense qu’il faudrait présumer qu’un préjudice grave a été commis. En fait, dans l’arrêt Friesen, la Cour suprême du Canada a dit que les peines dans la fourchette supérieure des peines de moins de 10 ans, ainsi que les peines de 10 ans et plus ne devraient pas être inusitées lorsqu’il est question d’infractions touchant à un enfant. C’est ce qui a été dit dans l’arrêt Friesen. J’ai moi-même déjà donné un cours sur la détermination de la peine, et je n’ai jamais vu la peine maximale infligée. Comment pouvons-nous en tenir compte, en tant que législateurs? Je sais que les gens n’aiment pas les peines minimales obligatoires. Que devons-nous faire? Nous devons changer complètement notre orientation.
Je sais que je prends beaucoup de temps, sénatrice Batters. Je vais travailler avec chacune des personnes ici présentes si j’ai la chance d’être réélu. Je suis certain que c’est la même chose pour M. Arnold. Nous travaillerons pour apporter ces changements parce que, selon moi, il n’y a rien de partisan. Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup. J’aimerais remercier les témoins d’être venus de l’autre endroit et d’avoir pris le temps d’être ici. À l’époque, c’était au bout du couloir; maintenant, c’est au bout de la rue. Merci beaucoup. C’est un sujet vraiment important qui est étudié aujourd’hui. Merci de répondre à nos questions avec tant de passion et de sincérité. Nous l’apprécions vraiment.
Chers sénateurs et sénatrices, nous allons peut-être passer maintenant à l’étude article par article du projet de loi. J’inviterais nos témoins à s’asseoir dans la rangée du fond, ce serait très apprécié. Je ne suspendrai pas nécessairement la séance.
Chers collègues, voici la question : est-il convenu de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels)?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Êtes-vous d’accord de suspendre l’adoption?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 1 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 4 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 5 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 6 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 7 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 8 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 9 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 10 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 11 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 12 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 13 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : L’article 14 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Adopté. Est-ce que le comité veut annexer des observations au rapport?
La sénatrice Clement : Je pense que l’on a distribué deux versions; il s’agit donc de la version la plus récente et la plus longue.
Je vais vous l’expliquer. Je vais commencer par le premier paragraphe.
La vice-présidente : Pourriez-vous d’abord le lire aux fins du compte rendu? Nous passerons ensuite au débat.
La sénatrice Clement : Tout à fait.
Par le passé, le comité a déposé des rapports sur la façon dont le Code criminel était modifié à la pièce depuis des décennies et était devenu trop lourd, parfois même répétitif ou contradictoire, et qu’il devait faire l’objet d’une réforme approfondie (voir, par exemple, le rapport de 2017 du comité intitulé Justice différée, justice refusée, aux pages 41 à 43). Le comité réitère sa recommandation antérieure selon laquelle un organisme indépendant devrait entreprendre une révision approfondie du Code criminel. La Commission du droit du Canada, nouvellement rétablie, pourrait entreprendre cette révision, qui devrait intégrer une étude portant sur toutes les dispositions du Code relatives à la violence contre les femmes, et en particulier à la violence conjugale.
De plus, le comité fait remarquer que le projet de loi dont nous sommes saisis porte sur des articles du Code criminel prévoyant des peines minimales obligatoires qui ont été éliminées, y compris par des cours d’appel. Cette situation montre encore une fois la nécessité d’une réforme complète. En attendant, par souci de transparence et de clarté envers la population canadienne, le comité rappelle que ce projet de loi n’a pas pour effet de rétablir les peines minimales obligatoires qui ont été jugées inconstitutionnelles.
Le comité fait écho à sa recommandation précédente tirée du rapport Justice différée, justice refusée, voulant que le ministre de la Justice procède à un examen complet des peines minimales obligatoires existantes afin de dégager des principes raisonnables basés sur des données probantes pour déterminer dans quelles circonstances elles sont appropriées et d’évaluer la possibilité de permettre au tribunal d’y substituer d’autres peines ou des traitements lorsque le contrevenant aux prises avec des problèmes de santé mentale est passible d’une peine minimale obligatoire.
La Commission du droit du Canada, nouvellement rétablie, pourrait entreprendre un examen exhaustif, qui devrait intégrer une étude portant sur toutes les dispositions du Code relatives à la violence contre les femmes, et en particulier à la violence conjugale. Le comité demande que le Sénat le mandate pour entreprendre une révision des sanctions applicables dans les cas de violence envers les femmes, y compris les valeurs sous-jacentes de ces sanctions. Nous encourageons le gouvernement du Canada à travailler avec les provinces et les territoires pour prendre collectivement des mesures urgentes pour contrer la violence envers les femmes et soutenir les victimes et les survivants et survivantes de la violence conjugale.
Voilà l’intégralité de l’observation. Je vais vous l’expliquer. Aucun de ces paragraphes n’est nouveau. C’est de la répétition. Nous avons inclus ces paragraphes en tant qu’observations à une liste assez longue de projets de loi. Je vais commencer par le premier paragraphe, qui demande une révision approfondie, et qui est liée dans les faits à la question posée par la sénatrice Galvez. Que faisons-nous ici avec des petits morceaux de lois?
Présentement, la société canadienne crie son désespoir en pensant à l’expérience des victimes. Donc, en tant que législateurs, nous légiférons. C’est ce que nous faisons en réponse aux besoins de changements.
Le problème, c’est que, chaque fois que nous révisons le Code criminel et que nous y apportons des changements, nous courrons toujours le risque que ceux-ci soient incohérents au regard du reste du document. Nous faisons cela depuis des années.
Le premier paragraphe est une observation que nous avons présentée pour les projets de loi C-3, S-205, C-233 et même S-15 — tous ces projets de loi — juste pour dire « S’il vous plaît, révisons attentivement le Code criminel ». C’est l’objectif du premier paragraphe.
Les deux paragraphes suivants concernent les peines minimales obligatoires. J’ai entendu beaucoup dans les réponses aux questions posées ici aujourd’hui. Selon moi, bien des choses qui ont été consignées dans le compte rendu aujourd’hui ont clarifié l’objectif de ce projet de loi.
Mais, encore une fois, ces deux paragraphes suivants concernent les peines minimales obligatoires et, encore une fois, s’inscrivent dans la même perspective. Le comité s’en est servi comme observations concernant la clarté et le fait que nous avons ce genre de document incohérent. Pour ce qui est de la cohérence, nous disons ici que les peines minimales obligatoires ont été invalidées par des jugements de la Cour suprême, et que maintenant, nous avons le projet de loi C-5 qui codifie certains de ces changements en tant que peines minimales obligatoires; c’est seulement pour que ce soit très clair ici, dans les observations, et pour répéter que nous voulons une révision approfondie.
Le dernier paragraphe concerne les questions fondées sur le genre. On a inclus ce paragraphe en raison du document L’exploitation sexuelle des enfants en ligne : un profil statistique des affaires déclarées par la police au Canada, 2014 à 2022. On y explore, pendant la période en question, les conséquences de l’exploitation sexuelle en ligne des enfants et les personnes touchées par ce phénomène. Selon les rapports de police, la majeure partie des victimes d’infractions sexuelles en ligne contre des enfants étaient des filles, et en particulier des filles âgées de 12 à 17 ans — elles représentent 71 % des victimes.
Donc, l’objectif de ce dernier paragraphe est de renvoyer à l’ACS Plus, l’analyse comparative entre les sexes, et dire que c’est pertinent, ici. C’est toujours pertinent, mais ce l’est surtout lorsque nous parlons de victimes d’exploitation sexuelle en ligne d’enfants, très souvent des petites filles.
La vice-présidente : Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je ne peux pas être contre la vertu, mais le problème est d’inclure ceci dans plusieurs rapports ou dans des rapports où il n’y a pas nécessairement un lien avec le projet de loi que l’on étudie. On étudie un projet de loi qui change un terme pour « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels ». Dans une observation, on parlerait des peines minimales que l’on devrait réduire. Le témoignage qu’on a entendu ici est qu’on devrait plutôt les augmenter. On parle de questions ayant trait aux femmes et à la violence faite aux femmes. On parle ici de l’exploitation des enfants, de manière plus large, sans faire référence au sexe. On prend aussi une partie du rapport intitulé Justice différée, justice refusée. On prend les recommandations d’une section, mais sans les remettre en contexte. Il y a quand même environ cinq pages de contexte à cette recommandation en particulier.
Je trouve que c’est dangereux de faire du copier-coller hors contexte et d’inclure des observations qui ne sont pas liées directement au projet de loi, même s’il y a certains éléments de pertinence qu’on peut rattacher de temps à autre à certaines phrases. Je pense que l’on devrait s’abstenir.
Cela dit, cela ne veut pas dire que ce n’est pas important et qu’on ne devrait pas insister pour que le rapport de 2017 soit mis en œuvre et que la Commission du droit du Canada soit mandatée pour faire une révision complète. Personnellement, je crois que c’est un travail qui est long. Au Québec, on l’a fait pour le Code civil du Québec et c’était complexe. Le faire pour le Code criminel prendra des années; c’est un travail extrêmement complexe. Je suis d’accord et je pense que c’est un travail qui devrait être fait. Cependant, je pense qu’on dilue le message en incluant cette recommandation dans ce projet de loi qui n’a pas de lien.
On dilue le message : le fait de le répéter chaque fois, c’est comme crier au loup tout le temps. À un moment donné, les gens ne l’entendent plus. Si l’on a un mouvement à faire pour insister sur la mise en œuvre du rapport de 2017 et le réactiver, je pense qu’il faut faire quelque chose de spécifique, quitte à avoir un mandat et à dire : « Voilà, il y a tel jugement. » Il faut faire un travail de mise à jour du travail de 2017, avec ce que cela implique comme mise à jour. Il y a un nouveau ministre de la Justice. Il pourrait être appelé comme témoin et on pourrait le sensibiliser. Ce pourrait être une chose qui pourrait être faite. J’aimerais mieux faire quelque chose de plus fort, comme ce dont je suis en train de parler, que de simplement inclure des éléments de copier-coller dans une observation au sujet d’un projet de loi qui n’a pas directement de lien.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Caton l’Ancien terminait tous ses discours devant le sénat romain en disant « ... Carthage est à détruire ». Donc, je crois qu’il est important de terminer tous nos rapports avec le même cri du cœur. Mais je partage certaines des préoccupations du sénateur Carignan, et je trouve étrange d’utiliser ce langage dans un projet de loi qui concerne l’exploitation des enfants, sans mentionner les enfants. Donc, j’aimerais savoir si la sénatrice Clement envisagerait un amendement amical, et surtout la possibilité de modifier le dernier paragraphe afin qu’il y soit indiqué « les sanctions applicables dans les cas de violence envers les femmes et les enfants, y compris les valeurs sous-jacentes de ces sanctions », et d’indiquer à la dernière phrase « contrer la violence envers les femmes et les enfants et soutenir les victimes et les survivants et survivantes de la violence conjugale ». Parce que nous parlons aussi des enfants qui sont maltraités par des membres de leur famille ou, comme l’un des témoins l’a mentionné, par des membres indirects de la famille.
On respecterait le principe de répétition de Caton l’Ancien, mais aussi, s’il était indiqué dans le premier paragraphe « les femmes et les enfants, et en particulier la violence familiale et la violence conjugale », quelque chose comme cela, parce que cela nous permettrait d’appliquer le principe de répétition, tout en respectant le projet de loi.
La sénatrice Clement : Voulez-vous que je réponde?
La vice-présidente : Je ne veux pas vraiment faire des allers‑retours d’une personne à une autre. Je préférerais que plusieurs personnes donnent leur avis, ensuite je vous laisserai bien sûr leur répondre. Est-ce que cela vous convient?
La sénatrice Clement : Tout à fait.
La vice-présidente : Oui. D’accord.
[Français]
Le sénateur Carignan : Comme je vous le disais, je ne peux pas être contre la vertu, mais c’est l’endroit où on l’inclut ou le processus que l’on met en place pour réveiller le gouvernement sur la nécessité de procéder qui m’embête quelque peu.
[Traduction]
La vice-présidente : Personnellement, je ne vois pas tout cela comme une tarte aux pommes, quelque chose qui plaît à tout le monde. Je suis en désaccord avec la remise en question de la peine minimale obligatoire dans le contexte d’un projet de loi portant sur le matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels. Et, personnellement, je ne vois pas la pertinence de répéter à la fin de chaque projet de loi — qu’est-ce que c’était déjà?
La sénatrice Simons : « ... Carthage doit être détruite. »
La vice-présidente : « ... Carthage doit être détruite. »
La sénatrice Simons : Et puis, ils l’ont fait.
La vice-présidente : D’accord. Mais ce que nous avons vu pour un grand nombre de projets de loi, c’est que le gouvernement Trudeau n’a pas donné suite ou donné son accord, dans bien des cas, aux observations que nous avons formulées avec grand soin. Ce qui m’inquiète ici, c’est que cette observation très longue — et encore plus si elle est rallongée maintenant — pourrait voiler cette question importante. Notre comité vient d’adopter à l’unanimité un projet de loi d’initiative parlementaire relativement court, mais important qui remplace le terme extrêmement inapproprié de « pornographie juvénile » par « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels ». C’est tout. Il a reçu un soutien généralisé.
C’est pourquoi je n’aime pas vraiment l’idée de devoir retrancher une observation parce que certains d’entre nous ne sont pas en accord avec certaines parties. Donc, je pense que certaines parties de l’observation ont un lien minimal avec le projet de loi, et maintenant, nous essayons de potentiellement y ajouter d’autres parties.
Oui, et le paragraphe final, dans sa forme précédente, parle spécifiquement de la violence faite aux femmes à trois reprises, mais ce projet de loi concerne les enfants. Je ne veux pas qu’il devienne trop embrouillé, c’est tout. C’est mon point de vue. Mais, bien sûr, je ne suis qu’un membre parmi d’autres.
La sénatrice Patterson : J’ai des observations très similaires. C’est important et cela va de soi.
Ma préoccupation , c’est que je sais qu’il ne sera pas lu de toute façon. C’est mon point de vue d’ancienne travailleuse de la santé: je pense que quand une personne regarde quelque chose et voit que des éléments sont les mêmes, et que cette personne est occupée, elle pourrait ne même pas lire la première ligne.
Si nous voulons avoir un impact, surtout à la lumière de certains témoignages, nous devons faire mieux. Ce serait plus facile pour moi de le lire s’il était plus précis. Je vois « violence conjugale » en lien avec « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » par opposition à « pornographie ». Le sens des mots est important. Le mot « pornographie » implique un certain consentement. La « violence conjugale » implique autre chose. J’ai l’impression que nous mélangeons les pommes et les oranges, du point de vue du lecteur moyen. Je ne suis pas avocate. Je compte sur les personnes très intelligentes qui se trouvent devant moi.
Tout comme mes collègues ici présents, je crois que, si nous pouvions être plus explicites et plus précis, cela ne changerait rien au fait que c’est extrêmement important, mais, si c’est la même chose, le réflexe humain est de l’ignorer totalement. Nous avons déjà vu cela. Nous pourrions peut-être utiliser une formulation plus concise qui cible les enfants et les effets sur eux plutôt que tout le reste.
C’est seulement une observation. Je trouverais très difficile que l’on soit allé aussi loin et de le critiquer, parce que je suis d’accord.
Le sénateur Dalphond : Est-ce que je peux proposer un compromis? Je vous écoute, et je suis d’accord avec tout le monde, je suis donc peut-être en position de proposer un compromis. Je vais expliquer pourquoi.
Je conserverais uniquement le premier paragraphe, et j’ajouterais, aux dernières lignes du premier paragraphe, « le code qui concerne la violence faite aux enfants » — parce que ce projet de loi concerne les enfants, et, je commencerais par les enfants — virgule, « La violence conjugale et la violence faite aux femmes, » point. J’arrête ici.
Pourquoi est-ce que je dis cela? Parce que le dernier paragraphe dit la même chose. Il est question d’une révision approfondie du Code criminel, qui devrait être effectuée par la même commission. Donc, il y a une certaine redondance entre le premier et le dernier paragraphes. C’est pourquoi je conserverais uniquement le premier paragraphe, qui, dans un certain sens, dit la même chose.
Désolé, parfois je suis trop un homme de loi et trop technique, mais le deuxième paragraphe, on n’a pas besoin de dire cela. On ne fait que changer l’étiquette, on change seulement le terme utilisé pour décrire les infractions. La jurisprudence demeure inchangée. Il est inutile de dire que nous n’avons pas l’intention de modifier la jurisprudence; cela a déjà été dit de nombreuses fois.
Le second paragraphe est donc superflu et son sens est même ambigu. C’est comme si l’on disait « si nous ne disons pas cela, nous voulons faire ceci ». Je n’aime pas cela.
Pour le troisième paragraphe, eh bien, nous avons déjà fait référence au rapport Justice différée, justice refusée. Cela a déjà été dit au premier paragraphe.
Puis, on passe à un autre enjeu politique, soit les peines minimales obligatoires. Je ne partage pas l’opinion de M. Caputo à ce sujet, mais je ne crois pas que cette question doit être débattue dans ce projet de loi-ci. Nous parlons d’adultes agresseurs d’enfants, et nous envisageons de donner un autre nom aux dispositions.
Le message se trouve au premier paragraphe, que je crois bon de conserver. Nous continuons de dire — comme l’a dit la sénatrice Simons, jusqu’à ce que ce soit terminé — qu’une révision approfondie du Code criminel s’impose et que c’est la Commission du droit du Canada qui doit s’en charger, qu’elle est la mieux outillée pour effectuer cette révision et que nous répétons ce que nous avons dit dans notre rapport de 2017. Tout cela est dit au premier paragraphe, et je peux m’en accommoder. Peut-être que cela rendrait le projet de loi plus acceptable pour vous. Cela le rendrait certainement plus acceptable pour moi.
La vice-présidente : Effectivement, ce serait un compromis acceptable pour moi.
Est-ce que vous seriez d’accord avec cela, sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Oui. Est-ce que c’est mon tour?
La vice-présidente : Je vous le demande, c’est ma prérogative. J’aimerais que vous en parliez directement, parce que cela pourrait mener à un résultat différent.
La sénatrice Clement : L’ajout de quelques mots au premier paragraphe pour inclure le mot « enfants », c’est logique.
Le but de cette formulation est la répétition. Je ne suis pas d’accord avec le sénateur Carignan...
[Français]
En fait, je ne suis pas d’accord pour ce qui est de la valeur de la répétition.
[Traduction]
J’estime que la répétition est pertinente; je le crois vraiment. C’est un cri du cœur, et, pour moi, ce cri du cœur doit être constant. C’est pourquoi cette formulation a été utilisée de façon prospective pour d’innombrables projets de loi, mais je suis d’accord avec la proposition du sénateur Dalphond d’ajouter le mot « enfants ».
J’estime qu’il est important de se référer au rapport de 2017 du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je vois que cela est précisé dans le premier paragraphe, et c’est une référence importante.
La vice-présidente : Compte tenu de tous ces commentaires, est-ce que les sénatrices et les sénateurs qui sont sur la liste pour prendre la parole sont satisfaits ou veulent-ils encore en discuter?
La sénatrice Galvez : Oui, je l’ai moi aussi trouvé un peu répétitif. L’une de mes suggestions était de simplement garder le premier paragraphe, et je suis contente de voir que les gens partagent cette opinion. Je ne sais pas si le comité cherche généralement à obtenir un consensus. C’est ce que nous essayons de faire? Oui? Fantastique.
Le seul élément manquant est, de mon point de vue extérieur et tel qu’indiqué au premier paragraphe, que le comité se répète.
Pourriez-vous exprimer votre demande en des termes plus catégoriques? J’ai vu, dans d’autres comités que les observations supposaient une réponse obligatoire du gouvernement. J’ai même vu la mention d’une échéance.
C’est très intéressant. Nous disons généralement que le gouvernement ne lit pas les observations, et qu’elles ne mènent donc à rien. Toutefois, si vous ne formulez aucune requête précise, vous n’auriez certainement pas de réponse. Nous pourrions peut-être dire : « Nous voulons que le gouvernement réponde au rapport et qu’il nous fasse part de sa vision quant au moment où il conviendra d’effectuer ce travail, et nous nous attendons à recevoir une réponse ».
La vice-présidente : Nous avons déjà demandé des choses très précises au gouvernement, dans différentes observations sur différents projets de loi. Il arrive souvent que nous ne recevions pas de réponse, même si les observations sont solidement formulées.
Je suis d’avis que le projet de loi n’est pas forcément le bon pour dire « Oh! Nous voudrions une réponse au sujet du rapport de 2017. »
Honnêtement, je suis bel et bien d’accord avec ce qu’a dit le sénateur Carignan. C’est peut-être le bon moment, si nous avons le temps, au comité, de demander la permission. Ce serait fantastique si le comité pouvait effectuer une courte étude de mise à jour du rapport de 2017 et avoir une réponse de l’actuel ministre de la Justice. Toutefois, je ne suis pas certaine qu’une observation où l’on dit fermement que le gouvernement doit le faire maintenant devrait être jointe à un projet de loi d’initiative parlementaire portant sur l’abus et l’exploitation d’enfants et des termes plus vigoureux. La formulation qui a été proposée par la sénatrice Clement, dans le premier paragraphe, est celle que nous avons utilisée dans le passé, en référence à cet excellent rapport, auquel j’ai été très fière de contribuer.
[Français]
La sénatrice Oudar : Je ne reviendrai pas sur tous les commentaires. J’avais la même proposition que le sénateur Dalphond pour ce qui est de garder le paragraphe 1. On a tous des raisons différentes de ne pas vouloir parler des peines minimales. On a entendu des choses horribles dans ce projet de loi. C’est bien que je sois juriste et que je respecte la jurisprudence sur les peines minimales. Je pense que ce n’est pas le lieu idéal pour faire ce commentaire, parce que c’est un peu contre-intuitif de le faire dans ce projet de loi.
Alors, je m’en tiendrais au premier paragraphe pour des raisons peut-être plus émotives que juridiques, mais je pense que cela rejoint un peu ce que l’ensemble des sénateurs ont exprimé.
De plus, si la Commission du droit du Canada entreprend une réforme du Code criminel, elle aura tout le loisir d’examiner les peines minimales et de s’en tenir à la plus récente jurisprudence.
J’ai par contre un malaise avec la dernière phrase, que j’aurais peut-être souhaité ajuster. On demande que la Commission du droit du Canada fasse cette révision. Je suis très sensible à la violence contre les femmes et c’est ce contre quoi j’ai travaillé toute ma vie, mais je pense qu’il faut voir plus large et parler des crimes et infractions contre les personnes vulnérables. On a parlé aujourd’hui des enfants, mais on n’a pas parlé des personnes âgées ni des personnes déficientes intellectuelles.
Je pense que le fait de parler d’une étude portant sur toutes les dispositions du Code criminel relatives aux crimes ou aux infractions contre les personnes vulnérables, cela comprendra les autres personnes : les femmes assassinées et disparues, les enfants, les personnes âgées, les personnes déficientes intellectuelles et toutes les personnes qui ont besoin de la protection du Code criminel.
Je suggère plutôt que, au lieu de parler de dispositions du Code criminel relatives à la violence contre les femmes, et en particulier à la violence conjugale — même si je me fais moi‑même violence en ne parlant pas spécifiquement de violence conjugale —, si l’on souhaite représenter les problèmes de l’ensemble de la population canadienne, on devrait parler simplement de crimes et d’infractions contre les personnes vulnérables, point.
Puis il y aurait les trois autres paragraphes de la note, si la sénatrice Clement est d’accord.
La sénatrice Audette : C’est ce que je voulais proposer, soit de ne pas être trop précis, parce qu’on est plusieurs à avoir subi les impacts d’une ou plusieurs formes de violence; soyons donc plutôt à 40 000 pieds.
En même temps, sénatrice Clement, merci beaucoup d’avoir proposé cela, parce que quand on va trop haut, on oublie de prioriser ce que les femmes essaient de dire depuis longtemps. Malheureusement, elle existe encore, la violence faite aux femmes et aux filles, et ce, peu importe le milieu ou la culture.
Sénatrice Clement, je vous encourage à faire des propositions précises, comme vous l’avez fait au sénateur Manning pour son projet de loi sur l’élaboration d’une stratégie nationale. C’est un endroit où ce sera très précis et important de lui proposer cela, et vous pourrez compter sur moi comme alliée à 100 %, et on pourra alors proposer bien plus qu’une qu’observation; on pourra peut-être proposer un amendement.
[Traduction]
La sénatrice Clement : Je souhaite revenir sur votre commentaire, madame la vice-présidente, sur le fait de rechercher le consensus. C’est généralement la meilleure méthode. J’ai été des deux côtés de cette question, et je suis d’accord.
Je suis également d’accord avec les changements proposés par les sénateurs.
J’ajouterais que le comité a fait rapport de manière systématique dans le passé — j’ajouterais le mot « systématique », puisque c’est ce dont il est question ici. Nous avons employé cette formulation dans d’innombrables dispositions législatives. Donc, je souhaite, comme la sénatrice Galvez, qui a soulevé la question, que l’on adopte une formulation plus vigoureuse en l’ajoutant au paragraphe.
La vice-présidente : Bien sûr.
Le sénateur Dalphond : Après le mot « systématiquement... » et à la dernière ligne, « violence contre les personnes vulnérables».
La vice-présidente : Qu’est-ce qu’il serait écrit à la dernière ligne? Pourriez-vous répéter?
Le sénateur Dalphond : Je pense que la dernière ligne serait, « Le code concernant la violence contre les personnes vulnérables. »
La vice-présidente : J’allais suggérer une autre petite chose — je viens de le rechercher parce qu’il est constamment écrit « la Commission du droit du Canada, nouvellement rétablie ». Cela s’est fait en 2021. Ça fait plus de trois ans. Je dirais seulement « rétablie ».
Le sénateur Dalphond : « Rétablie ».
La sénatrice Clement : D’accord.
[Français]
La sénatrice Oudar : J’avais suggéré d’enlever le mot « violence » pour les mêmes raisons que nous avons tous entendues aujourd’hui. On a parlé d’abus, alors que j’ai plutôt parlé des dispositions du Code criminel relatives aux crimes contre les personnes vulnérables, pour ne pas qualifier si le crime est de la violence, de l’abus, de la pédophilie ou autre. C’est l’idée d’aller plus loin que la violence. Il peut y avoir des cas d’abus qui ne sont pas de la violence et ce que l’on demande, c’est que la commission se penche sur tous les crimes et infractions contre les personnes vulnérables.
[Traduction]
La vice-présidente : Donc, il serait écrit, « intégrer une étude portant sur toutes les dispositions du Code relatives à la violence contre les personnes vulnérables, en particulier à la violence conjugale »? Non, il se terminerait seulement par cela.
Le sénateur Dalphond : « Personnes vulnérables » point.
La vice-présidente : « Violence commise contre les personnes vulnérables », point. D’accord, regardez-moi ça.
Le sénateur Dalphond : Je crois que nous avons réussi à nous entendre sur la formulation. C’est impressionnant.
La vice-présidente : Vraiment, oui, surtout que c’est moi qui préside.
Avec cela, je crois que nous avons trouvé la formulation correcte. Donc, est-ce que la formulation que nous avons déterminée ici est acceptée pour cette observation?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Est-il convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à approuver la version finale des observations qui seront annexées au rapport, dans les deux langues officielles, en tenant compte de la discussion d’aujourd’hui et en apportant tout changement nécessaire lié à la forme, à la grammaire ou à la traduction?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Est-il convenu que la vice-présidente fasse rapport de ce projet de loi avec cette observation au Sénat, dans les deux langues officielles?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Excellent. Mesdames les sénatrices, monsieur les sénateurs, je vous remercie de votre coopération, et je remercie nos témoins. Je suis très satisfaite du résultat.
(La séance est levée.)