LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 10 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 32 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-321, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant).
Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs.
[Traduction]
Je m’appelle Brent Cotter. Je suis un sénateur de la Saskatchewan, et je suis le président du comité. J’inviterais maintenant mes collègues à se présenter, à commencer par la sénatrice qui se trouve à ma gauche.
La sénatrice Batters : Denise Batters, également de la Saskatchewan.
Le sénateur D. M. Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, sur le territoire de Mi’kma’ki.
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate, et j’habite ici sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Français]
La sénatrice Audette : [mots prononcés en innu-aimun] Michèle Audette, du Québec.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
La sénatrice Ross : Krista Ross, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Avant de commencer, j’aimerais souhaiter la bienvenue à nos collègues qui se joignent à nous de temps à autre. Bienvenue, sénatrice Ross et sénateur Wells.
Honorables sénateurs, comme nous en avons convenu la semaine dernière, nous nous réunissons pour commencer notre étude d’un projet de loi d’initiative parlementaire de la Chambre des communes, le projet de loi C-321, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant).
Pour la première partie de notre réunion, nous avons le plaisir d’accueillir le parrain du projet de loi à l’autre endroit, Todd Doherty, député de Cariboo—Prince George. Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur, et nous vous remercions de vous joindre à nous.
Nous vous invitons tout d’abord à faire une déclaration préliminaire d’environ sept minutes. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs présents et à la discussion.
Monsieur Doherty, vous avez la parole. Allez-y.
Todd Doherty, député, Cariboo—Prince George, Colombie-Britannique, parrain du projet de loi : Monsieur le président, je suis très honoré d’être avec vous tous aujourd’hui.
Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas ignorer les manchettes : un pompier attaqué par un agresseur à la machette; un ambulancier poignardé alors qu’il administre de la naloxone; une infirmière battue, les cheveux arrachés à l’urgence; une infirmière qui se fait trancher la gorge alors qu’elle effectue une prise de sang...
Sommes-nous tombés tellement bas qu’il est maintenant acceptable de pourchasser et de blesser des ambulanciers et des pompiers ou de battre sauvagement une infirmière qui tente d’administrer des soins?
Il faut que cela cesse. Je suis à la fois extrêmement fier et extrêmement touché que le projet de loi C-321 ait été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes en deuxième et en troisième lectures. De toute évidence, il ne s’agit pas d’une question partisane.
Si vous me le permettez, je dirais qu’il y a eu plusieurs versions du projet de loi depuis 2019. Nous ne sommes jamais allés aussi loin, alors je vous remercie du fond du cœur d’être ici aujourd’hui.
Comme vous le savez, le projet de loi C-321 modifiera le Code criminel afin de faire des voies de fait contre les personnes qui fournissent des services de santé et les premiers répondants une circonstance aggravante dans le cadre de la détermination de la peine. Au cours des dernières années, les Canadiens ont été horrifiés de voir des attaques violentes contre des professionnels de la santé et des premiers intervenants être relayées sur nos fils de nouvelles dans les médias sociaux et faire régulièrement et de plus en plus les manchettes.
Ce qui a motivé ce projet de loi, c’est un message qui m’a été envoyé il y a deux ans sur Facebook par un ambulancier, qui m’a raconté ce qui s’était passé lorsqu’il avait répondu à un appel avec son collègue pour une scène conjugale. Alors qu’ils s’occupaient de la victime, un membre de la famille de la victime a agrippé les ambulanciers et les a jetés en bas d’un escalier, puis les a piétinés et leur a cassé les chevilles.
Ils ont été jetés en bas d’un escalier. Comment, en tant que société, avons-nous pu nous rendre à un point où une telle situation est considérée normale et que nous l’acceptions?
Ce sont eux qui assurent la santé et la sécurité de nos collectivités. Ils courent vers le danger alors que les autres le fuient. Malheureusement, alors qu’ils fournissent des soins essentiels à nos collectivités, nos héros de première ligne sont agressés, harcelés, pourchassés, rabaissés et forcés de faire face à une épidémie croissante de violence envers eux. Les histoires et les statistiques sont alarmantes. Leur milieu de travail n’est tout simplement pas sécuritaire.
Il est temps de faire passer un message. C’est nécessaire. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir en tant que parlementaires pour protéger ceux qui nous protègent. La sécurité de nos professionnels de la santé et de nos premiers intervenants a une incidence sur tous les aspects de leur travail : le moral, le recrutement et le maintien en poste.
Le Canada souffre déjà d’une grave pénurie de médecins et d’infirmières. Si nous ne faisons rien, il souffrira également d’un manque de pompiers, d’ambulanciers et d’agents correctionnels. Nos professionnels de la santé et nos premiers intervenants sont prêts à répondre à l’appel, jour et nuit, sans exception. Lorsque nous appelons, ils répondent, sans poser de question.
Saviez-vous qu’un pompier ne peut pas refuser un travail dangereux? Il ne peut pas refuser un appel à l’aide, quel que soit le risque qu’il coure. Ce que les pompiers doivent savoir, c’est que tout comme ils nous protègent, nous les protégerons. L’adoption du projet de loi C-321 permettra d’atteindre cet objectif.
Sur une période de 12 mois, 61 % des infirmières et infirmiers ont signalé un grave problème de violence, et les deux tiers ont envisagé de quitter leur emploi en conséquence. Près de la moitié ont déclaré avoir été exposés à des agressions physiques 11 fois ou plus, et 84 % des ambulanciers et des pompiers ont été victimes de violence en milieu de travail.
Un récent sondage interne des services paramédicaux régionaux de Peel a révélé que 97,5 % des ambulanciers ont été victimes de violence verbale, 86 % d’intimidation, 80 % de violence physique, 62 % de harcèlement sexuel, et 13 % d’agression sexuelle.
L’Association internationale des pompiers, ou AIP, signale que 13 % des services ont connu des actes de violence dans le cadre d’interventions pour des incendies de structure, et que 40 % ont signalé des actes de violence lors d’appels médicaux.
Que faisons-nous pour aider les gens qui nous aident?
Aucune mesure ne protège le pompier qui reçoit un coup de poing en sauvant des gens d’un bâtiment en flammes, ou l’infirmière qui est jetée par terre et battue pendant qu’elle administre des soins dans la salle d’urgence d’un hôpital. La loi canadienne ne reconnaît pas leur travail et ne les protège pas contre la violence.
C’est le but du projet de loi C-321 : protéger ceux qui nous protègent, qui nous servent, jour après jour. Qu’il s’agisse du personnel infirmier, des travailleurs de la sécurité publique, des ambulanciers, des pompiers, des agents correctionnels ou des infirmiers en psychiatrie qui exercent leurs fonctions et qui font face à des taux de violence accrus, il faut qu’ils sachent que nous leur sommes reconnaissants pour leur travail et qu’en tant que leaders, nous nous battons pour eux.
Nous savons tous que la violence à laquelle ces intervenants font face est inacceptable. Nos professionnels de la santé et nos premiers intervenants doivent savoir qu’un mécanisme juridique en place pour que les agresseurs soient jugés et condamnés avec toute la rigueur du système de justice canadien. Dans l’état actuel des choses, bon nombre des professionnels de la santé et des premiers intervenants qui sont agressés dans l’exercice de leurs fonctions ne reçoivent pas de soutien du système judiciaire et se font souvent dire que cela fait simplement partie du travail. Il faut changer cette culture. La maltraitance au travail n’est jamais acceptable. La violence ne doit jamais faire partie de la description d’un poste.
La réaction au projet de loi C-321 a été extrêmement positive. J’ai entendu des centaines de travailleurs de la santé et de premiers intervenants, non seulement en personne, mais aussi en ligne, sur mes pages de médias sociaux et sur mon site Web. Je les remercie de m’avoir raconté leur histoire. Comme vous pouvez le constater, c’est un lourd fardeau que de faire entendre leur voix.
Nous avons également entendu des témoignages saisissants au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Monsieur le président, les histoires que j’ai entendues sont à la fois horribles et déchirantes. On m’a parlé de l’ambulancière de l’Ontario qui a été agressée sexuellement et qui, trois semaines plus tard, a dû prodiguer des soins à son agresseur, alors qu’il s’est retrouvé dans son ambulance. Elle n’avait pas d’autre choix. Parmi les autres histoires, mentionnons les pompiers qui ont été la cible de tirs; l’ambulancier de l’Ontario qui a dû choisir entre défendre un collègue en danger ou se protéger lui-même alors qu’il était attaqué par un agresseur à la seringue; l’infirmière qui a été frappée par un patient à l’urgence et qui a été ignorée par toutes les autres personnes présentes dans la salle; l’ambulancier qui a été agressé pendant qu’il répondait à une altercation familiale et qui souffre maintenant d’anxiété grave et s’est tourné vers l’alcool; et l’infirmière qui s’est fait trancher la gorge.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je pourrais continuer longtemps. Malheureusement, ces histoires sont beaucoup trop fréquentes. En tant que parlementaires, nous avons tous la responsabilité et le devoir de changer cela.
Si une simple accusation de voies de fait était suffisamment dissuasive, ce débat ne serait pas pertinent, mais de toute évidence, la loi n’a pas assez de mordant pour freiner la violence accrue que subissent les travailleurs de la santé et les premiers intervenants. C’est pourquoi l’Association internationale des pompiers appuie fermement le projet de loi C-321 aux États-Unis et au Canada. C’est la raison pour laquelle l’Association canadienne des chefs de pompiers, l’Association des Paramédics du Canada, les ambulanciers paramédicaux de la Colombie‑Britannique, l’association des chefs de pompiers du Manitoba, l’association des ambulanciers paramédicaux de Saskatoon, le syndicat des infirmières et infirmiers de la Colombie‑Britannique, la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers, le Syndicat des agents correctionnels du Canada, les services paramédicaux régionaux de Peel, le Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice et bien d’autres ont tous appuyé le projet de loi C-321, ainsi que tous les députés de tous les partis.
La Chambre des communes a clairement exprimé son point de vue sur le projet de loi C-321 lorsqu’elle a voté à l’unanimité pour son adoption en février de cette année, mais ce n’était pas la première fois qu’elle formulait des recommandations au sujet des niveaux stupéfiants de violence auxquels les travailleurs de la santé et les premiers intervenants font face quotidiennement. En 2019, le Comité permanent de la santé avait étudié l’omniprésence de la violence physique, psychologique et sexuelle subie par les travailleurs de la santé. Le rapport contenait la recommandation suivante : que le gouvernement du Canada modifie le Code criminel afin d’exiger qu’il considère comme circonstance aggravante pour la détermination de la peine le fait que la victime de voies de fait est un travailleur du secteur de la santé. Le projet de loi C-321 découle directement de cette recommandation.
Avant de conclure, j’aimerais prendre un moment pour remercier tous les travailleurs de la santé et les premiers intervenants qui ont pris le temps de me parler et de raconter leur histoire. Je vous remercie pour les services que vous avez rendus à notre pays et à nos collectivités. Sachez que je vous vois, que je vous entends et que je me bats pour vous. Je remercie les organisations et les personnes qui ont donné leur appui au projet de loi C-321, y compris mes collègues de la Chambre des communes.
S’il y a une chose que nous avons apprise au cours des dernières années, c’est que les vrais héros sont les hommes et les femmes qui servent et protègent nos collectivités chaque jour, au prix de leur propre santé et sécurité. Nos infirmières, nos ambulanciers paramédicaux, nos pompiers, nos agents correctionnels, nos travailleurs de la sécurité publique et d’autres nous gardent en sécurité, en santé et en vie. Nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour veiller à ce qu’ils puissent faire leur travail en toute sécurité. Tout le monde a droit à un environnement de travail sécuritaire et respectueux. La violence ne devrait jamais faire partie de la description de poste.
Enfin, monsieur le président, honorables sénateurs, je tiens à répéter qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi partisan. L’ancien ministre de la Justice, David Lametti, a écrit une lettre d’appui au projet de loi C-321 et a fait valoir que la mesure législative avait le plein appui du gouvernement. Lors des deuxième et troisième débats, les députés libéraux ont tous dit que ce projet de loi complétait et bonifiait le projet de loi C-3.
Les travailleurs de la santé et les intervenants sont toujours là pour nous. Ils entrent dans des bâtiments en flammes; ils sont là pour nous lorsque nous perdons nos proches; ils soignent nos fractures et ils nous tiennent la main lorsque nous rendons notre dernier souffle.
Mais qui est là pour eux? Il faut que ce soit nous. Il faut que nous adoptions le projet de loi au cours de la législature en cours. Nous devons envoyer un message à nos sentinelles silencieuses pour leur dire qu’elles comptent. Comme je l’ai dit plus tôt, nous tenons cette conversation depuis maintenant cinq ans. Le projet de loi ne s’est jamais rendu aussi loin qu’aujourd’hui.
Honorables sénateurs, aucun d’entre nous n’a l’avantage d’avoir une boule de cristal et de savoir ce que l’avenir nous réserve. Nous savons qu’il y a beaucoup de rumeurs et de discussions autour de la Colline. Le Parlement pourrait être dissous à tout moment. Vous avez le pouvoir ici aujourd’hui de dire aux 126 000 pompiers, aux 30 000 ambulanciers, aux 450 000 infirmières et infirmiers et aux 20 000 agents correctionnels qu’ils comptent; que leur vie compte.
Sur ce, je vais vous rendre la parole, et je vous remercie du temps que vous m’avez accordé, monsieur le président. Je sais que j’ai probablement dépassé le temps imparti, alors je vous remercie.
Le président : Je crois que cela en valait la peine. Merci beaucoup, monsieur Doherty. J’invite maintenant les sénateurs à poser des questions à notre témoin, à commencer par la vice-présidente du comité, la sénatrice Batters.
La sénatrice Batters : Merci, monsieur Doherty, d’être ici aujourd’hui.
C’est la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales et la Journée mondiale de la santé mentale, comme vous le savez très bien, et je voulais commencer par vous remercier du fond du cœur pour tout le travail que vous avez accompli pour faire de la ligne nationale de prévention du suicide à trois chiffres, le 988, une réalité. Aujourd’hui, tout ce qu’il faut faire pour obtenir de l’aide, c’est composer le numéro 988, et je sais que bon nombre des premiers intervenants et des professionnels de la santé que vous aidez avec le projet de loi C-321 recevront probablement aussi du soutien grâce à cette ligne d’aide, alors je vous en remercie.
Avec le projet de loi, vous cherchez à établir un facteur aggravant dans la détermination de la peine, comme cela se fait pour les policiers et pour d’autres professions depuis un certain temps. Les premiers répondants et les professionnels de la santé se placent également dans une position très vulnérable, un peu comme les policiers, alors qu’ils tentent d’aider les gens.
Puisque nous soulignons aujourd’hui la Journée mondiale de la santé mentale, mes questions vont porter sur ce sujet en particulier. Lorsque vous avez discuté avec les infirmières, les ambulanciers et les pompiers, est-ce qu’ils vous ont parlé des répercussions psychologiques et émotionnelles de ces agressions et de la façon dont elles affectent leur capacité à continuer d’exercer leurs fonctions? Que fait-on pour les aider après de tels incidents?
M. Doherty : Il s’agit d’une excellente question. Comme vous pouvez le constater, je suis ému. J’ai été élu en 2015 et j’ai immédiatement commencé à travailler sur le projet de loi C-211, qui constituait le cadre national sur le syndrome de stress post‑traumatique pour les premiers intervenants, les anciens combattants et les militaires. Les histoires que nous avons entendues à l’époque, et celles que nous continuons d’entendre aujourd’hui, sont absolument horribles. Il s’agit d’un enjeu particulièrement grave et préoccupant.
Vous voyez une infirmière qui ne pèse peut-être qu’une quarantaine de kilos raconter qu’elle a été jetée au sol à plusieurs reprises et qu’elle a reçu des coups de pied, ou un pompier ou un secouriste qui doit porter un gilet pare-balles simplement pour faire son travail, mais qui se lève quand même tous les jours. Ces travailleurs essentiels enfilent leurs bottes et leur uniforme et se mettent au service de votre famille et de la mienne, tout en sachant qu’ils vont voir les gens dans leur pire état et entendre, voir et sentir certaines des choses les plus horribles. Ces expériences restent gravées dans votre mémoire toute votre vie. On ne peut pas l’oublier.
Malheureusement, en cas d’agression ou de violence, on leur dit bien trop souvent que les leviers judiciaires en place n’ont que très peu de poids. Ils sont très peu dissuasifs. Ce projet de loi nous permettrait, ainsi qu’à ces organismes, de dire que la violence ne fait pas partie de nos tâches, et qu’elle est même contraire à la loi. Ils ne peuvent pas dire cela aujourd’hui, et j’apprécie donc la question. Je sais que vous en entendrez d’autres, et il est probablement préférable que ces histoires sortent de la bouche des personnes qui en font l’expérience tous les jours, ce qui a beaucoup plus d’impact que de les entendre de ma bouche.
La sénatrice Batters : Je vous remercie. Il est évident que c’est contraire à la loi. Toutefois, il ne s’agit pas d’un facteur aggravant dans la détermination de la peine, qui donnerait au juge un outil supplémentaire pour montrer la gravité de l’acte commis en agressant quelqu’un qui se trouve dans une position aussi vulnérable, ce que nous leur demandons de faire pour aider les gens.
Vous avez mentionné précédemment que la violence à l’encontre des premiers intervenants et des professionnels de la santé s’est intensifiée ces dernières années. Quels sont, selon vous, les principaux facteurs qui ont conduit à une telle hausse? S’agit-il d’un phénomène qui touche toutes les régions du Canada de la même manière, ou y a-t-il des endroits qui sont plus touchés?
M. Doherty : C’est une excellente question. Ce que nous disent les organismes et les associations présentes sur le terrain, c’est l’explosion de la consommation de drogue, l’augmentation de la criminalité, la frustration et la colère générales qui règnent dans nos communautés et qui se répercutent sur ceux qui portent l’uniforme pour protéger et servir notre pays.
La sénatrice Batters : Étant originaire de la Saskatchewan, je peux pour confirmer que nous pouvons toujours compter sur d’excellents pompiers et autres premiers intervenants que nous avons souvent eu l’occasion de rencontrer dans le cadre de notre caucus régional et d’autres activités de ce genre. On nous rapporte que les pompiers figurent parmi les premiers répondants qui arrivent en premier sur le terrain quand une surdose se produit.
M. Doherty : Oui, c’est vrai.
La sénatrice Batters : Est-ce que cela a contribué à intensifier les choses, à rendre ces situations encore plus effrayantes au cours des dernières années?
M. Doherty : La crise des opioïdes est un facteur sous-jacent d’une importance considérable. Le week-end dernier, j’ai discuté avec un ambulancier en Colombie-Britannique, ainsi qu’avec un pompier, et ils m’ont rapporté qu’après avoir administré du Narcan à un individu victime de surdose, l’homme est devenu agressif et a tenté de s’en prendre à eux. Et les premiers répondants ne sont pas les seuls à êtres victimes de ces débordements de violence; au sein des salles d’urgence, des patients en crise s’en prennent de plus en plus souvent au personnel soignant.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup.
Le président : Nous avons été un peu plus longs avec la sénatrice Batters, mais principalement parce qu’elle posait d’excellentes questions, des questions que je souhaitais d’ailleurs poser moi-même.
Je nous inviterai à essayer de nous en tenir à environ cinq minutes chacun, afin que chaque sénateur ait une bonne chance d’interagir avec notre témoin.
Le sénateur Prosper : Monsieur Doherty, je vous remercie d’être venu témoigner aujourd’hui. Je tiens également à vous remercier de nous sensibiliser tous à un enjeu aussi important. J’ai beaucoup aimé les questions de la sénatrice Batters. En fait, je songeais moi aussi aux deux aspects soulevés par ma collègue.
Je voudrais examiner les données relatives au suivi de ces incidents. Vous avez parlé de l’évolution de la situation, des opioïdes et d’autres facteurs de ce type qui pourraient contribuer à ces incidents.
Pouvez-vous me dire comment les données sont suivies en ce qui concerne les incidents? Dans vos déclarations liminaires, vous avez fourni un certain nombre de statistiques. D’après les données dont nous disposons, quels sont les aspects qui vous semblent les plus évidents et les plus préoccupants?
M. Doherty : Voilà une excellente question. Il y a quelques grandes organisations qui ont commencé à suivre les données. À vrai dire, il n’y a pas eu de suivi pendant longtemps. On considérait que cela faisait partie du travail. Nos ambulanciers, nos pompiers et même nos infirmières s’entendent dire que cela fait partie du travail, qu’il faut se mettre en selle, s’en remettre et passer à l’appel suivant. Justin Mausz est ambulancier, et je crois qu’il allait également étudier pour devenir médecin. J’aurais aimé qu’il soit là à ce moment-là, mais nous avons son étude. Je ne sais pas si elle a été communiquée à la commission, mais nous pouvons la fournir dans le cadre des documents relatifs à la prévalence et aux caractéristiques de la violence à l’encontre des ambulanciers dans sa région.
La Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers a également réalisé une étude sur la prévalence de la violence à l’encontre des infirmières. Nous disposons également de cette étude.
Les données qui nous parviennent sont choquantes. L’Association internationale des pompiers, qui est également présente aujourd’hui pour vous parler, dispose elle aussi de ses propres données. Plus nous en parlons, plus le problème se pose. Il fait l’objet d’un suivi, et ces associations disposent de ces données pour vous.
Le sénateur Prosper : Merci pour votre réponse. Y a-t-il, à votre connaissance, des juridictions où ce facteur d’agrégation existe en tant que facteur dissuasif dans la détermination de la peine?
M. Doherty : Je pense que le Canada serait l’un des premiers pays à ajouter une telle disposition à sa législation fédérale. Le Canada peut assurément devenir un leader dans ce domaine également.
Le sénateur Prosper : D’accord, je vous remercie.
Le président : Merci à tous les deux.
Le sénateur Dalphond : Bienvenue au Sénat. Je vous remercie d’avoir soulevé cette question si importante.
Ma question est de nature plutôt technique. Vous avez choisi de proposer l’ajout d’un nouvel article 269.0.2 au Code criminel, qui est l’article unique de votre projet de loi. Il traite, entre autres, d’une personne qui fournit des soins de santé personnels. Nous avons déjà dans le Code criminel, à l’article 700, le principe de la détermination de la peine, à l’article 718.2 du Code criminel, qui indique qu’en imposant une peine, un juge doit tenir compte de nombreux éléments, y compris le sous‑alinéa a)(iii.2), qui se lit comme suit :
que l’infraction a été perpétrée à l’encontre d’une personne qui, dans l’exercice de ses attributions, fournissait des services de santé, notamment des services de soins personnels
Il semble donc que les soins de santé soient déjà couverts par les principes de détermination de la peine qui s’appliquent aux juges. Pourquoi pensez-vous qu’il faille le répéter à l’article 269.02?
M. Doherty : Pourriez-vous relire ce passage pour moi, je vous prie?
Le sénateur Dalphond : Oui. L’un des principes de détermination de la peine est de savoir si l’infraction a été commise à l’encontre d’une personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, fournissait des services de santé, qui sont les termes que vous utilisez dans votre projet de loi. Je me demandais s’il n’y avait pas une sorte de redondance législative.
J’ai cru comprendre que la couverture ne s’appliquait pas aux pompiers. Les ambulanciers sont couverts, mais pas les pompiers. Je me demandais donc pourquoi nous devions l’appliquer à deux reprises.
M. Doherty : Sénateur Dalphond, il y a des personnes bien plus intelligentes que moi au sein de ce conseil, ainsi que sur le comité. Je crois qu’il y a sept juristes au sein du comité seulement.
Le sénateur Dalphond : Je suis désolé. En tant qu’ancien juge, je pose toujours des questions techniques; déformation professionnelle.
M. Doherty : D’accord, je comprends.
Nous ajoutons également dans notre préambule qu’il y a un nombre croissant d’incidents impliquant des violences à l’encontre des professionnels de la santé et des premiers intervenants, afin de l’inclure également dans ce préambule.
Je n’ai probablement pas répondu à votre question de manière complète, alors je me permets de citer l’article 269.02 :
Le tribunal qui détermine la peine à infliger à l’égard d’une infraction prévue à l’alinéa 264.1(1)a) ou à l’un des articles 266 à 269 est tenu de considérer comme circonstance aggravante le fait que la victime est le conducteur d’un véhicule de transport en commun qui exerçait cette fonction au moment de la perpétration de l’infraction.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
La sénatrice Simons : Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation, monsieur Doherty. Je voulais approfondir le passage « […] y compris les soins de santé personnels ». Cette expression englobe un éventail beaucoup plus large que les infirmières, les aide-soignants et les pompiers. Cela inclut les aide-soignants qui s’occupent des personnes âgées, les massothérapeutes agréés susceptibles d’être victimes d’agressions sexuelles de la part de leurs patients. Il peut également s’agir du personnel d’une clinique d’avortement agressé par des militants pro-vie. Vous avez discuté avec la sénatrice Batters de la crise des opioïdes, mais il y a aussi une crise qui s’est emparée de ce pays depuis la pandémie, et qui concerne les adeptes des théories du complot, et les individus qui ont harcelé des médecins, des infirmières et des pharmaciens ayant pris part au processus de vaccination. Ce type de professionnels de la santé seront-ils inclus dans le champ d’application du projet de loi?
M. Doherty : Je crois que le projet de loi C-3 traite précisément de cet enjeu.
La sénatrice Simons : Dans le cas précis des médecins, en effet.
M. Doherty : Pour les médecins, les travailleurs de la santé et les infirmières, je crois que tout cela est déjà prévu, et le projet de loi C-321 ne vise qu’à améliorer ce genre de dispositions.
Le ministre Lametti, ainsi que le secrétaire parlementaire et les députés libéraux qui se sont exprimés sur le sujet, ont tous fait remarquer que le projet de loi C-321 ne sert qu’à renforcer le projet de loi C-3, qui traite des protestations, du harcèlement et des menaces à l’encontre de ce type de professionnels de la santé.
La sénatrice Simons : L’un des défis auxquels le système de santé est confronté, je pense, est que nombre de ces agressions sont commises par des personnes souffrant de maladie mentale ou de démence. Dans l’exemple que vous avez donné d’une personne qui sort d’une surdose de Narcan et qui s’agite, elle ne pourrait probablement pas être reconnue coupable d’un crime, parce qu’elle n’est pas capable de former une intention criminelle.
Je sais, pour avoir vécu avec ma mère dans une unité de soins pour personnes atteintes de démence, que de nombreux membres du personnel ont été agressés par des patients atteints de démence, que l’on ne pourrait jamais condamner, et encore moins avec des circonstances aggravantes. Je comprends le symbolisme de cette affaire, mais il me semble que nous sommes confrontés à une crise pour nos travailleurs de la santé, qui sont souvent très vulnérables aux agressions de la part de personnes qui ne peuvent être tenues criminellement responsables de leurs actes. Je ne sais pas ce que nous devons faire pour assurer la sécurité sur le lieu de travail des personnes qui s’occupent de patients en crise qui ne peuvent pas être tenus pour responsables de leurs gestes.
M. Doherty : Sénatrice, il s’agit d’une excellente observation. Je pense que ce projet de loi, au moment de la condamnation, comme l’a mentionné le sénateur Dalphond, est laissé à la volonté et à l’avis du juge à ce moment-là. Le juge peut examiner la question. Si ce n’est pas inclus dans la législation canadienne, il n’y a pas de possibilité de l’appliquer.
Je pense que cela envoie un message plus fort à ceux qui sont en première ligne chaque jour, à savoir que nous sommes là pour les aider. Nous faisons confiance à nos fonctionnaires, à nos juges et à nos avocats pour qu’ils fassent preuve de discernement lorsque quelqu’un se présente devant eux, qu’il soit en proie à une...
La sénatrice Simons : ... psychose induite par une substance.
M. Doherty : Oui, tout à fait.
La sénatrice Simons : J’imagine que plusieurs agressions qui se produisent dans les salles d’urgence sont...
M. Doherty : Je ne suis pas en désaccord avec vous. Néanmoins, je rappelle que le débat d’aujourd’hui porte notamment sur les types de professionnels de la santé qui devraient être couverts par ce projet de loi.
La sénatrice Simons : Tout à fait. Si vous êtes une aide‑soignante à domicile, que vous donnez des soins à domicile, que vous entrez dans une maison et que vous êtes agressée par l’un des occupants, vous devriez être non seulement couverte, mais vous devriez bénéficier de la même considération qu’un ambulancier agressé.
M. Doherty : Je suis d’accord.
La sénatrice Simons : Je suppose que la question est la suivante : un professionnel de la santé doit-il être engagé dans l’exercice de ses fonctions au moment de l’agression pour avoir droit à une couverture? Le professionnel qui se fait agresser dans le stationnement par un patient en colère sera-t-il couvert?
M. Doherty : Il faut pour cela se référer au projet de loi C-3, ainsi qu’au projet de loi C-321.
La sénatrice Simons : En effet, ces deux projets de loi sont complémentaires.
M. Doherty : Voilà pourquoi le gouvernement considère que ce projet de loi apporte un complément législatif plutôt qu’une solution alternative.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup pour tous vos efforts. Qui sait ce qu’il adviendra de notre échéancier, mais j’espère que nous aurons l’occasion de...
M. Doherty : La suite est entre vos mains. Je garde espoir.
La sénatrice Simons : J’aimerais bien que ce soit réellement le cas.
Le président : Nous n’en sommes pas tout à fait certains.
Le sénateur D. M. Wells : Monsieur Doherty, je vous connais depuis 10 ans. Je vous remercie du travail exceptionnel, inlassable et, parfois, ingrat que vous avez accompli au nom des premiers intervenants du Canada et de ceux qui ne sont pas toujours appréciés autant qu’ils le méritent. Je vous remercie donc de ce projet de loi et, en particulier, de votre travail dans le dossier de la ligne téléphonique pour la prévention du suicide.
Ma question ressemble à celle de ma collègue, la sénatrice Simons : qui est inclus dans l’expression générale « premiers répondants », et est-ce que cela pourrait s’appliquer à une bonne samaritaine qui, par chance, est une infirmière et qui constate que son intervention est requise, sans pour autant agir officiellement comme première répondante? Est-ce que cela entrerait dans la définition?
M. Doherty : Je pense que oui.
Le sénateur D. M. Wells : Est-ce bien ce que vous souhaitez, parce que si cette définition devait être contestée devant les tribunaux — et c’est une possibilité —, quelqu’un pourrait dire : « Eh bien, cette personne n’était pas une première répondante; elle n’était qu’une simple passante qui avait les compétences voulues. »
Un professionnel du droit pourrait se reporter aux délibérations de ce comité et conclure que l’intention était que cette personne soit incluse là-dedans.
M. Doherty : Je vous remercie de votre observation, sénateur Wells, mais ce n’est pas parce qu’une infirmière ne porte pas son uniforme, qu’un médecin ne porte pas un insigne où figure le mot « docteur » ou qu’un pompier ne porte pas son uniforme qu’ils n’agissent pas dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils doivent intervenir en cas d’incident; en effet, ils appliquent les connaissances et les compétences acquises dans le cadre de leur formation. À mon avis, ils seraient toujours considérés comme une infirmière, un médecin, un pompier ou un policier, qu’ils soient en service ou non. Ils réagissent quand même à un incident en faisant appel à leurs connaissances professionnelles.
Le sénateur D. M. Wells : Vous considérez que c’est dans l’exercice de leurs fonctions...
M. Doherty : Absolument.
Le sénateur D. M. Wells : ... même s’ils sont témoins de l’incident à la sortie du magasin, sur leur chemin de retour?
M. Doherty : Oui.
Le sénateur D. M. Wells : C’est tout ce que j’avais à dire, monsieur le président.
Je tiens à ajouter que je crois que vous avez accordé plus de temps à la sénatrice Batters en raison du parti pris pour la Saskatchewan.
Le président : Cela arrive souvent au sein de notre comité, sénateur Wells.
La sénatrice Pate : Je vous remercie beaucoup de votre travail. J’ai passé beaucoup de temps à essayer de faire en sorte que les femmes et les enfants, en particulier, soient protégés dans des situations de violence, ce qui m’a amenée à travailler dans les prisons, parce que lorsqu’ils n’étaient pas protégés, et qu’ils agissaient pour se défendre, beaucoup d’entre eux finissaient par être criminalisés et emprisonnés.
Il y a une chose qui m’a toujours frappée : le premier recours offert dans ce genre de situation, c’est le droit pénal et des peines plus longues et plus sévères, plutôt que des mesures de soutien dont beaucoup — y compris le personnel infirmier et mon voisin, qui est ambulancier, et d’autres personnes à qui j’ai parlé — ont réellement besoin, c’est-à-dire des mesures de soutien sur place, là où ils travaillent, de sorte que d’autres membres de leur équipe puissent les aider à désamorcer la tension et leur prêter secours quand une personne traverse une crise de santé mentale.
Malheureusement, les gens qui tombent souvent sous le coup de ces dispositions sont ceux qui n’ont pas d’avocat ou qui n’ont pas une situation aussi intéressante que d’autres, et ceux qui peuvent expliquer leur comportement ou se faire défendre peuvent éviter d’être criminalisés et emprisonnés.
Pour moi, c’est toujours le dilemme que pose ce genre de mesures législatives. Ce n’est pas la volonté de protéger les gens. Absolument pas. Nous vivons tous dans la collectivité. Nous voulons une telle protection. Comme c’est le cas pour beaucoup d’entre nous, certains membres de votre famille pourraient être directement touchés.
Ma question est d’ordre général : comment mettre fin à cette insistance à recourir au Code criminel au lieu de vraiment s’attaquer aux problèmes qui doivent être réglés, car on aurait moins de situations préoccupantes de ce genre si on mettait en place les mesures de soutien social, économique et sanitaire dont la plupart des gens ont besoin au sein des collectivités?
M. Doherty : C’est une excellente question, mais je ne suis pas sûr d’avoir assez de temps pour y répondre.
Je vais m’écarter un peu du sujet, mais j’ai reçu les parents de Brianna MacDonald à Ottawa cette semaine. Cette jeune fille de 13 ans est décédée dans un campement de sans-abri à la suite d’une surdose. Ses parents l’ont emmenée à l’hôpital plus de 22 fois entre l’âge de 10 et 12 ans, et ils ont supplié les médecins de la garder à l’hôpital. Je crois fermement que personne n’a donné suite à leurs demandes peut-être parce qu’ils ne voyaient pas les choses de la même manière que les travailleurs de la santé ou tout autre professionnel chargé de prendre ces décisions à ce moment-là.
Avant-hier, c’était le 16e anniversaire de la mort de mon beau‑frère autochtone, décédé d’une surdose. Il n’y a eu aucune enquête. Il s’agissait d’une mort suspecte. Toutes les données sur son téléphone avaient été effacées et l’appareil, cassé en morceaux. On l’avait laissé mourir seul. Il y a tant d’histoires comme celle-là. C’est le travail que nous devons tous faire pour essayer de changer la donne.
Je ne peux pas m’imaginer travailler dans une prison et voir ce que vous avez vu. J’ai été travailleur social pendant la première partie de ma vie. Je vais trahir mon âge, mais dans les années 1980, j’ai travaillé auprès de jeunes et d’enfants à risque qui vivaient dans la rue pour la prévention du suicide et l’intervention en cas de crise. Nous devons nous pencher sur les communautés des Premières Nations et les défis que posent les traumatismes intergénérationnels, et tenter de briser les cycles. Trop souvent, lorsque ces gens demandent de l’aide, ils ne l’obtiennent pas.
Évidemment, cela ne répond pas à votre question, mais il s’agit d’un problème bien réel auquel nous devons nous attaquer en tant que dirigeants, aussi bien au Sénat qu’à la Chambre. Il s’agit d’un dossier non partisan. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour enrayer la violence que subissent ceux qui servent notre pays et nos collectivités, et c’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Nous devons également aller plus loin. Je ne suis pas sûr que le projet de loi suffise. Je doute que l’on puisse y arriver par voie législative. Je pense qu’il s’agit plutôt d’une question générale. En tant que société, nous devons faire mieux.
La sénatrice Pate : Ce qui m’inquiète, c’est que cela semble plus facile à faire que d’autres travaux. Cela permet à certains d’éviter de faire le travail difficile. Il y a des possibilités législatives...
M. Doherty : Je suis désolé. Je ne suis pas en désaccord avec vous sur ce point, mais le projet de loi est facile à mettre en œuvre. Nous sommes parvenus là où nous sommes aujourd’hui. À mon avis, la question vraiment difficile est la suivante : comment résoudre le problème que vous venez de soulever? Je ne suis pas sûr que nous ayons le temps, ni au cours de cette législature ni durant la prochaine, d’essayer de trouver une solution.
Je pense que nous devons nous engager plus fermement, en tant que dirigeants — que nous soyons ici à Ottawa, dans nos capitales provinciales ou dans nos collectivités —, à trouver une façon d’y parvenir. C’est quelque chose que je m’efforce de faire dans ma région. Ma circonscription est l’une des plus grandes au Canada. Ma femme et mes enfants sont autochtones. Nous devons faire mieux en tant que dirigeants.
J’essaie de joindre le geste à la parole — je ne sais pas si c’est la bonne expression à utiliser, mais chaque fois que j’ai été dans cette enceinte depuis mon élection, j’ai essayé de prêcher par l’exemple. Y a-t-il des moments propices à la politique partisane? Oui, il y en a, mais nous sommes ici pour essayer d’apporter des changements, et c’est ce que nous tentons de faire. Je vous remercie de votre observation.
[Français]
La sénatrice Audette : Je vous remercie pour votre présence et votre implication, et pour ce que vous faites, bien sûr, parce que c’est important. Je remercie également mes collègues pour les questions qu’ils ont posées et qui me préoccupaient.
Tout d’abord, si le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires appliquaient les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, cela toucherait tous les Canadiennes et Canadiens. Selon moi, il y a beaucoup de solutions qui viennent de beaucoup de gens; il ne faut pas oublier cela.
Les travailleuses sociales — on dit infirmières auxiliaires au Québec — et les préposés seront-ils aussi protégés? Si oui, je vous en remercie.
Ensuite, en ce qui concerne plus spécifiquement les femmes autochtones ou les personnes autochtones dans les territoires et les communautés, disposiez-vous de données indiquant qu’elles ont été, elles aussi, victimes d’agression dans le cadre de leurs fonctions de la part de personnes intoxiquées, agressives ou qui ont un mal de vivre?
En terminant, êtes-vous à l’aise de poursuivre encore cette démarche? Votre travail, c’est une petite perle, mais l’approche holistique globale, peu importe le parti qui est au pouvoir, nous devons collectivement dépolitiser la question; les racines systémiques sont profondes. Je vous remercie pour votre travail.
[Traduction]
M. Doherty : Je vous remercie de vos observations.
Mes allégeances ne changent pas. Je suis qui je suis, et je n’ai pas peur de montrer mes émotions. Nous devons faire mieux en tant que dirigeants, et ce, à tous les échelons, que ce soit au niveau municipal, fédéral ou provincial. La tension a monté d’un cran dans le contexte actuel. Nous devons déployer tous les efforts nécessaires pour la faire baisser. Qu’il s’agisse de ce gouvernement ou du prochain, nous devons nous efforcer de rassembler les gens plutôt que de les diviser.
Pour revenir à la question précédente, pourquoi constatons-nous des taux de violence contre ceux qui portent des uniformes ou ceux qui veulent simplement nous aider, soigner nos fractures, guérir nos cœurs brisés et être là lorsque nous rendons notre dernier souffle? Pour une raison ou une autre, notre société a tellement régressé qu’il est devenu acceptable de frapper une infirmière, d’attaquer un ambulancier en lui tirant dessus ou en le poignardant, ou d’adopter des comportements violents à l’égard des policiers dans l’ensemble du système. Nous devons faire mieux.
Au risque de me répéter, je n’ai pas toutes les réponses, mais je sais simplement que nous devons nous comporter différemment.
La sénatrice Clement : Monsieur Doherty, je vous remercie de vous être présenté aux élections, d’avoir été élu et de nous avoir présenté ce projet de loi avec émotion. Je suis avocate dans une clinique juridique qui représente surtout des travailleurs accidentés. Bien entendu, ce projet de loi m’intéresse. J’ai également été mairesse de la ville où je vis. Les ambulanciers, les premiers intervenants, les policiers et les pompiers ont toujours été des gens très estimés dans ma collectivité.
M. Doherty : Puis-je savoir de quelle collectivité il s’agit?
La sénatrice Clement : Il s’agit de Cornwall, en Ontario. Chaque fois que je peux mentionner Cornwall, cela fait mon affaire, alors je vous en remercie.
Avez-vous entendu l’avis d’autres professionnels? La sénatrice Audette s’apprêtait à en parler. Qu’en est-il des enseignants et des travailleurs du secteur à but non lucratif, dont certains doivent se rendre dans ces campements pour fournir des services? Ont-ils demandé ce qu’il en était de leur situation? Lorsque je représente des travailleurs accidentés, ceux qui sont syndiqués sont un peu mieux protégés. Les travailleurs non syndiqués ne bénéficient pas des mêmes protections. Vos concitoyens ou ces groupes vous ont-ils demandé si le projet de loi pouvait leur assurer un traitement égal?
M. Doherty : Voilà une autre excellente question. Encore une fois, dans le cadre du projet de loi, nous nous sommes concentrés sur les premiers intervenants, les travailleurs de la santé et les travailleurs sociaux. Entendons-nous parler de violence en milieu de travail? Oui, mais dans la plupart des cas, je pense que le Code criminel les a protégés à cet égard.
Personne n’a demandé à être visé par le projet de loi, à l’exception de ceux qui y sont mentionnés. Nous avons adopté une approche ciblée, en essayant de mettre l’accent sur ceux qui servent nos collectivités, que ce soit dans les hôpitaux ou dans la rue.
Bref, c’est une excellente question et, qui sait, cela pourrait être l’objet de mon prochain projet de loi.
La sénatrice Clement : Si je pose cette question, c’est en partie parce que je n’aime pas trop la façon dont nous modifions le Code criminel, petit à petit. En fait, ce qui me pose problème, c’est la façon dont nous procédons en général. Je ne remets pas en question les raisons pour lesquelles vous faites cela. L’intention est bonne, mais l’approche ne me plaît guère.
Je souscris aux questions du sénateur Prosper concernant les données, mais les sénatrices Batters et Pate vous ont interrogé sur le pourquoi. Comment expliquer cette hausse du nombre d’attaques? Avez-vous des discussions avec vos concitoyens au sujet de programmes de plus grande envergure, notamment pour la réduction de la pauvreté et la lutte contre l’itinérance?
M. Doherty : Oui.
La sénatrice Clement : Quelle direction devons-nous prendre en tant que société? Je pense que c’est la voie à suivre; nous devons faire ces investissements. Avez-vous ce genre de discussions? Votre gouvernement accorde-t-il la priorité à ces choses...
M. Doherty : Tout à fait.
La sénatrice Clement : Pardon, je voulais dire votre caucus. Wow. Je suis désolée.
M. Doherty : Je ne vous en tiens pas rigueur. Je vous remercie.
La sénatrice Clement : Arrêtez de sourire, sénatrice Batters.
Monsieur Doherty, je vous présente mes excuses.
M. Doherty : Si vous avez déjà entendu notre chef parler, vous savez qu’il propose de rendre la vie plus abordable pour les Canadiens, de transformer la souffrance en espoir. Ce ne sont pas là que des slogans. Je sais que ces mots ressemblent à un slogan, mais ils évoquent la réalité sur le terrain. Il y a beaucoup de Canadiens qui souffrent, qui se serrent la ceinture, qui sont à 200 $ de la faillite à la fin de chaque mois. Deux millions de Canadiens ont recours aux banques alimentaires chaque mois. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour inverser cette tendance et redresser la situation. Comment y parvenir? C’est une question ambitieuse pour quiconque formera le prochain gouvernement. Évidemment, j’ai mes espoirs, mais dans l’optique de garder le débat non partisan...
La sénatrice Clement : Bien sûr.
M. Doherty : C’est néanmoins une excellente question. Il n’y a jamais eu autant de souffrances ni autant d’espoirs. Il est impossible de regarder dehors par les fenêtres de cet édifice sans voir des gens qui en arrachent; c’est le cas de plus en plus de Canadiens. Personne n’est épargné.
Je viens de raconter l’histoire de mon beau-frère et celle de Brianna MacDonald, une fille de 13 ans que l’on a retrouvée dans un campement de sans-abri. Elle est morte d’une surdose. Cela touche des gens de tous les âges et de tous les horizons. Nos collectivités sont devenues des zones de guerre. Je pose la question à tous les sénateurs qui sont ici aujourd’hui — et c’est hors sujet, mais j’aime la conversation. Est-ce que la ville de Cornwall ressemble à ce qu’elle était lorsque vous en étiez la mairesse? Elle a vraiment changé; c’est un fait. Ce n’est donc pas seulement un slogan pour notre chef ou pour d’autres; c’est la réalité sur le terrain. Les gens souffrent vraiment.
La sénatrice Clement : Je vous remercie.
La sénatrice Ross : Merci, monsieur Doherty. Lorsqu’on m’a demandé de participer à la réunion du comité aujourd’hui, j’ai pris connaissance de votre projet de loi. Cela m’a rappelé une terrible agression qui s’est produite en 2019 au Nouveau‑Brunswick. Une infirmière gestionnaire avait été coincée dans son bureau et attaquée par le mari d’une patiente qui voulait que sa femme soit transférée dans une chambre plus calme. L’infirmière gestionnaire a été tirée de sa chaise par les cheveux, frappée à la tempe, jetée contre un mur, et j’en passe. Une autre infirmière qui a tenté d’intervenir a également été agressée.
Cette infirmière gestionnaire affirme que sa vie a changé à jamais depuis cette agression de 11 minutes. Elle souffre de lésions cérébrales, de douleurs chroniques quotidiennes, du trouble de stress post-traumatique et d’une dépression majeure. La personne qui l’a agressée a été reconnue coupable en 2020 de deux accusations criminelles de voies de fait et condamnée à six mois de prison. J’aimerais vraiment avoir une idée de l’effet qu’aurait eu le projet de loi sur la détermination de cette peine.
M. Doherty : C’est une excellente question. Je laisse aux juristes ici présents le soin d’y répondre. Je ne suis pas avocat, je ne peux pas vous répondre. Encore une fois, le projet de loi mentionne que le juge peut l’utiliser comme circonstance aggravante lors de la détermination de la peine, pour, par exemple, imposer une peine plus lourde selon les circonstances.
Peut-être que si les dispositions du projet de loi C-321 avaient été en vigueur à l’époque, ou si la violence à l’encontre d’un travailleur de la santé ou d’un premier intervenant avait été couverte par la loi à l’époque, cela aurait pu avoir un effet dissuasif. Qu’est-ce qui aurait pu arrêter cette personne? Comment pouvons-nous empêcher une personne d’agir de la sorte? Avec le recul, c’est toujours facile de dire ce que l’on aurait dû faire. Cela étant dit, je ne peux pas répondre à votre question parce que je n’ai pas la réponse.
[Français]
La sénatrice Oudar : Tout d’abord, je tiens à m’excuser de mon retard. Aujourd’hui, c’est la Journée mondiale de la santé mentale et j’avais un engagement dans le cadre de cet événement. Je suis certaine que vous partagez tous mes préoccupations en matière de santé mentale. J’ai passé les huit dernières années de ma vie à travailler en santé et sécurité. Je salue donc votre travail parce que, effectivement, les statistiques qu’on a au Québec, surtout à la suite de la pandémie, sont vraiment inquiétantes. L’organisme dont j’étais PDG s’occupait aussi de l’indemnisation. En calculant le nombre de lésions professionnelles, on fait un recoupement avec les actes commis envers les travailleurs de la santé, et cela confirme exactement le portrait que vous avez dressé. Les voies de fait, surtout post‑pandémie, sont malheureusement en augmentation : on parle de 73 % pour ce qui est de l’augmentation des lésions professionnelles causées par la violence physique et de 67 % pour celles causées par la violence psychologique.
En cette Journée mondiale de la santé mentale, je me demande donc pourquoi on s’en est tenu aux voies de fait seulement dans le projet de loi. Lorsqu’on regarde le type d’actes commis par rapport aux statistiques que je vous ai données, bien sûr, on parle de voies de fait, de menaces armées, de bousculades, de pincements, de coups, mais aussi d’agressions sexuelles et, dans 65 % des cas, de violence psychique. Au Québec, on vient de modifier la Loi sur la santé et la sécurité du travail pour y ajouter la même obligation des employeurs vis-à-vis de la violence psychique. Que la violence soit physique ou psychique, les obligations en matière de santé et sécurité doivent demeurer les mêmes.
Je me demande donc pourquoi on s’est limité aux voies de fait dans le projet de loi, d’autant plus qu’on parle de santé psychologique dans le préambule. En lisant le préambule, je me suis dit qu’on allait vers quelque chose qui visait la santé globale d’une personne, mais je vois dans l’article que l’on ne vise que les voies de fait, ou en tout cas la violence physique.
J’aurai plus tard une autre question sur les catégories de travailleurs, si le temps me le permet. Pour l’instant, j’aimerais avoir une réponse en ce qui concerne la santé psychique.
Merci encore pour le travail que vous faites.
[Traduction]
M. Doherty : Encore une fois, je ne suis pas un spécialiste du droit. Lorsque j’ai présenté cela à la Bibliothèque du Parlement et à son équipe de juristes, ils ont établi que le terme « voies de fait » était celui qui convenait le mieux et qui décrivait le mieux ce que je tentais de codifier, qu’il s’agisse d’agressions physiques, verbales, sexuelles ou autres. Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question.
[Français]
La sénatrice Oudar : Vous comprenez qu’une voie de fait, c’est une agression physique, alors que dans un autre acte qui comprend tout ce que je vous ai énuméré, il y a de la violence psychologique qui n’est pas engendrée par un coup physique, mais par un acte psychologique. Cela peut être du harcèlement psychologique, de la menace verbale ou du dénigrement. C’est très fréquent. Comme je le disais, on parle d’une augmentation de 65 % des blessures psychiques, et la moitié concerne des travailleurs de la santé. On est quand même dans quelque chose de réel. Je comprends vos propos selon lesquels il y a des voies de fait qui causent un choc post-traumatique, mais certains des actes qui sont commis ne sont pas des voies de fait, mais causent la même blessure qui n’est pas apparente; il n’y a ni bleus ni sang, mais il y a une blessure psychique importante.
[Traduction]
M. Doherty : Je comprends parfaitement ce que vous dites. La sénatrice Ross a parlé d’un incident très traumatisant qui s’est déroulé en 2019. J’ai parlé avec les personnes concernées, et je suis tout à fait au courant de ce qui est arrivé.
Nous avons parlé aux ambulanciers paramédicaux qui voyagent dans la cabine arrière des ambulances. Ils sont agressés verbalement et menacés, ce qui les effraie. Ce sont des choses que nous entendons tout le temps. Ils demandent que le projet de loi C-321 soit adopté, car ils estiment que cela aura un effet dissuasif.
Encore une fois, je ne suis pas un expert juridique. Je me base sur ce qui nous a été dit, à la fois par la Bibliothèque du Parlement et par les équipes juridiques qui ont examiné le projet de loi, à savoir que c’est le libellé approprié pour cet amendement. L’ancien ministre de la Justice, David Lametti, a également déclaré que ce projet de loi, le projet de loi C-321, viendrait compléter leur projet de loi C-3, qui s’attaquait au harcèlement, aux menaces et à l’intimidation auxquels ces travailleurs de la santé et ces premiers intervenants seraient confrontés.
Le président : Je vais me prévaloir de la prérogative de la présidence pour occulter le deuxième tour de questions. Nous avons presque épuisé le temps qui nous avions, mais j’ai moi‑même quelques questions à poser, monsieur Doherty.
Permettez-moi de dire d’emblée que je soutiens l’orientation du projet de loi et les objectifs que vous cherchez à atteindre, et que je n’ai pas l’intention de proposer ce que l’on pourrait considérer comme des amendements, mais je voudrais poser quelques questions techniques qui vont dans le sens de la question posée par le sénateur Dalphond.
En 2015, des dispositions supplémentaires ont été intégrées au Code criminel pour tenter d’atteindre les mêmes objectifs que ceux de votre projet de loi pour les conducteurs de véhicules de transport public. En fait, le libellé est presque identique, et peut‑être que vous ou ceux qui vous ont aidé avez fait des emprunts à ces dispositions.
M. Doherty : En effet.
Le président : Par souci de clarté, il y avait dans cela une définition des conducteurs des transports publics. Je pense que je m’inquiète un peu de la façon dont l’expression « premiers répondants » est comprise par la société en général. Je pense que j’en ai une idée et vous aussi probablement, mais elle est un peu plus vague que ce à quoi on s’attendrait. Ma première question est donc de savoir si vous avez envisagé d’inclure une définition du terme « premier répondant » afin que nous puissions comprendre précisément ce que ce terme renferme. C’est ma première question.
Ma deuxième question n’est pas très différente de la première. Je fais maintenant référence à la disposition du projet de loi où l’on dit que la circonstance aggravante s’appliquera si la victime est une personne qui :
[...] fournissait des services de santé, notamment des services de soins personnels, ou un premier répondant et qu’elle exerçait ses fonctions au moment de la perpétration de l’infraction.
Je crois que c’est là où je veux en venir. Dans sa structure actuelle, la version anglaise de ce paragraphe semble dire que les circonstances aggravantes pour la détermination de la peine s’appliqueront aux premiers répondants dans l’exercice de leurs fonctions. Sauf que pour l’autre catégorie, à savoir les personnes fournissant des services de santé personnels, on ne précise pas qu’il faut que ce soit dans l’exercice de leurs fonctions. Donc, si je suis une infirmière et que je me fais agresser en dehors de mes fonctions — comme si cela se produisait alors que je me promène dans la rue pour aller au cinéma —, je pourrais entrer dans la catégorie des personnes qui fournissent des services de santé personnels.
Cela me préoccupe un peu. Je sais que vous ne l’avez probablement pas rédigé mot pour mot, mais je crains que la structure de la version anglaise ne soit pas aussi précise qu’on pourrait l’espérer. Nous avons suffisamment de problèmes avec les dispositions du Code criminel tel qu’elles sont, avec les amendements qu’on nous soumet et avec tout ce que nous faisons pour essayer de préciser ces dispositions à la perfection, attendu qu’il s’agit de dispositions qui restreignent la liberté. Ce sont des dispositions importantes. J’appuie votre intention, mais je crains que nous n’ayons pas tout à fait trouvé la bonne formulation, du moins, pas en anglais. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Doherty : En ce qui concerne le premier répondant, nous avons compris que le terme « premier répondant » englobe toutes les professions — pompiers, personnel paramédical, agents correctionnels, etc. Nous avons déjà utilisé ce terme dans d’autres textes de loi. Je présume que nous aurions peut-être dû inclure une définition de cela.
En ce qui concerne les fonctions, je pense que l’on peut dire que, que vous soyez en fonction ou non, si vous êtes un ambulancier paramédical, un pompier ou un agent de police, vous êtes toujours en service 24 heures sur 24. Vous interviendrez en fonction des besoins, et je pense que c’est cet état de fait que nous avons exprimé ici.
Le président : Je vous remercie.
M. Doherty : Ce n’est probablement pas la réponse que vous attendiez.
Le président : Je ne pense pas qu’il y aura un deuxième tour de questions pour qui que ce soit, y compris pour moi.
La sénatrice Simons : Je pense que c’est plus clair en français où il y a un « et ».
Le président : Nous allons peut-être étudier cela séparément. Merci, sénatrice Simons. Votre observation nous sera utile.
Nous allons clore ce segment de notre réunion. Permettez-moi de commencer par remercier le député Todd Doherty de s’être joint à nous, d’avoir fait une présentation étoffée de son projet de loi et d’avoir répondu à nos questions de façon ouverte et franche. Vous avez fait œuvre utile.
Je remercie les sénateurs de l’intérêt qu’ils portent à cette question importante et délicate, ainsi que du travail qui a été fait jusqu’à présent.
Pour notre deuxième groupe d’experts, nous avons le plaisir d’accueillir, de l’Association internationale des pompiers, Paul Hills, président de la Saskatoon Paramedic Association, à qui nous souhaitons la bienvenue pour bien d’autres raisons que son seul témoignage d’aujourd’hui.
Aussi avec nous, de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario, Erin Ariss, infirmière autorisée et présidente provinciale, ainsi qu’Andrea Kay, infirmière autorisée et cheffe de la direction.
Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions de vous être joints à nous en personne aujourd’hui. Nous allons commencer par vous inviter à nous livrer vos déclarations liminaires, puis nous passerons aux questions des sénateurs et à la discussion élargie.
Vous disposez d’environ cinq minutes chacun. Nous allons commencer par M. Hills. Monsieur Hills, vous avez la parole.
Paul Hills, président, Saskatoon Paramedic Association, International Association internationale des pompiers : Merci beaucoup. Je ne suis pas du genre à préparer mes discours, alors je vais essayer d’éviter de lire autant que possible.
Je voulais moi aussi remercier Todd Doherty pour ses bons mots et pour avoir dit plus que ce que je m’apprête à dire. Je tiens à le remercier pour le temps qu’il consacre à cette question.
Je tiens également à remercier ma femme d’être venue et de m’avoir soutenu dans ce que j’ai vécu. Elle m’a accompagné tout au long de ma carrière et m’a vu rentrer à la maison avec beaucoup de ces histoires. Elle les a toutes entendues. Je tiens à lui dire merci.
Merci, monsieur le président, et merci à vous, honorables sénateurs.
Je vous souhaite le bonjour. Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour donner mon appui au projet de loi C-321. Je suis le président de la Saskatoon Paramedic Association, qui fait partie de la section locale 3270 de l’Association internationale des pompiers, ou AIP. Je reconnais que nos membres résident sur le territoire visé par le Traité no 6 et sur la terre natale des Métis. J’ai eu le privilège d’y servir en tant qu’ambulancier paramédical pendant 25 ans. J’ai défendu ma profession avec passion pendant 18 de ces 25 années.
Dans le cadre de mes fonctions dans l’une des villes les plus sollicitées au Canada en ce qui concerne les services médicaux d’urgence par habitant, j’ai apporté mon soutien à ceux qui m’entourent et j’ai personnellement fait l’expérience de la montée de la violence à laquelle le personnel de la sécurité publique, comme les ambulanciers et les pompiers, est exposé jour après jour dans l’exercice de ses fonctions, 24 heures sur 24, 365 jours par année.
Une journée dans la vie d’un ambulancier est physiquement, mentalement et émotionnellement demandante. Nous travaillons souvent des quarts de travail entiers sans pause, avec peu ou pas de temps de repos après des appels difficiles ou pour reprendre notre souffle — nous n’avons même pas le temps de prendre un simple repas —, et nous employons ces heures à répondre aux urgences dans certaines des situations les plus déchirantes que la société connaisse.
Au début de ma carrière, ce n’était pas du tout comme cela. À mes débuts, nous n’avions jamais besoin de gilets pare-balles. Or, la société a changé et, à Saskatoon, les ambulanciers paramédicaux en portent depuis plus de 15 ans. Ce n’est pas un équipement dont nous devrions avoir besoin, mais il est devenu essentiel pour notre sécurité étant donné que la violence à l’endroit du personnel de la sécurité publique augmente de façon exponentielle.
Au nom de plus de 29 000 ambulanciers et pompiers canadiens membres de l’AIP, je suis venu vous dire que nous soutenons résolument le projet de loi C-321. Je viens personnellement sur la colline depuis plus de 10 ans pour revendiquer ce projet de loi. Il propose des peines plus sévères pour ceux qui commettent des actes de violence à l’encontre du personnel de la sécurité publique et des travailleurs de la santé. Le Code criminel reconnaît déjà l’importance de protéger les agents de la paix, ce qui inclut les conducteurs des transports en commun et les chiens des unités canines, mais c’est tout.
Tout comme les forces de l’ordre, nous sommes souvent confrontés à des manifestations de violence lorsque nous servons le public, souvent lors de moments où, tout comme eux, nous sommes les plus vulnérables. Il est temps d’étendre ces mêmes protections aux ambulanciers paramédicaux et aux pompiers, ainsi qu’aux membres des professions avec lesquelles nous travaillons.
Comme je l’ai dit, les cas de violence sont innombrables et ils augmentent de façon exponentielle. Rien qu’à Saskatoon, des vitres d’ambulances ont été brisées alors que les ambulanciers s’occupaient de patients à l’intérieur. Des ambulanciers ont été attaqués avec des armes. Cette année, une ambulance a été volée alors que deux ambulanciers s’occupaient de patients à l’intérieur. Une personne a été malmenée à l’intérieur du véhicule et les deux ambulanciers ont été blessés, ce qui les a obligés à s’absenter du travail.
Ma vie et celle de ma famille ont été menacées trop souvent pour que je puisse les compter. Pour m’écarter un peu de ce que j’avais préparé, je soulignerai que, dans le cadre de mon travail, il m’est impossible de garder l’anonymat. N’importe qui peut savoir quel préposé a répondu à son appel. Je suis dans l’annuaire. Je suis au bout de la rue, et les membres de gangs, les membres de gangs rivaux, peuvent me trouver. Ils me suivent à la trace depuis mon travail. Ils savent où vit ma famille et où mes enfants vont à l’école. Lorsque ces choses vous sont dites dans la cabine arrière de votre ambulance, elles ne manquent pas de faire leur effet. On nous a menacés avec des battes, des machettes et des couteaux, et nous avons été contraints de retirer des armes à feu à des patients, tout en essayant de leur prodiguer des soins.
Ce problème ne se limite pas à Saskatoon. C’est un problème national. Comme M. Doherty nous l’a raconté, il y a des incidents dans tout le Canada. Des pompiers ont été attaqués avec des tuyaux alors qu’ils éteignaient un incendie dans un campement. Un pompier a été poignardé dans le dos alors qu’il répondait à un appel médical. Les médecins sont souvent confrontés à des accès de violence de la part de patients dont ils viennent de sauver la vie. Parfois ce sont les patients, parfois ce sont les membres de leur famille.
Les statistiques le confirment. Des enquêtes internes de l’AIP et d’autres instances telles que la région de Peel recueillent les données et font des suivis afin d’étayer nos affirmations.
Ces incidents violents ne causent pas seulement des dommages physiques, mais laissent aussi des cicatrices psychologiques durables. À Montréal, un pompier poursuivi par un homme armé d’un couteau est en congé d’invalidité de longue durée depuis plus de 10 ans en raison du traumatisme qu’il a subi. Ce type de violence est bien réel et il se manifeste en ce moment même dans tout le pays. Les ambulanciers et les pompiers sont agressés simplement parce qu’ils sont là et qu’ils sont au service du public dans les moments de crise.
Bien trop souvent, tous ces incidents violents et bien d’autres encore passent de notre vie professionnelle à notre vie personnelle. Pour ces héros, il s’agit d’une autre forme de stress qu’ils ne méritent pas.
Bien que nous comprenions que des problèmes sociétaux tels que la santé mentale et la toxicomanie contribuent à cette violence, des mesures immédiates s’imposent. Le projet de loi C-321 est un outil essentiel pour dissuader ces actes, mais plus important encore, il tient les auteurs responsables de leurs actes et permet aux victimes de tourner la page.
En montrant que les décideurs reconnaissent et apprécient le travail des ambulanciers, des pompiers et des autres professions connexes, le projet de loi envoie un message clair : nous méritons d’être protégés et pris en compte pour les rôles essentiels et dangereux que nous assumons chaque jour sur la ligne de front.
Ces outils doivent être mis à notre disponibilité pour nous permettre de faire face à la violence et de soutenir ceux qui servent nos collectivités. Le projet de loi C-321 est une étape cruciale dans cette direction, et il vient donner de l’amplitude au projet de loi C-3. Il ne résoudra pas tous les problèmes, mais il incarne un progrès et un engagement à l’égard de la protection des membres de nos professions.
Nous vous demandons d’adopter ce projet de loi dans les meilleurs délais. Considérez-le comme votre façon de nous offrir un gilet législatif en Kevlar. Je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé et je serai ravi de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Hills.
Erin Ariss, infirmière autorisée, présidente provinciale, Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario : Bonjour à tous. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je m’appelle Erin Ariss. Je suis infirmière autorisée et présidente de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario, ou AIIO. Je suis accompagnée aujourd’hui d’Andrea Kay, cheffe de la direction de l’AIIO et également infirmière autorisée.
L’AIIO représente plus de 68 000 infirmières, infirmiers et professionnels de la santé en Ontario, ainsi que 18 000 étudiants en soins infirmiers affiliés qui sont l’avenir des soins de santé en Ontario. Au nom des infirmières et infirmiers de l’Ontario, je suis fière de prendre la parole pour soutenir le projet de loi C-321. Tous les ordres de gouvernement doivent faire davantage pour protéger les infirmières, les infirmiers, les travailleurs de la santé et les premiers intervenants contre la violence et les mauvais traitements.
Le projet de loi C-321 complète le projet de loi C-3, qui a modifié le Code criminel afin de transformer en infraction le harcèlement ou l’intimidation des travailleurs de la santé. Le projet de loi C-321 propose maintenant d’étendre les mesures de protection aux premiers intervenants, et nous soutenons ces modifications du Code criminel.
En tant qu’infirmières, infirmiers et travailleurs de la santé, nous sommes quotidiennement victimes d’actes de violence et de mauvais traitements, et ce phénomène s’accentue. Nous prodiguons des soins à des personnes en situation de crise, mais les mesures existantes ne nous protègent pas.
Nous travaillons en première ligne dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les cliniques et nos collectivités. Lorsque nous travaillons en équipe, nous manquons de personnel la plupart du temps. Lorsque nous travaillons seuls, comme lorsque nous prodiguons des soins à domicile, il n’y a personne d’autre autour de nous, personne à qui faire appel lorsqu’une situation devient dangereuse. En tant qu’infirmiers, nous sommes agressés ou bousculés, on nous crache dessus, on profère des injures à notre encontre, et on nous inflige intentionnellement des blessures causées par des aiguilles.
En ma qualité d’infirmière, j’ai travaillé en première ligne dans un service d’urgence pendant 20 ans, et pendant que j’oeuvrais au chevet de patients, j’ai été agressée trop souvent pour en avoir tenu un compte. Un patient m’a cassé la main. J’ai été menacée avec une arme à feu, une machette, des couteaux à lame rétractable et des couteaux traditionnels, et j’ai été agressée à l’aide du matériel que nous utilisons pour prodiguer des soins. J’ai reçu un coup de pied dans l’abdomen alors que j’étais enceinte de huit mois de mon fils.
Mon expérience en tant qu’infirmière de première ligne est représentative de la réalité que les travailleurs de la santé vivent aujourd’hui. Les statistiques à cet égard sont éloquentes. Neuf infirmiers sur dix ont subi des actes de violence physique, verbale ou psychologique au cours de la dernière année. Huit infirmiers sur dix ont été victimes d’intimidation de la part de patients au cours de l’année écoulée. Neuf infirmiers sur dix déclarent souffrir d’épuisement professionnel, et ce chiffre est en hausse depuis 2023.
Si la violence et l’intimidation ne sont pas nouvelles, elles ont augmenté pendant la pandémie. Des années de violence, de harcèlement et de conditions de travail dangereuses ont mis à mal le personnel infirmier. Au cours des cinq dernières années, le nombre de postes d’infirmiers vacants au Canada a augmenté de 147 %. De plus en plus d’infirmiers quittent notre profession, ce qui aboutit à des temps d’attente sans précédent et des fermetures d’hôpitaux. Mais si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que nous refusons d’accepter que la violence fasse partie intégrante de notre travail.
L’adoption du projet de loi C-321 est un pas en avant, mais il faut que ces changements soient rendus publics et appliqués pour qu’ils aient un effet dissuasif et réduisent la violence dans notre profession.
Nous avons besoin de prendre de toute urgence des mesures préventives qui protègent les infirmiers et les travailleurs de la santé. Il faut prendre des mesures qui tiennent compte de l’ampleur du problème et des répercussions que l’épuisement professionnel des infirmiers et des travailleurs de la santé ont sur les soins aux patients.
Les mesures préventives qui améliorent la sécurité et réduisent l’épuisement professionnel comprennent des ratios de dotation en personnel. Nous réitérons l’appel que la fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers a adressé au gouvernement fédéral afin qu’il élabore un cadre pancanadien de prévention de la violence dans les établissements de santé. Aucun infirmier, travailleur de la santé ou premier intervenant ne devrait être en danger dans son lieu de travail ou pendant l’exercice de ses fonctions.
Le projet de loi C-321 nous rapproche de l’objectif à atteindre. Nous demandons donc instamment à tous les sénateurs de soutenir ce projet de loi et de lutter pour la sécurité des infirmiers, des travailleurs de la santé et des premiers intervenants.
Je vous remercie de votre attention.
Le président : Je vous remercie, madame Ariss.
Je vais maintenant inviter les sénateurs à poser des questions et à discuter avec vous, en commençant par la sénatrice Batters.
La sénatrice Batters : Je vous remercie tous de votre présence et du travail que vous accomplissez quotidiennement pour assurer la sécurité et la santé des citoyens.
M. Hills est originaire de la Saskatchewan. C’est un plaisir de vous voir ici. Je vous remercie de vous être déplacé pour comparaître devant nous et de tous les efforts très importants que vous déployez pour régler ces problèmes qui touchent tous ceux qui exercent votre profession et les premiers intervenants en général. Vous intervenez souvent et très fermement pour dénoncer ces types de problèmes, et je vous en remercie.
J’étais en train d’examiner le libellé de la disposition du projet de loi C-3 qui est entrée en vigueur il y a quelques années, je crois, et de la disposition qui nous occupe, et comme vous l’avez dit, madame Ariss, je constate qu’elle complète le projet de loi C-3. Je le constate aussi parce que le nouvel article proposé dans le cadre du présent projet de loi d’initiative parlementaire s’appliquerait aux professionnels de la santé et aux premiers intervenants dans l’exercice de leurs fonctions, même s’ils ne fournissent pas de services de santé ou d’urgence, parce que la disposition du projet de loi C-3 limitait cette application. Il fallait que l’infraction soit commise à l’encontre d’une personne qui fournissait des services de santé à ce moment-là. Cette disposition élargit donc un peu plus la protection offerte.
Monsieur Hills, pourriez-vous nous parler de la fréquence des agressions que les pompiers et les ambulanciers affrontent au cours de leurs interventions? Partagez-vous aussi l’avis de Mme Ariss, qui vient de mentionner qu’elle considère que ce problème s’aggrave? Si c’est le cas, quelles sont, selon vous, les principales causes de cette aggravation?
M. Hills : Je vous suis reconnaissant de vos questions. Si vous me le permettez, avant de répondre à cette question, je dirai que l’on a beaucoup parlé des définitions. Dans le cadre de nos travaux, nous avons fait quelques recherches, et nous avons constaté que l’Agence de la santé publique du Canada, je crois, a défini très clairement les travailleurs de la santé et le personnel de la sécurité publique ou les premiers intervenants dans certains de ses codes, en ce qui concerne le cadre pour le TSPT, de sorte que ces définitions sont clairement énoncées. Cela pourrait aider certains d’entre vous à évaluer les paramètres que vous voyez dans le projet de loi, afin de déterminer s’il va trop loin ou pas assez loin. Je tenais simplement à vous faire part de cette information afin que vous le sachiez quand vous parlerez de cette question.
La sénatrice Batters : Je vous en remercie.
M. Hills : Pour ce qui est de la fréquence, le plus simple est de dire qu’au début de ma carrière, j’entrais dans des maisons et je m’occupais des patients et des familles, et je recevais des câlins la plupart du temps. Aujourd’hui, quand j’entre dans une maison ou que j’arrive sur une scène ou même quand je vois une situation se développer, il m’arrive plus souvent de faire face à une prise de tête ou à une situation de ce genre que de recevoir des câlins.
Je sais que cela peut paraître banal, mais c’est la vérité. Je suis un homme d’assez grande stature, et quand je vais là-bas, ma seule taille prévient un grand nombre de situations, mais elle ne les arrête pas toutes. Lorsque des personnes de toutes statures, tailles, couleurs, ethnies et autres travaillent en première ligne, il n’y a plus de discrimination. La violence est quotidienne, et elle est verbale ou physique. Les gens bousculent les travailleurs, cherchent à les intimider ou leur donnent des coups de pied ou des coups de poing. Ils volent des ambulances, menacent les travailleurs avec des armes ou font tout cela à la fois. Je n’ai jamais vu les choses dégénérer comme maintenant.
Pour ce qui est de l’origine de ce phénomène, je dirais encore une fois, aussi simplement que possible, que la société n’est plus aussi aimable qu’elle l’était. Il y a un manque général de gentillesse et de civilité. Il y a un manque de respect pour les personnes en uniforme ou les personnes qui occupent des postes d’autorité, et nous faisons face à beaucoup d’opposition dans ces situations.
C’est ce que j’ai vu, c’est ce que j’ai ressenti et c’est ce que j’ai vécu. Je ne sais pas comment revenir à une meilleure situation, mais je pense qu’il faut reconnaître que c’est une des causes premières de ce qui se passe et du manque général de gentillesse, et qu’il faut appeler les choses par leur nom. Il faut chercher à obtenir plus de câlins et moins de prises de tête. Honnêtement, voilà à quoi cela se résume.
La sénatrice Batters : Je vous remercie infiniment de vos réponses. Je tiens également à souligner que le nouvel article proposé dans le projet de loi s’applique non seulement aux agressions, mais aussi aux infractions consistant à proférer des menaces de mort ou de lésions corporelles à l’encontre d’une personne. Ces infractions sont donc incluses, c’est-à-dire tout type d’agression, y compris les voies de fait graves, ainsi que le fait de causer illégalement des lésions corporelles. Tels sont en quelque sorte les paramètres de la loi. Il ne fait aucun doute que les répercussions économiques, comme nous les observons à l’heure actuelle, jouent un rôle. La vie est difficile pour beaucoup de gens, alors cela a aussi un effet.
Monsieur Hills, selon vous, quelle incidence la violence a‑t‑elle sur le moral de vos membres? Nous sommes au beau milieu de la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales, et c’est la Journée mondiale de la santé mentale aujourd’hui. Avez-vous observé une augmentation des départs anticipés ou des difficultés de recrutement en raison de la violence? Est-ce un problème que vous remarquez uniquement à Saskatoon, ou est-ce une tendance que vous observez dans l’ensemble du Canada, lorsque vous parlez à vos collègues?
M. Hills : Je pense que Mme Ariss a très bien parlé de ces problèmes. En ce qui concerne le recrutement et le maintien en poste, la violence occupe une grande partie de la conversation ces jours-ci. Nous parlons du trouble de stress post-traumatique. Nous parlons d’autres façons dont notre travail compromet notre vie en tant qu’êtres humains.
Je n’ai jamais été préparé à devenir un ambulancier paramédical. Je ne suis plus la même personne que lorsque j’ai commencé à faire ce travail il y a 25 ans. Ce genre de travail vous vole une partie de votre âme. Si l’on ajoute à cela l’environnement dangereux dans lequel nous travaillons, où l’on brandit littéralement des armes contre nous et où nous faisons face à des agressions physiques, mentales ou verbales, cela épuise les gens.
Je ne peux pas parler précisément de la décision d’une personne qui pourrait dire « Hé, je veux être pompier ou ambulancier paramédical et servir ma collectivité », alors qu’il est probablement plus sécuritaire pour elle d’aller faire griller des hamburgers chez McDonald’s.
Honnêtement, compte tenu de la situation actuelle dans le domaine des soins de santé — et c’est la première fois que je le dis publiquement —, je recommanderais aux gens d’exercer une autre profession que celle de professionnel de la santé, simplement en raison de l’horrible nature de ce travail. C’est une terrible chose à dire, parce que j’ai besoin qu’un plus grand nombre de travailleurs choisissent notre profession pour pouvoir nous aider, mais ce choix est une arme à double tranchant en ce moment. Je vous demande de vous mettre en danger physiquement, mentalement, émotionnellement et spirituellement, et de céder une partie de vous-même pendant le reste de votre carrière.
Je ne peux pas quantifier l’ampleur de l’effet que cela a sur les gens, mais il est certain qu’aujourd’hui, plus que jamais, c’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous perdons des travailleurs, et nous ne recrutons pas de nouveaux employés.
La sénatrice Batters : Cette situation est tellement triste. Je vous remercie de vos réponses.
Le sénateur Prosper : Je vous remercie tous des services que vous rendez. Je voudrais juste clarifier les choses, car vous dites que la violence ne fait pas partie intégrante de votre travail.
Je me souviens de l’époque où j’étais chef de ma collectivité. Je vivais dans la collectivité, et je voyais des ambulances et des ambulanciers paramédicaux parcourir la réserve constamment.
Je suis curieux à ce sujet. Pouvez-vous m’expliquer certaines des réflexions que vous devez mener — dans vos deux professions? Avez-vous le pouvoir discrétionnaire de refuser d’offrir un service et, si ce n’est pas le cas, quelles sont les étapes que vous passez en revue dans votre esprit pour assurer votre sécurité personnelle?
Car si j’ai bien compris, vous n’avez pas accès à des ressources, évidemment, si vous prodiguez des soins à domicile ou si vous répondez à un appel. Pourriez-vous m’aider à comprendre ce processus et m’expliquer un peu ce qu’il en est?
Mme Ariss : Les infirmières ou infirmiers autorisés sont régis par un organisme de réglementation et un ordre professionnel, et nous devons respecter des normes. L’une de ces normes est la relation thérapeutique, et nous sommes tenus de fournir des soins. Si nous ne nous occupons pas de nos patients, résidents ou clients, selon le contexte, cela pourrait être considéré comme un abandon des patients et entraîner la suspension de notre autorisation d’exercer nos fonctions.
C’est une épée de Damoclès qui pend toujours au-dessus de nos têtes, et on nous apprend qu’il faut nous mettre au second plan, que nous devons nous occuper de notre patient, quoi qu’il arrive — ce message est omniprésent dans le système de soins de santé, mais aussi à l’école.
L’autre chose que vous constaterez dans tous les secteurs de la santé, et en particulier pour les infirmières ou infirmiers, c’est que si vous êtes agressé ou victime de violence, on vous fait souvent sentir comme si cela découlait d’un manquement de votre part. On vous reproche la violence ou l’agression, et on vous dit qu’elle a été causée par un retard dans les soins ou par quelque chose que vous avez omis de faire. Vous êtes donc responsable du problème en tant qu’infirmière ou infirmier.
Le sénateur Prosper : Cela me rappelle le dicton selon lequel le client a toujours raison.
Mme Ariss : Oui.
M. Hills : Si vous me le permettez, l’un des domaines sur lesquels nous nous concentrons beaucoup est celui des patients en difficulté, de la toxicomanie et de la sortie de crise. Mais, parfois, nous faisons face à des situations où des gens appellent pour signaler qu’ils ont mal au dos et, lorsque nous arrivons sur place, et cette personne — pour quelque raison que ce soit —, un membre de sa famille ou un ami présent dans la maison est celui qui nous cause maintenant un problème.
Nous ne savons pas quelle est la situation. En ce qui concerne le refus d’intervenir dans des situations dangereuses, il arrive que nous sachions qu’il y a une arme sur les lieux ou un tireur actif. Si une fusillade se produit, nous demandons l’intervention de la police, qui arrive sur les lieux et nettoie la scène. Cela ne veut pas dire que l’endroit est totalement sûr, mais la police apporte une certaine sécurité inhérente.
Cependant, lorsque j’entre dans la maison d’une personne qui appelle pour se plaindre de douleurs lombaires et que je constate sur place qu’un pistolet de 9 mm se trouve sur la chaise à côté d’elle ou qu’un ou plusieurs couteaux se trouvent en sa possession ou dans son sac à dos, ce sont là des situations que je ne peux pas prévoir. Je me demande alors ce que je peux faire non seulement pour soigner cette personne, mais aussi pour sortir de cette situation en toute sécurité.
Je raconte souvent à mes étudiants et aux nouveaux ambulanciers l’histoire du film Patch Adams, dans lequel joue Robin Williams. Des gens entrent chez une personne pour l’aider ou lui fournir des soins et pour discuter. La situation tourne évidemment au vinaigre et un incident très violent et malheureux se produit.
C’est ce qui nous arrive. Il ne s’agit pas nécessairement d’un cas de surdose. Nous comprenons ce genre de situation. Si quelqu’un me donne un coup de poing dans une telle situation, c’est quelque chose qui peut arriver.
En revanche, si j’entre dans une maison, que je suis en train de fournir des soins pour un problème de dos et que, tout à coup, je reçois un coup de poing au visage ou un coup de pied parce que quelqu’un ne m’aime pas, c’est là que les choses vont trop loin et que la situation devient inacceptable.
Le monde dans lequel nous évoluons est tellement imprévisible. Chaque fois, nous ne savons vraiment pas de quel type d’appel il s’agit et comment les choses se dérouleront. C’est une préoccupation que l’on a toujours à l’esprit.
Le sénateur Prosper : Merci.
Le sénateur Dalphond : Bienvenue au Sénat. Mon oncle préféré était pompier. J’ai toujours voulu être pompier. J’ai été aide-soignant pendant six ans dans un hôpital, alors je vous aime tous. Je peux vous le dire. Vous êtes mes vedettes.
J’ai déjà passé un jour ou deux à l’urgence et j’ai vu une infirmière se faire frapper au visage par un patient juste devant moi. Je sais donc que le contexte est difficile, mais avons-nous des statistiques et des données à ce sujet? Par exemple, les premiers répondants appellent-ils la police lorsqu’on les menace ou, à plus forte raison, lorsqu’on les agresse? Même chose pour les infirmières? Existe-t-il un moyen pour vous — pour l’une ou l’autre de vos organisations — d’obtenir des données sur le nombre de cas et l’augmentation du nombre de cas?
M. Hills : Mme Ariss aura probablement une meilleure réponse que moi.
Tout d’abord, nous, qui faisons ce travail, sommes des personnes très humbles et nous ne signalons pas souvent ces incidents. Nous en sommes arrivés au point où certaines de ces situations font, soi-disant, partie de notre travail, parce qu’il y a eu des cas où des procureurs de la Couronne nous ont dit que cela faisait partie de notre travail, que ce n’était pas très grave si l’on nous poussait dans les escaliers, que telle personne avait ceci ou cela.
Je dirais que cela a fait en sorte que le taux de déclaration et d’autodéclaration est faible, parce que nous acceptons tout simplement ces situations. Je pense qu’il y a des organisations qui prennent position et qui disent que c’en est assez et qu’il nous faut faire un suivi.
Mme Ariss : Nous disposons certainement de nombreuses données. Le problème, comme l’a mentionné M. Hills, c’est que les incidents ne sont pas tous signalés.
Il y a un lien avec ma réponse à la question du sénateur Prosper. Les infirmières ne veulent pas signaler ce genre de situation, pour la plupart, à cause de la stigmatisation, du blâme qu’elles encourent et du risque qu’elles courent ce faisant.
Je peux vous raconter très rapidement une situation que j’ai vécue lorsque j’étais une jeune infirmière. Un patient, qui aurait facilement pu se trouver dans cette pièce, qui passerait inaperçu parmi nous, m’a dit, essentiellement : « Je vais vous tuer, vous et vos deux beaux enfants, qui vous attendent dans la voiture après vos gardes tous les jours. » J’ai essayé de le signaler, mais rien n’a été fait, sénateur. Rien ne s’est passé jusqu’à ce que cette même personne menace un vice-président des ressources humaines de notre hôpital. Alors là, des mesures ont été prises.
Mais je ne suis pas la seule à avoir vécu ce genre d’expérience. C’est ce que vivent des infirmières partout au pays.
Le sénateur Dalphond : Cela m’amène à vous poser une autre question. Il y a quelques années, nous avons modifié les principes de détermination de la peine du Code criminel afin que le fait que la personne fournissait des services de santé soit considéré comme une circonstance aggravante dans la détermination de la peine. Savez-vous si, compte tenu de cette indication que le Parlement prend au sérieux les menaces ou les attaques à l’encontre du personnel des services de santé, il y a eu davantage d’accusations par la suite?
Avez-vous remarqué un changement ou rien ne s’est produit?
Mme Ariss : Je peux vous dire que pour que les dispositions législatives soient appliquées, il faut les faire connaître. Les Canadiens ne sont pas au courant. C’est la première chose.
La deuxième, c’est que les infirmières sont prêtes à agir et à porter plainte, mais à vrai dire, on les dissuade de le faire. Partout en Ontario, on leur dit que cela fait partie de leur travail et qu’elles doivent juste laisser faire.
Le sénateur Dalphond : Ce qui n’est pas le cas. Je suis d’accord avec vous. Merci.
La sénatrice Simons : C’est exactement là où je voulais en venir. Merci au sénateur Dalphond et à tout le monde.
Monsieur Hills, vous avez dit que vous espériez que le projet de loi soit comme un gilet législatif en kevlar. J’aimerais tous vous envelopper de kevlar, mais le problème est que les mesures que le projet de loi prévoit ne sont applicables qu’au moment de la détermination de la peine. Il faut d’abord que quelqu’un soit arrêté, poursuivi, reconnu coupable et ensuite, au moment de la détermination de la peine, ce serait considéré comme une circonstance aggravante. Il semble que ce ne soit pas très utile s’il n’y a pas de poursuites en premier lieu.
Madame Ariss, vous avez donné une foule d’exemples de voies de fait dont vous avez été personnellement victime. Est-ce que certaines d’entre elles ont donné lieu à une arrestation ou à une condamnation?
Mme Ariss : Non. Aucune.
La sénatrice Simons : Monsieur Hills, vous dites que vous pourriez venir en aide à un membre de gang et que trois autres membres pourraient ensuite vous suivre jusqu’à la maison. Les ambulanciers travaillent en étroite collaboration avec la police. Bénéficiez-vous d’une protection policière quelconque? Y a-t-il une forme d’intervention lorsque cela se produit?
M. Hills : Non, notre communauté est assez petite. Nous considérons que cela fait partie de notre travail.
Si je peux me permettre, j’aimerais ajouter quelque chose à votre observation. Ce que j’ai appris des modifications apportées au Code criminel concernant les transports en commun — lorsque les dispositions sur les conducteurs de véhicules de transport en commun ont été adoptées en 2015... Ils étaient récemment sur la Colline parce qu’il n’y a eu que très peu de poursuites, voire aucune, parce que cela n’est pas connu du public ou que l’on n’a pas fait connaître les mesures législatives.
On nous a dit très clairement... Je pousserai l’audace jusqu’à dire que, si le projet de loi est adopté, il faudra ensuite passer à l’étape de l’éducation. Il faut qu’il sorte de cette salle et soit rendu public afin d’informer la police, les avocats et les juges qu’il s’agit d’un nouveau texte législatif qui nous offre une protection. Nous devons le présenter aux membres de nos associations afin qu’ils soient en mesure de faire pression pour que le changement soit mis en œuvre. Il faudra qu’une première personne, une deuxième puis une troisième se manifestent, et alors peut-être verrons-nous davantage de poursuites.
Encore une fois, il ne s’agit pas de mettre plus de gens en prison. Il ne s’agit pas d’avoir ce livre volumineux de défense, le Code criminel, qui a déjà un effet dissuasif pour tant de choses. Il s’agit de tourner la page. Il s’agit d’apporter du soutien. Il s’agit de faire savoir à Mme Ariss, à qui l’on a cassé la main, que la personne sera tenue pour responsable. L’homme qui est allé en prison pendant six mois — c’est inacceptable. La personne restera en prison plus longtemps.
La sénatrice Simons : Je m’adresse à Mme Ariss et à Mme Kay. Quel est le pourcentage de patients... Je suppose que toutes les voies de fait ne sont pas commises par des patients. Dans certains cas, elles sont commises par un membre de la famille qui se trouve aux urgences et qui est en colère parce que le triage ne se fait pas comme il le souhaiterait. J’imagine toutefois que dans de nombreux cas, elles sont commises par des patients qui ne sont pas sains d’esprit — qui ne pourraient jamais être tenus criminellement responsables, parce qu’ils sont dans un état psychotique d’origine médicamenteuse, dans un état de psychose normal, qu’ils souffrent de démence ou qu’ils sont atteints d’un trouble du spectre de l’autisme et qu’ils se déchaînent.
Dans quelle mesure pensez-vous — je ne sais pas si vous pouvez le quantifier dans vos données... Dans combien de cas y a-t-il une intention criminelle par rapport à des actes, des situations, où vous méritez toute la protection et tout le soutien de votre syndicat et de votre direction, mais qui ne peuvent faire l’objet de poursuites?
Mme Ariss : Des voies de fait criminelles se produisent quotidiennement dans tous les secteurs des soins de santé.
La sénatrice Simons : Il ne s’agit pas toutefois simplement de ma mère atteinte de démence qui mord une infirmière.
Mme Ariss : Je pense que cela ne conviendrait guère. Je dirais une fausseté si je vous disais qu’il ne s’agit que de personnes qui souffrent de dépendance, de démence ou de quoi que ce soit d’autre. Ce serait faux, oui.
La sénatrice Simons : D’accord. Mais vous ne pouvez pas dire si c’est deux tiers — un tiers? Existe-t-il des données, ou est-ce simplement, d’après vos observations sur le terrain, que vous constatez...?
Mme Ariss : Je pense que nous pourrions obtenir des données pour les sénateurs.
La sénatrice Simons : Je ne sais pas si nous les recevrions à temps dans le cadre de notre étude, mais j’aimerais beaucoup savoir ce qu’il en est pour de futures politiques publiques. Merci beaucoup.
Mme Ariss : Oui.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup pour tous vos services.
[Français]
La sénatrice Oudar : Tout d’abord, je vous remercie pour votre travail et je vous remercie d’être là, madame Ariss, madame Kay et monsieur Hills.
Au Québec, la commission que je dirigeais, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), publie des statistiques, dont j’ai parlé tout à l’heure. Elles témoignent des mêmes choses, les chiffres dressent le même portrait que ce dont vous avez parlé. Il y a eu une augmentation fulgurante de la violence physique et psychologique, notamment envers les travailleurs de première ligne, soit les soins de santé, les services paramédicaux, les services policiers, les services ambulanciers et autres. Je ne comprends pas pourquoi.
Vous avez mentionné plus tôt que lorsque l’incident faisait partie du travail, cela n’était pas déclaré. Nous, au Québec, c’est l’inverse : si cela fait partie du travail, c’est une lésion professionnelle qui doit être indemnisée par la commission.
On a beaucoup travaillé avec des gens en première ligne. Ma question s’adresse à M. Hills. Bien que j’aie passé ma vie à défendre les droits des femmes, c’est incroyable à quel point on avait de la difficulté à faire parler les hommes. Les pompiers, les policiers, les paramédicaux, on n’arrivait pas à les faire parler et à s’exprimer. C’est le premier pas pour guérir, et c’est difficile.
On a eu des dossiers d’épuisement professionnel. Il y a des gens qui quittent la profession. Cela a des conséquences sur les milieux de travail, l’épuisement professionnel, la difficulté dans les relations avec les collègues et la famille et l’irritabilité. Malheureusement, il y a des dossiers où il y a eu des suicides; c’est grave. Le premier pas, c’est de parler.
Vous avez choisi une profession — et les infirmières aussi — où vous êtes là pour faire du bien, donner des soins et être forts. C’est ce qu’on apprend lorsqu’on étudie, lorsqu’on est diplômé : être fort et montrer qu’on l’est. On n’arrivait pas à les faire parler et on s’est beaucoup servi des associations comme la vôtre, monsieur Hills, pour amener ces hommes et ces femmes qui travaillent dans ces milieux à parler et à guérir plutôt qu’à s’isoler. La majorité du temps, c’est ce qu’on voyait, de l’isolement et une dégradation de la santé psychologique.
Je sors un peu du projet de loi et je m’en excuse, mais c’est un sujet trop important, surtout aujourd’hui, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale.
Qu’est-ce qui pourrait être fait, en partenariat avec les provinces et vos associations, pour amener les gens à parler, qui est un premier pas vers la guérison?
[Traduction]
M. Hills : Je vous remercie. C’est un très bon point. On sort un peu ici du projet de loi, comme vous l’avez dit.
J’ai parlé un peu plus tôt de mon entrée dans la profession. J’ai le sentiment d’être fait pour ce travail. Je suis quelqu’un qui peut s’occuper du pire du pire, voir des choses dont la plupart d’entre vous ne veulent pas entendre parler, puis rentrer à la maison et être un père et un mari. En réalité, après 25 ans, comme je l’ai déjà dit, je ne suis plus la même personne. Ce que j’ai appris au cours des luttes que j’ai menées ces dernières années contre le trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, et les traumatismes liés au stress opérationnel, ou TSO, c’est que — pour reprendre une citation d’un type comme Fred Rogers — tout ce qui peut être exprimé peut être géré. En réalité, je n’en parlais pas. Lorsque j’ai commencé à en parler, le processus de guérison s’est enclenché. Le problème est que le mal est déjà fait.
Il est encore important d’en parler.
L’Association internationale des pompiers a notamment reconnu que, dans une profession à prédominance masculine, nous cachons nos émotions. Nous n’en parlons pas. Cela conduit à des taux de suicide importants parmi les premiers répondants, qu’il s’agisse de la police ou de la GRC. Je ne veux rien enlever à d’autres professions, comme celle d’infirmière ou autre, mais je parle de ce que je connais le mieux.
L’Association internationale des pompiers a reconnu l’importance de cette question au point de créer ses propres centres pour aider les pompiers. Nous devons apprendre aux hommes et aux garçons qui entrent dans la profession — et dans la culture en général — à parler de ce qu’ils ressentent. C’est important. Je connais des hommes qui ont des amis qui n’ont jamais eu une vraie conversation avec un autre homme au point de pleurer, de parler de leurs émotions et de la réalité des choses, et c’est un problème. Il se peut qu’on me frappe au travail, qu’on me donne des coups de pied, que je sois menacé par le membre d’un gang, et j’ai peut-être l’impression de ne pas pouvoir en parler ou de ne pas pouvoir exprimer mes craintes à ce sujet, ce qui fait mal quand on comprend qu’il pourrait y avoir des membres d’un gang chez moi ou que ma maison a été vandalisée. S’agit-il d’un d’adolescent qui nous a joué un tour ou d’autre chose qui se passe? C’est vrai qu’on a cela en tête.
Tout est lié. J’en ai parlé comme un moyen de dissuasion. Je vois cela comme un moyen de tourner la page. C’est une situation où des gens comme vous peuvent comprendre que j’ai besoin d’être entendu parce que la violence à mon égard est bien réelle, que c’est arrivé, et que le fait que cette personne soit tenue pour responsable est un autre moyen de tourner la page. Une fois cette page tournée, je pourrais peut-être parler des effets que cela a eus sur moi, de la façon dont cela a rendu ma vie difficile sur le plan de la santé mentale.
Mes collègues partout au pays — pompiers, policiers, ambulanciers... C’est un milieu où l’on est censé ne pas exprimer ses sentiments. C’est ce qu’on m’a appris. De plus en plus, c’est correct de les exprimer. Ce sont des tribunes où il est important de parler. Désolé, je me suis un peu écarté du sujet, mais j’espère que cela vous aidera.
[Français]
La sénatrice Audette : La sénatrice a posé ma question. Merci beaucoup. Au Québec, on a deux Premières Nations qui ont la même responsabilité que vous comme infirmières. On les nomme « superinfirmières » et elles sont deux, une Atikamekw et une Wendate. Merci pour ce que vous faites.
Lorsque vous avez décidé d’œuvrer dans cette profession, par amour ou pour toute autre raison, était-ce écrit que c’était normal et que vous alliez être blessés dans vos cours? Quand vous avez posé votre candidature, était-ce indiqué que vous alliez être blessés? Je le dis, parce que c’est comme si on normalisait les événements lorsque vous demandez de l’aide. Ce projet de loi, s’il est adopté, vous permettrait qu’on ne vous donne plus ces réponses? J’espère que ce n’était pas écrit dans votre description d’emploi. Le concept de lésion professionnelle devrait toujours être présent dans tous nos ordres et dans notre travail, et si en plus on peut l’attacher à une loi ou à un article de loi pour mieux vous protéger, c’est encore mieux.
[Traduction]
J’aime tellement la façon dont vous me regardez.
Mme Ariss : Je suis infirmière. Nous avons de petites oreilles. C’est une question difficile. En tant qu’infirmières, nous avons besoin de toute mesure de protection. La question que vous avez posée, à savoir si on nous a appris à l’accepter pendant nos études...
La sénatrice Audette : Non, non, ce que j’essayais de dire, c’est que lorsque vous avez décidé de devenir infirmière autorisée, est-ce qu’il était écrit quelque part que votre vie pouvait être en danger?
Mme Ariss : Non.
La sénatrice Audette : Quand vous étiez aux études ou quand vous avez posé votre candidature, est-ce qu’il y avait une mention qui disait, en passant, que votre vie pourrait être en danger?
Mme Ariss : Non.
La sénatrice Audette : Et maintenant, vous demandez de l’aide et le projet de loi pourrait être l’une des nombreuses initiatives pouvant vous protéger.
Mme Ariss : Oui. Je pense qu’il n’est pas seulement complémentaire au projet de loi C-3, il serait complémentaire à d’autres mesures, dispositions et cadres que nous pourrions mettre en œuvre partout au pays.
La sénatrice Audette : Je tiens à vous remercier de nous rappeler que nous devons agir aussi sur d’autres plans.
La sénatrice Clement : Je vous remercie pour le travail que vous accomplissez. À Cornwall, les ambulanciers sont fort appréciés, et ils se débattent pour attirer l’attention, avec la police et les pompiers. Le métier d’ambulancier n’est pas de tout repos. Cette profession ne jouit pas du même statut au sein de la société. Les pouvoirs syndicaux sont également différents. Je tenais à le reconnaître.
Je veux aussi appuyer les questions posées par le sénateur Dalphond et la sénatrice Simons au sujet de la nécessité de disposer de données. Lorsque nous élaborons des politiques publiques, nous devons comprendre qui attaque, qui est attaqué, et qui est attaqué de façon disproportionnée. Aussi, je suis bien consciente que la profession d’infirmière est surtout exercée par des femmes. Nous devons examiner tous ces éléments plus en détail.
Madame Ariss, j’aimerais discuter avec vous, car vous avez parlé de ces mesures préventives, et vous avez répondu à la question de la sénatrice Audette en disant que vous aimeriez qu’il y en ait davantage. Vous avez également parlé d’un cadre. J’aimerais savoir si la province vous aide suffisamment avec ces mesures préventives. Le gouvernement fédéral doit-il ajouter sa voix à ce que les provinces font ou ne font pas en matière de mesures préventives?
J’appuie ce projet de loi, mais je pense aussi que sa portée est limitée. Je sais que nous en parlerons en dehors de cette salle et que nous sensibiliserons la population ; cela fait partie de l’objectif. Par contre, les modifications apportées au Code criminel n’entraînent pas toujours les résultats nécessaires, et certaines des mesures préventives sont, en réalité, plus importantes. Pouvez-vous nous en parler?
Mme Ariss : Madame la sénatrice, vous avez d’abord demandé si la province est...
La sénatrice Clement : C’était ma première question, oui.
Mme Ariss : La réponse est non. La province ne fait pas tout ce qu’elle peut. De fait, elle sous-utilise son budget de santé de plusieurs milliards de dollars. Je vais laisser ce sujet de côté.
La sénatrice Clement : Non, mais ce que vous venez de dire est important.
Mme Ariss : En effet. J’ai parlé des ratios infirmières-patients, de leur importance, et de leur incidence sur l’environnement de travail. Les ratios de dotation en personnel permettent d’offrir de meilleurs soins aux patients. Il y a un manque de personnel et c’est l’une des raisons pour lesquelles les infirmières et les professionnels de la santé sont agressés. Il n’y a pas assez de personnel. Les traitements et les soins sont repoussés à plus tard, et la qualité des soins n’est pas celle à laquelle on pourrait s’attendre. Les services d’urgence sont débordés ou fermés, ce qui oblige les patients à se rendre ailleurs, et lorsqu’ils y arrivent, ils sont malades et ne sont pas d’humeur.
Des ratios de dotation en personnel permettraient de régler ce problème. On imposerait la présence d’un nombre suffisant d’infirmières au chevet des patients pour que tout le monde puisse être soigné. Cela réduirait les cas de violence. Nous le savons.
Cela aiderait aussi ceux qui travaillent seuls. Nous constatons que le manque de personnel crée des environnements où les infirmières doivent travailler seules, alors que ce ne devrait pas être le cas, et, étant seules, elles ne sont pas en mesure de demander de l’aide immédiatement. Il leur est impossible de communiquer avec qui que ce soit. Je vous donne l’exemple des soins à domicile. M. Hills vit probablement cela. Des infirmières peuvent se retrouver dans des régions rurales sans réseau cellulaire, où toute la collectivité est confinée en raison de menaces de violence liée à des coups de feu ou parce qu’il y a des tireurs actifs. Ces infirmières sont là-bas, sans moyens de communication, et sans que quiconque puisse communiquer avec elles pour les protéger.
Il existe de nombreuses solutions autres que ce projet de loi. Cependant, ce projet de loi est un pas dans la bonne direction, à condition qu’on le fasse connaître.
M. Hills : Sénatrices Clement et Audette, vous avez toutes deux mentionné que c’est comme les avis de postes à pourvoir. À l’heure actuelle, nous faisons la promotion de nos professions pour encourager la relève... il y a urgence.
C’est l’une de ces petites mesures qui touchent la sécurité au travail. La réalité, c’est que des agressions ou des actes violents peuvent survenir au travail. Ce serait bien de souligner et de reconnaître que des mesures de protection existent. Nous devrions peut-être reformuler les affichages d’emplois dans nos domaines pour qu’ils ressemblent aux annonces de forfaits de vacances tout inclus au Mexique. Je répète que je ne souhaite pas aller en vacances aux endroits dont nous parlons, mais je pense que nous ferions un pas dans la bonne direction si nous faisions mieux connaître nos professions. Cela nous permettrait d’attirer plus de gens qui pourraient nous aider à faire notre travail.
La sénatrice Pate : Compte tenu du travail que j’ai effectué pendant près de 50 ans, je dois dire, même si c’est difficile de le faire, que je ne commencerais pas par cette démarche législative. Ce n’est pas parce que je ne veux pas appuyer tout ce dont vous avez parlé. Vous avez entendu ce que j’ai dit au parrain du projet de loi. Par contre, mon expérience m’a appris que plus nous ajoutons de dispositions au Code criminel, plus les peines sont longues et sévères, moins il est probable que les gens soient tenus responsables de leurs actes, car ils font appel à des avocats. Et il y a les questions que la sénatrice Simons a soulevées de façon très claire. Je connais les gens qui se retrouvent dans le système à cause de cela.
Toutes les preuves, toutes les preuves recueillies par le gouvernement... tous les partis le savent, mais ils continuent à ajouter des dispositions au Code criminel comme si cela allait dissuader les gens ou changer les comportements, plutôt que de faire ce dont vous parlez, ce qui, nous le savons, changerait la donne. Il faut offrir plus de soutien et plus de ressources, surtout plus de ressources humaines dans les écoles, dans les hôpitaux, dans la collectivité. Mais nous continuons à ajouter des éléments au Code criminel et nous évitons de faire ce qui est véritablement nécessaire.
Pour ceux d’entre vous qui ne me connaissent pas — mes collègues, eux, me connaissent —, je vais être tout à fait transparente : je ne pense pas que ce projet de loi soit la voie à suivre, et je crains que chaque fois que nous proposons des mesures comme celle-là, nous ne fassions qu’alimenter la perception qu’elles résoudront le problème.
Je suis convaincue que ce projet de loi sera adopté. Là n’est pas la question. Est-ce que je pense que c’est une mauvaise chose d’être protégé? Bien sûr... enfin, je ne devrais pas dire « bien sûr que non ». La plupart des gens qui me connaissent savent que je dirais « bien sûr que non », mais est-ce que je pense que ce projet de loi nous permettra d’atteindre notre objectif? Pas le moins du monde, car la dissuasion ne vient pas de ce que dit la loi. C’est en soutenant les gens que nous pourrons probablement réduire la prévalence de ces comportements.
Monsieur Hills, vous en avez parlé. Qu’il s’agisse de travailler avec les infirmières, avec les travailleurs sociaux, avec mon voisin ambulancier, ou avec d’autres, c’est un problème partout : nous ne prenons pas soin des gens et cela entraîne les conséquences que vous voyez sur le terrain.
Le président : Sénatrice Pate, y a-t-il une question dans ce que vous venez de dire?
La sénatrice Pate : Si vous n’êtes pas d’accord avec ce que je dis, j’aimerais que vous me le disiez.
M. Hills : Je ne dirais pas que je suis en désaccord, et je ne pense pas qu’il faille choisir entre l’une ou l’autre de ces options. Je pense qu’il faut se doter de toutes ces mesures. Vous pouvez peut-être essayer de voir les choses de notre point de vue lorsque nous parlons d’un moyen de tourner la page. Je vais revenir au témoignage de Mme Ariss, si vous me le permettez. Disons que c’est un membre de la famille non provoqué qui lui a cassé la main. Pensez-vous qu’elle pourrait tourner la page si l’on reconnaissait que l’on s’était occupé d’elle, mais que l’on parlait peut-être moins de ce qu’il faut faire avec cette personne? Est‑ce...
La sénatrice Pate : Je pense que les accusations devraient avoir été portées d’emblée. Je ne pense pas que cette disposition soit nécessaire pour cela. Il s’agit de tous les autres problèmes dont vous avez parlé, de la réticence de la profession à prendre les choses au sérieux, du fait que l’on s’attend à ce que vous preniez les choses qui sont [difficultés techniques].
La sénatrice Clement : Il faut encaisser le coup, littéralement.
La sénatrice Pate : Oui. Si je pensais que cette loi allait changer la situation, je serais la première à l’appuyer. Là n’est pas la question. En adoptant cette mesure, nous nous donnons bonne conscience — sans vouloir offenser mes collègues —, mais nous perdons de vue les autres mesures que nous ne prenons pas.
Mme Ariss : Je ne crois pas qu’il faille choisir entre une mesure ou une autre. Je pense que ce projet de loi sera l’ultime filet de sécurité. Il entrera en jeu une fois que nous aurons mis en œuvre toutes les autres mesures qui ont été suggérées. Mais, en toute franchise, madame la sénatrice, cette situation dure depuis longtemps au Canada, et nous savons depuis longtemps que nous avons besoin de plus de ressources. Nous savons qu’il faut dépenser les sommes prévues dans le budget. Nous le savons, mais cette situation continue année après année, gouvernement après gouvernement.
La sénatrice Pate : Je suis d’accord.
Mme Ariss : Oui. Ce serait donc une importante première étape ; quelque chose de réalisable.
La sénatrice Pate : Là, je ne suis pas d’accord. Mais ce n’est pas... cela ne veut pas dire que je n’appuie pas ce que vous essayez de faire.
Le président : Merci à vous deux.
Voilà qui met fin à la série de questions. Je tiens simplement à dire que ce témoignage est bien sombre. Le travail que vous et vos collègues accomplissez nous remplit d’admiration. Nous vous admirons probablement encore plus que nous vous admirions avant que vous n’entriez dans la salle. Je pense que la question est la suivante : comment venir en aide aux bons samaritains? Il est ironique que cela doive être fait. Ce projet de loi est un pas en avant. On a fait valoir de façon convaincante que l’on fait un pas à la toute fin. La sénatrice Pate a fait valoir que, et ce n’est pas... ce projet de loi pourrait apporter une certaine aide, mais il ne propose pas vraiment de mesures préventives de la manière la plus évidente et la plus directe. Vous et certaines personnes autour de la table avez exprimé des préoccupations à cet effet, mais aucun d’entre vous ne s’est prononcé contre le projet de loi. Vous aimeriez toutefois que l’on en fasse plus.
Si vous le permettez, j’aimerais conclure et remercier chacun d’entre vous d’être venu nous parler, d’avoir répondu à nos questions de façon aussi franche et transparente, et de nous avoir grandement aidés à comprendre le contexte dans lequel ce projet de loi serait appliqué.
Monsieur Hills, madame Ariss, madame Kay, merci beaucoup. Votre présence ici dans cette salle donne encore plus de poids à l’importance que vous accordez à cette mesure pour vous, vos collègues et vos professions. Je tenais à vous en remercier.
Je voulais remercier les sénateurs pour la manière avec laquelle ils ont discuté avec nos témoins de questions très difficiles. Enfin, puisqu’il s’agit de notre dernière réunion cette semaine, je vous souhaite à tous une joyeuse Action de grâce. Notre intention, sous réserve de l’évolution de la situation, est de poursuivre l’étude de ce projet de loi à notre retour après le congé de l’Action de grâce. Le comité directeur élabore des plans précis à cet effet. Comme je l’ai dit, tout cela dépend de ce qui pourrait se passer cet après-midi ou ce soir. Merci à tous. Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)