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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 19 septembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 33 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue. Je m’appelle Brent Cotter, je suis sénateur de la Saskatchewan et président de ce comité. J’invite mes collègues à se présenter, en commençant par la vice‑présidente.

La sénatrice Batters : Sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

[Français]

La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec. Bienvenue.

Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, division sénatoriale De Lorimier, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, du territoire Mi’kma’ki.

La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, de l’Ontario.

Le président : Merci, sénateurs.

Je viens de constater que, pour la première fois depuis longtemps, la Saskatchewan, d’où viennent le président et la vice-présidente, a pris le contrôle de ce comité, ce qui nous réjouit beaucoup.

Avant de commencer, je rappelle à tous les sénateurs et aux autres participants en personne qu’ils doivent consulter les cartes qui se trouvent sur la table devant eux pour connaître les directives à suivre pour éviter les incidents de retour de son. C’est particulièrement important pour les interprètes. Veillez à ce que votre écouteur soit toujours éloigné des microphones. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la face cachée sur l’autocollant qui se trouve devant vous sur la table. Je vous remercie de votre coopération.

Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour poursuivre notre étude du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation). Avant de commencer, j’aimerais informer les membres qu’après trois réunions sur ce projet de loi, la sénatrice Boyer, qui en est la marraine, a soumis un projet d’amendement de fond à tous les membres du comité. Elle l’a fait au printemps dernier et elle a l’intention de présenter cet amendement à l’occasion de l’étude article par article. Comme cet amendement modifie vraiment la nature de ce projet de loi, les membres du comité directeur estimaient qu’il serait bon que le comité entende des représentants du ministère au sujet de l’amendement, afin de bien comprendre cette nouvelle version du projet de loi S-250. Cela nous permettra de mieux comprendre ses effets avant de procéder à l’étude article par article ou de décider d’une autre ligne de conduite.

Ainsi, j’ai le plaisir d’accueillir deux représentantes du ministère de la Justice du Canada : Nathalie Levman, avocate-conseil à la Section de la politique en matière de droit pénal; et Morna Boyle, avocate à la Section de la politique en matière de droit pénal. Je vous remercie de vous joindre à nous.

C’est un peu inhabituel avec les représentants du ministère de la Justice — normalement, nous vous bombardons simplement de questions —, mais compte tenu des circonstances, je vais vous inviter à faire une déclaration préliminaire avant que nous ne passions aux questions. Vous avez cinq minutes pour les exposés, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Je vous remercie de votre attention. Merci

Me Nathalie Levman, avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de parler de l’amendement proposé par sa marraine au projet de loi S-250, que vous êtes en train d’examiner, d’après ce que j’ai compris de vos remarques. Ma collègue et moi-même allons tenter d’expliquer les effets de cet amendement et de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

L’amendement proposé préciserait tout d’abord qu’un acte de stérilisation contraint est une forme de voies de fait graves, en plus d’élargir la définition d’« acte de stérilisation » contenue dans le projet de loi de manière à y inclure tous les actes de stérilisation, que la stérilisation soit ou non le but premier de l’acte et que l’acte soit ou non réversible par une intervention chirurgicale ultérieure.

Plus particulièrement, l’amendement viendrait clarifier que la législation sur les voies de fait continue de s’appliquer à tous les actes de stérilisation contraints ou forcés, comme elle s’applique à tous les actes médicaux forcés. Ainsi, on y précise qu’un acte de stérilisation contraint constitue une blessure ou une mutilation au sens de l’infraction de voies de fait graves prévue à l’article 268. Comme vous le savez tous, il s’agit là de l’infraction de voies de fait la plus grave prévue au Code criminel, et elle est passible d’une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement. Elle s’applique lorsque les voies de fait blessent, mutilent, défigurent la victime ou mettent sa vie en danger.

Comme les interventions chirurgicales impliquent nécessairement des blessures au patient, elles constituent des voies de fait graves si elles sont effectuées sans le consentement du patient.

La Cour suprême du Canada a précisé que les dispositions sur les voies de fait s’appliquent à tout acte médical effectué sur une personne sans son consentement. C’est ce qui ressort de l’arrêt Morgentaler de 1988. La cour a également précisé que les dispositions sur les voies de fait reconnaissent la nécessité du consentement pour tout exercice de la force à valeur sociale, comme les interventions chirurgicales appropriées. C’est tiré de l’arrêt Jobidon, qui date de 1991.

Le droit des voies de fait est établi par la jurisprudence et le Code criminel, qui déterminent notamment la signification du consentement dans ce contexte. Les voies de fait étaient initialement un délit découlant de la common law, mais elles sont maintenant définies au paragraphe 265(1). Il y a voies de fait lorsqu’une personne emploie la force contre le corps d’une autre personne en sachant que cette personne ne consent pas à ce geste ou qu’elle ne se soucie pas de savoir si cette personne y consent. C’est également ce qui ressort de l’arrêt Williams de 2003 de la Cour suprême du Canada.

Étant donné que l’emploi de la force signifie de mettre quelque chose en contact avec le corps, tout acte médical non consensuel constitue des voies de fait. Toutefois, si une personne qui subit un acte médical y donne son consentement juridiquement valable, celui-ci ne constitue pas des voies de fait.

Qu’entend-on par « consentement juridiquement valable », exactement? Cela signifie, premièrement, que le consentement doit être donné librement; deuxièmement, il doit porter sur la nature même de l’acte; troisièmement, la personne qui le donne doit avoir la capacité de comprendre de quoi il s’agit.

Ces règles sont issues de la common law, mais certaines sont reprises dans le paragraphe 265(3) du Code criminel. Cette disposition énumère de manière non exhaustive les circonstances dans lesquelles le consentement à l’emploi de la force n’est pas juridiquement valable.

Notamment, ces règles sont compatibles avec les concepts de volonté, de connaissance et de capacité qu’on trouve dans les lois provinciales et territoriales en matière de santé, de sorte que le respect des exigences prescrites par la loi sur la santé concernant le consentement protège pleinement de toute responsabilité pénale.

Le consentement donné librement sous-entend l’absence de fraude ou de contrainte. Cette règle est codifiée au paragraphe 265(3), qui précise qu’il n’y a pas consentement reconnu en droit lorsque le plaignant se soumet ou ne résiste pas en raison de l’emploi de violence, de menaces de violence, de fraude ou de l’exercice de l’autorité. Cette règle s’applique donc lorsqu’un patient subit des pressions ou est trompé pour consentir à un acte médical.

Le consentement à la nature de l’acte requiert une base de connaissances, qui est décrite comme la connaissance du but de l’opération, la connaissance des événements et la perception de ce qui est sur le point de se produire, des caractéristiques de ce qui sera fait. Cette règle est enfreinte lorsque le patient ne dispose pas d’informations suffisantes pour comprendre la nature de l’acte auquel il consent.

La capacité de compréhension signifie que le patient doit être en mesure de saisir la nature de l’acte. Cette règle intervient lorsque le patient est un enfant ou qu’il souffre d’une déficience cognitive.

Voilà qui conclut notre déclaration préliminaire. Nous répondrons volontiers à vos questions. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci, maître Levman. C’était très utile. Je vous en suis reconnaissant.

Nous prendrons maintenant des questions de sénateurs, à commencer par celles de la sénatrice Batters.

La sénatrice Batters : Je me demande, étant donné que cet amendement... si la sénatrice Boyer souhaiterait peut-être... serait-ce acceptable, si la sénatrice Boyer a quelque chose à ajouter à cela, d’abord?

Le président : C’est une excellente suggestion.

La sénatrice Boyer : J’ai quelques points à ajouter à cela, puis j’aurai une question à poser.

Pour vous expliquer un peu le contexte, lors des dernières séances de notre comité, au printemps, il m’est apparu clairement que les sénateurs et les témoins trouvaient le libellé du projet de loi S-250 trop général et qu’ils craignaient des conséquences involontaires, en particulier dans les cas de chirurgies d’urgence ou d’actes médicaux causant la stérilisation.

Après consultation du ministre de la Justice et de ses conseillers, nous avons rédigé cet amendement, qui simplifie considérablement le projet de loi, tout en conservant l’objectif principal : faire en sorte qu’il soit explicitement clair que la stérilisation forcée est contraire à la loi dans le Code criminel.

L’article 1 du projet de loi S-250 est modifié à la page 1, aux lignes 12 à 24, par l’ajout de dispositions qui augmentent la certitude. Celles-ci font appliquer sans équivoque l’article 268, qui porte sur les voies de fait graves, à la stérilisation. La modification est insérée après la disposition sur les mutilations génitales féminines. Le projet de loi S-250 est passé de 55 lignes, dans sa version originale, à 14 lignes.

Cet amendement garantit que les prestataires de soins médicaux qui stérilisent une personne dans le cadre d’une intervention chirurgicale d’urgence soient bien protégés par l’article 45. Il vise clairement la stérilisation forcée ou contrainte, de sorte qu’il n’aura pas d’incidence sur la liberté de reproduction des personnes qui souhaitent être stérilisées volontairement.

La raison pour laquelle ce projet de loi vous est soumis a été évoquée à maintes reprises au cours des six dernières années. Les problèmes ne disparaissent pas.

J’ai parlé abondamment en tant que témoin devant le comité. Nous avons fait venir une survivante, Nicole Rabbit. Nous avons fait venir d’autres témoins qui ont tous convenu qu’il fallait faire quelque chose, parce qu’il y a toujours des femmes qui se font stériliser. C’est ainsi qu’est né le projet de loi S-250. Nous l’avons étudié au Comité sénatorial permanent des droits de la personne et avons produit deux rapports approfondis à ce sujet. Nous l’avons étudié à ce comité pendant deux jours. Nous avons entendu 16 témoins, dont l’avocat général et directeur de la Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice du Canada et la directrice exécutive et avocate générale du Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes. Nous avons également entendu Alisa Lombard, qui dirige l’un des cinq recours collectifs au Canada en la matière. Elle est titulaire d’une maîtrise en droit. C’est une avocate plaidante chevronnée. Nous avons entendu des professionnels de la médecine. Nous avons entendu des sages-femmes autochtones. Hier, l’Association médicale canadienne s’est excusée d’avoir forcé et contraint des femmes à se faire stériliser dans ce pays.

Nous avons entendu des représentants de l’Association des femmes autochtones, du gouvernement du Canada et la survivante Nicole Rabbit. Ce projet de loi cible expressément l’acte de stérilisation contrainte pour y faire appliquer les dispositions sur les voies de fait graves du Code criminel parce que nous avons simplifié le projet de loi S-250, mais il aura l’effet dissuasif voulu.

J’ai bien écouté ce que les témoins, mes honorables collègues, le ministre de la Justice et le procureur général ont dit. Je suis d’accord. Cette version simplifiée élimine toute conséquence involontaire tout en envoyant un message clair selon lequel la stérilisation forcée d’une personne au Canada est illégale et ne sera pas acceptée.

La question que je vous pose est la suivante : nous savons que l’objectif du projet de loi S-250 a toujours été d’empêcher que des personnes au Canada soient stérilisées contre leur gré. Pensez-vous que l’amendement que je propose permettra d’atteindre cet objectif? Avez-vous des inquiétudes quant à la nouvelle approche proposée dans ce projet de loi?

Me Levman : Merci. Oui, nous avons eu l’occasion de réfléchir aux effets de l’amendement que vous proposez.

Je voudrais souligner que la modification proposée ne modifie en rien la législation existante sur les voies de fait. Toutefois, elle vient préciser que les dispositions sur les voies de fait continuent de s’appliquer à tous les actes de stérilisation — tous — qui sont effectués sans le consentement juridiquement valable du patient. De nombreux témoins qui ont comparu devant vous ont souligné, je crois, l’effet dissuasif potentiel que le droit pénal peut avoir et la sensibilisation qu’il génère.

Par ailleurs, vous précisez dans votre amendement qu’un consentement valable doit être obtenu pour tous les actes de stérilisation, que la stérilisation soit ou non le but premier de l’acte et que l’acte soit ou non réversible par une opération chirurgicale ultérieure. L’amendement que vous proposez est clair.

Comme vous l’avez déjà souligné, bien sûr, cela garantirait également que les médecins qui sont en train de sauver la vie d’une personne qui ne peut pas donner son consentement parce qu’elle est inconsciente, par exemple, puissent se prévaloir de l’article 45.

Vous avez abordé la question de l’effet paralysant redouté, une préoccupation qui vous a été exprimée lorsque vous étudiiez cette question, avant les vacances d’été. Comme votre amendement ne modifiera en rien la portée de la loi sur les voies de fait, il ne peut plus avoir cet effet.

J’espère que cela vous aidera, sénatrice.

La sénatrice Boyer : Absolument. J’ai encore une chose à dire, monsieur le président, si vous le permettez.

Peu avant notre réunion d’aujourd’hui, on m’a fait part d’une préoccupation que les fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada ont exprimée au sujet de l’inclusion du terme « contraint » après les mots « acte de stérilisation » dans l’amendement.

Comme vous l’avez expliqué, le fait de préciser qu’un acte de stérilisation constitue une blessure ou une mutilation pour l’application de la disposition sur les voies de fait graves indique bien que la législation sur les voies de fait, y compris les règles sur le consentement, s’applique aux actes de stérilisation.

Vous dites que nous devrions vraiment retirer le mot « contraint » de la motion à l’étude aujourd’hui. Est-ce bien cela?

Me Levman : Je dis, effectivement, que l’inclusion du terme « contraint » pourrait être interprétée comme exigeant la preuve de quelque chose de plus que l’absence de consentement juridiquement valable en vertu du droit sur les voies de fait. Cela pourrait rendre les actes de stérilisation non consensuels plus difficiles à prouver que d’autres formes de voies de fait graves, ce qui, je le comprends, n’est pas du tout l’intention ou l’objectif du comité. C’est la raison pourquoi cette réserve avait été exprimée.

Cette approche garantit également que les modifications que vous proposez sont cohérentes avec les dispositions connexes, en particulier celles relatives aux mutilations génitales féminines, ou MGF, prévues aux paragraphes 268(3) et 268(4) du Code criminel, comme vous l’avez déjà mentionné. Ces dispositions précisent que l’excision, l’infibulation ou la mutilation des organes génitaux féminins constituent une blessure ou une mutilation pour l’application de l’infraction de voies de fait graves. Elles prescrivent aussi clairement que tout consentement à ces actes n’est pas valable en droit, sous réserve des exceptions étroites prévues à la loi, des exceptions concernant des actes médicaux légitimes telles que l’ablation d’une excroissance cancéreuse ou la réparation des dommages causés par des MGF.

Ce n’est que dans le cadre de ces exceptions prévues à la loi que les règles de consentement à des voies de fait s’appliquent. Dans toute autre situation, le code précise que le consentement aux mutilations génitales féminines n’est pas valable en droit. En effet, les mutilations génitales féminines ne constituent pas un acte médical légitime. Elles n’ont pas de « valeur sociale », pour reprendre les termes employés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Jobidon.

Cela contraste fortement avec les actes de stérilisation qui, bien sûr, sont des actes médicaux légitimes qui ont une valeur sociale, dans la mesure où un consentement juridiquement valable a été donné. C’est pourquoi les dispositions sur les voies de fait sont muettes sur le consentement en ce qui concerne les actes médicaux légitimes. Cela signifie que les règles sur le consentement à des voies de fait s’appliquent toujours aux actes médicaux légitimes et que ces actes constituent des voies de fait lorsque ces règles sont enfreintes.

On peut peut-être le présenter ainsi : ce qui rend des actes de stérilisation contraints, c’est le non-respect des règles sur le consentement prévues dans les dispositions sur les voies de fait.

La sénatrice Boyer : Merci. Je suis d’accord pour dire que le terme « contraint » devrait être supprimé de la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui.

Le président : Pouvons-nous donc nous attendre, pour ceux d’entre vous qui n’ont pas vu la motion — j’ai vu la version que la sénatrice Boyer va présenter — que le mot « contraint » en sera retiré? Peut-être que d’autres l’ont déjà vue, mais il s’agit d’une toute petite modification au texte auquel nous travaillons depuis deux jours.

Je tiens tout d’abord à remercier les sénatrices Boyer et Batters de nous avoir donné l’occasion d’entendre cette explication détaillée de l’orientation que la sénatrice Boyer propose.

Passons maintenant aux questions. Sénatrice Batters, la parole est à vous.

La sénatrice Batters : Je remercie les deux avocates du ministère de la Justice du Canada d’être parmi nous et je remercie la sénatrice Boyer de toute cette information, car elle sera bien utile pour amorcer le débat aujourd’hui.

Est-il exact que les avocats du ministère de la Justice du Canada ont aidé la sénatrice Boyer à rédiger cet amendement? Est-ce exact?

Me Levman : La sénatrice Boyer veut-elle répondre à cette question?

La sénatrice Batters : J’aimerais entendre la réponse du ministère de la Justice du Canada, même si ce n’est peut-être pas vous deux, personnellement, qui avez travaillé à ce dossier, mais d’autres avocats du ministère.

Me Levman : C’est mon domaine d’expertise et celui de Me Boyle également. Tout travail effectué dans ce dossier aurait été fait par nous.

La sénatrice Batters : Vous avez donc participé à la rédaction de cet amendement, oui ou non?

Me Levman : Oui, la sénatrice Boyer vient de le confirmer.

La sénatrice Batters : Pardon?

Me Levman : Oui, la sénatrice Boyer vient de le confirmer. Oui.

La sénatrice Batters : Très bien. Avez-vous révisé l’amendement préparé par la sénatrice Boyer, pour lui donner votre avis, ou lui avez-vous apporté votre aide à la rédaction de l’amendement?

Me Levman : Nous lui avons apporté notre aide par l’intermédiaire du cabinet de notre ministre. C’est ainsi que cela s’est passé. Nous avons été consultés. Les rédacteurs législatifs du ministère de la Justice du Canada ont été mis à contribution.

La sénatrice Batters : C’est donc le cabinet du ministre qui vous a demandé de l’aider?

Me Levman : C’est exact.

La sénatrice Batters : Est-il inhabituel que vous apportiez ainsi votre aide à un sénateur qui n’est pas un membre du gouvernement présentant un projet de loi parrainé par le gouvernement, ou à un député qui a, par exemple, un projet de loi d’initiative parlementaire, ce qui serait en quelque sorte l’équivalent de ce que nous avons ici? Est-ce une façon de faire inhabituelle que d’aider de cette manière un sénateur ou un député qui ne parraine pas le projet de loi au nom du gouvernement?

Me Levman : Nous ne pouvons le faire que si notre client nous le demande.

La sénatrice Batters : Si le ministre en fait la demande?

Me Levman : Oui.

La sénatrice Batters : Je sais que vous êtes à l’emploi de Justice Canada depuis très longtemps et que vous avez toujours accompli un excellent travail, maître Levman. Je vous demande simplement si cela est inhabituel d’après votre expérience.

Me Levman : C’est inhabituel.

La sénatrice Batters : Merci. Je note, maître Levman, qu’en réponse à une question posée par la sénatrice Boyer, vous avez indiqué que cela ne modifiait en rien le droit existant en matière de voies de fait.

Vous avez ensuite précisé que l’amendement apporte une certaine clarté à ce sujet. C’est une question que j’avais soulevée avec les avocats de Justice Canada, des collègues à vous, qui ont comparu précédemment devant le comité. J’ai alors fait valoir que différents types d’infractions pourraient déjà être touchées dans le cadre du Code criminel. Je conviens donc que c’est une bonne idée de clarifier les choses. Je voulais préciser que cette infraction pourrait bien déjà relever du droit existant en matière de voies de fait — et je vois que vous acquiescez. Oui, d’accord.

Je conviens aussi qu’il est nécessaire de supprimer le mot « contraint » du paragraphe 268.1(1) de cette proposition d’amendement, parce que la mention « acte de stérilisation contraint » pourrait ajouter un élément dont le procureur devrait faire la preuve en pareil cas. Ensuite, au paragraphe 268.1(2), la définition fournie s’applique simplement à un « acte de stérilisation », et non à un « acte de stérilisation contraint ». Est‑ce que cela s’inscrit également dans le raisonnement qui vous amène à conclure qu’il est problématique d’inclure le qualificatif « contraint »?

Me Levman : Je pense que la principale préoccupation concernant l’inclusion du terme « contraint » vient du fait que l’on semble ainsi ajouter un nouvel élément à l’infraction dont le procureur devra également faire la preuve.

Pour que l’amendement puisse s’appliquer si le terme « contraint » continuait d’y figurer, le procureur devrait ainsi prouver non seulement que l’on a contrevenu aux règles de consentement prévues dans le droit en matière de voies de fait, mais aussi que l’acte de stérilisation a été contraint.

Selon moi, ce n’est pas le but que l’on cherche à atteindre. Comme vous l’avez vous-même souligné, l’objectif d’une telle disposition est de clarifier la loi, pas de la modifier, comme c’est le cas avec les dispositions relatives aux mutilations des organes génitaux féminins figurant aux paragraphes 3 et 4 de l’article 268.

La sénatrice Batters : Oui. Pour ceux qui ont suivi l’évolution de ce projet de loi — qui n’est pas très volumineux à l’origine; deux pages et demie à peine —, l’amendement proposé par la sénatrice Boyer modifie le libellé de la partie inférieure de la page 1, la disposition exécutoire, et supprime ensuite l’intégralité des pages 2 et 3. Il s’agit en fait d’une réduction substantielle de la teneur de ce projet de loi. Je voulais le préciser pour que les gens puissent se faire une idée plus concrète de ce que cela représente. Je vous remercie.

Le président : Sénateur Dalphond, vous avez participé activement aux discussions sur la rédaction du projet de loi initial. Le moment est maintenant venu de poser vos questions sur la version modifiée qui est envisagée.

Le sénateur Dalphond : Je n’aurai pas beaucoup de questions, peut-être une seule pour les fonctionnaires.

Avant cela, je voudrais remercier la sénatrice Boyer d’avoir prêté une oreille attentive aux préoccupations soulevées autour de la table. J’ai exprimé certaines d’entre elles. Je vous ai même écrit un mot à ce sujet. J’apprécie votre compréhension et votre écoute. Nous partageons le même objectif et nous voulons nous assurer que le projet de loi est aussi efficace que possible. Ce sont là des points positifs.

Je voudrais par ailleurs traiter de la contribution de Justice Canada. Pour que les choses soient bien claires au bénéfice de ceux qui nous regardent, je crois comprendre — et corrigez-moi si je me trompe — que des représentants de Justice Canada assisteront désormais à l’étude article par article des projets de loi, aussi bien pour les députés que pour les sénateurs...

Me Levman : Je vous remercie de votre question. Nous sommes généralement invités à assister à l’étude article par article des projets de loi, qu’ils soient du gouvernement ou d’initiative parlementaire, ce qui inclut les projets de loi d’intérêt public du Sénat.

Le sénateur Dalphond : Je pense que le ministre était assis à la table et qu’on lui a demandé — mais peut-être s’agissait-il d’un autre projet de loi — s’il fournirait une assistance, et il a répondu qu’il le ferait. C’est de là qu’émanent les directives pour qu’une aide soit apportée. Il n’en demeure pas moins que je vous suis reconnaissant pour le soutien que vous nous avez offert. Il s’agit d’un projet de loi important et nous devons nous assurer de bien faire les choses.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais en 2017, le ministère de la Justice a aidé l’ancien sénateur Bob Runciman, qui a déjà été président de ce comité, à aller de l’avant avec son projet de loi S-233. Je suppose donc que ce n’est pas la première fois que vous le faites. C’est plutôt rare, mais ce n’est pas sans précédent, n’est-ce pas?

Me Levman : Malheureusement, je n’ai pas une idée très précise du portrait d’ensemble de tous les fonctionnaires du ministère de la Justice et de leurs interactions. D’après mon expérience, cela s’est rarement produit, et c’est pourquoi j’ai répondu à la question de la sénatrice Batters en disant que c’était inhabituel. Mais vous avez peut-être plus d’expérience que moi à cet égard, et je vous remercie donc de m’avoir informée de ce fait.

Le président : Nous convoquerons le sénateur Dalphond comme témoin un de ces jours, j’en suis persuadé.

Le sénateur Prosper : Je n’ai pas de question.

La sénatrice Simons : Je ne connais pas le Code criminel par cœur. Je regarde l’article 265. Sous la rubrique Consentement, comme vous l’avez mentionné, il est question de l’exercice de l’autorité. On indique que ne constitue pas un consentement « ... le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison ... de l’exercice de l’autorité ». Est-ce que vous interprétez cela comme incluant un médecin qui est peut-être en position d’autorité? Un médecin est une figure d’autorité, mais pas au même titre qu’un agent de police ou qu’un employeur. Selon votre interprétation, un médecin serait-il tout de même une personne exerçant l’autorité?

Me Levman : C’est une excellente question.

Je dois d’abord vous mettre en garde du fait que nous n’avons pas de jurisprudence à ce sujet. Nous disposons en revanche d’un certain nombre de documents de la Commission de réforme du droit du Canada datant du début des années 1980, qui traitent des voies de fait, des traitements médicaux et de la loi. Il y a même un document sur la stérilisation. Ils datent un peu, mais le droit en matière de voies de fait est très ancien.

La sénatrice Simons : Nous nous agressons les uns les autres depuis Caïn et Abel.

Me Levman : Vous avez malheureusement raison. Il s’agit donc d’un droit très ancien. Il a été développé sous le régime de la common law. Une grande partie de ce que disent ces rapports est encore valable aujourd’hui, à l’exception de quelques cas que j’ai mentionnés et qui ont fait l’objet d’un jugement depuis.

Ces rapports soulignent notamment qu’il n’y a rien d’intrinsèquement autoritaire dans la relation entre un médecin et son patient. Malgré le fait qu’il existe un déséquilibre de pouvoir évident si vous êtes malade et que vous demandez de l’aide à un médecin, celui-ci n’est pas en position d’autorité, selon le rapport de la Commission de réforme du droit, de la même manière que pourraient l’être, par exemple, certains des autres intervenants que vous avez mentionnés.

Je voudrais toutefois préciser que ce qui est vraiment en jeu ici, ce sont les cas qui impliquent des comportements trompeurs, en particulier pour la stérilisation forcée — et je sais que vous avez étudié ces questions en profondeur et que divers rapports parlementaires passent en revue les différents types de cas qui ont été mis en évidence. Nous avons reconnu qu’il y a des gens à qui on a menti quant à la nature d’une opération, notamment quant à ses effets permanents. On leur a dit que le processus pouvait facilement être inversé ou qu’il n’y avait aucun impact sur la reproduction, ce qui était faux dans les deux cas.

C’est plutôt une disposition applicable aux actes de stérilisation forcée.

Il y a aussi la notion de contrainte, soit la question de la pression qui est exercée. Si l’on dit à quelqu’un que s’il ne donne pas son consentement, il y aura une forme quelconque de conséquence ou de répercussion négative, que l’on va lui enlever son enfant, par exemple, cela compromet la validité juridique du consentement donné.

La sénatrice Simons : [Difficultés techniques] paragraphe 265(4), « Lorsque l’accusé allègue qu’il croyait que le plaignant avait consenti aux actes... »...

Le juge, s’il est convaincu qu’il y a une preuve suffisante et que cette preuve constituerait un moyen de défense si elle était acceptée par le jury, demande à ce dernier de prendre en considération, en évaluant l’ensemble de la preuve qui concerne la détermination de la sincérité de la croyance de l’accusé, la présence ou l’absence de motifs raisonnables pour celle-ci.

Je présume que cela s’appliquerait également en pareil cas. Un médecin pourrait faire valoir qu’il croyait de bonne foi que la plaignante avait consenti.

Me Levman : Oui, et c’est vrai pour toutes les lois sur les voies de fait, mais il s’agit une disposition relative à la preuve. Elle stipule que lorsque vous évaluez la légitimité d’une telle croyance, vous devez aussi vous demander s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’il en est ainsi. Il ne suffit donc pas d’affirmer que l’on a cru telle ou telle chose; il faut aussi faire valoir les raisons pour lesquelles on l’a cru.

La sénatrice Simons : Le projet de loi tel qu’il était rédigé à l’origine me posait de nombreux problèmes. Je craignais qu’il porte atteinte au droit des jeunes transgenres à bénéficier d’une chirurgie d’affirmation de genre, qu’il rende criminelles toutes les stérilisations et qu’il ait un effet dissuasif. Pour que les choses soient bien claires, pouvez-vous nous confirmer que, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne brime plus le droit des personnes transgenres à bénéficier d’une chirurgie d’affirmation de genre?

Me Levman : Il répond totalement aux préoccupations relatives à l’effet dissuasif dont ce comité a discuté avant les vacances d’été, car il ne modifie pas la loi. Un acte de stérilisation ne constitue pas un délit. Je crois savoir que c’est l’infraction qui suscitait le plus d’inquiétude parmi les membres de ce comité, parce que le médecin, pour se disculper, devrait démontrer qu’il s’est conformé à un certain nombre de formalités administratives qui relèvent davantage des lois provinciales et territoriales sur la santé que du droit pénal.

Étant donné que l’amendement proposé par la sénatrice Boyer sert uniquement à clarifier le projet de loi, il ne modifiera pas la portée du droit existant en matière de voies de fait et ne pourra pas avoir l’effet que vous mentionnez.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Oudar : Je veux d’abord souligner, malgré mes deux questions, mon appui au projet de loi. Je remercie la sénatrice Boyer et l’ensemble des sénateurs. Je suis nouvelle au comité, donc je vous remercie pour tous les travaux qui ont été faits auparavant sur un sujet aussi important. C’est une violation fondamentale des droits des femmes, ce dont on est en train de parler. Je remercie mes collègues sénateurs masculins d’être présents aussi. Souvent, c’est un sujet dont on va parler entre nous seulement et c’est un grave problème de société auquel il faut s’attaquer ensemble. Merci à tout le monde. Merci au ministère de la Justice pour l’amendement.

J’ai deux questions — en fait, ce sont des préoccupations — par rapport au consentement. Au tout début de ma carrière, j’ai beaucoup travaillé sur la disposition que vous avez évoquée : l’excision, l’infibulation et la mutilation des parties génitales. C’est le paragraphe 3. Dans ce paragraphe, on est dans le même article du projet de loi que nous étudions en ce moment.

Sur la question du consentement, pour lequel il y a des exceptions, je ne comprends pas qu’on puisse faire une exception par rapport à un acte qui aurait été commis, bien entendu auprès d’une personne majeure, mais qui ne comporterait pas de lésions corporelles. Ce genre d’acte comporte toujours des lésions corporelles. Pourquoi le Code criminel comprend-il cet alinéa b) au sous-paragraphe 3?

[Traduction]

Me Levman : Je vous remercie de cette question. Il s’agit de dispositions complexes; je tiens à le reconnaître d’emblée. Au paragraphe 3, on indique qu’il demeure entendu qu’il y a « blessure » ou « mutilation » dans les cas d’excision, d’infibulation et de mutilation totale ou partielle des organes génitaux féminins, mais on ne parle nulle part expressément de mutilation des organes génitaux féminins, une formulation qui sert simplement à englober le tout. Exciser signifie en fait couper, comme cela pourrait être le cas dans une situation où un médecin, avec le consentement pleinement informé — le consentement juridiquement valable en vertu du droit sur les voies de fait — de la patiente, enlève quelque chose, disons, les petites lèvres d’une femme en raison d’une excroissance cancéreuse. Il y a également eu, si j’ai bien compris, des cas où des femmes ayant subi des mutilations de leurs organes génitaux souhaitaient bénéficier d’une chirurgie réparatrice. Tout cela nécessite l’excision de certains éléments.

Donc, si vous avez une disposition comme celle du paragraphe 4 qui indique « ... ne constitue pas un consentement valable le consentement à l’excision, à l’infibulation ou à la mutilation, ... » sauf s’il s’agit d’une « opération chirurgicale qui est pratiquée », cette dernière exception est essentielle sans quoi les médecins ne seront pas en mesure d’aider une femme qui a une excroissance cancéreuse ou qui voudrait que les dommages causés par la mutilation de ses organes génitaux soient réparés. C’est la raison pour laquelle la disposition est formulée de cette manière. Elle est différente de celle que la sénatrice vous propose aujourd’hui. Il y a effectivement une distinction à faire entre la mutilation des organes génitaux féminins et un acte de stérilisation. Dans l’un des cas, il s’agit d’un acte médical légitime, mais pas dans l’autre. La loi doit donc reconnaître qu’il y a consentement valable pour ce qui est des « interventions médicales appropriées » suivant la formulation utilisée dans l’arrêt Jobidon. Je pense que vous conviendrez avec moi que l’ablation d’une excroissance cancéreuse des parties génitales d’une femme pour lui sauver la vie est un acte médical légitime auquel elle devrait pouvoir consentir et que la loi devrait autoriser.

[Français]

La sénatrice Oudar : Ma deuxième question tourne toujours autour du consentement. Cette fois-ci, elle est plus particulièrement rattachée au sujet dont on parle. J’ai vu dans les explications que l’Association canadienne de protection médicale exige trois critères à un consentement valide : premièrement, qu’il soit libre et obtenu en l’absence de contraintes; deuxièmement, qu’il soit donné par une personne étant en mesure d’y consentir — et je reviendrai sur ce point; troisièmement, qu’il soit considéré comme un consentement éclairé.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’on parle aussi de stérilisation par rapport à des personnes déficientes intellectuelles. J’aimerais vous entendre sur la notion de consentement par rapport à ces clientèles féminines.

[Traduction]

Me Levman : J’attire l’attention du comité sur l’arrêt Eve de 1986 dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que le tribunal ne peut pas exercer sa compétence parens patriae pour consentir, au nom d’une personne souffrant d’une déficience cognitive, à une stérilisation non thérapeutique. En effet, les stérilisations non thérapeutiques ne sont pas effectuées dans l’intérêt du patient. Je pense donc que cette question a ainsi été réglée pour de bon.

Vous avez également évoqué les lois provinciales et territoriales en matière de santé. Elles varient d’un endroit à l’autre, mais les principes généraux sont les mêmes. Ces lois contiennent des règles relatives à la capacité de consentir qui doivent être respectées.

Voilà donc mon commentaire. Mon autre mise en garde est que nous sommes des spécialistes en droit pénal, et pas en droit de la santé. Je connais un peu les lois provinciales et territoriales en matière de santé, et je serais heureuse de vous donner des exemples, comme la Loi sur le consentement aux soins de santé de l’Ontario, si le comité souhaite les examiner. Mais nous ne sommes pas des expertes de ce type de lois.

La sénatrice Oudar : Merci.

Le président : Y a-t-il d’autres questions pour nos témoins?

Comme il ne semble pas y en avoir, permettez-moi de vous remercier, au nom du comité, d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et de nous fournir un cadre qui permettra à tous les membres du comité — sénateurs comme sénatrices — de mieux comprendre cet enjeu. Je pense que cela a été très utile et, dans certains cas, nécessaire, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Je dois maintenant vous dire, sénateurs, que le comité de direction a envisagé la possibilité que nous procédions dès maintenant à l’étude article par article. Je voulais confirmer votre volonté de le faire, auquel cas nous commencerions cette étude à l’instant. Est-ce que cela vous convient?

Des voix : D’accord.

Le président : Merci. Nous allons passer à l’étude article par article. Cet exercice pourrait être, non pas inhabituel, mais plus simple qu’à l’accoutumée étant donné que la sénatrice Boyer va nous soumettre un amendement au projet de loi original que je qualifierais de substantiel.

Est-ce que vous êtes d’accord, chers collègues, pour que nous passions à l’étude article par article du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation)?

Des voix : D’accord.

Le président : Est-il convenu de reporter l’étude du titre?

Des voix : D’accord.

Le président : Est-il convenu de reporter l’étude du préambule?

Des voix : D’accord.

Le président : Nous y voici, sénatrice Boyer. L’article 1 est-il adopté?

La sénatrice Boyer : J’ai une motion à ce sujet. Je propose :

Que le projet de loi S-250 soit modifié à l’article 1 :

a) à la page 1, par substitution, aux lignes 12 à 24, de ce qui suit :

« 268.1 (1) Pour l’application du paragraphe 268(1), il est entendu qu’un acte de stérilisation constitue une blessure ou une mutilation.

(2) Au présent article, acte de stérilisation s’entend du sectionnement, de l’occlusion, de la ligature ou de la cautérisation de l’ensemble ou d’une partie des trompes de Fallope, des ovaires ou de l’utérus d’une personne ou de tout autre acte exécuté sur une personne qui a pour effet d’empêcher la procréation de façon définitive, que l’acte soit ou non réversible par une opération chirurgicale ultérieure. »;

b) à la page 2, par suppression des lignes 1 à 29;

c) à la page 3, par suppression des lignes 1 à 8.

Le président : Merci, sénatrice Boyer. Concernant cet amendement, souhaiteriez-vous ajouter quoi que ce soit à ce que vous avez déjà dit et à ce que nous avons pu entendre de nos témoins?

La sénatrice Boyer : Je vous remercie, mais je crois avoir tout dit.

Le président : Merci. Y aurait-il d’autres commentaires ou interventions de la part des sénateurs à ce moment-ci?

Comme il ne semble pas y en avoir, je vais vous poser la question suivante. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

Le président : Je déclare l’amendement adopté.

L’article 1 modifié est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le préambule est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : C’est adopté. Le titre est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté. Le projet de loi modifié est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Je déclare le projet de loi adopté. Est-il convenu que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter toute modification technique, grammaticale ou autre modification non substantielle nécessaire par suite de l’adoption d’amendements par le comité, y compris la mise à jour des renvois et la renumérotation des dispositions?

Des voix : D’accord.

Le président : C’est convenu. Le comité souhaite-t-il joindre des observations au rapport?

La sénatrice Clement : Certains membres du comité présents aujourd’hui n’étaient pas là hier soir alors que j’ai présenté des arguments en faveur de l’inclusion d’une observation concernant le fait que nous révisons le Code criminel de façon décousue en y apportant sans cesse de nouvelles modifications — pour des raisons très valables en l’espèce, car je soutiens sans réserve ce projet de loi. Il s’agirait donc d’une observation qui s’inscrirait dans la lignée de ce que nous avons fait pour les projets de loi antérieurs en indiquant que nous souhaiterions vraiment voir une révision complète du Code criminel afin de pouvoir traiter de tous ces différents changements et d’en faire un instrument plus exhaustif.

Le président : Est-ce que quelqu’un aimerait réagir à l’observation que propose la sénatrice Clement?

La sénatrice Batters : J’ai reçu le libellé quelques secondes avant cette discussion. Il est de toute évidence rédigé dans les mêmes termes que l’observation que nous avons fini par adopter hier pour le projet de loi C-291, après une assez longue discussion sur d’autres parties.

Je réitère la question que je pose continuellement pour savoir si ces types d’amendements répétitifs valent la peine d’être apportés à chaque projet de loi. Quelqu’un a dit hier que, après un certain temps, il se pourrait que le gouvernement commence à prêter moins d’attention aux observations auxquelles il n’a pas accordé beaucoup d’attention auparavant, parce qu’elles deviennent tellement routinières qu’elles ne semblent plus avoir d’effet.

C’est ce qui me préoccupe à l’idée d’ajouter cette observation à nouveau.

Le président : Y a-t-il d’autres commentaires?

La sénatrice Clement : Je vais réagir au commentaire si personne d’autre ne souhaite intervenir.

Le président : Il y a ce que j’appellerai une dissidence ou des réserves à l’idée d’ajouter l’observation.

Est-ce le souhait du comité d’ajouter l’observation?

La sénatrice Boyer : L’observation me convient. Je suis en train de la lire. Je l’ai lue hier soir. Je crois qu’elle serait encore utile. Je suis en faveur de l’ajouter.

Le président : Pour ma part, je dirai que la Commission du droit du Canada est mentionnée ici, et que la section pénale de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, ou CHLC, est une organisation professionnelle remarquable qui traite des questions de droit pénal. C’est un autre forum naturel pour aborder la question. En fait, dans de nombreuses circonstances, ces questions pourraient être abordées sans la bénédiction d’une autorité gouvernementale telle qu’un ministre de la Justice.

Je crois qu’il serait utile que nous envoyions ce message, non seulement pour le gouvernement, mais aussi pour d’autres qui ont la capacité, le pouvoir de travailler à ce dossier. Selon moi, l’ajout de l’observation ne peut pas faire de mal. Cela ne garantit pas nécessairement une action. Nous reconnaissons la nécessité de ces changements et nous sommes tous un peu frustrés par le fait que nous appliquons une mesure corrective de manière ponctuelle.

Il serait utile de réfléchir à ce texte de loi aussi important — le Code criminel canadien — de manière un peu plus organisée et exhaustive.

En ce qui me concerne, je soutiendrais l’inclusion de l’observation.

La sénatrice Batters : Comme je l’ai souligné hier, j’ai fait une recherche sur Google parce que, initialement, la dernière phrase de cette observation disait : « la Commission du droit du Canada, nouvellement rétablie. » Nous avons ensuite supprimé « nouvellement rétablie » parce qu’elle a été rétablie en 2021, il y a trois ans. Nous avons supprimé le mot « nouvellement ».

Je me rends compte que nous avons fait la même observation sur de nombreux projets de loi différents au cours des trois dernières années. Avons-nous la moindre indication que la Commission du droit du Canada, ou l’autre organisation que vous avez mentionnée, a entrepris ou fait quoi que ce soit qui indique une volonté d’entreprendre ce type de révision globale du Code criminel?

Continuons-nous de faire cette recommandation à des organisations qui l’ont entendue à maintes reprises, sans savoir si elles agiront à ce sujet?

Le président : En ce qui me concerne, je ne sais pas du tout ce qui se passe du côté de la section pénale de la CHLC dans ce dossier.

Mes conversations informelles avec la présidente de la Commission du droit du Canada m’ont appris que l’organisation élabore, dans le cadre d’un dialogue et de consultations, un programme de travail pour les années à venir. Je ne pense pas qu’il est finalisé, mais je ne peux pas l’affirmer avec certitude. Je n’ai pas parlé à la présidente depuis plusieurs mois.

Il me semble que, si l’organisation a l’occasion de prendre ce projet au sérieux, c’est le bon moment pour lui rappeler qu’il pourrait s’agir d’un projet significatif.

Elle doit s’attendre à se pencher sur la compétence fédérale. C’est un grand projet que de se pencher sur ce très important texte de loi fédéral. Je dirais que c’est une occasion que la Commission du droit du Canada pourrait bien saisir à ce stade.

Le sénateur Tannas : Pourquoi ne vous demanderions-nous pas, monsieur le président, d’écrire une lettre à la Commission du droit du Canada et à la CHLC, et éventuellement au ministre, pour dire que nous répétons en vain la même rengaine depuis des années, sans jamais avoir d’écho? Avez-vous l’intention de faire quelque chose? Devrions-nous continuer à inclure la même observation dans chaque projet de loi, ou vous laisser vous débrouiller, comme la Commission du droit du Canada? On peut supposer qu’elle cherche des projets à réaliser. Son personnel doit avoir une réponse.

Le président : Je serais certainement ouvert à cette idée, si c’est le souhait du comité.

Le sénateur Tannas : Mettons le libellé dans ce projet de loi, pour que nous n’ayons pas à en discuter chaque fois.

La sénatrice Batters : Effectivement.

Le président : Y a-t-il un consensus au sein du comité? Il semble que oui. Je serais heureux d’écrire aux organisations.

Il est tout à l’honneur de la nouvelle présidente de la Commission du droit du Canada qu’elle parle aux intervenants sur le terrain et qu’elle génère des idées brillantes, et notre idée entre dans cette catégorie. Avec votre bénédiction, et si vous vous sentez à l’aise, je pourrais consulter les membres du comité de direction s’il y a des doutes quant au langage utilisé. J’enverrais une lettre fort simple qui aurait l’appui du comité.

Des voix : D’accord.

Le président : C’est ce que je ferai. Merci.

Le comité de direction nous donnera ses impressions sur le contenu de la lettre.

Pour en revenir à nos décisions, les membres appuient-ils les observations?

La sénatrice Kingston : Je suis favorable à cette inclusion, en particulier parce que la dernière phrase parle de toutes les dispositions du Code criminel relatives aux crimes contre les personnes vulnérables.

Inclusion Canada s’intéresse certainement à ce projet de loi, ainsi qu’à d’autres, pour les répercussions qu’il aura sur les personnes que l’organisme sert et représente.

Le président : Je vous remercie pour cette remarque. Il s’agit, d’une certaine manière, d’un appui au libellé que la sénatrice Clement a préparé.

Les membres souscrivent-ils à l’observation?

Des voix : Oui.

Le président : Merci.

Est-il convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé — bien qu’il n’y ait pas beaucoup de travail supplémentaire à faire — à approuver la version définitive des observations, qui seront annexées au rapport, dans les deux langues officielles, en tenant compte de la discussion d’aujourd’hui et en apportant tout changement nécessaire lié à la forme, à la grammaire ou à la traduction?

Des voix : Oui.

Le président : Merci.

Est-il convenu que je fasse rapport au Sénat du projet de loi, avec amendements et observations, dans les deux langues officielles?

Des voix : Oui.

Le président : Voilà qui conclut notre examen de ce projet de loi.

Merci aux fonctionnaires qui se sont jointes à nous et qui nous ont aidés à examiner la version modifiée du projet de loi.

Il serait approprié, à ce stade, de remercier la sénatrice Boyer. Elle souhaite dire quelques mots avant que nous ne l’applaudissions.

La sénatrice Boyer : Je tiens à remercier les survivantes qui nous regardent aujourd’hui; c’est grâce à vous que nous avons pu abattre ce travail.

Je tiens à remercier toutes les personnes autour de cette table, car la question a touché le cœur de chacun. De nombreuses personnes comptent sur vous, et vous avez réussi. Je vous remercie.

Je vous remercie du fond du cœur.

Le président : Je vous remercie, sénatrice Boyer, d’avoir dirigé ce travail qui se faisait attendre depuis longtemps et qui a finalement abouti. Merci, madame la sénatrice.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Boyer : Merci.

Le président : À ce stade, nous pouvons lever la séance.

Je tiens à remercier mes collègues pour leur bon travail dans ce dossier et pendant les discussions que nous avons eues avec les témoins tout au long de ce processus.

(La séance est levée.)

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