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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 23 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires).

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs.

[Traduction]

Je m’appelle Brent Cotter. Je suis un sénateur de la Saskatchewan, et je suis le président du comité. J’invite mes collègues à se présenter à tour de rôle, en commençant par la vice-présidente, qui se trouve à ma gauche.

La sénatrice Batters : Denise Batters, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Carignan : Bonjour. Claude Carignan, du Québec.

Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, division De Lorimier, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Senior : Paulette Senior, de l’Ontario.

Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.

Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, sur le territoire Mi’kma’ki.

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de Chéticamp, en Nouvelle-Écosse.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Bienvenue et heureuse de vous voir. Je m’appelle Kim Pate, et j’habite ici sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le président : Avant de commencer, j’aimerais souhaiter la bienvenue aux nouveaux sénateurs présents parmi nous, même si ce n’est que temporairement. À titre d’information, le sénateur Arnot est le parrain du projet de loi au Sénat, et la sénatrice Batters en est la porte-parole.

Honorables sénateurs, nous nous réunissons aujourd’hui pour entreprendre l’étude du projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires).

Pour la première partie de notre réunion, nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable Arif Virani, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné de représentantes du ministère de la Justice du Canada, soit Julie Besner, avocate-conseil, Secteur du droit public et des services législatifs, et Nathalie Cyr, première conseillère législative adjointe et directrice, Secteur du droit public et des services législatifs.

Bienvenue à vous, monsieur le ministre, et à vos collaboratrices. Merci de vous joindre à nous. Avant de vous inviter à faire votre déclaration préliminaire d’une dizaine de minutes, j’aimerais prendre moi-même quelques minutes pour m’adresser à vous. Je n’ai pas l’habitude de faire cela, mais je ferai une exception cette fois-ci.

Pendant des années, avant d’être nommé sénateur, j’ai donné un cours de droit en éthique juridique. Chaque jour, j’essayais de raconter l’histoire d’un avocat aux étudiants. Mes histoires favorites étaient celles d’avocats qui avaient travaillé, souvent dans l’anonymat, au nom de clients cherchant à renverser des condamnations injustifiées. À mon avis, ce sont des héros. Je pense à des avocats comme Clayton Ruby, Archie Kaiser, Felix Cacchione, Steven Aronson, Anne Derrick et d’autres qui ont défendu Donald Marshall fils.

Plus près de chez nous, en Saskatchewan, en ce qui concerne David Milgaard, je me souviens de Hersh Wolch — qui n’est plus parmi nous — et de David Asper, qui a décrit son expérience de la représentation de M. Milgaard dans un livre intitulé In Search of the Ethical Lawyer, un recueil d’essais sur la pratique du droit et l’éthique.

Fait plus important et plus pertinent dans le contexte de notre discussion d’aujourd’hui, nombre des personnes qui ont été condamnées à tort par notre système de justice, mais en particulier M. Milgaard et M. Marshall, n’ont jamais été amères, même si une grande partie de leur vie a été gâchée en raison de condamnations injustifiées. Je suis convaincu que toute leur vie, elles se sont consacrées à améliorer le système de justice pour les autres.

Il y a quelques années, M. Milgaard a pris la parole à notre faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan devant un auditoire bondé d’étudiants en droit et d’avocats pour décrire son expérience et son engagement. Il a reçu l’ovation la plus importante, la plus forte et la plus longue que j’aie jamais entendue ou vue dans une faculté de droit canadienne — un petit témoignage de gratitude pour son immense contribution. Au cours de l’heure qu’il a passée avec eux, je crois que M. Milgaard a inspiré plus d’étudiants à poursuivre la justice avec intégrité que je ne l’ai fait en 30 ans d’enseignement. Son héritage, ainsi que le travail de ces avocats remarquables, nous rappellent la profonde responsabilité que nous avons dans l’examen de ce projet de loi et de ses répercussions sur notre système de justice.

Je vous cède maintenant la parole, monsieur le ministre. Je vous en prie.

Hon. Arif Virani, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, monsieur le président. Vous avez raison. Je n’ai jamais entendu un président de comité faire une déclaration liminaire comme celle-là, mais c’était très émouvant et très nécessaire, compte tenu de la gravité du projet de loi dont vous êtes saisis.

Merci de m’avoir invité. Il est agréable de voir des visages familiers et de nouveaux visages.

Je suis accompagné de Julie Besner, à ma droite, et de Nathalie Cyr, à ma gauche. Après ma déclaration, nous serons heureux de répondre à vos questions.

Je tiens d’abord à dire que ce projet de loi changera des vies. Une commission indépendante chargée d’examiner les erreurs judiciaires potentielles permettra de sauver des personnes innocentes et injustement condamnées et emprisonnées. Elle permettra à ces personnes innocentes d’être réunies à nouveau avec leurs proches. Les victimes d’actes criminels seront également mieux servies par un système de justice qui non seulement reconnaît les erreurs, mais les corrige, leur permettant ainsi de se rapprocher d’une véritable justice.

[Français]

Je suis reconnaissant à mon prédécesseur, David Lametti, de son leadership sur ce projet de loi. La promesse qu’il a faite à David Milgaard directement et à sa mère, Joyce, de le faire adopter repose maintenant entre mes mains et entre les vôtres. J’ai l’intention de tenir cette promesse. Je vous remercie d’étudier ce projet de loi et de nous rapprocher de cet objectif.

[Traduction]

Il est clair, honorables sénateurs, que le système actuel ne règle pas adéquatement le problème des condamnations injustifiées. De plus, il a échoué à offrir des recours aux femmes, aux peuples autochtones et aux personnes noires au Canada dans la même proportion que leur représentation dans les prisons canadiennes.

Ceux d’entre vous qui ont examiné l’analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS plus, ne manqueront pas de noter certaines des statistiques que je vais vous fournir maintenant. Si vous êtes un adulte autochtone, vous faites partie de 5 % de la population canadienne, mais vous représentez 33 % des admissions dans les établissements fédéraux. C’est 6,5 fois plus.

Si vous êtes une femme autochtone, vous faites partie de 4 % de toutes les femmes au Canada, alors que vous représentez 50 % de toutes les femmes dans les prisons fédérales. C’est 12 fois plus.

Si vous êtes un jeune Autochtone, vous faites partie de 8 % des jeunes Canadiens, mais vous représentez 50 % des jeunes admis dans un établissement fédéral. C’est six fois plus.

Si vous êtes un adulte noir, vous faites partie de 4 % de la population canadienne, mais vous représentez 10 % des admissions en détention fédérale dans quatre provinces de ce pays.

Si vous êtes un jeune Noir, vous faites partie de 4 % de la population, mais vous représentez 18 % des admissions dans les établissements fédéraux de trois provinces différentes.

Le système actuel s’appliquant aux condamnations injustifiées a été mis à jour pour la dernière fois en 2002. Depuis, un peu plus de 200 demandes de révision ont été présentées au Groupe de la révision des condamnations criminelles, ou GRCC, du ministère de la Justice. De ce nombre, 25 ont donné lieu à des renvois réussis aux tribunaux depuis 2002. Dans ce groupe de 25 personnes, il y avait cinq personnes racisées et aucune femme, donc 20 étaient des hommes blancs.

Ce chiffre ne se compare en rien au nombre d’erreurs judiciaires corrigées dans les pays qui ont des commissions indépendantes.

En créant une commission chargée des condamnations injustifiées accessible, proactive, efficace et diversifiée, nous disposerons d’un système plus juste et nous mettrons au jour plus de cas de ce genre.

J’aimerais souligner quelques caractéristiques de la commission qui, à mon avis, lui permettront d’atteindre efficacement les objectifs du projet de loi.

Une commission indépendante consacrée exclusivement aux examens des erreurs judiciaires accroîtra la confiance dans le processus d’examen et contribuera à améliorer l’accès à la justice en facilitant et en accélérant l’examen des demandes des personnes qui pourraient avoir été condamnées à tort. Avec cinq à neuf commissaires à temps plein ou à temps partiel et plus de personnel, la nouvelle commission aura la capacité d’examiner les demandes concernant des erreurs judiciaires plus rapidement que le système actuel.

[Français]

La nouvelle commission sera accessible aux demandeurs de partout au Canada. Elle offrira des services en français et en anglais, ainsi que des services de traduction et d’interprétation si nécessaire, compte tenu de la diversité des langues parlées au Canada. Ce projet de loi vise à améliorer l’accès à la justice. Je veux vous assurer que l’accès aux deux langues officielles ne sera pas un obstacle pour les demandeurs dans le nouveau système.

[Traduction]

La commission sera en mesure de communiquer de façon proactive avec les personnes qui pourraient avoir été condamnées à tort et de les aider dans la langue qu’elles comprennent, outre l’anglais et le français.

Si les demandeurs sont sans moyens, la commission aura le pouvoir de financer l’aide juridique.

Des mesures de soutien à la réintégration, comme un logement ou de la nourriture, pourraient également être offertes aux demandeurs dans le besoin pendant le processus d’examen. Ces mesures contribueront à élargir le bassin de demandeurs potentiels, en veillant à ce que la nouvelle commission rejoigne les personnes qui ne connaissent pas le processus ou qui font face à des obstacles pour accéder au système.

Permettez-moi de revenir aux chiffres que je vous ai donnés plus tôt. Entre 2002 et 2024, soit sur une période de 22 ans, nous avons reçu 200 demandes au Canada. Entre 1997 et 2024, soit une période un peu plus longue, l’Angleterre, le pays de Galles et l’Irlande du Nord ont reçu 32 000 demandes. Je ne pense pas que ce soit parce que le système de justice est si mauvais au Royaume-Uni. Je crois que c’est simplement parce que le modèle de recherche de cas est différent, et cela a été clairement démontré.

Les erreurs judiciaires sont désastreuses, non seulement pour la personne reconnue coupable, mais aussi pour les victimes d’actes criminels. La commission disposera d’un poste de coordonnateur des services aux victimes pour offrir du soutien. Ce coordonnateur aidera à l’élaboration de procédures appropriées, surtout en ce qui a trait à la notification des victimes et à leur participation, conformément à la Charte canadienne des droits des victimes.

Les consultations qui se sont tenues ont révélé que les Canadiens s’attendent à voir de la diversité au sein des commissaires, tant en termes d’identité personnelle que d’expérience vécue et de qualifications professionnelles. Nous avons décidé d’exiger qu’au moins un tiers, mais pas plus de la moitié, des commissaires soient des avocats.

Pourquoi avons-nous fait cela?

Nous voulons ainsi qu’il y ait des commissaires qui connaissent non seulement le droit, mais aussi des domaines importants comme le racisme systémique, la santé mentale et les déterminants sociaux de la criminalité. Bien que les condamnations injustifiées soient des erreurs de droit, elles découlent souvent d’injustices et d’échecs systémiques dans notre société, qui dépassent les limites du système de justice. Il est important que la commission ait l’expérience nécessaire pour bien tenir compte de ces réalités.

[Français]

Maintenant, je veux parler des réformes du projet de loi C-40 concernant les critères d’admissibilité, les pouvoirs d’enquête, le test juridique et les facteurs de renvoi. Le projet de loi C-40 modifie les critères d’admissibilité pour préciser que les plaidoyers de culpabilité, les absolutions inconditionnelles et sous conditions, ainsi que les déclarations de culpabilité régies par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents peuvent être examinés. De plus, les jugements de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux sont ajoutés à la liste des cas qui peuvent être examinés pour une erreur judiciaire.

[Traduction]

Nous avons pris la décision, en nous fondant sur les conseils de pays pairs, de ne pas inclure l’examen des peines dans les critères d’admissibilité à ce stade précoce de la mise en place de la commission. Un jour, j’espère qu’une commission solide et expérimentée sera en mesure d’inclure ceux qui cherchent à obtenir réparation pour une peine injuste. Pour l’instant, mon objectif est de créer une commission efficace qui peut gérer adéquatement sa charge de travail.

En règle générale, les demandeurs devront d’abord épuiser leurs droits d’appel avant que leur demande puisse être admise pour une révision. Toutefois, je signale que le projet de loi C-40 a été modifié par le Comité de la justice de la Chambre des communes pour permettre à la commission d’admettre une demande, alors qu’aucun appel n’a été demandé, dans des circonstances exceptionnelles. Le comité de la Chambre a entendu des témoins dire que, dans de très rares cas, l’épuisement obligatoire du processus d’appel peut entraîner des obstacles économiques ou liés à la preuve qui empêcheraient injustement les gens d’avoir accès à la commission. La prise en compte des exceptions suit le modèle adopté par la commission de l’Angleterre, du pays de Galles et de l’Irlande du Nord, dont je vous ai parlé plus tôt.

En évaluant s’il existe des « circonstances exceptionnelles », la commission doit tenir compte du temps écoulé depuis le jugement final du tribunal de première instance, ainsi que des raisons pour lesquelles la décision n’a pas été contestée, et elle doit savoir si la demande est soutenue par une nouvelle question importante qui n’a pas été prise en compte par les tribunaux, parmi d’autres facteurs.

Le projet de loi C-40 modifie le critère juridique permettant de renvoyer un cas devant les tribunaux. La commission doit avoir des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise et qu’il est dans l’intérêt de la justice de renvoyer un cas devant les tribunaux. Ce nouveau critère révisé nous vient de l’Écosse, où il est prévu d’exiger des motifs raisonnables qu’une erreur judiciaire ait pu se produire et de déterminer qu’il est dans l’intérêt de la justice qu’un renvoi soit fait. La Nouvelle-Zélande utilise également le critère de l’« intérêt de la justice », mais c’est le seul critère prévu pour le renvoi.

Nous croyons qu’un critère à deux volets encouragera les demandeurs légitimes à présenter une demande au Canada.

L’« intérêt de la justice » englobe à la fois les considérations relatives à l’administration de la justice et les circonstances individuelles. Il peut y avoir des cas où une condamnation injustifiée pourrait avoir un impact minime sur une personne, et la commission pourrait décider qu’elle n’a pas les ressources nécessaires pour s’occuper de ce cas. Par contre, il y a parfois des condamnations mineures qui ont des répercussions sur la vie et qui pourraient être traitées en priorité par la future commission. L’utilisation du critère de l’« intérêt de la justice » donne à la commission la souplesse nécessaire pour examiner les cas des personnes qui en ont le plus besoin, de la façon la plus efficace possible.

Le seuil actuel, qui dit qu’« une erreur judiciaire s’est probablement produite » — donc celui qui est compris dans la loi actuelle — a été critiqué pour être trop élevé et ne renvoyer que des affaires où l’erreur judiciaire est certaine. Les statistiques que nous avons vues vont dans le sens de cette perception.

Au Canada, je vous ai dit qu’il y avait 30 cas en instance, dont 25 se sont retrouvés sur le bureau de ministres de la Justice. Dans tous ces cas, il y a eu acquittement, suspension d’instance judiciaire ou condamnation pour une infraction moindre. Par contre, au Royaume-Uni, toutes les affaires ne sont pas annulées avec succès après un renvoi. Environ un tiers d’entre elles ne le sont pas. Ce seuil très élevé soulève des préoccupations réelles, car certaines erreurs judiciaires peuvent être négligées.

Je vous dirais, honorables sénateurs, qu’avec le projet de loi C-40, nous faisons un pas de plus vers la liberté pour les innocents dont la vie a été transformée de façon irréparable à cause d’une erreur judiciaire. Je m’engage à prioriser l’établissement de cette commission le plus rapidement possible. Le financement de la commission a été engagé dans le budget de 2023, alors nous sommes prêts à agir dès que le projet de loi C-40 recevra la sanction royale. J’espère que cette commission pourra commencer à aider les gens dans les 12 mois suivant la sanction royale.

Je terminerai par un extrait de la chanson de nul autre que Gord Downie, de Tragically Hip, en hommage à David Milgaard lui-même, le même David Milgaard dont le sénateur Cotter a parlé, extrait qui dit essentiellement qu’il est inutile de se complaire dans le passé.

Je crois qu’il est temps d’adopter ce projet de loi et d’inaugurer une nouvelle ère pour notre système de justice. C’est la tâche capitale qui nous attend en tant que parlementaires.

Merci beaucoup de votre temps. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Nous allons commencer par les questions du parrain du projet de loi, le sénateur Arnot, puis celles de la sénatrice Batters, porte-parole du projet de loi et vice-présidente de notre comité.

Le sénateur Arnot : Merci beaucoup, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui, et merci d’avoir présenté ce projet de loi. Je pense qu’il s’agit de l’une des modifications les plus importantes du Code criminel des 70 dernières années, qui vient combler une lacune. J’apprécie beaucoup la façon dont ce projet de loi a été élaboré.

J’ai eu des conversations au sujet de ce projet de loi avec certains sénateurs. J’aimerais que vous commentiez la question qui m’a été posée. Étant donné la nature élargie de ce qui pourrait être considéré comme une erreur judiciaire ou une nouvelle question importante, comment le projet de loi C-40 protège-t-il contre une utilisation excessive ou abusive de ces dispositions?

M. Virani : Sénateur Arnot, je vous remercie de la question et du rôle que vous jouez en tant que parrain du projet de loi. Ce que je dirais, c’est qu’en créant une nouvelle commission, nous ciblons un problème que nous avons identifié, soit le manque d’accès à ce recours, parce qu’il n’a été utilisé que par 200 demandeurs en plus de 20 ans. La mise en œuvre de ce que nous espérons être un nouveau processus pour la commission, qui se traduira par un meilleur accès à la justice pour les gens de partout au pays, devrait nécessairement donner lieu à un afflux de demandeurs. Je pense que les mesures de protection qui sont en place sont les critères qui doivent être utilisés, les facteurs qui doivent être pris en compte et qui sont prévus dans la loi pour déterminer ce qui constituerait une erreur judiciaire potentielle et ce qui guiderait la prise en compte de l’« intérêt de la justice ».

Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, je pense qu’une autre mesure de protection importante, c’est que nous n’examinons que les condamnations qui ont été prononcées et non pas des choses comme les peines, ce qui aide à circonscrire le rôle que jouera la commission et l’ampleur du travail qu’elle entreprendra au cours de ces premières étapes.

Je pense que le fait de prévoir un financement de plus de 80 millions de dollars dans le budget de 2023 permettra à la commission d’avoir suffisamment de personnel et de ressources pour traiter l’afflux de cas qui pourraient lui être soumis.

Le sénateur Arnot : J’ai une petite question complémentaire. Étant donné que le projet de loi C-40 introduit l’idée d’une nouvelle question importante, qui pourrait englober de nouvelles preuves ou de nouveaux renseignements juridiques, pourriez-vous, vous ou vos collègues, donner des exemples de la façon dont les précédents juridiques ou les progrès scientifiques pourraient être admissibles en vertu de cette disposition?

M. Virani : Je vais essayer de répondre et je céderai peut-être ensuite la parole à Me Besner. Évidemment, nous avons vu beaucoup de changements dans la loi au cours des dernières décennies, mais aussi dans les sciences et la technologie. Il fut un temps au Canada où la preuve reposant sur l’ADN n’aurait pas été comprise ou envisagée. D’autres progrès ont été enregistrés dans la technologie électronique, la preuve électronique, la preuve technique et la preuve numérique, et cela pourrait faire partie des questions importantes que la commission pourrait prendre en compte.

Me Julie Besner, avocate-conseil, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice Canada : Je pourrais ajouter trois petits points. Ce facteur figure actuellement dans le Code criminel et sera conservé. Si vous examinez très attentivement le libellé, vous verrez qu’il est question de déterminer si une demande repose sur de nouvelles questions importantes, de nouvelles preuves ou de nouveaux renseignements. Ce n’est donc pas quelque chose qui est ajouté. Cela a été interprété par plusieurs tribunaux et, en fait, peut englober des choses comme l’évolution de la science et même de nouvelles lois, comme vous l’avez dit.

Je peux citer deux cas en particulier, soit l’arrêt Hart de la Cour suprême du Canada, qui a fait ressortir que certaines opérations d’infiltration pourraient équivaloir à de la coercition, qui pourrait équivaloir à une erreur judiciaire. Cela peut donc être considéré comme une nouvelle question importante, qui n’est pas nécessairement une simple question de preuve, mais une question de droit. L’arrêt Lavallee est un autre exemple, avec l’examen de la légitime défense, qui découle de la décision de la Cour suprême par suite de l’évolution du droit.

Le président : Merci à vous deux.

La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, pourquoi l’analyse comparative entre les sexes plus de votre gouvernement pour ce projet de loi en dit-elle si peu sur les femmes victimes de crimes violents, alors qu’elle fournit une petite quantité d’information pour d’autres groupes particuliers?

M. Virani : Excusez-moi, quelle était la dernière partie de votre question? Pourriez-vous répéter la dernière partie?

La sénatrice Batters : L’analyse comparative entre les sexes plus contient très peu de renseignements sur les femmes qui ont été victimes de crimes violents, mais une petite quantité d’information pour d’autres groupes particuliers.

M. Virani : J’ai bien regardé l’analyse comparative entre les sexes plus, parce que je m’attendais à certaines questions de votre part à ce sujet, sénatrice Batters, et je vous remercie de votre constance à cet égard. Cela fait plaisir à voir. L’analyse comparative entre les sexes plus tient compte, premièrement, du simple fait qu’en 22 ans, nous n’avons renversé aucune condamnation injustifiée de femme. C’est le premier point. Les statistiques que je vous ai présentées prennent également en compte l’effet pernicieux de la surreprésentation des femmes autochtones dans nos prisons. Il est aussi mentionné — je crois que cela figure à la page 2 de l’analyse comparative entre les sexes plus, où il est question du fait que des femmes — en particulier des femmes victimes de violence, ce qui inclurait la violence fondée sur le sexe — ont souvent plaidé coupable... alors qu’elles avaient peut-être accès à des arguments de légitime défense.

On reconnaît également que les inégalités systémiques, y compris la discrimination et la violence dont sont victimes les femmes, les ont souvent incitées à plaider coupable, parfois inutilement. Il est donc question de cet aspect dans l’analyse comparative entre les sexes plus.

La sénatrice Batters : J’ai bien vu cela, mais ma question portait plus précisément sur les femmes qui sont victimes de crimes violents. L’analyse ne fait pas état du pourcentage de femmes qui sont victimes d’un crime violent, mais elle fournit des pourcentages pour d’autres groupes précis. Elle ne présente pas de pourcentages des femmes qui ont été reconnues coupables de crimes violents au Canada. Quoi qu’il en soit, j’aimerais bien que vous me fournissiez quelques renseignements supplémentaires. Mais je vais passer à autre chose. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé du critère beaucoup plus faible que prévoit actuellement le projet de loi C-40, à savoir que la commission devra déterminer si elle a :

[...] des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise et qu’il est dans l’intérêt de la justice de renvoyer le cas devant les tribunaux.

Le projet de loi ne définit pas l’« intérêt de la justice ». Monsieur le ministre, en ce qui a trait à ce critère à deux volets, je me demande dans quelle situation un appel en raison d’une erreur judiciaire possible pourrait être nécessaire, mais ne servirait pas l’« intérêt de la justice »?

M. Virani : C’est une question importante, sénatrice Batters. Je vous dirais que l’ajout du facteur de l’« intérêt de la justice » vise par exemple bon nombre des cas que j’ai vus personnellement en tant que ministre, mais qui font aussi partie de cette série de 25 affaires au cours des 22 dernières années, qui ont entraîné des peines importantes pour des crimes très graves, souvent des meurtres et des peines d’emprisonnement à perpétuité. Ce que le critère de l’« intérêt de la justice » permettrait d’ajouter, c’est un peu de souplesse pour une commission future qui pourrait examiner ce qui constitue une infraction plus mineure — peut-être une agression, un vol qualifié ou une introduction par effraction, etc. — entraînant une peine moins sévère, mais pouvant avoir des conséquences très graves pour la personne.

Qu’est-ce que j’entends par là? Il pourrait s’agir de la capacité d’une personne d’avoir un emploi rémunéré, de conserver son logement, dans le cas d’un logement supervisé ou d’un logement géré par l’État, ou encore d’avoir accès à ses enfants en cas de conflit familial. Donc, en ajoutant ce critère, on ajoute un élément de discrétion supplémentaire qui permettrait la présentation d’un plus grand nombre de demandes.

Pour ce qui est de votre dernier point, nous nous engageons à vous fournir de plus amples renseignements. Parliez-vous des victimes d’actes criminels qui finissent par être condamnées ou seulement des femmes victimes d’actes criminels?

La sénatrice Batters : Les victimes de crimes violents.

M. Virani : D’accord. Je n’avais pas bien compris au départ.

La sénatrice Batters : En ce qui concerne ce dont vous venez de parler, je vais faire une brève remarque et passer à ma dernière question. Selon moi, un appel en raison d’une erreur judiciaire possible servira toujours l’intérêt de la justice. Si vous avez un exemple où ce ne serait pas le cas, j’aimerais bien que vous m’en fassiez part.

Ma dernière question est la suivante. Comme vous l’avez expliqué brièvement dans votre déclaration préliminaire, dans le cadre du système actuel, les membres du Groupe de la révision des condamnations criminelles du ministère de la Justice, qui examine les cas qui sont envoyés au ministre de la Justice, sont tous des avocats.

C’est important, à mon avis, en raison de la gravité de la question. Mais en vertu de votre nouveau projet de loi, qui prévoit un système différent, pas moins du tiers, mais pas plus de la moitié des commissaires doivent être des avocats ayant au moins 10 ans d’expérience en droit criminel. C’est donc dire que, selon le projet de loi, l’autre moitié des commissaires ne sera pas constituée de criminalistes ayant 10 ans d’expérience.

Monsieur le ministre, je trouve cette insistance sur la présence de personnes autres que des avocats surprenante pour une commission de révision judiciaire dotée de pouvoirs d’enquête, qui peut renvoyer des cas devant les tribunaux pour un appel ou un nouveau procès.

Le quorum de votre nouvelle commission est constitué de la moitié des membres, mais le projet de loi C-40 ne précise pas si ce quorum devrait inclure le commissaire en chef ou même des avocats commissaires. Est-ce bien le cas? Pourquoi ces éléments clés ne figurent-ils pas dans votre projet de loi?

M. Virani : Je tiens à souligner que ce que nous essayons de faire, c’est de nous assurer que l’évaluation faite par la commission repose sur une analyse exhaustive et holistique. Lorsqu’il est question de l’intérêt de la justice, il est aussi question des aspects obligatoires de la loi qui concernent les groupes surreprésentés et les obstacles systémiques, y compris ceux auxquels font face les Canadiens autochtones et noirs.

Le fait d’établir dans le projet de loi et de préciser dans le texte que le tiers ou la moitié des commissaires sont des avocats laisse supposer que le reste devrait avoir une expertise dans certains domaines liés à l’inégalité systémique. Il pourrait s’agir d’universitaires, de travailleurs sociaux, de spécialistes des inégalités systémiques ou de spécialistes de la santé mentale et de la toxicomanie, par exemple.

En ce qui concerne la première partie de votre question, il s’agit d’une commission indépendante qui sera créée de manière à déterminer la nature du quorum établi pour un cas donné. J’ai une confiance absolue dans la capacité des commissaires d’exercer cette fonction et de s’assurer qu’il y a une expertise juridique. Le mandat des commissaires est de comprendre la loi, mais aussi les obstacles systémiques. Je suis certain que c’est ce qu’ils s’emploieront à faire.

La sénatrice Batters : Vous n’allez donc pas exiger que le quorum comprenne des avocats, même pas dans les règlements?

M. Virani : Je pense qu’en exigeant que le tiers ou la moitié des commissaires soient des avocats, il serait difficile de trouver une situation où le quorum demandé pour un examen donné ne comporterait pas de représentation d’avocats.

En tout respect, j’aimerais aussi vous corriger sur un aspect. Il ne s’agit pas d’usurper le rôle d’un tribunal ou de fonctionner comme un tribunal. La commission procède à une évaluation fondée sur des critères, puis renvoie l’affaire à un tribunal de première instance ou à un tribunal d’appel pour qu’une décision finale soit rendue.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, monsieur le ministre. Cela fait un moment qu’on vous avait vu.

Ma question concerne le budget. Vous avez parlé de 80 millions de dollars sur cinq ans, ce qui fait environ 16 millions de dollars par année. Comment ce montant se compare-t-il avec le budget actuel du Groupe de la révision des condamnations criminelles, qui est formé d’une équipe d’avocats, de parajuristes et d’un directeur? Se trouve-t-on à doubler, voire à tripler les ressources, ou est-ce à peu près l’équivalent en termes de ressources?

M. Virani : Je vais demander à Me Besner de répondre en ce qui concerne le budget du Groupe de la révision des condamnations criminelles.

Me Besner : Je peux vous aider là-dessus. Le budget qui est proposé pour la nouvelle commission a été mentionné, et il est de 18,7 millions de dollars par année après les cinq premières années. Le budget actuel pour le Groupe de la révision des condamnations criminelles est de 1,2 million de dollars. Donc, si on fait la multiplication, c’est 15 fois plus. Je dois vous mentionner que le budget actuel du Groupe de la révision des condamnations criminelles est compris dans la demande pour le budget total de la commission. Le budget brut pour la commission serait d’environ 17,5 millions de dollars de nouvelles ressources.

Le sénateur Dalphond : C’est 1,2 million de dollars pour le Groupe de la révision des condamnations criminelles?

Me Besner : Oui.

Le sénateur Dalphond : Est-ce que cela comprend les mandats externes?

Me Besner : Oui.

Le sénateur Dalphond : Parfois, il y a un juge retraité qui est investi du dossier pour faire une enquête, ou alors un avocat. Cela peut prendre jusqu’à deux ans.

Me Besner : Cela comprend justement les ressources pour le conseiller spécial sur les erreurs judiciaires qui était, à l’époque, le juge à la retraite Fish. Cela comprend également des avocats ou des enquêteurs qui sont parfois embauchés à l’extérieur lorsque les demandes sont plus volumineuses.

Le sénateur Dalphond : Il y aura une période de transition où il y aura les deux, parce que le Groupe de la révision des condamnations criminelles va compléter certains dossiers et la commission va commencer à traiter de nouveaux dossiers. Éventuellement, nous aurons une commission qui fonctionnera avec un budget de 17,5 millions de dollars par année, par opposition au système actuel, qui coûte 1,2 million de dollars. Peut-on penser qu’il y aura au moins 10 à 12 fois plus de ressources disponibles pour les gens qui feront une demande?

M. Virani : C’est absolument nécessaire, monsieur le sénateur, parce que l’aspect et les pouvoirs sont beaucoup plus larges vis-à-vis de l’accès à la justice. Il y a aussi le fait qu’il faut entrer dans les prisons et que l’on doit communiquer avec les prisonniers dans les deux langues officielles, mais aussi dans d’autres langues, comme les langues autochtones. On doit prévoir des ressources pour l’aide juridique, la nourriture, le logement, si c’est nécessaire. Il faut avoir les investissements nécessaires pour soutenir tout cet aspect, car le mandat est beaucoup plus large.

Le sénateur Dalphond : Les chiffres que vous nous donnez illustrent de façon très parlante le virage culturel que l’on veut faire. Ce n’est plus une exception, avec un petit groupe qui travaille là-dessus, mais une commission qui aura un budget énorme, 10 à 15 fois plus important, et qui aura probablement plus d’employés, non seulement quelques-uns, mais une centaine. On pense à quelque chose de beaucoup plus important.

Merci beaucoup pour les chiffres. Cela m’aide beaucoup. J’avais cherché à les obtenir depuis un moment, même au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je suis donc très heureux de les entendre.

J’aurais une autre question en ce qui concerne les mesures transitoires. L’article 13 du projet de loi prévoit ce qui suit :

Il est entendu que le rejet par le ministre d’une demande présentée en vertu de l’ancien régime n’empêche pas la présentation d’une demande en vertu du nouveau régime.

Cela veut donc dire qu’au début, plusieurs personnes qui ont été refusées dans l’ancien système frapperont à la porte de la commission. Viendront s’ajouter à ce nombre toutes les autres qui n’étaient pas admissibles, parce qu’elles avaient été déclarées non aptes à subir un procès ou qu’elles étaient des jeunes, par exemple. On s’attend à ce que les premières années soient des années où l’on recevra plusieurs demandes?

M. Virani : C’est tout à fait possible. De façon très candide, ce que je peux souligner, c’est que maintenant, si vous êtes parmi le groupe de 30 personnes des 22 dernières années, vous êtes chanceux, parce que des avocats privés ont identifié votre cas. Le fait que l’on n’ait aucune femme et seulement cinq personnes racisées, alors que l’on constate une surreprésentation des Autochtones et des personnes de race noire... Ce n’est pas probable, statistiquement, qu’on ait trouvé tous les cas. On évite une situation où il faut être chanceux si l’on est visé par un cabinet comme celui de James Lockyer, et on remplace tout cela par un système avec une commission qui aura ses propres ressources pour se rendre dans les prisons afin de discuter avec les prisonniers et de les renseigner sur leur droit de faire une demande.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Je vous remercie d’avoir parlé plus tôt de Donald Marshall fils, avec qui ma famille était amie dans le temps.

Merci, monsieur le ministre, d’être venu témoigner.

Vous avez indiqué dans votre déclaration le nombre de demandes. En plus de 20 ans au Canada, 200 demandes ont été présentées. Vous avez parlé de 32 000 demandes au Royaume-Uni. Il s’agit certainement d’un problème d’accès à la justice, et vous avez mentionné que certaines erreurs judiciaires sont laissées de côté, comme en fait foi cette simple différence de chiffres.

En 2021, lorsque le ministre Lametti a demandé aux deux juges à la retraite d’entreprendre des consultations pour une commission indépendante, un rapport a été publié. Je voulais simplement me reporter à un élément de ce rapport.

Les 20 renvois accordés par le ministre depuis 2022, tous concernant des hommes, dont un concernant un homme autochtone et un autre, un homme noir, ne reflètent pas la population à risque d’erreurs judiciaires, comme le démontre la surreprésentation des Autochtones et des Noirs dans les prisons canadiennes. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les raisons de cette situation?

M. Virani : Je peux vous dire que les chiffres ont légèrement changé. Nous en sommes maintenant à 25 cas renversés, dont 5 concernent des personnes racisées. Ce groupe, qui est constitué exclusivement d’hommes, inclut les Canadiens autochtones et noirs.

Je peux vous dire que dans le contexte de ce que j’ai appris au sujet de ce projet de loi et de ce que j’ai lu au sujet de la Commission canadienne d’examen des affaires pénales au Canada, dirigée par les juges Juanita Westmoreland-Traoré et Harry LaForme, un problème majeur a été cerné, à savoir que nous n’arrivons tout simplement pas à trouver ces cas.

Comme je l’ai expliqué au sénateur Dalphond, il semble y avoir une question de chance ou de situation au Canada jusqu’à maintenant, un dossier ne progressant pas à moins d’avoir la chance de disposer des ressources et du soutien juridique nécessaires pour pouvoir soumettre une demande.

Ce que nous essayons de faire, c’est de nous pencher sérieusement sur la surreprésentation systémique, ce sur quoi le gouvernement s’est beaucoup concentré. Vous avez vu ce que nous avons fait dans d’autres domaines, comme les peines minimales obligatoires, qui étaient très en vogue sous les gouvernements précédents. Nous avons essayé de renverser bon nombre d’entre elles, qui ont eu un effet pernicieux sur les Noirs et les Autochtones au pays. Cela a été utile.

Ce que nous essayons maintenant de faire avec ce projet de loi, c’est de contribuer à l’avancement de la lutte contre le racisme systémique et anti-noir et de la lutte contre le racisme envers les Autochtones, à vrai dire, et de faire progresser la réconciliation. Ce projet de loi représente une façon directe d’y arriver.

J’ai eu ces conversations avec des dirigeants autochtones partout au pays. Lorsqu’on leur explique le projet de loi C-40, ils comprennent son importance. Il convient de souligner que nous devons non seulement rejoindre ces populations surreprésentées, mais le faire d’une manière qui est compréhensible et accessible pour elles, dans la langue de leur choix.

Avant de venir ici, j’ai demandé aux fonctionnaires si cela pouvait signifier une intervention en cri avec un prisonnier dans les Prairies. Ils m’ont répondu que cela était tout à fait possible. C’est quelque chose que la commission serait habilitée à faire grâce à certaines des ressources dont parlait le sénateur Dalphond. Cela permettra de faire bouger ces statistiques.

Le sénateur Prosper : Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Tout d’abord, le projet de loi ne semble pas couvrir les cours martiales. Est-ce voulu ou ai-je mal lu? Y a-t-il une disposition qui permet d’inclure les cours martiales? Y a-t-il des erreurs judiciaires en cour martiale?

M. Virani : Un instant.

Me Besner : Vous soulevez de bonnes questions. Je crois que de la manière dont c’est libellé dans le projet de loi, il s’agit de condamnations en vertu du Code criminel, d’une autre loi fédérale ou d’un autre règlement. Si l’on parle d’une condamnation imposée par un autre tribunal, je ne pense pas que cela les exclurait du régime.

Le sénateur Carignan : Pourriez-vous me confirmer que c’est bel et bien inclus, pour que l’on comprenne bien l’intention du législateur? Merci. L’autre point porte sur le volume. Je regardais le critère de revue en Angleterre, et on parlait d’une possibilité réelle que la condamnation soit renversée. Dans les statistiques anglaises, on indiquait que, depuis 1995, des milliers d’affaires ont été renvoyées, et que 70 % de ces cas ont mené à une annulation de la peine. C’est un nombre très élevé. On a un critère qui ouvre la porte à une révision dans le projet de loi C-40 qui est moins sévère que celui de l’Angleterre, puis on a des cas qui sont sous-évalués. Vous avez expliqué cela, monsieur le ministre, par l’entremise de la question de la discrimination systémique, particulièrement à l’endroit des personnes noires et autochtones.

Pensez-vous vraiment que 17 millions de dollars seront suffisants pour soutenir la quantité impressionnante de demandes qui seront présentées, compte tenu des critères, de la sous-évaluation et de tout ce qu’on a ici? Il me semble que ce n’est pas suffisant. Je vous dis cela parce qu’on crée des commissions — on vient de discuter de l’une de ces commissions relativement au projet de loi C-20 au Comité sénatorial permanent des finances nationales —, on entend des commissaires qui indiquent ne pas avoir de ressources, qui affirment que des délais sont nécessaires, qu’ils ne sont pas en mesure de traiter les dossiers, et pourtant, ils ont des fonds. Qu’en pensez-vous?

M. Virani : Voici une précision qui sera utile. Entre 1997 et 2024, 32 000 demandes ont été faites au Royaume-Uni — Angleterre, pays de Galles et Irlande du Nord — et de ce nombre, environ 900 ont été bien reçues et livrées à la cour, et 580 ont été renversées.

Le sénateur Carignan : Donc, c’est environ 70 %. Il faut quand même les traiter.

M. Virani : Oui. Cela fera augmenter le nombre de demandes. J’aimerais souligner qu’on a visé une augmentation 10 ou 12 fois plus importante pour le budget que ce qui est déjà investi dans le Groupe de la révision des condamnations criminelles (GRCC); on a déjà augmenté les fonds et une révision de ce projet de loi aura lieu après les cinq premières années. À ce moment-là, donc en 2028 ou 2029, il faudra voir si un plus grand investissement est nécessaire pour traiter les demandes. On regardera les chiffres; on présume qu’il y aura une augmentation des demandes, mais pour le moment, on pense que 18 millions de dollars par année seront suffisants. Il s’agit d’une augmentation de 12 fois plus que maintenant.

Le sénateur Carignan : Ce n’est pas limité. Si la cour ou la commission s’adresse au ministre de la Justice en 2026 et demande des sommes supplémentaires, le gouvernement a-t-il le pouvoir d’en attribuer? Y a-t-il un plafond?

M. Virani : Il n’y a pas de plafond et on peut avoir une révision. Mon rôle ou celui de mon successeur est de nommer les commissaires et de déposer un rapport annuel au Parlement qui, j’imagine, dira que tout fonctionne bien avec le nombre d’employés, mais qu’il faut un plus grand financement parce qu’il y a plus de cas que ce qui avait été escompté. Il y aura un dialogue entre la commission et le prochain gouvernement, absolument.

Le sénateur Carignan : Le Sénat devra exercer son rôle de surveillance.

M. Virani : Comme vous le faites toujours.

Le sénateur Aucoin : Bonjour, monsieur le ministre. En tant qu’avocat en droit criminel pendant une partie de ma pratique et en tant que militant de longue date en faveur des droits linguistiques en Nouvelle-Écosse, j’accueille très favorablement la création d’une commission indépendante d’examen d’erreurs du système judiciaire qui remplace le processus actuel de révision ministérielle.

Je suis cependant préoccupé par l’absence d’exigences concernant la compréhension des deux langues officielles par les commissaires qui seront nommés. L’article 696.73 du projet de loi C-40 dispose que lorsque le ministre formule des recommandations pour les nominations au poste de commissaire, il doit chercher à refléter la diversité de la société canadienne et tenir compte des facteurs comme l’égalité des genres.

On ne peut s’empêcher d’être d’accord avec ce passage du projet de loi C-40, mais n’aurait-on pas pu s’inspirer de l’article 16.1 de la Loi sur les langues officielles et tenir compte de l’importance de l’accès égal à la justice dans les deux langues officielles? Dans votre présentation, vous avez dit que les services seraient offerts dans les deux langues officielles. Pourquoi n’a-t-on pas ajouté à l’article 696.73, qui parle de la nomination d’un commissaire, qu’il faudrait également tenir compte de la Loi sur les langues officielles parmi les autres facteurs énumérés? J’aimerais vous entendre là-dessus.

M. Virani : Je vous remercie de la question. La commission est fondée sur l’accès à la justice. Si l’on regarde la commission sous ce point de vue, il est nécessaire de livrer les services dans les deux langues officielles, et c’est ce qu’on garantira. On mentionne aussi dans le projet de loi, soit le texte que vous avez devant vous, qu’il faut avoir une diversité parmi les commissaires. Cette diversité doit inclure le fait qu’il faut assurer un plus grand respect professionnel, comme l’a mentionné la sénatrice Batters, et cela inclut les avocats, par exemple. Puis, il faut se demander s’il y a parmi les commissaires un grand nombre de personnes issues de groupes surreprésentés dans les prisons, comme les Autochtones et les Noirs. En ce qui a trait à la priorité de livrer les services dans les deux langues officielles, il est sûr que les audiences de la commission se dérouleront de façon complètement bilingue et que la commission livrera des services bilingues en observant la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Aucoin : Merci. Oui, je comprends cela et on a déjà répondu à cette question de la même façon. Mais si les commissaires sont nommés à la discrétion du ministre, s’il n’y a aucune référence à la Loi sur les langues officielles — ce qui serait assez simple à ajouter dans le projet de loi —, pourquoi ne le faisons-nous pas?

À l’avenir, on pourrait se retrouver sans commissaire ayant des compétences dans les deux langues officielles du Canada. Pourquoi n’inclut-on pas ce critère dans le projet de loi?

M. Virani : La chose la plus importante est de toujours viser les clients de cette commission. Les clients sont des prisonniers. On se doit de les soigner et de les assister dans leur langue, que ce soit en anglais, en français ou une langue autochtone. C’est ce que l’on vise, et c’est beaucoup plus important que le nombre de commissaires officiellement bilingues. Ce que l’on a beaucoup souligné à la Chambre des communes, c’est qu’il faut livrer les services de façon bilingue. C’est ce que l’on fera. Nous sommes un pays bilingue et nous allons livrer les services de façon bilingue.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Je suis heureuse de vous revoir, monsieur le ministre. Mes collègues savent maintenant que, comme j’ai été journaliste pendant 30 ans, j’ai toujours une histoire à raconter. Cela me rappelle un cas au sujet duquel j’avais écrit il y a quelques années, celui d’un homme du nom de Darcy, un charmant escroc qui avait été condamné à tort pour possession de bien volé et pour fraude. Il avait purgé toute sa peine de trois ans parce qu’il avait refusé d’admettre qu’il avait commis ce crime. Il avait un casier judiciaire bien rempli, mais il a toujours insisté pour dire qu’il n’avait pas commis ce crime particulier. Un policier à la retraite a fini par se pencher sur sa cause et a fait enquête. Le ministre de l’époque, Irwin Cotler, avait ordonné la tenue d’un nouveau procès, qui a ensuite été suspendu parce qu’il n’y avait vraisemblablement aucune probabilité raisonnable de condamnation.

Si je comprends bien, le projet de loi C-40 ne prévoit pas de moyen d’obtenir un pardon ou une suspension de casier, et la seule ressource possible est la tenue d’un nouveau procès. Dans certains cas, il serait ridicule de tenir un nouveau procès. Cet homme a purgé toute sa peine de trois ans, après quoi l’ancien ministre Cotler a reconnu qu’il n’avait pas commis le vol de voiture en question.

Je me demande s’il ne devrait pas y avoir une autre ressource que d’ordonner la tenue d’un nouveau procès dans les cas où il est évident qu’il y a eu erreur judiciaire, c’est-à-dire annuler le verdict ou ordonner un pardon.

M. Virani : Merci beaucoup de votre question très pertinente, sénatrice Simons. Pour ce qui est du premier aspect, c’est-à-dire les dispositions législatives, tout est fait en conformité avec les règles du Code criminel dans leur forme actuelle, c’est-à-dire que les cas passent par le système, par le Groupe de la révision des condamnations criminelles, et finissent par se retrouver sur mon bureau pour qu’une décision soit rendue quant à savoir si l’affaire est portée devant un tribunal de première instance ou une cour d’appel. Nous pourrions aussi redéfinir cela et mettre sur pied une commission d’examen des erreurs judiciaires pour éliminer presque entièrement le rôle que je joue.

Pour ce qui est des questions de pardon ou de suspension de casier, elles dépassent la portée du Code criminel proprement dit et relèvent d’autres lois qui sont à juste titre de la compétence de mon collègue, le ministre de la Sécurité publique.

Nous avons envisagé la question de façon générale. Des mesures ont certainement été prises. Le personnel du ministère me corrigera si je me trompe, mais pour ce qui est des demandes de pardon, nous avons essayé d’accélérer le processus et de réduire les coûts.

Comme je l’ai dit au début, nous examinons les condamnations, et non les peines. Comme il en a été question avec le sénateur Carignan, si les rapports annuels montrent qu’un autre recours pourrait être utile pour la personne qui a été lésée, dans le contexte peut-être plus global des autres changements législatifs qui doivent être apportés, cela pourrait faire partie du rapport annuel et être étudié dans les années à venir.

La sénatrice Simons : L’absence de mesures en matière de détermination de la peine me préoccupe également. Il y a beaucoup de cas de personnes reconnues coupables qui se voient imposer une peine disproportionnée. Nous avons vu récemment l’affaire Naslund, en Alberta, la sénatrice Pate ayant joué un rôle important pour aider l’accusée à obtenir gain de cause. Mais ce n’est pas tout le monde qui peut compter sur une Kim Pate ou une Mona Duckett, qui était l’avocate, pour obtenir de l’aide.

Je vous encourage à inclure la détermination de la peine. J’aimerais aussi que vous vous demandiez si un nouveau procès est la bonne solution dans une affaire où il y a eu une erreur de justice manifestement absurde et où une suspension ne signifie pas la même chose qu’un verdict de non-culpabilité. Le simple fait de suspendre les accusations me semble un recours insuffisant.

M. Virani : Je vous entends, sénatrice Simons. Ce que je vous dirais, c’est qu’il ne faut pas oublier que, même avec le système actuel ou le système envisagé ici, ni moi ni la future commission chargée d’enquêter sur les erreurs judiciaires ne remplacerons le rôle de la cour. Ce n’est pas à nous de décider de la culpabilité ou de l’innocence. Il faut un renvoi pour un nouveau procès ou un appel.

Dans les affaires que j’ai traitées au cours des 15 derniers mois, la réponse de certains tribunaux du pays a été, en l’espace de quelques heures, de suspendre ou de retirer les accusations et de ne même pas tenir de procès parce que l’issue était très évidente.

Je comprends votre point de vue à ce sujet. Ce sera un processus itératif. Je saisis bien ce que vous dites au sujet de la détermination de la peine. Je dois porter plusieurs chapeaux en même temps.

J’ai justement rencontré des gens de votre coin de pays dans le cadre d’une réunion fédérale-provinciale-territoriale, et nous avons parlé de la façon dont nous pourrions être plus souples en matière de détermination de la peine. L’Alberta était très intéressée par les évaluations de l’incidence de l’origine ethnique et culturelle, qui sont pertinentes pour les accusés noirs. Il faut en arriver à une compréhension holistique, avant la détermination de la peine, de ce qu’une personne a vécu dans sa vie et qui l’a menée au crime commis. C’est important, et nous augmentons le financement à cet égard, ce que nous venons de faire dans le budget de 2024 pour élargir la portée de cela. J’ai été heureux que le ministre Amery, en Alberta, s’intéresse à cette disposition.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

La sénatrice Pate : Merci encore, monsieur le ministre. Vous avez mentionné le rapport des juges LaForme et Westmoreland-Traoré. J’ai été extrêmement préoccupée de voir dans leur mémoire que :

les Canadiens, et surtout, les victimes d’erreurs judiciaires, ont attendu beaucoup trop longtemps pour un projet de loi aussi inadéquat.

Ils ont notamment souligné la nécessité d’une approche systémique plus claire et proactive pour lutter contre les erreurs judiciaires, en citant notamment le modèle de la Nouvelle-Zélande, que vous avez mentionné. L’une des raisons pour lesquelles le modèle néo-zélandais semblait si attrayant pour eux — et cela s’est confirmé lors de mes rencontres avec la commission de la Nouvelle-Zélande également —, c’est que c’est le seul des pays où existe ce genre de commissions d’examen à avoir un problème semblable au nôtre, avec une surreprésentation des peuples autochtones, en particulier les femmes autochtones. Pourtant, leurs chiffres ne sont pas aussi mauvais que les nôtres. Ces questions restent donc sans réponses.

Lorsque j’ai commencé à travailler avec des femmes, j’ai été choquée par ce pour quoi elles avaient été accusées, condamnées et purgeaient des peines. Je suis heureuse que Me Besner ait parlé de l’arrêt Lavallee, ce que j’avais l’intention de faire aussi. Après la décision Lavallee, en 1990, suite à une demande de l’organisation avec laquelle je travaillais, l’un de vos prédécesseurs, le ministre Rock, a nommé la juge Ratushny pour examiner les cas de femmes qui ont été condamnées. J’ai été doublement, triplement, quadruplement — peu importe le nombre de fois — préoccupée de lire qu’en ce qui concerne les problèmes systémiques, l’absence de nouveaux facteurs pourrait empêcher des gens d’aller de l’avant. Vous savez probablement que la juge Ratushny a notamment constaté qu’elle ne pouvait pas examiner un certain nombre de cas qui, selon elle, devaient l’être, en grande partie parce que, même si la preuve était disponible au moment où les femmes ont été reconnues coupables, l’avocat de la défense, le procureur de la Couronne ou le juge n’avaient pas considéré que c’était pertinent ou n’avaient pas suffisamment compris de quoi il retournait. Cela a fait en sorte qu’elle n’a pas examiné ces cas. Nous venons de vivre une situation semblable dans le cas d’Helen Naslund. Je ne vois rien dans la loi qui permettrait maintenant d’examiner ce genre de cas.

Je suis curieuse de savoir comment, selon vous, la surreprésentation flagrante des femmes autochtones en particulier sera abordée. À votre avis, comment le projet de loi tiendra-t-il compte des facteurs systémiques intersectionnels?

De plus, j’abonde dans le sens de la sénatrice Simons au sujet du fait qu’on ne se penche pas sur la question de la détermination de la peine. L’une des raisons pour lesquelles les juges LaForme et Westmoreland-Traoré m’ont demandé de recruter des femmes autochtones, c’est qu’ils ne faisaient pas suffisamment confiance au système pour le faire. Qu’y a-t-il dans ce projet de loi qui permettrait à ces femmes de faire l’objet d’un examen? Je ne vois rien...

Le président : Je crois que la question est assez claire, sénatrice Pate. Je vais donner au ministre le temps de répondre.

M. Virani : Merci beaucoup, sénatrice Pate. Je tiens à souligner le travail que vous avez fait dans ce domaine. J’ai lu votre rapport concernant les 12 femmes autochtones victimes d’erreurs judiciaires.

En Nouvelle-Zélande, évidemment, il y a des similitudes en ce qui concerne le traitement des populations autochtones dans les deux secteurs, mais je dirais que la Nouvelle-Zélande s’en tire probablement mieux en ce moment parce qu’elle a cette commission, et pas nous. C’est mon premier point.

Le deuxième point, c’est qu’il s’agit d’avoir une commission, mais qu’elle dispose de ressources suffisantes pour aller chercher ces cas et entrer dans les prisons — y compris la prison pour femmes à Kingston — afin de rejoindre ces populations, de les aborder de manière à ce qu’elles comprennent leurs droits et qu’elles en soient informées.

En ce qui concerne le concept d’une révision collective, j’ai examiné ce qui s’est passé après l’affaire Lavallée, mais j’ai également vu d’autres types de révisions collectives qui ont été envisagées ou entreprises en Ontario. Vous en avez eu une dans l’affaire du Dr Charles Smith, qui portait sur des preuves médico-légales non fiables. Au Royaume-Uni, une commission d’examen des affaires criminelles a examiné le cas de centaines de personnes potentiellement condamnées à tort. Rien dans ce projet de loi ne vise à empêcher une révision collective. Sur une question très mineure, j’ai même vu passer sur mon bureau des cas similaires de personnes accusées, impliquées dans les mêmes actus reus, ou des schémas de faits similaires, dans lesquels les corps policiers ou les procureurs de la Couronne avaient malheureusement commis des actes anticonstitutionnels dans certaines juridictions. Il y a des tendances de groupe qui sont apparues même dans les cas qui sont passés par mon bureau.

Si vous craignez que le projet de loi n’autorise pas les révisions collectives, je ne vois pas du tout les choses ainsi. Je crois que dans sa forme actuelle, il les permettrait. En fait, l’examen des éléments systémiques fait partie du mandat énoncé dans le projet de loi en ce qui concerne le rôle confié à la commission, c’est-à-dire ce sur quoi elle enquête et comment elle prend ces décisions. Vous êtes censés connaître les obstacles systémiques auxquels les gens font face et chercher des solutions systémiques.

Le président : S’il y a un deuxième tour, nous en prendrons note, sénatrice Pate.

La sénatrice Clement : Monsieur le ministre, je suis heureuse de vous voir ici. J’aimerais revenir à ce que vous venez de dire. Le mandat comprend des enjeux systémiques et des recommandations. Je veux parler de la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires et des 114 recommandations qui ont été formulées en juin. Les communautés noires de tout le pays sont en train de prendre connaissance de ces recommandations et essaient de comprendre comment cela va les aider. Je vais vous poser quelques questions, et ce sera tout pour moi.

La recommandation 2 se lit comme suit : « Établir un portefeuille de la justice pour les personnes noires au sein du ministère de la Justice. » La recommandation 5 se lit comme suit :

Créer au sein du Centre de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités de Statistique Canada, une unité chargée de la coordination et de la mise en œuvre d’un programme de données sur la race et l’identité pour l’ensemble du système de justice.

Comment la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire recueillera-t-elle des données sur les caractéristiques démographiques raciales des condamnations injustifiées pour assurer la transparence et la reddition de comptes?

La recommandation 53 se lit comme suit : « Fournir à tous les professionnels du système de justice une formation obligatoire sur le racisme envers les personnes noires et les compétences culturelles [...] » Dans le même ordre d’idées, quelles mesures précises seront prises pour rendre obligatoire la formation des commissaires aux erreurs judiciaires en matière de racisme contre les Noirs? Cette formation permettra-t-elle aux commissaires de bien connaître les préjugés raciaux historiques et systémiques qui touchent les victimes, les témoins et les accusés noirs?

M. Virani : Je vous remercie de ces questions, sénatrice Clement. La réponse à ce rapport du comité directeur est à venir, et je suis un peu limité à l’égard de ce que je peux partager publiquement. Nous sommes très conscients des recommandations du comité directeur. Il y en a 114.

Le gouvernement s’est fermement engagé à s’attaquer de façon significative à la question de la collecte de données. Vous l’avez déjà vu dans notre approche et notre financement de Statistique Canada, ainsi que notre approche à l’égard des données désagrégées. Ce à quoi je m’attendrais de la part de cette commission, c’est que si nous voulons donner un sens au fait que nous avons besoin de commissaires, ces derniers doivent refléter la diversité du Canada, en portant une attention particulière aux groupes surreprésentés comme les Noirs et les Autochtones au pays. Il faut également recueillir des statistiques afin que nous puissions avoir un léger changement dans la distorsion statistique dont j’ai parlé au début, selon laquelle cinq condamnations de personnes racisées ont été renversées sur un total de 25, en l’espace de 22 ans. À mon avis, ce chiffre est statistiquement improbable. Cela ne colle pas.

Pour ce qui est de la formation, elle relève en fin de compte de la commission indépendante. Il y a des lignes directrices du Conseil du Trésor qui portent sur la formation, y compris sur le racisme et la discrimination systémiques. Étant donné que la commission a pour mandat d’examiner les obstacles systémiques, y compris les groupes surreprésentés, la formation devrait être répartie entre ces deux cohortes en particulier, non pas au détriment des autres groupes, mais plus spécifiquement entre ces deux cohortes, entre la surreprésentation des Autochtones et la surreprésentation des Noirs. Je pense que cela éclaire une bonne partie de ce qui guide ce projet de loi.

J’aimerais pouvoir revenir ici dans quelques années en disant que les chiffres ont beaucoup changé parce qu’il y a plus de demandes et plus de condamnations renversées avec succès. Pendant le peu de temps que j’ai passé à ce poste, il y a eu un certain nombre de cas, ce qui nous ramène au commentaire du sénateur Prosper selon lequel c’est en progression, mais très légèrement. On est passé de deux ou trois cas à cinq cas de personnes racisées. Mais ils existent, sans aucun doute, et nous devons les trouver.

La sénatrice Clement : Je vous remercie de ces réponses. Vous avez dit que le régime actuel visé par ce projet de loi n’avait pas fait l’objet d’un examen depuis 2002. J’aimerais souligner que le Code criminel n’a pas été revu depuis 1955. Il est temps de procéder à un examen en gardant à l’esprit le racisme systémique.

M. Virani : D’accord. Je pense que bon nombre des recommandations du comité directeur — les 114 — portent sur divers aspects du système de justice pénale et sur des questions qui commencent par des interactions originales et qui vont de la mise en liberté sous caution à la justice réparatrice et aux mesures de substitution et de déjudiciarisation. Je comprends ce que vous dites, mais je pense que les dirigeants noirs du pays ont mis l’accent sur la Stratégie en matière de justice pour les personnes noires et sur la façon dont le Code criminel pourrait mieux répondre aux besoins, et c’est ce à quoi nous sommes en train de répondre.

La sénatrice Clement : C’est bon à entendre.

La sénatrice Senior : Merci d’être ici, monsieur le ministre. Je vais revenir sur une question qui m’est venue à l’esprit — probablement très semblable à celle de la sénatrice Clement —, à savoir que je ne suis pas certaine d’avoir bien compris votre réponse concernant les données désagrégées et la façon dont elles seraient recueillies en fonction des demandes que vous prévoyez recevoir. Qui fera ce travail? Le budget permettra-t-il de le faire, ou vous attendez-vous à ce que Statistique Canada participe également à ce travail? Je n’ai pas très bien compris à qui incombe cette responsabilité.

M. Virani : Merci, sénatrice Senior. Ce que je veux dire, c’est que l’alinéa 696.87(1)b) du projet de loi dit que le commissaire en chef me présente, à moi, le ministre, un rapport incluant :

b) les statistiques au sujet des demandeurs, ventilées, dans la mesure du possible, selon l’identité de genre, l’âge, la race, l’origine ethnique, la langue, les handicaps, le revenu et tout autre facteur identitaire considéré dans le cadre d’une analyse comparative entre les sexes;

Dans le projet de loi, il est dit que le rapport qui doit être préparé doit fournir des données ventilées pour ces diverses catégories.

La sénatrice Senior : Merci.

Le président : Monsieur le ministre, j’aimerais revenir sur le dialogue entre vous et la sénatrice Batters au sujet de la composition de la commission. Je craignais qu’il n’y ait pas suffisamment d’avocats, si je peux me permettre d’être semi-élitiste.

M. Virani : Vous parlez certainement comme un ancien doyen de la faculté de droit.

Le président : Compte tenu de la façon dont tout cela est structuré en ce qui concerne les compétences des commissaires, est-il possible qu’uniquement des avocats siègent à cette commission? Nous n’avons pas créé de régime qui prévoit un mandat pour au moins quelques non-juristes. J’aimerais savoir pourquoi cela n’a pas été fait différemment.

Permettez-moi d’essayer d’être précise pour l’interprétation. Ce qu’on dit, c’est que la moitié des commissaires ne doivent pas être des personnes de l’autre catégorie, et l’autre catégorie est celle des avocats qui ont 10 ans d’expérience en droit pénal. Cela signifie que quiconque n’a pas 10 ans d’expérience en droit pénal peut être nommé dans la catégorie flexible, si je peux m’exprimer ainsi. J’aurais cru que l’on aurait structuré cela — comme on le fait pour les nominations aux conseils d’administration des barreaux, notamment — en s’engageant à avoir un certain nombre de membres qui ne seraient pas avocats, mais vous ne l’avez pas fait dans ce projet de loi.

M. Virani : Si je comprends bien votre question, vous dites qu’il pourrait y avoir d’autres avocats qui exercent en dehors du droit pénal ou qui ont exercé pendant moins de 10 ans.

Le président : Exactement.

M. Virani : Pour ce qui est de l’approche que j’adopterais si j’étais en poste pour constituer cette commission, ce que nous essayons d’assurer, c’est une complémentarité en ce qui concerne la composition de la commission. Nous comprenons la nécessité d’avoir une grande expertise en droit pénal. C’est quelque chose que le Groupe de la révision des condamnations criminelles a déjà fourni. C’est quelque chose qui devrait être fourni par cette commission.

Nous sommes également conscients du fait que si l’on examine l’inégalité systémique, les résultats en matière de santé mentale, etc., nous pourrions rechercher un type d’expertise différent. C’est l’expertise que nous recherchons pour le reste du groupe.

Je suis d’accord avec votre argument technique, mais je pense que pour ce qui est de l’approche de la commission et de sa composition, ce que nous essayons de faire, c’est d’assurer une diversité qui ne serait pas présente si nous disions qu’il ne faut que des avocats d’un certain nombre de [difficultés techniques] et seulement dans le domaine du droit pénal.

Le président : Merci. Je suis convaincu que vous y parviendrez. Je suis surpris que, depuis que vous avez rédigé le projet de loi, vous n’ayez pas imposé cette obligation à vous-même et à vos successeurs.

Cela nous amène un peu plus loin que le temps que nous avons demandé au ministre de passer avec nous. Par conséquent, nous devrions mettre fin à cette série de discussions. Je tiens à vous remercier, chers collègues, de vos questions succinctes et à remercier le ministre d’avoir fourni des réponses succinctes, ce qui a permis à chacun d’entre nous qui souhaitions dialoguer avec lui de le faire.

Merci encore, monsieur le ministre, de vous être joint à nous.

M. Virani : Merci de m’avoir invité.

Le président : Nous reprenons notre étude du projet de loi C-40, Loi sur la Commission d’examen des erreurs judiciaires (Loi de David et Joyce Milgaard). Pour notre deuxième groupe de témoins, nous avons la chance d’avoir Me Besner et Mme Cyr qui restent avec nous pour poursuivre notre étude et répondre aux questions des sénateurs.

Nous pouvons sauter les déclarations préliminaires et passer directement aux questions.

Le sénateur Arnot : Ma question porte sur l’obligation de la commission de faire un rapport annuel, dans le but, je l’espère, d’exposer, d’identifier ou de corriger les causes, systémiques ou autres, d’une condamnation injustifiée. Qu’est-ce que le ministère espère ou attend de ce genre de rapport. S’agit-il d’identifier, par exemple, les agents de police — premier point de pouvoir discrétionnaire — qui partent à l’aventure ou ont une vision myope des choses?

Il y a aussi un deuxième point de pouvoir discrétionnaire important, le procureur de la Couronne. Je me demande ce que vous en pensez et quelles sont les attentes du ministère. À mon avis, il serait essentiel de s’attaquer aux problèmes fondamentaux, de les rendre publics et d’obliger certaines institutions à rendre des comptes pour les erreurs commises avec les conséquences que ce projet de loi tente de rectifier.

Me Besner : La disposition qui oblige la commission à publier ses décisions vise à fournir un peu plus de détails sur les circonstances qui ont mené à l’erreur judiciaire, les causes et les conséquences.

Pour ce qui est de la question précise de la désignation d’une personne en particulier, par exemple, la commission devra peut-être faire preuve d’un peu de prudence parce qu’elle ne sera pas un organisme d’arbitrage, par exemple, capable de tirer des conclusions concluantes comme un tribunal. Elle pourrait hésiter à établir de façon catégorique un acte répréhensible d’un point de vue juridique. Une fois qu’elle renvoie l’affaire aux tribunaux, et que ces derniers se penchent sur les questions juridiques particulières, la question peut être soulevée, ainsi que par la suite, lorsqu’il y a une demande d’indemnisation en raison d’un acte répréhensible.

Les rapports annuels sont plutôt censés être une synthèse des statistiques, du volume et du délai de règlement des demandes. Cependant, ils visent davantage à faire connaître les décisions, ou à remplir d’autres fonctions comme la sensibilisation du public afin de fournir des renseignements juridiques publics aux parties intéressées, y compris aux intervenants du système de justice pénale tels que les forces policières et les procureurs.

Le sénateur Arnot : Je voyais cela comme une valeur réelle si la commission devait faire rapport sur ce genre de questions en identifiant des dénominateurs communs dans une condamnation injustifiée. J’espérais que ce serait l’un des aspects que les rapports pourraient aborder.

Me Besner : Dans sa fonction de communication et de sensibilisation aux erreurs judiciaires, en général, c’est mentionné dans le projet de loi C-40. Je pense que les commissaires auront la capacité d’assurer leur surveillance, ou même de fournir des cas précis ayant mené à des erreurs judiciaires, mais ils doivent veiller, ensuite, à ne pas influencer les tribunaux, qui devront tout de même s’occuper de la question juridique précise en cause, et faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit de citer des noms s’ils n’ont pas une fonction juridictionnelle.

Le sénateur Arnot : Merci.

La sénatrice Batters : Le projet de loi C-40 prévoit que la commission doit traiter les demandes de révision des erreurs judiciaires « le plus rapidement possible », mais il ne définit aucun paramètre de ce que cela signifie. Compte tenu de la gravité de la situation et du fait que certaines de ces personnes attendent depuis longtemps que justice soit faite, qu’entend-on par « le plus rapidement possible » et pourquoi n’y a-t-il pas de paramètres dans le projet de loi C-40?

Me Besner : Encore une fois, c’est dans les rapports annuels, la longue liste de données et de renseignements qu’ils devront fournir dans le rapport annuel. Cela comprend le temps de traitement moyen, etc. Si vous regardez, par exemple, les commissions à l’étranger, elles publient sur leurs sites Web que, par exemple, 70 % de leurs dossiers sont clos dans un délai de six mois, et qu’un certain pourcentage de cas prennent plus d’un an ou deux en raison de leur complexité. Les exigences concernant le rapport visent à obtenir ce genre de données. Il y a ensuite, la transparence et le fait que les commissaires devront avoir un site Web et rendre des comptes.

Les mots « le plus rapidement possible » visent simplement à répondre à l’exigence générale d’améliorer les délais de traitement, et il y a ensuite l’obligation de faire rapport sur les délais de traitement.

La sénatrice Batters : Oui. Ce qui m’inquiète surtout, c’est qu’une personne soit condamnée à tort pour une très longue période. Il s’agit d’un tout nouveau processus mis en place pour apparemment éviter un grand nombre de ces cas, mais à l’heure actuelle, le traitement des demandes peut prendre de 20 mois à 6 ans, ce qui est très long. Pourquoi le ministre et le gouvernement n’ont-ils pas fixé un paramètre à cet égard, au lieu de simplement dire « le plus rapidement possible »?

Me Besner : Je vous rappelle qu’il faut produire un rapport annuel et faire le suivi des délais de traitement. Je peux également signaler, pour la gouverne du comité, que les règlements qui accompagnent actuellement cette partie du Code criminel seront abrogés. On a jugé que ces règlements étaient onéreux pour les demandeurs, et c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le traitement de certaines demandes prend beaucoup de temps parce qu’il y a différentes étapes de l’examen, etc.

Par exemple, l’étape de l’évaluation préliminaire n’existera plus une fois que cette loi sera mise en œuvre. Il est prévu que cette mesure permettra — comme dans les commissions à l’étranger — de faire plutôt une vérification de l’admissibilité et de passer au traitement des demandes, ce qui, nous l’espérons, permettra de gagner du temps.

La sénatrice Batters : Le projet de loi C-40 crée un poste de coordonnateur des services aux victimes, mais il ne précise pas s’il s’agira d’un emploi à temps plein ou à temps partiel, ou d’un poste contractuel. De quel type de poste s’agira-t-il?

Me Besner : Le commissaire en chef prévu dans la loi est l’administrateur en chef des opérations responsable de la surveillance du personnel et des opérations. Le commissaire en chef sera chargé de déterminer si le poste de coordonnateur des services aux victimes sera à temps plein, et s’il y en aura plus d’un. Cela dépendra peut-être du volume de demandes, mais en tant que responsable de l’institution, le commissaire en chef en sera responsable.

La sénatrice Batters : Donc, on n’a pas déterminé s’il s’agit simplement d’un poste contractuel, à temps partiel, ou à temps plein, ou s’il y aura plus d’un poste? Il n’y a aucune indication à ce sujet? Il suffit d’avoir un coordonnateur des services aux victimes, mais pas nécessairement plus que cela?

Me Besner : Oui. Comme je l’ai mentionné, c’est le commissaire en chef qui supervisera la dotation en personnel à titre de responsable de l’institution.

La sénatrice Batters : Le projet de loi C-40 ne précise pas la rémunération du commissaire en chef et des autres commissaires, mais indique seulement que la rémunération sera « [...] fixée par le gouverneur en conseil », c’est-à-dire le Cabinet. J’ai reçu la réponse minimale du gouvernement à cette question après avoir posé des questions au parrain après son discours. Je les avais posées des semaines plus tôt et j’ai finalement obtenu des réponses du gouvernement. Voici la réponse à cette question :

L’échelle salariale minimale se situe entre un minimum de 180 000 $ et un maximum de 464 800 $. L’échelle salariale des quatre à huit autres commissaires sera la même que celle du groupe GC pour 2024-2025, mais elle commencera et se terminera aux niveaux inférieurs.

C’est une fourchette de 284 000 $, juste la fourchette. Pouvez-vous nous donner une meilleure idée du salaire de ces commissaires?

Me Besner : La détermination de la rémunération est sous la responsabilité de l’appareil gouvernemental. C’est le premier ministre qui en est responsable, et il est appuyé par des cadres supérieurs du Bureau du Conseil privé. Une fois le projet de loi adopté, on élaborera les profils de classification des postes de commissaire. Le poste de commissaire en chef sera sans aucun doute un poste de niveau supérieur, étant donné les responsabilités supplémentaires qu’implique ce poste à temps plein et la responsabilité de la surveillance des opérations, du personnel, etc., par rapport aux autres commissaires qui pourraient être à temps plein ou à temps partiel.

Pour ce qui est de cette fourchette, je suis d’accord avec vous : elle est très large. Compte tenu de la complexité des questions, et de tout le reste, tout ce que je peux dire, c’est que nous ne nous attendons pas à ce que la rémunération se situe dans la moitié inférieure de la fourchette GC. Cela va, je pense, de GC-1 à GC-8 ou 9. Nous nous attendons à ce qu’elle se situe entre le milieu et le haut de la fourchette, mais ce n’est pas à nous de confirmer ce que ce sera. Cela fera probablement partie de l’information fournie au moment du recrutement, de la dotation et de tout le reste.

La sénatrice Batters : Du milieu au haut — elle sera donc probablement de plus de 300 000 $ à 500 000 $?

Me Besner : Quelque part entre les deux chiffres qui vous ont été fournis, oui.

La sénatrice Batters : C’est bon à savoir. Je voudrais un deuxième tour, s’il vous plaît.

Le sénateur Dalphond : Cela pourrait m’intéresser. Cela relève davantage de mon domaine que le Sénat; je quitterais le Sénat.

[Français]

Madame Besner, vous avez été très impliquée dans la rédaction du projet de loi et vous êtes en mesure de nous éclairer.

Ma première question est plutôt courte — c’était celle du sénateur Carignan. Elle concerne l’article 696.2, qui définit qui peut faire une demande d’examen. À l’alinéa 696.2(1)a), on peut lire ceci :

a) une personne qui a été déclarée coupable d’une infraction à une loi fédérale ou à ses règlements, notamment une personne qui a été déclarée coupable sous le régime de la [...]

Cela comprendrait un militaire qui a commis une infraction soit en vertu du Code criminel, soit en vertu du code de service des Forces canadiennes.

Me Besner : Ma collègue et moi avons discuté de cela pendant la pause. La Loi réglementant certaines drogues et autres substances et le Code criminel sont des lois fédérales.

Pour ce qui est de savoir si le code de conduite constitue un règlement, c’est une question assez précise et technique, en vertu de la Loi sur les textes réglementaires. Si vous nous le permettez, nous allons devoir faire un suivi sur cette question.

Le sénateur Dalphond : Oui, bien sûr.

Pardonnez-moi, je crois que je l’ai appelé « code de service » plutôt que code de conduite. Ma deuxième question concerne les pouvoirs. À la page 11, on retrouve les attributions de la commission. Au paragraphe (2), il est question du soutien aux demandeurs dans le besoin.

Personnellement, j’ai plaidé la cause d’un prisonnier. La capacité de le rejoindre était compliquée et la capacité de nous envoyer des instructions l’était encore plus. Je sais que le ministre a mentionné qu’il serait possible, pour des membres de la commission, d’aller visiter les personnes qui ont fait une demande dans les prisons. Il s’agit d’un gros changement par rapport au fonctionnement du GRCC.

Dans les pouvoirs qui sont mentionnés, à l’alinéa 696.‍84(2)d), on peut lire ceci :

d) à les aider, s’ils sont démunis, à obtenir de l’assistance juridique en ce qui a trait à la présentation d’une demande ou d’observations écrites en réponse à un rapport d’enquête préparé par la Commission.

S’il y a eu enquête et qu’un rapport a été rédigé, une période est prévue pour commenter le rapport d’enquête. Est-ce qu’il y aura des mandats externes ou est-ce que ce sera fait par du personnel de la commission?

Me Besner : Non. Il faudra que ce soit des mandats externes pour éviter les conflits d’intérêts.

Le sénateur Dalphond : Aurez-vous un budget qui permettra de mandater des avocats externes pour assister les parties qui n’ont pas accès à l’aide juridique ou à d’autres moyens financiers?

Me Besner : Oui.

Le sénateur Dalphond : Est-ce que les pouvoirs qui sont décrits sont basés sur ceux de la commission anglaise et de la commission écossaise? Est-ce que nous sommes le miroir de ce qui se fait en Écosse et en Angleterre?

Me Besner : Je pense que l’idée émane plutôt du rapport sur les consultations publiques qui ont été tenues.

Le sénateur Dalphond : Merci; cela répond à mes questions.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Je vous remercie d’être parmi nous.

Ma première question porte sur le libellé, plus précisément sur le libellé des mesures de redressement et des enquêtes.

En ce qui concerne les enquêtes, le nouveau paragraphe 696.5(1) proposé prévoit la condition suivante :

Si elle a des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice, la Commission peut mener une enquête relativement à la demande. En ce qui concerne les enquêtes, le nouveau paragraphe 696.5(1) proposé prévoit la condition suivante :

Sous la rubrique « Mesures de redressement », le nouveau paragraphe 696.6(2) proposé prévoit que :

Si elle a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise et qu’elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice, elle prend l’une des mesures de redressement suivantes :

On passe ensuite aux alinéas a) et b) proposés.

Pourquoi y a-t-il un « ou » sous « Enquête », et un « et » sous « Mesures de redressement »?

Me Besner : Je vous remercie de cette question. Il s’agit d’une distinction intentionnelle quant au facteur déclencheur qui permet à la commission de mener une enquête. On a souligné que, dans le cadre du régime actuel, pour lequel le règlement stipule que le ministre de la Justice doit avoir des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise pour mener une enquête, il y a des cas où il n’y a pas suffisamment de renseignements disponibles et où le ministre ou le GRCC, ont estimé que cela les empêchait d’avoir accès à des renseignements pertinents pour donner suite à une demande et continuer de l’examiner.

Le « ou » vise à corriger cette impasse. S’il n’y a pas déjà suffisamment d’information ou de preuves, mais qu’il y a quelque chose dans le dossier qui indique un mérite potentiel, ils pourront enquêter dans l’intérêt de la justice. Lorsque vient le temps de renvoyer la question aux tribunaux, les deux éléments sont nécessaires. C’est toujours un seul critère, mais il comporte deux volets.

Le sénateur Prosper : D’accord.

L’alinéa 696.6(5)e) proposé se lit comme suit :

les difficultés spécifiques rencontrées par les demandeurs appartenant à certaines populations pour obtenir des mesures de redressement en cas d’erreur judiciaire, particulièrement en ce qui touche la situation des demandeurs autochtones ou noirs;

... ça continue.

Pourriez-vous nous parler des « difficultés spécifiques » et de la « situation » mentionnées dans cet article?

Me Besner : Oui.

À l’heure actuelle, les trois premiers facteurs de décision qui figurent dans le projet de loi sont les alinéas e) et f). Je vais devoir y revenir. Les deux derniers, soit la situation personnelle du demandeur et les difficultés spécifiques, sont ajoutés. Ils visent à tenir compte du fait — je pense que les sénateurs ici présents ont parlé il y a quelque temps du racisme systémique et de beaucoup d’autres facteurs qui ont mené à des erreurs judiciaires, et pourtant, il n’a pas encore été possible d’examiner ces cas plus en profondeur. C’est donc ajouté là.

De plus, cela reflète le fait que les intérêts de la justice, dont je viens de parler, ne se limitent pas à l’administration des considérations juridiques; il faut aussi considérer la situation de l’intéressé. Les tribunaux tiennent compte des intérêts de la justice, et c’est donc un peu le reflet de cela. Encore une fois, cela s’inspire de la jurisprudence. Les défis distincts auxquels font face certaines populations pourraient comprendre l’identité autochtone, les répercussions du colonialisme, les pensionnats, le racisme systémique, le profilage racial et les effets de la violence par un partenaires intime, ainsi que les problèmes sous-jacents comme la pauvreté, l’itinérance, la toxicomanie, la santé mentale, l’âge, le sexe et le handicap.

Cela vise à permettre d’examiner tous les facteurs sous-jacents qui pourraient être pertinents.

Le sénateur Prosper : Merci.

[Français]

La sénatrice Oudar : Cela tombe bien, car j’ai justement des questions au sujet du paragraphe 696.5(1), qui porte sur les pouvoirs de la commission. L’article stipule que la commission peut faire enquête si elle a des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a été commise ou si elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice. Ici, on a bien compris la nuance du mot « ou ».

Cependant, qu’on soit dans une situation ou dans l’autre, la commission doit faire enquête, et non « peut » faire enquête. À mon avis, la commission devrait avoir l’obligation de faire enquête si elle estime qu’elle a des motifs raisonnables de croire, ou dans l’autre cas, s’il y a une erreur judiciaire.

Ces deux cas sont très importants : les motifs raisonnables de la commission ou une erreur judiciaire. J’ai du mal à comprendre qu’elle s’abstienne de faire enquête dans une de ces deux situations. Je pense que le législateur aurait dû prévoir l’obligation de faire enquête. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Me Besner : Je suis contente que vous ayez posé la question. Il est possible d’avoir des circonstances où il y a déjà suffisamment de preuves ou de renseignements pour justifier le renvoi.

Il est certain qu’avec ce projet de loi, on tâche de réduire le délai de traitement des demandes. S’il y a des circonstances où il n’est pas nécessaire d’enquêter, car il y a déjà suffisamment de motifs pour faire un renvoi, la commission pourra immédiatement faire un renvoi pour préserver ses ressources et enquêter là où c’est nécessaire.

La sénatrice Oudar : N’êtes-vous pas plutôt à l’article 696.6? Je parle du pouvoir d’enquête d’abord, avant la mesure de redressement. D’ailleurs, j’avais une autre question sur l’article suivant. Je comprends que la commission aurait pu déjà avoir des renseignements?

Me Besner : Oui.

La sénatrice Oudar : Pensez-vous que tout est respecté en ce qui concerne un processus qui soit intégral? Le Barreau du Québec a suggéré exactement la même chose. La commission s’autorise-t-elle à utiliser des renseignements qu’elle avait déjà? Pourquoi ne fait-elle pas plutôt une enquête pour suivre un processus qui respecterait une forme d’équité? Cela ne vous préoccupe-t-il pas? Pour vous, sur le plan de l’équité, tout est respecté pour ce qui est des processus juridiques?

Me Besner : L’intention est de prévoir assez de souplesse pour que la commission puisse faire enquête lorsqu’elle a besoin de le faire et qu’elle puisse rechercher de la preuve. Si ce n’est pas nécessaire, pour quelque raison que ce soit, il ne faut pas dépenser des ressources à le faire, dont le temps précédant le renvoi.

Par exemple, lorsqu’une nouvelle preuve d’ADN est révélée par une autre source et qu’elle est reconnue comme étant fiable et qu’elle prouve de manière assez convaincante que la mauvaise personne a été condamnée, il est possible que cette preuve d’ADN suffise déjà à faire un renvoi, sans avoir à faire de nouveaux prélèvements et de nouveaux tests auprès d’un laboratoire. C’est un exemple.

La sénatrice Oudar : Il y a une possibilité que des erreurs soient commises aussi dans ce nouveau processus.

J’aurais une question sur l’article suivant, l’article 696.6. On dit que la commission peut ordonner des mesures de redressement au terme de son examen, donc soit prescrire un nouveau procès, soit renvoyer l’affaire devant la cour d’appel. Au début de l’article, on dit : « Si elle a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise [...] ». Si une erreur judiciaire a été commise, c’est suffisant pour ordonner un nouveau procès ou renvoyer l’affaire devant la cour d’appel, mais le législateur a inclus qu’elle peut aussi le faire si « [...] elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice [...] ».

S’il y a des biais inconscients ou autres, des groupes plus marginalisés pourraient se trouver à être défavorisés. Pourquoi avez-vous ajouté les mots « servirait l’intérêt de la justice »? S’il y a eu une erreur judiciaire, on n’est pas obligé d’ordonner un nouveau procès ou de renvoyer le tout à la cour d’appel. Pourquoi avoir ajouté cette condition qui me semble aussi une forme de discrétion de la commission, car elle devra estimer si cela sert ou non l’intérêt de la justice?

Je reviens aux commentaires qui ont été faits à ce comité sur les préoccupations par rapport aux groupes marginalisés, soit les Autochtones, les Noirs et les femmes. Ces mots sont superfétatoires. Il suffirait de dire que si la commission estime qu’il y a une erreur judiciaire, il faut agir et ordonner un nouveau procès ou renvoyer le dossier devant la cour d’appel pour audition et décision. Nous n’avons pas besoin d’ajouter un élément sur le pouvoir discrétionnaire de déterminer ou non si cela sert l’intérêt de la justice. J’aimerais vous entendre là-dessus. Êtes-vous préoccupée par ce critère?

Me Besner : Cette idée est venue du test qui est employé en Écosse. Ils ont ces deux composantes, plus ou moins de la même façon dont on le retrouve dans le projet de loi. Ils ont expliqué qu’ils trouvent très utile d’avoir ces deux composantes, parce que cela assure de la souplesse des deux côtés de la médaille.

Ils ont donné l’exemple d’une mère monoparentale qui avait été condamnée pour une infraction qui n’était pas très sérieuse et qui n’avait pas été emprisonnée. Cela a grandement influencé sa capacité d’obtenir un emploi, entre autres. La commission aurait pu voir ce dossier comme n’étant pas une demande pour laquelle un tribunal devrait ordonner un nouveau procès, car les tribunaux sont déjà surchargés de dossiers. Cependant, la commission était d’avis que, dans l’intérêt de la justice et dans ces circonstances, il était justifiable de retenir le dossier et de faire le renvoi.

J’ai un autre exemple intéressant. De l’autre côté de la médaille, ils reçoivent des demandes de personnes qui ont été trouvées coupables de multiples meurtres. Il est possible que, parmi ces meurtres, il y ait une victime pour laquelle ils ne sont pas responsables. La commission a donné cela comme exemple d’un renvoi ou d’un réexamen de l’affaire par un tribunal, mais cela n’aura probablement aucun impact sur le statut de la personne, qui devra toujours servir sa peine à perpétuité, compte tenu des nombreuses condamnations très sérieuses. Ils appliquent le test de l’intérêt de la justice dans ces circonstances pour ne pas enquêter et faire un renvoi.

La sénatrice Oudar : Merci pour les précisions. Dans les deux exemples, il y avait une erreur judiciaire.

Me Besner : Oui.

La sénatrice Oudar : On pourrait simplement, en présence d’erreur judiciaire, renvoyer le dossier sans ajouter un critère additionnel. Merci d’avoir donné l’exemple de l’Écosse.

Étant donné que la loi est en vigueur depuis quelque temps, est-ce qu’ils ont étudié les résultats de l’application de ce critère, pour voir si cela avait causé des injustices ou des erreurs en matière de discrimination systémique sur les groupes marginalisés?

Me Besner : Il faudrait que je fasse une recherche là-dessus. Ils ont aussi un site Web exhaustif avec des recherches et autres. Toutefois, ce n’est pas quelque chose que je pourrais vous expliquer aujourd’hui.

La sénatrice Oudar : Merci.

[Traduction]

Le président : Serait-il possible, madame Besner, d’identifier ces documents et de les transmettre au comité par l’entremise du greffier?

Me Besner : Ce que je peux trouver, oui.

Le président : Ce serait formidable.

La sénatrice Pate : Merci à vous deux d’être restés avec nous. J’ai été très contente d’entendre le ministre dire qu’il n’y avait rien dans le projet de loi qui s’opposait à une révision collective.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de la recommandation des juges LaForme et Westmoreland-Traoré de modifier le projet de loi pour y inclure des changements proactifs et systémiques. Ils ont indiqué que c’était nécessaire pour assurer un examen plus complet.

Je crois comprendre que vous l’avez lu. Le ministre a dit qu’il l’avait fait.

Me Besner : Oui.

La sénatrice Pate : Qu’y a-t-il dans le projet de loi qui permettrait ce genre d’examen, si l’on se rappelle que c’est quelque chose qui a été produit à la demande des juges Westmoreland-Traoré et LaForme pour documenter les discussions qu’ils ont eues avec ces femmes? Qu’est-ce qui, dans la loi actuelle, permettrait ce genre d’examen, et comment pensez-vous que cela pourrait se faire?

Me Besner : Je vais me faire un plaisir de souligner quelques éléments du projet de loi. Vous remarquerez qu’au début de la partie qui traite de la commission, le mandat de la commission était formulé de façon très étroite au départ. Il a été élargi à la suite d’un amendement apporté à la Chambre des communes.

Toutefois, ce mandat se voulait un mandat global. Aux pages 10, 11 et 12, où il est question des attributions, il y avait beaucoup de choses dans le projet de loi qui visaient à souligner la fonction de sensibilisation proactive et la publication des décisions, comme je l’ai mentionné tout à l’heure, afin de pouvoir décrire les causes systémiques — oui, pardon?

La sénatrice Pate : Je ne veux pas être impolie, mais je sais que j’ai dépassé mon temps la dernière fois, et je ne veux pas empiéter sur le temps de mes collègues. Est-ce que cet examen que l’on préconise serait possible avec le projet de loi C-40, à votre avis?

Me Besner : Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas. La seule chose que j’ai pu voir, c’est que dans d’autres cas comme au Royaume-Uni, où l’on a procédé à une révision massive pour les postiers, je pense que les mesures de redressement doivent être individuelles, car elles sont présentées au tribunal où l’affaire a été jugée. Les mesures de redressement s’adressent, bien sûr, à une personne donnée qui a été reconnue coupable. Je pense que ce serait la seule limite. La même chose s’est produite dans le cadre de l’examen de la légitime défense où, à la fin, il y a eu une révision collective qui a donné lieu à des recommandations et des mesures de redressement individuelles. Je considère que c’est similaire.

La sénatrice Pate : Le problème, en ce qui concerne la révision portant sur la légitime défense, c’est qu’il y avait des preuves que le contexte de violence n’avait pas été pris en compte. Il y avait des preuves de contexte d’abus, et de racisme, et même si l’alinéa 718.2e) existait en droit à l’époque, il n’avait pas été pris en compte.

Il y a un certain nombre de questions auxquelles les juges — le projet de loi ne dit pas qu’il est possible d’aller au-delà des nouveaux facteurs et d’examiner le contexte qui était peut-être disponible, mais qui n’a pas été présenté, parce que les avocats, les procureurs de la Couronne ou les juges ne pensaient pas que c’était pertinent. Comme nous le savons, il y a encore des cas où cela pose problème.

Me Besner : C’est la disposition qui a été soulignée il y a quelque temps, les défis distincts que certaines populations doivent relever pour obtenir réparation d’une erreur judiciaire. C’est vraiment l’esprit derrière cela, les facteurs supplémentaires qui doivent être pris en considération.

La sénatrice Pate : Si on vous demandait conseil, vous diriez que le projet de loi C-40 pourrait permettre ce genre d’examen.

Me Besner : Oui.

La sénatrice Simons : J’ai deux questions distinctes. La première concerne le rapport annuel, où il est question de la durée moyenne. Madame Besner, je crois que c’est vous qui avez dit qu’en Grande-Bretagne, c’est 70 % pour ceci, 30 % pour cela. Ce n’est pas ce que dit la loi. Lorsque vous parlez d’un délai moyen, s’agit-il d’une médiane? Je pense toujours au statisticien qui s’est noyé dans une rivière d’une profondeur moyenne de trois pieds.

Me Besner : Je dois relire ce passage.

La sénatrice Simons : Il est simplement question d’un « délai moyen ».

Me Besner : D’accord.

La sénatrice Simons : Si vous voyez ce que je veux dire, la moyenne peut parfois cacher un...

Me Besner : Oui. Je peux dire que nous nous sommes inspirés de ce qui se fait dans les autres administrations. Elles compartimentent le pourcentage de cas qui prennent six mois et moins, ou un an et moins, puis le pourcentage de cas qui prennent un an ou deux, les cas complexes. J’espère que la commission adoptera cela.

La sénatrice Simons : Ce n’est pas ce qui est dit. Maintenant que vous l’avez dit dans cette salle et que c’est consigné au compte rendu, nous espérons que la commission s’y reportera et qu’elle fera cela.

J’aimerais ensuite poser des questions sur le soutien offert aux demandeurs dans le besoin. Cela me laisse perplexe. Leur offrez-vous du soutien ou leur dites-vous où aller? On parle de les orienter vers les services offerts dans leur collectivité aux personnes dans le besoin. C’est comme le travail d’un travailleur social. Vous les dirigez vraisemblablement vers les ressources provinciales. On parle ici de les aider, s’ils sont démunis, en ce qui à trait à leurs besoins de base, notamment l’alimentation et le logement. Cela ne veut pas dire, je suppose, que vous leur donnez de la nourriture et un logement. Qu’est-ce que cela signifie?

Me Besner : Cela vise à conférer des pouvoirs et des responsabilités à l’égard d’une certaine fonction afin qu’il y ait du financement pour cela. On s’attend à ce que ce soit des tiers fournisseurs de services qui assurent ces services de soutien, mais la commission aura le financement et la capacité de diriger les gens vers ces services.

La sénatrice Simons : Vous auriez, en fait, du financement. Dans ce cas, seriez-vous partenaire des provinces ou des organismes sans but lucratif? Je ne comprends pas.

Me Besner : De plus, la commission aura la capacité de conclure des contrats pour des services, y compris avec des fournisseurs de services. Bon nombre des éléments qui figurent ici sont des problèmes de compétence. Ils sont appuyés par la proposition budgétaire qui l’accompagne.

La sénatrice Simons : À l’alinéa 2d), les aider, s’ils sont démunis, à obtenir de l’assistance juridique. L’une des difficultés constantes, c’est que les provinces n’ont tout simplement pas l’argent nécessaire pour administrer leurs programmes d’aide juridique. Qu’on veuille pointer du doigt le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial, ce n’est pas ce qui importe pour la personne qui ne peut pas obtenir de l’aide juridique. A-t-on prévu de l’argent pour embaucher un conseiller juridique, pour financer l’assistance juridique? Comment cela pourrait-il aider ces personnes à obtenir une assistance juridique?

Me Besner : Il ne s’agit pas nécessairement d’établir des liens avec les régimes d’aide juridique. Il s’agit d’avoir un fonds afin que les demandeurs démunis, qui n’ont pas d’avocat et qui ne sont pas admissibles à l’aide juridique, puissent avoir accès aux services d’un avocat.

Par exemple, il pourrait y avoir une liste de personnes d’expérience dans le domaine des erreurs judiciaires. Nous en connaissons plusieurs au Canada qui ont une expertise dans ce domaine et qui pourraient alors avoir un mandat limité pour aider quelqu’un à présenter une demande ou à répondre à la commission avant qu’elle ne prenne une décision.

La sénatrice Simons : Je suis certaine que tout cela part d’une très bonne intention, mais il me semble que, dans certains cas, c’est redondant et dans d’autres cas — ces cas sont souvent compliqués. Il ne faut pas seulement des avocats; il faut parfois des enquêteurs privés ou une nouvelle enquête si la police n’a pas mené l’enquête qui semble nécessaire.

J’ai un peu de mal à comprendre. De quel genre de fonds parlons-nous? Combien de personnes? Y aura-t-il des avocats engagés à contrat? Y aura-t-il une rotation de gens qui travailleront pro bono ou à un taux réduit? Comment cela fonctionnerait-il?

Me Besner : En ce qui concerne les enquêtes, c’est la commission qui prendra les décisions. Si elle fait appel à des enquêteurs privés ou à d’autres experts judiciaires, c’est à elle que ces services seront fournis, et non pas au demandeur. Il ne peut pas y avoir de conflit d’intérêts.

Si un demandeur n’est pas représenté, et n’a pas les moyens d’énoncer les motifs d’une demande ou de présenter des observations qui aideraient la commission à prendre une décision, un fonds sera disponible pour qu’il puisse obtenir l’aide d’un avocat indépendant pour ces parties de sa demande, mais pas pour l’enquête. La commission s’en chargera elle-même.

La sénatrice Simons : Avant de manquer de temps, je veux m’assurer de bien comprendre.

Vous dites que vous feriez enquête?

Me Besner : La commission.

La sénatrice Simons : La commission. Vous auriez donc des enquêteurs privés, des analyses d’ADN médico-légales, peut-être un pathologiste pour refaire une autopsie? Ce sont toutes des choses que vous pourriez financer?

Me Besner : Oui. Cela se fait déjà sous le régime actuel. Ces experts ne font pas partie du personnel. Nous n’avons pas beaucoup de personnel au sein du gouvernement, parce que cela dépend de la demande. En fait, c’est sous-traité en grande partie. On fait souvent appel à des laboratoires judiciaires pour effectuer des analyses supplémentaires, qu’il s’agisse de balistique, de biologie ou d’ADN.

La sénatrice Simons : Ou à un juricomptable. Vous pouvez imaginer toutes sortes de choses autres que des meurtres. Merci.

[Français]

La sénatrice Clement : J’ai une question semblable à celle de la sénatrice Simons, mais je pense que ce que vous avez répondu est intéressant.

J’aimerais revenir au rapport annuel décrit dans l’article 696.87. Il y a une liste très détaillée de statistiques ventilées qui seront requises.

Qu’est-ce que le ministère fera avec ce rapport? Je représente des communautés qui veulent des suivis. C’est très bien, je dois vous dire que l’analyse comparative entre les sexes plus est satisfaisante et il y a des détails. Cependant, qu’allez-vous faire avec ce rapport et comment allez-vous communiquer avec les gens qui attendent ces données, ces statistiques, ces résultats?

Me Besner : Il y a une obligation prévoyant que le rapport annuel soit publié sur le site Web de la commission, et les rapports annuels seront aussi transmis au Parlement par le biais du ministre de la Justice.

La sénatrice Clement : Avec toutes les communautés que vous avez consultées pour faire des analyses, mettre de l’information sur un site Web, ce n’est pas toujours la façon la plus communautaire de communiquer.

Est-ce que le ministère pourrait avoir d’autres idées pour ce qui est de se reconnecter avec les communautés marginalisées?

Me Besner : Ce n’est pas forcément le ministère, mais plutôt la nouvelle commission, qui est une entité indépendante du ministère.

Elle a assurément une obligation de faire de la sensibilisation auprès du public et des demandeurs potentiels ou existants et d’être accessible. Toutes ces dispositions qui sont décrites au début, sous les attributions relatives aux pouvoirs et fonctions, énumèrent ces éléments.

La sénatrice Clement : Il peut y avoir une fonction de communiquer de façon réelle?

Me Besner : Oui.

La sénatrice Clement : Merci.

Le sénateur Carignan : J’ai deux questions. En fait, j’ai gagné du temps, car le sénateur Prosper et la sénatrice Oudar ont posé les questions que j’avais. Malheureusement, j’ai toujours un point d’interrogation. Il me vient de la présomption prévue à 696.6(6), qui dit ceci :

Innocence

(6) Il est entendu que la Commission peut prendre une mesure de redressement prévue au paragraphe (2) même en l’absence d’éléments de preuve établissant l’innocence du demandeur.

Je me pose donc cette question : comment puis-je concilier ce paragraphe avec la mesure de redressement se trouvant au paragraphe 696.‍6(2), qui dit : « Si elle a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise […] »? Comment puis-je arriver à la conclusion qu’il y a eu une erreur judiciaire sans un iota de preuve établissant l’innocence?

Me Besner : Aux États-Unis, plusieurs régimes exigent une preuve concluante établissant l’innocence d’une personne. Il faut constater ici que la commission n’est pas une cour judiciaire, elle n’est pas une cour de justice pénale, donc elle n’aura pas à déterminer les questions d’innocence ou de culpabilité. C’est une entité qui a le mandat de mener une enquête, de recueillir des preuves et des renseignements...

Le sénateur Carignan : Je comprends cela, mais ma question est assez claire. Comment arriver de façon rationnelle à la conclusion qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise sans aucun élément de preuve établissant l’innocence de la personne?

Me Besner : Une preuve établissant l’innocence, c’est justement ce sur quoi les tribunaux déterminent la culpabilité ou l’innocence. Il faut préciser que la commission n’est pas là pour rendre cette décision ou renverser une condamnation. La commission est une entité qui peut mener des enquêtes, et si un certain seuil est atteint, un seuil qui n’est pas le même que pour les tribunaux judiciaires, elle peut faire un renvoi. Effectivement, dans les pays étrangers, il y a des renvois qui sont faits et qui ne sont pas acceptés par les tribunaux; on parle d’environ un tiers.

Notre seuil, en ce moment, a été critiqué comme étant trop élevé, de sorte que tous les renvois sont plus ou moins renversés par les tribunaux par la suite. Si le test est si élevé que cela, il y a peut-être certains dossiers où ils sont rejetés, alors qu’il pourrait y avoir une erreur judiciaire.

Le sénateur Carignan : Je vous entends, mais je ne comprends pas; ce sont des choses qui arrivent.

J’ai une autre question, toujours sur la cour martiale. Il y a une définition de cour d’appel à l’article 696.1 qui dit, et je cite :

cour d’appel La cour d’appel de la province où l’audition de l’affaire faisant l’objet de la demande a été tenue.

Chaque fois que je lis « cour d’appel », je dois lire « cour d’appel de la province ». Est-ce que cela inclut la cour d’appel de la cour martiale du Canada? Est-ce que c’est une cour d’appel provinciale?

Je pense qu’il faut ajouter cela dans la demande de vérification. C’était mes deux points.

[Traduction]

Le président : Comme vous l’avez découvert, maître Besner, pourriez-vous nous en faire part par l’entremise du greffier?

Me Besner : Oui.

Le président : Merci.

J’ai moi-même quelques questions à poser. Il me semble que les deux aspects les plus importants de tout ce processus de traitement des personnes potentiellement condamnées à tort sont qu’elles croient — et jusqu’à maintenant, nous n’avons vu que des hommes — avoir été victimes d’une erreur judiciaire. Comment peuvent-elles présenter une demande et obtenir le soutien nécessaire pour faire avancer leur demande?

J’aimerais savoir dans quelle mesure le détenu du pénitencier de Prince Albert saura qu’il peut en bénéficier, en l’occurrence, et qu’il pourrait avoir un certain soutien juridique initial pour le guider dans ce processus. Envisagez-vous une sorte d’aide juridique en milieu carcéral pour les personnes potentiellement condamnées à tort?

Je vous pose cette question parce que vous n’êtes pas le commissaire, et je vous demande, d’une certaine façon, de décrire la commission et la façon dont elle fonctionnerait. Il me semble que c’est une question cruciale. Je ne sais pas si nous voulons entendre dire qu’il y a 32 000 demandeurs, mais nous voulons avoir l’assurance que ces personnes auront la possibilité d’être informées et de faire avancer leur dossier.

C’est la première de mes deux questions.

Me Besner : Diverses sources nous disent que les raisons pour lesquelles il n’y a pas beaucoup de demandes au Canada par rapport aux autres pays sont peut-être la réticence ou le manque de confiance à l’égard du fait que le décideur n’est pas un organisme indépendant. Il y a aussi le fait que le système n’est pas connu — même chez certains criminalistes, tout le monde ne connaît pas le Groupe de révision des condamnations criminelles. Le règlement a été critiqué comme étant très onéreux pour les demandeurs, surtout ceux qui n’ont pas d’assistance juridique. Ils doivent rassembler toutes les transcriptions et connaître toutes les dates de leurs audiences, et cetera. La barre est également haute pour le renvoi.

Ce sont là quelques-uns des problèmes que le projet de loi cherche à corriger, en plus d’une fonction de sensibilisation spécifique permettant à la commission de communiquer avec les demandeurs potentiels au sujet de son existence et de son mandat qui est d’offrir des conseils et de l’aide. Si les gens sont démunis, c’est aussi pour leur donner accès à une assistance juridique pour leur demande. C’est ce genre de transformation qui est prévu.

Le président : Merci.

Je vais poser ma deuxième question. L’autre dimension critique pour les demandeurs est la décision que prendra la commission.

Nous avons participé à des exercices autour de cette table au cours des dernières années. Prenons l’exemple du projet de loi sur les juges. Pour déterminer si un juge a commis un acte déshonorant qui pourrait justifier une réprimande, nous avons intégré plusieurs niveaux de considération, et nous avons défini la nature des comités, qui doivent inclure des juges et des profanes, et cetera — chargés de décider si un juge a commis un acte plus ou moins répréhensible en termes de comportement judiciaire.

Nous avons structuré cela de façon extrêmement rigoureuse.

Dans ce cas-ci, ce n’est pas structuré avec rigueur. Nous avons un groupe de commissaires. Nous ne disons pas s’il faut que ce soit trois avocats et un non-juriste qui décident. Nous ne disons pas s’il doit y avoir des non-juristes. Je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas imposé la même rigueur au processus décisionnel prévu pour les personnes condamnées à tort que nous le faisons pour les juges ou pour les avocats qui font face à des mesures disciplinaires — ou probablement dans des myriades de circonstances où les provinces et le gouvernement fédéral rédigent les règles.

Pourquoi ne l’avons-nous pas fait ici?

Me Besner : Je suis contente que vous posiez cette question, parce que cela me donne l’occasion de revenir sur une réponse que le ministre a donnée plus tôt. Je crois que la sénatrice Batters avait posé une question au sujet du quorum. Dans le projet de loi, vous remarquerez que le commissaire en chef convoque et préside les réunions. Le commissaire en chef doit être un avocat ayant 10 ans d’expérience. C’est une réponse à cette question.

Pour ce qui est des autres éléments de votre question, monsieur le président, les commissaires seront appuyés par le personnel. Les commissions à l’étranger ont mentionné que leur personnel — les examinateurs de cas — sont tous des avocats. Certains d’entre eux ne sont peut-être pas des avocats, mais d’anciens enquêteurs. Ce sont des gens expérimentés. Ce sont les chevaux de trait.

Il est certain qu’avec son budget, cette commission sera appuyée par du personnel compétent et qualifié pour l’aider à prendre des décisions.

Le président : Je vais m’arrêter là. Quelques sénateurs veulent un deuxième tour, et je ne veux pas les en priver. Honorables sénateurs, vous avez environ trois minutes par question.

La sénatrice Batters : Tout d’abord, pour revenir à ce que vous venez de dire au sujet du quorum, j’ai remarqué cela au sujet de la présidence. Cependant, il y a aussi une disposition — et je n’arrive pas à la trouver aussi rapidement que j’en ai besoin maintenant —, mais il y a une disposition qui dit que lorsque le commissaire est absent — et c’est assez vague à ce sujet —, il y a un commissaire intérimaire. Rien ne dit que le commissaire par intérim doit nécessairement être un avocat. C’est une lacune potentielle, parce que j’allais demander si le commissaire doit faire partie du quorum ou non. Vous pourriez peut-être vous pencher sur ce point, car je pense qu’il y a là une lacune.

L’autre chose que je voulais vous demander brièvement pour vous donner l’occasion de clarifier la réponse, c’est que la sénatrice Oudar a eu un échange avec vous en français. J’écoutais l’interprétation et quelque chose n’a peut-être pas été correctement traduit. Vous avez donné l’exemple, maître Besner, d’un meurtrier reconnu coupable de plusieurs meurtres, mais dont l’un lui a peut-être valu une condamnation injustifiée. Cependant, il était en prison et purgeait une peine pour de nombreux autres meurtres. Avez-vous utilisé cela comme exemple de quelque chose qui n’est pas dans l’intérêt de la justice? Parce que, franchement, j’ai été choquée par votre réponse. J’aimerais vous donner l’occasion de l’expliquer parce que cela me semble nécessaire.

Me Besner : C’est un exemple où quelqu’un est reconnu coupable d’un meurtre qu’il n’a pas commis, ce qui équivaut à une erreur judiciaire. Quant à savoir s’il est dans l’intérêt de la justice de renvoyer l’affaire pour un nouveau procès, c’est une chose à laquelle la commission peut réfléchir et à laquelle les commissaires à l’étranger ont dû réfléchir dans le cas de demandeurs tels que, comme je l’ai dit, des tueurs en série...

La sénatrice Batters : C’est une partie du critère, mais pas l’autre partie. Est-ce bien ce que vous dites? Que ce pourrait être quelque chose...

Me Besner : L’intérêt de la justice, oui.

La sénatrice Batters : Cela ne servirait pas les intérêts de la justice. D’accord. Vous avez donné la réponse que j’essayais d’obtenir du ministre et qu’il ne m’a pas donnée.

Me Besner : Pour ce qui est de votre première question, je crois qu’en cas d’absence ou d’incapacité du commissaire en chef, le paragraphe 2 dit qu’il faut une personne qualifiée, donc un avocat qui a 10 ans d’expérience. C’est, je pense, ce qui est dit.

La sénatrice Batters : Je me pencherai là-dessus lorsque j’en aurai l’occasion. Merci.

La sénatrice Pate : Les juges LaForme et Westmoreland-Traoré ont recommandé que l’article 696.72 soit modifié afin de permettre une réforme proactive et systémique du mandat de la commission.

Vous avez mentionné le renvoi pour un nouveau procès. J’ai besoin de votre aide pour savoir comment vous formuleriez l’argument en faveur de ce genre d’examen pour ces 12 femmes. Parce que plusieurs d’entre elles ont plaidé coupables. Une réforme proactive et systémique s’impose pour prévenir de futures erreurs judiciaires. Je pensais qu’il faudrait un amendement, mais j’ai été très contente de vous entendre dire que vous ne pensiez pas que ce soit nécessaire. Pourriez-vous nous expliquer — si nous manquons de temps, vous pourriez peut-être le faire par écrit — comment vous justifieriez ce genre d’examen dans le projet de loi C-40?

Me Besner : Avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas pouvoir aller jusqu’à donner au comité une opinion sur la façon de structurer une demande particulière, comme vous le suggérez. J’ai essayé d’expliquer qu’il y a de nouveaux facteurs décisionnels à prendre en considération. Ils sont assez vastes et incluraient, comme je l’ai dit tout à l’heure, la situation de populations particulières.

Il y a la disposition sur le mandat, mais il y a aussi, dans les attributions, la fonction de sensibilisation, l’obligation de fournir des conseils et du soutien, qui vise vraiment à aider les demandeurs en cours de route, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe. La disposition précise clairement que les faux plaidoyers de culpabilité peuvent faire l’objet d’un examen. Je ne sais pas si cela pourrait aussi aider. C’est une précision.

La sénatrice Pate : Même s’il n’y a pas eu de plaidoyer de culpabilité — je vais revenir à la révision portant sur la légitime défense — sur les sept femmes qui ont reçu une recommandation de mesure de redressement, cinq d’entre elles ont d’abord vu leur demande rejetée par la juge Ratushny et son équipe. Lorsqu’elles sont venues me dire cela, je leur ai demandé : « Leur avez-vous dit X, Y, Z, ou quoi que ce soit d’autre? » À leur retour, cinq d’entre elles ont fait l’objet d’un nouvel examen et ont obtenu une mesure de redressement. Cela me porte à croire qu’il doit y avoir des directives très claires pour chercher des iniquités systémiques, surtout lorsqu’il s’agit de personnes racisées et, plus particulièrement, lorsqu’il y a un recoupement entre la race et le sexe.

Je ne vois rien dans la loi. Je suis vraiment contente d’entendre le ministre dire ce qu’il a fait. Je suis vraiment contente de vous entendre dire ce que vous avez fait. Je suis très satisfaite de l’analyse comparative entre les sexes plus, mais je ne vois pas la voie à suivre dans ce projet de loi à moins que vous puissiez m’aider à cet égard.

Me Besner : Encore une fois, je répète que tout cela est inclus à l’alinéa c) dans les facteurs décisionnels qui doivent être pris en considération.

La sénatrice Pate : Et les mesures de redressement?

Me Besner : Les mesures de redressement sont un nouveau procès ou un nouvel appel. Rien n’empêche la commission de diriger quelqu’un vers — disons qu’il ne s’agit pas d’une erreur judiciaire et que la personne est responsable, mais qu’elle pourrait peut-être bénéficier d’un répit de sa peine ou de quelque chose de ce genre. Elle pourrait être dirigée vers l’autre régime administratif qui existe pour la suspension du casier. L’article 749 du Code criminel ne dit rien dans cette loi qui limite de quelque façon que ce soit la prérogative royale de clémence, qui est un pouvoir vaste et illimité. Elle est toujours disponible pour tout ce qui n’est pas visé par ces régimes législatifs.

La sénatrice Pate : Combien de fois la prérogative royale de clémence a-t-elle été exercée au cours des 20 dernières années?

Me Besner : Je ne connais pas la réponse à cette question. C’est probablement rare, mais cette possibilité existe.

La sénatrice Pate : Cela n’a jamais eu lieu.

Le président : Merci.

Cela conclut notre étude de cette partie du projet de loi avec Me Besner et Me Cyr. Encore une fois, je tiens à vous remercier d’avoir répondu de façon exhaustive et précise à nos questions. Je tiens à remercier les sénateurs de la précision de leurs questions qui a permis à tout le monde d’avoir l’occasion de s’exprimer sur le projet de loi.

Cela met fin à la réunion. Nous poursuivrons notre étude du projet de loi demain, lorsque le comité reprendra ses travaux. Merci à tous.

(La séance est levée.)

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