LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 13 mai 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Sénateurs, nous reprenons aujourd’hui l’étude article par article du projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).
Nous recevons aujourd’hui deux fonctionnaires du ministère de la Justice, soit Shannon Davis-Ermuth, avocate-conseil et cheffe d’équipe, et Normand Wong, avocat-conseil et chef d’équipe, de la Section de la politique en matière de droit pénal, qui sont ici pour répondre aux questions techniques uniquement.
Sénateurs, nous nous étions arrêtés à l’article 46 et avions commencé à débattre de l’amendement DB-S4-46-20-19. Je demanderais à la sénatrice Batters d’en résumer brièvement la teneur.
La sénatrice Batters : Je vous remercie beaucoup. Cet amendement fait expressément suite à la recommandation formulée dans le mémoire de l’Association du Barreau canadien. Il vise à ajouter les différents critères qu’il comprend dans le contexte du témoignage de l’accusé ou du contrevenant. Il porte sur la disponibilité de la technologie, l’accessibilité des procédures par le public, la sécurité des procédures et des participants, et la possibilité d’établir les conditions permettant au tribunal et aux parties d’évaluer la crédibilité des témoins.
Outre les facteurs recommandés par l’Association du Barreau canadien, cet amendement ajoute un autre facteur qui ne figurait pas dans le mémoire, soit celui de l’évaluation de la crédibilité des témoins. L’ajout de ce critère est une solution de rechange à la recommandation du Barreau du Québec visant à interdire la présentation de témoignages autrement qu’en personne.
Comme vous l’avez souligné, madame la présidente, nous avons commencé l’examen de cet amendement au cours de notre séance du 18 mai et nous le poursuivons.
Je précise que cet amendement est en fait proposé par le sénateur Carignan, qui n’est pas membre du comité, mais qui est parrain du projet de loi. Il m’a demandé de le présenter en son nom. Nous en avons déjà débattu en profondeur lors de notre séance précédente. Voilà qui résume la situation. Je vous remercie.
La présidente : Je vous remercie, sénatrice Batters. Sénateur Dalphond, vous pouvez également nous résumer ce que vous avez dit la dernière fois à propos de cet amendement pour rafraîchir la mémoire des gens. Vous parliez de la discrétion des juges, sénateur.
Le sénateur Dalphond : Sommes-nous au numéro 3 ou au numéro 4?
La présidente : Nous sommes à l’article 46.
Le sénateur Dalphond : À l’article 46. Oui. D’accord. Je pensais avoir entendu 24-4; c’était une erreur.
La présidente : Non, c’était de la page dont je parlais.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie. Je ne suis pas intervenu la dernière fois. Je n’ai donc pas à résumer quoi que ce soit. J’ai lu la transcription. Je pense que le sénateur Carignan a expliqué l’amendement. La sénatrice Dupuis l’interrogeait quand nous nous sommes arrêtés.
Si la sénatrice Dupuis a terminé de poser ses questions, j’aurais une question pour les fonctionnaires.
La présidente : La sénatrice Dupuis n’est pas encore là. Vous pouvez donc poser votre question, sénateur Dalphond.
Le sénateur Dalphond : Je comprends l’objectif de la mesure expliquée par le sénateur Carignan. J’ignore s’il participe à la séance.
La présidente : Il n’y participe pas.
Le sénateur Dalphond : Il voulait mettre en œuvre les recommandations du Barreau canadien, et je remercie l’Association du Barreau canadien d’avoir formulé ces suggestions et le sénateur Carignan de les avoir proposées. Nous devons cependant comprendre qu’elles figurent dans un article qui énumère, à la page 46, des critères utilisés dans d’autres articles de la loi. Ainsi, si nous apportons des modifications ici, cela pourrait poser quelques problèmes. Je voudrais savoir ce que les fonctionnaires en pensent.
La présidente : Sénateurs, si cet amendement est adopté, sachez que l’article 47 fait l’objet des mêmes modifications.
Le sénateur Dalphond : Mais d’autres articles qui ne sont pas visés par le projet de loi devront être modifiés. Je voudrais poser la question aux fonctionnaires.
La présidente : Bien sûr.
Le sénateur Dalphond : Vous m’y autorisez-vous?
La présidente : Certainement. Allez-y.
Le sénateur Dalphond : J’invite les fonctionnaires à se prononcer, car je pense que ce qui est proposé est copié de dispositions existantes situées ailleurs dans le Code criminel. Pourriez-vous expliquer où elles se trouvent et quelles seraient les conséquences si nous modifiions un ou deux articles, mais pas les autres?
Me Shannon Davis-Ermuth, avocate-conseil, cheffe d’équipe, ministère de la Justice du Canada : Je vous remercie beaucoup de poser cette question. Je vérifie mes notes. J’ai une liste comprenant un nombre considérable d’articles qui utilisent ces critères, comme l’ont souligné le sénateur Dalphond et la présidente. Parmi eux figure l’article 715.25, visé par l’article 47, mais ces critères, avant d’être ajoutés à cet article du Code criminel, ont été modelés à partir d’autres dispositions du code. Veuillez m’excuser, je ne trouve pas ma liste. J’ai dressé une liste à ce sujet, qui comprend notamment des dispositions sur les témoins, qui se trouvent sous l’article 714 du Code criminel.
Les conditions énumérées dans ces articles actuellement ne sont pas les seules que les tribunaux peuvent considérer. Il s’agit d’une liste inclusive qui leur permet de prendre en compte d’autres facteurs.
Le comité pourrait également évaluer si les conditions actuelles englobent les genres de conditions que l’Association du Barreau canadien propose d’ajouter et s’il existe un risque de devenir très prescriptif dans un certain nombre de conditions, mais pas dans d’autres, car quand la liste commence à s’allonger et à devenir très précise à certains égards, les tribunaux pourraient être moins susceptibles d’envisager d’autres facteurs qui pourraient être pertinents dans des cas particuliers.
Je vous présente mes excuses. Je ne comprends pas pourquoi je ne trouve pas ma liste. Je l’ai glissée dans mes documents hier soir.
Le sénateur Dalphond : Si je peux vous aider, j’ai récupéré la mienne. Il s’agit d’une autre liste. Je vois les juges, à l’article 715.26; les participants, à l’article 715.25; et les témoins, à l’article 714.1.
Me Davis-Ermuth : Je vous remercie beaucoup. Oui.
Si le comité envisage de modifier la liste et que ces dispositions sont amendées, il pourrait également examiner les conditions de ces autres dispositions pour voir si le fait d’ajouter ces conditions dans ces articles et pas dans ceux qui ne sont pas visés par le projet de loi créera une sorte de déséquilibre.
La présidente : Sénatrice Dupuis, vous aviez des observations à formuler à ce sujet, concernant le dernier article. Nous n’avions pas fini d’en débattre lors de la dernière séance. Il s’agit de l’amendement DB-S4-46-20-19, qui porte sur l’article 46.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je n’ai pas de commentaire. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : En récapitulation, la liste fournie dans le projet de loi est non exclusive, puisqu’il est indiqué que les moyens appropriés dans les circonstances seront utilisés, notamment. Nous avons donc ici une liste, qui fait appel à la discrétion judiciaire. Je sais que c’est une question de style. Certains, qui aiment que la common law adopte un style long, fournissent un grand nombre d’exceptions, puis ajoutent que d’autres exceptions sont possibles. C’est probablement le cas dans le paragraphe (2) proposé. C’est un autre mode de rédaction.
Je proposerais de garder le libellé proposé, car sinon, nous devrons réexaminer plusieurs autres dispositions et cela pourrait créer des incohérences. J’ajouterais que certains de ces critères sont répétitifs, comme celui sur l’accessibilité des procédures au public; c’est déjà indiqué dans le code. Il est écrit que le procès doit être public. C’est une répétition de ce qui est déjà dit à l’alinéa d), selon lequel l’accusé ou le contrevenant a droit à un procès public et équitable. Dans un certain sens, à trop vouloir en dire, on se répète.
Je m’en tiendrais à cette liste pour éviter le moindre doute. Je conclurai en disant que j’ai, par exemple, les lignes directrices sur l’accès aux procédures pendant la pandémie de COVID-19 de la Cour supérieure de l’Ontario, ainsi qu’un jugement de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta qui assure la sécurité des participants. Les personnes qui fréquentent les tribunaux savent bien que le code actuel prévoit des mesures pour protéger la sécurité des témoins et des participants. Par exemple, au palais de justice de Montréal, toutes les procédures pénales se déroulent à un étage désigné à cette fin, où les gens doivent franchir des barrières comme à l’aéroport avant d’entrer dans les salles d’audience. Le système est habitué à s’occuper de ces questions. Je vous remercie.
La présidente : Sénateur, juste pour que tout soit clair, dites-vous que nous ne devrions pas modifier cet article?
Le sénateur Dalphond : Je recommanderais de ne pas le modifier.
La présidente : Vous voulez que nous ne le modifiions pas? Est-ce que quelqu’un d’autre souhaite ajouter quelque chose?
La sénatrice Batters : Je répondrais que l’Association du Barreau canadien, qui est formée de personnes qui composent quotidiennement avec ces questions, a très soigneusement réfléchi à cette modification. Si nous faisons comparaître les témoins, c’est pour de bonnes raisons. Ils peuvent nous donner l’heure juste et nous expliquer comment ils pensent que les projets de loi pourraient être amendés pour être améliorés et pour faciliter la vie des avocats de la défense et de la Couronne et d’autres participants dans le système juridique. Ce sont exactement les mesures qu’ils jugent nécessaires.
D’autres questions se posent, comme celle que le sénateur Dalphond a soulevée à l’instant concernant le droit de l’accusé à un procès public et équitable, qui figure dans un article, et l’accessibilité des procédures par le public. Je pense qu’il y a une différence. Certains passages qui seront potentiellement ajoutés portent sur la technologie, la sécurité et ce genre de questions, ainsi que sur la crédibilité. Ce sont des questions, particulièrement celle relative à la technologie, dont nous avons constaté des répercussions ici, alors ajoutons ces dispositions.
Quant aux lignes directrices sur la COVID, il ne s’agit pas du Code criminel, mais de mesures que les tribunaux ont mises en place pendant une situation très difficile afin de résoudre certains problèmes et, bien entendu, assurer la sécurité. Je pratiquais régulièrement le droit il y a quelques années, et les tribunaux ont évidemment instauré diverses mesures de sécurité. Cela ne signifie pas nécessairement qu’avec l’évolution de la technologie, d’autres mesures ne sont pas nécessaires. Voilà pourquoi l’Association du Barreau canadien, qui représente de nombreux avocats du pays et qui a attentivement examiné la question, a recommandé ces amendements, qui me semblent judicieux.
La présidente : Y a-t-il autre chose? Non? Nous procéderons alors au vote par appel nominal.
Mark Palmer, greffier du comité : Sénateurs, je vous rappelle que le vote porte sur la motion DB-S4-46-20-19.
L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
M. PalmerL’honorable sénatrice Boniface?
La sénatrice Boniface : Non.
M. PalmerL’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Non.
M. PalmerL’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?
La sénatrice Dupuis : Je m’abstiens.
M. Palmer : L’honorable sénateur Harder?
Le sénateur Harder : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur White?
Le sénateur White : Oui.
M. Palmer : Il y a trois oui, cinq non et une abstention.
La présidente : Honorables sénateurs, la motion d’amendement est rejetée.
Nous en sommes à l’article 46. Comme la motion a été rejetée, les honorables sénateurs souhaitent-ils adopter l’article 46?
La sénatrice Batters : Je pense que c’est un amendement ou un article différent, n’est-ce pas? C’est le deuxième amendement que je dois présenter aujourd’hui. Est-ce le cas?
La présidente : Nous parlons de l’article 46, sénatrice.
La sénatrice Batters : D’accord. Je vous remercie.
La présidente : Sénateurs, je vous pose de nouveau la question. L’article 46 est-il adopté?
Des voix : Oui.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : L’article 46 est adopté avec dissidence.
Sénateurs, nous passons maintenant à l’article 47, qui fait l’objet de l’amendement DB-S4-47-23-4.
La sénatrice Batters : En ce qui concerne cet amendement, c’est encore...
La présidente : Sénatrice Batters, je ne veux pas être impolie en vous interrompant, mais l’amendement est presque identique au précédent.
La sénatrice Batters : En effet.
La présidente : Je veux que tous les sénateurs sachent que cet amendement est exactement pareil à celui que nous venons de rejeter. Voulez-vous toujours le présenter, sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
La présidente : D’accord.
La sénatrice Batters : Je lirai d’abord le texte de l’amendement, qui est également proposé par le sénateur Carignan, porte-parole du projet de loi. Je suis désolée d’avoir dit « parrain » la première fois; je voulais dire « porte-parole ». Comme il n’est pas membre du comité, je le présente en son nom.
L’amendement indique ce qui suit :
Que le projet de loi S-4 soit modifié à l’article 47, à la page 23, par adjonction, après la ligne 4, de ce qui suit :
« (3.1) L’alinéa 715.25(2)f) est remplacé par ce qui suit :
f) la nature et la gravité de l’infraction;
g) la disponibilité de la technologie pour assurer une connexion stable permettant la présentation des pièces et la pleine participation aux procédures;
h) l’accessibilité des procédures par le public;
i) la sécurité des procédures et des participants à celles-ci;
j) la possibilité d’établir les conditions permettant au tribunal et aux parties d’évaluer la crédibilité des témoins.
(2.1) Le tribunal qui permet ou exige que l’accusé ou le contrevenant comparaisse par audioconférence ou vidéoconférence peut établir toutes les conditions appropriées dans les circonstances en lien avec cette comparution. ».
L’Association du Barreau canadien a écrit à ce sujet au sénateur Carignan après son témoignage pour indiquer que cet amendement à l’article 715.25 était nécessaire pour faire suite à celui apporté à l’article 715.23, qui vient effectivement d’être rejeté. Cependant, ici encore, cet amendement intégrerait les recommandations figurant dans le mémoire de l’Association du Barreau canadien. Dans ce cas, cela ajouterait ces critères pour les participants. Je rappellerais à tous que ce terme exclut l’accusé, le contrevenant et les témoins. Les participants pourraient donc être des interprètes ou des membres du public.
L’Association du Barreau canadien a jugé cet amendement nécessaire. Les membres du comité ont peut-être évalué divers facteurs quand ils ont déterminé si ces considérations étaient nécessaires pour l’accusé, mais ils pourraient considérer ici qu’ils sont pertinents pour les participants, qui sont, bien entendu, moins directement concernés que l’accusé.
Le sénateur Dalphond : Je ne veux pas m’attarder sur ce point. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit, sauf pour apporter des éclaircissements aux propos de la sénatrice Batters. Le gouvernement ne propose aucun amendement à l’article 715.25. L’Association du Barreau canadien propose donc des amendements que le gouvernement n’a pas envisagés. La sénatrice a également parlé de la définition de « participant ». Je vous lirai ce que le code indique :
Au présent article, participant s’entend de toute personne, à l’exception de l’accusé [...] d’un témoin, d’un juré ou du juge ou du juge de paix.
Il s’agit donc de personnes qui ne sont pas des témoins, comme des participants du public, des huissiers présents au tribunal, des gardes de sécurité et ce genre de personnes. Je ne pense pas qu’il soit vraiment nécessaire d’énumérer tous ces critères supplémentaires dans des dispositions qui existent déjà depuis 2019. Je vous remercie.
La présidente : Y a-t-il quelque chose à ajouter? Si ce n’est pas le cas, nous procéderons au vote par appel nominal.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Boniface?
La sénatrice Boniface : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?
La sénatrice Dupuis : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Harder?
Le sénateur Harder : Contre.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Contre.
M. Palmer : L’honorable sénateur White?
Le sénateur White : Contre.
M. Palmer : Il y a une voix pour; huit contre.
La présidente : Honorables sénateurs, la motion d’amendement est rejetée.
L’article 47 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Honorables sénateurs, les articles 48 à 50 sont-ils adoptés?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Les articles 51 à 60 sont-ils adoptés?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Les articles 61 à 70 sont-ils adoptés?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Les articles 71 à 77 sont-ils adoptés?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Prenons l’article 78.
Le sénateur Cotter : Il s’agit d’un amendement proposé pour compléter le projet de loi existant afin de confier au ministre de la Justice la responsabilité de lancer un ou plusieurs examens indépendants de l’utilisation de procédures à distance dans des affaires de justice pénale. Le sénateur Dalphond et moi en avons discuté brièvement, et ma proposition concernant cet amendement serait d’exiger que le ministre, au plus tard trois ans après la date de la sanction royale du projet de loi, entreprenne de tels examens. Avec le consentement du comité, j’aimerais apporter une modification modeste à l’amendement proposé, aux trois premières lignes du paragraphe 78.1(1) proposé :
Le ministre de la Justice lance, au plus tard trois ans après la date de sanction de la présente loi [...]
Cet amendement n’est pas incompatible avec les initiatives également présentées dans d’autres projets de loi pour exiger que le gouvernement — et les parlementaires, en fin de compte — soit attentif aux effets du projet de loi lui-même. Je le soumets à l’examen du comité. Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente : Sénateur Cotter, je ne veux pas avoir l’air arrogante, mais vous n’avez pas besoin de notre permission, parce que vous n’aviez pas encore proposé la motion. Vous pouvez donc mettre « trois ans » sans problème.
Honorables sénateurs, ce sera « trois ans » à la place d’« un an ».
Le sénateur Dalphond : Merci, sénateur Cotter. Le gouvernement est favorable à cet amendement parce que cette période de trois ans et le dépôt d’un rapport dans les cinq années suivantes sont conformes à ce qu’on trouve dans la Loi sur le cannabis, qui a été adoptée en 2018, et dans les modifications apportées à la disposition sur la conduite avec facultés affaiblies.
La présidente : Honorables sénateurs, je veux que vous compreniez — je ne me prononce pas contre cet amendement, sénateur Cotter, je veux juste que vous soyez au courant... Nous prévoyons des examens parlementaires, mais ils ne sont pas vraiment menés comme il se doit. J’espère qu’à l’automne, nous aurons le temps de nous pencher sur la question. Les analystes, le greffier et moi-même avons travaillé pour vous présenter une brève étude sur la question, et j’aimerais que l’analyste prenne quelques secondes pour expliquer ce qui se passe avec les examens parlementaires, à titre informatif seulement.
Julian Walker, analyste, Bibliothèque du Parlement : Certainement, je serai heureux de vous partager le fruit de nos recherches. La Bibliothèque du Parlement sait depuis longtemps que les examens prévus par les lois — il peut s’agir d’examens parlementaires, parfois ils sont effectués par le ministre, parfois ils sont effectués par des organismes indépendants —; nous avons fait un récapitulatif. Il y a beaucoup d’examens prévus dans les lois existantes qui n’ont jamais lieu.
L’un de nos collègues du bureau du greffier du Sénat — il s’appelle Charlie Feldman; certains d’entre vous le connaissent peut-être — a publié un document à ce sujet précis, que vous pouvez trouver à la bibliothèque. Il s’intitule Much Ado about Parliamentary Review. Il fait état de tous les enjeux à ce sujet, mais nous avons également dressé un historique des examens en question. Ce document contient un tableau d’environ 25 pages, et sans donner de chiffres précis, la plupart de ces examens, particulièrement les examens parlementaires, ne sont pas nécessairement effectués au moment prévu. Nous continuerons de suivre la question, de sorte qu’en temps et lieu, le comité voudra peut-être se pencher davantage sur la chose et formuler des recommandations. Merci.
La présidente : Sénateur Cotter, cela ne visait pas du tout votre amendement. J’ai simplement pensé que les sénateurs devaient avoir cette information. Cela n’a rien à voir avec votre amendement.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai d’abord une question pour le sénateur Cotter, j’en ai une aussi pour l’avocate de Justice Canada qui est avec nous aujourd’hui.
Sénateur Cotter, la formulation que vous avez choisie nous donne-t-elle l’assurance qu’une révision sera effectivement entreprise par le ministère? L’analyste vient de confirmer une de mes préoccupations. Selon la formulation qu’on choisira, le gouvernement aura toute la discrétion de lancer ou pas une révision législative.
En ce sens, j’aimerais poser la question au sénateur Cotter. En ce qui a trait à la formulation de son amendement, quelle assurance avons-nous qu’il n’y aurait pas de discrétion ministérielle pour lancer la révision? Je poserai ensuite la question à la représentante de Justice Canada qui comparaît devant nous aujourd’hui. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Il y a trois réflexions qui me traversent l’esprit. Premièrement, je reconnais qu’il semble que dans diverses circonstances, les ministres de divers ministères ont tendance à ignorer les dispositions semblables à celle qui figure ici ou à ne pas agir avec célérité. Il y a deux choses qui me donnent de l’espoir dans ce cas-ci : j’aime à penser que le ministre de la Justice et procureur général a la loi particulièrement à cœur et qu’il serait porté à respecter les prescriptions législatives comme celles présentées dans cet amendement.
Deuxièmement, je pense que ce sujet est important pour un vaste éventail de participants influents, non seulement pour le ministère lui-même et le ministre, mais aussi pour la magistrature. Je m’attendrais à ce qu’ils veuillent savoir si les modifications qui sont adoptées ici se révèlent efficaces pour l’administration de la justice. Quand on pense aux rôles et aux responsabilités de chacun, par exemple, les juges en chef sont chargés d’administrer les tribunaux, et il y a des participants importants dans le système judiciaire qui auront tout intérêt à savoir si les initiatives qui seront entreprises au cours des prochaines années par application de cette modification sont un succès ou si elles sont insuffisantes.
Je pense que la profession elle-même et certaines composantes de la société civile active ont également tout intérêt à savoir si ces modifications permettent d’améliorer l’administration de la justice ou si elles créent des vulnérabilités. Je suis sûr que l’Association du Barreau canadien sera attentive à ces questions, tout comme les groupes de défense des droits des victimes et les personnes sensibles aux préoccupations des prisonniers, qui pourront avoir un accès à distance efficace ou peu efficace aux procédures, selon l’efficacité de la loi.
Il y a un certain nombre de personnes qui voudront savoir si cela peut permettre d’espérer un peu plus de réactivité, si je peux m’exprimer ainsi, et cela, peut-être plus que d’autres dispositions qui viennent d’être évoquées et sur lesquelles je suppose que M. Feldman a écrit.
Pour être honnête, je n’avais pas envisagé que des ministres aient tout simplement ignoré des directives législatives pour faire ce genre de choses, et cela m’inquiète que cela se soit produit dans le passé. Je ne connais pas le processus par lequel on peut tenir un ministre responsable de ne pas avoir lancé un examen. Dans un cas comme celui-ci, je pense que la question est suffisamment importante et qu’elle est entre les mains du ministre de la Justice, de sorte que nous pouvons avoir plus confiance que d’habitude, peut-être. Merci.
[Français]
La présidente : Sénatrice Dupuis, avez-vous une autre question pour Me Davis-Ermuth?
La sénatrice Dupuis : Oui, j’aurais une autre question. J’ai beaucoup confiance en l’intervention des personnes qui subissent la loi, qu’elles soient des victimes, des témoins ou des membres du barreau. Toutefois, ce que j’observe — et je ne suis pas la seule à l’observer —, c’est que pour des raisons X, Y ou Z, certaines révisions législatives ne sont pas mises en place.
Je vous donnerai un exemple très contemporain : l’aide médicale à mourir. S’il n’y avait pas eu l’intervention du Sénat quant aux modalités de l’amendement, la révision qui devait avoir lieu n’aurait pas été mise en place. Même à l’endroit des gouvernements minoritaires, comme on l’a vu ces dernières années, il n’y a pas plus d’incitatifs ni de force de la part des groupes sociaux à obtenir ces révisions que l’on estime essentielles. Je trouve cela très troublant en matière d’administration de la justice.
Ma question pour la représentante de Justice Canada est la suivante : sur le plan technique, dans l’hypothèse où nous serions d’accord avec cet amendement, quelle obligation serait impartie au ministre de la Justice de lancer cette révision? Est-ce qu’il y aurait toujours une discrétion ministérielle?
Me Davis-Ermuth : Malheureusement, je ne sais pas ce qui arrive si le ministère ne fait pas les révisions obligatoires, mais je peux dire que je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit le sénateur Cotter au sujet de l’intérêt et l’importance des études au sujet de la teneur du projet de loi S-4. Même s’il n’y avait pas d’article comme celui-ci dans le projet de loi C-75, le ministère planifie déjà une recherche interne sur l’évaluation des tendances et les réformes de la comparution à distance.
À la suite de l’adoption du projet de loi C-75, cet enjeu n’a pas fait l’objet de suffisamment de recherches et peu d’information a été obtenue sur le sujet, et je sais que la juge McDonald a comparu devant un comité d’action pour discuter de ce sujet. Il y a aussi d’autres groupes de travail fédéraux-provinciaux et territoriaux qui étudient ces questions. Je pense que cette proposition d’ajout d’un nouvel article dans le projet de loi fait l’objet de révisions et de recherches qui suscitent beaucoup d’intérêt.
La sénatrice Dupuis : Madame la présidente, je voudrais retourner à la témoin. Je vous remercie de l’effort que vous déployez pour tourner autour de la question qui est très technique. Est-ce que la formulation choisie par le sénateur Cotter dans son amendement nous assure qu’il y a une obligation de déclencher une révision? Je ne parle pas de l’intérêt de le faire, je ne parle pas de l’évaluation ministérielle ni de l’évaluation administrative. Je ne parle que des mots et de l’usage des mots. À votre avis, est-ce que cela crée ou non une obligation pour le ministre de déclencher la révision? Merci.
Me Davis-Ermuth : En tant qu’experte en droit criminel, je n’ai pas la réponse à votre question. J’ignore si, en tenant compte de la formulation du sénateur Cotter, le ministère serait obligé de le faire. Toutefois, je peux faire la recherche et vous revenir avec une réponse écrite.
La sénatrice Dupuis : Merci.
[Traduction]
La présidente : Maître Davis-Ermuth, pourriez-vous s’il vous plaît nous expliquer également pourquoi les examens précédents n’ont pas eu lieu? Quelle en est la raison? Que prévoit le système? Que se passe-t-il, le cas échéant? Si vous pouviez inclure cela dans votre réponse, je vous en serais reconnaissante.
Me Davis-Ermuth : C’est bien noté.
La présidente : Sénateur Cotter, vous avez encore la main levée. Est-ce une erreur?
Le sénateur Cotter : Je m’excuse d’intervenir de nouveau avant la sénatrice Batters, qui a la main levée depuis un bon moment.
À ce sujet, précisément, à la lumière des conversations que j’ai eues pendant que je préparais cette proposition d’amendement, et selon mon expérience professionnelle antérieure, on voyait davantage la tournure « where the minister shall do A, B or C » avant, en anglais. On me dit que l’usage moderne tend à favoriser le verbe plus contraignant « must ». C’est pourquoi j’ai utilisé le mot « must » à la première ligne de l’amendement proposé, en anglais. Merci.
La sénatrice Batters : Je voulais simplement rappeler au comité que c’est le ministre de la Justice qui était responsable d’un certain nombre d’examens très importants de grandes lois gouvernementales ayant des conséquences importantes et graves, comme le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, qui n’a jamais fait l’objet d’un examen avant que le gouvernement ne présente un deuxième projet de loi. C’est la même chose pour celui sur la marijuana. Nous verrons bien quand ces examens auront lieu, mais à ce stade-ci, chaque fois qu’il y a un projet de loi qui pourrait avoir des conséquences, je commence à en avoir assez qu’on prescrive un examen. L’examen n’a pas lieu, et le gouvernement s’en lave les mains. Je ne sais pas s’ils pensent qu’ils n’ont pas assez de temps.
Nous avons également affaire à un ministre de la Justice qui a près de 60 postes de juges à pourvoir. Je suppose qu’il est très occupé, mais pour ce genre de choses, je trouve que c’est vraiment un manque de respect envers notre comité lorsque nous prévoyons un examen. J’hésite, franchement, à prescrire la tenue d’un examen à ce sujet, même si cela me semblerait nécessaire. Si le gouvernement n’arrive pas à procéder à l’examen d’une chose comme le suicide assisté à temps, ou d’un autre de ces projets de loi importants, comment pourra-t-il procéder à celui-là à temps?
La présidente : Sénatrice Batters, ce n’est pas que je défende le ministre de la Justice, mais il ne s’agit pas seulement des examens de l’actuel ministre de la Justice. Il s’agit également des examens qui incombaient aux ministres de la Justice précédents.
Le sénateur Dalphond : Je pense qu’il faut faire remarquer que la motion du sénateur Cotter prescrit un examen indépendant, pas un examen parlementaire, et les termes utilisés sont très forts. Dans les trois ans, le ministre doit lancer cet examen, et cet examen doit aboutir à un rapport qui doit être déposé au plus tard dans les cinq ans. C’est ce qu’on peut lire au paragraphe (2), « Le ministre de la Justice fait déposer [...], au plus tard cinq ans après [...] »; c’est « must », en anglais. Je crois donc que le procureur général du Canada comprend les nuances ici et qu’il agira en conséquence, bien sûr.
De nombreux commentaires ont été faits sur l’examen parlementaire, qui est prescrit dans mon amendement, soit dans l’amendement suivant. L’amendement du sénateur Cotter est très fort. Je pourrais difficilement imaginer un amendement plus fort. Dommage qu’il ne soit pas de vous, monsieur Harder, pardonnerez-moi la taquinerie.
La présidente : Vous l’avez déjà dit, sénateur Dalphond.
Le sénateur Harder : J’aimerais intervenir très brièvement pour soutenir l’amendement, en raison de la force des mots choisis, et je préférerais qu’il soit adopté plutôt qu’il ne le soit pas.
En ce qui concerne les prescriptions du Parlement qui ne sont pas respectées, il est possible, pour les comités parlementaires, d’effectuer des examens s’ils le souhaitent, et il existe des moyens de demander des comptes aux ministres, au moins publiquement, des moyens que nous pouvons utiliser si nous le choisissons. Je pense donc qu’il s’agit d’un faux-fuyant que de débattre de faiblesses antérieures et que nous devrions appuyer cette mesure en raison de sa formulation.
La présidente : Sénateurs, je tiens à vous présenter mes excuses. Je ne voulais pas remettre en question la pertinence de l’amendement proposé par le sénateur Cotter. Je voulais simplement que vous soyez tous informés sur les examens. Cela n’avait rien à voir avec sa motion.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je voudrais préciser que quand on parle de révision, ce n’est pas une question de confiance ou d’absence de confiance. Je pense qu’on tend aujourd’hui à créer de plus en plus de mécanismes qui vont obliger les gouvernements à rendre des comptes à la population. C’est de cela qu’il s’agit quand on parle d’évaluation.
Je comprends très bien l’amendement du sénateur Cotter. Je voulais juste préciser que la question n’est pas d’aimer ou de ne pas aimer; c’est une question de responsabilisation et de reddition de comptes de la part des gouvernements.
[Traduction]
Le sénateur White : Au bout du compte, nous avons la tâche de décider s’il y a lieu de recommander la tenue d’un examen. Le travail du gouvernement sera de l’effectuer le cas échéant. S’il ne le fait pas, c’est une autre discussion. Je ne sais pas s’il convient d’avoir une longue discussion à ce sujet maintenant. Je recommanderais toutefois que notre comité envisage de mener une étude pour déterminer le nombre de fois, au cours des 10 ou 15 dernières années, où l’on a recommandé la tenue d’un examen ou modifié une loi pour l’exiger, et cela n’a pas été fait, puis ce qui s’est passé en conséquence, parce que je pense que c’est un problème qui concerne les gouvernements, pas le gouvernement.
La présidente : L’analyste, le greffier et moi-même avons fait nos devoirs sur cette question. Nous avons déjà préparé des documents en vue de cette étude. Malheureusement, comme vous le savez, nous n’avons pas eu l’occasion de la faire au Comité des affaires juridiques; mais dès que nous le pourrons, au cours de l’été, nous vous ferons parvenir le document de M. Feldman, des examens et tous les détails, de sorte que dès que nous serons en mesure d’étudier la chose, nous le ferons.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : D’abord, j’appuie entièrement et totalement cette demande de modification ou d’amendement. Je suis, un peu comme ma collègue la sénatrice Batters, sceptique quant à la volonté du ministre Lametti de faire ces révisions.
La Charte canadienne des droits des victimes a été adoptée en 2015. Dans la charte, il y a un article qui dit que « le comité parlementaire désigné ou constitué à cette fin entreprend l’examen de l’application de la Charte [...] ». Cet examen devait se faire en 2020. On est rendu en 2022 et rien n’a encore été fait. Il a fallu qu’un comité de la Chambre des communes invite les victimes pour venir s’exprimer.
Je pense qu’il faut mettre cela dans cette loi, et il faut mettre le mot « doit » et non le mot « peut ». Il y a une grande différence. Merci.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je voudrais juste faire quelques observations. Tout d’abord, le ministre de la Justice, M. Lametti, est en poste depuis trois ans et demi et, en ce qui concerne ce qu’a dit le sénateur Harder, ceux d’entre nous qui font partie du Comité des affaires juridiques depuis longtemps savent que nous mettons le ministre au défi à chaque fois de nous parler d’études qui ne sont peut-être pas encore entamées ou d’examens qui ne sont peut-être pas lancés ou qui ont été considérablement retardés. Nous faisons d’ailleurs la même chose avec le représentant du gouvernement au Sénat à répétition.
Pour ce qui est de la possibilité pour le comité de prendre l’initiative d’entreprendre lui-même un processus d’examen, depuis deux ans et demi, avec la COVID, malheureusement, avec les séances tenues par Zoom qui limitent le nombre de séances que le comité peut tenir, nous n’avons pas eu le temps, depuis deux ans et demi, de mettre en place nous-mêmes un tel mécanisme d’examen parce que tout notre temps a été consacré aux projets de loi du gouvernement, surtout que nous n’avons généralement qu’une réunion de deux heures par semaine au lieu d’au moins deux comme avant. Je pense que le comité fait du très bon travail en demandant au gouvernement et au ministre de rendre des comptes sur ces questions importantes, mais nous avons été paralysés d’une certaine façon.
La présidente : Honorables sénateurs, vous plaît-il d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Oui.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Merci. Honorables sénateurs, il y a un autre amendement sur le même article, par le sénateur Dalphond. Pour ceux qui se le demandent, nous pouvons recevoir ces deux amendements. Ils peuvent tous les deux nous être soumis. Comme vous le savez, nous venons d’étudier l’amendement du sénateur Cotter. Il proposait un examen indépendant. L’amendement du sénateur Dalphond propose un examen parlementaire.
Le sénateur Dalphond : Nous avons convenu, le sénateur Cotter et moi, que l’examen parlementaire doit faire partie des facteurs pris en compte. Je comprends les limites de l’examen parlementaire, et je suis sûr que nous en discuterons. Cependant, ce n’est pas une raison pour ne pas demander un examen parlementaire. C’est tout. Je vous remercie.
La présidente : Y a-t-il d’autres commentaires? Pouvez-vous présenter votre motion, sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Je propose :
Que le projet de loi S-4 soit modifié à la page 37, par adjonction, après la ligne 7, de ce qui suit :
« Examen de la loi
78.1 (1) Au début de la cinquième année suivant la date de la sanction de la présente loi, les dispositions édictées ou modifiées par la présente loi sont soumises à l’examen d’un comité du Sénat et d’un comité de la Chambre des communes, constitués ou désignés pour les examiner.
(2) Les comités procèdent à l’examen de ces dispositions ainsi que de l’utilisation de procédures à distance dans des affaires de justice pénale et remettent aux chambres les ayant constitués ou désignés des rapports comportant les modifications, s’il en est, qu’ils recommandent d’y apporter. ».
Ce serait probablement l’article 78.2, et non 1.
La présidente : Non. Le greffier nous a dit de numéroter les deux 78.1. Nous allons adopter la motion.
Le sénateur Dalphond : J’ajouterais que la disposition est rédigée de manière à ce qu’il ne soit pas nécessaire de constituer un comité mixte spécial. Chaque Chambre peut agir de son côté. Le Sénat pourrait faire son propre examen, même si la Chambre des communes ne le fait pas, pour faire en sorte que quelque chose se passe.
La présidente : Honorables sénateurs, vous plaît-il d’adopter la motion d’amendement?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Des voix : Oui.
La présidente : Merci à tous. Honorables sénateurs, nous avons terminé d’étudier les amendements. L’article 78 modifié est-il adopté?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 79 est-il adopté?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Honorables sénateurs, le titre est-il adopté?
La sénatrice Batters : D’accord.
Des voix : D’accord.
La présidente : Le projet de loi modifié est-il adopté?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Le comité autorise-t-il le légiste et le conseiller parlementaire à apporter des modifications et des corrections techniques, numériques et typographiques aux amendements qu’il a adoptés?
Des voix : Oui.
La présidente : Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport? Il y en a un certain nombre.
Des voix : Oui.
La présidente : J’ai les quelques premières observations. Les avez-vous tous sous les yeux?
Parmi les nombreuses observations entendues, une concerne les délais dans le système judiciaire. Je tenais à en parler sous la rubrique « Délais dans les procédures pénales ». Plusieurs témoins les avaient également dénoncés pendant notre étude Justice différée, justice refusée, de 2017 :
Plusieurs témoins ayant comparu devant le comité dans le cadre de son étude du projet de loi S-4 ont souligné l’importance de réduire les délais dans les procédures pénales et ont exhorté le comité à entreprendre une étude de suivi […]
Je n’ai pas besoin de tout lire.
Le comité souhaite-t-il entreprendre une étude de suivi sur les délais judiciaires?
Des voix : Oui.
La présidente : L’observation suivante « Assurer des procès équitables et protéger les droits juridiques des accusés » n’est pas nouvelle.
Tout le monde a le texte sous les yeux. Voulez-vous que j’en fasse la lecture?
La sénatrice Batters : C’est une bonne idée. Sinon, le public n’en saura rien.
La présidente : Je suis d’accord.
De nombreux témoins ont noté que les comparutions à distance par audioconférence ou vidéoconférence peuvent améliorer l’efficacité du système judiciaire et favoriser l’accès à la justice. Certains ont toutefois fait remarquer que ces moyens ne devraient être utilisés que lorsque cela est approprié et ne devraient pas remplacer les procédures en personne lorsque celles-ci permettent de mieux assurer l’équité des audiences et de protéger les droits juridiques des accusés. Les juges conserveront la possibilité d’ordonner des procédures en personne à tout moment.
Cette observation est-elle adoptée?
Des voix : Oui.
La présidente : L’observation suivante est intitulée « Interprétation judiciaire ».
De nombreux témoins ont fait remarquer que le recours aux comparutions virtuelles pourrait accroître la capacité d’avoir accès, partout au Canada, à des interprètes qui ne sont pas disponibles localement pendant les procédures judiciaires. L’accès à l’interprétation est un élément essentiel pour assurer l’équité de la procédure et éviter les délais dans le système judiciaire. Cela dit, l’interprétation virtuelle ne devrait pas remplacer l’interprétation en personne lorsque cette dernière est nécessaire pour assurer un procès équitable. Les témoins ont souligné la nécessité d’investir dans la technologie et d’autres ressources pour permettre une interprétation simultanée efficace pendant les procédures judiciaires virtuelles et pour garantir que l’interprétation en personne demeure disponible au besoin.
Cette observation est-elle adoptée?
Des voix : Oui.
La présidente : La prochaine s’intitule « Droits juridiques des accusés en détention ».
Certains témoins ont souligné l’importance de protéger les droits légaux des accusés en détention pendant les procédures virtuelles, notamment ceux qui s’appliquent à la vie privée, la sécurité, la confidentialité et la possibilité pour un accusé de s’entretenir avec son avocat. Ils se sont inquiétés du fait que ces droits n’étaient pas suffisamment respectés.
Cette observation est-elle adoptée?
Des voix : Oui.
La présidente : Voyons l’observation du sénateur Cotter.
Le sénateur Cotter : C’est une courte observation. Elle préconise d’urgence des investissements dans les technologies et les installations pour garantir un accès approprié aux procédures.
Mon souci, et j’espère que c’est aussi celui d’autres membres du comité, c’est essentiellement de profiter de l’occasion offerte par l’accès à distance aux audiences et aux procédures de manière à englober dans la salle d’audience des emplacements éloignés.
Il serait normal, pour le juge, d’être continuellement soucieux des alentours de la salle ordinaire d’audience et d’avoir des attentes concernant la protection de la vie privée et la possibilité, pour les avocats et les accusés, de s’entretenir en privé. Désormais, l’agrandissement virtuel du tribunal, qui lui fait englober d’autres endroits, réclame essentiellement la même sorte de considération de principe aux emplacements qui en sont le prolongement.
D’après certains témoins, ce n’est pas ce qui se passe dans de nombreuses audiences à distance, soit en centre correctionnel ou dans un pénitencier.
L’observation attribue au gouvernement du Canada la responsabilité de s’assurer que le tribunal élargi, si je puis dire, satisfait aux normes qui conviennent aux communautés vulnérables, notamment les personnes incarcérées, et qui tiennent compte de ces vulnérabilités. Voilà son objet.
Merci.
La présidente : Merci.
Cette observation est-elle adoptée?
Des voix : Oui.
La présidente : La dernière observation est celle de la sénatrice Dupuis.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je vais lire l’observation que je propose :
Le comité note que le projet de loi S-4 a pour objet de rendre pérennes des dispositions introduites durant la pandémie de la COVID-19. Des mesures d’urgence ont dû être adoptées pour permettre au processus judiciaire de continuer de fonctionner par des moyens électroniques pour pallier l’impossibilité de siéger en personne dans les palais de justice. Cela comprend la possibilité de comparution à distance par audio ou par vidéoconférence, le recours à des moyens électroniques ou autrement automatisés pour la constitution des jurys, la sélection de candidats jurés par vidéoconférence, la demande et la délivrance de télémandats de perquisition, d’autorisations et d’ordonnances par divers moyens de télécommunication.
Le comité reconnaît que le recours aux moyens technologiques fait désormais partie de l’univers judiciaire et qu’ils vont continuer d’être utilisés dans l’administration du processus judiciaire.
Plusieurs témoins ont fait part de leurs préoccupations à la pérennisation de telles mesures. Les membres du comité sont tout aussi préoccupés de la décision de rendre pérennes de telles mesures sans qu’une étude ait été réalisée sur les impacts de ces mesures : 1) sur les droits fondamentaux des personnes accusées, détenues, marginalisées, ou des victimes et témoins; 2) sur certaines étapes du processus judiciaire, dont l’établissement de la preuve testimoniale.
Le comité considère que le choix de l’accusé de consentir à l’utilisation de telles mesures doit être considéré comme le seul élément déclencheur du recours à ces mesures, à moins que le tribunal ne juge son absence de consentement contraire à l’intérêt de la justice.
Je vous remercie.
Le sénateur Dalphond : La sénatrice accepterait-elle de faire une modification à des fins de précision?
Certaines dispositions ont été introduites par les tribunaux durant la pandémie, tandis que d’autres avaient été introduites dès le 21 juin 2019 dans la foulée du projet de loi C-75.
Je me demande si on ne pourrait pas apporter un peu de nuances. Je suis d’accord avec le deuxième paragraphe. Dans le troisième paragraphe, on dit : « Plusieurs témoins ont fait part de leurs préoccupations [...] »; au lieu d’écrire « la pérennisation », on pourrait écrire « l’utilisation de telles mesures », parce que je pense que certains avocats faisaient référence à des mesures qui étaient déjà en vigueur depuis 2019.
La sénatrice Dupuis : Oui.
Le sénateur Dalphond : Peut-être aussi que, dans ce sens, il faudrait remplacer la première phrase pour refléter davantage l’utilisation de mesures, dont certaines introduites pendant la pandémie.
La sénatrice Dupuis : Oui.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Merci. Je tiens à préciser qu’il n’arrive pas trop souvent d’avoir autant d’observations qui expriment autant de souci sur un certain nombre de parties d’un projet de loi adopté.
C’est donc pour beaucoup de ces motifs — inquiétudes sur l’emploi des technologies nouvelles, sur le sort réservé aux accusés et ainsi de suite, motifs de préoccupation sur ce qu’il adviendra des droits fondamentaux et du système réel de justice pénale, dans ce type de situation — que le sénateur Carignan et moi-même, nous avons apporté nos amendements particuliers.
Je voulais seulement faire remarquer qu’il n’est pas habituel, pour notre comité, d’avoir autant d’observations, mais c’est certainement l’expression des craintes que nous avons entendues. C’est pour cette raison que j’y acquiesce, mais, aussi, je tenais seulement à exprimer l’espoir sincère que le gouvernement y prêtera attention, contrairement à ce qu’il a fait d’observations qui ont accompagné de trop nombreux projets de loi.
La présidente : Est-ce que cette observation est adoptée?
Des voix : Oui.
La présidente : Le comité accepte-t-il que le comité directeur mette la dernière main à ces observations, en tenant compte des discussions d’aujourd’hui?
Des voix : Oui.
La présidente : Puis-je faire rapport du projet de loi amendée, avec les observations, au Sénat?
Des voix : Oui.
La présidente : Je vous remercie tous de votre patience.
La réunion de mercredi ne poursuivra pas l’étude du projet de loi S-4 puisque nous l’avons terminée. Dans l’après-midi, nous ferons l’étude article par article du projet de loi S-210, de la sénatrice Miville-Dechêne.
(La séance est levée.)