LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 30 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires).
Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs.
[Traduction]
Je m’appelle Brent Cotter et je suis le président du comité. Je suis un sénateur de la Saskatchewan. J’invite mes collègues à se présenter, à commencer par la sénatrice qui se trouve à ma gauche.
La sénatrice Batters : Je suis la sénatrice Denise Batters et je viens également de la belle province de la Saskatchewan.
[Français]
Le sénateur Carignan : Bonjour. Claude Carignan, de la belle province de Québec.
La sénatrice Oudar : Bonjour. Manuelle Oudar, de la belle province de Québec. Bienvenue.
Le sénateur Dalphond : Bonjour. Pierre Dalphond, de la division De Lorimier, dans la belle province de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Je suis le sénateur David Arnot et je complète le trio de la Saskatchewan.
Le président : À ce stade, on pourrait penser que les sénateurs membres de ce comité ne proviennent que de deux provinces, mais ce n’est pas tout à fait vrai.
La sénatrice Simons : Permettez-moi de vous détromper. Je suis la sénatrice Paula Simons et je viens du territoire du Traité no 6, en Alberta.
La sénatrice Pate : Kim Pate. Bienvenue à nos témoins. Je vis ici, sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Je m’appelle Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse, le terrain de jeu océanique du Canada.
[Traduction]
Le sénateur K. Wells : Kristopher Wells, de la région des majestueuses Rocheuses, en Alberta.
Le président : Nous avons des choses sérieuses à faire aujourd’hui, et je ne veux pas que vous pensiez que nous sommes le comité du tourisme du Sénat.
Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires). Il est communément appelé Loi de David et Joyce Milgaard.
Pour notre premier groupe de témoins, nous sommes très heureux d’accueillir l’honorable Harry LaForme, avocat-conseil principal, Olthuis Kleer Townshend, et ancien et éminent juge de l’Ontario. Il témoigne aux côtés de Kent Roach, professeur, Faculté de droit, Université de Toronto. Tous deux participent par vidéoconférence. Bienvenue, messieurs. Nous vous remercions d’avoir pris le temps de vous joindre à nous.
Nous accueillons en personne Neil Wiberg, avocat de la défense, Nicola Law Group, à Kamloops et Emma Cunliffe, professeure de droit, Université de la Colombie-Britannique. La professeure Cunliffe se joint également à nous par vidéoconférence. Bienvenue et merci beaucoup de vous être joints à nous.
Nous commencerons par les remarques liminaires. M. LaForme et le professeur Roach, qui partageront leur temps de parole, seront les premiers à prendre la parole, suivis de Me Wiberg et de la professeure Cunliffe. J’inviterai M. LaForme et le professeur Roach à nous faire un discours d’environ sept minutes, puis nous passerons aux autres témoins.
L’honorable Harry LaForme, avocat-conseil principal, Olthuis Kleer Townshend, à titre personnel : Merci beaucoup. Je suis heureux d’être ici. Je pense que ce dossier est très important. Je vais céder la parole au professeur Roach. Comme vous le savez, lui et moi avons beaucoup travaillé sur ce sujet. Nous avons quelques inquiétudes et nous aimerions que le comité les prenne en considération et qu’il propose éventuellement des amendements.
Je cède maintenant la parole à Me Roach et j’espère pouvoir disposer de quelques instants à la fin pour dire quelques mots.
Me Kent Roach, professeur, Faculté de droit, Université de Toronto, à titre personnel : Merci beaucoup de l’invitation. Nous ne sommes pas venus ici pour dire que chacune des 51 recommandations formulées dans le rapport sur les erreurs judiciaires devrait être incluse dans le projet de loi C-40, mais certaines recommandations très importantes continuent d’être rejetées malgré les modifications utiles apportées par la Chambre des communes.
Notre rapport est le plus récent et nous avons consulté les cinq commissions étrangères. Les problèmes de la commission anglaise se sont même aggravés depuis que nous avons achevé notre rapport en 2021.
À l’instar des personnes exonérées et d’Innocence Canada, nous espérons qu’une commission indépendante sera créée, mais nous déplorons qu’il ait fallu autant de temps pour en arriver là et nous craignons qu’il soit tout à fait possible que ce projet n’aboutisse pas.
Cela dit, nous pensons que le projet de loi C-40 est loin de garantir que la commission proposée sera vraiment indépendante du gouvernement, qu’elle représentera réellement les populations à risque et qu’elle disposera de pouvoirs et de fonds suffisants pour accomplir le travail nécessaire.
Je vais aborder rapidement sept points. Premièrement, une commission de cinq personnes sans représentants autochtones et noirs est manifestement inadéquate pour le Canada. C’est d’autant plus vrai que la Nouvelle-Zélande, un pays bien plus petit que le nôtre, dispose d’une commission de sept personnes où la représentation des Maoris est garantie. C’est particulièrement vrai si nous voulons que la commission soit proactive et systémique.
Deuxièmement, le projet de loi prévoit que seul le commissaire en chef exercera sa charge à temps plein. Le commissaire en chef doit être un avocat, mais peu importe le titulaire du poste, il devra assumer les lourdes tâches d’un chef de la direction pratiquement à temps plein. Je sais que le juge LaForme peut parler de certaines de ces questions en s’appuyant sur son expérience personnelle.
Troisièmement, nous sommes d’avis que le mandat renouvelable des commissaires est une mauvaise idée qui nuit à l’indépendance des commissaires par rapport au gouvernement. Nous n’accepterions pas de mandats renouvelables pour les juges. Comme nous l’avons souligné dans notre mémoire, le refus du gouvernement de renouveler le mandat d’au moins un commissaire en raison d’objections à sa position a causé des problèmes et a contribué à miner la confiance du public dans la commission anglaise.
Nous faisons également remarquer que le processus de nomination par le gouverneur en conseil est notoirement lent et peu transparent. Comme l’ont souligné les juges LaForme et Westmoreland-Traoré dans leur rapport de 2021, il faut au moins que les candidats soient soumis à un certain examen de la part d’organismes représentatifs et spécialisés. Il ne suffit pas de s’en remettre au statu quo en ce qui concerne les nominations gouvernementales.
Quatrièmement, la commission doit être dotée des mêmes pouvoirs que la commission anglaise et de nombreux barreaux en ce qui concerne l’accès aux informations privilégiées. Le projet de loi ne fait que maintenir le statu quo en conférant à la commission des pouvoirs au titre de la Loi sur les enquêtes. Lors de nos consultations publiques, les chefs des poursuites pénales ont laissé entendre — et je dirais qu’il s’agit d’une menace si j’étais moins poli — qu’ils pourraient refuser de coopérer avec une commission proactive parce qu’ils craignent que la commission ne veuille obtenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat ou par le secret de l’informateur.
Comme nous l’avons mentionné dans notre rapport, les barreaux du Canada ont la capacité d’accéder aux informations protégées sans nécessairement compromettre le secret. La commission anglaise possède clairement ce pouvoir, et si le projet de loi C-40 est adopté sans amendement, nous craignons que la commission ne dispose pas des pouvoirs dont elle a besoin pour obtenir toutes les informations, en particulier des policiers et des procureurs.
Cinquièmement, nous estimons que la commission doit pouvoir être saisie de demandes d’aide en raison d’éléments nouveaux importants concernant des condamnations en cours. Parmi les cinq commissions étrangères, seule celle de la Caroline du Nord n’a pas ce pouvoir. Le rapport de la sénatrice Pate sur 12 femmes autochtones montre que vous devez avoir accès aux informations, y compris aux informations des rapports Gladue qui ont été prises en compte de manière inadéquate ou incorrecte par les tribunaux de première instance, les cours d’appel et les commissions des libérations conditionnelles.
Sixièmement, il doit être interdit à la commission de refuser de renvoyer un cas qui pourrait comporter une erreur judiciaire sous le vague prétexte qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice de le faire. Oui, c’est le critère écossais, mais la commission écossaise nous a dit qu’il lui arrive parfois de dire qu’une personne est un candidat peu appétissant, quelqu’un qui a beaucoup de condamnations. Par conséquent, il n’est pas dans l’intérêt de la justice de renvoyer l’affaire devant le tribunal, même s’il existe peut-être une erreur judiciaire.
Septièmement, il est nécessaire de financer la commission de manière adéquate et indépendante, comme si elle faisait partie de la magistrature. Nous sommes d’accord avec Guy Paul Morin, une personne exonérée qui est mieux placée que nous pour le savoir, la précision et les véritables enquêtes, plutôt que les examens du cas par voie d’étude du dossier, prennent du temps. Il faut un budget adéquat.
Je cède la parole au juge LaForme.
M. LaForme : Merci. J’ai quelques commentaires à faire pour terminer. Merci beaucoup, maître Roach. Il s’agit principalement de nos opinions et des améliorations que nous apporterions au projet de loi.
Premièrement, ce qui me préoccupe le plus, c’est l’indépendance. Je ne pense pas que cette structure personnelle permettra à la commission d’être indépendante. Je suis inquiet à l’idée que le commissaire en chef doive assumer deux responsabilités, celle d’un administrateur et celle d’un commissaire en chef. J’en ai fait l’expérience et cela ne fonctionne tout simplement pas. Les exigences du gouvernement sont tout simplement trop importantes pour que ces deux fonctions puissent être exercées de manière adéquate.
Deuxièmement, je dirais qu’il est même possible qu’il n’y ait pas de représentants autochtones et noirs. C’est possible dans le cadre de la structure actuelle. Cependant, je pense que c’est absolument essentiel. Ce sont les deux groupes les plus à risque et les plus surreprésentés dans nos établissements, nos prisons. Il me semble qu’il doit y avoir un moyen de faire en sorte que l’un d’entre eux, ou les deux, soient représentés dans la commission. J’irais même jusqu’à dire que je préférerais que la présidence soit confiée à un Autochtone.
Troisièmement, comme l’a laissé entendre le professeur Roach, le financement doit être très semblable à celui des juges et une commission indépendante doit déterminer à quel point il peut être augmenté ou réduit. Je ne suggère pas qu’ils soient payés le même salaire que les juges, mais, à mon avis, cela garantit l’indépendance de la commission et un financement adéquat.
Je pourrais dire bien d’autres choses, mais je souhaite simplement ajouter deux choses. Notre commission a parlé à David Milgaard à quelques reprises dans le cadre de notre enquête. Il pense sérieusement que la commission est nécessaire et il tient beaucoup à ce qu’elle soit indépendante et productive. De son point de vue, il y a tellement de gens qui ont besoin de ces services, je ne saurais donc trop insister sur leur importance.
La dernière chose que je souhaite dire est que j’ai été juge pendant 25 ans, dont 15 ans en tant que juge d’une cour d’appel. En tant que juge, je me souviens particulièrement des mots « dans l’intérêt de la justice », qui représentent pour moi le mystère le plus complet. Je ne sais toujours pas ce qu’ils signifient. Je sais à quoi ils peuvent servir et je les ai utilisés dans des décisions, mais je ne sais pas ce qu’ils signifient et j’ose dire qu’aucun de mes collègues ne le sait non plus.
Voilà mes commentaires supplémentaires. Merci.
Le président : Merci à vous deux. J’invite maintenant Me Wiberg à prendre la parole pendant environ cinq minutes.
Me Neil Wiberg, avocat de la défense, Nicola Law Group, à titre personnel : Je m’appelle Neil Wiberg. Je suis aujourd’hui avocat de la défense à Kamloops, en Colombie-Britannique. Je suis né à Ottawa, où j’ai grandi, et, hélas, je suis toujours un partisan du Rouge et Noir et des Sénateurs. J’ai fait mes études de droit à l’Osgoode Hall Law School. Je suis ensuite allé en Alberta. J’ai travaillé comme procureur de la Couronne en Alberta pendant 33 ans. J’ai commencé à Vegreville et j’ai travaillé à la cour de circuit dans des endroits comme Viking, Lloydminster, Wainwright et Vermillion. J’ai vécu à Fort McMurray pendant cinq ans et je me suis rendu dans des communautés autochtones accessibles par avion, comme Wabasca-Desmarais et Fort Chipewyan. Ensuite, je suis retourné à Vegreville en tant que procureur en chef de la Couronne. J’ai travaillé au siège pendant plusieurs années. J’ai obtenu mon titre de conseiller du roi en 2006, puis je suis redevenu avocat plaidant principal à Edmonton pendant sept ou huit ans. J’ai ensuite déménagé en Colombie-Britannique et j’ai été responsable du bureau du procureur de la Couronne de Kamloops, et j’ai ensuite travaillé comme avocat de la défense pendant les deux dernières années. Voilà mes antécédents.
J’ai représenté la partie plaignante dans environ 70 affaires d’homicide au cours de ma carrière. Je suis tout à fait en faveur du projet de loi. Je suis tout à fait en faveur de la création de la commission. En ce qui concerne les condamnations illégales, beaucoup de travail effectué par le Sénat et la Chambre des communes dans le passé a contribué à remédier au problème.
Au début de ma carrière, il n’y avait pas d’obligation de divulgation; seule une copie de la dénonciation était communiquée. La décision Stinchcombe a été déterminante puisqu’elle a établi l’obligation de la Couronne de divulguer à la défense tous les éléments de preuve pertinents à la cause. L’acceptation de l’ADN comme preuve scientifique, les mandats ADN et la banque de données ont énormément changé les choses, puisque l’ADN permet d’exclure des suspects possibles.
Je pourrais vous parler d’un cas dans quelques minutes — ou tout de suite — où il y avait une preuve d’expertise des cheveux et des fibres. Il s’agissait d’une preuve circonstancielle solide, mais la police m’a dit qu’il était possible d’avoir recours à l’ADN mitochondrial. Si l’on doit examiner un cheveu et que l’on n’a pas la tige capillaire, on ne peut pas utiliser l’ADN nucléaire normal. Il faut utiliser l’ADN mitochondrial. À l’époque, aucun laboratoire au Canada ne pouvait analyser cet ADN. Le plus proche était en Caroline du Nord. En tant que procureur, j’ai décidé de ne pas autoriser le dépôt d’accusations tant que l’ADN mitochondrial n’était pas analysé. Aucune correspondance n’a pu être trouvée. Cet individu, qui aurait pu être inculpé en raison de la solidité de la preuve d’expertise des cheveux et des fibres, a seulement été incommodé pendant cinq minutes, le temps que l’on prélève un échantillon d’ADN, puis a été exclu des suspects. Par conséquent, la loi sur les empreintes génétiques est très efficace.
L’enquête sur l’affaire Sophonow, dans le cadre de laquelle le juge Cory a formulé de nombreuses recommandations, a également eu une grande incidence, par exemple en ce qui concerne la vision en tunnel. Pendant deux ans, j’ai été avocat-conseil de la Couronne dans l’affaire des meurtres commis à Mayerthorpe et j’ai conseillé la police sur les opérations d’infiltration visant à déterminer qui avait donné l’arme à James Roszko. Finalement, au bout de deux ans, il y a eu suffisamment de preuves pour porter des accusations, mais à ce moment-là, je n’étais plus du tout assigné au dossier parce que j’avais donné des conseils à la police pendant deux ans et qu’il y avait un risque d’avoir une vision en tunnel. Je n’ai donc joué aucun rôle dans la poursuite.
Le recours à des indicateurs incarcérés a bien changé. Après l’arrêt Hébert, rendu par la Cour suprême du Canada, la police a eu beaucoup recours à des dénonciateurs sous garde. Il s’est avéré que c’était un véritable désastre, et l’enquête Sophonow a permis de réduire cette pratique. En Alberta, nous n’avons presque jamais utilisé de dénonciateurs sous garde. La preuve d’expertise des cheveux et des fibres a été pratiquement traitée comme une science de pacotille, et bien qu’elle ait été utilisée auparavant, elle ne l’est plus aujourd’hui.
Je pense que la commission pourrait faire un excellent travail en matière de formation juridique. Je me souviens d’une conférence à laquelle j’ai assisté en Alberta, une conférence des procureurs de la Couronne, où James Lockyer était invité et y a fait un excellent exposé sur les erreurs judiciaires. Cet exposé a été bien reçu par les procureurs participant à la conférence. Les gens s’en sont souvenus pendant des années. Ce fut un discours très utile. Je pense que la commission pourrait donner des conseils sur les erreurs judiciaires aux divers comités et associations du Barreau.
Il est très important que ce projet de loi soit adopté, mais j’apporterais toutefois une modification au Code criminel. Je souhaiterais qu’on modifie les articles 469 et 473, qui ordonnent un procès devant jury dans une affaire de meurtre. La règle veut que, pour une infraction normale, y compris une tentative de meurtre, une agression sexuelle grave ou une conduite avec facultés affaiblies causant la mort, la défense ait le choix entre un juge d’une cour provinciale, un juge de la Cour suprême sans jury ou un juge de la Cour suprême avec jury.
L’article 473 indique que pour les infractions visées à l’article 469, y compris le meurtre, la trahison et un certain nombre d’infractions de piraterie — sachez qu’il n’y a pas beaucoup de piraterie sur la rivière Saskatchewan Nord, alors cela montre à quel point ces articles sont désuets —, l’article 473 s’applique. Tout prévenu inculpé doit donc être jugé par un tribunal composé d’un juge et d’un jury. Une personne accusée d’une de ces infractions peut être jugée sans jury par un juge si elle-même et le procureur général y consentent, autrement il faut convoquer un jury. Je pense que c’est une erreur pour de nombreuses raisons.
Tout d’abord, il y a certains endroits où, en raison de questions historiques et culturelles, les jurys ont plus tendance à déclarer les individus coupables. Les professeurs de droit et les avocats vous diront que dans ces régions, les jurys prononcent presque toujours une condamnation. Dans d’autres, ils acquittent plus rapidement les accusés. Si vous vous trouvez dans cette région, vous aurez affaire à un jury qui prononcera probablement une condamnation. Les jurys aiment faire des compromis. Parfois, c’est une bonne chose pour la défense, mais pour d’autres, ce n’est pas le cas.
Je me souviens d’un cas, à Lethbridge, où un homme était accusé à la fois d’attouchements sexuels et d’agression sexuelle. La seule différence entre les deux accusations est que dans l’un des deux cas, la victime avait moins de 16 ans. Il n’y avait aucun doute là-dessus. Le juge a dit au jury que s’il pensait condamner l’individu, celui-ci devait nécessairement être reconnu coupable des deux chefs d’accusation, car les preuves étaient les mêmes. Le jury est revenu et a reconnu l’homme coupable d’une accusation et l’a acquitté de l’autre. Il n’y a aucune raison juridique à cela, si ce n’est qu’il a accepté de faire un compromis pour l’une des deux parties.
Les jurés peuvent déroger à la loi. Je me suis déjà occupé d’une affaire de la « dernière chance ». On n’en voit plus beaucoup aujourd’hui, car la clause de la dernière chance a été abrogée. Il s’agissait d’une procédure de récusation motivée dans le cadre de laquelle la défense était autorisée à poser des questions au jury. En l’espèce, une femme avait été condamnée à une peine d’emprisonnement à perpétuité, c’est-à-dire à 25 ans, pour meurtre au premier degré. Or, après 17 ans, elle souhaitait obtenir une libération conditionnelle anticipée. On a donc tenu une audience de la dernière chance au cours de laquelle on a posé la question suivante aux candidats-jurés : « Après avoir écouté les preuves et les instructions du juge, les suivriez-vous? » Six des jurés ont répondu par la négative. Les peines de prison à vie doivent être purgées en entier, peu importe les preuves ou ce que dit le juge. Nous ne raccourcirons pas la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle.
La prépondérance est également une réelle difficulté. La dernière fois où j’ai dû plaider devant un jury, la juge, après avoir examiné les règles concernant les demandes reposant sur l’arrêt Corbett, c’est-à-dire l’autorisation de contre-interroger un accusé relativement à son casier judiciaire, la juge a indiqué qu’elle ne faisait pas confiance au jury pour prendre la bonne décision en raison de la prépondérance. Selon elle, en raison des condamnations antérieures de l’accusé, le jury serait certainement d’avis qu’il est coupable. Elle a donc refusé d’accéder à la requête parce qu’elle ne faisait pas confiance au jury.
Par ailleurs, nous ne faisons pas confiance aux jurys pour le voir-dire, car nous savons qu’ils utiliseraient ces preuves de manière inappropriée. Ils prennent souvent des décisions sous le coup de l’émotion. Je pense donc que la défense devrait avoir le droit absolu de pouvoir choisir un juge seul. Merci beaucoup.
Emma Cunliffe, professeure de droit, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire traditionnel et ancestral non cédé des Musqueam. Je voudrais commencer par remercier le comité de m’avoir invitée à témoigner.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens à dire d’emblée que le Canada a besoin de toute urgence d’une commission chargée d’examiner les erreurs judiciaires qui soit indépendante, représentative et adéquatement financée, et que le projet de loi C-40 risque de perpétuer certains des préjugés existants au sein du système juridique pénal, de la culture juridique et du processus d’examen ministériel.
Je vais tout d’abord commencer en parlant de la nécessité d’établir cette commission. En 2017, mon coauteur Gary Edmond et moi-même avons comparé les taux de condamnations injustifiées dans trois pays comparables : le Canada, l’Écosse et le reste du Royaume-Uni. Nous avons constaté que le Canada est loin derrière par rapport à ses homologues.
Par habitant, le système canadien actuel parvient à recenser et à corriger les condamnations injustifiées à environ un vingtième du taux de l’Écosse et de la Grande-Bretagne, qui disposent toutes deux d’une commission d’examen des affaires pénales depuis un certain temps.
On ne peut pas expliquer un tel écart par une différence dans les taux réels de condamnations injustifiées. En fait, le Royaume-Uni dispose de mesures de protection plus solides au niveau des procès et du système contre les condamnations injustifiées, notamment une réglementation plus efficace des procédures policières et des sciences judiciaires, ainsi qu’un meilleur financement de l’aide juridique.
Si vous me le permettez, j’aimerais parler des préjugés qui sont bien ancrés dans le système canadien. Lorsqu’on examine les erreurs judiciaires recensées au Canada, on constate que le processus d’examen ministériel existant présente des lacunes importantes, y compris des préjugés et des angles morts. D’autres témoins vous ont dit, par exemple, que sur les 30 renvois ministériels effectués depuis 2002, tous étaient des hommes et moins d’un quart d’entre eux étaient racisés.
L’important rapport de la sénatrice Kim Pate sur les erreurs judiciaires subies par 12 femmes autochtones met en évidence des facteurs systémiques qui contribuent à ce schéma. Ma coauteure, Debra Parkes, et moi-même avons étudié dans quelle mesure les approches juridiques existantes nuisent particulièrement aux femmes condamnées à tort, ainsi qu’aux personnes autochtones et racisées.
Nous constatons que ces groupes risquent davantage d’être accusés pour des crimes qui n’ont jamais eu lieu, de plaider ou d’être déclarés coupables alors qu’ils ont un motif de défense valable et d’assumer la responsabilité des actes d’autrui dans des circonstances où ils ne sont pas légalement responsables d’un crime. Dans chacune de ces circonstances, l’innocence réelle est difficile, voire impossible à prouver. Pour ces personnes condamnées à tort, il est particulièrement improbable qu’apparaissent de nouvelles preuves du type de celles qui ont permis de disculper David Milgaard ou Guy Paul Morin.
Maître Roach, tout comme la professeure émérite Elizabeth Sheehy, a également écrit sur les caractéristiques des condamnations injustifiées des Autochtones au Canada. En bref, ces schémas sont très bien documentés.
Il existe une multitude d’écrits universitaires et politiques sur les causes des préjugés qui existent au sein du système judiciaire pénal canadien. Le racisme systémique, la pauvreté et le sous‑investissement à l’échelle du système dans la fiabilité et l’examen approprié des preuves sont des facteurs clés, tout comme une culture juridique qui privilégie l’accusation, la collégialité professionnelle et l’irrévocabilité d’une décision plutôt que l’exactitude des faits et le soutien des accusés pauvres et marginalisés. Ce projet de loi ne s’attaque pas à ces préjugés.
Le projet de loi C-40 contient quelques bons éléments, tels que la prestation d’une aide financière et matérielle aux demandeurs dans le besoin et un seuil plus bas que celui qui existe actuellement pour l’ouverture d’une enquête indépendante financée par le gouvernement.
Je me réjouis également du paragraphe 696(6), qui précise que la preuve de l’innocence factuelle n’est pas le critère sur lequel repose la décision de renvoyer une affaire. Toutefois, il existe également des lacunes, dont certaines ont été abordées par mes collègues Me Roach et le juge LaForme. J’approuve leurs recommandations, en particulier celle voulant que la nouvelle commission ait le pouvoir d’accéder à des renseignements confidentiels. Si la commission n’est pas dotée de ce pouvoir, sa capacité à accomplir son important travail sera compromise dans de nombreux cas.
Outre leurs recommandations, j’aurais une autre proposition à faire. Dans le libellé actuel, lorsqu’il est question des motifs à prendre en considération, au paragraphe 696.6(5), il est question de savoir « si la demande repose sur une nouvelle question importante », ce qui, selon moi, peut être interprété très largement. On pourrait penser que cela n’englobe pas la réévaluation d’un procès et les processus d’enquête visant à établir les faits en l’absence de nouvelles preuves ou en l’absence d’un autre motif d’appel bien établi, tel que l’aide inefficace de l’avocat.
Je propose que les motifs de décision soient modifiés par l’ajout d’un nouvel alinéa (a.1) :
la fiabilité, l’exactitude et l’équité des preuves admises, des stratégies juridiques adoptées et des arguments avancés au cours de toute procédure antérieure en rapport avec la conclusion ou le verdict;
Cette nouvelle disposition attirerait l’attention de la commission sur les possibles préjugés et le raisonnement préjudiciable à l’égard des demandeurs marginalisés, y compris le rôle que la culture juridique peut jouer précisément dans les condamnations injustifiées.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-40 constitue un progrès important sur le plan de la justice au Canada. Il est essentiel que ce projet de loi soit adopté. De nombreux rapports réclament la création de cette commission, et vous avez vous-mêmes entendu des personnes ayant été condamnées à tort vous dire à quel point il est difficile d’être disculpé dans un système qui privilégie actuellement le caractère définitif d’une décision plutôt que la justice.
Je vous prie de prendre les mesures nécessaires pour que la nouvelle commission soit financée adéquatement, qu’elle soit entièrement indépendante et qu’elle dispose des pouvoirs nécessaires pour accomplir son travail en toute impartialité et, au besoin, pour remettre en question la manière dont les structures juridiques et les normes professionnelles existantes contribuent au problème des condamnations injustifiées au Canada. Je vous remercie de votre attention.
Le président : Je vous remercie, maître Cunliffe. Je vais tout d’abord céder la parole au sénateur Arnot, le parrain du projet de loi.
Le sénateur Arnot : Merci. Tout d’abord, je voudrais remercier tous les témoins qui ont offert leur expertise à propos de ce projet de loi. J’ai discuté avec les partisans du projet de loi, dont le ministre, qui souhaitent qu’il soit adopté tel quel, sans amendement.
On ne saurait trop insister sur l’importance d’adopter cette mesure législative sans amendement. Le projet de loi offre de véritables solutions à des problèmes systémiques qui persistent depuis des décennies. Il est temps de réformer le système judiciaire afin qu’il réponde aux besoins de tous les Canadiens, en particulier les personnes marginalisées.
J’ai deux questions à poser. Ma première question s’adresse à Me Wiberg. D’après votre expérience unique en tant qu’avocat de la Couronne et de la défense, pensez-vous que les avocats de la défense peuvent tirer parti du concept de la « nouvelle question importante » prévu dans le projet de loi C-40 pour contester efficacement des condamnations antérieures? Dans quelle mesure pensez-vous que la commission devrait examiner ce qui est considéré comme de nouvelles preuves, compte tenu de la souplesse et de la créativité dont elle a besoin?
Ma prochaine question s’adresse aux trois autres témoins. Sachant que les amendements au projet de loi pourraient faire en sorte de tuer le projet de loi, seriez-vous d’accord pour qu’on adopte le projet de loi sans amendement?
Me Wiberg : Oui. Je crois qu’il faut inclure autant que possible les nouvelles preuves. La présentation de nouvelles preuves devrait être là.
[Français]
Le sénateur Carignan : Il ne faut pas induire le témoin en erreur en posant une question. Un amendement ne tuera pas le projet de loi. Il fera en sorte que le projet de loi sera renvoyé à la Chambre des communes avec un message, et la Chambre décidera si elle l’accepte ou non. On décidera. Cela peut se faire en 24 heures. Un amendement, surtout dans un projet de loi du gouvernement, ne tue pas le projet de loi. On ne peut pas induire le témoin en erreur de cette façon dans une question.
[Traduction]
Le président : Je crois que nous avons entendu des questions teintées de subjectivité. C’est une observation juste, sénateur Carignan, mais je ne compte pas en dire plus là-dessus. Je vais laisser Me Wiberg répondre.
Me Wiberg : D’abord, je suis d’accord que le projet de loi devrait favoriser autant que possible les nouvelles preuves. Par exemple, il serait utile pour l’avocat de la défense de pouvoir facturer l’aide juridique pour ce genre de travail, car, dès qu’un dossier d’aide juridique est clos, il passe à autre chose — ce genre de choses. Si vous pouviez ajouter la possibilité de facturer l’aide juridique, je crois que l’avocat de la défense serait beaucoup plus enclin à faire le travail nécessaire et s’y investirait davantage.
Le président : En ce qui a trait à la deuxième question, je vais inviter Me Roach à intervenir, s’il souhaite faire une remarque.
Me Roach : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Cotter, je vais m’en remettre à mon supérieur, le juge LaForme.
M. LaForme : D’accord. Je dirais, dans le cas de la deuxième question, à savoir si le projet de loi serait adopté ou rejeté en raison des amendements, que j’estime qu’il le serait, car le projet de loi est nécessaire. Avec bien de la chance, ce pourrait être un processus indépendant. Je pense que c’est ce qu’il faudra : beaucoup de chance.
Pour ce qui est du choix des commissaires, nous aurons de la chance s’il y a une personne autochtone au sein de la commission, encore plus si c’est elle qui la préside. C’est le groupe le plus surreprésenté dans les prisons, donc j’estime que la chance sera favorable à cela.
Même chose pour le budget. Je ne crois pas que le commissaire en chef puisse assumer les deux fonctions avec l’ardeur nécessaire à une telle commission. Si ces deux éléments et le financement adéquat et garanti sont en place, alors, avec de la chance, je crois que la commission sera en mesure de faire son travail.
Me Cunliffe : Je préférerais que ce projet de loi soit adopté plutôt que rejeté. Je peux le dire sans équivoque. Toutefois, si c’est la voie que privilégie cet honorable comité, je voudrais que nous soyons tous prêts à demander des comptes à la commission dans l’accomplissement de son travail, mais aussi à nous-mêmes par rapport à la demande soutenue d’amendements supplémentaires comparables à ceux exigés aujourd’hui.
Le président : Merci beaucoup. La sénatrice Batters, vice-présidente de ce comité et porte-parole responsable du projet de loi, est la prochaine intervenante.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Avant toute chose, j’aimerais également souligner que c’est un projet de loi qui émane du gouvernement, donc s’il y a des amendements, ils seront jugés prioritaires à la Chambre des communes par le gouvernement du Canada. Le message sera donc entendu rapidement, contrairement à un projet de loi d’initiative parlementaire qui pourrait possiblement être rejeté s’il est amendé. Je voulais simplement faire cette distinction.
Ma première question, et j’en ai beaucoup — c’est vraiment dommage que vous ne soyez pas des nôtres un peu plus longtemps. Je vous remercie sincèrement pour tout le travail que vous avez fait là-dessus et les observations fort importantes que vous avez faites aujourd’hui.
D’abord, je pense que j’aimerais commencer avec le juge LaForme et Me Roach, peu importe lequel souhaite en dire plus là-dessus. J’ai la même préoccupation que vous quant à l’inclusion de l’intérêt de la justice dans la norme. Quand le ministre a comparu devant nous, je lui ai cité la norme. Je lui ai dit que le projet de loi n’arrivait pas à cerner l’intérêt de la justice, puis je lui ai demandé le type de situations où un appel serait nécessaire en raison d’une possible erreur judiciaire, mais ne servirait pas l’intérêt de la justice. Il ne m’a pas vraiment fourni de réponse.
Est-ce votre principale préoccupation, le fait que le projet de loi ne dise en somme rien, mais qu’il pourrait, selon vous, nuire à quelqu’un qui a été condamné à tort?
M. LaForme : Oui, je suis d’accord avec vous. Comme je l’ai dit dans ma déclaration, je n’ai jamais compris le sens d’« intérêt de la justice ». Je savais quand m’en servir pour appuyer une décision ou quelque chose du genre. Là, je l’employais. C’est une expression fourre-tout, et aucun juge n’aime l’admettre, mais nous ne savons pas ce qu’elle veut dire. On peut essentiellement lui donner le sens que l’on veut.
Elle peut aussi être dommageable, je dirais, et c’est ce qui m’inquiète. Je ne crois pas que ce devrait être dans le test.
La sénatrice Batters : Merci. Proposeriez-vous de simplement la retirer de cette disposition?
M. LaForme : Oui.
La sénatrice Batters : Merci.
Me Roach : Je suis d’accord, mais j’ajouterais que la norme adéquate est qu’il « peut » y avoir eu erreur judiciaire, car, en ce moment, c’est une certitude. Je crois que le ministre vous a dit que tous ses renvois se sont traduits par un acquittement ou par le maintien des procédures par le procureur.
La commission écossaise affiche un taux de réussite de 50 % quand elle renvoie des affaires à la haute cour d’appel. Il me semble évident que nous avons un ministre de la Justice ou que nous avons eu des ministres de la Justice au fil des ans qui sont doués pour obtenir les affaires qui ne sont que des formalités, ces cas où...
La sénatrice Batters : Désolée, mais je dispose de peu de temps.
Me Roach : D’accord, bien sûr.
La sénatrice Batters : Je dois vous poser des questions sur d’autres choses.
Juge LaForme, votre rapport recommande également que la commission puisse renvoyer des affaires en vue d’un pardon ou d’une suspension du casier judiciaire, ce qui permettrait aux demandeurs qui auraient pu faire l’objet d’une erreur judiciaire de profiter de cette option si elle est justifiée, mais cette disposition ne figure pas dans le projet de loi C-40. Vous a-t-on consulté là-dessus pendant la rédaction du projet de loi? Si oui, pour quelle raison votre recommandation n’a-t-elle pas été retenue par le gouvernement?
M. LaForme : Je n’ai aucune idée pourquoi les recommandations n’ont pas été retenues. On ne m’en a pas parlé. Nous avons posé des questions là-dessus, et toutes les recommandations qui figurent dans le rapport et que nous avons soumises au ministre étaient des recommandations faites par d’autres commissions; elles précisent où il y a des problèmes et ce qui pourrait améliorer la façon de travailler des commissaires. C’est quelque chose qui a toujours été là, et nous avons fait des consultations là-dessus, puis nous avons obtenu des conseils.
Le sénateur Prosper : J’aimerais revenir à certaines des remarques de Me Roach et du juge LaForme, plus précisément sur la composition de la commission. Ai-je raison de dire que la représentation des communautés autochtone et noire au sein de la commission est nécessaire? Est-ce une composante nécessaire?
Ensuite, vous avez parlé des pouvoirs prévus dans la Loi sur les enquêtes et qu’ils ne tiennent pas compte du secret professionnel. Dans combien de cas estimons-nous qu’il y a secret professionnel? J’essaie tout simplement de bien cerner l’idée. Merci.
Me Roach : En ce qui a trait au secret professionnel, je suis préoccupé par la possibilité pour la police de revendiquer le secret professionnel quand il s’agit de ses conversations avec le procureur de la Couronne. C’est fort préoccupant. Il pourrait également y avoir une situation où l’identité d’un informateur n’a pas été divulguée, mais même les tribunaux admettent qu’il y a exception quand l’innocence de quelqu’un est en jeu.
J’y reviens parce que ce sont les chefs des poursuites qui nous ont essentiellement avisés pendant les consultations qu’ils ont eu maille à partir avec le Groupe de la révision des condamnations criminelles et Justice Canada. Ils sont arrivés à résoudre le différend, mais ils étaient prêts à se rendre jusqu’aux tribunaux.
Je crois qu’il serait facile de corriger cet aspect. Pour revenir aux propos du sénateur Arnot, si nous avons le choix entre oui ou non, je crois que c’est malheureux, parce que le ministre avait notre rapport fournissant tous les détails là-dessus sur son bureau en septembre 2021. J’estime donc que la situation est malheureuse, si elle doit en effet se solder ainsi.
M. LaForme : J’ajouterais que le barreau et d’autres entités ont ce privilège. Ils ont l’obligation de le protéger. Je crois que ce pourrait être la même chose pour cette commission, de sorte qu’elle serait tenue au secret professionnel, et donc responsable de protéger ce privilège et d’agir en conséquence. C’est le cas au sein du barreau, et la commission pourrait très bien faire de même.
Pour ce qui est de la première partie de votre question, je crois qu’il est primordial d’avoir des Autochtones et des Noirs au sein de la commission. Ce projet de loi ne garantit pas qu’il y en aura. Il dit seulement qu’on en tiendra compte et qu’on gardera cet aspect à l’esprit.
Je dirais également que la nomination des commissaires est très importante et qu’elle devrait être faite comme dans le cas de la Commission de vérité et réconciliation. C’était un organisme indépendant qui se déplaçait et interviewait des personnes qui ont fini par faire partie de la Commission. Je crois que c’est ainsi que l’on devrait procéder dans ce cas-ci.
Toutefois, j’estime qu’il faut garantir la représentation des communautés autochtone et noire. Elles constituent les groupes de notre société les plus surreprésentés dans les prisons, et de loin, et elles méritent selon moi une impression d’indépendance et d’ouverture à leurs volontés, ce qui ne peut être incarné que par un représentant au sein de la commission.
[Français]
Le sénateur Carignan : En guise d’introduction, je veux revenir sur la question des amendements. Je sais que des gens, des organismes et des victimes nous écoutent. Je veux les rassurer : si des amendements sont proposés et adoptés au Sénat, cela n’a pas pour effet de tuer le projet de loi, mais seulement de retarder son adoption de quelques heures ou de quelques jours, le temps que la Chambre des communes accepte ou refuse les amendements suggérés par le Sénat.
Ma question s’adresse surtout à Mes LaForme et Roach. Dans le projet de loi C-20, il n’y a pas de révision d’erreur judiciaire de la cour martiale ou de la Cour d’appel de la cour martiale, ce qui résulte en un régime différent pour les militaires par rapport à l’ensemble des citoyens canadiens. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? On a vérifié le projet de loi C-66 à l’autre endroit, parce qu’un projet de loi concernant la justice militaire est en cours. Il n’y a rien dans ce projet de loi qui touche la révision en cas d’erreur judiciaire. J’aimerais vous entendre là-dessus. Un projet de loi complet sur la justice et les erreurs judiciaires devrait-il inclure un recours pour les militaires qui pourraient être victimes d’erreur judiciaire?
[Traduction]
Me Roach : Merci beaucoup pour votre question. Nous ne nous sommes pas penchés sur ce point précis dans nos consultations publiques. Nous aurions peut-être dû le faire. Je sais que la commission anglaise a vu à l’ajout des cours martiales après l’adoption de la mesure législative d’origine.
Ma seule préoccupation serait la suivante, une préoccupation qui concerne directement le projet de loi à vrai dire : en raison des ressources limitées, nous voulons nous assurer qu’il s’agit bien de peines pénales. S’il y a stigmatisation importante d’un soldat qui fait l’objet d’une erreur judiciaire et que ce verdict a une incidence majeure sur lui, je crois que ce soldat devrait avoir accès à la commission. Ce ne devrait toutefois pas être le cas pour toutes les infractions mineures. Par exemple, le libellé donne l’impression que toutes les lois fédérales sont incluses. On pourrait peut-être y inclure la Loi sur la défense nationale, mais si c’est le cas, je crains que le libellé soit bien trop général.
La commission, espérons-le, établira certaines politiques. J’espère que cette réponse vous est utile. Merci.
Le président : Juge LaForme, avez-vous des observations à faire sur la question de la justice militaire?
M. LaForme : Non.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Merci aux invités.
Ma première question s’adresse à Me Wiberg. Avec votre expérience en tant que procureur et avocat de la défense, j’aimerais vous entendre sur la position que prendront les procureurs qui seraient amenés à témoigner devant la commission. Par exemple, pourraient-ils utiliser le privilège du secret professionnel entre un avocat et son client, s’ils prenaient un avocat, pour refuser de témoigner? Ce n’est pas clair pour moi.
Maître LaForme, dans votre rapport, vous avez dit que, pour des raisons similaires, vous ne croyez pas que tous les commissaires devraient être bilingues. Je vous ai entendu parler de la nécessité d’avoir des Autochtones et des personnes noires comme commissaires. D’après ce que vous avez dit, je comprends que certains des commissaires devraient être bilingues. J’aimerais vous entendre là-dessus.
[Traduction]
Me Wiberg : Merci beaucoup pour la question. Je peux vous répondre aisément. Oui, les procureurs se prévaudraient du secret professionnel. Ils diraient que, s’il s’applique à une décision dans une affaire, à des notes de service qu’ils ont fournies, alors ils peuvent invoquer le secret professionnel.
Je travaille sur une affaire où il a fallu six ans pour réunir toutes les preuves nécessaires pour porter des accusations contre l’inculpé. La défense avance donc l’argument rare d’un délai préinculpation. Dans ce cas, nous voulons savoir pourquoi il a fallu six ans pour porter ces accusations. Les procureurs invoquent le secret professionnel.
Ils affirment que les notes de service, les raisons pour lesquelles ils ont fait ceci ou cela, relèvent du secret professionnel et ils refusent de nous les communiquer. Donc, oui, ils vont se prévaloir du secret professionnel pour leurs notes, leur processus décisionnel et les messages qu’ils s’échangent. Ils vont l’invoquer.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Je vous remercie.
[Traduction]
Monsieur LaForme, j’ai compris vos raisons pour qu’il y ait des commissaires noirs et autochtones et vos remarques à cet effet. Toutefois, dans votre rapport, vous avez dit que vous croyez que certains commissaires devraient être bilingues. J’aimerais vous entendre là-dessus, car je comprends que certains devraient l’être.
M. LaForme : Oui.
Le sénateur Aucoin : Actuellement, la mesure législative n’explique rien là-dessus, elle n’en parle pas du tout.
M. LaForme : Non. Je crois que vous avez tout à fait raison. Ils devraient l’être. Nous avons une forte population au Québec, et beaucoup de gens en prison dans cette province, certains à tort. En ce qui concerne l’indépendance de la commission, quant à la remarque sur se faire entendre et se faire entendre adéquatement, il devrait y avoir un francophone, mais il devrait aussi y avoir la capacité de comprendre le français. Il y a 50 langues autochtones qui ne sont pas représentées. Il n’y a pas de garantie.
C’est pas mal comme vous le dites : les mesures législatives en place peuvent s’appliquer conjointement au projet de loi C-40, ce qui suffirait probablement à veiller à ce que, d’une façon ou d’une autre, les commissaires parlent le français. Ce n’est pas le cas des langues autochtones, bien sûr.
Le président : Merci à vous deux.
La sénatrice Simons : Puisque nous sommes limités dans le temps, je vais poser ma question à Me Wiberg. Vous avez été procureur. Vous êtes aujourd’hui avocat de la défense. Vous avez pris part à nombre de procès criminels. Pourquoi, avec le temps, les procureurs semblent-ils avoir des œillères? Pourriez-vous citer quatre ou cinq exemples courants d’aveuglement que vous avez remarqués chez les procureurs qui ont mené à des erreurs judiciaires ou à des condamnations douteuses? D’où viennent le plus souvent ces erreurs?
Me Wiberg : Le pire, c’est lorsque le procureur ne veut pas être équitable. Un procureur a comme première obligation de se montrer équitable. Il ne faut pas que, par souci d’obtenir des résultats, le procureur cherche nécessairement à obtenir une condamnation. Il ne doit pas avoir comme préoccupation de bien paraître dans les journaux. Il doit plutôt s’efforcer d’être équitable.
J’ai parlé tout à l’heure du consentement relatif aux procès devant jury. Or, en tant que procureur, j’ai toujours donné mon consentement si la défense voulait que le procès se tienne seulement devant un juge. Je n’ai jamais refusé mon consentement. Mais parmi mes collègues, il y en a beaucoup qui n’agissent pas ainsi. Ils pensent avoir un avantage stratégique si le procès se déroule devant un jury, alors ils ne donnent pas leur consentement.
La décision récente de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Ng confirme le droit de la Couronne de refuser de donner son consentement, et ce, sans avoir à se justifier. La décision Ng nous apprend que, dès que la Couronne dit ne pas consentir, la cour ne peut pas sonder ses raisons pour savoir si elles sont valables.
Deuxièmement, les procureurs qui participent à une enquête pendant des années peuvent faire l’erreur de donner des conseils à la police. Il est alors difficile pour eux d’admettre qu’ils se sont trompés, si c’est le cas. Ils ont une vision étroite de l’affaire et ne peuvent plus en sortir. C’est ce genre de comportement qui a donné lieu à une poursuite abusive en Alberta, dans l’affaire Dix.
La sénatrice Simons : Je m’en souviens bien.
Me Wiberg : Il n’y a pas eu de condamnation dans cette affaire. La poursuite a été abandonnée au cours du procès. Mais le procureur qui a porté les accusations avait abondamment conseillé la police au préalable. Une bonne partie des conseils étaient erronés, mais une fois les accusations portées, il a été très difficile pour le procureur d’admettre son erreur. Il a persisté plutôt que de faire marche arrière.
La sénatrice Simons : Nous savons que le procureur est aussi allé trop loin à d’autres points de vue, dans cette affaire.
Me Wiberg : C’est tout à fait vrai, mais c’est encore parce que la même personne a intenté la poursuite après avoir collaboré à l’enquête. Dans l’affaire Mayerthorpe, j’ai conseillé les enquêteurs pendant deux ans. Néanmoins, par la suite, je n’ai plus joué aucun rôle. Ce n’est pas une façon efficace de faire parce que le procureur qui n’a pas participé à l’enquête doit prendre connaissance du dossier, mais c’est un bon moyen de rester équitable et de ne pas se retrouver avec une vision trop étroite.
Comme je l’ai dit, les procureurs pensent que leur travail consiste à obtenir une condamnation et ne veulent pas mal paraître dans les journaux. Pourtant, un procureur doit avant tout être équitable. Le manque d’équité se produit lorsque le procureur veut gagner son procès et qu’il choisit de le tenir d’une façon plutôt que d’une autre ou d’utiliser certains éléments de preuve alors qu’il en connaît la faible valeur probante. Il sait que ce n’est pas équitable pour l’accusé. Voilà les principales raisons pour lesquelles certains procureurs agissent de cette manière. Ils ne le devraient pas, mais ils le font quand même.
La sénatrice Simons : Vous avez mentionné les indicateurs issus du milieu carcéral.
Me Wiberg : Oui.
La sénatrice Simons : Mais vous n’avez pas parlé de la méthode employée dans les affaires Dix et Vader ainsi que dans beaucoup d’autres affaires. La GRC aime beaucoup prendre un suspect au piège à l’aide de la méthode « Mr. Big ».
Me Wiberg : Oui.
La sénatrice Simons : Je ne sais pas combien de fois ce genre de coup monté a pu être utile pour recueillir des preuves ayant une bonne valeur probante.
Me Wiberg : Je peux vous le dire.
La sénatrice Simons : Ah, d’accord.
Me Wiberg : Je me suis occupé d’une sombre affaire en Colombie-Britannique, où une femme était portée disparue. On présumait qu’elle était tout simplement partie. La police a réussi à prendre au piège le suspect, qui a dit avoir tué la femme et de l’avoir mise dans une barrique remplie de ciment. Il a précisé à quel endroit il avait mis la barrique. La police a vérifié et a retrouvé le corps dans une barrique remplie de ciment.
Dans une autre affaire, à Sicamous, la police a pris au piège le suspect, qui a indiqué après un certain nombre d’années où il avait enterré le corps. Le premier meurtre s’était produit 20 ans auparavant et le deuxième, 10 ans plus tôt. Ils ont trouvé le corps enterré exactement à l’endroit où le suspect l’avait indiqué. La force probante de telles preuves est alors énorme, bien entendu, puisque le corps est retrouvé à l’endroit indiqué par le meurtrier.
J’ai pu constater que, dans un certain nombre de cas, il avait été utile de prendre au piège un suspect avec la méthode « Mr. Big », où tout est enregistré avec un dispositif d’écoute. Cette méthode m’inspire beaucoup plus confiance que le recours aux détenus indicateurs.
Les indicateurs qui sont incarcérés ont une raison de mentir : ils veulent être libérés. Ils peuvent raconter n’importe quoi s’ils pensent pouvoir en tirer un avantage. Dans toute une série de dossiers, principalement au Manitoba, mais également en Alberta, le recours à des détenus indicateurs a été un véritable fiasco. Cette méthode a commencé à être employée après l’affaire Hebert parce qu’il n’était plus permis d’envoyer des policiers en milieu carcéral avec un microphone.
La loi dit maintenant que toutes les astuces sont permises pour tenter de faire dire ce que l’on veut à un détenu. Si le suspect est en prison, avoir recours à un policier infiltré n’est pas acceptable. Je fais beaucoup confiance à la méthode « Mr. Big » parce que les conversations sont toutes enregistrées, mais les détenus indicateurs, eux, ne m’inspirent pas du tout confiance.
Le président : Merci à vous deux.
[Français]
La sénatrice Oudar : Sans vouloir reparler de la question de l’intérêt public, il s’agit d’une question que j’ai posée à des témoins précédents, et nous sommes encore préoccupés. Je vous amènerais sur le pouvoir discrétionnaire d’enquêter prévu à l’article 696.5. Dans cet article, on constate que la commission a un pouvoir discrétionnaire d’enquêter. C’est bien écrit qu’elle « peut » enquêter, et non pas qu’elle doit enquêter. L’article dit ce qui suit :
Si elle a des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice, la Commission peut mener une enquête [...]
Cet article est décrié par différents témoins. Le Barreau du Québec s’est aussi prononcé en disant qu’il serait normal que la commission ait une obligation d’enquêter. Cela répondrait à l’objectif du projet de loi, qui est de réparer les erreurs.
Je vous ramène aussi à votre propre rapport, puisqu’à la page 11, on peut lire que les participants exonérés vous ont rappelé qu’ils n’étaient pas des affaires pénales, qu’ils n’étaient pas des criminels, mais des personnes. Ils s’attendent à ce que leur dossier fasse l’objet d’une enquête plutôt que d’être simplement soumis à un examen superficiel.
Je voulais vous entendre sur cet article, et tout particulièrement sur les attentes que les victimes d’erreur judiciaire ont quant au fait que leur dossier soit traité et fasse l’objet d’une enquête, à juste titre. Suggérez-vous que des amendements soient apportés à l’article 696.5 dans les circonstances?
[Traduction]
Me Roach : Merci beaucoup, madame la sénatrice, pour cette question. Vous avez raison de dire que les victimes préfèrent nettement que des enquêtes aient lieu plutôt que des examens de la documentation. C’est l’une des raisons pour lesquelles la question budgétaire nous semble inquiétante.
Il me semble qu’au paragraphe 696.5(1), il faudrait conserver « si [la commission] a des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise » et laisser tomber « ou si elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice », parce que nous ne croyons pas que ce passage soit judicieux. Par ailleurs, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il est difficile de s’imaginer pour quelle raison la commission ne voudrait pas tenir une enquête.
Il se pourrait qu’il n’y ait pas lieu de faire une enquête approfondie si le demandeur a déjà présenté à la commission des faits nouveaux qui sont déterminants, mais je suis d’accord avec vous pour dire que le libellé actuel donnerait à la commission la latitude de ne pas faire enquête même si elle constate qu’une erreur judiciaire a été commise. Je pense que c’est effectivement insensé.
M. LaForme : Je le pense, moi aussi.
La sénatrice Oudar : Merci.
La sénatrice Pate : Merci à tous nos témoins. Ma question s’adresse premièrement à la professeure Cunliffe, à M. LaForme et au professeur Roach. Elle concerne une question que nous avons soulevée à quelques occasions : comment allons-nous déterminer si des éléments de preuve peuvent être considérés comme nouveaux. Vous connaissez tous sans doute des histoires d’abus où des interprétations misogynes ou racistes des faits ont prévalu. L’information était disponible, mais elle n’a pas été prise en compte dans la défense ou le procès de la personne. D’ailleurs, selon le Groupe de la révision des condamnations criminelles, des faits qui ont été jugés comme non pertinents à l’époque du procès ne peuvent pas être pris en compte au motif qu’on voudrait en faire une nouvelle interprétation.
Quelle disposition du projet de loi autoriserait désormais ce genre de remise en question? Si rien ne le permet actuellement, quelle modification faudrait-il apporter au projet de loi pour que ce soit possible? Maître Cunliffe?
Me Cunliffe : Merci pour la question, sénatrice Pate. Selon moi, la version actuelle du projet de loi ne règle pas ce problème. C’est la raison pour laquelle je recommande un ajout au paragraphe 696.6 (5). Le libellé que je suggère est le suivant :
la fiabilité, l’exactitude et l’équité des éléments admis en preuve, les stratégies juridiques adoptées et les arguments avancés dans les procédures antérieures ayant mené à la conclusion ou au verdict.
Je crois que le libellé que je propose permettrait à la commission de se pencher sur des affaires du genre que vous décrivez.
Je vois aussi une autre difficulté, qui serait l’objet du débat concernant les motifs d’appel légitimes devant la Cour d’appel, mais je pense que ce que je propose nous permettrait au moins de soutenir qu’à la vue de la preuve dans son ensemble, il semble y avoir eu une erreur judiciaire devant la Cour d’appel.
M. LaForme : Je ne saurais être plus d’accord. Je ne pense pas qu’il en soit question. Je ne sais pas, maître Roach, avons-nous fait une consultation à ce sujet?
Me Roach : Nous avons entendu le point de vue exprimé par des personnes comme le professeur Campbell, qui nous ont dit que c’était assez semblable aux modifications de 2002 et qu’il était à espérer que nous avons fait quelques progrès à ce sujet, c’est-à-dire concernant l’idée que c’est un recours extraordinaire.
J’espère que la commission ou, sinon, le Groupe de la révision des condamnations criminelles saura faire preuve de souplesse, en particulier lorsqu’on sait que ces organismes auront la possibilité de tenir compte de tous les autres facteurs qu’ils considèrent comme pertinents, y compris les difficultés rencontrées par certaines populations lorsque vient le temps d’obtenir des réparations, y compris également les femmes autochtones, les femmes noires et les femmes en général. J’espère que la commission saura réparer les injustices ainsi, mais il est certain que les dispositions du projet de loi pourraient être plus claires.
M. LaForme : C’est possible, et je dirais la même chose. J’espère que les gens sauront prendre la responsabilité d’interpréter les dispositions contenues dans ce projet de loi de manière à servir le mieux possible la cause de ceux qui ont été condamnés injustement et dont nous voudrions réparer les torts.
La sénatrice Pate : Je parle précisément de certains cas dont nous connaissons tous des exemples pour les avoir cités individuellement et collectivement dans le passé. D’excellents avocats de la défense de sexe masculin n’ont pas été capables de bien saisir le vécu d’une femme subissant de la violence conjugale ou d’une femme autochtone qui ne se sentait pas capable de parler de ses problèmes.
À votre humble avis, ces dispositions pourraient-elles être interprétées dans ce sens également? Comment pourrions-nous nous assurer que ceux qui représentent des personnes se trouvant dans ce genre de situation puissent être mieux sensibilisés?
M. LaForme : Je pense qu’il faudrait justement augmenter la sensibilisation. Il faudrait que la législation soit interprétée de manière à parvenir à cette fin. Le projet de loi ne traite certainement pas des cas dont vous parlez en particulier. Il serait facile de les ignorer en faisant une interprétation stricte des dispositions. Je suis d’accord.
Maître Cunliffe, je pense que votre suggestion serait probablement la meilleure.
Me Cunliffe : Merci, monsieur LaForme.
Me Roach : Je voudrais ajouter brièvement quelques mots, sénatrice Pate. Nous n’en avons pas parlé avant parce que nous ne sommes pas en train de prétendre que toutes nos recommandations doivent être intégrées au projet de loi. Toutefois, si vous jetez un coup d’œil à nos recommandations, vous verrez qu’il y a un deuxième obstacle parce que même si la commission souhaite se pencher sur une affaire qui lui semble importante, il reste 13 cours d’appel qui peuvent dire non lorsqu’on leur proposera d’appliquer les critères pour déterminer s’il y a bel et bien une nouvelle question importante.
Il y a une chose que nous n’avons même pas mentionnée et qui a été manifestement exclue lors de la rédaction du projet de loi, et c’est l’idée que si la commission considère qu’une nouvelle question est importante, la cour d’appel devrait au moins considérer, en conformité avec le principe de l’indépendance de la magistrature, quel poids accorder aux nouveaux faits.
Alors, selon le texte actuel du projet de loi C-40, de nouveaux éléments de preuve pourraient apparaître en Angleterre, et la commission pourrait les considérer comme une indication qu’une erreur judiciaire a peut-être été commise. Mais par la suite, la cour d’appel pourrait décider qu’elle ne veut pas se pencher sur le dossier et que les nouveaux éléments de preuve ne sont pas conformes aux critères qui définissent de tels éléments.
Je pense que c’est un exemple parmi d’autres des problèmes qui ont été inutilement créés par ce que l’on pourrait appeler un manque de vigueur et d’imagination au moment de rédiger ce projet de loi.
Le président : Merci beaucoup à tous. Nous terminons ainsi notre tour de table de questions. Il ne reste pas assez de temps pour un deuxième tour de table.
Monsieur LaForme, le sénateur Carignan vous a posé une question en français, et nous pensons que vous n’avez peut-être pas entendu la traduction. C’était tout à l’heure. Je vais inviter le sénateur Carignan à vous poser de nouveau sa question pour que vous puissiez lui donner une brève réponse.
[Français]
Le sénateur Carignan : La question portait sur la cour martiale. Dans le projet de loi C-40, il n’y a pas de recours pour erreur judiciaire lorsque la cour martiale ou la Cour d’appel de la cour martiale rend une décision qui touche le droit criminel pour un militaire. On a vérifié dans le projet de loi C-66, qui est actuellement à l’étude à la Chambre et qui réformera la justice sur le plan militaire. Il n’y a pas de recours dans le projet de loi C-66 pour réviser les erreurs judiciaires.
Ne croyez-vous pas que cela crée une iniquité par rapport aux militaires qui seraient dans le système de justice? Ne devrait-on pas avoir un système pour les militaires prévoyant la révision en cas d’erreur judiciaire?
[Traduction]
M. LaForme : Je vais vous donner une réponse générale. Chaque fois que quelqu’un est condamné pour une infraction, qu’il s’agisse d’une condamnation injustifiée dans un contexte pénal ou même d’une action disciplinaire injustifiée dans un autre contexte comme l’armée, je pense qu’il devrait toujours y avoir un recours pour que nous puissions examiner la décision. Je ne pense pas que notre système judiciaire, qu’il s’agisse du système militaire ou de notre système pénal actuel, puisse prétendre avoir toujours raison et jamais tort. Nous nous trompons. Nous nous trompons souvent. Je pense que nous devrions l’admettre. Que ce soit dans l’armée ou dans les cours pénales, nous devrions le reconnaître et nous devrions pouvoir y remédier. C’est ma réponse générale à cette question.
Je pense qu’il est possible de le faire dans le cadre de ce projet de loi, mais qu’il doit y avoir une commission ou un commissaire qui dirige le processus et qui dit que tout autre texte législatif, par exemple, peut prendre cela en considération.
Il existe une possibilité, mais comme je l’ai dit au début, nous aurons de la chance si cette commission obtient le bon budget et si les bonnes personnes en sont responsables. Cela peut fonctionner, mais je pense que nous aurons de la chance si c’est dans sa forme actuelle.
Le président : Je vous remercie tous les deux. Chers collègues, c’est ce qui met fin à cette première partie de notre examen du projet de loi.
Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier le juge LaForme et le professeur Kent Roach d’être venus et d’avoir passé du temps avec nous. C’est un plaisir de vous revoir ici, professeur Roach, vous qui êtes un habitué. Professeure Cunliffe, merci beaucoup de votre présence par vidéoconférence. Maître Wiberg, je vous remercie d’être venu en personne et de nous avoir fait part de votre point de vue conformément à votre engagement. Merci à tous d’avoir participé aussi généreusement à cette réunion du comité et dans un laps de temps relativement restreint.
Pour notre deuxième groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir James Lockyer, éminent avocat et directeur d’Innocence Canada, et Amy Sock, membre du conseil d’administration de l’Association des femmes autochtones du Canada, qui se joint à nous par vidéoconférence. Soyez la bienvenue, madame Sock. Nous accueillons aussi Tamara Levy, directrice du projet Innocence de l’Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel. Elle se joint également à nous par vidéoconférence.
Je vous remercie tous les trois d’être présents pour discuter avec nous et répondre à nos questions dans quelques instants. Nous allons d’abord entendre les déclarations préliminaires d’environ cinq minutes chacune, en commençant par Me Lockyer, qui est ici dans la salle du comité.
Vous avez la parole, maître Lockyer.
Me James Lockyer, directeur, Innocence Canada : Je vous remercie de votre invitation.
Le projet de loi C-40, la Loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire, est un jalon très important pour les personnes injustement condamnées. Si David Milgaard et sa mère, Joyce, étaient encore parmi nous, ils vous demanderaient instamment d’appuyer ce projet de loi. J’ai l’impression d’être un bien piètre substitut en le faisant à leur place.
En 2000 déjà, je suis venu témoigner avec Joyce Milgaard devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, lorsque des modifications visant à améliorer le système d’examen ministériel ont été présentées à la Chambre, et nous avons tous deux demandé instamment que le système d’examen ministériel soit abandonné et remplacé par une nouvelle commission pour traiter toutes les demandes de révision de condamnation.
Évidemment, pour Joyce Milgaard, c’était une question très personnelle. Dans le cadre de la procédure d’examen ministériel, on a laissé tomber son fils, David, et ce n’est que grâce à l’ancien premier ministre Brian Mulroney que David Milgaard a pu montrer que c’était quelqu’un d’autre qui avait assassiné l’infirmière Gail Miller dans les rues de Saskatoon en 1969.
Toutefois, Joyce Milgaard et moi n’avons pas réussi à convaincre le Comité de la justice de la Chambre des communes, et me voici, 24 ans plus tard, en train de retenter ma chance.
En février 2020, j’ai eu le privilège d’accompagner David Milgaard lors de sa rencontre avec le ministre David Lametti. Le ministre était manifestement ému de rencontrer M. Milgaard. Il lui a demandé de signer la pochette de l’album des Tragically Hip sur laquelle figure la chanson Wheat Kings, qui parle bien sûr du cas de David. Gord Downie a déclaré que la chanson lui avait été inspirée par :
[...] David Milgaard et sa foi en lui-même, et par sa mère, Joyce, et sa foi absolue en l’innocence de son fils.
Depuis, M. Lametti aurait déclaré que c’est cette rencontre avec David Milgaard qui l’a incité à présenter le projet de loi C-40 au Parlement.
Le projet de loi C-40 est l’héritage des Milgaard. Je sais qu’il est également cher à David Lametti et à l’actuel ministre de la Justice, Arif Virani. Il doit être adopté, et il doit l’être maintenant. Il n’est pas parfait — peu de choses le sont dans la vie. Je pourrais vous parler d’un certain nombre de choses qui l’amélioreraient, selon moi, mais ce sera pour un autre jour. Lorsque la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire sera en place depuis un certain temps, nous pourrons tous revenir et discuter de la manière dont elle peut être améliorée.
Innocence Canada demande également qu’une fois la loi promulguée, les commissaires soient nommés le plus rapidement possible. Pour l’instant, mettons en place la commission. À mon avis, il s’agira du changement le plus important dans notre système de justice pénale depuis l’entrée en vigueur de la Charte des droits et libertés en 1984. Nous ne savons pas si des élections auront lieu bientôt, mais je sais que, si le projet de loi C-40 n’est pas adopté au cours de la présente législature, il faudra attendre encore 24 ans avant que je ne revienne ici pour demander l’adoption d’une mesure équivalente au projet de loi C-40.
Je pense que si David Milgaard était parmi nous aujourd’hui, il vous dirait : « Adoptez-le maintenant, sans amendement. J’ai passé 23 ans en prison pour un meurtre commis par quelqu’un d’autre. J’ai dû attendre 28 ans pour que l’ADN prouve une fois pour toutes que je n’étais pas le coupable, mais que quelqu’un d’autre l’était. Les personnes emprisonnées pour des crimes qu’elles n’ont pas commis ne devraient pas avoir à attendre aussi longtemps. Elles ont besoin d’aide maintenant. »
Après tout, que sommes-nous en train d’abroger? Nous abrogeons une procédure d’examen ministériel issue du droit britannique du XIXe siècle, pour l’amour du ciel. Comme quelqu’un du premier groupe l’a déjà dit, depuis 1967, il y a eu 35 renvois ministériels. Au Royaume-Uni, depuis la mise en place de la commission de révision des affaires criminelles, il y a eu 747 renvois. C’est un contraste stupéfiant entre les deux systèmes.
La semaine dernière, le comité a entendu les histoires émouvantes de Guy Paul Morin, Brian Anderson et Clarence Woodhouse. À eux trois, ils ont attendu plus de 100 ans que justice soit faite. Il est important que nous comprenions tous que s’il y avait eu une commission sur les erreurs du système de justice il y a 50 ans, cela leur aurait épargné des dizaines d’années de vie en prison.
Je vous exhorte tous à les écouter, à vous rappeler ce qu’ils ont dit et à reconnaître que notre système de justice pénale est mené par des humains, qu’il est donc faillible et qu’il a besoin d’un système d’appui pour protéger les personnes condamnées à tort.
La nouvelle commission doit prendre la relève du ministre pour identifier les condamnations injustifiées et y remédier, et, bien sûr, Innocence Canada fera tout ce qui est en son pouvoir pour aider cette nouvelle commission dans son travail.
Merci.
Le président : Merci, maître Lockyer.
Madame Sock, vous avez la parole.
Amy Sock, membre du conseil d’administration, Association des femmes autochtones du Canada : Bonjour. C’est un plaisir d’entendre ce que chacun de vous a à dire au sujet du projet de loi.
Je suis membre des Premières Nations et avocate non praticienne; j’ai été admise au Barreau en 1998 et j’ai tout de suite voulu travailler en droit criminel, ce que j’ai fait pendant sept ans. J’ai demandé à l’Aide juridique d’évaluer mon travail pendant un an, et j’ai 615 clients autochtones de l’est au nord du Nouveau-Brunswick.
En vous entendant discuter de cette question de manière si ouverte et favorable aux membres des Premières Nations et aux Noirs, j’admire vraiment chacun d’entre vous pour tout le travail que vous accomplissez.
Je suis d’accord avec l’intervenant qui a dit que, selon lui, ce sera un succès si l’on nomme les bons commissaires. Je ne doute pas que vous trouverez beaucoup de bons candidats. Dans ma communauté du Mi’kma’ki — c’est là où je me trouve actuellement, dans notre vieille école à Elsipogtog, dans la collectivité mi’kmaq —, nous avons six avocates, toutes des femmes. Notre population est de 4 000 habitants. Je connais une douzaine d’autres avocates dans tout le Canada. Il serait remarquable que certaines de ces femmes accèdent à ces fonctions, car il est important de comprendre notre point de vue. Étant née et ayant grandi dans ma communauté, je peux constater qu’il y a beaucoup d’écarts entre le système judiciaire et les Premières Nations.
Je vais simplement reprendre quelques éléments de la déclaration écrite que j’ai remise aux sénateurs. Je ne vais pas vous faire perdre trop de temps en lisant tout le texte, mais seulement les parties principales. Je ne parle pas en tant qu’Amy Sock, mais en tant que trésorière de l’Association des femmes autochtones du Canada. Je siège au conseil exécutif, et c’est par hasard que l’on m’a demandé de venir vous parler aujourd’hui.
Le système de justice pénale canadien doit être réformé pour remédier aux effets sociaux et économiques du colonialisme. Les efforts visant à corriger les inégalités dans le système de justice pénale devraient être axés en priorité sur les mesures communautaires comme solution de rechange à l’incarcération et veiller à ce que la justice soit rendue correctement.
Comme on l’a mentionné à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat, il est impératif d’établir une commission dotée de l’autonomie nécessaire pour enquêter véritablement sur les erreurs judiciaires. Il est essentiel de combler les lacunes du projet de loi C-40 pour éviter qu’il ne perpétue les préjugés systémiques fondés sur le sexe, la race et l’histoire coloniale.
Comme l’a souligné l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le gouvernement a l’obligation légale, et non le choix politique, de rectifier les dispositions du Code criminel qui portent atteinte aux droits des femmes autochtones. Il est impératif de mettre un terme aux violations persistantes des droits des femmes autochtones.
Enfin, la commission indépendante doit être dotée de toutes les ressources nécessaires pour faciliter la prise de décisions éclairées sur les nouveaux procès. L’absence de ressources adéquates se traduira par de nouvelles inégalités et injustices au sein de notre système de justice pénale et par un autre échec du système.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Le président : Merci beaucoup, madame Sock.
Me Tamara Levy, directrice, Projet Innocence, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Je remercie le président et les sénateurs de m’avoir invitée aujourd’hui. Comme Me Cunliffe, je m’adresse à vous depuis les terres ancestrales traditionnelles et non cédées du peuple musqueam.
Mes brefs commentaires d’aujourd’hui porteront sur trois préoccupations soulevées par les sénateurs au cours de ces audiences : l’épuisement des voies d’appel, les délais d’examen des affaires et, troisièmement, l’interprétation d’une nouvelle question d’importance qui a été abordée aujourd’hui.
Je vais d’abord parler des inquiétudes soulevées quant au fait qu’en n’exigeant pas des demandeurs qu’ils épuisent les voies d’appel, ils se serviront de la commission comme d’une procédure d’appel alternative. Permettez-moi de faire les deux observations suivantes : premièrement, les considérations prévues au nouveau paragraphe 696.4(4) empêcheront les demandes frivoles; deuxièmement, la procédure d’appel normale sera la voie la plus rapide et, par conséquent, seuls les demandeurs qui ont besoin du soutien de la commission en matière d’enquête choisiront cette voie.
Commençons par le premier point. Le paragraphe 696.4(4) prévoit plusieurs mesures de protection pour empêcher la commission d’être inondée de demandes, notamment la prise en compte du temps écoulé depuis l’appel. Pour bien situer le contexte, le projet Innocence a trois cas qui concernent des personnes n’ayant pas fait appel. Dans tous les cas, plus de 15 ans se sont écoulés depuis la condamnation. Dans un cas, près de 40 ans se sont écoulés. Et dans deux de ces cas, les peines étaient terminées avant que les personnes ne demandent de l’aide.
De plus, les raisons du retard seraient examinées en fonction des paragraphes (2) et (3), y compris pour savoir si la procédure d’appel normale serait la meilleure solution. Prenons par exemple les cas cités dans le rapport de la sénatrice Pate et d’autres qui concernent des femmes autochtones qui ont plaidé coupable à la suite d’actes de violence directs ou indirects, un homme autochtone atteint d’un trouble neurologique récemment diagnostiqué qui a contribué à son plaidoyer de culpabilité, ou un demandeur atteint d’un handicap intellectuel dont les policiers n’étaient pas conscients lors de son interrogatoire et qui a vraisemblablement conduit à de faux aveux. Il s’agit là de situations uniques qui surviennent dans des cas réels et qui expliquent en partie l’absence d’appel en temps opportun, mais qui nécessitent toutes une enquête et une défense des droits du demandeur.
Ensuite, la commission déterminera s’il existe une nouvelle question d’importance qui n’a pas été examinée auparavant et qui nécessite une enquête.
Enfin, l’affaire ne peut pas porter uniquement sur une question de droit, et la commission peut prendre en considération tout autre facteur pertinent avant d’accepter une demande d’examen. Les mesures de protection prévues dans cet article aideront la commission à écarter les demandes sans fondement.
Je passe à mon deuxième point, soit que le processus de la commission sera inévitablement plus long que le processus d’appel habituel. On prévoit que le processus d’examen de la commission sera plus rapide que le régime actuel, mais il ne sera pas un moyen pour les gens d’aller plus vite. Faire enquête sur des affirmations d’innocence prend du temps. Les examinateurs doivent trouver l’information puis obtenir celle-ci en faisant des demandes auprès d’une multitude de parties, ils doivent ensuite examiner cette information, organiser des milliers de pages de documents, trouver et retenir les services d’experts, attendre leurs rapports, rédiger un rapport d’enquête, qui est généralement approfondi, puis attendre que le ministre examine la demande et rende une décision.
L’examen de la commission est un processus qui est long. Il sera sans intérêt pour les demandeurs qui n’ont pas encore fait appel. Pour ceux qui ont déjà des preuves manifestes qu’il y a eu une erreur judiciaire, le processus d’appel habituel sera beaucoup plus rapide. Toutefois, pour ceux qui ont besoin de l’aide de la commission pour enquêter, le processus d’appel ne suffira pas.
J’aimerais aussi répondre aux préoccupations concernant la possibilité d’encadrer le processus de la commission à l’intérieur d’un échéancier précis. Nous aimerions tous que ces cas soient traités le plus rapidement possible, mais il faut reconnaître qu’il est souvent nécessaire d’attendre la réponse de tiers dans ces dossiers : greffe d’un tribunal, avocats, organismes gouvernementaux, enquêteurs privés et experts.
En outre, des contraintes de temps externes contribuent parfois à des erreurs judiciaires. Mieux vaut donc être prudents avant d’exercer des pressions similaires sur la commission.
Mon dernier commentaire fait écho aux préoccupations de la sénatrice Pate concernant l’interprétation d’une nouvelle question importante à l’alinéa 696.4(4)d). Le libellé de la loi est général : une nouvelle question d’importance est une question qui n’a jamais été examinée par les tribunaux ou par le ministre auparavant. Le projet de loi C-40 n’a pas modifié ce libellé, par conséquent quand on parle d’une nouvelle question d’importance, celle-ci devrait compter des informations pertinentes et fiables qui étaient présentes dans le dossier, mais à côté desquelles on est passé, pour une raison ou une autre.
Elle devrait aussi prévoir un nouvel examen des preuves médico-légales qui prend en compte les progrès scientifiques, ainsi que les changements dans notre compréhension de la culture et du comportement humain. Dans le contexte d’une révision postérieure à la condamnation, des éléments de preuves ne devraient pas être écartés sous prétexte qu’un avocat aurait pu faire valoir ceux-ci à l’époque du procès. Même un bon avocat peut passer à côté de faits, d’arguments ou d’information dans un dossier. La personne condamnée ne devrait pas pâtir de cet oubli.
Si le tribunal ne disposait pas de l’information auparavant, mais qu’il y a maintenant des raisons d’examiner celle-ci plus avant, la commission doit le faire. Le processus d’examen après la condamnation ne devrait pas servir à pointer du doigt, mais à corriger une injustice.
Il serait difficile d’en arriver à une mesure législative parfaite, mais le projet de loi C-40 représente une amélioration majeure du système actuel. S’il est mis en œuvre sérieusement, il améliorera considérablement l’accès à la justice de tous les Canadiens qui se battent pour prouver qu’ils ont été injustement condamnés.
Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie, madame Levy. Vous avez dépassé de quatre secondes les cinq minutes allouées. Merci. Nous allons maintenant poser des questions et échanger avec les témoins qui se sont joints à nous. Comme il y a aussi une assez longue liste de sénateurs, je propose des échanges de cinq minutes chacun. Je vous demanderai aussi votre indulgence si je mets fin au dialogue après cinq minutes afin de donner une chance aux autres. Je m’attends à ce que vous soyez en accord avec cette façon de procéder. Sans plus attendre, j’invite le sénateur Arnot, le parrain du projet de loi, à commencer.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie. Ma première question s’adresse à Me Lockyer. Maître, croyez-vous que la commission d’examen des erreurs judiciaires prévu dans le projet de loi C-40 disposera des outils pour définir et régler les problèmes systémiques sous-jacents que les dossiers dans lesquels vous vous êtes impliqués ont révélés. Il y en a beaucoup, mais pensons aux jugements décisifs dans les dossiers de Guy Paul Morin, David Milgaard, Brian Anderson et Clarence Woodhouse.
Ma deuxième question s’adresse à Me Levy. Maître Levy, croyez-vous que la commission aura un rôle à jouer dans le soutien des examens externes ou des collaborations avec les institutions universitaires, comme le Innocence Project de l’Université de la Colombie-Britannique, où vous travaillez, pour définir et régler les problèmes systémiques sous-jacents démontrés par les données désagrégées que la commission générera?
Me Lockyer : Comme on l’a dit cet après-midi, tout dépendra des commissaires qui seront nommés. Vu la façon dont le projet de loi est rédigé, j’ai bon espoir que nous aurons de bons commissaires. Ils doivent posséder une expertise dans le domaine des condamnations injustifiées. Ils doivent tenir compte de la surreprésentions des personnes noires ou autochtones en prison. Je suis donc persuadé que nous aurons de bons commissaires.
Si nous avons de bons commissaires, j’estime que la commission sera en mesure d’examiner le genre d’erreurs judiciaires que nous voyons à Innocence Canada. Elles ont pour origines de mauvais témoignages d’expert, une identification erronée par des témoins oculaires ainsi que de fausses confessions, pour prendre en exemple les cas de Brian Anderson et de Clarence Woodhouse, qui ont témoigné ici la semaine dernière.
Nous voyons aujourd’hui les Autochtones autrement que par le passé, surtout au sein du système pénal. C’est fort important, car, comme nous le savons, ces derniers sont largement surreprésentés dans le système carcéral. Je dirais que c’est quelque chose qui est déjà en cours dans le système actuel, celui de la révision ministérielle. La reconnaissance qu’il y a eu erreur judiciaire dans les cas de Brian Anderson et de Woodhouse en est un bon exemple. Il y a deux autres cas, ceux des sœurs Quewezance, en Saskatchewan, que le ministre est en train d’examiner. Nous sommes persuadés que leurs condamnations seront annulées soit dans le cadre de la révision ministérielle, soit par la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire, si elle est créée suffisamment rapidement.
Par conséquent, oui, je suis persuadé que la commission pourra faire ce qu’elle est censée faire.
Me Levy : Oui, il y a de la place pour la collaboration, et c’est formidable de le faire dans ce genre dossiers. Nous travaillons souvent avec Innocence Canada. Nous avons eu une réunion hier de personnes qui font ce travail à l’échelle du Canada. Bref, la réponse est oui, je crois que ce sera possible.
Le président : Merci à vous deux.
La sénatrice Batters : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui, mais aussi de tout le travail important que vous accomplissez pour aider un grand nombre de personnes. Merci.
Ma première question est pour Me Lockyer. Je comprends votre souhait de voir le projet de loi adopté le plus rapidement possible, sans amendement. Je répéterai simplement qu’il est toujours possible, advenant la proposition d’un bon amendement, que le gouvernement accélère les choses à la Chambre des communes et réponde promptement à un message du Sénat puisqu’il s’agit d’un projet de loi émanant du gouvernement auquel le tout dernier ministre de la Justice semble accorder une grande priorité.
À ce sujet, le rapport de la commission LaForme recommandait que la commission puisse renvoyer des affaires en vue d’un pardon ou d’une suspension du casier judiciaire si c’est justifié, mais il n’y a aucune disposition en ce sens dans le projet de loi. Idéalement, ne souhaiteriez-vous pas voir ce genre de disposition dans le projet de loi C-40, maître Lockyer?
Me Lockyer : Je crois que cela améliorerait un peu les choses, oui. La commission pourrait trouver tentant, devant un cas difficile, d’esquiver la question et de décider qu’il n’y a pas eu d’erreurs judiciaires. Cela m’inquiéterait un peu. Les dispositions sur le pardon existent dans le Code criminel, mais elles sont pour ainsi dire moribondes. Elles ne sont pas utilisées. Elles ne l’ont pas été depuis 20 à 30 ans, mais je crois qu’elles devraient l’être. Je ne vois pas pourquoi la commission ne pourrait pas le suggérer, à tout le moins. Elle n’aurait pas le pouvoir de les faire respecter, mais si elle le proposait, il y a des chances qu’on l’écoute.
Je comprends ce que vous dites. Qu’il serait possible de proposer et de faire adopter rapidement un amendement à la Chambre des communes, mais je ne veux pas courir ce risque. C’est hors de question, car c’est un risque. La dernière fois que j’ai comparu ici, c’était il y a 24 ans, pour la même raison. Prendre des risques me fait peur, maintenant.
La sénatrice Batters : Je suppose que cela fait partie du cri du cœur que vous lancez au gouvernement. S’il y a un bon amendement qui peut améliorer le projet de loi, je prends mon rôle de porte-parole pour ce projet de loi...
Me Lockyer : Je vais crier au meurtre si un amendement est proposé au projet de loi, c’est vrai, mais je préférerais ne pas faire cela.
La sénatrice Batters : Je me demande, maître Lockyer, si Innocence Canada a déjà estimé le nombre de demandes qu’il pourrait y avoir lorsque le projet de loi C-40 entrera en vigueur. Comment évalueriez-vous ce genre de prévision?
Me Lockyer : La seule façon de se faire une idée est de regarder ce qui se passe dans d’autres pays qui ont instauré une commission d’examen des erreurs judiciaires. Il y en a maintenant une en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord. Cette commission s’occupe de ces trois régions. Il y en a une autre en Écosse. La Nouvelle-Zélande en a mis une en place il y a deux ou trois ans. La Norvège aussi a sa commission.
Je ne veux pas vous effrayer, mais comme vous me posez une question de bonne foi, je vous répondrai de bonne fois. Je prévois que la première année, il y aura plus de 100 demandes. Je m’attends à ce que la commission publicise son existence dans les pénitenciers, en particulier, et peut-être aussi dans les prisons provinciales. Cela entraînera un grand nombre de demandes, bien plus que le nombre de demandes d’examen ministériel. C’est toutefois l’un des problèmes de ce système d’examen. Les gens ne lui font pas confiance, ils ne présentent donc pas de demande. Il y en a très peu qui sont présentées, et encore moins qui sont autorisées.
Les chiffres augmenteront sans l’ombre d’un doute avec la nouvelle commission, et ils le feront de façon substantielle. Malgré tout, les autres commissions sont parvenues à gérer cette situation. Dans les autres pays, on voit qu’au fil des ans le nombre de demandes diminue et que les commissions parviennent à répondre aux demandes.
La sénatrice Batters : Il faudra peut-être attendre avant d’avoir une réponse. Cependant, le projet de loi C-40 prévoit que la commission doit traiter les demandes visant des condamnations injustifiées « le plus rapidement possible ». Il ne définit pas le temps alloué ni aucun paramètre indiquant ce que cela signifie. Étant donné la gravité de ce que nous entendons ici, et de ce dont il s’agit, n’êtes-vous pas inquiet de laisser un libellé aussi vague que « le plus rapidement possible »? J’ai interrogé les fonctionnaires de Justice Canada à ce sujet. Ils n’ont rien dit qui nous a rassurés. Quand on considère les décennies de souffrances que certaines personnes injustement condamnées ont parfois endurées, n’aimeriez-vous pas ajouter quelques paramètres dans cette phrase du projet de loi C-40 ou dans le règlement afin de bien les protéger?
Me Lockyer : Dans d’autres pays qui ont des lois semblables à celle-ci, on demande parfois de présenter un rapport au demandeur tous les six mois, par exemple. Je crois que si cette précision se trouvait dans le projet de loi, ce serait une amélioration. Cela dit, je répète qu’à mon avis ce n’est pas quelque chose qui devrait retarder l’adoption du projet de loi. Ce serait une amélioration. Comme l’a dit la professeur Levy, je ne crois pas que l’on puisse fixer un temps limite pour en arriver à un règlement ou à une décision au sujet d’une demande. Dans certains cas, il faudra des années, mais je crois que la rapidité de traitement de la commission sera supérieure à celle du processus d’examen ministériel.
Innocence Canada a calculé combien de temps il faut en moyenne pour que le traitement d’une demande soit complété lorsque celle-ci est fructueuse. En moyenne, il faut environ 4,1 ans. Nous croyons qu’il ne faudra pas autant de temps à la commission. À tout le moins, nous espérons qu’il ne faudra pas autant de temps en moyenne. Dans certains cas exceptionnels, cela pourrait être la limite extrême, mais je ne crois pas que l’ajout d’une limite extrême dans ce projet de loi serait utile.
Le sénateur Dalphond : Je remercie le groupe de témoins. Ma question s’adresse à vous, maître Lockyer. Elle porte sur le fait que cette loi s’applique non seulement au Code criminel, mais aussi à toutes les lois fédérales. Il y a des questions qui se posent dans le cas d’une cour martiale et les erreurs judiciaires qui peuvent y survenir. Innocence Canada s’implique depuis l’affaire Guy Paul Morin. C’est le premier dossier dont vous vous êtes saisis. Il s’est écoulé 40 ou 50 ans depuis. Combien y a-t-il eu de cas où des personnes vous ont consulté en raison d’une erreur judiciaire à la suite d’une condamnation faite par une cour martiale?
Me Lockyer : À ma connaissance, nous n’avons jamais eu une demande à la suite d’une condamnation faite par une cour martiale, et je le saurais s’il y en avait eu une. Voilà ma réponse, je suppose.
Le sénateur Dalphond : Combien de demandes...
Me Lockyer : Pardon?
Le sénateur Dalphond : Comparativement au nombre de demandes que vous avez reçu?
Me Lockyer : Combien de candidatures avons-nous reçues au fil des ans? Je n’ai jamais compté, mais je dirais 250. Nous avons encore probablement 80 ou 90 demandes non réglées. Je ne connais pas le nombre exact pour le moment.
Je ne pense pas que ce soit une raison pour retarder le projet de loi. Selon ma lecture du projet de loi, je dirais qu’en fait, il englobe la cour martiale puisqu’il parle de personnes reconnues coupables d’une infraction à une loi du Parlement. Une personne déclarée coupable par la cour martiale aura été reconnue coupable d’une infraction à une loi du Parlement, à savoir le Code criminel. La cour martiale juge des infractions au Code criminel. Il pourrait s’agir d’un débat intellectuel et d’une question que nous devrons résoudre ultérieurement, une fois que la loi aura été adoptée.
Le sénateur Dalphond : Ma deuxième question porte sur le processus en deux étapes. Dans le système actuel, peu de dossiers font l’objet d’une enquête; on les ferme avant. Les critères sont si élevés que personne n’y satisfait.
Certaines personnes s’inquiètent du fait que la nouvelle commission, même si elle pourra réaliser des enquêtes, ne sera pas non plus obligée de passer à cette deuxième étape. Est-ce que cela vous inquiète?
Me Lockyer : Encore une fois, si les commissaires sont compétents, je n’y vois pas d’inconvénient. Dans le système actuel, les personnes qui font le travail pour le ministre sont peu enclines à permettre que les dossiers franchissent la première étape, ne serait-ce que parce que cela donne à la personne le droit de demander la mise en liberté sous caution dans l’attente de la décision finale du ministre.
Selon mon expérience, il n’y a qu’un seul cas qui me vient en tête où le ministre, à la fin de la deuxième étape, a décidé de rejeter la demande après avoir jugé à la première étape qu’il y avait possibilité d’erreur judiciaire. Cette première étape est un obstacle de taille.
Je pense que la première étape est une bonne idée. Elle permet d’éliminer rapidement toutes les demandes sans mérite. Avec le projet de loi, l’auteur de la demande aura encore la possibilité de faire une deuxième tentative pour convaincre la commission qu’elle se trompe et que sa demande devrait passer à l’étape suivante.
Je suis satisfait du libellé et de la forme du système prévu. Je suis particulièrement satisfait des nouveaux critères pour le renvoi d’une affaire à un tribunal. Il s’agit de critères moins stricts que ceux qui s’appliquent actuellement au ministre. J’ai toujours trouvé que les critères que le ministre doit appliquer à l’heure actuelle sont plus élevés que les critères qui seraient ensuite utilisés par une cour d’appel si le dossier était renvoyé à cette dernière, ce qui me semble être une sorte d’inversion de la logique. Le ministre devrait avoir le pouvoir de renvoyer un dossier sur la base d’une norme de preuve beaucoup moins contraignante que celle qui sera appliquée par la cour d’appel saisie du dossier. De la manière dont cette commission est constituée, ce problème ne se pose pas.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Le sénateur Prosper : Merci aux témoins. Maître Lockyer, je vous remercie de votre travail et de votre engagement tout au long de ces années. J’ai été vraiment interpellé quand vous avez commencé à détailler vos activités de représentation et de service au fil des ans.
D’après ce que j’ai compris de votre témoignage dans votre déclaration liminaire, en réalité, rien ne devrait faire dérailler l’adoption de ce projet de loi. Il n’est pas parfait, mais on peut laisser la commission travailler quelque temps et on pourra apporter les améliorations nécessaires plus tard. C’est une synthèse peut-être rudimentaire, mais voilà ce que j’ai retenu de votre témoignage aujourd’hui.
Je veux juste m’adresser à Me Levy et à Mme Sock pour savoir si elles partagent la même opinion, à savoir qu’il est préférable que ce projet de loi soit adopté. Il n’est pas parfait. Il est certain qu’il peut être amélioré. Si on avait la possibilité d’amender le projet de loi, devrait-on le faire? Préféreriez-vous qu’il soit adopté maintenant et qu’on y apporte des améliorations plus tard?
Mme Sock : Je vous suis très reconnaissante pour vos interventions. À mon avis, si ce projet de loi, bien qu’imparfait, est adopté, il fonctionnera. Je le pense vraiment.
Si la mesure n’est pas adoptée telle quelle et qu’on y apporte des amendements, tant mieux. Cela ne fera de mal à personne. Quoi qu’il en soit, je suis simplement heureuse que le gouvernement envisage cette démarche courageuse avec nous. Merci.
Me Levy : Oui, je pense qu’on pourra faire des modifications à l’avenir. Au moment de l’évaluation quinquennale, quand nous devrons examiner le fonctionnement de la commission, je pense qu’il y aura des leçons tirées de ces cinq années qui pourront même servir de base à certains changements.
Nous avons tous nos opinions sur le fonctionnement de la commission et sur les améliorations à y apporter, et ces idées pourraient se concrétiser au fil des ans, mais il se peut aussi que d’autres éléments doivent être optimisés. Nous ne le verrons qu’au fur et à mesure que la commission entamera ses travaux.
[Français]
La sénatrice Oudar : Merci, madame Sock, pour votre témoignage; vous avez eu des propos que je partage en disant que la commission serait un succès « si on peut avoir de bons commissaires ». Je suis heureuse de savoir que vous avez aussi, au sein de votre communauté, des profils qui peuvent correspondre à cela.
Je me suis justement penchée sur la question de la composition de la commission dans le projet de loi aux articles 696.73 et 696.75, parce qu’effectivement, le ministre peut formuler des recommandations de nomination au poste de commissaire et le projet de loi dit qu’il doit chercher à « refléter la diversité », ce qui n’est pas très engageant. Au Québec, au sein de l’organisme que je dirigeais auparavant, pour avoir une composition paritaire, le ministre pigeait dans une liste qui était soumise par les associations les plus représentatives au Québec. Il y avait un peu moins de discrétion que ce que l’on retrouve à l’article 696.73.
Ma préoccupation, quand je lis le rapport du juge LaForme qui a servi d’inspiration au projet de loi, c’est que l’une des exigences sur lesquelles les rédacteurs ont beaucoup insisté, c’était de ne pas inclure l’exigence de 10 ans de barreau. Pourquoi? Je peux témoigner moi aussi de bien des risques de biais discriminatoires dans des lois quand on impose des exigences de 10 ans, parce que cela exclut des femmes et des membres des Premières Nations et que cela exclut des gens issus de groupes marginalisés. D’ailleurs, le rapport le mentionne spécifiquement en disant que le tiers des commissaires devrait avoir une formation juridique. Le rapport dit ceci :
[…] bien que nous ne recommandions pas d’exiger 10 ans de barreau, car cela pourrait constituer un obstacle potentiel à la représentation des groupes défavorisés parmi les commissaires.
J’étais donc déçue de voir que le projet de loi indiquait aussi ce critère et qu’il avait inclus le critère de 10 ans, malgré la recommandation négative à cet effet. J’aimerais vous entendre plus particulièrement sur ce critère qui, à mon avis, constitue en soi un biais discriminatoire dans le projet de loi.
[Traduction]
Mme Sock : Je ne suis pas certaine. J’ai été admise au barreau en 1998. J’ai obtenu mon diplôme de droit à Ottawa et j’ai exercé pendant 7,5 ans d’affilée. Ensuite, il m’est arrivé quelque chose de tragique. Pendant cinq ans, je n’ai pas travaillé. J’étais dans une situation difficile. Mon fils était décédé à la suite d’un suicide et je n’y arrivais tout simplement plus.
Pendant cinq ans, j’ai pleuré sa mort, puis je me suis dit : « Amy, il est temps que tu retournes au barreau du Nouveau-Brunswick et que tu fasses rétablir ta licence ». C’est ce que j’ai fait il y a environ 4 ans, de sorte que j’ai exercé pendant environ 10 ans.
Je ne sais pas. Cela dépend de la personne. On peut avoir une foule de connaissances et être un commissaire parfait avec cinq années d’expérience, mais il faut surtout être issu des Premières Nations et pouvoir comprendre les expériences vécues par les autres membres des Premières Nations. Merci.
Le président : Merci.
[Français]
La sénatrice Oudar : Merci, madame Sock. Je vous envoie à distance toutes mes condoléances pour la perte de votre fils, et merci de votre réponse.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Merci, madame Sock. Je suis vraiment désolée d’apprendre la perte de votre fils. Je ne peux qu’imaginer à quel point c’est dévastateur. En tant que femme autochtone, vous devez être confrontée sans cesse à de nombreux autres problèmes de ce genre dans votre communauté, j’en suis sûre.
L’une des raisons pour lesquelles nous avons élaboré le rapport sur les 12 femmes est une question que vous avez soulevée, maître Lockyer, à savoir le manque de confiance dans le système dont souffrent tant de personnes. Le fait qu’une femme sur deux parmi la population carcérale fédérale soit autochtone montre bien qu’il y a des erreurs judiciaires. Toutefois, ces femmes sont incomprises par de nombreux groupes. Il y a un manque de confiance parmi les groupes qui essaient de faire cet important travail.
David Milgaard l’a compris. Comme vous le savez, c’est en grande partie grâce à lui qu’Innocence Canada et vous avez pris en charge la question des sœurs Quewezance, et il voulait que les cas des 12 femmes soient réexaminés. Nous y travaillerons.
Quelles sont les mesures qui pourraient être prises dès maintenant pour résoudre certains de ces problèmes? Je constate également un manque de compréhension systémique à tous les niveaux, de la police aux avocats de la défense, en passant par les procureurs et les juges. Plus récemment, cela a été souligné dans l’affaire Helen Naslund, qui n’était pas une femme autochtone. Il n’y avait pas non plus de racisme sous-jacent. Cependant, il est certain que nous continuons à voir des préjugés dans le système. Que faut-il faire d’autre?
Que pourrions-nous recommander pour éviter que cela ne se reproduise avec cette commission?
Me Lockyer : Madame la sénatrice, je répondrai à votre question dans le contexte de l’éventuelle commission, en faisant comme si elle allait être mise sur pied demain matin. En quoi peut-elle être utile? Que peut-elle faire contre la surreprésentation des Autochtones dans nos prisons?
Je suppose que, le jour où la commission entrera en fonction, les 12 cas que vous avez décrits dans votre rapport — y compris, bien sûr, celui des sœurs Quewezance, sur lequel Innocence Canada a travaillé — pourront tous faire l’objet d’une demande immédiate. Il incomberait à la commission d’enquêter sur les cas et d’agir de manière proactive plutôt que réactive, comme le fait l’actuel système d’examen par le ministre. Il est à espérer que la justice sera rendue par un organe qui doit refléter, entre autres, les Autochtones. Je pense que ce serait un grand pas en avant.
Il se trouve que je travaille sur l’affaire des sœurs Quewezance depuis hier, aujourd’hui, et même demain. Il m’est venu à l’esprit que si je suis persuadé qu’elles obtiendront gain de cause dans le cadre du système d’examen par le ministre, je suis encore plus persuadé qu’elles obtiendraient gain de cause dans le processus de la nouvelle commission. Voilà une façon de comprendre en quoi la nouvelle commission peut constituer un pas de géant pour les Autochtones, les Noirs et, en fait, tous ceux qui ont été condamnés à tort.
La sénatrice Pate : S’il me reste du temps, Me Levy et Mme Sock aimeraient-elles ajouter quelque chose?
Me Levy : En ce qui concerne la nouvelle commission, je suis d’accord avec James. Je pense que ces demandes pourraient être déposées immédiatement. Je ne pense même pas qu’il faille attendre que la nouvelle commission soit mise sur pied avant de rassembler tous les éléments. J’ai relu le rapport hier, et il est indéniable qu’il contient des cas préoccupants.
Cela dit, je trouve que ce dont Mme Cunliffe a parlé et ce que vous avez soulevé au sujet de la définition et de l’interprétation large des nouvelles questions d’importance sont très pertinents, car les problèmes que nous avons déjà constatés et que nous avons soulevés dans le cadre du régime actuel ne sont pas considérés comme de nouvelles questions. L’avocat aurait pu soulever la question à l’époque, et tous les faits étaient connus à ce moment-là. Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle question d’importance. Par exemple, quand nous avons dit qu’il existait une vaste nouvelle compréhension des questions culturelles et de genre qui devait être prise en compte lors de l’examen de ces dossiers, cela n’a pas été interprété comme une nouvelle question.
Nous devons donc les encadrer, puis les commissaires et le personnel doivent être formés, et tout cela devra être pris en compte lorsque nous nous adresserons à la commission. Toutefois, je pense que ces questions peuvent être abordées dès maintenant.
En ce qui concerne la prévention, à l’avenir, il faudra intensifier considérablement la formation. Certaines formations pourraient être obligatoires. La formation dispensée par la profession juridique n’est parfois pas très pertinente et n’est pas toujours obligatoire. Ma réponse serait donc la suivante : formation, sensibilisation et représentation.
Le président : Merci à vous deux.
La sénatrice Simons : Maître Lockyer, vous avez dit quelque chose de provocateur, à mes oreilles en tout cas. Si ce système avait été en place, Clarence Woodhouse serait sorti de prison il y a 50 ans. C’est ce qui me préoccupe : Clarence Woodhouse est justement quelqu’un qui ne serait pas sorti de prison plus tôt, car il n’avait pas la capacité de se défendre lui-même; il ne maîtrisait pas l’anglais et il n’avait pas les moyens financiers de faire appel à un défenseur, même si ce dernier n’était pas un avocat.
Je crains que les personnes les plus vulnérables ne soient pas en mesure d’accéder au système parce qu’elles ne sauront pas comment appuyer sur la sonnette pour qu’on leur ouvre la porte. Je me demande si Mme Sock et vous-même pourriez en parler. Que faut-il faire pour que les prisonniers qui ont peut-être été condamnés à tort sachent que le système est là pour eux?
Je pose d’abord la question à Me Lockyer, mais, madame Sock, votre organisation travaillera-t-elle de manière proactive avec les femmes en prison pour leur faire savoir que ce nouveau système est là pour elles?
Mme Sock : Oui, nous avons déjà mis sur pied un programme au bureau national dans le cadre duquel un administrateur se rend dans les pénitenciers pour femmes afin de discuter avec les détenues autochtones. Nous serions très heureux de les en informer dans les endroits où nous nous rendons.
Je pense que la Commission devrait se mettre en action tout de suite. S’il y a des choses que nous pouvons faire maintenant plutôt que d’attendre, je pense qu’il faut les faire maintenant. Merci.
La sénatrice Simons : Maître Lockyer, je voudrais vous poser une question. Votre groupe s’appelle Innocence Project. Or, certaines personnes ne sont pas innocentes. Elles ont simplement été jugées de manière incorrecte, et ce sont des erreurs de droit qui ont conduit à une condamnation qui n’aurait pas dû être confirmée parce que la Couronne n’avait pas établi la preuve.
Selon vous, les personnes qui n’étaient pas nécessairement innocentes mais qui ont été condamnées à tort devraient-elles avoir accès à un examen de leur dossier dans le cadre de ce système?
Me Lockyer : Tout à fait. D’ailleurs, le projet de loi C-40 le prévoit expressément. Il stipule expressément qu’un demandeur n’a pas à prouver son innocence pour obtenir des mesures de redressement. Je dirais que c’est également le cas pour le système d’examen ministériel qui, dans la pratique, n’exige pas de prouver son innocence, ce qui peut parfois s’avérer littéralement impossible. Le système ne doit donc pas exiger de prouver son innocence. Bien entendu, il faut exiger la preuve d’une erreur judiciaire. C’est ainsi que le projet de loi C-40 le formule. C’est également ainsi que fonctionne actuellement le processus d’examen ministériel.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Ma question s’adresse à Me Lockyer. Je prends en compte les commentaires que vous avez faits concernant le fait qu’il faudrait avoir une commission le plus rapidement possible. Par contre, pour ce qui est du nombre de commissaires et des critères qui ne sont pas bien définis dans la loi, croyez-vous que le nombre de commissaires est suffisant pour le nombre de demandes qu’il y aura au cours de la première année? Avez-vous confiance dans le système de justice et le ministre pour nommer des gens bilingues ou des Noirs, ou des Autochtones, ou des gens issus d’autres groupes qui sont faussement incarcérés? J’aimerais vous entendre là-dessus. Bravo pour le travail que vous faites.
[Traduction]
Me Lockyer : Merci.
En ce qui concerne la première question, à savoir si le nombre de commissaires est suffisant, le projet de loi prévoit entre 4 et 8 commissaires. Est-ce que je pense que 8 commissaires suffisent? Probablement pas. Il pourrait d’ailleurs s’agir du premier amendement proposé : que ce nombre soit augmenté; mais nous verrons. Avec le nombre de demandes que nous pouvons prévoir au début, je pense qu’il faudrait aussi quelques membres ad hoc — autrement dit, quelques membres à court terme — pour augmenter le nombre de commissaires afin de pouvoir traiter les dossiers avec la célérité nécessaire.
Quant à savoir si je fais confiance au gouverneur en conseil et au ministre qui sera chargé de nommer les commissaires, c’est une question à laquelle il m’est très difficile de répondre, mais je dirai que je suis convaincu que le ministre actuel, M. Virani, est très attaché à ce projet de loi. Il y croit, et s’il y croit comme je le pense, il est presque certain qu’il nommera des commissaires qui feront du bon travail.
Puis-je en dire autant pour le prochain ministre ou le prochain gouvernement? J’espère que oui. Il faut avoir confiance dans le système. Il y aura peut-être des nominations avec lesquelles je ne serai pas d’accord. Il y aura sans doute des nominations avec lesquelles je serai d’accord. Quoi qu’il en soit, les critères énoncés dans le projet de loi C-40 assurent dans une large mesure que les commissaires choisis seront à la hauteur, pour ainsi dire.
Il faut que les commissaires aient des connaissances dans le domaine. Or, si vous avez des connaissances dans le domaine des condamnations injustifiées, vous comprendrez forcément comment des personnes peuvent être condamnées à tort et comment le système peut gâcher une affaire. Si vous êtes engagé ou nommé parce que vous êtes Noir, Autochtone ou que vous avez une bonne compréhension des problèmes dans le système de justice pénale, comme le prévoit le projet de loi, vous devriez être un bon commissaire.
Donc, j’ai confiance dans les commissaires qui seront nommés si ce projet de loi entre en vigueur.
Le sénateur Aucoin : Merci.
La sénatrice Clement : Je remercie les témoins pour leur témoignage, ainsi que pour leur carrière et pour leur travail.
Je voudrais reprendre là où Me Lockyer s’est arrêté en parlant de la confiance dans le système. De nombreuses communautés n’ont pas confiance dans le système en raison de la surreprésentation.
Madame Sock, je commencerai par vous. Tout d’abord, je vous remercie. Je tiens à souligner que vous avez fait part de votre expérience dans votre témoignage. Vous avez soulevé trois arguments, le troisième étant qu’il faut des ressources adéquates pour que le tout fonctionne. Si ce n’est pas le cas, il y aura encore plus d’injustice.
Je me demande si vous pouvez préciser cette question. Ce n’est pas l’actuel ministre de la Justice qui me préoccupe. Je suis d’accord avec Me Lockyer, à savoir que je pense qu’il a l’impression qu’il s’est déjà prononcé sur le budget attribué, mais qu’en est-il du prochain ministre et du ministre suivant?
Madame Sock, qu’est-ce qui pourrait se passer si les ressources n’étaient pas suffisantes?
Mme Sock : Beaucoup de choses peuvent mal tourner. La Commission peut tout simplement rater sa cible parce que le gouvernement la décourage, parce qu’elle est lente ou parce qu’elle n’est pas prise au sérieux.
Je dois néanmoins avoir confiance dans le système de justice. C’est vraiment le cas. Mon père est un agent de la GRC à la retraite, et je suis avocate criminaliste. J’ai toujours été une enfant rebelle.
Je dois donc avoir confiance. Si ce n’est pas le cas, c’est sans espoir. Je ne veux plus être dans cette situation. Il nous faut de l’espoir et de la confiance. Merci.
La sénatrice Clement : Je comprends. Autrement dit, nous devons tous travailler pour que les choses aillent de l’avant.
J’ai une deuxième question, si vous le permettez, sur les facteurs que la Commission doit prendre en compte pour prendre une décision. Il y a une liste non exhaustive qui parle de prendre en compte la situation personnelle du demandeur et les difficultés spécifiques rencontrées par les demandeurs appartenant à certaines populations. Toutefois, on ne dit pas comment la Commission doit prendre ces éléments en compte. On énumère des éléments et on dit qu’il faut les prendre en compte, mais comment les communautés qui n’ont pas autant de confiance peuvent-elles comprendre comment ces éléments ont été pris en compte?
L’un d’entre a-t-il une observation à faire à ce sujet?
Me Lockyer : Bien sûr, puisque vous me regardez.
La sénatrice Clement : Je vous regarde pour commencer, puisque vous vous trouvez dans la salle.
Me Lockyer : En effet. J’ai effectivement une observation à faire à ce sujet.
Il incombe à la Commission de se faire valoir une fois qu’elle aura vu le jour. Le système actuel n’inspire pas confiance parce qu’il est dirigé par le ministre de la Justice et que celui-ci n’accordera jamais sa confiance à un demandeur qui lui dit essentiellement qu’il a été condamné et qu’il s’agit d’une condamnation injuste à cause du système de justice de ce ministre.
Cette situation n’inspire pas confiance au demandeur, alors qu’une Commission indépendante, c’est une autre histoire, puisqu’elle n’a rien à voir avec ce qui s’est passé jusqu’à présent.
Je pense donc que la Commission peut se faire valoir, à la fois directement et par l’intermédiaire de son personnel. Comme ce fut le cas dans d’autres pays, le travail qu’elle effectue, les résultats auxquels elle parvient et les affaires elles-mêmes feront l’objet d’une large publicité. Même lorsque les affaires seront examinées par la Commission, bon nombre susciteront un vif intérêt de la part du public.
Il faudra un peu de temps, mais au fil du temps, je pense que le public aura de plus en plus confiance dans le système. Néanmoins, comme je l’ai dit, la Commission peut se faire valoir. Je pense que cela fera partie intégrante de ses activités.
Me Levy : Je pense que la Commission aura d’abord du travail à faire, comme l’a dit Me Lockyer, pour se faire valoir et se faire connaître en allant dans les communautés et dans les prisons pour se renseigner davantage. Les commissaires auront une bonne connaissance du domaine des condamnations injustifiées et ils auront une certaine expérience, mais je pense qu’il y a toujours des choses à apprendre. Dans un premier temps, c’est ce que feront la Commission et son personnel. On a parlé du nombre de commissaires. Or, le nombre d’avocats-conseils travaillant pour la Commission sera tout aussi important, car selon la structure de celle-ci, ce sont eux qui effectueront une grande partie du travail.
La sénatrice Senior : Je remercie les témoins de leur présence. Lorsque la Commission de vérité et réconciliation a été créée, j’ai pris le temps d’assister à quelques séances et j’ai pu constater qu’une grande confiance régnait dans la salle. Je pense que cette confiance était liée aux membres de la Commission et à la crédibilité qu’ils avaient acquise.
En 1992, j’ai participé aux travaux d’un autre organisme créé pour étudier l’effet du racisme et du système de justice pénale, qui était dirigé par le grand Stephen Lewis. Même s’il s’agissait d’étudier la communauté noire en particulier, il avait acquis suffisamment de crédibilité sur les questions qu’il abordait pour que je lui fasse confiance en tant que personne noire, même si l’on se plaignait que la personne qui dirigeait l’organisme n’était pas une personne noire. Je creuse un peu plus la question de la confiance et de certains des éléments qui la créent, de sorte qu’elle ne soit pas si longue à bâtir, mais qu’elle soit établie autant que possible dès le début.
Je voulais entendre les observations de Mme Sock à ce sujet, parce que je me réjouis vraiment que vous représentiez l’Association des femmes autochtones du Canada — une organisation pour laquelle j’ai beaucoup de respect —, et de ce qu’apporterait son implication dans le soutien de cette Commission, pour avoir votre avis sur la composition de la Commission, sur les commissaires et sur certains des aspects importants de la composition de cette Commission qui engendrerait ce genre de confiance.
Mme Sock : Les sénateurs s’appuient-ils sur les députés? Je connais un sénateur mi’kmaq qui vient de l’Île-du-Prince-Édouard et un député d’Eskasoni qui s’appelle Jaime Battiste. Pouvez-vous collaborer avec les Autochtones qui travaillent à Ottawa pour voir comment les commissaires peuvent être choisis de la bonne manière? Je pense que nous devons compter sur les gens qui travaillent déjà à Ottawa. Merci.
Le président : Chers collègues, voilà qui conclut notre série de questions et de discussions avec nos témoins. Nous leur avons demandé de rester un peu plus longtemps — à leur insu, peut-être — pour discuter avec nous. Nous le leur avons demandé sans qu’ils le sachent, je suppose.
Plus sérieusement, je voudrais prendre un moment pour remercier chacun d’entre vous trois qui vous êtes joints à nous et qui vous êtes engagés à nous accorder de votre temps et de votre expertise pour nous aider à comprendre un peu mieux ce projet de loi. Comme vous le savez tous, nous étudions un projet de loi important dans le cadre de cet exercice, et ce fut un réel plaisir pour nous d’avoir pu en discuter avec vous cet après-midi. Je tiens également à vous remercier pour le temps supplémentaire que vous nous avez consacré.
Nous poursuivrons demain notre étude de ce projet de loi. Chers collègues, je tiens également à vous remercier, ainsi que le personnel qui nous soutient même lorsque nous le poussons au-delà des justes limites de son travail. Nous reprendrons nos travaux demain.
(La séance est levée.)