LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 20 (HE), avec vidéoconférence, pour l’étude du projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite.
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je suis la sénatrice Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique, et j’ai le plaisir de présider le comité.
[Français]
J’aimerais d’abord demander aux membres de se présenter, en commençant par ma droite.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je suis la sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Je suis le sénateur Brent Cotter, de la Saskatchewan.
Le sénateur Smith : Je suis le sénateur Larry Smith, du Québec.
Le sénateur Klyne : Je suis le sénateur Marty Klyne, du territoire visé par le Traité no 4, en Saskatchewan.
La sénatrice Pate : Je suis la sénatrice Kim Pate, des rives de la Kitchissippi, ici même, sur le territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine anishinabe.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.
La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice indépendante, division Les Laurentides, au Québec.
La présidente : Merci, honorables sénatrices et sénateurs.
[Traduction]
Aujourd’hui, nous allons terminer notre étude du projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite.
Chers collègues, avant de commencer, j’aimerais vous rappeler quelques points. Si, à un moment donné, vous ne savez plus trop où nous en sommes, n’hésitez pas à demander des précisions. Il est important pour moi que tout le monde comprenne en tout temps où nous sommes rendus dans le processus.
À titre de présidente, je ferai de mon mieux pour que tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole puissent le faire. Cependant, je vais devoir compter sur votre coopération et je vous demande à tous de faire preuve de considération envers vos collègues et d’être aussi concis que possible.
Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs que, s’ils ont le moindre doute quant aux résultats d’un vote par oui ou non, ou d’un vote à main levée, la meilleure façon de procéder est de demander un vote par appel nominal, ce qui éliminera évidemment toute ambiguïté.
Par ailleurs, nous savons tous qu’en cas d’égalité des voix, la motion sera rejetée. Y a-t-il des questions? Nous allons donc commencer.
Honorables sénateurs, comme cela fait sept mois, j’ai demandé à la sénatrice Miville-Dechêne de venir faire quelques observations, histoire de nous rafraîchir la mémoire, d’autant plus que notre comité compte de nouveaux membres.
La sénatrice Miville-Dechêne : Chers collègues, puisque sept mois se sont écoulés depuis la fin des audiences, la présidente de votre comité a proposé que je vous rappelle les points saillants du projet de loi S-210.
L’objectif du projet de loi est simple : protéger les mineurs contre les méfaits de l’exposition précoce à la pornographie. Ces méfaits sont bien documentés. Dans son mémoire, le Centre canadien de protection de l’enfance écrit ceci :
Des études ont mis en évidence les nombreux effets négatifs de la pornographie sur les enfants :
Difficulté à tisser des liens sains.
Croyances et comportements sexuels préjudiciables. [...] une croyance erronée selon laquelle les femmes et les filles sont toujours disponibles sur le plan sexuel [...] des attitudes et des croyances néfastes concernant le consentement sexuel.
Une banalisation du préjudice sexuel.
Dans le monde réel, l’accès aux bars de danseuses et aux cinémas pornographiques est réservé aux personnes âgées de 18 ans et plus. Le projet de loi S-210 vise essentiellement à appliquer la même règle au monde virtuel.
En décembre dernier, Ava Vakil, une jeune Britannique, a déclaré ce qui suit au Guardian :
Il est tout simplement incroyable que les enfants n’aient pas le droit de regarder des films classés « 18 ans et plus » au cinéma, alors qu’ils peuvent accéder à du contenu sexuellement violent et explicite en quelques tapotements de doigts.
D’autres pays se sont déjà attaqués à ce problème ou s’apprêtent à le faire, mais le gouvernement du Canada ne semble pas y accorder toute l’attention voulue. Lors de son témoignage, le professeur Pierre Trudel a résumé ainsi la raison d’être et la pertinence du projet de loi S-210 :
[...] le projet de loi uniformise les règles du jeu sur le plan juridique, pour ainsi dire, en faisant en sorte que ce qui est interdit hors ligne le soit aussi en ligne.
L’objectif fondamental du projet de loi S-210 est d’obliger les sites pornographiques à effectuer une vérification efficace de l’âge de leurs utilisateurs. Le projet de loi S-210 est, en fait, une version améliorée du projet de loi S-203, qui a été étudié par votre comité et adopté par le Sénat en juin 2021, mais qui est mort au Feuilleton.
Le projet de loi érige en infraction le fait pour des organisations de rendre accessible aux jeunes du matériel sexuellement explicite sur Internet à des fins commerciales. Il est important de souligner que le projet de loi ne vise pas les particuliers.
Pour éviter les sanctions, les sites pornographiques doivent mettre en place un mécanisme de vérification de l’âge prescrit par règlement.
La loi prévoit des amendes maximales de 250 000 $ pour une première infraction. Dans la pratique, cependant, il est peu probable que ces amendes soient imposées, car les sites pornographiques sont presque toujours basés à l’étranger, ce qui rend difficile l’application de la loi.
C’est pourquoi le projet de loi S-210 prévoit également un processus administratif d’application : en effet, un organisme ou un ministère désigné du gouvernement fédéral peut demander à la Cour fédérale d’ordonner le blocage des sites Web qui contreviennent à la loi au Canada. Ce processus ne s’appliquerait qu’après l’envoi d’un avis détaillé, suivi d’un délai de 20 jours. Les sites pornographiques délinquants pourraient donc être bloqués, même s’ils sont basés à l’étranger.
Je tiens à souligner que le projet de loi S-210 a été élaboré en consultation avec plusieurs experts nationaux et internationaux, en tenant compte d’importants rapports internationaux, et qu’il s’inspire de lois existantes ou proposées en France, en Allemagne et au Royaume-Uni.
Enfin, il va sans dire que le projet de loi ne limite en rien l’importance de l’éducation sexuelle et du rôle des parents. Ces approches restent fondamentales, mais, de toute évidence, elles sont insuffisantes à l’heure où la pornographie est devenue omniprésente et exempte de tout contrôle réel.
Selon le mémoire présenté au comité par l’International Centre on Sexual Exploitation, soit le centre international contre l’exploitation sexuelle :
Les sondages d’opinion publique effectués dans d’autres pays démocratiques ont révélé que la majorité des adultes sont favorables à la mise en place d’une vérification de l’âge pour protéger les enfants contre l’exposition à la pornographie. Par exemple, une étude réalisée en 2019 au Royaume-Uni a révélé que 83 % des parents étaient d’accord pour que des contrôles rigoureux de la vérification de l’âge soient mis en place pour empêcher les enfants de visionner de la pornographie en ligne. Selon des recherches menées en Australie en 2021, 78 % des adultes sont favorables à la vérification de l’âge [...] Nous n’avons aucune raison de croire que l’opinion publique au Canada serait très différente des résultats de cette recherche internationale.
Le comité a entendu 13 témoins et reçu 17 mémoires au sujet du projet de loi S-210. Parmi ces 30 témoins et mémoires, seulement 5 étaient contre le projet de loi. Toutefois, certains problèmes précis ont été relevés — trois en particulier —, et j’aimerais en discuter brièvement.
Premièrement, certains membres du comité ont remis en question le choix de la compétence fédérale en matière de droit criminel pour exiger la vérification de l’âge sur les sites pornographiques. Je peux vous dire qu’au terme de longues discussions avec le greffier législatif, que nous avons convenu que c’était la meilleure option. La France et l’Allemagne ont également invoqué la compétence en matière de droit criminel dans le cadre de leurs lois respectives.
La plupart des juristes qui ont témoigné ou présenté des mémoires au comité — y compris l’Association du Barreau canadien — n’ont pas contesté le recours au droit criminel. Voici ce que Me Audrey Boctor et la professeure Catherine Mathieu écrivent dans leur mémoire :
[...] le caractère véritable du [projet de loi] S-210 peut se qualifier comme étant de protéger la santé et la sécurité des jeunes et d’éviter les répercussions néfastes de leur exposition à du matériel sexuellement explicite sur Internet.
Ce caractère véritable satisfait à notre avis aux trois critères permettant de le rattacher à la compétence en droit criminel.
Elles concluent en disant :
[...] nous sommes d’avis que le [projet de loi] S-210 remplit toutes les conditions pour se rattacher à la compétence fédérale en matière de droit criminel et qu’il s’inscrit dans la lignée d’autres mesures législatives qui ont été jugées comme relevant du droit criminel. Sans préjuger de la validité ou de l’opportunité de fonder la réglementation [...] sur la compétence fédérale en matière de télécommunications, il semble que cette voie soit a priori plus complexe du point de vue du cadre législatif existant et de la jurisprudence récente concernant le partage des compétences.
Deuxièmement, dans son mémoire au comité, MindGeek prévient que si la vérification de l’âge devient obligatoire, les moteurs de recherche comme Google favoriseront, dans leurs résultats de recherche, les sites en infraction parce que les « taux de rebond » de ces derniers seront inférieurs à ceux des sites dotés d’un processus de vérification de l’âge. Or, cette affirmation ne tient pas la route, comme l’a expliqué Colin McKay, représentant de Google. Dans ses résultats de recherche, Google tient compte de plusieurs facteurs, et l’illégalité d’un site a plus d’importance que ses taux de rebond. M. McKay a également déclaré que les plateformes pornographiques étaient les mieux placées pour limiter l’accès des mineurs à leurs sites et que l’exigence de vérification de l’âge était le bon moyen d’y parvenir.
Certains ont également dit craindre que le projet de loi S-210 ne soit pas efficace, car il existe des millions de sites pornographiques sur le Web. Toutefois, le British Board of Film Classification a répondu ainsi à cet argument devant un comité parlementaire australien :
Étant donné que 70 % du trafic britannique ne visite que les 50 principaux sites — et que ces sites appartiennent à un nombre encore plus restreint d’entreprises —, nous étions convaincus que nos efforts auraient une incidence importante, et ce, en relativement peu de temps.
Enfin, certains ont affirmé que le projet de loi S-210 ne réglera rien, car certains jeunes échapperont aux contrôles en utilisant des réseaux privés virtuels et d’autres méthodes. Voici ce que l’expert européen John Carr écrit à propos de cet argument :
C’est un mythe commode que de croire que tous les enfants sont des internautes hyper calés qui connaissent toutes les astuces techniques du monde et qui veulent enfreindre toutes les règles ou faire fi de toutes les restrictions.
Les preuves [...] pointent dans une autre direction et suggèrent qu’en fait, la plupart des enfants ne savent pas comment contourner la plupart des obstacles et, même parmi ceux qui le savent, seule une faible proportion (6 %) s’en donne la peine.
En tout cas, il est évident que le projet de loi S-210 ne réglera pas tous les problèmes. Dans son témoignage, Pierre Trudel a répondu ainsi à cette objection :
[...] toutes les lois peuvent être contournées et à mon avis, ce n’est pas un critère approprié. On ne peut pas invoquer le fait qu’une loi peut être contournée pour dire qu’elle n’a pas sa raison d’être. Sinon, il faudrait abolir le Code criminel dans son entièreté, car malheureusement, beaucoup de dispositions du Code criminel sont contournées ou ignorées au Canada, et ce, tous les jours.
En Australie, le comité permanent de la politique sociale et des affaires juridiques a publié en 2020 un important rapport intitulé Protecting the age of innocence. Dans son rapport, le comité écrit ceci :
[...] l’objectif de la vérification de l’âge n’est pas d’empêcher de manière irréaliste tout accès des enfants à la pornographie en ligne, mais plutôt de créer un obstacle considérable à l’accès et, en particulier, d’empêcher l’accès fortuit et accidentel [...]
Le comité reconnaît que la vérification de l’âge n’est pas une solution miracle — certains sites Web contenant du matériel pornographique pourraient y échapper, et certains jeunes tenaces pourraient trouver des moyens de contourner le système. Toutefois, lorsqu’il s’agit de protéger les enfants contre les dangers bien réels associés à l’exposition à la pornographie en ligne, le comité est fermement convaincu qu’il ne faut pas laisser la perfection être l’ennemie du bien.
J’appuie sans réserve cette conclusion. Je vous remercie de votre attention. Si vous en avez besoin, j’ai des copies papier de mes notes d’allocution en français et en anglais.
La présidente : Merci beaucoup.
Je crois comprendre que la sénatrice Dupuis souhaite nous rappeler quelque chose.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je n’ai pas de commentaire à faire à ce moment-ci. Merci.
[Traduction]
La présidente : Chers collègues, vous plaît-il de procéder à l’étude article par article?
Il est convenu que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite?
L’étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du préambule est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude de l’article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 3 est-il adopté?
Le sénateur Dalphond : Sénatrice Miville-Dechêne, l’expression « matériel sexuellement explicite » s’entend au sens qui lui est donné pour l’application du paragraphe 171.1(1) du Code criminel. Est-ce que cela inclut la pornographie juvénile?
La sénatrice Miville-Dechêne : Non. Voulez-vous que je...
Le sénateur Dalphond : Non. Le projet de loi n’empêchera donc pas la distribution de la pornographie juvénile?
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est visé par un autre article du Code criminel. Voulez-vous que je lise...
Le sénateur Dalphond : Oui, mais votre projet de loi n’y fait pas référence.
La sénatrice Miville-Dechêne : Non.
Le sénateur Dalphond : Peut-on définir le matériel sexuellement explicite en excluant cette notion?
La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne pense pas que cela l’exclue. C’est une double définition.
[Français]
Quand vous regardez la définition du matériel sexuellement explicite figurant dans le Code criminel, la question que ce soit un adulte ou un enfant n’en fait pas partie, parce qu’il y a une autre infraction criminelle qui couvre la distribution de pédopornographie.
Voulez-vous que je vous lise ce qui représente du matériel sexuellement explicite?
Le sénateur Dalphond : Le paragraphe 171.1(5) le définit comme étant le matériel suivant, à l’exclusion de la pornographie juvénile.
[Traduction]
Il n’y est pas question de la pornographie juvénile.
[Français]
La définition que nous avons devant nous couvrira tout, sauf la pornographie juvénile.
Je pose la question à titre de réflexion. Ce n’est pas mon projet de loi, mais si nous devons l’adopter aujourd’hui, nous devons être conscients de ce que nous faisons.
Le sénateur Boisvenu : Comme l’a indiqué la sénatrice Miville-Dechêne, il y a déjà un chapitre au Code criminel sur la pornographie juvénile. Est-ce que le fait de ne pas l’avoir dans le projet de loi actuel a une incidence sur le Code criminel?
Le sénateur Dalphond : Non. La loi actuelle ne vise qu’à rendre accessibles certains types de matériels, et la pornographie juvénile n’est pas visée par cette loi-là. L’interdiction, la demande à la Cour fédérale pourrait s’appliquer à tout le matériel pornographique, à l’exception de la pornographie juvénile. Le juge ne peut pas le leur accorder, parce que la définition ne comprend pas la pornographie juvénile.
Je pose la question pour qu’on y réfléchisse. Ce n’est pas mon projet de loi. Je l’ai dit, j’ai des réticences vis-à-vis de ce projet de loi.
Le sénateur Boisvenu : Selon vous, est-ce que la solution serait d’amender le projet de loi en y intégrant la pornographie juvénile?
Le sénateur Dalphond : Ce serait sans doute mieux que de ne pas l’avoir.
La sénatrice Miville-Dechêne : Il me semble que ce projet de loi couvre la pornographie légale. L’idée est d’empêcher les enfants d’avoir accès à ce matériel, et plusieurs autres dispositions du Code criminel font que la pédopornographie, ou l’exploitation sexuelle des jeunes en général, est illégale. Il y a eu des scandales récemment sur le fait qu’à l’intérieur de ces sites, il y avait des images auxquelles des mineurs avaient accès et où l’on ne demandait pas de consentement.
Toutefois, ce sont des articles différents qui s’appliquent. Je ne crois pas qu’on puisse dire qu’ils vont y échapper. Le but de cette loi est d’empêcher les enfants d’être exposés à de la pornographie légale. D’autres articles couvrent l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Pour répondre au sénateur Dalphond, si j’ai bien compris son questionnement, ce qui est inquiétant, c’est le fait que la pornographie juvénile soit exclue du projet de loi et, par conséquent, qu’elle ne soit pas vraiment prise en compte dans le cadre général. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais je constate qu’à l’article 163.1 du Code criminel, l’accès à la pornographie juvénile constitue en soi une infraction. Même si le projet de loi n’en parle pas explicitement, les gens seraient tout de même tenus criminellement responsables; j’ai donc l’impression que rien n’est négligé ici, du moins à mon sens.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’avais un peu la même question. C’est une question que l’on s’est posée au moment où l’on a examiné ce projet de loi au printemps et à l’hiver dernier. On s’interrogeait sur le contenu du projet de loi par rapport à ce qui se trouve dans le Code criminel et on se demandait si c’était une façon efficace de combattre l’accès à du matériel sexuellement explicite.
Est-ce que je peux demander à la sénatrice Miville-Dechêne de nous dire ce qu’elle vise exactement par la définition qu’elle donne de « matériel obscène » dans le projet de loi S-210?
La sénatrice Miville-Dechêne : Il n’y a pas de « matériel obscène », c’est « matériel sexuellement explicite ».
La sénatrice Dupuis : On fait référence ici à du « matériel obscène », donc j’imagine que c’est une erreur dans le document qui nous a été distribué. Donc, « sexuellement explicite », oui.
La sénatrice Miville-Dechêne : Quelle est votre question?
La sénatrice Dupuis : Qu’est-ce qu’on vise dans ce projet de loi?
La sénatrice Miville-Dechêne : Le matériel sexuellement explicite est défini dans le Code criminel au paragraphe 171.1(5). Il est question ici de :
a) toute représentation photographique, filmée, vidéo [...]
(i) soit où figure une personne se livrant ou présentée comme se livrant à une activité sexuelle explicite,
(ii) soit dont la caractéristique dominante est la représentation, dans un but sexuel, des seins, des organes génitaux ou de la région anale d’une personne;
Je crois que ce qu’il est important de noter, c’est qu’on parle de « représentation explicite ». Il y a eu des jugements sur cette question qui ont bien précisé qu’on ne parlait pas ici de corps nu pris de loin, mais bien spécifiquement d’actes sexuels visibles de près, et qui étaient donc explicites. Je crois que c’est important. Cette définition existe et elle a été raffinée par les jugements des cours; cela n’a rien de banal que de parler de matériel sexuellement explicite.
La sénatrice Dupuis : Je suis retournée dans mes notes à la suite des témoignages que nous avons entendus sur la définition suivante :
a) toute représentation photographique, filmée, vidéo ou autre, réalisée ou non par des moyens mécaniques ou électroniques;
Est-ce que cela laisse des plateformes comme des médias sociaux à l’écart de cet article? Quand on renvoie au paragraphe 171.1(5), on donne la définition de ce qu’on entend quand on parle de ce genre de matériel. Est-ce que, dans votre souvenir ou dans vos recherches, cela exclut ou non les plateformes? Il y a un problème d’accès, et ce n’est pas couvert par le paragraphe 171.1(5).
La sénatrice Miville-Dechêne : Je me rappelle que nous avons eu une discussion sur la portée du projet de loi.
La sénatrice Dupuis : Oui.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ce que je vous en avais dit à l’époque, c’était qu’on ciblait précisément les plateformes pornographiques et on l’avait indiqué dans le préambule, bien que l’on sache que le préambule soit une façon, mais pas la seule, d’indiquer la portée du projet de loi. C’est pour cela qu’on dit :
qu’une proportion importante du matériel sexuellement explicite est rendue accessible sur Internet à des fins commerciales — en particulier par le biais de sites pornographiques [...]
C’est le deuxième paragraphe du préambule.
Je trouve que le témoin Colin McKay, qui est venu nous parler, a bien circonscrit le débat en disant que oui, c’est vrai, comme moteur de recherche, Google peut référencer les sites, mais eux jugeaient que c’étaient les fournisseurs de contenu qui devraient avoir des systèmes de vérification d’âge. Une fois la loi en place, des moteurs de recherche comme Google vont l’appliquer. Cela pourrait vouloir dire déréférencer ou mettre très bas dans la liste des sites qui ne respectent pas la loi. Quant aux médias sociaux, rapidement, vous avez raison de dire que c’est un autre enjeu. Le matériel sexuellement explicite existe en plus petits segments dans les différents médias sociaux et c’est un très grand champ d’intervention. Mon projet de loi ne prétend pas cibler l’ensemble de l’Internet. C’est un premier pas, parce que les jeunes regardent plus fréquemment de la porno sur les sites pornographiques consacrés à la pornographie.
La sénatrice Dupuis : On avait vu qu’il y avait quelque chose comme 15 millions de sites accessibles par Google. On avait fait la recherche avec le témoin de Google.
La sénatrice Miville-Dechêne : Des sites pornographiques, il y en a des millions, mais ce qui nous rassure, c’est qu’il y en a environ 50 qui sont plus regardés. Quand on pense à légiférer, on peut penser que ces 50 sites sont possédés par moins de propriétaires; c’est quand même réaliste de chercher à toucher ce que les jeunes regardent le plus. Par contre, il y a des millions de sites à travers le monde.
La sénatrice Dupuis : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Sénatrice Miville-Dechêne, je vous remercie infiniment. J’ai bien aimé le résumé que vous nous avez fait avant que nous nous attelions à la tâche aujourd’hui. Vous avez apporté des précisions et attiré notre attention sur des faits importants, notamment le fait que la mouture précédente du projet de loi a été adoptée par le comité. Le projet de loi dont nous sommes saisis est, comme vous le dites, une version améliorée, mais dans le cadre de cette étude précise, il y a eu 30 témoins, et seulement 5 étaient contre le projet de loi.
La sénatrice Miville-Dechêne : Il y a eu 30 témoins et mémoires.
La sénatrice Batters : C’était donc 30 témoins et mémoires, pris ensemble; d’accord, merci beaucoup pour cette précision.
Il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire, après tout. Vous avez fait un effort courageux pour traiter d’un vaste sujet. En même temps, lorsque les gens vous demandent si telle ou telle chose est incluse, vous n’êtes pas le gouvernement du Canada, après tout. N’est-il pas vrai que vous essayez simplement de traiter d’un aspect précis — certes, un aspect important qui s’est révélé assez vaste, mais vous n’essayez pas de tout viser — et vous laissez au gouvernement du Canada le soin de continuer, on l’espère, à chercher des moyens d’améliorer le Code criminel par rapport au problème important qu’est la pornographie juvénile et à trouver des façons de nous y attaquer?
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Absolument. Je vous remercie de votre question parce que, en effet, ce projet de loi est très ciblé et c’est à dessein, parce que quand on rédige un projet de loi d’initiative sénatoriale, il ne faut pas embrasser trop large. N’oublions pas que le gouvernement lui-même a promis d’intervenir dans un projet de loi après le projet de loi C-18, qui portera sur les préjudices en ligne. Il y a eu des consultations et il a été question de discours haineux et de harcèlement. Le gouvernement prévoit de présenter un projet de loi fort ambitieux afin d’essayer de diminuer les préjudices en ligne plus généraux, notamment contre les jeunes filles.
Donc, mon projet de loi est plus modeste, et la raison pour laquelle je poursuis cette quête depuis deux ans, c’est parce que j’ai le sentiment que la pornographie est un angle mort du gouvernement dans toutes ces questions de préjudices en ligne. Je n’ai pas eu de conversations qui me permettent de croire jusqu’à maintenant que c’est une préoccupation importante du gouvernement. Bien sûr, les gouvernements font des choix. J’ai donc choisi de poursuivre.
Je dois vous dire qu’il est vrai que c’est un projet de loi privé. J’ai une petite équipe, mais elle est très vaillante. Malgré nos ressources limitées, parce que nous avons eu du temps et parce qu’il y a eu la COVID, j’ai pu faire beaucoup de recherche, et c’est étonnant tout ce que nous avons fait avec les réunions sur Zoom et Teams. J’ai pu parler avec des gens de partout dans le monde, comme en Allemagne, où on en est beaucoup plus loin, en France et en Angleterre. J’ai pu bénéficier des erreurs qui ont été faites là-bas et des corrections qui ont été apportées.
Bien sûr, je ne suis pas le gouvernement, et heureusement la réglementation qui est au cœur de cette loi se fera si le projet de loi se rend jusqu’au bout, en tenant compte de toutes les nouvelles technologies qui apparaîtront, parce que tout cela continue d’évoluer. Donc, c’est assez complexe.
Le sénateur Dalphond : Pour ce qui est de la définition du mot « organisation »...
[Traduction]
Je déduis de vos réponses que les organisations telles que vous les percevez — conformément à l’objectif du projet de loi — n’englobent pas Twitter ou Instagram, par exemple. Vous avez dit que vous ciblez les principaux producteurs de matériel pornographique comme Pornhub.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Effectivement. Voilà ma cible. Cela dit, le mot « organisation » est plus large que cela tel qu’il est défini dans le Code criminel. On le définit comme étant toute « [...] personne morale, société, compagnie, société de personnes, entreprise, syndicat professionnel ou municipalité ». Il reste que le projet de loi existe. La question de savoir plus précisément où doivent se porter les efforts pour la mise en œuvre pourra être davantage définie dans la réglementation. Par exemple, on pourra déterminer qu’il s’agit des organisations qui ont des plateformes ou des contenus qui présentent plus de 30 % de pornographie. De cette façon, effectivement, on va limiter le nombre d’organisations qui sont d’abord ciblées.
Encore une fois, je trouvais délicat d’aller autant dans les détails dans le projet de loi, parce que tout cela change. De plus, les pays qui sont en train de travailler sur ces dossiers et qui ont déjà adopté des lois raffinent les définitions pour arriver vraiment à leur but. Dans ce cas-ci, j’ai préféré laisser le mot « organisation », qui n’était pas comme cela au début, et laisser à la réglementation le soin de faire plus de précisions.
Le sénateur Dalphond : Je comprends que cela pourrait viser Twitter. C’est au gouvernement de décider par réglementation si cela inclut Twitter ou non.
La sénatrice Miville-Dechêne : Voilà.
Le sénateur Dalphond : Je lisais le rapport du comité sénatorial français qui a été rendu public à la fin de septembre. On y fait le constat que l’amendement au Code pénal est totalement ineffectif et n’a pas d’application en France, et qu’il s’agit d’un amendement purement symbolique. La réalité est que la pratique n’a pas changé.
Puis, on peut lire dans le rapport, notamment à la page 79, qu’en plus des sites qui ne respectent pas la réglementation — soit parce qu’ils ne sont pas basés en France ou, même quand ils le sont, ils ont pu contourner la législation —, il y a aussi tous les utilisateurs qui utilisent les réseaux privés virtuels (RPV). Ces réseaux, qui ne sont pas du tout couverts par la réglementation, échappent à tout cela, parce qu’ils se trouvent techniquement à l’extérieur de la France. On dit que les jeunes en général possèdent des comptes RPV. On peut y lire aussi ce qui suit :
Or de nombreux comptes sur Twitter ou Instagram affichent des contenus pornographiques ou font la promotion de contenus disponibles sur d’autres sites, comme Onlyfans. Des avertissements sont parfois affichés mais tel n’est pas toujours le cas et un simple clic permet de passer outre l’avertissement.
Ce que le groupe de sénatrices et de sénateurs français a constaté, essentiellement, c’est que les réseaux sociaux sont une grande source de pornographie chez les jeunes. Ce que vous nous dites, c’est qu’on n’est pas certain que les réseaux sociaux sont visés par votre loi et que ce ne sont pas eux que l’on vise, et vous dites que si le gouvernement veut les inclure, il pourra le faire par réglementation.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne dis pas tout à fait cela, puisque je vous ai dit aussi que le gouvernement travaillait sur un projet de loi plus large sur les préjudices en ligne, où on travaille beaucoup avec cette idée que les plateformes elles‑mêmes doivent respecter dans leur conception le fait de protéger les enfants, et donc de créer des barrières dans la conception des programmes, qui permettront de détecter si des enfants fréquentent des endroits qu’ils ne devraient pas fréquenter, des endroits dangereux pour eux.
C’est là où nous en sommes dans les discussions entre gouvernements. Cela vient de l’Angleterre, d’ailleurs, cette idée de « conception selon l’âge ». Cela se veut préventif; c’est l’idée que les plateformes elles-mêmes pourraient participer à cela. Quand on est face aux plateformes pornographiques, ce n’est pas la même dynamique, puisque ce sont des contenus complètement pornographiques et qu’il n’y a eu aucune intention, discussion ou possibilité d’établir ou d’imposer la vérification de l’âge. Étant donné que les jeunes regardent beaucoup ce genre de plateformes, je crois que c’est un début. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas aller plus loin. Encore une fois, je suis bien consciente que c’est un projet de loi privé, qui doit avoir des objectifs ciblés, et je travaille en parallèle avec un gouvernement qui essaie de créer un projet de loi sur les préjudices en ligne.
Le sénateur Dalphond : Cela répond à ma question.
[Traduction]
La présidente : L’article 2 est-il adopté, chers collègues?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 4 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 5 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 6 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 7 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 8 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 9 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 10 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 11 est-il adopté?
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Voulez-vous que je le lise?
[Traduction]
La présidente : Chers collègues, est-ce que tout le monde a une copie de l’amendement? Nous avons des copies supplémentaires ici. Est-ce que quelqu’un en a besoin d’une?
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je propose que le projet de loi S-210 soit modifié à l’article 11, à la page 6 :
a) par substitution, à la ligne 11, de ce qui suit :
« 11 (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, »;
b) par adjonction, après la ligne 14, de ce qui suit :
«(2) Avant de prévoir un mécanisme de vérification de l’âge en vertu du paragraphe (1), le gouverneur en conseil examine si le mécanisme :
a) est fiable;
b) assure le respect de la vie privée des utilisateurs et protège leurs renseignements personnels;
c) recueille et utilise des renseignements personnels à des fins de vérification de l’âge seulement, à moins que la loi ne prévoie d’autres fins;
d) détruit tout renseignement personnel recueilli à des fins de vérification de l’âge, une fois la vérification terminée;
e) respecte généralement les pratiques exemplaires dans les domaines de la vérification de l’âge et de la protection de la vie privée. ».
Je vais prendre quelques secondes pour expliquer l’amendement. Il renvoie directement à deux témoignages que nous avons entendus pendant les audiences, particulièrement celui de Keith Jansa, directeur général du Conseil stratégique des DPI. Il est un expert dans le domaine des technologies. Dans son témoignage, il nous avait dit qu’il était très important d’inscrire dans le projet de loi les mots « mécanisme de vérification de l’âge efficace, fiable et protégeant la vie privée ». Nous nous sommes donc inspirés de cela. Je dois dire aussi que le Barreau canadien a aussi réclamé que les protections de la vie privée soient, si possible, renforcées dans le projet de loi sans donner de recommandation précise. C’est donc ce qui explique cette modification assez simple, finalement, au projet de loi.
La sénatrice Dupuis : Est-ce que je comprends bien que, parmi les trois référents, soit l’efficacité, la fiabilité et le respect de la vie privée, le premier est tombé? On ne retrouve pas le mot « efficace », ici. À moins que je ne lise pas bien...
La sénatrice Miville-Dechêne : Elle est ailleurs. La vérification de l’âge efficace est décrite dans un autre article de mon projet de loi, que je ne connais pas par cœur. C’est dommage.
Donc, cela fait partie de la section intitulée Défense — vérification de l’âge, je crois. Je crois que cela se trouve aussi dans le préambule. Au cinquième paragraphe du préambule, on peut lire ceci, et je cite :
que la technologie de vérification de l’âge en ligne est de plus en plus sophistiquée et peut maintenant vérifier efficacement l’âge des utilisateurs sans violer leurs droits à la vie privée;
La sénatrice Dupuis : C’est une affirmation intéressante, mais on peut dire que c’est une affirmation de préambule et que cela ne mène pas nécessairement à un résultat concret. Pour que cela veuille dire quelque chose, il faudrait que ce soit incorporé dans les vérifications à faire.
La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, mais je vous dirais que le mot « efficace » a été pris en compte; le mot « efficace » peut vouloir dire plusieurs choses pour plusieurs personnes. Ce qui a été fait ici pour parler d’efficacité, c’est d’énumérer d’ailleurs plus de critères.
On peut lire ce qui suit dans l’amendement à l’alinéa 11(2)e), et je cite :
e) respecte généralement les pratiques exemplaires dans les domaines de la vérification de l’âge et de la protection de la vie privée. ».
Aussi, on peut lire ceci dans l’amendement à l’alinéa 11(2)c), et je cite :
c) recueille et utilise des renseignements personnels à des fins de vérification de l’âge seulement, à moins que la loi ne prévoie d’autres fins;
Enfin, à l’alinéa 11(2)d), on peut lire ce qui suit, et je cite :
d) détruit tout renseignement [...]
Donc, je crois que, pour ce qui est de l’efficacité, elle est définie par l’intermédiaire des différents points de cette définition.
La sénatrice Dupuis : En ce sens, est-ce qu’on peut dire que le mot « fiable » n’est pas plus précis que le mot « efficace »? C’est pour cela que je cherche à connaître la raison pour laquelle on utilise l’un plutôt que l’autre. Pourquoi pas les deux?
C’est seulement une question. Je soulève la question pour faire référence à un témoin qui suggérait que, pour que cela se tienne, on devait avoir les trois critères; je retrouve le deuxième dans l’alinéa 11(2)a) et le troisième, dans l’alinéa 11(2)d), mais je ne retrouvais pas le critère de l’efficacité. Cela répond à ma question.
[Traduction]
La présidente : Y a-t-il d’autres questions?
La sénatrice Batters : Diriez-vous que « fiable » et « efficace » sont des termes très semblables qui englobent la notion d’efficacité?
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous dirais que, étant donné la longueur de cette définition, je crois qu’on peut certainement extrapoler en disant qu’il y a une certaine efficacité, si l’on suit ces critères, mais c’est probablement une question d’interprétation.
[Traduction]
La présidente : Chers collègues, vous plaît-il d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : D’accord.
La présidente : Chers collègues, l’article 11 modifié est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 12 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le préambule est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le projet de loi modifié est-il adopté?
[Français]
Le sénateur Dalphond : À cet égard, je vais m’abstenir. Je considère que ce projet de loi poursuit une finalité intéressante, mais qu’il souffre de lacunes importantes. Je considère qu’on envoie un message au gouvernement; si le but de l’adoption du projet de loi est de demander au gouvernement de faire quelque chose, je suis d’accord avec cet objectif. Si le but est de rédiger une loi qui est du droit criminel imparfait, je ne suis pas d’accord.
Je vais donc m’abstenir en ce qui a trait à l’adoption du projet de loi.
La sénatrice Dupuis : Je m’abstiens.
[Traduction]
La présidente : Y a-t-il d’autres observations ou questions? Le projet de loi, avec abstentions, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Chers collègues, est-il convenu que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter les modifications techniques, grammaticales ou toute autre modification secondaire aux amendements adoptés par le comité, y compris la mise à jour des renvois et la renumérotation des dispositions?
Des voix : D’accord.
La présidente : Les membres du comité souhaitent-ils que le rapport soit accompagné d’observations?
La sénatrice Clement : J’ai une observation. Elle sera brève. J’ai prêté une attention particulière à ce projet de loi et à tous les témoins, et j’ai entendu à nouveau dans le résumé de la sénatrice Miville-Dechêne aujourd’hui — qui a été généreusement fourni — qu’il faut également mettre l’accent sur l’éducation.
J’ai été particulièrement étonnée par le témoignage de Lara Karaian, professeure à l’Institut de criminologie et de justice pénale de l’Université Carleton, lorsqu’elle a parlé des jeunes — des enfants — qui ont accès à de la pornographie, soit parce qu’ils sont très intelligents — comme vous l’avez dit, sénatrice Miville-Dechêne — ou très technologiques, soit par accident, lorsqu’ils tombent sur des images effrayantes ou nuisibles parce qu’elles leur sont inconnues. Il est important que nous examinions également les efforts déployés en matière de sensibilisation à la pornographie, d’éducation sexuelle et de solutions de rechange pour offrir de l’aide, notamment plus de services de counselling.
J’ai également été étonnée lorsque deux de nos témoins experts, qui ont également parlé en tant que parents — deux pères —, ont dit qu’ils s’inquiétaient pour leurs enfants, qu’ils devaient parler à leurs enfants et qu’ils faisaient des efforts pour le faire afin de les protéger. J’ai été frappée par le fait que ces deux pères, qui ont des moyens et une éducation, avaient du mal à saisir cela et parlaient avec franchise de la nécessité de le faire, et je m’inquiète pour les parents qui n’ont pas forcément accès à ce genre de compétences et de stratégies.
Cette observation vise seulement à confirmer, à répéter et à souligner que l’éducation est importante et que nous devons continuer à y consacrer des ressources. Je veux la lire à voix haute :
Le comité reconnaît que la pornographie est une réalité du monde d’aujourd’hui, et il a été dit à maintes reprises au cours des témoignages qu’il n’existe pas de système parfait pour protéger les jeunes contre l’exposition à la pornographie. Les jeunes sont naturellement curieux et apprennent constamment. Explorer sa sexualité, se poser des questions et faire des expériences font partie de la vie d’un adulte. Ce comité reconnaît que l’éducation en matière de santé sexuelle est l’une des meilleures protections contre les préjudices. Les parents et les éducateurs ont besoin de ressources pour s’assurer que nous mettons l’accent sur la sensibilisation, le consentement et l’autonomie corporelle des jeunes. Le projet de loi S-210 est un effort louable, et toute mesure législative doit être accompagnée d’une éducation rigoureuse en matière de santé sexuelle et de meilleurs programmes de sensibilisation à la pornographie. Encourager le dialogue ouvert, l’accès à des renseignements exacts et impartiaux et garantir des espaces exempts de jugement sont essentiels à une exploration sexuelle saine et à une sexualité saine en général.
C’est mon observation, chers collègues.
La sénatrice Batters : Merci, sénatrice Clement. Je ne l’ai peut-être pas entendue à la séance du Sénat aujourd’hui, mais cette observation a-t-elle été envoyée au préalable?
La sénatrice Clement : Non, elle ne l’a pas été, et je m’en excuse. On me dit que je peux seulement évoquer l’excuse que je suis une nouvelle sénatrice pendant environ un an. Je commence à ne plus avoir de marge de manœuvre pour utiliser cette excuse. De plus, les sept mois m’ont déconcertée, alors je m’en excuse. Je suis à la merci du comité à cet égard.
La sénatrice Batters : Le point que j’allais soulever est que, typiquement, les observations sont faites lorsque nous voulons que notre comité signale quelque chose de particulier, habituellement à un gouvernement ou à une entité semblable. Dans le peu de temps dont nous disposons ici pour examiner cette question, il semble qu’une grande partie de ce qui est traité ici concerne les gouvernements provinciaux et les parents, entre autres. Je me demande donc si cela ne pourrait pas faire l’objet d’une observation. S’il s’agit d’un sujet sur lequel vous pouvez fournir plus de détails et votre raisonnement, il serait peut-être préférable de le faire dans un bref discours au Sénat sur ce projet de loi particulier.
La sénatrice Clement : Je comprends votre point de vue et il semble qu’il s’agisse d’un problème récurrent ici, soit la question de la compétence. En tant qu’ancien fonctionnaire municipal, je suis également confrontée à cette question des trois ordres de gouvernement.
J’ai fait part de cette observation à la sénatrice Miville-Dechêne et j’y ai apporté quelques modifications. Je voudrais qu’elle reste une observation, mais je comprends votre point de vue, sénatrice Batters. L’éducation relève toujours des provinces, sauf qu’il s’agit d’un message à l’intention du gouvernement fédéral, à savoir que les ressources sont des ressources, et que tout ce que le gouvernement fédéral peut faire pour aider dans ce domaine est important, surtout qu’il envisage une loi sur les préjudices en ligne. Je comprends votre point de vue, mais j’aimerais que cela demeure une observation.
La sénatrice Batters : Je signale simplement qu’il n’y a aucune partie de ce libellé qui stipule que le comité doit adresser des notes aux gouvernements provinciaux ou ce genre de choses. C’est généralement le genre de libellé qui est utilisé.
La sénatrice Clement : Puis-je ajouter ce libellé?
La présidente : Cela vous conviendrait-il?
La sénatrice Batters : Sans voir le libellé, oui, mais il faudrait voir.
La sénatrice Clement : Je m’en remets au greffier et à la présidente.
La présidente : Le Comité de direction peut peut-être régler ce problème si vous le permettez. Est-ce acceptable, madame la sénatrice?
La sénatrice Batters : C’est possible. Encore une fois, en ce qui concerne ce genre de choses, comme bon nombre d’entre vous le savent, je n’aime pas beaucoup les longues observations. Je pense habituellement qu’une meilleure façon de procéder est de faire valoir ces points dans un discours au Sénat.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Est-ce que je peux poser une question à la sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Oui.
La sénatrice Dupuis : Accepteriez-vous d’ajouter quelque chose ou de remplacer une partie de la première phrase? Nous étudions un projet de loi qui a pour ambition et objectif d’assurer la protection des jeunes contre l’accès en ligne à la pornographie ou à du matériel sexuellement explicite. Si j’ai bien compris ce que la sénatrice Miville-Dechêne a dit, on a appris que le gouvernement est en train de réfléchir sur un projet de loi potentiel qui serait plus large que le sujet que nous examinons dans le projet de loi S-210.
En ce sens, au lieu de dire que la pornographie est une réalité du monde d’aujourd’hui, si je puis me permettre, pourrait-on dire que la pornographie n’est pas seulement dans le monde d’aujourd’hui, qu’elle existait aussi dans le monde d’hier? Surtout, je me demande si on ne devrait pas circonscrire la réalité que l’on examine dans le projet de loi S-210, en disant que la pornographie est une réalité de plus en plus envahissante, mais qu’il faut faire un lien avec l’accès en ligne pour les jeunes à du matériel sexuellement explicite. Si l’on doit réfléchir à des législations qui visent à protéger les jeunes, on devrait inclure la sensibilisation et la formation.
On ne cherche pas ici à entrer dans un champ de compétence provinciale pour créer une bataille fédérale-provinciale. Si je comprends bien le projet de loi, on tente de protéger les jeunes contre le matériel sexuellement explicite en ligne. En ce sens, il y a peut-être des gens qui ne réalisent pas que la pornographie est omniprésente en ligne et que c’est le problème auquel on veut réfléchir. Le reste peut rester là. Le fait de dire « la réalité du monde d’aujourd’hui », c’est trop vague. On pourrait préciser cela.
La sénatrice Clement : Je comprends votre point de vue, sénatrice. Je me demande si le mot « omniprésent » ne serait pas approprié.
La sénatrice Dupuis : « Omniprésente en ligne et accessible aux jeunes ». « La pornographie en ligne est une réalité omniprésente aujourd’hui. »
Le sénateur Dalphond : On pourrait dire dans la première phrase que le comité reconnaît que la pornographie est une réalité de plus en plus envahissante par la facilité de l’accès en ligne, y compris par les jeunes.
[Traduction]
La présidente : Êtes-vous d’accord, chers collègues?
[Français]
La sénatrice Clement : Je suis d’accord.
[Traduction]
La présidente : Devrions-nous ajouter « omniprésent » et la suggestion du sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Où est-elle?
La présidente : Le Comité de direction approuvera la version finale.
Chers collègues, j’ai une dernière observation si vous pouvez m’accorder une minute.
Chers collègues, nous ne poursuivrons pas. Il n’y a plus d’observation. Êtes-vous d’accord pour que je fasse rapport du projet de loi modifié avec les observations?
Des voix : D’accord.
La présidente : Chers collègues, nous avons terminé plus tôt que prévu, et demain, nous serons saisis du projet de loi du sénateur Boisvenu, le projet de loi S-205. Nous n’avons plus de projet de loi d’initiative ministérielle, alors nous examinerons les projets de loi d’initiative parlementaire. Puisque nous avons du temps, pouvons-nous passer à huis clos?
(La séance se poursuit à huis clos.)