LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 1er juin 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 1, 21 et 22 de la partie 5 du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénatrices et sénateurs, je suis vraiment désolée. Nous avons dû commencer en retard, parce qu’il y avait des votes à la Chambre des communes.
Monsieur le ministre Lametti, bienvenue au comité.
Je suis Mobina Jaffer, sénatrice de la Colombie-Britannique, et j’ai le plaisir de présider ce comité.
Aujourd’hui, nous tenons une réunion hybride du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
[Français]
Si vous éprouvez des difficultés techniques, notamment en ce qui concerne l’interprétation, veuillez le signaler à la présidente ou au greffier et nous nous efforcerons de résoudre le problème.
Je voudrais prendre quelques minutes pour vous présenter les membres du comité qui participent à la réunion aujourd’hui : le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, vice-président, la sénatrice Batters, le sénateur Campbell, la sénatrice Clement, le sénateur Cotter, le sénateur Dalphond, la sénatrice Dupuis, le sénateur Harder, la sénatrice Pate, le sénateur Wetston et le sénateur White.
[Traduction]
Honorables sénateurs, veuillez faire signe au greffier en utilisant la fonction « main levée » si vous avez une question.
Nous poursuivons aujourd’hui notre étude des sections 1, 21 et 22 de la partie 5 de la Loi d’exécution du budget. La section 1 porte sur l’imposition du Chemin de fer Canadien Pacifique. La section 2 porte sur l’ajout du déni de l’Holocauste dans le Code criminel. La section 22 porte sur la rémunération des juges.
Nous accueillons aujourd’hui l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné des personnes suivantes du ministère de la Justice Canada : Warren J. Newman, avocat général principal, Droit public; Michael Ezri, avocat-conseil, Contentieux des Affaires fiscales; Nathalie Hébert, avocate-conseil, cheffe d’équipe, Section de la politique en matière de droit pénal; et Anna Dekker, directrice et avocate générale par intérim, Section des affaires judiciaires, Secteur du droit public et des services législatifs.
Monsieur le ministre, bienvenue et nous avons hâte d’entendre vos observations. Veuillez poursuivre.
L'honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Honorables sénatrices et sénateurs, je vous remercie de votre patience. Je me joins à vous aujourd’hui depuis mon bureau à Ottawa, sur le territoire traditionnel du peuple algonquin. Merci à Me Newman, Me Héber et Me Ezri de m’appuyer aujourd’hui. Et merci de m’avoir invité, sénatrices et sénateurs, à parler des sections du projet de loi C-19 qui ont une incidence sur le système de justice.
[Français]
Tout d’abord, permettez-moi de commencer par la section 21 de la partie 5 de la Loi d’exécution du budget. Il y a eu une augmentation alarmante des incidents d’antisémitisme et de négation de l’Holocauste au Canada et dans le monde. Malheureusement, l’antisémitisme a une longue histoire au Canada. Les Juifs canadiens ont souffert de discrimination et de traitement injuste dans de nombreux aspects de la vie. Ils ont été et continuent d’être soumis à des stéréotypes sinistres et nuisibles.
[Traduction]
Le déni de l’Holocauste, qui vise expressément à promouvoir la haine contre le peuple juif, est une forme d’antisémitisme particulièrement nuisible et dommageable. À cette fin, le Code criminel serait modifié de manière à créer une nouvelle infraction de promotion volontaire de l’antisémitisme en cautionnant, niant ou minimisant l’Holocauste par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée. Les dispositions actuelles du Code criminel sur la propagande haineuse ne couvrent peut-être pas tous les incidents d’antisémitisme et de négation de l’Holocauste, mais je tiens à souligner que cette infraction exige toujours, comme élément essentiel, qu’il y ait promotion volontaire de l’antisémitisme. Cette disposition est conforme aux dispositions actuelles du Code criminel.
[Français]
Reconnaissant la tendance inquiétante en matière d’antisémitisme, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté à l’unanimité, en janvier 2022, une résolution condamnant le déni de l’Holocauste. L’Assemblée générale a exhorté tous les États membres de l’ONU à condamner le déni de l’Holocauste, conformément aux précédentes résolutions de l’ONU adoptées de 2005 et 2007. Un certain nombre de pays, comme la Belgique, la France, l’Autriche et l’Allemagne, ont déjà fait du déni de l’Holocauste un crime.
[Traduction]
Le budget de 2022 propose également de fournir 20 millions de dollars pour appuyer la construction d’un nouveau musée de l’Holocauste à Montréal, ainsi que 2,5 millions de dollars pour le Sarah and Chaim Neuberger Holocaust Education Centre à Toronto. Ces initiatives, ainsi que les modifications au Code criminel, sont importantes pour lutter contre l’antisémitisme au Canada.
La section 22 a pour principal objet de renforcer nos tribunaux en maintenant l’indépendance judiciaire et en fournissant des ressources judiciaires aux tribunaux au service des Canadiens. Les modifications proposées dans cette section se divisent en deux grandes catégories. La première catégorie met en œuvre la réponse du gouvernement au rapport de la Commission d’examen de la rémunération des juges de 2020, aussi connue sous le nom de Quadcom.
[Français]
La commission a transmis son rapport au gouvernement le 30 août 2021. Le 29 décembre 2021, le gouvernement a publié sa réponse, acceptant toutes les recommandations de la commission. Les modifications proposées mettraient en œuvre ces recommandations en prévoyant notamment ce qui suit : que le traitement des juges continue d’être rajusté annuellement, conformément aux mesures d’indexation prévues par la loi; l’augmentation de l’indemnité pour les faux frais et l’augmentation de l’indemnité pour les frais de représentation; la création d’une nouvelle indemnité pour soins médicaux pour les juges recevant une indemnité de vie chère pour le Nord canadien. L’adoption de ces modifications démontrerait le respect, par les pouvoirs exécutif et législatif, de l’indépendance du pouvoir judiciaire et des principes constitutionnels fondamentaux en jeu dans la fixation de la rémunération des juges. Cela renforce en retour la confiance du public dans les tribunaux et dans la primauté du droit.
[Traduction]
La deuxième catégorie de modifications permettrait aux cours supérieures de répondre aux pressions de la charge de travail actuelle et projetée en créant 24 nouveaux postes de juge dans 9 tribunaux différents d’un océan à l’autre. Comme le budget l’indique, le thème commun de ces investissements est l’accès à la justice. Le gouvernement reconnaît que l’investissement dans nos ressources judiciaires aidera le système de justice à relever les défis et à se remettre des perturbations des deux dernières années. Je suis convaincu que ces investissements aideront non seulement nos tribunaux à court terme, mais aussi les Canadiens à long terme en permettant à encore plus de juristes exceptionnels de se présenter et de siéger à la magistrature.
[Français]
À ce sujet, je note que, depuis novembre 2015, le gouvernement a nommé plus de 525 juges à des cours supérieures. Ces juristes exceptionnels sont un témoignage de la diversité qui renforce le Canada. Plus de la moitié de ces juges sont des femmes, et ces nominations font état d’une représentation accrue des minorités visibles, des Autochtones, des membres des communautés LGBTQ2+ et des personnes qui s’identifient comme en situation de handicap. Je vous assure que je continue de travailler avec diligence afin de pourvoir les postes vacants avec des candidats exceptionnels. Je suis pleinement conscient de la nécessité de pourvoir les postes vacants, et j’ai hâte d’annoncer d’autres nominations très bientôt.
[Traduction]
Enfin, la section 22 propose la création de la charge de protonotaire de la Cour canadienne de l’impôt et de la charge de protonotaire surnuméraire relativement aux protonotaires de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l’impôt. Le recours aux protonotaires à la Cour canadienne de l’impôt permettra aux juges de se concentrer sur des questions complexes, tandis que les protonotaires se spécialisent dans le traitement de cas moins complexes et exercent d’autres fonctions qui améliorent l’efficacité des tribunaux. C’est une façon rentable d’améliorer l’accès du public à la justice.
Honorables sénatrices et sénateurs, je termine en réaffirmant l’engagement du gouvernement à accroître la confiance du public dans le système de justice. Je crois que les modifications proposées aux sections 21 et 22 nous aideront à atteindre cet objectif, et je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Merci, monsieur le ministre.
Honorables sénatrices et sénateurs, je tiens à vous rappeler que le ministre sera ici jusqu’à environ 17 h 30, après quoi nous aurons du temps avec les fonctionnaires — environ 45 minutes. Je vous demande donc respectueusement de garder les questions techniques pour les fonctionnaires et de poser davantage de questions de politique au ministre.
M. Lametti : Madame la présidente, je vous signale que dans 22 minutes, je devrai prendre deux minutes pour voter par voie électronique. Je devrai m’absenter pour aller voter, puis je reviendrai tout de suite après.
La présidente : Monsieur le ministre, nous sommes au courant. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir pris le temps de venir.
Vous avez abordé la plupart des questions abordées dans la Loi sur les juges, mais j’aimerais que vous me confirmiez certains aspects administratifs. Auparavant, Marc Giroux, le commissaire à la magistrature fédérale, a comparu devant notre comité lundi, mais en raison de difficultés techniques, nous n’avons pas pu l’entendre. Il a présenté un mémoire, que nous avons également envoyé à votre bureau.
Je tiens d’abord à régler deux choses, à savoir que le gouvernement est tenu par la Loi sur les juges de présenter les modifications législatives nécessaires dans un délai raisonnable, et que le gouvernement a présenté ces modifications dans la Loi d’exécution du budget le plus tôt possible, n’est-ce pas, monsieur le ministre?
M. Lametti : C’est exact, madame la présidente.
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, monsieur le ministre. C’est toujours un plaisir de discuter avec vous des projets de loi du gouvernement.
J’aimerais parler de la situation des postes vacants à la magistrature. C’est un problème récurrent depuis 10 ans. Vous vous rappellerez que le Sénat a déjà mené une étude sur les délais dans le système judiciaire et qu’un projet de loi a été déposé en 2016, si ma mémoire est bonne.
Récemment, un juge en chef de la Cour supérieure du Québec a qualifié la situation au Québec de « catastrophique ». Le Barreau du Québec a dit que le système était à la limite de ses capacités. De plus, à cause de la pandémie, on voit déjà poindre à l’horizon des procès qui seront avortés et des criminels qui seront libérés, comme on l’a vu dans les années 2015 et 2016.
Ma question est simple, monsieur le ministre. Vous venez de prévoir l’ajout de 21 postes dans votre budget, mais il y a encore 57 postes vacants. Ces postes vacants sont un problème récurrent depuis 2015. Il y a déjà eu jusqu’à 70 postes vacants. En 2016, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présidé par l’ancien sénateur Runciman, a fait des recommandations au gouvernement pour éviter qu’il y ait autant de postes vacants. On sait que les juges prennent leur retraite à 75 ans. Pourquoi ne pas planifier la relève des juges un an avant leur retraite, pour éviter qu’il y ait autant de postes vacants? Même si vous ajoutez 21 postes, ce n’est encore qu’une goutte d’eau dans l’océan.
Pourquoi ne suivez-vous pas les recommandations du rapport Runciman pour ce qui est des délais dans le système judiciaire?
M. Lametti : Merci de votre question, sénateur Boisvenu.
L’efficacité du système judiciaire nous tient à cœur. Le projet de loi C-5 aura une incidence très positive sur les délais dans notre système judiciaire, parce que la majorité des contestations fondées sur la Charte dans le système criminel sont basées sur les peines minimales qui ont été ajoutées par le gouvernement Harper. L’élimination de certaines peines minimales signifie que nous aurons moins de délais dans le système judiciaire.
Je fais ma part, et je crois que le système que nous avons mis en place pour choisir les juges est non seulement transparent et neutre sur le plan politique, mais aussi assez efficace. Ce système préconise la qualité et la diversité des juristes. Il faut comprendre que le nombre de postes vacants varie. Au mois de juin, le nombre de postes vacants augmente.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre...
M. Lametti : Nous nommons des juges. Parfois, le nombre de postes vacants baisse jusqu’à 20 ou 15, et parfois, le nombre de postes vacants augmente lorsque des juges prennent leur retraite.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, si vous me le permettez, je comprends que vous travaillez de manière transparente et efficace, mais toutes les données que j’ai en main à propos des postes vacants prouvent le contraire. Ces données ne concernent pas la transparence, mais plutôt l’application des recommandations faites par l’ancien sénateur Runciman. J’ai participé à cette étude en 2016. C’est incompréhensible, étant donné que l’on connaît la date de retraite des juges, qu’on ne se prépare pas six mois d’avance afin de pourvoir ces postes de juges et, ainsi, avoir un nombre minimum de postes vacants. On n’est pas dans une entreprise privée où des gens vont de gauche à droite pour trouver de meilleurs emplois. Un poste de juge est un emploi très stable et très peu de juges démissionnent. Ils travaillent pratiquement jusqu’à leur retraite.
Je ne comprends toujours pas pourquoi votre gouvernement n’applique pas un processus de recrutement proactif, plutôt que de toujours attendre d’avoir un nombre aussi élevé de postes vacants. Ceux qui souffrent de cette situation, ce sont les victimes.
M. Lametti : Monsieur le sénateur, je n’accepte pas la présomption de base de votre question. Nous faisons du recrutement d’une manière transparente. Je donne des ateliers et nous essayons d’attirer et d’encourager les candidats de qualité. Évidemment, nous allons continuer de travailler à pourvoir ces postes.
Vous pouvez encourager des personnes à faire des demandes. Cela nous aidera. Je suis très satisfait de l’efficacité du système actuel et je continue de nommer des juges toutes les deux semaines. Je crois que cela fonctionne bien et que les juges en chef, partout au pays, sont assez satisfaits en ce moment avec notre rythme de travail.
Le sénateur Boisvenu : Ce n’est pas ce que le juge en chef du Québec vient de dire.
M. Lametti : Les informations que vous venez de fournir ne sont plus à jour.
Le sénateur Dalphond : Bienvenue à notre comité, monsieur le ministre. C’est toujours un plaisir de vous accueillir.
Vous avez omis de parler des trois sections dont nous sommes saisis aujourd’hui, notamment celle qui concerne la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique. Dans cette loi, on propose de modifier le contrat avec le Canadien Pacifique pour supprimer l’article 16 rétroactivement à l’année 1966, et l’article 175 proposé indique qu’aucune action ou procédure fondée sur l’article 16 ne peut être intentée ou contestée contre Sa Majesté. L’article 176 dit ce qui suit :
Nul ne peut obtenir d’indemnité contre Sa Majesté du chef du Canada en raison de l’entrée en vigueur de l’article 174.
J’ai trois questions à vous poser.
Premièrement, puisque l’article 16 sera abrogé par cette loi, si elle est adoptée, l’amendement constitutionnel pour la Saskatchewan ne sera plus nécessaire. L’amendement constitutionnel que nous avons adopté n’a plus sa raison d’être, puisqu’il visait à libérer la Saskatchewan de l’obligation d’honorer l’article 16, qui n’existe plus. N’est-ce pas exact?
Deuxièmement, il y a un appel en attente devant la Cour fédérale d’appel actuellement. Si je comprends bien, la procédure mentionnée dans l’article 175, qui est actuellement devant la Cour fédérale d’appel, devra donc s’arrêter?
Troisièmement, l’article 176 dit qu’il n’y aura pas d’indemnité. Je sais que la Couronne fédérale a remboursé le Canadien Pacifique pour la taxe sur le capital de 1980 à 1990, soit jusqu’à l’abolition de la taxe sur le capital au fédéral. Est-ce que cela veut dire que le Canadien Pacifique devra remettre l’argent, puisque c’est après 1966?
M. Lametti : Merci de votre question, monsieur le sénateur.
On a modifié la Constitution à la demande de la Saskatchewan. C’était une entente conclue avec la province devant la Chambre des communes et le Sénat. Nous étions tous d’accord sur cette entente. Nous avons pris des mesures pour coordonner les normes législatives, en quelque sorte.
Je vais demander à Me Newman de vous fournir des détails et des réponses plus précises.
Me Warren J. Newman, avocat général principal, Droit public, ministère de la Justice Canada : Merci, monsieur le ministre. Je vais simplement répondre à votre première question, monsieur le sénateur.
N’oubliez pas que la modification constitutionnelle a été adoptée avant que ces mesures législatives ne soient présentées. En 1966, on avait prévu non seulement des modifications législatives, mais aussi des modifications constitutionnelles.
Il y a différentes façons de lire l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan. On peut prétendre que c’est une incorporation par renvoi statique, et dans ce cas c’était nécessaire et c’est encore nécessaire de modifier la Constitution. C’est certainement une façon téléologique de lire cette disposition. Ou alors, on peut dire que c’est une incorporation par renvoi ambulatoire. Cela signifie que ça dit ce que ça dit, selon l’état du droit. Évidemment, si l’état du droit change, à ce moment-là, ce qui reste de l’article 16 est modifié en conséquence.
À titre de constitutionnalistes, nous préférons la prudence. Nous allons aider le gouvernement et les deux Chambres dans le processus de modification constitutionnelle; ce serait le cas également si jamais il fallait entamer un débat constitutionnel par rapport à l’Alberta ou même au Manitoba. Mon collègue Michael Ezri pourra peut-être vous éclairer sur vos deux autres questions. Merci.
Le sénateur Dalphond : Si cela prend trop de temps, on peut le garder pour le prochain groupe de témoins avec les fonctionnaires officiels du ministère.
La présidente : Oui, pour le prochain groupe de témoins. Merci.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Monsieur le ministre Lametti, notre comité sénatorial a convoqué des experts juridiques pour nous aider à étudier ce projet de loi. Je leur ai demandé ce qu’ils pensaient du fait que le gouvernement fédéral ait choisi de s’attaquer à l’important sujet de l’antisémitisme et d’utiliser le Code criminel pour combattre ce fléau par l’entremise du projet de loi d’exécution du budget, qui compte 440 pages et qui n’accorde aux parlementaires, dans le cadre de ce processus, qu’une possibilité limitée de débattre et de délibérer de ce genre de modifications au Code criminel.
Jody Berkes, de l’Association du Barreau canadien, a répondu :
La sénatrice soulève une question importante. L’Association du Barreau canadien soutient depuis longtemps que la législation pénale mérite sa propre loi, qui mettrait l’accent sur cet aspect. Les bonnes lois pénales doivent être examinées comme il se doit, elles doivent faire l’objet d’un débat afin d’en arriver à des décisions qui profitent au système de justice pénale et à la société dans son ensemble.
Nous n’aimons donc pas les projets de loi omnibus. Nous ne croyons pas qu’il soit approprié de modifier les lois pénales au moyen de projets de loi omnibus ou d’amendements à la Loi d’exécution du budget, comme c’est le cas ici.
Monsieur le ministre Lametti, cette infraction au Code criminel concernant l’antisémitisme n’a rien à voir avec le budget, et n’est-il pas vrai que la seule raison pour laquelle vous avez inséré cette infraction particulière au Code criminel dans votre Loi d’exécution du budget est qu’elle a donné à votre gouvernement la capacité de devancer le projet de loi identique de lutte contre l’antisémitisme, qui était déjà à la Chambre des communes, présenté il y a quatre mois sous la forme du projet de loi C-250 par le député conservateur de la Saskatchewan, Kevin Waugh?
M. Lametti : Merci, sénatrice. C’est une très bonne question. De toute évidence, l’importance du principe de cette partie du projet de loi ne fait aucun doute. Nous convenons tous qu’il faut condamner l’antisémitisme, et les Nations unies nous ont demandé de le faire.
En fait, il fallait agir rapidement. La réalité, c’est qu’il est prioritaire d’envoyer ce message maintenant, comme les Nations unies nous l’ont demandé, à nous et à d’autres pays. C’est un principe sur lequel nous sommes tous d’accord. Le temps est limité à la Chambre, et les projets de loi d’initiative parlementaire ont peu de chances d’être adoptés à temps. Ils n’ont pas toujours l’attention de leurs leaders à la Chambre. Il ne nous reste que trois semaines avant la fin de la session, et si nous voulons faire cela — et il est important de le faire — nous ne devons pas attendre. Je conviens que c’était l’endroit approprié pour insérer cette partie du projet de loi.
La sénatrice Batters : M. Waugh a réussi à faire adopter un projet de loi d’initiative parlementaire au cours de la dernière législature, et je suis certain qu’il aurait l’attention de notre leader parlementaire.
M. Lametti : Lors de la dernière législature, il a eu mon appui pour le dernier projet de loi. Cela l’a aidé.
La sénatrice Batters : Vous auriez pu faire la même chose ici aussi.
Monsieur le ministre, quelle est la définition de « minimiser » que vous utilisez pour cette nouvelle infraction au Code criminel que vous établissez avec ce projet de loi? Je doute que le mot « minimiser » figure ailleurs dans le Code criminel. Le Larousse définit le fait de minimiser comme « Accorder à quelque chose une moindre importance, le présenter de manière à réduire son importance ». Bonté divine, monsieur le ministre, vous soutenez que cela constitue une infraction criminelle?
M. Lametti : N’oubliez pas que l’on parle de minimiser ou de déprécier. C’est une notion bien connue dans le domaine du droit pénal, qui est aussi liée à l’idée de promouvoir l’antisémitisme ou la haine, alors il ne s’agit pas simplement de minimiser l’Holocauste en soi, mais d’une façon qui fait la promotion de l’antisémitisme selon les définitions que nous connaissons. Cette partie de l’élément criminel est toujours là dans la loi. Nous estimons que la norme est la même pour ce crime important.
Si Anna Dekker ou Nathalie Hébert veulent ajouter des précisions, elles sont les bienvenues.
La sénatrice Batters : J’aurai certainement l’occasion de poser des questions aux fonctionnaires, mais c’est une partie très importante du projet de loi. Comment définissez-vous le fait de « minimiser »?
M. Lametti : En tant que ministre de la Justice, je n’ai pas à définir le mot « minimiser ». Le mot a un sens simple en français comme en anglais, et il est lié aux autres parties du projet de loi pour constituer la partie active de l’infraction.
La sénatrice Batters : Merci.
La sénatrice Simons : Monsieur le ministre, étant moi-même d’origine juive, j’ai été troublée au cours des derniers mois de voir des manifestations antisémites dans les rues de nos villes, de voir des gens brandir des symboles nazis et s’approprier l’étoile jaune comme si le fait de se faire demander de porter un masque équivalait en quelque sorte à un génocide. Pourtant, comme la sénatrice Batters l’a dit, je m’inquiète non seulement de la façon dont cette importante modification du Code criminel sera intégrée à la Loi d’exécution du budget, mais aussi des répercussions à long terme pour la communauté juive du Canada.
Je sais que c’est peut-être constitutionnel, d’après les arrêts Keegstra et Whatcott de la Cour suprême du Canada. Cependant, n’oublions pas que, dans l’affaire Keegstra en particulier, il a fallu 12 ans de litige pour obtenir une condamnation contre M. Keegstra, qui était le promoteur le plus scandaleux du déni de l’Holocauste. Par la suite, il a été condamné à 200 heures de service communautaire, mais pas avant que la notoriété du procès ne le fasse passer d’enseignant à temps partiel et de mécanicien de garage à Eckville à chef du parti national du Crédit social. Cela lui a fourni une tribune et un moyen de transmettre son message de haine à beaucoup plus de gens qu’il n’en aurait jamais eu dans une salle de classe d’Eckville. Que répondriez-vous si je vous disais que je crains que le contrecoup de cette mesure ait sur l’antisémitisme l’effet contraire à celui qui est recherché?
M. Lametti : Merci, sénatrice Simons. C’est toujours un plaisir de vous parler, et c’est une excellente question. Nous avons tous peur des répercussions imprévues. À votre question, je répondrais que nous prenons cette mesure — il s’agit d’une mesure — dans le Code criminel. Nous avons aussi dit, en tant que gouvernement, que nous allions mettre en place des mesures pour contrer la diffusion de la haine en ligne parce que c’est la principale plateforme par laquelle la haine est diffusée aujourd’hui. Il faut faire plus. Nous devons faire en sorte que les plateformes, notamment les plateformes de médias sociaux et les autres fournisseurs de services, dirigent ce processus de façon responsable.
Je vous répondrai, en toute humilité, que oui, c’est une courte réponse. Nous surveillerons attentivement les répercussions imprévues, mais nous avons l’intention de prendre d’autres mesures, et nous continuerons de réagir énergiquement à l’antisémitisme, parce que nous avons vu ses effets néfastes dans notre propre pays, comme vous l’avez souligné à juste titre, dans l’affaire Keegstra. Nous ferons de notre mieux pour continuer d’avancer.
La sénatrice Simons : Pour moi, le fait que des gens portent des étoiles jaunes de David comme s’ils étaient victimes d’un génocide lorsqu’on leur demande de suivre des lignes directrices en matière de santé publique est horriblement choquant. Je ne pense pas que ces gens devraient aller en prison, mais pour moi, c’est un exemple clair de minimisation de l’Holocauste. Pourraient-ils être visés par le projet de loi?
M. Lametti : Merci encore. Comme je l’ai dit à la sénatrice Batters, si la personne qui minimise l’importance de l’Holocauste fait en même temps délibérément la promotion de l’antisémitisme, et cet élément additionnel doit être présent, alors c’est possible. Il y aura des cas où ce sera tout simplement répréhensible — mais quand même répréhensible — et il y en aura d’autres où ce sera une infraction criminelle qui relèvera de cet article du Code criminel.
Comme vous le savez, les autres définitions sont tirées de l’affaire Whatcott, que vous avez citée. J’ai présenté un projet de loi à la Chambre des communes au cours de la dernière session — et j’espère que, d’une façon ou d’une autre, le fond de ce projet de loi ne sera pas perdu — pour redéfinir la haine dans le Code criminel en fonction de la définition établie dans l’affaire Whatcott. Encore une fois, j’espère que ce sera un autre élément dans l’avenir.
La sénatrice Simons : Encore une fois, cette affaire a fait de Whatcott un héros, et n’a aucunement contribué à le faire taire.
M. Lametti : Je comprends votre point de vue. C’est un bon point que vous soulevez.
Le sénateur Cotter : Merci beaucoup et bon retour parmi nous, monsieur le ministre. C’est toujours un plaisir de vous voir. J’ai quelques questions. Je n’en poserai que deux, si vous me le permettez, et je laisserai à d’autres qui connaissent mieux la partie 21 le soin de poser des questions à ce sujet.
Ma première question porte sur la partie 1, qui concerne la modification de l’exemption fiscale du Chemin de fer Canadien Pacifique. Sauf votre respect, c’est une question biaisée. Cette modification à la partie 1 porte sur la responsabilité ou la responsabilité potentielle du gouvernement du Canada, c’est-à-dire la responsabilité fédérale, mais elle ne règle pas et ne peut pas régler unilatéralement, en droit constitutionnel, les questions d’exemption fiscale en suspens qui existent par rapport au Manitoba et à l’Alberta. Est-ce que ce serait une description juste de la situation et de l’objectif, ou du moins des limites de l’objectif de l’amendement de la partie 1?
M. Lametti : Merci, sénateur Cotter. Je vais céder la parole à Warren Newman. J’ai une réponse en tête, mais je préfère en être certain.
La présidente : Sénateur Cotter, auriez-vous une objection à ce que nous posions la question lorsque nous entendrons les fonctionnaires, s’il vous plaît?
Le sénateur Cotter : Oui. Je serais heureux de vous entendre un peu plus tard à ce sujet, maître Newman.
Me Newman : Avec plaisir.
Le sénateur Cotter : Ma deuxième question, monsieur le ministre, porte sur le travail relatif à la rémunération des juges et sur l’augmentation du nombre de postes de juges, ce qui est louable. Dans ma circonscription, les juges en chef que j’entends sont certainement reconnaissants du soutien et de la réceptivité dont vous et votre bureau faites preuve en ce qui concerne les nominations. Ma question va dans ce sens.
Il y a un certain nombre d’années, un ex-procureur général et ministre de la Justice du Canada a dit, souvent publiquement, que chaque justiciable a droit à sa décennie devant les tribunaux, soulignant ainsi que les procédures judiciaires sont longues et interminables. Aussi importants que soient les juges, les mécanismes visant à accélérer les choses sont parfois beaucoup plus précieux pour les justiciables que leur dernière journée devant les tribunaux au cours de cette décennie. Dans quelle mesure, outre le travail relatif à la partie 22, vous et votre ministère avez été en mesure d’investir dans des parties antérieures du processus de règlement des différends qui peuvent produire des résultats satisfaisants pour les gens sans avoir à aller jusqu’à la fin du processus et à une audience devant le tribunal? Merci.
M. Lametti : Merci beaucoup de cette question. Immédiatement après y avoir répondu, je vais devoir m’absenter un instant pour voter, si vous me le permettez. Merci.
Nous travaillons sur plusieurs fronts. Vous avez tout à fait raison de dire que les retards dans le système judiciaire exigent une coordination, avec les provinces notamment.
Par exemple, dans l’ancien projet de loi C-78, qui était la réforme de la Loi sur le divorce, nous avons poussé les participants au système vers la médiation et l’arbitrage de façon systématique afin d’alléger le fardeau, en particulier pour nos cours supérieures, qui s’occupent de la grande majorité des affaires de droit de la famille.
J’ai déjà mentionné dans ma réponse au sénateur Boisvenu à quel point les peines minimales obligatoires ont engorgé le système pour diverses raisons. Les gens ne négocient pas de plaidoyer lorsqu’ils font face à une peine minimale obligatoire, ils ont recours à une contestation en vertu de la Charte pour essayer de réduire leur possibilité d’incarcération.
Nous investissons également plus d’argent dans l’aide juridique. Comme vous le savez, d’après le projet de loi que vous avez examiné au Sénat, qui a commencé au Sénat et lorsque j’ai comparu devant vous il y a peu de temps, nous essayons également de moderniser un certain nombre de procédures différentes maintenant que nous avons la technologie pour le faire.
Encore une fois, en étant à l’écoute des provinces et de leurs suggestions, mais aussi en raison de la COVID-19, nous avons appris beaucoup de choses sur la façon dont nous pouvons rendre le système judiciaire plus efficace. Nous y travaillons constamment, et nous pouvons essayer de le faire de différentes façons. Au bout du compte, il n’y aura pas une seule façon de rendre le système plus efficace, mais nous continuerons de faire de notre mieux. Une grande partie du travail se fait également en concertation avec les provinces, en raison de la composante de justice civile des tribunaux provinciaux et supérieurs. Nous continuerons de travailler avec les provinces également pour voir où nous pouvons le mieux utiliser les ressources et où nous pouvons le mieux modifier les procédures et le fond pour y arriver. Merci.
Le sénateur Cotter : Merci.
La présidente : Puisque le ministre a dû s’absenter, sénateur Dalphond, voulez-vous poser cette question au fonctionnaire pendant que nous y sommes?
Le sénateur Dalphond : Oui. Vous souvenez-vous des questions? Il y avait trois questions. Me Newman a répondu à la première.
La présidente : Pouvez-vous les répéter, s’il vous plaît?
Le sénateur Dalphond : Les deuxième et troisième questions portaient sur l’impact — j’ai oublié exactement comment je l’ai dit, mais l’essentiel concernait l’impact sur les procédures de la Cour fédérale en instance devant la Cour d’appel fédérale, et la troisième question portait sur le fait que la Couronne a remboursé au CP l’impôt sur le capital dans les années 1980. J’ai oublié les années exactes.
[Français]
Me Michael Ezri, avocat-conseil, Contentieux des affaires fiscales, ministère de la Justice Canada : J’ai pris note de vos questions, sénateur.
En ce qui concerne la deuxième question, si les modifications sont adoptées, nous porterons cet élément à l’attention de la Cour d’appel fédérale au fur et à mesure que les appels suivront leur cours dans le processus judiciaire.
Pour ce qui est de votre troisième question, il serait préférable que je ne tente pas de vous donner une réponse qui serait imprécise. On parle des années 2001 à 2004. Il est vrai que le Canadien Pacifique a payé des montants en taxe sur le capital. Toutefois, le remboursement est une question sous la juridiction de l’Agence du revenu du Canada et de la ministre du Revenu national. Il serait donc préférable que ce soit eux qui se penchent sur votre question, pour ensuite décider comment réagir.
Le sénateur Dalphond : Dois-je comprendre que votre mémoire à titre d’intimé n’a pas encore été déposé à la Cour d’appel fédérale?
Me Ezri : Vous avez raison. Nous avons maintenant un délai, et même le mémoire du Canadien Pacifique n’a pas encore été déposé.
Le sénateur Dalphond : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Merci, monsieur le ministre. Je suis heureuse de vous revoir. Dans la section sur les postes de juge, je m’interroge quand vous parlez de l’augmentation du nombre de juges et de compétences particulières. J’aimerais savoir comment vous déterminez quel est le ratio idéal de juges par rapport à la population en général pour que le système fonctionne efficacement, et si des études ont été faites par le ministère. Si nous pouvions avoir de l’information à ce sujet, et si cela a été fait à différents niveaux du système judiciaire, nous aimerions le savoir. Je remarque que certaines des mesures que vous avez prises à l’égard des protonotaires et autres semblent concerner certaines régions. Est-ce parce qu’elles ont fait du lobbying, ou est-ce que le ministère a fait une évaluation quelconque?
M. Lametti : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. Nous serons heureux de vous communiquer les documents. Nous demandons à nos homologues provinciaux et territoriaux de nous dire quels sont leurs besoins, et cela se fait de façon continue. Donc, cette allocation particulière est fondée sur l’information que les provinces nous ont donnée en fonction de ce qui se passe réellement sur le terrain. Je suppose que, d’une façon ou d’une autre, cela est directement ou indirectement lié à leur population.
En ce qui concerne les protonotaires, ce sont des postes de la Cour fédérale. Nous avons des protonotaires à la Cour fédérale. Ils ont tendance à faire beaucoup de travail de procédure, surtout dans le domaine de la propriété intellectuelle et dans d’autres domaines. Nous permettons maintenant à la Cour canadienne de l’impôt d’avoir également des protonotaires afin d’accroître son efficacité. Ils font beaucoup de travail administratif.
Il y a aussi un changement de nom pour « juge adjoint », qui reflète davantage la réalité. Les provinces auront aussi des maîtres dans leurs systèmes, qui sont un peu semblables, mais ce sont des juges des cours provinciales.
Au niveau des cours supérieures, vous connaissez le système. C’est moi qui ai fait la grande majorité des nominations à ce niveau. Ensuite, le premier ministre nomme les juges en chef des tribunaux, y compris les cours d’appel, et les juges de la Cour suprême du Canada.
La sénatrice Pate : Si vous me le permettez, j’aimerais que le ministère nous fournisse des renseignements sur les populations, les tailles et les problèmes particuliers. À la lumière de certains rapports qui ont été publiés récemment sur l’incarcération massive des Autochtones et des Noirs en particulier, y a-t-il eu un examen d’autres façons, outre les nominations, ou d’autres mécanismes qui pourraient être utilisés pour tenter de régler ces problèmes systémiques au niveau de la magistrature?
M. Lametti : C’est une observation juste. J’ai assurément eu comme priorité d’accroître non seulement la qualité de nos nominations aux cours supérieures et à la Cour fédérale, mais aussi leur diversité. Depuis notre arrivée au pouvoir en 2016, 54 % des nominations que nous avons faites sont des femmes; 4 % sont des Autochtones, et nous travaillons fort pour en recruter davantage; 12 % sont des membres de minorités visibles; 6 % s’identifient comme des membres de la communauté LGBT2Q; 31 % s’identifient comme étant parfaitement bilingues; et 13 % ont indiqué qu’ils n’étaient pas capables de converser, mais qu’ils comprenaient.
Nous essayons d’accroître la diversité de la magistrature. Nous savons que le fait d’avoir une magistrature plus diversifiée nous aidera à régler le problème de la surreprésentation dans le système carcéral, car la fonction judiciaire sera mieux comprise et plus crédible. Nous avons tous la responsabilité — moi y compris — d’inciter les bonnes personnes à poser leur candidature à la magistrature pour atteindre cet objectif.
La sénatrice Pate : Merci.
Le sénateur Harder : Monsieur le ministre, je suis heureux de vous revoir devant le comité. J’ai deux petites questions. L’une fait suite à la question du sénateur Dalphond et l’autre fait suite à celle de la sénatrice Batters. Permettez-moi de commencer par la question de la sénatrice Batters au sujet de la notion de « minimiser ».
Pouvez-vous confirmer que la qualité ou, en fait, la référence explicite à la « minimisation » figurait également dans le projet de loi d’initiative parlementaire auquel la sénatrice faisait allusion? Pouvez-vous confirmer que cela vous a inspiré à utiliser le mot « minimiser » dans le projet de loi dont nous sommes saisis?
M. Lametti : Je ne peux pas le confirmer. Peut-être qu’un de mes fonctionnaires pourrait le faire. Sinon, je vous le confirmerai par écrit.
Me Nathalie Hébert, avocate-conseil — cheffe d’équipe, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je peux confirmer que le texte de la Loi d’exécution du budget est tel qu’il était dans le projet de loi C-250, à l’exception d’un petit changement au libellé de l’un des moyens de défense, simplement pour s’assurer qu’il englobe la disposition relative à l’antisémitisme. Merci.
Le sénateur Harder : Merci. Je pense que la transparence pour cette discussion est utile.
Ma deuxième question, monsieur le ministre, concerne le Canadien Pacifique. La semaine dernière, nous avons entendu le témoignage de représentants du Canadien Pacifique qui ont indiqué que le ministère des Finances ne les avait consultés d’aucune façon au sujet de l’inclusion de cette question dans le projet de loi sur l’exécution du budget. Cela me semble un peu surprenant. Une référence à une question fiscale qui remonte à plus de 60 ans est inhabituelle et ne constitue pas une pratique exemplaire. Je me demande si vous pourriez nous parler de la transparence de ce manque de consultation.
M. Lametti : Je vous remercie de cette question, sénateur Harder. De toute évidence, je ne vais pas commenter quelque chose qui ne relève pas de ma compétence, d’une certaine façon, en ce qui concerne ce que fait le ministère du Revenu.
Ce que je peux dire, c’est que ce n’est pas illégal. Cela a été fait; le gouvernement peut annuler un contrat. Notre position juridique est tout à fait défendable. Nous étions dans une situation où la Saskatchewan nous avait présenté une modification constitutionnelle — encore une fois, je l’ai dit publiquement — sans aucune consultation. Nous aurions travaillé avec plaisir avec la province de la Saskatchewan, tout comme nous travaillerons avec le Manitoba et l’Alberta si ces provinces se manifestent.
Nous avons été poussés à le faire sans préavis et sans pouvoir travailler sur ce texte. Cela dit, nous l’avons fait assez rapidement. Nous avons veillé à ce que notre position juridique soit solide, et je ne ferai pas d’autres commentaires.
Le sénateur Harder : Je comprends. Je tiens cependant à souligner que la rétroactivité concernant une période aussi longue semble un peu inhabituelle, c’est le moins qu’on puisse dire.
M. Lametti : Ce n’est certainement pas illégal. La loi prévoit une disposition de rétroactivité.
La sénatrice Clement : Merci, monsieur le ministre, de comparaître une fois de plus. Ma question porte sur le fait de fomenter volontairement l’antisémitisme. J’ai aimé la réponse que vous avez donnée à la sénatrice Simons, en concédant essentiellement que nous nous inquiétons tous des réactions négatives et de la façon dont nous allons gérer la situation.
Nous avons entendu divers témoins, en particulier Mme Zwibel, de l’Association canadienne des libertés civiles, qui s’oppose au projet de loi et qui a dit que nous devrions plutôt mettre l’accent sur la marginalisation de la culture dans la société à l’égard des gens qui fomentent volontairement l’antisémitisme, au lieu de les museler.
Je crois vous avoir entendu dire que vous financeriez des musées, en particulier un centre à Toronto et un musée à Montréal. Pensez-vous que c’est suffisant? Qu’est-ce que votre gouvernement propose d’autre pour régler ce problème? Quels autres investissements envisagez-vous pour que nous puissions faire en sorte que notre culture, notre société, fasse la promotion d’un langage approprié à cet égard? Cela voudrait dire que nous devrions y voir nous-mêmes, créer un environnement où ce n’est pas acceptable.
M. Lametti : Merci, sénatrice. C’est une question importante, et je pense que vous pouvez déduire de mes réponses précédentes que je ne pense pas que ce soutien soit suffisant. Je pense que nous devons le faire. Nous le faisons dans le projet de loi. Nous le faisons ailleurs dans les types de financement — nous travaillons dans divers types de programmes. Le gouvernement fédéral a organisé des ateliers nationaux sur l’antisémitisme et l’islamophobie ces deux dernières années et, encore une fois, je crois que nous avons été à l’avant-garde.
Parfois, tout le travail de sensibilisation ou d’éducation que nous pouvons faire ne suffit pas. Parfois, nous avons besoin de la loi, et je pense que cela fait partie de la réponse. L’ancien projet de loi C-36 faisait partie de la réponse pour ce qui est d’incorporer dans le Code criminel la définition de haine donnée dans l’arrêt Whatcott.
Ce que nous avons entendu au sujet du contexte en ligne est également important à l’heure actuelle, où nous devons lutter contre la distribution de propagande haineuse en ligne. Nous l’avons vu abondamment au cours des dernières années, sans oublier l’antisémitisme, les remarques anti-islamiques, les remarques misogynes.
Il faut s’attaquer à tout cela, et il doit y avoir une réponse et une « responsabilisation ». Je pense donc que le contexte en ligne est un des aspects auxquels nous allons nous attaquer.
Mais encore une fois, les aspects de l’éducation culturelle et sociétale sont d’une importance cruciale, et c’est ce que nous faisons depuis le début.
La sénatrice Clement : Merci d’avoir ajouté ces commentaires sur les enjeux en ligne. J’espère que le Secrétariat de lutte contre le racisme aura une plus grande portée à l’avenir. Merci.
La présidente : J’ai une question pour vous, monsieur le ministre. Il m’est un peu difficile de vous poser cette question parce que vous avez très bien réussi à accroître la diversité chez les juges au Canada. Il est difficile de demander à quelqu’un qui accroît la diversité d’en faire plus. Cependant, un des plus grands défis, pendant toutes les années où j’ai exercé, a été le comité qui vous recommande des juges. Pendant très longtemps, j’ai eu l’impression que les gens de tous les horizons pensaient qu’ils n’étaient pas mariés, et cetera. Vous avez changé cela; vous avez changé le comité, et je vous en félicite, mais je persiste à croire que, parfois, ils sont des gardiens. Autrement dit, 12 %, ce n’est toujours pas 25 % de notre population diversifiée. À certains endroits, c’est encore plus. Que faites-vous d’autre pour que nos juges soient vraiment représentatifs de nos collectivités?
M. Lametti : Merci, sénatrice. J’ai effectivement travaillé pour la diversité au sein des comités sur les nominations à la magistrature partout au Canada, et nous continuons de le faire chaque fois que nous reconstituons un comité. C’est d’une importance cruciale, parce qu’ils apportent une façon différente de lire un dossier à ce comité, et c’est d’une importance cruciale pour le processus.
J’essaie de bâtir la confiance. J’ai rencontré des dirigeants de la communauté juridique partout au Canada, et ce que j’ai constamment entendu, c’est : « Nous ne nous donnons pas la peine de présenter une demande parce que vous n’allez jamais nous nommer de toute façon. » J’essaie de briser cette image négative, et je pense que je commence à réussir. Les gens commencent à croire qu’ils seront évalués équitablement. Ce n’est pas tout le monde qui passera au-delà de l’étape du comité, mais toutes les candidatures seront évaluées équitablement.
Je pense que j’en arrive au point où je constate un certain succès. Les gens disent maintenant : « D’accord, je pense que cela dure depuis assez longtemps pour que nous puissions faire confiance au processus. » Je continue donc de travailler et de rencontrer constamment les dirigeants des communautés juridiques sous-représentées pour inciter les gens à poser leur candidature. J’exhorte tous ceux qui jouent un rôle de mentorat, y compris nous tous, à suggérer aux gens de poser leur candidature à la magistrature. Je continuerai de déployer tous les efforts possibles pour encourager les gens à présenter une demande. Avec un peu de chance, une fois cette confiance établie, nous aurons de meilleurs résultats plus rapidement que par le passé.
La présidente : La preuve, ce sont les chiffres — les 12 %. C’est nettement mieux qu’avant, et il est évident que la confiance s’établit. Il y a la confiance en ce qui vous concerne et en ce qui concerne le premier ministre, mais il n’y a toujours pas la confiance — parce que qui vous juge? Des personnes diversifiées qui vous jugent et vous comprennent. Je vous laisse y réfléchir. Je n’ai pas besoin que vous répondiez.
Comme je suis sur le terrain, je sais qu’il y a encore un problème de confiance — pas en vous. Mais vous ne faites pas de recommandation. Quoi qu’il en soit, je m’en remets à vous.
La sénatrice Simons : Je voulais poser une question au sujet du Chemin de fer Canadien Pacifique.
Étant sénatrice de l’Alberta, je suis un peu préoccupée par le fait que la Saskatchewan bénéficie maintenant de son exemption; la Constitution a été modifiée en conséquence. En Alberta, la situation est plus compliquée parce que, si je ne m’abuse, c’est le premier ministre Ralph Klein qui a fait de toute modification constitutionnelle en Alberta une condition préalable à la tenue d’un référendum, ce qui ouvre une immense boîte de Pandore.
Je me demande quel allégement on pourrait apporter aux contribuables de l’Alberta pour qu’ils soient traités de la même façon que les contribuables de la Saskatchewan.
M. Lametti : Merci, sénatrice. C’est une bonne question.
Nous serions prêts à travailler avec l’Alberta si jamais elle en fait le souhait, et je pense que nous traverserons ce pont lorsque nous y arriverons. De toute évidence, nous examinerons également la question sous l’angle de l’équité.
Comme je l’ai laissé entendre en réponse à une question précédente, dans un monde idéal, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba — le Manitoba est complexe pour d’autres raisons — se seraient adressés à nous en même temps que le Canadien Pacifique, et nous aurions travaillé ensemble pour trouver une solution. Nous vivons dans un monde qui n’est pas idéal et, comme gouvernement, nous avons répondu rapidement et équitablement à la demande de la Saskatchewan, et nous ferons de même lorsque l’Alberta en fera la demande.
Maître Newman, avez-vous quelque chose à ajouter? Je vous vois hocher la tête et sourire.
La présidente : Vous pourrez peut-être le faire quand le ministre sera parti, maître Newman.
La sénatrice Batters : Merci. Je dirais simplement que la Saskatchewan est intelligente et proactive. Je rappelle également à tout le monde que c’est une résolution du gouvernement, en fait, qui a été adoptée par le Sénat.
M. Lametti : Je ne le conteste pas, sénatrice Batters.
La sénatrice Batters : Merci.
Pour revenir au mot « minimiser », habituellement, les projets de loi du gouvernement, avec toutes les ressources massives du ministère de la Justice qui les appuient, examinent attentivement et améliorent les domaines où il pourrait y avoir des problèmes éventuels dans les projets de loi d’initiative parlementaire ou les domaines d’étude portant sur ce genre d’enjeux.
Monsieur le ministre Lametti, le ministère de la Justice n’a pas l’habitude, en général, de couper-coller les projets de loi d’initiative parlementaire lorsqu’un seul député fait de son mieux pour mettre de l’avant un domaine qui est important pour ses électeurs ou pour le Canada de façon plus générale.
M. Lametti : Merci, sénatrice. Je le prends comme un compliment à l’intention de mes légistes et leur dirai que vous avez pris bonne note de l’attention accordée au ministère de la Justice.
C’est la combinaison au fait de fomenter volontairement l’antisémitisme. Les trois autres expressions sont « en cautionnant, en niant ou en minimisant ». Elles ont un sens ordinaire en français, mais en les combinant au fait de fomenter volontairement l’antisémitisme, cela nous donne une assez bonne définition de travail — et nous avons ajouté cette partie — qui est conforme aux normes du droit pénal en général. Je suis donc à l’aise avec la définition actuelle.
La sénatrice Batters : Merci.
La présidente : Monsieur le ministre, nous avons une autre question de la part du vice-président du comité.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, je vous remercie encore une fois d’être parmi nous. J’aimerais revenir sur l’affirmation que vous avez faite plus tôt. Vous avez dit que l’élimination de certaines peines minimales obligatoires réduirait les délais en cour. J’essaie de comprendre votre logique et j’aimerais que vous me donniez des explications à ce sujet.
Lorsqu’on a adopté le projet de loi ayant trait à la légalisation du cannabis, vous utilisiez le même langage, à savoir que, en légalisant le cannabis, il y aurait moins de cas devant les tribunaux et que les délais seraient réduits.
Lorsqu’on a adopté le projet de loi C-75, vous avez encore utilisé le même argument, à savoir qu’une fois que nous aurions à nouveau des accusations mixtes, les délais seraient réduits.
J’essaie de comprendre comment, en modifiant le Code criminel, nous pourrons réduire les délais, alors que nous savons que ceux qui apportent l’eau au moulin pour remplir les tribunaux, ce sont les policiers et les procureurs de la Couronne. C’est là que se trouve le goulot d’étranglement, et pas nécessairement dans le Code criminel. Ce sont vraiment les ressources qui nous manquent.
Vous disiez plus tôt que la déclaration du juge en chef date de longtemps, mais celle du barreau date du 28 mai 2022 — pas mai 2020. Le barreau a affirmé que le système est en train de craquer au Québec. Comment allez-vous réduire les délais, alors que 70 postes de juges sont vacants? Je n’ai pas encore compris votre stratégie pour réduire les délais, monsieur le ministre.
M. Lametti : De toute évidence, il n’y a pas une seule réponse; le projet de loi C-75 en fait partie et la loi sur le cannabis aussi.
Cependant, les statistiques montrent que lorsqu’on a des peines minimales obligatoires, il n’y a pas de tentatives de la part des avocats de présenter des plaidoyers de culpabilité ou de faire de la négociation de plaidoyer, parce qu’on parle de quatre ans minimum pour les peines minimales obligatoires. Aussi, un grand pourcentage des contestations fondées sur la Charte porte sur la contestation des peines minimales obligatoires.
Le sénateur Boisvenu : Il n’y a pas eu d’effet, monsieur le ministre. Les délais sont au même point qu’avant la pandémie.
M. Lametti : La pandémie a fait en sorte qu’il y a des délais dans le système. Si on examine la période du gouvernement Harper, à cause de l’élimination de la possibilité des ordonnances de sursis et de l’ajout des peines minimales — qui étaient deux des trois objectifs du projet de loi C-5 —, il y a eu une augmentation considérable non seulement sur le plan de la surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans le système judiciaire, mais aussi sur le plan des délais. Nous ajoutons aussi des ressources qui aideront à résoudre le problème, comme le projet de loi qui a déjà été présenté devant le Sénat. Il y a plusieurs réponses possibles, et nous travaillons main dans la main avec les provinces et les territoires. Je suis donc sûr que la situation s’améliorera avec le temps.
Le sénateur Dalphond : J’ai une très courte question.
On a fait référence au mémoire du Barreau du Québec. Ai-je raison de croire que plus de 90 % des affaires criminelles dans lesquelles il y a les délais dont on a parlé plus tôt se produisent devant la Cour du Québec, devant des juges nommés par les provinces?
M. Lametti : Oui, effectivement. Une grande partie des causes criminelles sont entendues devant les cours provinciales.
Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le ministre.
[Traduction]
La présidente : Monsieur le ministre, merci beaucoup de votre participation d’aujourd’hui. Je sais à quel point cela a été compliqué, mais vous avez réussi à vous joindre à nous. Le comité l’apprécie beaucoup. Votre présence fait une grande différence. Je tiens à vous dire que nous aurions préféré que vous soyez avec nous sur place, mais je sais que vous deviez voter aujourd’hui. Nous aurions peut-être eu une conversation plus dynamique, mais ce n’est que partie remise. Encore une fois, merci de vous être joint à nous.
La sénatrice Simons : Je voulais poser une question aux fonctionnaires au sujet de la définition de « minimiser ». La sénatrice Batters et moi ne sommes pas d’accord sur beaucoup de choses, mais je crois que dans ce cas, nous le sommes. C’est un terme qui n’est peut-être pas aussi nouveau que l’expression « préoccupations générales raisonnables » dans le projet de loi S-7, mais c’est quand même un libellé inhabituel. Je me demande si vous pouvez nous expliquer ce que le terme « minimiser » signifie techniquement.
Si quelqu’un, par exemple, dit que se faire vacciner s’apparente à un crime de guerre qui a fait l’objet d’un procès à Nuremberg, est-ce que cela minimise l’Holocauste? Ou pour minimiser l’Holocauste, faut-il dire : « Oh, les juifs exagèrent »?
La présidente : C’est la sénatrice Batters qui a demandé cette explication, mais elle vient de sortir. Pour que vous n’ayez pas à répéter, je vous demanderais d’attendre quelques secondes. Lorsqu’elle reviendra, vous pourrez leur expliquer cela à toutes les deux.
Me Hébert : Même si je comprends les préoccupations liées au fait que le terme « minimiser » n’est pas défini, je tiens à mentionner que le terme « cautionner » ne l’est pas non plus. Un tribunal utiliserait le sens courant du dictionnaire. Par exemple, « minimiser » signifie « accorder à quelque chose une moindre importance ou présenter une chose de manière à réduire son importance; atténuer ». Toutefois, le tribunal conclurait que le fait de cautionner ou de minimiser l’existence de l’Holocauste, compte tenu des détails de l’affaire, aurait pour effet de promouvoir volontairement l’antisémitisme, et je crois que c’est là l’élément important. Je pense que la définition de minimiser n’est pas aussi importante qu’on le laisse entendre, en ce sens qu’un juge devrait déterminer si cela a pour effet ou non de volontairement faire la promotion de l’antisémitisme. Je ne peux pas spéculer sur ce qui relèverait ou non de la portée de l’infraction. Sans faits et circonstances réels à prendre en considération, ce serait inapproprié pour moi de le faire. J’espère que cela répond à votre question.
La sénatrice Simons : Précisément, non. S’agit-il en quelque sorte d’une question d’intention coupable, c’est-à-dire qu’il doit y avoir une intention délibérée de promouvoir l’antisémitisme, plutôt que d’une ignorance extraordinaire ou d’une insensibilité extraordinaire?
Me Hébert : Absolument. La promotion délibérée de l’antisémitisme fait partie de l’intention coupable. Donc, s’il n’y a pas de promotion délibérée — il est difficile de donner un exemple, mais il est certain que si quelqu’un minimise l’Holocauste, mais ne fait pas sciemment la promotion de l’antisémitisme, alors l’intention coupable n’est pas établie. Je pense donc qu’il est important de garder à l’esprit que les termes « minimiser », « cautionner » ou « nier » en eux-mêmes ne couvrent pas cette infraction, à moins que cela ne constitue une promotion délibérée de l’antisémitisme.
La sénatrice Simons : Merci.
La présidente : Je donne la parole à la sénatrice Batters.
La sénatrice Batters : J’ai manqué la première partie de la réponse.
La présidente : Non. Nous vous avons attendue.
La sénatrice Batters : Merci.
Parlons d’un scénario factuel. Je veux parler du scénario que la sénatrice Simons vous a présenté plus tôt au sujet de l’étoile jaune.
Me Hébert : Comme je l’ai déjà dit, je ne peux pas spéculer sur ce qui relève ou non de la portée de l’infraction. Je pense que cela relèverait de l’application de la loi. Pour que des poursuites puissent être intentées, il faudrait obtenir le consentement du procureur général de la province. Je ne peux pas spéculer sur ce qui serait ou ne serait pas visé par l’infraction. Je suis désolée.
La sénatrice Batters : J’ai une autre question concernant le CP. Pourriez-vous nous fournir une explication simple? Parce que c’est devenu un peu problématique. Cela a suscité l’attention en Saskatchewan, parce que cette modification constitutionnelle était une bonne chose pour la population de cette province, et je pense que les gens sont maintenant un peu confus au sujet de ce qui se passe ici. Pourquoi est-ce compris dans cette autre mesure législative? Pourquoi n’a-t-on pas déterminé que cela était réglé?
Il est utile généralement que le ministre comparaisse lorsque ce genre de considérations législatives est abordé pour la première fois, parce qu’il peut, avec les fonctionnaires, établir le scénario de base pour ces différents éléments. Nous avons eu deux réunions complètes avant d’entendre le ministre, alors c’est un peu déroutant. Pourriez-vous nous expliquer l’effet de cette disposition particulière concernant le CP que la résolution constitutionnelle n’a pas. Je crois avoir entendu dire aujourd’hui que cela n’a aucune incidence sur l’Alberta et le Manitoba. Il s’agit d’un effort pour éliminer tous les effets résiduels potentiels que cela aurait pu avoir sur la Saskatchewan.
Me Newman : C’est de toute évidence notre position, et mon collègue, Me Ezri, pourra compléter cette réponse au besoin. Le gouvernement est certainement d’avis que ces mesures visent toute responsabilité potentielle qui pourrait incomber à la Couronne fédérale après cette modification constitutionnelle. Ce n’est pas un amendement de la Couronne fédérale. Il est évidemment autorisé par les trois Chambres législatives, y compris les deux Chambres fédérales, et il a fait l’objet d’une proclamation de la gouverneure générale, mais cette dernière était en quelque sorte tenue de le faire une fois cette modification autorisée par les trois Chambres. Cela dit, nous sommes dans un contexte litigieux, et il a donc été jugé prudent de simplement indiquer clairement qu’aucune responsabilité ne reviendrait à la Couronne fédérale en vertu de cette modification. Il s’agit certainement là de l’essentiel de la proposition.
En ce qui concerne les autres provinces, les dispositions législatives ne traitent en aucun cas de l’Alberta ou du Manitoba proprement dit. Des arguments pourraient être présentés. Il y a des litiges devant les tribunaux de ces provinces, et nous ne voudrions pas préjuger des positions qui seront prises devant ces tribunaux. Mais il est certain que l’approche que nous avons adoptée consiste à être ouverts aux modifications que les provinces voudraient apporter, si elles sont raisonnables, et c’est l’approche que nous avons suivie avec la Saskatchewan.
La sénatrice Batters : Que pensez-vous de l’aspect rétroactif? Parce que lorsque M. Clements, le témoin du CP, a comparu devant nous, il ne semblait pas croire que ce projet de loi apportait des éclaircissements à cet égard.
Me Newman : Encore une fois, ma collègue voudra peut-être répondre à cette question, mais je ne suis pas au courant de ces commentaires, et je ne veux pas me prononcer sur la politique qui sous-tend tout cela, mais il est clair que la date choisie était la même pour des raisons d’harmonie. C’est la même date utilisée dans la modification constitutionnelle de la Saskatchewan, soit le 29 août 1966, et cette date est tirée de la lettre du président du CP, qui a déclaré officiellement que celui-ci ne s’opposerait pas à des modifications constitutionnelles ou à des mesures législatives pour régler ce problème à l’avenir.
La sénatrice Batters : Que voulez-vous dire lorsque vous dites que vous n’étiez pas au courant de ces commentaires? Vous avez suivi le témoignage...
Me Newman : Je n’ai tout simplement pas examiné les commentaires qui ont été faits. Voulez-vous dire au moment où nous avons tous comparu au sujet de la modification proprement dite?
La sénatrice Batters : Non, M. Clements a comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques il y a quelques semaines. C’était pendant l’heure du dîner. Nous avons tenu une réunion où il a témoigné, alors si vous ne l’avez pas vu...
Me Newman : Nous devrons revoir ces commentaires.
La sénatrice Batters : Je pensais que vous étiez au courant. D’accord. Merci.
Me Newman : Non, je ne sais pas tout. Cela n’a pas été porté à mon attention. Merci.
La présidente : Excusez-moi, monsieur Newman, je croyais que vous aviez suivi les séances de notre comité.
Me Newman : Je les suis assidûment.
Le sénateur Cotter : Dans la même veine, maître Newman, j’aimerais poser la question que j’ai posée plus tôt au ministre Lametti au sujet de la portée limitée que peut avoir l’amendement de la partie 1. Plus précisément, même si vous vouliez vous pencher sur la situation au Manitoba et en Alberta, étant donné qu’il est généralement reconnu que l’exemption a été constitutionnalisée dans ces deux provinces, vous n’avez pas le pouvoir de le faire sans modification constitutionnelle et sans partenaires en Alberta ou au Manitoba. C’était la question de base que je voulais faire confirmer par le ministre Lametti, et je croyais qu’il vous en avait fait part.
Me Newman : Il l’a effectivement fait. Ce n’est pas un bon... évidemment, de mon ressort, mais plutôt du vôtre, en tant que parlementaires, de déterminer ce qui peut être accompli. Le principe est reflété à l’article 42 de la Loi d’interprétation. Je pourrais peut-être vous citer le premier paragraphe de l’article 42 de la Loi d’interprétation :
Il est entendu que le Parlement peut toujours abroger ou modifier toute loi et annuler ou modifier tous pouvoirs, droits ou avantages attribués par cette loi.
La Cour suprême, en se reportant à cette disposition dans le renvoi relatif à l’affaire du Régime d’assistance publique du Canada, a déclaré qu’il s’agissait là d’une expression du principe de la souveraineté parlementaire. Donc, dans les limites de la Constitution, le Parlement exprime sa volonté souveraine en promulguant ces dispositions, et elles vont aussi loin que le gouvernement le juge raisonnable pour garantir qu’aucune responsabilité, aucune indemnisation, rien ne découle de l’article 16 relativement à la Couronne du chef du Canada, depuis le 29 août 1966.
En ce qui concerne l’Alberta...
Le sénateur Cotter : Je suis désolé de vous interrompre. Vous avez donné une très bonne réponse, mais vous n’avez pas répondu à la question que j’ai posée. Je connais bien la Loi d’interprétation et les stratégies qui ont été utilisées à l’occasion en Saskatchewan, il y a des années. Mais ma question est la suivante : malgré la Loi d’interprétation et la souveraineté parlementaire, ce que je veux vous dire, à vous et au ministre, c’est qu’il n’est pas du ressort du gouvernement du Canada, en vertu de cette loi ou de toute autre loi, de régler à lui seul le problème de l’exemption fiscale qui persiste au Manitoba et en Alberta. C’était ma seule question. Je voulais simplement confirmer votre compréhension du fait que le gouvernement du Canada, ayant intégré ces exemptions fiscales dans les documents constitutionnels des trois provinces des Prairies, a besoin d’une mesure constitutionnelle pour régler les questions qui subsistent pour les deux autres provinces.
Me Newman : Comme je l’ai dit, je ne veux pas préjuger des conclusions des tribunaux des provinces et des litiges subséquents, notamment, mais je dirais que nous avons donné suite à l’amendement de la Saskatchewan. La raison pour laquelle j’ai mentionné la souveraineté parlementaire, c’est que le principe s’inscrit dans un cadre constitutionnel et qu’il est clairement limité par des contraintes constitutionnelles. Le gouvernement de la Saskatchewan a jugé qu’un amendement constitutionnel était nécessaire, et il a agi en conséquence. On pourrait penser que l’Alberta voudrait aussi procéder de cette façon, étant donné que l’article 24 de la Loi sur l’Alberta est identique à l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan. Un amendement bilatéral de l’article 43 constitutionnalisé semblerait nécessaire. La situation est légèrement différente au Manitoba, en raison de la mesure dans laquelle l’exigence est constitutionnalisée. La Loi de l’extension des frontières du Manitoba ne figure pas à l’annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, alors est-elle sur le même pied que la Loi sur l’Alberta ou la Loi sur la Saskatchewan? La Loi sur le Manitoba a certainement un caractère constitutionnel, et l’article 1 de cette loi porte sur les frontières du Manitoba. Une façon de procéder serait peut-être simplement de modifier l’article 1 de la Loi sur le Manitoba au moyen d’un amendement bilatéral.
Autrement dit, il y a peut-être des voies différentes à suivre, et nous n’avons pas encore eu à les examiner en détail. Étant donné que nous n’avons eu aucune discussion avec les provinces au sujet de leurs points de vue sur ces amendements constitutionnels ou législatifs possibles, nous ne voulions tout simplement pas nous engager plus avant.
Le sénateur Cotter : Merci beaucoup, maître Newman.
Me Ezri : J’aimerais ajouter quelque chose. Je tiens à préciser que la question de savoir ce qui arrive et ce qu’il reste de l’article 24 de la Loi sur l’Alberta et de l’article 2 de la Loi de l’extension des frontières du Manitoba, une fois que le contrat sous-jacent est disparu, est une question juridique difficile, et nous ne voulons pas qu’elle nous empêche de régler ces questions plus tard, si elles sont portées devant les tribunaux de l’Alberta et du Manitoba.
Merci.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci aux fonctionnaires du ministère de la Justice. Vos dernières explications et réponses nous éclairent très bien.
J’ai une question technique sur le fait de minimiser ou de nier l’Holocauste. Donc, le nouvel article qui s’ajoutera à l’article 319 actuel... Je vais reprendre la position présentée par l’Association du Barreau canadien devant le comité récemment, à savoir que l’on se retrouve avec deux possibilités quand il s’agit de propagande haineuse qui viserait l’Holocauste restreint aux juifs.
Il y aurait donc deux possibilités, soit l’article 319 actuel du Code criminel, avec quatre défenses possibles, et le nouvel article qui est plus précis sur la question de l’Holocauste, qui parle de nier l’Holocauste, de le cautionner ou de le minimiser. Cela semblait poser un problème pour l’Association du Barreau canadien; pourquoi créer une infraction différente alors qu’elle est déjà couverte par l’article actuel?
Même si on accepte l’idée que, pour être encore plus précis, on parle de l’Holocauste en ce qui a trait à l’extermination des juifs, et non de toute autre catégorie de citoyens, à ce moment-là les quatre défenses prévues seraient difficilement appropriées, ou alors on ne pourrait pas trouver d’application, selon les témoins. J’espère que je ne déforme pas leurs propos.
Pouvez-vous nous expliquer la logique de tout cela et confirmer ceci : est-ce exact de dire que si l’on parle de nier l’Holocauste, par exemple, en ce qui a trait aux juifs, on aurait le choix des deux poursuites?
Me Hébert : Merci, madame la sénatrice.
Je voudrais dire que oui, présentement, quelqu’un qui voudrait appliquer l’article 319 de la loi sur la propagande haineuse pourrait le faire, mais il y a certaines lacunes qui existent, car cela ne rend pas nécessairement le sens exact de l’antisémitisme. Voilà l’une des lacunes que nous essayons de combler avec cette nouvelle infraction. À l’heure actuelle, le Code criminel interdit de fomenter volontairement la haine contre certains groupes identifiables, y compris ceux qui sont identifiables sur la base de la religion, comme les juifs, mais il ne criminalise pas la fomentation volontaire de l’antisémitisme. C’est ce à quoi l’infraction essaie de remédier, pour indiquer qu’il y aurait deux infractions disponibles.
Cependant, je crois qu’une infraction plus précise serait plus facile à gérer en cour pour certaines causes, parce que certaines sont allées de l’avant, mais n’ont pas pu réussir à obtenir de condamnation avec le paragraphe 319(2) actuel du Code criminel. La nouvelle infraction permet de donner des précisions sur l’antisémitisme qui est fomenté volontairement en niant ou en cautionnant l’Holocauste.
La sénatrice Dupuis : Puis-je poser une question complémentaire, madame la présidente?
La présidente : Oui.
La sénatrice Dupuis : Donc, en vertu de l’article actuel, si on veut nier, cautionner ou fomenter la haine contre un groupe, et si l’on parle de gens ou de citoyens qui ont été exterminés par les nazis, mais qu’on ne fait pas référence aux juifs, on en vient, en quelque sorte, à isoler une catégorie de gens qui ont été exterminés par les nazis en créant une infraction spécifique qui porte sur l’Holocauste, qui est défini comme s’appliquant strictement aux juifs.
Est-ce que cela veut dire que, pour toute autre situation où un autre groupe de citoyens auraient été exterminés par les nazis, on aurait recours à l’article 319 actuel? Risquons-nous de nous faire dire que ce n’est pas un groupe identifiable?
Me Hébert : Selon la situation, la réponse pourrait être oui. Je crois que ce que la nouvelle infraction essaie d’obtenir, c’est de soulager les gens qui sont encore vivants aujourd’hui, c’est-à-dire les juifs qui font l’objet de propagande haineuse. C’est difficile d’affirmer, si l’on parle de quelqu’un qui a été affecté, mais qui n’est plus ici aujourd’hui, qu’on peut appliquer l’article 319 actuel en tant que groupe.
En d’autres mots, les juifs d’aujourd’hui, qui n’ont pas vécu l’Holocauste d’autrefois, sont encore affectés par l’antisémitisme qu’ils subissent en raison des gens qui nient ou qui cautionnent l’Holocauste encore aujourd’hui. Donc, c’est vraiment pour des gens qui sont encore ici, et non pour ce qui s’est passé autrefois.
La sénatrice Dupuis : Pour la question des moyens de défense, en quoi seraient-ils appropriés? Autrement dit, je minimise l’Holocauste en visant des juifs et en essayant de fomenter la haine contre eux, ce que je réprouve, par ailleurs, vous l’aurez compris, mais je le fais, et je pourrais malgré tout utiliser des moyens de défense. Il y en a quatre dans l’article 319, par exemple : « Je ne savais pas que ce n’était pas vrai. » Quelle réflexion avez-vous faite par rapport à ces quatre moyens de défense en ce qui a trait à cette nouvelle infraction?
Me Hébert : Si l’on se penche sur le projet de loi C-250 qui existait auparavant, les quatre défenses étaient exactement les mêmes. Dans le projet de loi que vous étudiez actuellement, le quatrième alinéa, qui était l’alinéa 319(3)d) du Code criminel, a été modifié pour le nouvel alinéa 319(3.1)d) pour s’assurer qu’il rend bien le sens de l’antisémitisme, parce que le libellé se lisait comme suit :
[...] de bonne foi, il voulait attirer l’attention, afin qu’il y soit remédié, sur des questions provoquant ou de nature à provoquer des sentiments de haine à l’égard d’un groupe identifiable au Canada.
Maintenant, la défense est spécifique en vertu de l’alinéa 319(3.1)d) dans le projet de loi que vous étudiez, pour mieux rendre le sens des sentiments d’antisémitisme non pas à l’égard d’un groupe identifiable au Canada, mais spécifiquement à l’endroit des juifs — pas nécessairement seulement au Canada, mais l’antisémitisme envers les juifs.
La seule autre défense actuelle qui pourrait ne pas s’appliquer — et c’est vraiment difficile de trouver un autre exemple auquel on n’aurait pas pensé — est celle de la vérité. Il faudrait que cette défense ne puisse jamais s’appliquer, mais ce serait à la cour d’en décider. Nous avons essayé de penser à tous les exemples possibles, mais c’est vraiment difficile de savoir si quelqu’un pourrait en trouver un auquel nous n’aurions pas pensé. Nous voulions nous assurer de conserver les mêmes défenses, pour que tout soit conforme aux dispositions du paragraphe 319(2).
La sénatrice Dupuis : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Merci aux témoins. Ma question a un lien un peu indirect avec la discussion que nous avons aujourd’hui. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir quelle a été la réponse, le cas échéant, du ministère de la Justice au rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles concernant les retards dans le système de justice, qui a été déposé il y a quelques années. J’aimerais savoir si les recommandations ont fait l’objet d’une analyse. Si oui, pourriez-vous nous en faire part?
Me Anna Dekker, directrice et avocate générale par intérim, Section des affaires judiciaires, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice Canada : Personnellement, je ne suis au courant d’aucune analyse. Je connais l’existence du rapport et je sais qu’il a été consulté. Je ne sais pas si le gouvernement a publié une réponse publique ou si le comité a demandé que cela soit fait. Je ne suis pas personnellement au courant, mais nous pouvons certainement nous renseigner.
La sénatrice Pate : Ce serait formidable. J’aimerais beaucoup connaître la réponse du ministère, plus particulièrement, à chacune de ces recommandations.
La présidente : Sénatrice Pate, je ne crois pas que nous l’ayons demandé. Permettez-moi de le confirmer. Il n’y a pas eu de réponse, mais je vais confirmer si nous avons posé la question.
La sénatrice Pate : Je pourrais peut-être proposer que nous le demandions.
La présidente : Oui, il y a eu une réponse du gouvernement. Pour ceux que cela intéresse, le greffier vous la fera parvenir.
La sénatrice Pate : Parfait. Merci.
La sénatrice Simons : Jim Keegstra a répandu sa haine en salle de classe. Ernst Zundel a prononcé des discours, et je crois qu’il a même publié un livre à compte d’auteur, si je me souviens bien. Bill Whatcott a répandu son homophobie avec des brochures imprimées à la main, au moyen d’une imprimante Gestetner. Il m’a déjà remis un dépliant dans la rue, à Edmonton. Leur haine était violemment toxique, mais leur champ d’action était très limité. À l’époque, il semblait possible de les poursuivre individuellement.
Aujourd’hui, nous avons des médias sociaux qui utilisent les messages haineux et toxiques de toutes sortes comme une arme et qui les diffusent de façon virale. Il est presque impossible de poursuivre chaque individu semeur de haine en ligne. Il nous faudrait jusqu’à la fin des temps.
Ma question est la suivante : comment ce projet de loi sera-t-il utilisé, le cas échéant, pour poursuivre les sites qui servent à propager ce genre de propos? Ils sont peut-être des cibles plus préoccupantes que les personnes qui répandent leur détestation. Serez-vous en mesure d’utiliser cette loi pour poursuivre les plateformes qui propagent la haine? Que pourrez-vous faire, le cas échéant, au sujet des propos haineux qui émanent de l’étranger?
Je sais que ce n’est pas une loi contre les préjudices en ligne dont on a beaucoup parlé, mais je me demande si vous pouvez expliquer le lien qui existe entre cette loi et la haine qui se répand comme une traînée de poudre sur toutes sortes de plateformes de médias sociaux.
Me Hébert : Merci, sénatrice. À mon avis, cette infraction ne s’appliquerait qu’aux particuliers. Je ne pense pas que cela s’appliquerait à ceux qui contribuent à la diffusion de propos haineux en ligne, par exemple, les Facebook de ce monde, si je peux les désigner ainsi.
Je sais que le gouvernement travaille à un cadre réglementaire sur les préjudices en ligne, sur lequel il a mené des consultations au cours de l’été. Le gouvernement a chargé un groupe d’experts d’élaborer un plan pour lutter contre les préjudices en ligne et pour traiter avec les entreprises qui hébergent ce genre de matériel. Je pense que cela viendra du gouvernement à une étape ultérieure.
J’essaie de me rappeler l’autre partie de votre question.
La sénatrice Simons : Je m’interrogeais au sujet de ce qui émane de l’étranger. Serez-vous en mesure d’utiliser cette loi pour poursuivre les gens qui propagent la haine à l’extérieur de nos frontières?
Me Hébert : Selon le critère Libman, il doit exister un lien avec le Canada. Je pense qu’il y a eu des cas où des infractions ont été commises, mais où les liens avec le Canada étaient insuffisants pour que l’on puisse porter des accusations criminelles au sujet de quelque chose émanant de l’étranger. Encore une fois, je ne peux pas parler d’un exemple précis, mais je sais que l’affaire Libman est utilisée. Si la compétence n’existe pas en vertu du Code criminel, on peut certainement utiliser le critère Libman. Le critère Libman est celui qui établit un lien entre la victime ou l’acte qui a été commis et le Canada.
La sénatrice Simons : Je demeure très, très préoccupée par le fait que, dans les années 1980, c’était une chose de poursuivre un individu ici et là. De nos jours, la haine est si diffuse que vous pourriez poursuivre d’ici la fin des temps des gens qui répandent le déni de l’Holocauste beaucoup plus efficacement qu’un Zundel ou un Keegstra.
Me Hébert : Je comprends votre préoccupation. C’est aux enquêteurs, aux organismes d’application de la loi et aux procureurs qu’il incombe de porter des accusations. Il faut qu’ils s’en occupent au cas par cas, en fonction de ce qui leur est présenté et des plaintes qui pourraient être déposées par le public.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
Le sénateur Dalphond : J’ai deux questions, mais elles portent sur des sujets différents. La première s’adresse à Me Newman. Merci beaucoup de votre patience.
D’après votre réponse à la question que j’ai posée au début de la séance et les échanges que vous avez eus avec le sénateur Cotter, je crois comprendre qu’il y a deux façons d’interpréter les dispositions de la Saskatchewan dans le document constitutionnel la concernant, ce fameux article 24. Vous l’avez expliqué en français, mais je pourrais peut-être vous demander de le répéter en anglais. Il y a vraiment deux façons de voir les choses. Je soupçonne que le sénateur Cotter a un point de vue, et j’ai tendance à avoir l’autre point de vue. Cela explique peut-être notre perspective différente au sujet de l’autonomie de cet article par rapport à la référence à une loi fédérale. Si la loi fédérale disparaît, l’obligation provinciale disparaît, mais j’ai peut-être mal compris ce que vous avez dit.
Me Newman : Non, c’est essentiellement ce que j’ai dit. Si on se reporte à l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan, avant son abrogation, ou à l’article 24 de la Loi sur l’Alberta, dans sa forme actuelle, on peut lire ce qui suit :
L’exercice des pouvoirs conférés à l’Alberta par la présente loi est subordonné à l’article 16 du contrat figurant à l’annexe de la loi relative au chemin de fer canadien du Pacifique, 44 Victoria, chapitre 1.
Il y a donc deux façons de voir les choses, soit de se reporter aux lois de 1881 pour voir ce qu’elles disent et à l’article 16 — dont il est question précédemment — pour avoir une réponse.
Autrement dit, cela a été incorporé par renvoi, et il s’agit d’une incorporation statique, qui l’a été telle quelle en 1881.
L’autre possibilité — et cela peut peut-être susciter un litige —, c’est de lire cela de façon dynamique. Autrement dit, les pouvoirs accordés à la province devraient être exercés sous réserve des dispositions de l’article 16 de l’annexe de la loi, avec ses modifications successives, auxquelles s’ajoutent maintenant les dispositions d’amendement qui sont proposées.
Encore une fois, je ne me prononce pas sur cette question. Je ne veux pas préjuger des points de vue qui pourraient être exprimés, mais dans une perspective constitutionnelle, on peut comprendre pourquoi la Saskatchewan a décidé qu’elle ferait mieux d’obtenir un amendement constitutionnel bilatéral.
Si la Saskatchewan l’a fait, pourquoi l’Alberta ne voudrait-elle pas le faire? Le contre-argument est le suivant : « Eh bien, on tire le tapis sous l’article dans la mesure où il est déclaré inopérant à compter du 29 août 1966 ». Mais faut-il interpréter cela d’une façon qui est conforme à l’objet de l’article 24 de la Loi sur l’Alberta?
Encore une fois, je ne veux pas me retrouver dans la situation de...
Le sénateur Dalphond : Non, mais je comprends qu’il y a une certaine incertitude, et vous voulez couvrir tous les aspects.
Me Newman : Oui, vous avez raison.
Le sénateur Dalphond : Je pense que c’est aussi ce que vous avez dit au sujet de l’article 176. C’est à cause de l’amendement de la Saskatchewan qu’il pourrait y avoir un débat sur l’étendue de la responsabilité potentielle de la Couronne fédérale, et vous voulez couvrir cela également.
Merci beaucoup.
La présidente : Sénateur Cotter, on a mentionné votre nom. Voulez-vous répondre ou ajouter quelque chose?
Le sénateur Cotter : Comme il n’a pas été mentionné en vain, cela ne me dérange pas trop. Il est possible que le sénateur Dalphond et moi ne soyons pas d’accord, mais nous allons régler nos désaccords sans mettre Me Newman entre nous. Merci beaucoup.
La présidente : Je suis certaine que Me Newman est soulagé. Il ne veut certainement pas s’interposer entre vous deux.
Le sénateur Cotter : Il a l’air soulagé.
Le sénateur Dalphond : Deux personnes peuvent avoir des visions différentes, et on verra un jour ce qui arrivera.
[Français]
Ma question s’adresse à Me Hébert et concerne la nouvelle infraction. Le titre de l’infraction est « Fomenter volontairement l’antisémitisme », mais si je comprends bien la rédaction, malgré le titre, l’infraction est plus restreinte. La mens rea implique que l’on fomente volontairement l’antisémitisme et l’actus reus implique que l’on cautionne, que l’on nie ou que l’on minimise l’Holocauste. C’est une infraction extrêmement limitée. Si quelqu’un fomente l’antisémitisme en disant autre chose, par exemple que le monde est gouverné par la communauté juive par l’intermédiaire de l’Organisation mondiale de la santé, ce ne serait pas couvert par l’article proposé, n’est-ce pas?
Me Hébert : Vous avez raison, monsieur le sénateur.
Le sénateur Dalphond : Il faudrait donc se rabattre sur le paragraphe 319(2)?
Me Hébert : Oui, absolument. Si les faits étaient tels que vous venez de les décrire, il faudrait invoquer le paragraphe 319(2) sur la propagande haineuse, qui s’applique à un groupe identifiable, soit la religion.
Le sénateur Dalphond : Merci.
[Traduction]
La présidente : J’ai une question à laquelle je sais que vous n’aurez pas la réponse pour l’instant. Elle s’adresse à Me Dekker. Auriez-vous l’obligeance de me dire combien il y a de juges dans notre pays et exactement combien d’entre eux représentent la diversité? Où se trouvent-ils principalement? Par exemple, combien y a-t-il de juges représentant la diversité en Colombie-Britannique, en Alberta et ailleurs? Je ne m’attends pas à ce que vous me le disiez maintenant. Vous pouvez envoyer la réponse au greffier?
Maître Dekker, maître Hébert, maître Newman et maître Ezri, vous avez été extrêmement patients dans vos discussions avec nous au sujet de ces trois questions différentes. Nous vous remercions. Vous êtes toujours coopératif, maître Newman, et je sais que vous ne vouliez pas dire que vous ne nous écoutez pas, mais je n’ai pas pu résister, alors merci beaucoup d’être ici. Merci encore.
(La séance est levée.)