LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 26 octobre 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 16 (HE), avec vidéoconférence, pour l’étude article par article du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer(présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je suis la sénatrice Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique, et j’ai l’honneur de présider le comité.
[Français]
J’aimerais demander aux membres du comité de se présenter, en commençant par ma droite.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je suis la sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan.
[Français]
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Downe : Je suis le sénateur Percy Downe, de Charlottetown.
Le sénateur Harder : Je suis le sénateur Peter Harder, de l’Ontario.
Le sénateur Smith : Je suis le sénateur Larry Smith, du Québec.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je m’appelle Patti LaBoucane-Benson, je viens du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Je suis le sénateur Brent Cotter, de la Saskatchewan.
La sénatrice Simons : Je suis la sénatrice Paula Simons, également du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.
La sénatrice Pate : Kim Pate. Je suis sur les rives de la rivière Kitchissippi, qui se trouve sur le territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine anishinabe.
La présidente : Honorables sénateurs, nous terminons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Le comité a tenu huit réunions sur le sujet, il a entendu 45 témoins et reçu de nombreux autres mémoires. Nous tenons à remercier tous les témoins d’avoir comparu et de nous avoir aidés dans nos délibérations.
Sénateurs, nous avons des fonctionnaires parmi nous aujourd’hui, et si vous avez des questions d’ordre technique, je suis sûre qu’ils seront plus que disposés à y répondre.
Avant d’ouvrir la période de questions, sénateurs, j’aimerais demander aux membres et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leurs écouteurs lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour de son qui pourrait nuire au personnel du comité présent dans la salle.
Avant de commencer l’étude article par article, j’aimerais rappeler un certain nombre de choses aux sénateurs. Si, un moment donné, un sénateur ne sait plus trop où nous sommes rendus, il est prié de le demander. Je veux m’assurer qu’à tout moment, nous avons la même compréhension de l’état d’avancement du processus.
En tant que présidente, je ferai tout en mon pouvoir pour que tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole aient l’occasion de le faire. Pour cela, cependant, je dépends de votre coopération et je vous demande à tous de tenir compte des autres sénateurs et de garder vos remarques aussi concises que possible.
Enfin, honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler qu’en cas d’incertitude quant aux résultats d’un vote à voix haute ou à main levée, l’idéal est de demander le vote par appel nominal, qui fournit évidemment des résultats sans ambiguïté. Les sénateurs sont conscients que tout vote à égalité annule la motion visée.
Y a-t-il des questions? Je ne vois personne se manifester, nous allons donc procéder.
Sénateurs, est-il convenu que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : Merci, sénateurs. L’article 1 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 4 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 5 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 6 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 7 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 8 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 9 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 10 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 11 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 12 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 13 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Je crois que la sénatrice Pate aimerait maintenant ajouter quelque chose ici.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Je propose :
Que le projet de loi C-5 soit modifié à la page 3, par adjonction, après la ligne 10, de ce qui suit :
« 13.1 La même loi est modifiée par adjonction, après l’article 718.3, de ce qui suit :
718.4 (1) Le tribunal peut infliger à l’accusé une peine autre que la peine minimale prévue pour l’infraction si, après examen de l’objectif essentiel et des principes énoncés aux articles 718 à 718.2, il est convaincu qu’il serait dans l’intérêt de la justice de le faire.
(2) Le tribunal motive toute décision d’infliger une peine autre que la peine minimale prévue pour une infraction et inscrit ses motifs au dossier de l’instance. ».
La très grande majorité des témoins qui ont comparu devant le comité appuient cet amendement. Ils l’appuient parce que les peines minimales obligatoires n’ont pas été abrogées. Plutôt que de laisser en place le fouillis des nombreuses peines minimales obligatoires qui ont été jugées inconstitutionnelles, nous imposerions le genre de modification qui a été adopté ailleurs. J’attire particulièrement votre attention sur les observations de M. Julian Roberts et sur la recommandation qu’il a formulée sur la base du libellé existant en Grande-Bretagne.
Je souligne également, concernant l’objet du projet de loi, qu’il a été dit dans l’autre chambre comme ici que l’un des principaux objectifs de la loi était d’abroger les peines minimales obligatoires et de réduire la surreprésentation des Autochtones et des Noirs en prison.
Encore une fois, nous avons entendu de nombreux témoignages. Plus précisément, l’ancien sénateur Sinclair, ainsi que de nombreux avocats et professeurs, ont parlé du fait que ces dispositions n’auront aucune incidence sur la surincarcération des Autochtones. Elspeth Kaiser-Derrick a expliqué que, selon ses recherches, 77 % des femmes autochtones plaident coupable, souvent après avoir été condamnées à des peines minimales obligatoires. L’incitation à plaider coupable a été évoquée par un certain nombre d’avocats criminalistes ainsi que par l’Association du Barreau canadien.
Il y a également le 32e appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, qui recommande l’adoption de ce genre de disposition, parmi toute la documentation d’appui expliquant pourquoi nous sommes saisis de ce projet de loi. Le premier ministre a déclaré aux Nations unies qu’il était favorable à la réconciliation et à la mise en œuvre de tous les appels à l’action et des appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Le projet de loi n’atteint clairement pas cet objectif, et cet amendement vise à nous aider à atteindre l’objectif énoncé par le gouvernement.
Nous savons également que la population carcérale qui connaît la croissance la plus rapide — pas seulement une surreprésentation, mais une incarcération de masse, comme l’a décrit Jonathan Rudin — est celle des femmes autochtones. Elles représentent actuellement 50 % de la population dans les pénitenciers fédéraux et jusqu’à 75 ou même 100 % de la population carcérale dans les provinces de la Saskatchewan, du Manitoba et les trois territoires du Nord. Mais le plus effrayant, à mesure que les chiffres augmentent et selon les données démographiques, c’est que de 95 à 100 % des jeunes femmes en détention sont désormais autochtones.
Nous assistons à une trajectoire qui ne peut que continuer de s’aggraver.
Lorsque je suis arrivée au Sénat, il y a presque six ans, 32 % des femmes détenues par les autorités fédérales étaient autochtones; nous en sommes maintenant à 50 %. À ce rythme, d’ici l’année prochaine, nous pourrions atteindre les 55 %. Nous avons besoin de cet amendement pour essayer de contrer la trajectoire qui se dessine.
Nous connaissons également l’impact de la situation sur ceux qui arrivent. Bien que les statistiques fournies par le ministère de la Justice indiquent que la majorité des personnes admises dans les prisons fédérales le sont pour des infractions liées à la drogue, ces personnes ne représentent qu’un très faible pourcentage de la population carcérale totale parce qu’elles purgent généralement des peines plus courtes. C’est la raison pour laquelle, comme l’a souligné Mme Cheryl Webster, ce projet de loi n’atteindra pas l’objectif déclaré de réduire le nombre de prisonniers autochtones et noirs autant qu’on le souhaiterait. Il y aura peut-être une certaine réduction chez les hommes noirs, les femmes noires et les hommes autochtones, mais il n’y aura pratiquement aucune incidence sur les femmes autochtones, bien que cela fasse partie des objectifs de départ.
Pour essayer d’aider le gouvernement à atteindre son objectif, nous présentons cet amendement. Je tiens à rappeler au comité que, comme l’ont dit M. Michael Spratt et d’autres, la dernière fois que la Cour suprême du Canada a examiné toutes ces dispositions, c’était dans le cadre de l’affaire Bissonnette. Avant, c’était dans l’arrêt Lloyd et d’autres aussi. Bien des appels ont été lancés pour que ce type de modification soit mis en place afin de laisser aux juges le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer de peines minimales obligatoires, y compris la dernière fois que la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la peine d’emprisonnement à vie pour meurtre, en 1990. À cette époque, il y avait la « clause de la dernière chance » qui existait, une disposition de révision au bout de 15 ans, et la Cour suprême du Canada a statué sans équivoque à ce moment-là que la peine d’emprisonnement à vie était préservée grâce à la « clause de la dernière chance », pour procurer un espoir de libération.
Si l’on ajoute à cela l’arrêt Bissonnette et le droit des individus de pouvoir, un moment donné, s’attendre à pouvoir être libérés dans la société, on comprend mieux l’importance de veiller à ce que les gens aient accès à des peines justes et équitables. C’est le but de cette disposition.
Là où le projet de loi C-5 fait cruellement fausse route, c’est qu’on ne tient pas compte du fait que la majorité des femmes qui sont emprisonnées pour des infractions violentes sont présumées être emprisonnées pour protéger la sécurité publique alors que la majorité des femmes autochtones emprisonnées le sont pour des délits violents parce qu’elles ont réagi à la violence dont elles étaient victimes. Ce fait n’est pas reconnu, mais on l’utilise pourtant pour les inciter à accepter de négocier un plaidoyer menant à des peines minimales non obligatoires. C’est une autre raison pour laquelle nous devons envisager ce genre de mesure.
Le fait que les peines minimales obligatoires créent la fausse impression — nous avons entendu d’innombrables preuves de la fausse impression de sécurité que cela crée dans le public... En fait, toutes les données probantes démontrent le contraire.
De plus, le ministère de la Justice, lorsqu’il a sondé la population sur cette question, a constaté que 90 % des Canadiens souhaitaient ce genre de changement. Ils veulent que les peines minimales obligatoires soient revues. Pratiquement tous les députés, toutes allégeances politiques confondues, ont parlé d’un engagement envers la réconciliation et du fait que ce projet de loi rate la cible, comme cela a été souligné récemment, le 30 septembre.
Comme l’ont résumé certains...
La présidente : Sénatrice Pate, puis-je vous demander de conclure?
La sénatrice Pate : Je résumerais en disant que si nous n’adoptons pas cet amendement, nous acceptons tacitement de continuer d’emprisonner davantage de femmes autochtones et de reléguer leurs enfants aux soins de l’État, deux enjeux hautement prioritaires sur lesquels le gouvernement a indiqué vouloir agir. Nous pouvons les aider en adoptant cet amendement.
Le sénateur Gold : Je vous remercie, sénatrice, de proposer cet amendement. J’apprécie vraiment l’esprit dans lequel il est proposé et je vous remercie de la réflexion que vous y avez investie.
Mais le gouvernement n’appuie pas cet amendement.
Permettez-moi de vous en expliquer les raisons. Nous avons effectivement entendu de nombreux témoins qui recommandaient une telle mesure, mais nous avons également entendu des témoins crédibles qui nous ont mis en garde contre cette approche, notamment de gens de l’Association du Barreau canadien, de la Criminal Lawyers’ Association et Janani Shanmuganathan, l’avocate qui a plaidé l’affaire historique Nur devant la Cour suprême du Canada.
Essentiellement, la crainte que nous avons, c’est qu’une telle soupape de sécurité ait de graves conséquences négatives involontaires. Pour reprendre les mots de Tony Paisana, de l’Association du Barreau canadien, cela aurait pour effet de « soustraire toute peine minimale obligatoire actuelle ou future à un examen fondé sur la Charte », de sorte que ces peines seraient à l’abri d’une contestation fondée sur la Charte si un futur gouvernement souhaitait garnir le Code criminel d’encore plus de peines minimales obligatoires, comme nous l’avons déjà vu. Rappelez-vous également ce que le criminologue d’Oxford Julian Roberts nous a dit sur la façon dont la soupape de sécurité fonctionne en Angleterre et au pays de Galles. Il a dit : « ... un très petit nombre de délinquants seulement peuvent en bénéficier... »
Anne-Marie McElroy, avocate membre de la Criminal Lawyers’ Association prédit, peut-être sans surprise, qu’une soupape de sécurité serait plus susceptible de bénéficier aux personnes les mieux nanties et les plus privilégiées. Dans le même ordre d’idées, Me Shanmuganathan nous a dit qu’en nous dotant d’une telle soupape de sécurité, « nous ne ferons qu’entraîner d’autres litiges sur ce que nous considérons comme une “exception” ... » ou, étant donné la formulation de cet amendement, ce qu’on entend par « dans l’intérêt de la justice ». Bien sûr, un défendeur qui a de l’argent serait beaucoup mieux placé qu’un autre pour s’engager dans ce genre de litige complexe.
Chers collègues, je reconnais que l’on pourrait faire la même critique à l’égard du processus de contestation fondé sur la Charte, mais si nous remplaçons essentiellement les contestations des peines minimales obligatoires fondées sur la Charte par des contestations de la soupape de sécurité fondées sur la Charte, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse réellement d’une amélioration tangible. Si une seule contestation réussie en vertu de la Charte peut entraîner l’annulation permanente d’une disposition, évitant ainsi aux futurs défendeurs d’avoir à s’adresser aux tribunaux sur la même question, l’inclusion d’une soupape de sécurité pourrait condamner tous les défendeurs à devoir s’adresser aux tribunaux un à un.
Concernant les contestations fondées sur la Charte, cet amendement pourrait couper court aux contestations des peines minimales obligatoires dont sont actuellement saisis les tribunaux. Le projet de loi C-5 n’abroge pas toutes les peines minimales obligatoires parce que, pour être franc, cela irait vraiment à l’encontre de l’opinion publique canadienne. Si notre objectif est de donner aux juges un plus grand pouvoir discrétionnaire dans la détermination de la peine, ne modifions pas ce projet de loi d’une manière qui risque d’entraver les efforts déjà déployés à cette fin.
Enfin, si nous allions de l’avant avec cet amendement, il nous incomberait, au comité et au Sénat, de prendre soin de rédiger cette disposition de manière à prévenir ou à atténuer les conséquences involontaires possibles dont les témoins nous ont avertis. Il faudrait pour cela analyser en profondeur les différents exemples internationaux et obtenir plus d’avis d’experts que nous n’en avons recueillis sur la façon dont ce libellé législatif serait susceptible d’être interprété dans le contexte canadien.
Nous n’avons vraiment obtenu un tel avis que d’un seul témoin, aussi crédible soit-il, M. Roberts. Il s’est principalement concentré sur l’exemple de l’Angleterre et du Pays de Galles. En réponse à une question de notre collègue, la sénatrice Simons, il nous a dit de ne pas trop nous attacher au libellé, ce qui, avec tout le respect que je lui dois, me semble constituer une approche quelque peu désinvolte de la législation. Je ne suis pas sûr du type d’analyse approfondie que nous devrions faire pour cela.
Le fait est que nous n’avons pas assez creusé la question de la meilleure façon de construire une telle soupape de sécurité dans notre étude du projet de loi C-5, ce qui, franchement, était justifié, chers collègues. Notre comité s’est concentré sur le contenu du projet de loi C-5, et les témoins nous ont dit l’un après l’autre qu’il s’agissait d’un bon projet de loi et d’un grand pas en avant. Les témoins nous ont également dit qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour améliorer le système de justice pénale du Canada. C’est absolument et indubitablement vrai.
À mon avis, la solution n’est pas de faire un ajout au projet de loi que nous n’avons pas examiné en détail et contre lequel on nous a mis en garde parce qu’il pourrait avoir des conséquences négatives involontaires. Ce n’est pas n’importe quel groupe qui a fait cette mise en garde, mais l’Association du Barreau canadien elle-même, entre autres. Pour conclure, je comprends vraiment l’intention de cet amendement. Je partage les valeurs qui le sous-tendent, mais le gouvernement ne peut tout simplement pas l’appuyer. Merci.
La sénatrice Batters : J’irais un peu plus loin que le sénateur Gold, en fait, et je ferais remarquer qu’il ne s’agit pas d’une soupape de sécurité pour des circonstances exceptionnelles comparable à celle que les témoins ont décrite, comme la disposition d’exemption qui existe en Angleterre et au pays de Galles. Selon cet amendement, il suffirait qu’un juge soit convaincu qu’il serait dans l’intérêt de la justice de ne pas imposer de peine minimale obligatoire et qu’il motive sa décision par écrit pour agir ainsi. Rien n’indique que les circonstances de l’affaire devraient être de nature exceptionnelle ou extrême. Et comme la sénatrice Pate y a fait référence, c’est en fait dans le libellé de l’article de la Sentencing Act 2020 du Royaume-Uni, cité par Julian Roberts. Le terme « exceptional circumstances » y figure, alors que la sénatrice Pate n’en fait pas mention du tout.
Voici le libellé du paragraphe 311(2) de la Sentencing Act 2020 :
The court must impose an appropriate custodial sentence for a term of at least the required minimum term unless the court is of the opinion that there are exceptional circumstances which—
(a) relate to the offence or to the offender, and
(b) justify not doing so.
En fait, l’amendement de la sénatrice Pate enlèverait toute signification à l’ensemble des peines minimales obligatoires établies par le Parlement, y compris dans les cas de meurtre alors même que nous avons depuis longtemps au Canada une peine minimale obligatoire de 10 ans pour un meurtre au second degré et de 25 ans pour un meurtre au premier degré. Bien que certains témoins étaient d’avis que le gouvernement devrait abolir toutes les peines minimales obligatoires, notre comité sénatorial s’est intéressé uniquement aux peines minimales obligatoires énumérées au projet de loi C-5 et a entendu des témoignages faisant état des facteurs à considérer pour évaluer les mérites de ces différentes peines. À titre d’exemple, les représentants des forces de l’ordre ont souligné l’importance de préserver les paramètres de détermination de la peine, surtout pour les infractions commises avec une arme à feu. Suivant la même logique, il nous faudrait entendre des témoignages vantant ou réfutant l’efficacité de toutes les autres peines minimales obligatoires prévues dans le Code criminel avant d’envisager une abolition générale.
À mon avis, notre comité est loin d’avoir entendu un éventail de témoignages suffisamment large pour pouvoir aller de l’avant avec un amendement comme celui-ci. En conséquence, je ne peux pas appuyer cet amendement.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je remercie la sénatrice Pate de son argumentaire. J’aurais quelques questions à poser avant de faire un commentaire plus général.
Je comprends que votre amendement inclurait des peines minimales pour tous les crimes, qu’il s’agisse de meurtres au premier degré, d’agressions sexuelles avec violence, de terrorisme ou de haute trahison. Tous les crimes au Code criminel seraient assujettis à l’abolition des peines minimales. Ai-je bien compris?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Il ne s’agit pas d’assujettir tous ces crimes à l’abolition des peines minimales, mais plutôt de permettre aux juges d’exercer un pouvoir discrétionnaire structuré dans le sens de ce que préconisait notre comité dans le rapport Justice différée, justice refusée ainsi que conformément aux recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et de toutes les commissions qui se sont intéressées à la réforme du droit et à la détermination de la peine.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Dans ce cas, pourquoi ne pas plutôt proposer d’appliquer l’arrêt Lloyd?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je ne suis pas certaine de bien comprendre.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : En 2016, je crois que la Cour suprême a prononcé l’arrêt Lloyd. Vous dites que ce n’est que dans les cas exceptionnels que la peine minimale pourrait s’appliquer. Or, l’arrêt Lloyd prévoit déjà d’accorder cette exception aux juges. Toutefois, cet arrêt n’a jamais été mis en place dans le Code criminel. Pourquoi alors ne pas proposer un amendement visant à appliquer l’arrêt Lloyd plutôt que d’étendre à tous les crimes, même les crimes commis au premier degré, l’impossibilité d’imposer une peine minimale?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Il pourrait être intéressant que vous proposiez un sous-amendement en ce sens, surtout compte tenu de ce que vient de dire également la sénatrice Batters. Il est toutefois plutôt ici question de l’injustice profonde qui afflige tout particulièrement les femmes autochtones qui, après avoir été victimes d’actes violents et de traumatismes, en viennent à répondre par la violence. C’est ainsi que la représentante du centre pour les femmes violentées de London a recommandé la suppression des peines minimales pour les femmes en reconnaissance du fait que, dans bien des cas, les femmes se retrouvant dans une situation semblable ont d’abord été des victimes avant d’être inculpées pour être elles-mêmes passées à l’acte.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Le projet de loi S-213 a été renvoyé à notre comité. Votre amendement, dans le fond, vise à mettre en place le projet de loi S-213. Est-ce bien le cas?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Non, je crois que le projet de loi S-213 va plus loin encore.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ah bon! Parce qu’on peut aller plus loin que l’abolition de toutes les peines minimales? Je croyais qu’on en était déjà à l’extrême.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Il faudrait que je relise le projet de loi S-213, mais je sais qu’il ne vise pas l’abolition de toutes les peines minimales. Il prévoit plutôt un mécanisme à cette fin qui est assorti de différentes dispositions.
Le sénateur Dalphond : Je comprends bien le principe qui sous-tend cet amendement, mais ce n’est pas ce qui m’embête ici. Lorsque je suis devenu sénateur il y a quatre ans et demi, j’ai participé à une réunion de comité au cours de laquelle nous nous apprêtions à modifier le Code criminel avec une proposition dont nous avions à peine discuté, et ce, même si elle pouvait être très lourde de conséquences. J’ai dû m’y opposer, car je constatais à mon grand étonnement — en ma qualité de nouveau sénateur et d’ancien juge — que l’on pouvait ainsi modifier le Code criminel avec des amendements rédigés sur le coin d’une table.
J’ai malheureusement bien peur que l’on se retrouve aujourd’hui dans la même situation. L’idée est peut-être intéressante pour ceux qui ne croient pas en la pertinence des peines minimales obligatoires. Je ne vais pas débattre de cette question-là. Le gouvernement actuel, comme ceux qui l’ont précédé, croit en la valeur des peines minimales obligatoires. Le gouvernement est cependant aussi d’avis que certaines de ces peines sont à l’origine d’une discrimination systémique et souhaite les supprimer. C’est une décision politique et il n’y a rien à redire.
Cela dit, il a beaucoup été question de la Cour suprême et je vais moi-même citer deux jugements de ce tribunal. Je vais commencer par le plus récent, soit l’arrêt Bissonnette.
Voici un extrait de la décision unanime — ou presque, car je vois qu’il y avait deux voix dissidentes — de la Cour suprême :
[...] le Parlement dispose d’une latitude pour établir des peines dont la sévérité exprime la réprobation de la société à l’égard de l’infraction commise et, bien que ces peines puissent dans certaines circonstances avoir pour effet de condamner un contrevenant à mourir derrière les barreaux, elles ne constituent pas nécessairement une violation de l’article 12 de la Charte.
C’est le premier élément à considérer. Lorsqu’on cumule trois peines de 25 ans comme dans le cas Bissonnette, la Cour suprême juge que c’est trop. Cependant, lorsqu’un minimum est établi — et la Cour suprême considère que 25 ans, c’est une peine minimale —, on indique qu’il n’y a pas de problème. C’est l’effet du cumul de trois peines de 25 ans qui fait en sorte que la punition devient cruelle aux termes de l’article 12.
On a également cité en comité l’arrêt Llloyd. La juge en chef McLachlin a cette fois gain de cause et écrit ce qui suit au paragraphe 35 du jugement majoritaire :
[...] Si le législateur tient à prévoir des peines minimales obligatoires pour des infractions qui ratissent large, il lui faudra envisager de réduire leur champ d’application de manière qu’elles ne visent que les délinquants qui méritent de se les voir infliger.
La Cour suprême n’est pas en train de dire que les peines minimales sont à éviter. Elle indique plutôt que si l’on désire imposer des peines semblables, il faut le faire au moyen de paramètres bien définis.
La juge McLachlin ajoute :
Le législateur pourrait par ailleurs recourir à un mécanisme qui permettrait au tribunal d’écarter la peine minimale obligatoire dans les cas exceptionnels où elle constituerait une peine cruelle et inusitée. L’octroi d’un pouvoir discrétionnaire résiduel susceptible d’être exercé dans les cas exceptionnels est un moyen répandu à l’étranger pour prévenir l’injustice et l’inconstitutionnalité [...] Il appartient au législateur d’arrêter les paramètres du pouvoir discrétionnaire résiduel du tribunal.
La Cour suprême reconnaît donc qu’il existe deux solutions, toutes les deux conformes à la Constitution, qui s’offrent au Parlement. L’une d’elles est le recours à des peines minimales obligatoires, mais le législateur doit pour ce faire établir une portée adéquate sans quoi il va contrevenir à l’article 12 de la Charte.
L’autre avenue consiste à prévoir une soupape de sûreté pour les circonstances exceptionnelles.
Nous avons heureusement reçu ce matin même les documents que M. Roberts s’était engagé à nous transmettre lors de notre dernière séance. Le premier document porte sur ses propositions d’amendement. Je crois que c’est ma collègue, la sénatrice Pate, qui lui avait demandé à la fin de la réunion de nous faire parvenir une ébauche d’article, et il a accepté de le faire.
Il indique qu’il y a trois façons de présenter les choses. On peut soit parler de circonstances exceptionnelles, l’approche utilisée au Royaume-Uni; de circonstances importantes et convaincantes, la solution retenue par d’autres pays; ou de procédures contraires à l’intérêt de la justice. Il a classé ces trois options dans l’ordre. Selon lui, le critère des circonstances exceptionnelles est le plus difficile à satisfaire pour les juges. Juste un peu plus bas, on retrouve celui des circonstances importantes et convaincantes. C’est le critère employé en Afrique du Sud. Il poursuit en indiquant que le fait d’être contraire à l’intérêt de la justice correspond au critère le moins rigoureux dont il ne recommande pas l’utilisation. C’est ce qu’on peut lire dans son document.
On nous propose ici un critère qui est encore moins rigoureux. Il n’est pas question d’éviter une décision qui serait « contraire à l’intérêt de la justice ». On mentionne plutôt que le tribunal doit être « convaincu qu’il serait dans l’intérêt de la justice de le faire ». On accorde ainsi un très grand pouvoir discrétionnaire aux juges. On ne se limite pas aux circonstances exceptionnelles. Cette disposition serait pour ainsi dire applicable à toutes les causes où le juge estime qu’il serait dans l’intérêt de la justice de recourir à une solution autre qu’une peine minimale obligatoire.
Pour reprendre les termes de la Cour suprême, je pense que cet amendement ratisse trop large pour définir le cadre des exceptions. Il m’est impossible d’appuyer cet amendement, car cela revient en fait à dire que les juges peuvent se soustraire aux peines minimales obligatoires quand ils déterminent que c’est contraire à l’intérêt de la justice. Ce n’est pas ce qu’écrivait la juge McLachlin. Elle a plutôt choisi le critère des circonstances exceptionnelles.
La sénatrice Pate : Si la juge McLachlin l’a indiqué, c’est certainement le cas — dans l’arrêt Bissonnette, on aborde toute la question de la dignité humaine et de l’importance que revêt ce concept.
Je veux également revenir un peu en arrière — et je tiens à vous remercier, sénateur Gold, pour vos commentaires.
Je veux en fait mettre en exergue ce que vous avez dit. Les motifs que vous avez évoqués pour exprimer votre opposition à cet amendement sont exactement les mêmes qui font en sorte qu’en obligeant les gens à sans cesse recourir à des contestations constitutionnelles, on se montre injuste envers bon nombre d’inculpés, et particulièrement ceux qui sont ciblés par ce projet de loi comme les Autochtones et les Noirs qui sont fortement surreprésentés au sein du système judiciaire et dont les causes se rendent rarement jusqu’à la Cour suprême du Canada, cela dit très respectueusement.
Il y a autre chose que je veux aussi souligner. Nous avons pu apprendre que le milieu judiciaire s’interroge actuellement, à la lumière de l’arrêt Bissonnette, quant aux changements qu’il convient d’apporter. Nous n’avons pas entendu de témoins qui nous l’ont dit directement, mais la personne qui dirige maintenant l’Association du Barreau canadien — et son nom m’échappe — a entrepris un exercice visant à revoir la position de son association relativement aux peines minimales obligatoires. Bien que nous ne puissions pas savoir aujourd’hui à quoi nous en tenir à ce sujet, l’Association se pose des questions, et j’ai été approchée par différentes personnes qui voudraient que nous interrompions notre étude d’ici à ce que la nouvelle position de l’Association soit connue. Il est bien évident que nous ne pouvons pas le faire, mais j’estimais que c’était là une information essentielle que je me devais de vous communiquer vu qu’on a tellement insisté sur la position adoptée par l’Association du Barreau canadien. Eh bien, cette position est en train de changer au moment même où on se parle.
La sénatrice Clement : Le projet de loi C-5 m’a fait perdre le sommeil, mais m’a aussi amené à lire, à apprendre et à écouter toutes sortes de choses. J’ai notamment parlé à des collègues de ma ville qui travaillent sur le terrain. Tous ces brillants observateurs m’ont dit la même chose : les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas. Elles n’ont aucun effet dissuasif. Elles ne permettent pas aux Canadiens de se sentir plus en sécurité. Je comprends les commentaires du sénateur Gold concernant l’opinion publique et la nécessité pour les politiciens d’essayer de faire avancer les choses. J’en suis pleinement consciente. J’ai toutefois aussi entendu un témoin nous dire la semaine dernière que nous devrions faire preuve d’ambition, et je pense que l’amendement proposé se montre suffisamment ambitieux en tenant compte du fait que les membres des groupes vulnérables sont touchés au premier chef et que nous devons permettre aux juges de prendre en considération leurs circonstances particulières.
J’ai aussi entendu des témoignages de femmes, et de personnes qui les représentent, qui ne font pas nécessairement confiance à notre système judiciaire et à nos juges, et ce, pour des motifs tout à fait valables. Ce ne sont cependant pas tous les juges qui sont à blâmer. Nous nous employons à améliorer le système. Nous sommes nombreux à essayer de le rendre meilleur.
Il y a effectivement un problème de confiance, mais cela ne signifie pas que tout le monde reste les bras croisés et que les juges ne font pas mieux qu’auparavant lorsqu’il s’agit de prendre en considération certains éléments et de comprendre certaines circonstances. Je penche donc en faveur d’une mesure aussi ambitieuse que possible en appuyant cet amendement. Merci.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Le projet de loi C-5 nous a donné l’occasion d’entendre des témoins qui ne font pas confiance au système judiciaire et qui sont mal traités par le système — il s’agit la plupart du temps de femmes —, à partir du moment où les policiers interviennent jusqu’à la fin du prononcé de la sentence, des appels et du dernier recours.
En ce sens, la formulation de cet amendement ne répond pas, selon moi, à cette préoccupation. Je pense que ce n’est pas une question d’individus; oui, il y a de bons individus, mais est-ce qu’on devrait dire qu’il y a de bons sénateurs et de mauvais sénateurs? Je ne sais pas. Ce n’est pas la question d’être un bon ou un mauvais juge; c’est un problème de discrimination systémique contre les femmes qui est inscrit profondément dans notre système de justice.
L’amendement que nous examinons, à mon avis, ne peut pas répondre à cette préoccupation que plusieurs groupes ont exprimée devant nous, et pas seulement à l’occasion de l’étude du projet de loi C-5. Au Comité des affaires juridiques, nous sommes appelés à examiner une série de projets de loi qui traitent d’une petite partie d’articles et d’une petite partie de sections. On n’arrive pas à effectuer une révision en profondeur des principes de détermination de la peine, par exemple, pour tenir compte de ce que la sénatrice Pate a exprimé aujourd’hui et de ce que plusieurs autres ont exprimé devant nous. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Il y a trois éléments que je voudrais faire valoir très brièvement. Premièrement, j’estime que le projet de loi C-5 est une bonne mesure législative. Je souscris à la quasi-totalité des sentiments et des points de vue exprimés par les sénatrices Pate et Clement quant aux principes associés à ce projet de loi. Je pense que nous sommes nombreux à abonder dans le même sens, et je crois que ce projet de loi pourrait être amélioré. Je crains toutefois que l’exercice de la légitimité démocratique limitée dont nous jouissons en tant que sénateurs compromette l’adoption rapide d’un bon projet de loi, et c’est pour cette raison que je ne vais pas appuyer cet amendement. Merci.
La présidente : Merci. Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter l’amendement proposé? Nous allons procéder à un vote par appel nominal.
M. Mark Palmer, greffier du comité : Vote par appel nominal sur l’amendement visant l’ajout d’un nouvel article 13.1.
L’honorable sénatrice Jaffer?
La sénatrice Jaffer : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu?
Le sénateur Boisvenu : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Downe?
Le sénateur Downe : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?
La sénatrice Dupuis : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Gold?
Le sénateur Gold : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Harder.
Le sénateur Harder : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Smith?
Le sénateur Smith : Non.
M. Palmer : L’amendement est rejeté par 9 voix contre 4.
La présidente : Honorables sénateurs, l’amendement est rejeté.
Nous passons maintenant à l’article 14. L’article 14 est-il adopté? Le sénateur Boisvenu souhaite intervenir.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-5 soit modifié à l’article 14, à la page 3, par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit :
« remplacés par ce qui suit :
e) il ne s’agit pas d’une infraction prévue à l’une ou l’autre des dispositions ci-après et poursuivie par une mise en accusation :
(i) l’article 221 (causer des lésions corporelles par négligence criminelle),
(ii) l’article 264 (harcèlement criminel),
(iii) l’article 267 (agression armée ou infliction de lésions corporelles),
(iv) l’article 270.01 (agression armée ou infliction de lésions corporelles — agent de la paix),
(v) l’article 271 (agression sexuelle),
(vi) l’article 279 (enlèvement),
(vii) l’article 279.02 (avantage matériel — traite de personnes),
(viii) l’article 281 (enlèvement d’une personne âgée de moins de quatorze ans),
(ix) l’article 349 (présence illégale dans une maison d’habitation). ».
Chers collègues, vous comprendrez évidemment que tous ces crimes sont liés, dans bien des cas, à la violence sexuelle, la violence conjugale et la violence familiale.
Mon amendement vise à retirer du projet de loi C-5 les infractions liées à des crimes contre la personne. J’ai parlé souvent des statistiques sur la violence familiale lors de mes discours au Sénat; ces données sont assez marquantes.
Au Québec, la violence conjugale a augmenté de 34 % au cours des dernières années; au Nouveau-Brunswick, l’augmentation est de 38 %. Il s’agit donc d’une composante sociale qui est devenue un fléau. D’ailleurs, la Cour suprême et les cours d’appel, celle du Québec notamment, ont à quelques reprises demandé aux tribunaux d’être beaucoup plus sévères par rapport aux crimes liés à la violence conjugale, à la violence familiale et à la violence sexuelle, qui touche des femmes dans presque 90 % des cas.
L’abolition de la possibilité d’imposer des sentences avec sursis, qu’on appelle communément des peines de salon, pour lesquelles l’individu se verra ordonner de passer son temps incarcéré chez lui, a un autre impact, en plus de dévaloriser le système de justice aux yeux des victimes.
Je vous rappelle qu’un sondage a été fait au Québec il y a quelques semaines par la firme de sondage Léger; ce sondage a révélé que 52 % des Québécois ne font pas confiance au système de justice. C’est évident pour moi que ce pas en avant s’ajoute à la législation adoptée en 2019 — le projet de loi C-75 —, dans laquelle on avait retiré du Code criminel une foule d’accusations criminelles pour les remplacer par des accusations nominatives.
On fait un pas en avant, et cela va encore renforcer les sentiments que les victimes ressentent envers le système de justice sur le plan de la crédibilité. Cela va surtout — et c’est ce qui m’inquiète le plus — réduire encore davantage chez les femmes la volonté de dénoncer leur agresseur, sachant qu’il y a une possibilité que sa peine soit purgée à proximité de son lieu de résidence.
On sait que, dans beaucoup de communautés, le criminel et la victime cohabitent dans la même rue, le même village, la même ville. Le fait de savoir que l’agresseur ne passera pas une journée en prison et retournera chez lui pour purger sa peine affaiblira considérablement la volonté des femmes de dénoncer; on sait que, actuellement, une femme sur dix dénonce son agresseur, que ce soit pour de la violence conjugale ou une agression sexuelle.
C’est un élément qui, selon moi, réduit la sécurité des femmes qui vont dénoncer. On sait que la majorité des homicides commis au Canada, particulièrement au Québec, ont eu lieu non pas avant que l’individu subisse un procès, non pas après qu’il a subi un procès, mais après qu’il a reçu une ordonnance de ne pas troubler la paix, en lieu et place d’un procès.
Donc, on vient ici ajouter au fardeau d’assurer la sécurité de la victime, ce qui est déjà très pénible. Lorsqu’on regarde l’augmentation des crimes liés à la violence sexuelle et à la violence conjugale, lorsqu’on voit le faible taux de dénonciation chez les femmes pour ce type de crimes, lorsqu’on voit que les femmes, depuis des années, interpellent le gouvernement pour assurer leur sécurité...
On l’a vu au Québec dernièrement. Le gouvernement du Québec a adopté le projet de loi no 24, qui obligera dorénavant ceux qui sortent d’une prison provinciale — ce qui représente une minorité d’hommes — à porter le bracelet électronique. On l’a vu également à l’autre endroit, où une députée libérale a déposé le projet de loi C-233, dont nous sommes maintenant saisis. Ce projet de loi permettrait également au fédéral d’imposer le port du bracelet électronique. C’est un outil que les femmes réclament depuis des décennies pour être mieux protégées.
À mon avis, ces articles dans le projet de loi C-5 font totalement l’inverse de ce que les femmes demandent et vont à l’encontre du courant social, soit que les différentes cours demandent aux juges d’être plus sévères à l’égard de ces criminels. C’est pourquoi je propose cet amendement.
Pour ma part, cet amendement découle d’une très longue période de cohabitation avec des victimes de violence conjugale. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises au Sénat lorsque j’ai déposé le projet de loi S-205. J’ai travaillé avec une centaine de femmes, qui ont toutes subi le processus judiciaire avec une très grande peur d’être abandonnées par ce système. À mon avis, le fait d’assouplir le Code criminel plutôt que de l’endurcir, comme le demandent les tribunaux, en ce qui a trait aux agresseurs, à ceux qui violentent les femmes, va carrément à l’encontre de l’entente sociale.
Les gens sont tous d’accord pour dire que la violence conjugale et la violence sexuelle sont inadmissibles et qu’il faut être sévère envers les agresseurs. Je pense que ces articles du projet de loi C-5 vont à l’encontre de la volonté populaire et même de la volonté de certains tribunaux. C’est pourquoi mon amendement vise à retirer du projet de loi C-5 ces agressions qui sont commises contre des femmes. Je répète : dans cet amendement, il s’agit de composantes intégrales à la violence conjugale. Lorsqu’on parle d’infliger des lésions corporelles, lorsqu’on parle d’agressions sexuelles, qui sont des composantes importantes de la violence conjugale, lorsqu’on parle d’enlèvements, des enfants qui sont enlevés par...
La présidente : Sénateur Boisvenu, est-ce que vous pouvez conclure maintenant?
Le sénateur Boisvenu : Oui, je vais conclure.
J’en appelle à votre sensibilité en ce qui a trait à la violence familiale, à la violence conjugale et à la violence sexuelle pour que l’on conserve, dans le projet de loi C-5, le statu quo pour les crimes contre la personne dans le Code criminel. Merci.
[Traduction]
La sénatrice Batters : J’appuie cet amendement. La réadaptation des délinquants est certes un objectif que nous partageons tous, mais il faut garder au cœur de nos préoccupations — particulièrement lorsqu’il est question d’agression sexuelle, de violence conjugale ou d’une autre des infractions visées par cet amendement — l’impact sur la victime, surtout lorsque sa sécurité est menacée.
Jennifer Dunn du centre pour les femmes victimes de violence de London nous a aidés à situer ces choses-là dans leur contexte. Je pourrais vous citer de nombreux passages importants de son témoignage dans lequel elle rapporte notamment les propos de l’une des victimes prises en charge par son centre :
[...] elle a l’impression qu’on se concentre sur les hommes à la source du problème sans écouter les femmes — les victimes — qui font les frais des crimes.
Elle nous a aussi fourni des exemples montrant qu’il est possible, même en vertu de la loi en vigueur, pour les hommes s’étant rendu coupables de violence sexuelle à l’encontre d’une femme de se retrouver en liberté et d’envoyer des textos à leur victime depuis le perron du centre où elle a trouvé refuge, ou encore de s’installer sur une chaise de jardin de l’autre côté de la rue pour observer leur victime lorsqu’il leur est interdit de se trouver sur sa propriété. Elle a exprimé de très sérieuses inquiétudes quant à la mesure dans laquelle la situation pourrait se détériorer si les contrevenants ont la possibilité de purger leur peine dans la collectivité, une collectivité qu’ils partagent souvent avec leur victime. Elle a indiqué que la victime devait alors être constamment sur ses gardes en précisant qu’il s’agissait pour elle d’une « peine à perpétuité ».
Le gouvernement n’a fourni aucune justification pour étendre l’admissibilité à des peines avec sursis aux auteurs de ces crimes violents d’une très grande gravité. En réponse à ces préoccupations, le ministre Lametti s’est contenté de déclarer :
Les crimes graves auront toujours des conséquences graves.
Mais, comme nous le savons, et comme nous l’a confirmé Mme Comtois du Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, une agression sexuelle qui n’est pas grave, ça n’existe pas.
À mon avis, le comité n’a entendu aucun témoin, pas même le ministre, capable de lui présenter des arguments justifiant l’élargissement de l’admissibilité à une peine avec sursis pour les crimes de ce genre. Étant donné les torts qui risquent fort d’être causés aux femmes victimes de violence, je vais voter en faveur de cet amendement.
J’aimerais vous citer quelques autres extraits du témoignage de Jennifer Dunn :
[...] Bien que nous croyions que le projet de loi C-5 pourrait être un pas dans la bonne direction puisqu’il propose de permettre à nouveau les pouvoirs discrétionnaires pour la détermination des peines, nous jugeons qu’il est inquiétant d’élargir la disponibilité des libérations conditionnelles, surtout dans les cas où la sécurité publique pose des problèmes particuliers.
Elle indique aussi :
Le seul fait de porter plainte est d’emblée très difficile pour les femmes; lorsqu’elles le font, il faut compter des années avant d’en arriver à une condamnation, si condamnation il y a. Cette réalité leur donne l’impression que le système juridique ne les prend pas au sérieux. Pas plus tard qu’aujourd’hui, une femme que nous aidons m’a confié que lorsque les peines offrent moins de protection aux victimes, elles sont moins susceptibles de signaler les infractions. Ce revirement constituerait un réel revers pour nous.
Elle y va de quelques autres commentaires :
Je l’ai affirmé à la Chambre des Communes, et je le répéterai aujourd’hui : nous devons étudier ce projet de loi sous l’angle de la violence des hommes faite aux femmes. Nous devons mettre l’accent sur les femmes, et en particulier sur les femmes marginalisées; il faut s’intéresser aux conséquences qu’elles subiront à cause de ce projet de loi et constater qu’elles n’obtiendront pas la justice qu’elles méritent.
Elle ajoute :
Les femmes ne sont pas en sécurité. Des changements systémiques s’imposent pour protéger nos femmes. Elles méritent de vivre une vie exempte de violence. Les tribunaux doivent se rendre compte que les femmes se retrouvent facilement dans des situations présentant des risques accrus [...]
Honorables collègues, je crois qu’il est nécessaire de prendre des mesures concrètes pour protéger les femmes, pas seulement en publiant quelques gazouillis une ou deux fois par année ou en prononçant un bref discours au Sénat à propos d’une enquête sur la violence familiale, mais en protégeant vraiment celles qui sont dans ces situations dangereuses et très précaires. Ne laissons pas leurs agresseurs revenir dans leurs collectivités. Ce sont des criminels qui pourront les blesser ou peut-être même les tuer.
La sénatrice Simons : J’ai un respect sans borne pour le sénateur Boisvenu, car il est profondément déterminé à lutter contre la violence familiale. Le Sénat est actuellement saisi d’une motion qui porte sur cette question très sérieuse. Je n’ai aussi que du respect pour la sénatrice Batters lorsqu’elle fait part de ses préoccupations concernant les femmes dans une situation vulnérable.
Je crains toutefois que cette liste donne un exemple parfait de l’utilité des peines avec sursis pour tenir compte des différentes formes que peut prendre une infraction. Le harcèlement criminel peut sembler être une infraction odieuse, et c’est sans aucun doute le cas à son extrême. Mais je pense que nous pouvons tous imaginer, surtout dans le contexte politique actuel, des situations où une peine avec sursis pourrait convenir pour une personne accusée de harcèlement criminel, comme se trouver illégalement dans une maison d’habitation. Cela dit, si la personne squatte une habitation pour se droguer ou entre par infraction en plein hiver pour ne pas mourir de froid, ce n’est pas exactement le plus odieux des crimes. Dans le cas d’une attaque avec une arme contre un policier, la différence est énorme entre une personne qui tire sur l’agent, sans le tuer, et une personne excédée dans une manifestation qui frappe un policier avec une pancarte. Ce n’est pas une chose que je recommanderais, mais comme je l’ai dit, ces infractions prennent différentes formes.
Il n’est indiqué nulle part dans le projet de loi C-5 qu’une personne accusée de ce crime recevrait automatiquement une peine avec sursis. Il est simplement indiqué que cela ferait partie d’un éventail d’options à la disposition du juge. Causer des lésions corporelles par négligence criminelle, et même les agressions sexuelles... Les agressions sexuelles sont toujours graves, mais notre expérience, que nous soyons avocats, juges, journalistes ou tout simplement des observateurs de la condition humaine, nous a tous appris qu’il y a un large éventail d’agressions sexuelles.
Par conséquent, même si j’ai un profond respect pour le sénateur Boisvenu, je ne peux pas appuyer l’amendement.
Le sénateur Gold : Merci. Je souscris à tout ce que ma collègue, la sénatrice Simons, vient tout juste de dire, surtout parce que je salue, moi aussi, le travail accompli par tous les sénateurs, plus particulièrement le sénateur Boisvenu, et que je pense également qu’il faut procéder attentivement dans les cas de violence contre les femmes.
La vérité, c’est que la vaste majorité des témoins que nous avons entendus ont souligné l’importance de donner aux juges un plus grand pouvoir discrétionnaire pour imposer des peines qui tiennent compte de la situation du délinquant et des circonstances de l’infraction. En fait, c’est l’objectif principal du projet de loi, et le gouvernement s’oppose fermement à cet amendement pour cette raison.
Le gouvernement est parfaitement d’accord pour dire que ce comportement criminel grave doit entraîner des peines sérieuses. En vertu du projet de loi C-5, la plupart des infractions énumérées dans cet amendement continueront presque tout le temps de se traduire par une peine de prison. Il permet simplement à un juge d’user de son pouvoir discrétionnaire afin de pouvoir imposer des peines avec sursis pour ces infractions dans des cas rares et exceptionnels.
Comme le fait remarquer la sénatrice Simons, c’est particulièrement important lorsque la description de l’infraction peut couvrir un vaste éventail de circonstances.
C’est pour cette raison que le gouvernement estime qu’à long terme... Je mets l’accent sur la sécurité publique puisque l’une des choses qu’il faut dire, c’est qu’on peut rendre les collectivités plus sécuritaires lorsque les personnes qui peuvent demeurer chez elles en toute sécurité, après une décision d’un juge en ce sens, ne sont pas incarcérées pour rien, ce qui a des répercussions sociales pour elles, pour leur famille et aussi, en effet, pour leur collectivité. Le gouvernement ne peut donc pas appuyer cet amendement.
[Français]
Le sénateur Dalphond : L’alinéa 742.1e) du Code criminel actuel énumère une liste d’infractions qui, même si elles ne mènent pas à une sentence minimale, sont des cas qui font en sorte qu’on n’est pas admissible à une libération ou à l’emprisonnement avec sursis si on est reconnu coupable de cette infraction. Le gouvernement propose d’éliminer cette liste figurant à l’alinéa 742.1e). Je comprends que le sénateur Boisvenu, en réalité, ne réintroduit pas la liste au complet, parce qu’il a supprimé certains éléments et qu’il est d’accord pour les garder à l’écart, mais il en ajoute certains autres et conserve certains de ceux qui étaient déjà là. Je comprends l’idée.
Je comprends aussi l’importance de bien faire comprendre à ceux qui nous écoutent et à la population que l’ordonnance de sursis peut être décrite de bien des façons, mais cela ne signifie pas qu’on est à la maison et qu’on fait ce qu’on veut. Cela ne signifie pas qu’au lieu de passer 6, 12 ou 18 mois en prison, on passe 18 mois à écouter la télévision, à aller chez des amis et à faire des partys.
Pendant ma pratique de 12 ans à la cour d’appel, 30 % ou 40 % de mon temps était consacré au droit criminel. Les appels de sentence étaient notre pain et notre beurre tous les jours. Je sais que ce qu’on lit dans les journaux n’est pas tout à fait le reflet de ce que les juges imposent. Ils imposent pourtant de vraies conditions, comme des couvre-feux, l’obligation de porter un bracelet à l’occasion, de répondre au téléphone, d’avoir une ligne séparée, et cetera.
Cela dit, je veux rassurer les gens et surtout les victimes, parce que je suis très sympathique aux principes que fait valoir le sénateur Boisvenu. Il a parfaitement raison : les victimes de violence sont des femmes dans une proportion de 80 %; les statistiques le démontrent. À tout le moins, les victimes qui font une plainte à la police sont des femmes dans 80 % des cas.
Cela dit, il faut se rappeler que l’article 742 du Code criminel, s’il est amendé dans certains de ses paragraphes, n’est pas modifié dans ses dispositions principales, qui se trouvent dans l’introduction et aux alinéas a), b), c), et d).
Je vais vous résumer le jugement de 120 pages dans l’affaire Proulx en 2000. Dans ce jugement clé en matière d’emprisonnement avec sursis, la cour a dit ceci :
L’article 742.1 [...] énumère quatre critères que le tribunal doit prendre en compte avant d’infliger une condamnation à l’emprisonnement avec sursis: (1) le délinquant doit être déclaré coupable d’une infraction autre qu’une infraction pour laquelle une peine minimale d’emprisonnement est prévue;
Cela se poursuit ainsi :
(2) le tribunal doit infliger au délinquant une peine d’emprisonnement de moins de deux ans;
Cela n’est pas modifié.
(3) le fait que le délinquant purge sa peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle-ci;
Cela n’est pas modifié.
(4) le prononcé d’une ordonnance d’emprisonnement avec sursis est conforme à l’objectif et aux principes de la détermination de la peine visés aux art. 718 à 718.2.
Je peux vous dire que l’adjudication judiciaire est très encadrée, parce que plusieurs articles, à partir de l’article 718, encadrent ce qu’un juge fait chaque fois qu’il impose une peine. La Cour suprême ajoute ce qui suit en parlant de la sécurité — parce que c’est important :
L’exigence, à l’art. 742 [...] que le juge soit convaincu que la sécurité de la collectivité ne serait pas mise en danger si le délinquant y purgeait sa peine est un préalable à l’octroi du sursis à l’emprisonnement [...]
Pour évaluer la situation, la Cour suprême ajoute ce qui suit :
Deux facteurs doivent être pris en compte: (1) le risque que le délinquant récidive; (2) la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive.
Ce sont des paramètres extrêmement exigeants qui font en sorte que si, par exemple, quelqu’un est accusé de violence familiale et en est peut-être à sa deuxième infraction, ce sera à lui de justifier qu’il peut être remis en liberté depuis que le Code criminel a été amendé. S’il est condamné à la fin du procès, lorsqu’on imposera une peine, il est évident que le juge ne pourra pas imposer une peine avec sursis. D’abord, ce sera peut-être une peine de plus de deux ans. De toute façon, même si c’était moins de deux ans, ce ne serait pas une peine avec sursis.
Je pense qu’il faut faire confiance à l’interprétation et au droit tel qu’il est maintenant. Un emprisonnement avec sursis, ce n’est pas un bonbon donné facilement. Les statistiques que les témoins ont fait valoir devant nous indiquent que le taux de manquement aux conditions d’emprisonnement avec sursis est peu élevé. Cela veut dire que les gens respectent les conditions. Merci.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je voulais faire quelques observations à propos de ce que le sénateur Gold a dit sur ce genre de dossiers. Je voulais juste attirer l’attention de tout le monde sur ce que nous disons exactement ici. Le sénateur Boisvenu veut que ces infractions ne puissent pas faire l’objet de peines avec sursis. Cela comprendrait les lésions corporelles causées par négligence criminelle; le harcèlement criminel; les agressions armées ou les lésions corporelles; les agressions armées commises contre un agent de la paix ou les lésions corporelles qui lui sont infligées; les agressions sexuelles; les enlèvements; les avantages matériels tirés de la traite de personnes; l’enlèvement d’une personne de moins de 14 ans; et la présence illégale dans une maison d’habitation. Tout cela met l’accent sur des crimes très personnels qui sont généralement associés à la violence interpersonnelle ou à la violence sexuelle.
J’aimerais entendre le gouvernement là-dessus, car il nous a présenté peu de données probantes, comme je l’ai mentionné, qui permettent de justifier l’imposition de peines avec sursis pour ce genre d’infractions.
Sénateur Gold, pour les agressions sexuelles, les enlèvements et la traite de personnes — concentrons-nous sur ces trois infractions —, dans quel type de circonstances pensez-vous qu’une peine avec sursis serait appropriée?
Le sénateur Gold : Merci. C’est une question légitime. Le point de départ qui sous-tend cet aspect du projet de loi C-5 est que, tout d’abord — et je ne veux pas répéter l’analyse du sénateur Dalphond —, le Code criminel encadre déjà la prise de décisions du juge afin qu’il soit clair que les crimes graves seront assortis de peines sévères. Ce sont des crimes graves qui évoquent des images de crimes graves. La situation se présentera rarement, mais le juge pourra tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire pour rendre ce jugement si, dans les faits, la gravité du crime ne justifie pas une peine de prison de plus de deux ans — souvenez-vous que c’est un des seuils. Le juge pourra alors prendre en considération toutes les circonstances individuelles de l’affaire et, lorsque c’est approprié et que la sécurité publique — ce qui comprend la sécurité de la victime ou de la victime potentielle — n’est pas compromise — lorsque le juge est convaincu qu’il n’y a pas de risque, pas qu’il pourrait ne pas en avoir —, il pourra statuer que, en appliquant les bonnes conditions, la société sera mieux servie si la personne reste dans la collectivité.
Une fois de plus, je pense que de nombreuses études montrent les répercussions négatives pour les familles et les collectivités, et elles sont intergénérationnelles, lorsque les personnes sont incarcérées inutilement. Je pense que c’est le raisonnement ici, sénatrice Batters. Des gens raisonnables peuvent être en désaccord, mais c’est le choix stratégique du gouvernement, et il repose solidement sur la loi et la recherche.
La sénatrice Batters : Sénateur Gold, l’erreur est humaine. Il arrive que le juge ne prenne pas en considération ces facteurs nécessaires et qu’une personne reçoive une peine avec sursis dans ce genre de dossiers.
Dans les cas les plus graves, pourquoi ne pas tout simplement retirer ces infractions : les agressions sexuelles, les enlèvements et la traite de personnes?
Le sénateur Gold : Une fois de plus, le gouvernement estime que même dans ce genre d’affaires — je le répète et je pense que le sénateur Simons l’a bien expliqué —, dans la vaste majorité des cas, le seuil de la peine de moins de deux ans ne serait pas atteint, ce qui signifie que le délinquant serait encore moins susceptible d’en profiter.
Il pourrait y avoir des circonstances, et c’est là qu’interviendraient le jugement du gouvernement et la politique intégrée au projet de loi, où on pourrait compter sur les juges pour qu’ils fassent de leur mieux dans le but de veiller à ce que la sécurité publique ne soit pas compromise.
Il pourrait y avoir des erreurs, mais notre système de justice dans lequel il faut prouver ses allégations hors de tout doute raisonnable et dans lequel la présomption d’innocence prévaut repose sur la croyance selon laquelle justice sera rendue, au moyen d’une peine appropriée, au besoin, ou, dans cas-ci, d’une solution de rechange à l’incarcération, lorsque c’est convenable.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Gold, tous les jours, les juges émettent à l’intention des agresseurs des ordonnances de ne pas troubler la paix, des « 810 », en lieu et place d’un procès, en ayant presque la certitude que le « 810 » a été ordonné pour protéger la victime. Dans presque tous les cas de femmes assassinées au Québec, la cour avait la certitude que la victime était bien protégée, mais l’agresseur n’a jamais respecté les conditions.
Sénateur Dalphond, l’Université de Montréal et l’UQAM ont mené une étude sur les « 810 »; dans 50 % des cas, les conditions ne sont pas respectées. Le Syndicat des agents carcéraux du Québec a fait le même genre d’étude à la fin des années 2000 pour les peines avec sursis; 40 % des criminels ne respectaient pas leurs conditions. Ce n’est donc pas vrai qu’une peine avec sursis, un « 810 », est une garantie hors de tout doute pour la sécurité de la victime. Au contraire, la victime a l’impression d’être en sécurité, mais l’agresseur se fout de ces conditions.
Ce qu’on est en train de faire, c’est de lancer un message. Pour moi, qu’on le retire ou pas, l’important n’est pas là; c’est le message qu’on envoie aux femmes, qui ont été écoutées par le gouvernement du Québec, parce qu’il a agi. Le gouvernement fédéral commence à agir et on lance un message tout à fait contraire. C’est ce qui me peine pour les femmes.
On est en train de faire le contraire de tout le courant social que l’on voit depuis 10 ans, avec des femmes qui veulent être en sécurité lorsqu’elles dénoncent un agresseur. On va juste les rendre moins en sécurité, on va juste leur dire : « Ne dénoncez pas, parce que votre sécurité est en doute. » C’est ce qu’on fait. Merci.
Le sénateur Dalphond : J’aimerais faire un commentaire. D’abord, je dois dire qu’on ne parle pas ici de « 810 », de remise en liberté avant le procès, de citation à comparaître ou encore de dire qu’on ne va pas judiciariser une affaire et que le contrevenant va rester en dehors du système si un juge ordonne un « 810 ». On parle ici uniquement de peines imposées à la suite d’un procès où la culpabilité a été reconnue. À partir du moment où la culpabilité est reconnue, l’accusé devient un condamné et ne bénéficie pas de la présomption d’innocence ni d’aucune présomption favorable en matière de peine. Il aura la peine qu’il mérite. Je peux comprendre que, pour certaines victimes, si les accusés étaient emprisonnés à vie, cela représenterait la sécurité maximale pour elles. Peut-être, mais ce ne sont pas nécessairement tous les crimes qui entraînent une peine d’emprisonnement à vie.
Cela dit, le Québec fait une expérience intéressante. Ici, on parle surtout de gens condamnés à une peine de moins de deux ans. Ce sont tous des gens admissibles au système carcéral provincial. Si le juge autorise l’emprisonnement avec sursis, une des conditions qu’il pourra fixer est que le contrevenant doit porter un bracelet antirapprochement. Ce sera une grande amélioration pour les victimes. J’espère que cela se fera. Cela commence tout juste; c’est un projet pilote. J’espère qu’on va vers cela, comme l’Espagne et la France le font déjà. Ce que je veux dire aux victimes, c’est que le système n’est pas parfait, mais, comme le disait le sénateur Boisvenu, on fait des pas dans la bonne direction.
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Dalphond, vous êtes d’accord avec moi pour dire qu’un « 810 » est ordonné en lieu et place d’un procès et que l’accusé reconnaît ses torts, n’est-ce pas? Il ne respecte pas ses conditions, on le sait. Donc, une sentence avec sursis, c’est un « 810 » amélioré, dans le fond, même si un contrevenant est accusé et obtient une sentence. Le problème, c’est que les accusés ou ceux qui sont reconnus coupables dans la vraie vie ne respectent pas leurs conditions. Voilà le problème. Ce sont les femmes qui nous le disent; c’est pourquoi elles ne dénoncent pas, d’ailleurs. Merci.
[Traduction]
La présidente : Chers collègues, l’amendement est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Voulez-vous un vote par appel nominal?
La sénatrice Batters : Oui.
M. Palmer : C’est le vote sur l’amendement du sénateur Boisvenu.
L’honorable sénatrice Jaffer?
La sénatrice Jaffer : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Downe?
Le sénateur Downe : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?
La sénatrice Dupuis : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Gold?
Le sénateur Gold : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Harder?
Le sénateur Harder : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Smith?
Le sénateur Smith : Oui.
M. Palmer : Nous avons quatre sénateurs pour et neuf sénateurs contre.
M. Palmer : L’amendement est rejeté.
La présidente : L’article 14 est-il adopté, honorables sénateurs?
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 15 est-il adopté?
L’article 16 est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 17 est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 18 est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 19 est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 20 est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : L’article 21 est-il adopté?
Le titre est-il adopté?
Le projet de loi est-il adopté?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
La présidente : Honorables sénateurs, le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport? On vous a envoyé des observations. Le sénateur Dalphond vous a envoyé la première.
Le sénateur Dalphond : Vous avez le texte de l’observation, et je ne vais donc pas la lire. Je vais toutefois résumer en quoi elle consiste essentiellement. J’ai été impressionné par beaucoup de témoins, surtout le denier, l’agent de la GRC qui était aussi président des agents de la GRC — plus ou moins de leur syndicat.
Il a dit que dans le système, dans des régions éloignées des provinces et des Territoires du Nord-Ouest et ailleurs, le manque de ressources en santé fait en sorte que des accusations sont portées contre des gens, qu’on a recours aux tribunaux plutôt qu’au système de santé — et ce projet de loi repose sur la déjudiciarisation dans les affaires de drogue et de consommation de drogue, dans ce genre de dossiers, qui portent d’abord et avant tout sur des problèmes de santé.
Malheureusement, je pense que tous les témoins qui ont comparu ici appuient cette partie du projet de loi. Mais le projet de loi atteindra son objectif seulement si les ressources sont là. C’est l’esprit des observations, à savoir demander au gouvernement de bien vouloir collaborer avec les provinces, avec les intervenants, afin que les ressources nécessaires soient affectées pour que la deuxième option, c’est-à-dire le recours au système de santé, soit utilisée et offerte.
La sénatrice Simons : Je remercie le sénateur Dalphond pour son observation. J’allais rédiger quelque chose de similaire pour me rendre compte, en le lisant, que je ne pouvais pas faire mieux. Je crois que c’est extrêmement important. Nous ne pouvons pas rediriger les gens vers un endroit qui n’existe pas.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une question pour le sénateur Dalphond.
Il y a plusieurs des témoins qui ont parlé du problème comme d’un problème de santé publique.
Seriez-vous d’accord pour ajouter ce volet à la troisième ligne de votre observation et au dernier point de la page 1, au sixième point, à l’avant-dernière ligne? C’est beaucoup plus qu’un problème de santé individuel et cela a pris des proportions qui en font un problème de santé publique. Je crois qu’il est important de le reconnaître.
Le sénateur Dalphond : Ce serait donc dans le premier paragraphe, à la ligne 3, « […] un problème social et de santé publique »? Le dernier point noir, ce serait la quatrième ligne?
La sénatrice Dupuis : La cinquième ligne, « […] substance comme un problème de santé publique ».
Le sénateur Dalphond : Le mot « publique » serait ajouté avec une virgule; parfait, je suis tout à fait d’accord si tout le monde l’est.
Je voudrais également dire à la sénatrice Simons que j’apprécie beaucoup son commentaire et ses remerciements. J’ai peut-être eu l’idée, mais les hommages devraient aller à Julian et Michaela, qui nous aident beaucoup au comité et qui ont été la main derrière la pensée.
J’ai eu très peu de changements à faire dans ce qu’ils m’ont proposé.
Le sénateur Boisvenu : J’ai une question, car je n’ai pas bien suivi ce qui se passait.
Il y a une phrase qui dit ceci : « […] il leur faudrait plutôt envisager d’émettre un avertissement et d’orienter les personnes vers des ressources appropriées ou ne rien faire ».
On est bien dans les mesures de déjudiciarisation? Je crois que c’est à la fin.
Le sénateur Dalphond : Oui, à la fin du premier paragraphe.
Le sénateur Boisvenu : Vous dites « ou ne rien faire », à moins qu’il ne soit plus là.
Le sénateur Dalphond : Non, il est là, vous avez raison.
Le sénateur Boisvenu : C’est comme si on leur offrait deux choix : ou vous orientez ces gens avec des problèmes de consommation vers des ressources, ou vous ne faites rien.
J’ai l’impression que c’est très préjudiciable par rapport aux policiers d’inscrire cela dans un texte, non? Je crois que les policiers doivent agir.
Le sénateur Dalphond : Effectivement, ils émettent un avertissement ou ils vont dans la voie criminelle ou les orientent vers le système de santé.
Peut-être que l’on pourrait écrire plutôt ceci : « […] d’émettre un avertissement ou d’orienter les personnes vers les ressources appropriées », et biffer les mots « ou de ne rien faire », pour éviter toute ambiguïté.
Le sénateur Boisvenu : Oui, merci.
Le sénateur Dalphond : Excellente suggestion, merci.
La dernière ligne du premier paragraphe dirait ceci : « […] d’émettre un avertissement ou d’orienter les personnes vers les ressources appropriées. »
La sénatrice Dupuis : J’ai une autre question pour le sénateur Dalphond sur le troisième point noir, à la page 1.
Compte tenu du fait qu’on parle ici de la police, il y a aussi les procureurs du système judiciaire et le système de justice en général. Dans le troisième point, on parle du pouvoir discrétionnaire accordé aux policiers ou aux procureurs par le projet de loi C-5 en disant : « […] cela n’a pas pour effet de renforcer le racisme systémique ».
J’aimerais comprendre pourquoi on n’utiliserait pas plutôt le terme « discrimination systémique ». La « discrimination systémique » renvoie à un concept juridique qui est très bien établi dans le droit, alors que, pour ce qui est du « racisme systémique », beaucoup de gens contestent l’expression en disant qu’il s’agit d’un concept sociologique plus ou moins défini.
Il y a beaucoup de controverse autour de ce terme, alors que l’autre est très clair; la discrimination va à l’encontre de la loi, et je pense que c’est cela qu’on veut. Il y a trop de cas de profilage racial pratiqué par les policiers, par exemple, et qui ont été bien établis, pour qu’on hésite à nommer les choses telles qu’elles sont : c’est de la discrimination.
Le sénateur Dalphond : C’est un très bon point; je crois que la précision que vous suggérez de faire convient.
Donc, cela pourrait se lire ainsi : « […] pour effet de renforcer la discrimination systémique ». En anglais, ce serait ceci : « […] infringing systemic discrimination ».
[Traduction]
La sénatrice Batters : À ce sujet, je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi nous procédons ainsi. Nous avons des pages d’observations. Nous venons tout juste d’adopter, avec dissidence, un projet de loi très détaillé du gouvernement qui pourrait être très dommageable. Ensuite, pour que nous nous sentions mieux, nous allons ajouter cette observation d’une page, qui, pour être franche, répète beaucoup de choses que l’on fait déjà dans le système avec plus ou moins de succès d’un bout à l’autre du pays. La Saskatchewan a un programme de mesures de déjudiciarisation très robuste. Je ne peux pas parler plus précisément de ce qui se fait ailleurs.
Je ne sais pas pourquoi nous procédons ainsi. Cela me semble inutile, et j’ignore comment c’est censé nous faire sentir mieux après avoir adopté des projets de loi volumineux. Le gouvernement a montré à maintes reprises qu’il ne porte pratiquement pas attention aux mandats législatifs lorsqu’il est censé examiner une loi après un certain nombre d’années. Il n’arrive pas à s’acquitter de cette tâche. Comment va-t-il porter attention à quelque chose comme cela?
Le sénateur Dalphond : Il y a deux choses. Premièrement, j’admire l’engagement de la sénatrice Batters à observer ce principe. Je pense que je suis ici depuis presque cinq ans, et à chaque rapport, vous dites que nous devrions faire comme avant et avoir de brèves observations ou aucune observation. Je comprends que c’était la façon de faire à l’époque, et c’est peut-être ainsi qu’il faudrait procéder à l’avenir. Je ne sais pas. Ce n’est toutefois pas de ce que j’ai observé au cours des quatre dernières années et demie.
Deuxièmement, tout ce qui est dit ici a été mentionné par les témoins. Tous les intervenants en Colombie-Britannique, les gens des systèmes de santé, les agents de la GRC et les chefs de police qui ont témoigné nous ont demandé de ne pas les laisser faire tout le travail sans leur donner les ressources nécessaires.
À mon avis, il n’y a pas de mal à le répéter aux responsables du gouvernement. Écouteront-ils? Je m’en remets à vous. Je sais que vous êtes sceptique. J’espère qu’ils écouteront.
La présidente : Chers collègues, l’observation du sénateur Dalphond est-elle adoptée?
Une voix : J’aimerais un vote par appel nominal, monsieur le président.
Le greffier : Je vais procéder à un vote par appel nominal concernant l’ajout de l’observation du sénateur Dalphond à la fin de notre rapport.
L’honorable sénatrice Jaffer?
La sénatrice Jaffer : Oui.
Le greffier : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
Le greffier : L’honorable sénateur Boisvenu?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
Le greffier : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Oui.
Le greffier : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Oui.
Le greffier : L’honorable sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Oui.
Le greffier : L’honorable sénateur Downe?
Le sénateur Downe : Oui.
Le greffier : L’honorable sénatrice Dupuis?
La sénatrice Dupuis : Oui.
Le greffier : L’honorable sénateur Harder?
Le sénateur Harder : Oui.
Le greffier : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
Le greffier : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Oui.
Le greffier : L’honorable sénateur Gold?
Le sénateur Gold : Oui.
Le greffier : L’honorable sénateur Smith?
Le sénateur Smith : Oui.
M. Palmer : Treize sénateurs ont voté pour et aucun contre.
La présidente : Honorables sénateurs, vous avez des observations devant moi et, à bien y réfléchir, la sénatrice Batters nous rappelle toujours de faire des observations courtes, et je ne vais donc pas vous présenter les miennes. J’aurais dû faire preuve de plus de discernement.
Chers collègues, puis-je faire rapport au Sénat du projet de loi avec des observations?
Des voix : D’accord.
La présidente : Honorables sénateurs, il n’y aura pas de réunion demain puisque nous avons terminé ce que nous étions censés faire.
Nous nous pencherons sur le projet de loi S-210 mercredi prochain. Merci, chers collègues.
(La séance est levée.)