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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 mars 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 34 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement.

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : J’aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario. Bienvenue.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Bonjour. Je suis Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Sorensen : Bonjour, je suis Karen Sorensen, de l’Alberta.

Le président : Je suis Brett Cotter, sénateur de la Saskatchewan et président du comité. Je vous souhaite la bienvenue.

Ce matin, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement. Chers collègues, la séance sera fort chargée, alors je voudrais que nous limitions la période prévue pour les questions à quatre ou cinq minutes, selon que nous aurons besoin ou non de tours supplémentaires. Je vais d’abord souhaiter la bienvenue à nos témoins.

Nous accueillons aujourd’hui Francis Lanouette, directeur, et Katrina Swan, de l’Association canadienne des chefs de police, qui se joignent à nous par vidéoconférence. Nous accueillons aussi Kari Dart, sous-commissaire par intérim de la Police provinciale de l’Ontario, qui est ici en personne. Bienvenue, commissaire Dart. Nous avons également deux représentants de la Gendarmerie royale du Canada : Wade Oldford, commissaire adjoint, Services des sciences judiciaires et de l’identité, qui est aussi avec nous en personne — bienvenue, monsieur Oldford —, et Jennifer Gates-Flaherty, directrice générale, Services canadiens d’identification criminelle en temps réel. J’espère ne pas m’être trompé dans ce titre. Nous entendrons un deuxième groupe de témoins dans une heure environ.

Comme on vous l’a indiqué, vous disposerez chacun de cinq minutes pour présenter vos exposés, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Nous pouvons peut-être suivre l’ordre dans lequel les personnes ont été présentées, si cela vous convient. J’invite donc M. Lanouette à commencer.

[Français]

Francis Lanouette, directeur, Association canadienne des chefs de police : Bonjour et merci à tous de nous accueillir.

De manière générale, l’Association canadienne des chefs de police est en faveur du projet de loi S-212, qui vise à éviter la stigmatisation, à réduire la surreprésentation des minorités visibles dans le système de justice pénale et à favoriser la réintégration des contrevenants au sein de notre communauté.

Cela dit, le projet de loi doit accorder plus de poids à la sécurité publique ainsi qu’aux droits et à la sécurité des victimes de ces actes criminels. Nous devons nous assurer de ne pas mettre à risque certaines catégories d’individus, notamment les personnes vulnérables.

De plus, la définition de « personnes vulnérables » doit être élargie. Tel qu’il est rédigé, le projet de loi est particulièrement axé sur les enfants. La définition devrait aussi inclure les femmes violentées, les aînés et les personnes ayant une déficience.

Pour des raisons de sécurité publique, l’Association canadienne des chefs de police encourage vivement l’exclusion de certaines catégories d’infractions en matière d’expiration automatique. La nature de l’infraction doit être prise en considération. En plus des infractions figurant aux annexes 1 et 2 de la Loi sur le casier judiciaire, la liste devrait être élargie pour inclure des exemptions pour tout crime commis contre les personnes vulnérables, de même que les infractions impliquant de la violence ou impliquant une arme à feu. Ces délits devraient demeurer inscrits au casier judiciaire du délinquant et ne pas être admissibles pour une suspension, une expiration ou un pardon.

Pour prévenir des tragédies, les services policiers doivent être en mesure de connaître les antécédents criminels d’un individu, afin d’identifier des tendances ou l’escalade des comportements et de s’engager dans des efforts proactifs, le cas échéant, pour assurer la sécurité publique.

C’est pourquoi nous sommes satisfaits de l’inclusion de l’article concernant l’accès de la police aux casiers judiciaires. Toutefois, nous réclamons un accès plus large qui va bien au-delà du Centre d’information de la police canadienne.

Selon nous, le projet de loi comporte des zones grises qui doivent être précisées. Pour nous prononcer sur ces questions, j’invite ma collègue Katrina Swan à prendre la parole.

[Traduction]

Katrina Swan, Association canadienne des chefs de police : Merci. Bonjour, honorables sénateurs. Je comparais devant vous aujourd’hui de Regina, en Saskatchewan, située sur le territoire du Traité no 4, patrie des Nêhiyawak, des Anihšināpēk, des Dakota, Nakota et Lakota, ainsi que de la nation métisse. L’Association canadienne des chefs de police, ou l’ACCP, souhaite encourager le maintien du paragraphe 4(2) de la Loi sur le casier judiciaire. Ce paragraphe interdit expressément l’admissibilité au pardon d’une personne reconnue coupable d’une infraction visée à l’annexe 1, d’une personne reconnue coupable de trois actes criminels ou d’une infraction passible d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité et pour laquelle la personne a été condamnée à une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus.

Les infractions visées à l’annexe 1 sont principalement des infractions sexuelles et des infractions commises à l’encontre de mineurs. La loi actuelle prévoit des exceptions limitées à cette interdiction. Dans le projet de loi S-212, cependant, le paragraphe 4(2) a été entièrement remplacé, et il n’y a pas de limite quant aux types d’infractions pour lesquelles l’expiration du casier serait possible. L’ACCP est très préoccupée par cette modification.

En 2022, Sécurité publique Canada a entamé des consultations sur un système de retrait automatisé de casiers judiciaires. Le rapport final reconnaît que les infractions graves, en particulier celles impliquant des personnes vulnérables, ne se prêtent pas à une expiration automatique. Il indique également que, dans les pays où des systèmes automatisés existent, les infractions graves sont exclues de l’application de l’expiration automatique.

L’ACCP s’interroge également sur la disposition relative à la divulgation aux services de police qui est proposée à l’article 6.2. Dans le système actuel, les services de police s’appuient sur leurs propres systèmes de gestion des dossiers pour fournir des informations actualisées et historiques sur les enquêtes concernant les délinquants. L’expiration automatique d’un casier judiciaire comprendrait-elle une interdiction, pour les services de police, de se fonder sur des renseignements concernant des délinquants dont le casier est expiré, d’avoir accès à ces renseignements ou de les communiquer à d’autres services de police? Cela nécessiterait-il la purge automatique des dossiers d’enquête de la police? Au cours du débat sur ce projet de loi devant les honorables sénateurs, il semble que les réponses à ces questions demeurent incertaines.

Comme on l’a déjà mentionné, l’accès à ces renseignements et leur communication sont essentiels pour la sécurité du public et des agents, pour prévenir les tragédies, identifier les tendances ou l’escalade des comportements, et entreprendre des efforts proactifs, le cas échéant.

Par ailleurs, le projet de loi est muet sur son application rétroactive. Une dernière question concerne l’incidence des modifications proposées sur l’Interpersonal Violence Disclosure Protocol, également connu sous le nom de « loi de Clare ». Cette loi autorise un service de police à divulguer certaines informations liées au risque à un partenaire intime actuel ou ancien dans les cas où ces informations peuvent les aider à prendre des décisions éclairées concernant leur sécurité.

En conclusion, bien que l’ACCP soit, dans l’ensemble, en faveur du projet de loi S-212, nous estimons que certaines limites doivent être envisagées et que certains points doivent être clarifiés. Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Kari Dart, sous-commissaire par intérim, Police provinciale de l’Ontario : Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Au nom de la Police provinciale de l’Ontario, ou la PPO, je vous remercie de me donner l’occasion de vous faire part de mes observations sur le projet de loi S-212.

Nous comprenons que l’objet de ce projet de loi est de faire en sorte que le système de justice pénale soit juste et équitable. Nous avons toutefois certaines préoccupations concernant les conséquences involontaires potentielles de cette mesure législative.

Une étude de Statistique Canada menée en 2019 révèle que plus de 53 000 personnes ont été accusées d’un crime sur une période d’un an en Ontario. Environ 46 % d’entre elles, soit 24 000 personnes, ont eu au moins un contact subséquent avec la police. La Police provinciale de l’Ontario s’intéresse à l’incidence que l’expiration automatique du casier pourrait avoir sur la capacité des services policiers à protéger le public contre les délinquants récidivistes, dangereux ou violents dont les crimes sont plus que de simples erreurs ou qu’un manque de jugement momentané. Aujourd’hui, mes observations porteront principalement sur quatre domaines d’intérêt : la sécurité publique, les enquêtes policières, les ressources policières et les victimes d’actes criminels.

En ce qui concerne la sécurité publique, les antécédents criminels d’un délinquant sont d’une importance vitale. Ils sont utilisés pour déterminer le risque de violence lors de l’évaluation de la menace, ainsi que pour détecter l’escalade du comportement criminel, ce qui est particulièrement important pour les crimes liés au harcèlement, à la violence familiale, à la violence fondée sur le sexe, au terrorisme, à la traite des personnes et à la violence liée aux gangs. Les vérifications des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables sont conçues pour protéger les membres les plus vulnérables de notre société, notamment les enfants, les aînés et les personnes ayant un handicap physique ou intellectuel. La validité de ces vérifications repose en grande partie sur les antécédents connus de la personne en matière de comportement criminel. L’existence d’un casier judiciaire est également un facteur important dans l’obtention d’un permis d’arme à feu. Sans un accès approprié à l’ensemble des antécédents criminels, la police ne disposera pas des renseignements nécessaires pour prendre des décisions éclairées, qui sont essentielles pour assurer la sécurité du public et des agents.

Deuxièmement, l’expiration automatique du casier aura une incidence sur la capacité de la police à enquêter sur les crimes, ainsi que sur la capacité du système judiciaire à tenir les criminels responsables de leurs actes. Les autorisations judiciaires sont des outils importants permettant à la police de lutter contre les crimes graves et sont accordées en fonction d’une série de facteurs, dont les antécédents d’activités criminelles connues. Le manque d’information sur le comportement criminel passé aura une incidence sur les conditions de mise en liberté sous caution et les peines minimales, qui pourraient ne pas être proportionnelles aux véritables antécédents criminels de l’individu.

Troisièmement, j’aimerais aborder la question des ressources policières. La province détient des dossiers de condamnation pour des infractions qui ne peuvent être traitées que par procédure sommaire. La Police provinciale de l’Ontario devra établir des processus pour purger les dossiers relatifs aux déclarations de culpabilité par procédure sommaire. Les attentes à l’égard des services de police pour qu’ils établissent des processus en vue d’informer la GRC des enquêtes en cours dans le but d’empêcher l’expiration d’un casier sont monumentales et ne sont pas réalisables en raison de la nécessité de respecter les enquêtes délicates en cours. Il s’agit de tâches vastes et complexes qui nécessiteront de la formation, des politiques et des ressources humaines.

Le dernier point dont je veux parler concerne les conséquences potentielles de ce projet de loi sur les victimes. Chaque jour, la police interagit avec les victimes et constate les répercussions de la criminalité sur nos collectivités. Grâce à son programme de spécialistes des victimes, la Police provinciale de l’Ontario a entendu des victimes dire sans équivoque que la condamnation et le dossier de la condamnation qui en découle sont des sources importantes de résolution. De nombreuses victimes considèrent que les condamnations pénales et les casiers judiciaires qui y sont associés sont des facteurs déterminants dans leur processus de guérison. En outre, de nombreuses victimes, en particulier les victimes de crimes contre la personne, signalent les faits à la police afin d’éviter que d’autres personnes subissent les mêmes préjudices qu’elles. Nous demandons donc au comité d’examiner dans quelle mesure on a tenu compte des droits et des points de vue des victimes dans cette mesure législative.

En conclusion, je crois fermement que les Canadiens méritent d’être protégés contre les délinquants dangereux et récidivistes. Si le comité continue d’appuyer le projet de loi S-212, nous l’encourageons fortement à en limiter la portée afin d’exclure l’admissibilité à l’expiration du casier pour tout délinquant qui commet des crimes contre la personne, y compris des crimes financiers.

Au nom de la Police provinciale de l’Ontario, je tiens à vous remercier une fois de plus de votre invitation à venir témoigner aujourd’hui. Ensemble, en nous engageant à mettre en œuvre des changements législatifs significatifs et responsables, nous pouvons et devons faire en sorte d’accorder suffisamment d’importance aux préoccupations en matière de sécurité publique lors de l’examen relatif à l’expiration automatique du casier.

Je répondrai avec plaisir à vos questions. Merci. Meegwetch.

Le président : Merci.

Wade Oldford, commissaire adjoint, Services des sciences judiciaires et de l’identité, Gendarmerie royale du Canada : Monsieur le président et honorables sénateurs, bonjour. Je suis accompagné aujourd’hui de Jennifer Gates-Flaherty, directrice générale des Services canadiens d’identification criminelle en temps réel. Nous sommes heureux d’être avec vous aujourd’hui pour participer à l’étude par le comité du projet de loi S-212.

Dans le cadre de leur mandat, les Services canadiens d’identification criminelle en temps réel de la GRC sont responsables de la gestion des renseignements sur les antécédents judiciaires et de la tenue du Répertoire national des casiers judiciaires, qui comprend près de 5 millions de dossiers de condamnations, de non-condamnations et d’accusations en instance. Ces dossiers sont mis à la disposition des partenaires à des fins d’identification et d’enquête criminelles, de contrôle lié à l’immigration et de filtrage de sécurité pour tous les ordres de gouvernement et pour le public. Le Répertoire national des casiers judiciaires est fondé sur les empreintes digitales et il contient des renseignements sur les actes criminels et les infractions mixtes, puisque la Loi sur l’identification des criminels n’autorise le prélèvement d’empreintes digitales que pour ces deux catégories d’infractions.

Les infractions uniquement punissables par procédure sommaire sont versées dans le répertoire national seulement si elles sont communiquées à la GRC dans le cadre d’un incident mettant en cause une infraction mixte ou punissable par mise en accusation. Les administrations provinciales, territoriales et municipales assurent la tenue des dossiers de condamnation pour des infractions qui ne peuvent être traitées que par procédure sommaire.

Les Services canadiens d’identification criminelle en temps réel de la GRC jouent un rôle de soutien dans le programme de suspension du casier. Lorsque la Commission des libérations conditionnelles du Canada accorde une suspension du casier, les Services en sont informés et des mesures sont prises pour que les casiers concernés soient mis de côté dans le Répertoire national et la Banque nationale de données génétiques, conformément aux lois fédérales, dont la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, le Code criminel et la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Une vérification du casier judiciaire dans le Répertoire national ne comprend pas les casiers des personnes ayant obtenu un pardon qui ont été mis de côté conformément à la Loi sur le casier judiciaire, à moins d’avoir obtenu une autorisation du ministre de la Sécurité publique à cet égard. Toutefois, une vérification du casier judiciaire qui comprendra une recherche des fonds d’information provinciaux, territoriaux ou municipaux pourrait tout de même révéler une condamnation, même si le casier est visé par une ordonnance fédérale de mise de côté.

Bien que les intervenants provinciaux, territoriaux et municipaux se conforment généralement à la Loi sur le casier judiciaire, celle-ci ne les oblige pas à mettre les casiers de côté. De plus, contrairement à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui exige que les partenaires d’application de la loi transmettent toute condamnation d’adolescent au Répertoire national, aucune exigence de ce genre n’est prévue dans la Loi sur le casier judiciaire pour ce qui concerne les condamnations d’adultes. Par conséquent, les dossiers de la police locale peuvent contenir des renseignements sur les antécédents judiciaires qui n’ont pas été soumis au Répertoire national.

Monsieur le président et membres du comité, merci de nous avoir donné l’occasion d’être ici aujourd’hui. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le commissaire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je m’excuse de mon retard. Je participais à un point de presse ce matin pour un autre projet de loi.

Bienvenue aux témoins. Je pense que vous étiez très attendus à notre comité, parce que nous avons des questions assez techniques à vous poser.

Ma première question s’adresse à M. Oldford.

Si un délinquant a obtenu un pardon et qu’un policier fait une patrouille, au Québec, le policier voudra vérifier la plaque d’immatriculation et aura accès au Centre de renseignements policiers du Québec, ou CRPQ, qui est relié au Centre d’information de la police canadienne, ou CIPC. Si la personne a un casier judiciaire, un point rouge apparaît et le policier n’a qu’à cliquer sur ce point rouge pour avoir accès aux données du CIPC.

Je prends l’exemple d’une personne qui a obtenu un pardon, comme un prédateur sexuel ou un pédophile, et qui rôde autour d’une école. Le policier trouve que l’individu est louche et il regarde sa plaque d’immatriculation. Est-ce que le policier aura facilement accès aux antécédents criminels de cette personne à partir de son auto-patrouille, ou devra-t-il faire une demande spéciale auprès de la GRC pour avoir accès à son dossier?

[Traduction]

M. Oldford : Je vous remercie de votre question.

Monsieur le président, dans ce cas particulier, parce que le casier est gracié, il sera mis de côté et ne sera pas accessible à l’agent de police qui effectue le contrôle. De la manière dont le processus est structuré, les casiers judiciaires sont conservés dans un dépôt national, qui est géré par les Services canadiens d’identification criminelle en temps réel, et le CIPC, le Centre d’information de la police canadienne, est simplement l’interface que les policiers utilisent pour accéder aux informations criminelles contenues dans le Répertoire national des casiers judiciaires.

Dans le cas particulier que vous avez mentionné, sénateur, l’enquêteur qui demande cette information ne verrait pas le dossier de réhabilitation.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : À ce moment-là, c’est un peu comme le Registre des délinquants sexuels au Québec : le policier n’a pas accès au dossier directement de son auto-patrouille. Un seul policier par poste de police peut avoir accès au Registre national des délinquants sexuels. Il doit faire une demande spéciale à la GRC pour avoir accès au dossier.

Dans le cas d’un pardon, est-ce la même chose? Le policier doit-il faire une demande spéciale à la GRC par l’intermédiaire de son poste de police pour avoir accès au dossier? Il n’aura donc pas accès sur-le-champ à l’information et ne saura pas si l’individu qui se trouve devant lui est dangereux ou non.

[Traduction]

M. Oldford : C’est exact.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Hier, j’ai vu des statistiques assez inquiétantes. Chaque année, au Canada, environ 15 000 personnes transitent par les services correctionnels, et environ 358 000 personnes transitent par les prisons provinciales. Pour la plupart, il s’agit de peines très courtes, qui sont parfois purgées les fins de semaine.

La GRC a-t-elle accès à l’information liée aux prisons lorsque les délinquants sont remis en liberté?

[Traduction]

M. Oldford : Sénateur, si j’ai bien compris votre question, le renseignement qui se trouve dans le Répertoire national des casiers judiciaires serait mis de côté en cas de pardon. Ensuite, qu’il s’agisse d’un policier de première ligne, ce renseignement...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vais poser de nouveau ma question. Je vais essayer d’être plus clair.

Actuellement, lorsqu’un individu sort d’un pénitencier fédéral, la GRC est avisée, et elle avise ensuite les corps policiers que l’individu qui vient de sortir d’un pénitencier représente un risque. C’est la GRC qui avise les corps policiers. Toutefois, lorsqu’un individu sort d’une prison provinciale, il n’y a aucune information, et on ignore quand l’individu va sortir et où l’individu va habiter.

[Traduction]

M. Oldford : D’après ce que je comprends, on ne le saurait pas lorsqu’une personne sort d’un établissement provincial.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.

Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse à M. Lanouette.

Le policier qui fait une enquête a accès aux données du CRPQ. Pourquoi a-t-il besoin d’avoir accès au CIPC pour obtenir d’autres renseignements? Ce sont deux systèmes différents. Que contient le premier système?

M. Lanouette : Le Centre de renseignements policiers du Québec contient des informations liées au permis de conduire et aux rapports d’événements qui ont été enregistrés dans le module d’intervention policière.

Le CIPC, c’est vraiment l’endroit où l’on retrouve les casiers judiciaires. C’est pour cette raison qu’il y a une deuxième transaction. Un pont se fait entre le premier système et le deuxième.

Le sénateur Dalphond : Dans le premier système, les informations sur le permis de conduire sont assez anonymes jusqu’à un certain point. On sait si un individu a commis des infractions au Code de la route. Si des enquêtes criminelles sont en cours, cela va apparaître dans les rapports d’événements. Qui fournit les informations? Chaque corps policier municipal et la Sûreté du Québec vont entrer automatiquement des informations dans le système?

M. Lanouette : Exactement. Chaque service policier alimente le module d’intervention policière en fournissant les rapports qui traitent des infractions criminelles sur leur territoire. On va retrouver dans ce système des informations sur les victimes, les suspects et ainsi de suite. Par contre, on n’a pas d’information sur les condamnations. On doit donc aller du côté du CIPC pour savoir si l’individu a un casier judiciaire ou non. C’est vraiment le volet d’enquête qu’on va retrouver à l’intérieur du module d’intervention policière.

Le sénateur Dalphond : En tant que président de l’Association canadienne des chefs de police, savez-vous si chaque province a un système centralisé de cette nature?

M. Lanouette : Je ne suis pas président de l’Association canadienne des chefs de police, je suis coprésident d’un comité. Je ne sais pas si chaque province a un système centralisé, monsieur le sénateur.

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : Peut-être devrais-je adresser ma question à la sous-commissaire de la Police provinciale de l’Ontario.

Vous avez compris ce qui se passe au Québec, où les choses sont centralisées. Existe-t-il un équivalent en Ontario où les agents de la police municipale et de la police provinciale remplissent toutes les enquêtes ou les rapports d’événements?

Mme Dart : Oui, merci de votre question, sénateur.

Je confirme qu’en Ontario, il y a des services de police municipaux, ainsi que la police provinciale. La police provinciale possède et gère sa propre base de données dans laquelle nous conservons nos archives. Nos agents saisissent les informations relatives à l’enquête. Je confirme que, de la même manière qu’au Québec, nous accédons au système fédéral par l’intermédiaire du Centre d’information de la police canadienne, ou CIPC, pour obtenir ou soumettre des informations relatives à une personne inculpée au pénal ou à un casier judiciaire. C’est très semblable au modèle québécois.

Le sénateur Dalphond : Les agents de police de Toronto ou d’Ottawa saisissent-ils eux aussi des renseignements dans le même système?

Mme Dart : C’est exact.

Le sénateur Dalphond : Puis, la Police provinciale de l’Ontario les utilise?

Mme Dart : En Ontario, nous disposons de plusieurs bases de données distinctes qui sont utilisées par les différents services de police. Nous pouvons communiquer entre nous dans la province, mais, pour les informations fédérales, il faut passer par le CIPC pour accéder aux casiers judiciaires.

Le sénateur Dalphond : Merci.

La sénatrice Jaffer : Pouvez-vous répéter cela? Pour les infractions fédérales, il y a le CIPC, et pour les infractions provinciales, il n’y a pas d’organisme centralisé; c’est bien ce que vous avez dit?

Mme Dart : Oui, il y a quelques processus de gestion de dossiers dans la province de l’Ontario.

La Police provinciale de l’Ontario dispose d’un système de gestion des dossiers, ou SGD, auquel nous soumettons toutes nos informations courantes, les infractions provinciales ainsi que les informations quotidiennes relatives aux enquêtes.

Si nous avons besoin d’accéder à des informations concernant une personne inculpée ou un casier judiciaire, nous le faisons par l’intermédiaire du CIPC, dont la maintenance relève du gouvernement fédéral.

La sénatrice Jaffer : Il y a donc deux systèmes.

Mme Dart : C’est exact.

La sénatrice Jaffer : C’est ce que nous ont dit la Commission des libérations conditionnelles et les autres témoins hier.

Avec deux systèmes distincts, parviendrons-nous un jour à un système centralisé? Des travaux sont-ils en cours? J’ai cru comprendre — et je n’essaie pas de déformer ce que l’on nous a dit — qu’on y travaille, mais qu’il y a des défis à relever. Où en est-on? Savez-vous ce qui se passe?

Mme Dart : Je crains de ne pas être en mesure de commenter ou de fournir des informations sur l’état d’avancement de l’examen de ces systèmes. Je peux vous dire, avec assurance, qu’il existe une cohérence au sein du système fédéral des services de police qui accèdent au CIPC géré par notre partenaire, la GRC. C’est là que se trouve la cohérence à travers le Canada, si cela peut aider à répondre à votre question.

La sénatrice Jaffer : Mais ce n’est pas le cas pour les provinces.

Mme Dart : Les provinces y accèdent constamment.

La sénatrice Jaffer : Je croyais savoir que pour vérifier un casier judiciaire, il fallait s’adresser au CIPC, mais hier, j’ai compris qu’il existait un autre système. On ne s’adresse pas automatiquement au CIPC pour obtenir l’information. Est-ce que je me trompe?

Mme Dart : Je ne sais pas de quoi vous parlez. Je vous prie de m’excuser, sénatrice.

La sénatrice Jaffer : Non, ce n’est pas votre responsabilité.

L’un d’entre vous pourrait-il répondre à ma question sur ce qui reste à faire pour la mise en place d’un processus centralisé nous permettant d’aider les personnes en difficulté à se sortir d’une terrible situation? Il y a tellement de formulaires complexes. D’après mon expérience, beaucoup de personnes qui sont allées en prison sont très vulnérables. Elles ne savent ni lire ni écrire. Les problèmes sont nombreux. Elles sont prises dans un cercle vicieux.

Si quelqu’un le sait — vous savez tous les deux à quel point il est difficile de sortir de ce cycle, parce que vous y faites face tous les jours. Peut-être pas vous, mais vos collègues.

Quelle est la solution? Que faut-il faire pour que les casiers judiciaires des gens.... pour qu’ils puissent être graciés?

Mme Dart : Je vous remercie de votre question. Je peux vous confirmer, sénatrice, que, pour la police, les principaux rôle et domaine de responsabilités sont la sécurité publique et l’application de la loi. La Police provinciale de l’Ontario est favorable à l’exploration de toutes les stratégies possibles qui soutiendraient l’administration équitable de la justice ainsi que l’amélioration de la sécurité publique. Cependant, l’essence de cette conversation aujourd’hui est que, quelles que soient les options que nous explorons, elles doivent être des options qui ne compromettent pas la sécurité publique.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre réponse. Je peux vous assurer que tous les membres du comité se préoccupent de la sécurité publique, mais je vous remercie de votre réponse.

Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. Ma première question s’adresse au chef Lanouette.

Dans le témoignage que vous avez présenté lors de la réunion du Comité permanent de la condition féminine du 4 mars 2022, vous avez parlé de l’importance accrue qu’accorde l’Association canadienne des chefs de police à la violence familiale et au contrôle coercitif. J’aimerais entendre vos réflexions au sujet du projet de loi S-212. Selon vous établit-il un juste équilibre entre les droits des victimes d’actes criminels et ceux des contrevenants, en particulier dans le contexte de la violence familiale? L’expiration automatique des dossiers aurait-elle des répercussions injustes sur les victimes de violence familiale? Les victimes de violence familiale devraient-elles, par exemple, être informées de l’expiration automatique des casiers judiciaires des délinquants?

[Français]

M. Lanouette : À titre de coprésident du Comité sur la prévention du crime, la sécurité, et le mieux-être des collectivités, j’ai dû me prononcer sur le contrôle coercitif. L’ACCP est d’avis que, avec la rédaction actuelle du projet de loi, il y a effectivement un risque pour les victimes. Que ce soit un homme ou une femme — et ce sont malheureusement des femmes qui sont le plus souvent victimes de violence conjugale... On peut donner l’exemple d’un homme qui aurait commis certains crimes de nature moindre, par exemple des appels téléphoniques harassants, qui pourraient constituer une forme de contrôle coercitif, ou de la surveillance sur une ex-conjointe, par exemple.

En effaçant automatiquement ces informations, les services policiers vont perdre la trace de ces délits, et par le fait même, ils ne seront pas en mesure de bien informer la victime — ou la dame qui appelle la police parce qu’elle est victime d’une forme ou d’une autre de violence conjugale — sur les risques associés à cet individu. C’est là où l’on croit que quand on parle de personnes vulnérables au sens plus large, on doit inclure les aînés, mais aussi les femmes ou les hommes victimes de violence dans un contexte de violence conjugale.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Merci. Chef Lanouette, dans l’énoncé de position que vous avez présenté le 29 juin 2022 avec Mme Katrina Swan au nom de l’association, vous affirmez que l’expiration automatique des casiers judiciaires favoriserait la réinsertion du délinquant. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet, notamment sur la façon dont le projet de loi S-212 remédierait à la surreprésentation des Autochtones et des minorités visibles dans le système judiciaire?

[Français]

M. Lanouette : Effectivement, on a pris position, et c’est pour cela qu’on dit qu’on est généralement en faveur du projet de loi. On est bien conscient qu’il peut y avoir certaines difficultés actuellement avec le système de pardon pour des personnes racisées, des personnes autochtones ou des personnes qui vivent dans des régions éloignées et qui sont isolées; c’est difficile pour ces personnes d’entreprendre des démarches pour faire une demande de pardon, puisque cela nécessite souvent des allées et venues auprès des services de police, certaines vérifications auprès des cours de justice et ainsi de suite. On est conscient qu’actuellement, le système est lourd pour certaines catégories de gens. De manière générale, on est en faveur de l’automatisation. Cependant, on ne veut pas que le système soit généralisé à l’ensemble des délits, puisque les délits liés à la violence, à notre avis, ne devraient pas faire partie de l’automatisation.

[Traduction]

La sénatrice Clement : Tant de témoins et si peu de temps. Mes questions s’adressent au commissaire Oldford. Je tiens à vous remercier tous pour le travail que vous avez choisi de faire dans le cadre de votre carrière. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Lorsque la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est entrée en vigueur, le système juridique pénal ne disposait d’aucun moyen de séparer le casier judiciaire d’une personne des casiers judiciaires actifs au dossier et, en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, les casiers judiciaires des jeunes étaient traités de manière pratiquement identique aux casiers judiciaires des adultes. Vingt et un ans plus tard, le système des casiers judiciaires des jeunes stockés dans le CIPC est un système automatisé robuste et extrêmement efficace qui permet d’accéder au casier judiciaire des jeunes pendant un certain temps, après quoi il est supprimé.

J’aimerais savoir comment les systèmes de police, en particulier ceux de la Gendarmerie royale du Canada, ont pu s’adapter à ce changement relatif aux casiers judiciaires des jeunes et comment nous pouvons tirer des leçons de ces expériences. C’est ma première question.

Ma deuxième concerne la capacité de la Gendarmerie royale du Canada. Vous nous avez tous dit que vous gérez une base de données nationale. Je crois que vous avez dit que vous gérez 5 millions de casiers judiciaires, ce qui est énorme. Il y a donc des capacités. De quoi auriez-vous besoin pour gérer les changements qu’entraînerait le projet de loi S-212?

Ma troisième question porte sur la vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables. Nous savons qu’il existe des vérifications policières et des vérifications pour ceux qui veulent travailler avec des personnes vulnérables qui permettent d’identifier les personnes dont le casier judiciaire pour des infractions à caractère sexuel a été suspendu. Je me demande de quelle manière nous devrions aborder cette question et assurer une protection supplémentaire pour la sécurité du public. Voilà mes trois questions.

M. Oldford : Je vous remercie, madame la sénatrice. Tout d’abord, en ce qui concerne la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, si la loi est claire, le casier judiciaire peut être suspendu pendant une certaine période ou après un certain laps de temps, et nous pouvons le faire à l’interne. Il suffit d’utiliser notre processus et notre logiciel de gestion des casiers judiciaires.

Il peut être un peu plus difficile de le faire avec un casier judiciaire d’adulte, selon les conditions qui lui sont imposées. Par exemple, il peut-être prévu que le casier expire et soit suspendu s’il n’y a pas d’enquête criminelle en cours. Si c’est le cas, comment pouvons-nous le savoir? Comme l’a dit mon collègue, il serait difficile pour les services de police de transmettre des renseignements sur une personne qui pourrait faire l’objet d’une enquête criminelle en cours afin de nous aider à prendre des décisions.

Premièrement, ce serait très difficile à mettre en pratique et, deuxièmement, certaines des enquêtes sont déjà de nature sensible. Les renseignements eux-mêmes sont conservés de manière confidentielle au sein des services de police.

Je pense que c’est là que réside la différence entre ce que nous pouvons faire sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et ce que nous pouvons faire dans le cas d’un adulte dont le casier judiciaire a été suspendu, une situation assez différente et plutôt complexe.

En ce qui concerne la capacité, je ne sais pas exactement dans quelle mesure cela nous toucherait. Nous serions probablement touchés dans une certaine mesure, mais la plupart des casiers dont il est question et qui pourraient être suspendus seraient le résultat d’infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, que nous ne conserverions pas de toute façon.

Nous ne conserverions que les casiers judiciaires découlant d’actes criminels et d’infractions mixtes, et un petit nombre de dossiers découlant de déclarations de culpabilité par procédure sommaire pourraient être inclus s’ils faisaient partie d’une liste de plusieurs condamnations. Une grande partie de ces questions de capacité serait probablement du ressort des services de police provinciaux et municipaux, car ce sont eux qui détiendraient ces informations.

Dans le cadre des vérifications de l’habilitation à travailler auprès de personnes vulnérables, si une personne a été graciée pour un délit de nature sexuelle, nous le signalons. Ensuite, si cette personne récidive et que nous pouvons consulter son casier judiciaire, que nous aurons mis de côté — grâce à un indicateur, nous pourrons le consulter —, nous nous adresserons alors au ministre de la Sécurité publique pour obtenir l’autorisation, conformément à la loi, de divulguer ou non l’existence de ce casier, en tenant compte de l’ensemble de la situation.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup à vous tous d’être présents aujourd’hui. Mme Dart, vous qui êtes sous-commissaire par intérim de la Police provinciale de l’Ontario, je voulais vous accorder plus de temps parce que vous avez soulevé plusieurs points importants au sujet de ce projet de loi dans votre présentation, notamment les répercussions sur la sécurité publique; le fait que les antécédents criminels sont importants pour la police, en particulier en ce qui concerne le harcèlement, la traite de personnes et la violence liée aux gangs; le fait qu’un casier judiciaire est un facteur important dans l’obtention d’un permis de port d’armes; le fait que le projet de loi S-212 influencera les conditions de mise en liberté sous caution d’une manière qui n’est pas proportionnelle au risque que représente réellement le contrevenant; et, enfin, les répercussions sur les victimes et le fait que les condamnations et les casiers judiciaires sont importants pour la capacité des victimes à cheminer. Je voulais vous donner plus de temps pour que vous puissiez parler davantage de certains de ces points.

Mme Dart : Je vous remercie, madame la sénatrice, de me donner l’occasion de préciser un peu ma pensée. Pour profiter de cette occasion, je dirais au comité que vous m’avez entendu parler de l’exclusion des crimes contre les personnes, et nous consacrons beaucoup de temps ici — à juste titre — à parler de la traite des personnes, de l’exploitation des enfants et des agressions sexuelles quand il est question de personnes vulnérables.

Nous n’avons pas nécessairement parlé des crimes financiers. Il s’agit également de crimes contre les personnes. Nous savons aujourd’hui que les crimes financiers sont en tête des crimes signalés, mais ce sont aussi les crimes que l’on omet le plus souvent de signaler. Il est important pour nous, quand nous parlons de la vulnérabilité des victimes, de reconnaître que cette vue d’ensemble est importante pour la sécurité publique.

En ce qui concerne les enquêtes et la nécessité que nous soyons informés en tant que policiers, en tant que gardiens de la sécurité publique, nous prenons ce rôle très au sérieux et nous nous acquittons de nos tâches de manière responsable.

En ce qui concerne l’importance de notre accès à l’information pour pouvoir bien évaluer les choses, par exemple, j’ai mentionné les évaluations de la menace. Souvent, les policiers se retrouvent à évaluer des contrevenants récidivistes en fonction de leur activité criminelle connue et de leurs antécédents, afin d’être en mesure d’évaluer au mieux la menace qu’ils peuvent représenter pour la communauté et d’y répondre. Il est essentiel pour nous d’avoir accès à ces renseignements afin d’être informés et de prendre nos décisions policières avec le plus grand soin à cet égard.

Nous estimons que limiter l’accès à ces renseignements aura une incidence sur notre capacité à assurer la sécurité publique.

Cela répond-il à certaines de vos questions?

La sénatrice Batters : Merci. Pour les témoins de la GRC, notre comité a entendu hier M. Ian Broom, qui est directeur général, Politiques, planification et opérations à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Je lui ai posé une question sur l’efficacité du système de signalement proposé dans le projet de loi S-212. Il a estimé qu’il serait préférable d’adresser cette question à la GRC, alors je vais vous la poser.

Pourriez-vous commenter le système de signalement proposé dans le projet de loi S-212 lorsqu’un délinquant sexuel précédemment condamné demande à travailler ou à faire du bénévolat auprès d’enfants ou d’adultes vulnérables? À votre avis, ce système particulier qui est prévu dans le projet de loi constitue-t-il une approche appropriée et suffisante pour encadrer les personnes qui ont été condamnées pour agression sexuelle?

M. Oldford : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Je pense que la meilleure façon de répondre à cette question serait de mener des consultations et des discussions dans tout le pays, comme le fera Sécurité publique Canada en ce qui concerne le projet de loi S-212.

Quant à nous, aux Services canadiens d’identification criminelle en temps réel, le Répertoire national des casiers judiciaires, nous pourrions mettre en place un système capable de créer les signalements demandés. Pour ce qui est de la question plus générale, il s’agit d’une discussion de plus longue haleine.

La sénatrice Batters : Compte tenu de vos dizaines d’années d’expérience, quels sont les risques qu’un tel système de signalement soit le seul système pour gérer les délinquants sexuels condamnés qui demandent à travailler avec des enfants ou des adultes vulnérables? Je suis sûre que vous êtes en mesure de vous exprimer à ce sujet.

M. Oldford : Merci. Je vous renvoie à mes collègues de notre service de police autochtone contractuel au sein de la GRC, qui sont responsables des enquêtes criminelles quotidiennes en cours, car ils pourraient peut-être vous fournir une réponse.

La sénatrice Batters : Madame Gates-Flaherty, avez-vous quelque chose à ajouter?

Jennifer Gates-Flaherty, directrice générale, Services canadiens d’identification criminelle en temps réel, Gendarmerie royale du Canada : Pas pour l’instant.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci à nos témoins d’être ici. J’aimerais revenir avec la sous-commissaire Dart. Ce que vous avez dit et qui m’a semblé important concerne le quatrième point que vous avez soulevé sur les victimes.

J’aimerais savoir si vous avez des données plus précises sur la position des victimes avec qui la police de l’Ontario entretient des liens, parce que vous avez dit qu’il y avait des liens avec les victimes sur une base individuelle. Est-ce qu’il y a des consultations qui ont été tenues? Est-ce que vous avez des données? Est-ce que vous avez fait des recherches sur des groupes qui représentent des victimes et qui vous ont présenté leur position générale par rapport au casier judiciaire?

Vous avez dit que c’était un élément de sécurité supplémentaire pour les victimes, mais j’aimerais vous entendre de nouveau là-dessus. J’aimerais aussi vous poser une sous-question concernant l’exploitation économique des personnes âgées. Il y a des données au Québec sur des opérations menées par la Sûreté du Québec en matière d’exploitation économique des personnes âgées. Pouvez-vous nous dire ce que vous en faites? Comment discutez-vous de ces questions en Ontario? Merci.

[Traduction]

Mme Dart : Je vous remercie, sénatrice. En ce qui concerne le point de vue des victimes et les données recueillies par la Police provinciale de l’Ontario, grâce à une approche centrée sur les victimes — qui est relativement nouvelle dans notre organisation, depuis quelques années —, nous étudions la possibilité d’utiliser des évaluations des besoins des victimes. Nos policiers, par l’intermédiaire de spécialistes des victimes, ont une relation beaucoup plus étroite avec les victimes d’actes criminels, dans le sens où nous entendons précisément quels sont leurs besoins et où nous tenons de telles conversations avec les victimes.

Nous sommes très fiers de notre capacité à aider les victimes de crimes à trouver leurs repères dans le système policier, ainsi qu’à les aider à accéder aux services d’aide de proximité tout au long de leur parcours dans le système de justice pénale.

Pour ce qui est des données en particulier, il faudrait que je vous revienne là-dessus, madame la sénatrice. Si cela vous intéresse, je transmettrai cette demande à mon équipe et je présenterai au comité certaines des données propres à la Police provinciale de l’Ontario.

Pour ce qui est de votre deuxième question au sujet de la criminalité financière — et plus particulièrement de nos préoccupations en matière de maltraitance des personnes âgées —, nous savons, grâce au Centre antifraude du Canada, que nos aînés sont incroyablement vulnérables à l’heure actuelle, notamment en raison des arnaques visant les grands-parents. C’est exactement comme cela qu’ils les nomment. Les aînés sont incroyablement vulnérables à l’heure actuelle. Ils sont pris pour cible. Les auteurs de ces crimes sont prolifiques et récidivistes. Le niveau de victimisation subi par les personnes appartenant à la sphère de la criminalité financière peut être aussi intense que celui d’autres types de crimes contre les personnes.

Il est important pour moi de veiller à ce que le comité en tienne compte. Je vous remercie de votre intérêt, madame la sénatrice. C’est quelque chose de très important que nous devons garder à l’esprit lorsque nous évaluons les possibilités offertes par le projet de loi.

En ce qui concerne les données en la matière, le Centre antifraude du Canada les publie de manière dynamique et nous pourrions y avoir accès. Je vais demander à mon équipe de nous fournir des données supplémentaires concernant ce type de criminalité.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’aurais une dernière question pour n’importe lequel des témoins. Quel est l’impact du projet de loi S-212 sur les policiers en tant qu’individus?

[Traduction]

Mme Dart : Je peux commencer. Je ne parlerai pas au nom de mes collègues, mais je sais que cela a été pris en considération. Vous m’avez entendue mentionner dans mon discours d’ouverture les considérations relatives à la sécurité des policiers. Je vous remercie, madame la sénatrice, de souligner ce point.

Cela me ramène à ce que j’ai dit précédemment sur notre besoin de prendre des décisions en connaissance de cause. Quand nous abordons les contrevenants, les enquêtes ou certaines situations, l’accès aux données est extrêmement important pour nous, non seulement aux fins des enquêtes, mais aussi dans un souci de sécurité pour les policiers. Nous devons être extrêmement bien informés sur la propension à la violence du contrevenant afin d’être le mieux préparés possible pour entreprendre l’enquête ou l’interaction de la manière la plus sécuritaire possible, tant pour la personne concernée que pour le policier. Tel était le contexte de mon intervention à cet égard.

M. Oldford : Ma collègue a très bien résumé mes observations.

[Français]

M. Lanouette : C’est la même chose de mon côté. Je pense que notre collègue a bien résumé la situation quant à l’importance, pour les policiers et les policières sur le terrain, de savoir à qui ils ont affaire.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous sommes sur le point d’entamer une deuxième ronde de questions. Compte tenu de l’enthousiasme dont nos témoins et nous-mêmes avons fait preuve, je propose, avec votre consentement, de prolonger la séance de cinq minutes. Cela dit, cela limitera tout de même chacun des témoins de la deuxième ronde à deux minutes, et je vous encourage donc à poser des questions concises afin d’obtenir des réponses concises.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse à la GRC. Depuis des années, certaines provinces ont adopté des lois afin d’autoriser les femmes à prendre connaissance du passé délinquant d’un nouveau conjoint si celui-ci manifeste des signes de violence. De plus en plus d’organismes qui travaillent auprès des jeunes — je pense aux scouts, aux garderies, aux ligues de hockey mineur — peuvent maintenant avoir accès aux antécédents criminels d’un employé au moment de l’embauche.

Donc, si le propriétaire d’une garderie embauche un homme et qu’il se rend à son poste de police local pour avoir des informations sur cet homme, mais que ce dernier a reçu un pardon deux ans auparavant, est-ce que le propriétaire de la garderie pourrait avoir accès aux renseignements sur ses antécédents criminels?

[Traduction]

M. Oldford : Je vous remercie de votre question. Initialement, vous n’auriez pas accès au dossier de la personne qui a obtenu une suspension de son casier judiciaire. Toutefois, comme je l’ai dit plus tôt, sénateur, si le registre de la suspension du casier comporte un indicateur en raison de la nature sexuelle de l’infraction ou de la condamnation, nous pourrions relever ce détail, mais nous ne pourrions pas le divulguer sans l’approbation du ministre de la Sécurité publique.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Donc, ce serait compliqué. Est-ce qu’une femme qui est en relation avec un conjoint violent pourrait, auprès du poste de police local, avoir accès aux antécédents criminels de son nouveau conjoint?

[Traduction]

M. Oldford : Je ne sais pas, en fonction de la législation provinciale ou autre, qui y aurait accès, notamment en vertu de la loi de Clare. Je suppose que les personnes concernées se tourneraient vers le Répertoire national des casiers judiciaires pour obtenir les renseignements que nous détenons, et nous leur communiquerions ce que nous pourrions. Comme je l’ai mentionné précédemment, si nous disposons de renseignements qui ont été mis de côté à cause de la suspension du casier judiciaire qui sont en lien avec des crimes de nature sexuelle, nous ferons ce que nous pouvons pour les divulguer. En ce qui concerne les renseignements divulgués à l’échelon provincial, cela dépendrait de la législation provinciale.

Le sénateur Dalphond : Ma première question s’adresse à la commissaire Dart. Vous avez dit qu’il existe un système central de la Police provinciale de l’Ontario où toutes les accusations et les enquêtes en cours seraient enregistrées. Cela inclurait-il également les déclarations de culpabilité par procédure sommaire?

Mme Dart : Oui.

Le sénateur Dalphond : S’il s’agit d’une accusation portée par la police locale, celle-ci a-t-elle l’obligation de l’introduire dans votre système? Vous avez mentionné qu’il existe également d’autres systèmes.

Mme Dart : Je m’excuse, monsieur le sénateur. Je n’ai peut-être pas été assez claire. Les bases de données que nous possédons sont utilisées pour l’archivage et pour nos données d’enquête. C’est là que notre personnel, nos membres, enregistrent ces informations.

Le sénateur Dalphond : Seulement la Police provinciale de l’Ontario?

Mme Dart : C’est exact. Je ne suis pas ici pour parler au nom des autres services de police municipaux. Cependant, je sais qu’ils disposent également de bases de données pour la tenue des dossiers. Pour que nous puissions accéder au système fédéral en ce qui concerne l’exactitude des renseignements relatifs aux condamnations pour crime...

Le sénateur Dalphond : Je m’intéresse davantage aux accusations en cours ou aux enquêtes en cours. Au Québec, je crois savoir que la police municipale participe également au système provincial, mais il n’y a pas d’équivalent en Ontario. Il s’agirait donc du système de la Police provinciale de l’Ontario, du système de la police de Toronto et du système de la police d’Ottawa, n’est-ce pas?

Mme Dart : Oui. Nous avons la capacité de communiquer entre nous dans les différents systèmes.

Le sénateur Dalphond : Avez-vous un accès automatique si vous saisissez le bon lien?

Mme Dart : J’aimerais beaucoup vous en faire la démonstration aujourd’hui. Cela apporterait sans doute un peu de clarté. En effet, nos systèmes communiquent entre eux.

Le sénateur Dalphond : D’accord. Quelqu’un a parlé d’enquêtes délicates. Qu’est-ce que cela signifie? Est-ce que cela signifie que si l’enquête est de nature délicate, on ne veut pas divulguer les renseignements et ils ne seront donc pas enregistrés dans le système?

Mme Dart : Oui, j’ai fait allusion tout à l’heure au partage de renseignements délicats. Lorsque j’ai procédé à un examen préliminaire des modifications proposées, il y avait une partie — et j’ai oublié l’article en question, monsieur — qui mentionnait que les services de police seraient tenus de signaler à la GRC toute personne suspecte aux fins d’un signalement en vue de refuser la suspension d’un casier. En tant que policière provinciale de l’Ontario, je crains que cela ne soit une tâche monumentale. Nous menons des milliers et des milliers d’enquêtes criminelles.

Ensuite, plusieurs enquêtes sont hautement confidentielles, même au sein de la police, à l’étape où nous désignons une personne comme un suspect. Même à l’intérieur de nos propres systèmes et bases de données, nous devons protéger l’intégrité de ces renseignements et en limiter l’accès jusqu’à ce que nous soyons en mesure de les divulguer.

Cela répond-il en partie à votre question, monsieur?

Le sénateur Dalphond : Oui. Merci.

Le sénateur Klyne : J’ai quelques questions rapides à poser à Mme Katrina Swan, de l’Association canadienne des chefs de police. Je vais passer le préambule.

Vous avez mentionné que l’un des écueils du projet de loi S-212 est que si une personne — le contrevenant en question — change légalement de nom, son nouveau nom pourrait ne pas correspondre à celui inscrit dans les dossiers existants. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail — le temps nous est compté — comment le Canada et les provinces pourraient, dans le cadre du projet de loi S-212, mieux résoudre ce problème?

Mme Swan : Merci de la question, sénateur. Je ne sais pas si j’ai une réponse précise à donner. Si vous me permettez de revenir un peu sur la question précédente, je peux vous dire qu’en Saskatchewan, à moins qu’il n’y ait un accord d’échange de renseignements entre les services, nous n’avons pas accès aux bases de données des autres agences. Si les renseignements ne figurent pas dans le Centre d’information de la police canadienne et si le délinquant n’est pas identifié par ses empreintes digitales, il se peut que nous ne sachions jamais si son nom a été changé ou non. L’absence d’empreintes digitales pourrait poser un problème.

Le sénateur Klyne : Vous avez mentionné que l’expiration des casiers judiciaires est une autre zone d’ombre qu’il faut éclaircir pour pouvoir tirer profit du système. Pouvez-vous faire part au comité d’une recommandation sur la manière d’appliquer ce système aux retraits automatisés?

Mme Swan : Je suis désolée; pouvez-vous répéter la première partie de la question?

Le sénateur Klyne : Il s’agit d’une zone grise qui, selon ce que vous avez dit, doit être éclaircie, notamment pour empêcher des délinquants de tirer profit de ce système. Vous avez dit qu’actuellement les gens ont droit à une demande de pardon au cours de leur vie, et que l’application de cette philosophie à des casiers judiciaires retirés automatiquement serait problématique.

Mme Swan : Dans la version actuelle du projet de loi S-212, je crois comprendre que si ces délinquants passent la période sans perpétration de crime et qu’ils ne commettent pas d’autres infractions, ils obtiendront automatiquement un pardon; leur casier judiciaire sera retiré automatiquement. Si j’ai bien compris, ce pardon peut être révoqué, mais je pense que c’est un peu plus compliqué avec le système de retrait automatisé.

La sénatrice Clement : L’un d’entre vous a-t-il des commentaires sur le fait que le processus actuel de demande de pardon est quelque chose qui empêche des personnes de reprendre leur vie normale? Nous n’avons pas vraiment approfondi cette question aujourd’hui avec ce groupe, parce que nous nous sommes concentrés davantage sur la capacité, mais les gens resteront dans le système pénal s’ils ne peuvent pas d’une manière ou d’une autre trouver un moyen d’en sortir. Je ne sais pas si l’un d’entre vous a un commentaire à faire à ce sujet.

M. Oldford : Je crois vraiment qu’il s’agit d’une discussion de politique publique, qui concerne peut-être des travaux en cours menés par nos collègues de la sécurité publique. Encore une fois, personne n’est nécessairement opposé à ce que les personnes touchées voient leur infraction retirée — s’il s’agit de la bonne infraction — afin qu’elles puissent reprendre leur vie normale. Il s’agit simplement de mettre en place la bonne logistique de manière à bien définir ce processus et à le simplifier autant que possible pour veiller à ce que les autres éléments soient toujours en place, comme l’a mentionné ma collègue.

Le président : Ce sera la fin de cette séance. Je remercie les témoins de leurs réponses directes et utiles à nos questions. Cette séance a été très dynamique, et nous l’apprécions beaucoup.

Notre deuxième groupe du jour se joint à nous par vidéoconférence afin de poursuivre notre examen du projet de loi S-212. Il se compose de Me Tony Paisana, membre exécutif de la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien, ainsi que de Me Raphael Tachie et Me Rosemarie Davis, respectivement président et vice-présidente de l’Association des avocats noirs du Canada. Bienvenue à tous.

Comme vous connaissez notre fonctionnement, je vais inviter chacun de vous à faire une présentation de cinq minutes, suivie d’une deuxième présentation. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions. J’invite maintenant Me Paisana à commencer sa présentation.

Me Tony Paisana, membre de l’exécutif, Section du droit pénal, Association du Barreau canadien : Merci, monsieur le président. Je suis dirigeant et ancien président de la Section du droit pénal de L’Association du Barreau canadien, qui représente environ 36 000 avocats, étudiants, universitaires et juristes à travers le Canada. La Section du droit pénal, en particulier, se compose d’avocats de la Couronne et d’avocats de la défense. C’est dans ce cadre équilibré que nous nous présentons aujourd’hui afin de soumettre nos observations sur le projet de loi S-212.

La section de l’Association du Barreau canadien appuie l’esprit de ce projet de loi et soumet certains commentaires et suggestions de manière à répondre aux préoccupations précises que l’association a cernées concernant l’utilisation et l’abus des vérifications du casier judiciaire et également de commenter le système de suspension du casier.

Les vérifications du casier judiciaire ont proliféré dans notre société. Elles font désormais partie de la vie quotidienne. Elles sont nécessaires pour les demandes d’emploi et de poste de bénévole, les demandes d’adoption, les demandes d’inscription dans un programme d’études supérieures et bien d’autres activités courantes et importantes. La stigmatisation associée aux condamnations passées est réelle et a une incidence directe. Plus précisément, elle empêche des milliers de Canadiens de réaliser des progrès dans leur vie sur le plan social. Nous savons également que ce problème affecte de manière disproportionnée les personnes issues de communautés marginalisées, qui ont historiquement eu des interactions plus nombreuses et plus négatives avec la police.

En ce qui concerne plus particulièrement les suspensions du casier, notre section est favorable à un moyen plus rapide et plus fiable d’effacer ou de supprimer les condamnations passées qui n’ont plus de pertinence pour le grand public. Les condamnations passées sont porteuses de préjugés importants et empêchent les Canadiens d’atteindre des objectifs à caractère social, tels que l’emploi, le bénévolat et l’éducation. Le système de suspension du casier, bien qu’il ait fait l’objet d’améliorations par rapport aux années passées, reste difficile à naviguer, et son utilisation constitue un processus long et fastidieux. Le passage à un système d’expiration, tel qu’il est proposé dans le projet de loi, atténuerait certaines de ces préoccupations. Toutefois, le projet de loi ne réglera pas un autre problème qui se pose régulièrement dans les vérifications du casier judiciaire, à savoir la diffusion de données de non-condamnation contenues dans les bases de données de la police comme le Centre d’information de la police canadienne.

Le terme « données de non-condamnation » sert à décrire les données policières collectées dans les bases de données pour enregistrer les interactions qui n’ont pas abouti à une condamnation pénale. Il peut s’agir de fichiers décrivant une personne comme un suspect, une personne arrêtée, une victime de surdose, une personne appréhendée en vertu d’une loi sur la santé mentale, etc. Ces résultats hautement préjudiciables d’interactions avec la police sont enregistrés et diffusés au public dans le cadre de vérifications du casier, même si la personne n’a jamais été condamnée pour quoi que ce soit.

Ces dossiers sont fréquents. Par exemple, dans une étude menée à Vancouver, 72 % de toutes les vérifications du casier judiciaire qui ont donné lieu à un résultat positif, ou à ce que nous pourrions considérer comme un résultat pertinent, ne comportaient que des données de non-condamnation. Cela signifie que ces 72 % de personnes visées par une demande, des gens ordinaires, auraient dû expliquer pourquoi la police les avait soupçonnées d’activités criminelles sans qu’elles n’aient jamais été condamnées et, dans de nombreux cas, sans qu’elles n’aient été inculpées. Ce problème a attiré l’attention de nombreux groupes, dont l’Association du Barreau canadien, l’Association canadienne des libertés civiles et la Société John Howard du Canada.

Les commissaires à la protection de la vie privée ont fait état de l’utilisation abusive des données de non-condamnation. Plus récemment, le gouvernement provincial de l’Ontario a présenté un projet de loi innovant qui limiterait considérablement la diffusion de ces renseignements préjudiciables dans les vérifications du casier judiciaire effectuées par les forces de police provinciales. La Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada a publié une loi uniforme afin de résoudre ce problème en 2018.

L’Association du Barreau canadien soutient l’esprit du projet de loi S-212 en ce sens qu’il cherche à limiter les préjugés et la stigmatisation découlant de condamnations passées qui n’ont plus de pertinence pour des choses comme les possibilités d’emploi et de bénévolat. Une fois qu’une condamnation perd cette pertinence et devient historique, elle reste préjudiciable aux tentatives de réinsertion de l’individu, tout comme les données de non-condamnation. Nous pensons que cette même logique devrait s’étendre davantage et couvrir les données de non-condamnation. Pour cette raison, nous recommandons que le projet de loi soit amendé afin d’interdire la diffusion de ce type de données à partir des bases de données de la police détenues par le gouvernement fédéral.

La Loi sur le casier judiciaire le fait déjà pour les infractions ayant donné lieu à une absolution. Je vous invite à consulter les articles 6.1 et 6.2 de cette loi. Nous soutenons que la même protection devrait logiquement s’étendre aux personnes qui ne sont pas reconnues coupables du tout, mais qui, pour une raison quelconque, ont eu une interaction négative avec la police. Pour être clair, cela n’empêcherait pas la police de disposer des renseignements aux fins d’enquête. La proposition de l’Association du Barreau canadien est de limiter le partage de ces renseignements au grand public. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci, maître Paisana.

Me Raphael Tachie, président, Association des avocats noirs du Canada : Merci beaucoup de m’accueillir. Avant de prendre la parole, j’aimerais vous présenter ma vice-présidente à l’Association des avocats noirs du Canada, Me Rosemarie Davis, qui dirige notre équipe de plaidoyer.

Je tiens à remercier tout particulièrement la sénatrice Pate des efforts qu’elle a déployés dans le cadre de ce projet de loi. En 2021, l’Association des avocats noirs du Canada s’est jointe à une coalition d’autres organisations, dont le Black Legal Action Centre, afin d’appuyer un régime de suspension du casier qui contribuerait à corriger les iniquités et les préjugés systémiques de notre système de justice pénale qui ont une incidence disproportionnée sur les Noirs.

À notre avis, ce projet de loi s’aligne largement sur nos objectifs d’instituer un régime de suspension automatique du casier. Bien que le comité de réforme de la justice pénale de l’Association des avocats noirs du Canada continue d’examiner le projet de loi plus dans le détail, notamment le mécanisme fondé sur la demande proposé dans le projet de loi pour les personnes qui font face à des condamnations, à des accusations ou à des enquêtes supplémentaires, nous sommes d’avis que le projet de loi offre un point de départ concret pour la discussion en abordant et en introduisant le régime de casier judiciaire effacé que nous aimerions voir. L’Association des avocats noirs du Canada est favorable à un régime général qui aborderait et qui résoudrait spécifiquement l’incidence disproportionnée du système de justice pénale sur les communautés noires.

Le projet de loi doit prendre en compte le racisme envers les Noirs, et la discrimination systémique doit être abordée. L’effacement automatique des casiers judiciaires et des données de non-condamnation peut avoir une incidence positive sur l’achèvement de la peine des accusés noirs. Un programme d’effacement automatique n’inclurait pas l’effacement des données sur les crimes envers des personnes vulnérables. Nous plaiderions cependant en faveur d’une réduction de la période d’attente pour un individu ayant commis un délit mineur qui serait considéré comme admissible au retrait automatisé du casier judiciaire.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre. Le son qui nous parvient n’est pas assez bon pour notre service d’interprétation. Je me demande s’il serait possible de donner la parole à Me Davis.

Me Rosemarie Davis, vice-présidente, Association des avocats noirs du Canada : Je suis désolée. J’allais référencer les observations du président, donc je pense que notre position est de fournir le contenu par écrit afin que chacun puisse l’examiner à sa guise.

Le président : S’il s’avère que nous avons des questions à poser à Me Tachie, nous pourrions les lui communiquer en passant par vous, car je pense qu’il sera difficile pour lui de répondre oralement, compte tenu de nos exigences technologiques.

Me Davis : J’en serai heureuse.

Le président : Passons aux questions des sénateurs.

Le sénateur Dalphond : Merci d’être avec nous cet après-midi. Ma question s’adresse à Me Paisana, de l’Association du Barreau canadien. Vous avez soulevé deux préoccupations, dont l’une concernait les données de non-condamnation. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Vous dites que les résultats de la majorité des requêtes effectuées dans le système canadien concernent ce type de données. Est-ce que ce type de données n’est pas protégé parce qu’il y a une faille dans la loi actuelle?

La deuxième question porte sur l’idée de « limiter le partage de ces renseignements au grand public ». Qu’entendez-vous par là? Voulez-vous que les données soient partagées avec la police aux fins d’enquête, mais pas, par exemple, avec les employeurs?

Me Paisana : Je vais essayer de répondre à ces deux questions, sénateur. Le problème des données de non-condamnation émerge en raison de la capacité considérable de la police à enregistrer et à conserver des renseignements concernant des interactions policières qui n’aboutissent jamais à des condamnations et qui, dans de nombreux cas, n’aboutissent même pas à des inculpations. Par exemple, une personne est arrêtée par un policier et soupçonnée de trafic de drogue, mais rien ne se passe par la suite. Le policier enregistre cette interaction dans sa base de données. Souvent, il s’agit d’une base de données de la police locale.

En Colombie-Britannique, on l’appelle PRIME-BC. C’est un acronyme. Environ 85 % des Britanno-Colombiens sont dans PRIME-BC pour une raison ou une autre. Parfois, ce n’est pas compromettant — vous avez appelé le 911 parce que vous avez été victime d’un crime —, mais parfois, voire souvent, ce l’est. Il s’agit d’une interaction comme celle que je viens de décrire — la police vous soupçonne d’avoir commis un acte répréhensible et l’enregistre aux fins d’enquête. Avançons alors de quelques années. Vous faites l’objet d’une vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables parce que vous voulez entraîner l’équipe de football de votre fils et, tout à coup, ces renseignements apparaissent dans votre dossier. Il ne s’agit pas d’une condamnation; ce n’est même pas une accusation, mais vous êtes confronté à la stigmatisation associée à cette activité criminelle présumée et vous êtes obligé de l’expliquer, ce qui crée des obstacles à votre capacité d’obtenir un emploi, des postes de bénévolat, etc.

Il existe une faille dans la loi, car, ironiquement, si vous avez été reconnu coupable, mais que vous avez été absout, votre casier judiciaire sera effacé du système, conformément à la Loi sur le casier judiciaire. Or, les données de non-condamnation ne sont ni définies ni appliquées dans la loi et sont régulièrement divulguées dans le cadre de ces vérifications des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables. Le gouvernement provincial de l’Ontario a réagi, mais c’est le seul gouvernement du pays à l’avoir fait. À l’Association du Barreau canadien, nous pensons que le gouvernement fédéral peut modifier la Loi sur le casier judiciaire afin de corriger cette faille.

Le sénateur Dalphond : Je crois comprendre que vous avez fait référence à des données contenues dans des bases de données gérées par les provinces ou des corps policiers précis, et non par le gouvernement fédéral ou la GRC.

Me Paisana : Oui. Il existe deux niveaux de bases de données policières. Il y a les bases de données fédérales, dont nous reconnaissons qu’elles sont la seule chose sur laquelle votre comité peut agir — mais c’est une première étape importante du processus. Le Centre d’information de la police canadienne est l’organisme qui nous préoccupe en ce qui concerne les données détenues par le gouvernement fédéral, qui contient des données similaires à celles qui existent dans les bases de données provinciales.

Je vous signale toutefois que nous avons mené une étude pour le compte de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, qui indique que les corps policiers provinciaux suivent l’exemple de la Loi sur le casier judiciaire en matière d’absolutions, même si, techniquement parlant, il s’agit d’une loi fédérale. C’est-à-dire que, par respect et, peut-être, par souci de prépondérance, les corps de police provinciaux suivent l’exemple de cette loi, ce qui, à mon avis, est un signe positif pour le gouvernement fédéral, qui devrait également prendre l’initiative dans ce domaine afin de s’assurer que ces données très préjudiciables et dépourvues de valeur probante ne sont pas diffusées librement.

En ce qui concerne mon commentaire sur le partage de ces renseignements au grand public, sénateur, ce que je voulais dire, c’est que les gens postulent pour des activités courantes comme des emplois, des postes de bénévolat, des études. Il n’est pas question d’interdire à la police d’accéder à ces renseignements à des fins légitimes.

Le sénateur Dalphond : Merci.

La sénatrice Jaffer : Je remercie tous les témoins d’être venus. J’ai une question à vous poser, maître Davis. Vous êtes une avocate de la cause et vous êtes consciente des défis à relever. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont exactement les difficultés rencontrées par les personnes noires qui sont condamnées? Pourquoi ne peuvent-elles pas obtenir facilement l’absolution?

Me Davis : Merci de votre question. Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles les personnes qui s’identifient comme noires rencontrent des difficultés. L’une d’entre elles concerne le logement. Souvent, lorsque les Noirs font une demande de logement, il y a une perception et des stéréotypes qui sont intégrés dans la manière dont ils sont traités. On pense qu’ils ont trop d’enfants ou qu’ils ont un casier judiciaire. En soi, cela crée un obstacle pour ceux qui ont potentiellement un casier judiciaire.

Certaines études ont montré que des personnes — les Noirs en particulier — qui n’ont pas de casier judiciaire ont beaucoup plus de difficultés à trouver un emploi que leurs concitoyens blancs qui ont un casier judiciaire. On revient en fait au racisme envers les Noirs et à la manière dont il affecte notre existence. C’est quelque chose qui fait partie de notre vie quotidienne, qui découle des différents stéréotypes intégrés dans les systèmes dans lesquels nous vivons.

La sénatrice Jaffer : Quels sont les autres défis auxquels elles font face?

Me Tachie : Si je peux ajouter un commentaire, l’autre défi est que le processus d’annulation est coûteux. Pour demander au système de supprimer un casier, il faut des ressources dont ne disposent pas toujours les accusés de race noire. Le processus d’annulation actuel est à lui seul un obstacle financier pour quelqu’un qui souhaite faire suspendre son casier judiciaire.

En ce qui concerne l’autre élément dont parlait Me Paisana, l’Association des avocats noirs du Canada reçoit souvent beaucoup de demandes d’intervention de diverses formes parce qu’un employeur ou un employé potentiel a accès à une vérification du casier judiciaire pour refuser un emploi dans des domaines où cela ne devrait pas être le cas. Pour certaines personnes de race noire, un processus de suspension ou d’effacement du casier judiciaire qui supprimerait le coût d’une telle vérification devient un élément essentiel, car la vérification affecte et imprègne, comme le disait Me Davis, le logement, l’emploi et d’autres activités courantes.

Me Davis : J’aimerais ajouter que nous reconnaissons que le coût de la suspension du casier a été réduit, mais cela n’est pas suffisant en soi, car il y a des coûts supplémentaires liés à la collecte de données, à la collecte de documents justificatifs en vue d’obtenir la suspension du casier. Ce sont des éléments qui doivent également être pris en compte.

Le président : Merci.

La sénatrice Jaffer : Maître Davis, vous avez parlé du logement. Qu’en est-il de l’éducation? Qu’en est-il de la réinsertion et de la réadaptation? Quels sont les défis à relever dans ces domaines?

Me Davis : Il s’agit là de véritables défis. S’il faut plus de temps pour obtenir la suspension d’un casier, cela entrave la participation d’une personne à la vie active. Nous savons que les Noirs sont représentés de manière disproportionnée dans le système de justice pénale. Lorsqu’ils sortent du système et tentent de réintégrer le marché du travail, s’ils ne sont pas en mesure d’obtenir une suspension, cela prolonge leur statut.

La sénatrice Jaffer : Vous avez parlé d’un rapport. Pouvez-vous le fournir au greffier? Vous avez dit qu’il y avait toutes sortes d’études. Pouvez-vous fournir un rapport au greffier pour que nous puissions le lire, s’il vous plaît?

Me Davis : Oui, je peux le faire. Dois-je le faire après la réunion?

La sénatrice Jaffer : Oui. Lorsque vous aurez le temps, veuillez l’envoyer au greffier. Merci.

Me Davis : Je le ferai avec plaisir.

La sénatrice Clement : Je remercie les deux témoins de leur témoignage.

Ma première question s’adresse à l’un ou l’autre des représentants de l’Association des avocats noirs du Canada. En 2021, lorsque le gouvernement a annoncé qu’il réduisait les frais de traitement pour une suspension de casier judiciaire, Moya Teklu, qui était la directrice générale du Black Legal Action Centre, a déclaré dans un communiqué :

Réduire le montant de la demande à 50 $ ne rendra pas la procédure moins longue, moins lourde ou moins complexe.

En fait, elle remet en question les demi-mesures prises pour simplifier le système de demandes ou offrir du financement pour faciliter les demandes, alors que l’on pourrait simplement automatiser le système et régler tous ces problèmes.

Compte tenu du manque de confiance qui existe déjà — il y a une surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans le système de justice pénale pour toutes sortes de raisons que vous venez d’évoquer — pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur le projet de loi S-212, notamment en ce qui concerne une éventuelle procédure automatique et sur la manière dont elle pourrait répondre à la méfiance que les Noirs et les Autochtones ressentent à l’égard du système de justice pénale?

Me Tachie : Je vais essayer de répondre. Maître Davis, n’hésitez pas à intervenir.

Sénatrice, Moya Teklu est une cheffe de file dans ce domaine, et je passe beaucoup de temps à lire ce qu’elle publie et ses réflexions, ainsi que celles du Black Legal Action Centre sur ces questions. Le régime automatique fonctionne bien lorsqu’il n’est pas nécessaire de faire intervenir le système initialement. Parfois, une grande partie des difficultés que rencontre un accusé noir concerne l’accès à l’information sur ce qu’il faut faire. Le processus de suspension ou d’effacement du casier est donc le résultat d’une rencontre négative avec un employeur, un propriétaire de logement, qui amène quelqu’un à vouloir régler le problème. L’effacement automatique ou la suspension du casier supprime l’obstacle et permet aux personnes de s’intégrer pleinement dans la société en tant que participants à part entière.

Le processus visant à atténuer et à supprimer les préjugés systémiques qui existent dans le système de justice pénale et la perception dans toutes les communautés que les accusés noirs et autochtones ont une expérience négative de plus en plus disproportionnée avec le système de justice pénale constitue un progrès. L’un des moyens de remédier à ces préjugés est de faire en sorte qu’une fois que vous avez eu affaire au système et que vous avez purgé ou payé les peines prévues par la loi, on vous offre des moyens d’accélérer votre intégration dans la société. Pour moi, c’est une chose qui mérite d’être célébrée et à laquelle il faut travailler.

Me Davis : Je suis d’accord. Lorsque c’est automatique, les étapes supplémentaires, comme on l’a mentionné précédemment, qui consistent à devoir fournir des documents supplémentaires et une copie d’une pièce d’identité et à remplir le formulaire de demande de suspension du casier — ces étapes supplémentaires constituent en elles-mêmes des obstacles. Elles empêchent une personne de race noire de réintégrer la société. Une procédure automatique nous épargne ces obstacles. Comme l’a indiqué Me Tachie, il s’agit d’une déclaration très forte quant aux efforts déployés pour lutter contre le racisme envers les Noirs.

La sénatrice Clement : Ma prochaine question s’adresse à quiconque voudra y répondre. Elle porte sur le document de l’Association du Barreau canadien publié en 2017 et intitulé Les conséquences indirectes des déclarations de culpabilité, qui met en lumière certains des problèmes liés à l’impossibilité d’obtenir une réhabilitation afin d’aller de l’avant une fois que l’on a purgé sa peine. Pouvez-vous commenter l’importance de la facilité d’accès à la suspension du casier judiciaire pour la réinsertion, et pourrions-nous peut-être commencer par l’Association du Barreau canadien, puisque je fais référence à ce rapport?

Me Paisana : Le principal intérêt d’un système d’expiration est qu’il n’est pas nécessaire de se déplacer pour recueillir des documents.

Permettez-moi de vous montrer à quoi cela ressemble concrètement. Lorsque vous remplissez une demande de réhabilitation ou de suspension de casier, vous devez faire prendre vos empreintes digitales. Votre casier judiciaire apparaît et les éléments que le gouvernement dit connaître y sont notés. Vous devez ensuite vous rendre dans tous les tribunaux où vous avez été déclaré coupable de quoi que ce soit et récupérer les documents judiciaires qui corroborent plus ou moins ce que le gouvernement sait déjà. Vous devez faire des pieds et des mains pour obtenir, par exemple, un compte rendu de procédure montrant qu’il s’agissait d’un acte criminel ou d’une affaire sommaire, afin de convaincre le gouvernement des informations qu’il devrait déjà connaître. Cela peut prendre des mois, voire des années.

Ce que nous trouvons intéressant dans un système d’expiration, c’est qu’il supprime complètement ce qui semble être un processus de diligence raisonnable qui devrait, franchement, incomber au gouvernement, et non au demandeur individuel. Il éliminera rapidement une grande partie des difficultés rencontrées par les demandeurs dans le cadre de la procédure de réhabilitation, qui prend beaucoup de temps.

D’un point de vue plus pratique, en termes de conséquences indirectes, les casiers judiciaires suivent les gens, et les préjugés les suivent considérablement. Vous pouvez imaginer que si deux candidats qualifiés participant à un concours, l’un ayant un casier judiciaire et l’autre non — même si ce casier judiciaire date de 20 ans —, celui-là sera toujours mis au bas de la pile en raison des préjugés qui lui sont associés. Le casier judiciaire ou les informations de non-condamnation qui peuvent être présentées au nom du candidat constituent une distraction dans de nombreux cas parce qu’elles ne sont pas pertinentes par rapport à ce que le candidat demande de faire, surtout avec le passage du temps.

La sénatrice Batters : Mes questions s’adressent à vous, maître Paisana. Nous avons entendu dire que la procédure de demande est longue, coûteuse et lourde, ce qui conduit de nombreuses personnes à l’abandonner complètement. Des témoins nous ont également dit que le maintien d’une procédure de demande, en particulier pour certains types de délits, présente un intérêt et une valeur, et qu’une expiration automatique n’est peut-être pas faisable ou appropriée.

Seriez-vous favorable à une procédure améliorée et simplifiée pour les demandeurs plutôt qu’à la procédure automatique proposée dans le projet de loi S-212?

Me Paisana : Ma réponse est simple : nous consacrons des efforts au problème depuis assez longtemps pour penser qu’un changement plus révolutionnaire soit nécessaire. Le système de suspension du casier ou de réhabilitation fait l’objet de nombreux débats depuis près de 25 ans, et nous ne semblons pas l’améliorer d’une manière appréciable aux yeux des Canadiens.

Les obstacles financiers introduits il y a une dizaine d’années ont en fait constitué un pas en arrière plutôt qu’un pas en avant, et nous sommes aujourd’hui pratiquement revenus au point où nous en étions il y a 10 ans en ce qui concerne les obstacles financiers. Le processus lui-même est inchangé. Les problèmes demeurent les mêmes.

Comme je l’ai dit, compte tenu des capacités d’archivage du gouvernement, je trouve ahurissant que nous soumettions des personnes, dont beaucoup souffrent de troubles mentaux ou autres, au processus de collecte d’informations que le gouvernement devrait déjà avoir à sa disposition. À mon humble avis, le moment est venu de procéder à un changement plus important, compte tenu des difficultés que cause le problème depuis près de trois décennies.

La sénatrice Batters : Lors d’un échange avec la sénatrice Pate, marraine du projet de loi, l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Benjamin Roebuck, a déclaré qu’en ce qui concerne les infractions inscrites à l’annexe 1 qui pourraient impliquer des crimes sexuels contre des enfants, « [...] que cinq ans, ce n’est pas nécessairement suffisant, surtout dans les cas de crimes contre des enfants ayant fait de multiples victimes ».

La sénatrice Pate a répondu :

L’une des versions précédentes du projet de loi les incluait, ces infractions, mais elles sont maintenant, pour la plupart, exclues du processus automatique.

Est-ce votre interprétation du projet de loi? Parce que d’après ce que j’ai lu, il semble que les infractions visées à l’annexe 1 et à l’annexe 2 soient traitées quelque peu différemment des autres infractions, mais qu’elles puissent toujours faire l’objet d’une expiration automatique si le délinquant a eu une bonne conduite pendant la période d’attente obligatoire de cinq ans. Il semble que la révocation prévue à l’annexe 1 ou 2 ne soit possible que si le délinquant n’a pas eu une bonne conduite au cours des cinq années précédentes et qu’il a fait de fausses déclarations dans la demande qu’il a présentée à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Est-ce bien ce que vous comprenez?

Me Paisana : En ce qui concerne les annexes 1 et 2, je dirai que le comité est bien placé pour entendre les différents témoins sur les délais, les périodes d’expiration et les critères appropriés. Je ne suis pas nécessairement ici pour commenter la sagesse de tous ces points.

Mon commentaire porte davantage sur le mécanisme par lequel les casiers judiciaires sont effacés que sur les critères individuels et les délais que le gouvernement juge appropriés pour que cela se produise. Notre principale préoccupation est le processus fastidieux dans lequel nous semblons être engagés pour parvenir au résultat final, par opposition aux critères individuels.

Je ne peux pas m’exprimer avec autorité sur la question précise que vous soulevez. Il me faudrait un peu de temps pour analyser cette question en particulier, mais si vous nous demandez de vous fournir cette analyse, je suis plus qu’heureux de le faire.

La sénatrice Batters : Oui, je vous en serais reconnaissante.

Me Paisana : Il s’agit d’une question juridique très technique à laquelle je ne m’attendais pas.

La sénatrice Batters : Je comprends.

Me Paisana : Laissez-nous nous en occuper, et nous ne manquerons pas de vous fournir une réponse écrite concernant la façon dont les annexes 1 et 2 semblent être traitées dans le projet de loi.

La sénatrice Batters : Oui, je vous en serais reconnaissante parce que nous avons entendu de nombreux témoins jusqu’à présent, et je n’ai pas l’impression d’avoir obtenu de précision à ce sujet. Bien franchement, je suis peut-être même plus perplexe. Étant donné que vous êtes ici pour représenter le système de justice pénale au nom de l’Association du Barreau canadien, je crois que vous êtes bien placé pour répondre à la question. Bien sûr, vous aurez un peu de temps pour examiner la question et nous faire connaître votre réponse parce que je crois que c’est important.

Me Paisana : Oui. De plus, comme il s’agit d’une question très technique, je ne veux pas vous donner une réponse erronée de but en blanc.

La sénatrice Batters : Absolument. Je n’en attendais pas moins. Merci beaucoup.

Le président : Je vous remercie de cette réponse, Me Paisana. Je vous demanderais d’envoyer votre réponse directement à la sénatrice Batters.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Si je peux me permettre, je demanderais une copie sans frais supplémentaires pour les membres du comité. Puisque vous demandez d’envoyer la facture à la sénatrice Batters, je demande à ce que des copies soient partagées avec les autres membres du comité, sans frais. Merci.

Je remercie nos témoins d’être avec nous aujourd’hui. Ma question s’adresse d’abord à Me Tachie et à Me Davis. Étant donné que vous avez des liens à la fois avec des gens qui ont été condamnés et avec des gens qui ont été victimes, est-ce problématique du point de vue des victimes d’avoir un système de suspension automatique? Selon vous, est-ce que la suspension devrait couvrir l’ensemble des infractions, peu importe leur position dans l’échelle de gravité des actes criminels?

[Traduction]

Me Tachie : Nous ne préconisons pas l’effacement automatique ou la suspension du casier pour toutes les infractions. Dans nos observations écrites, vous constaterez que nous avons exclu les infractions contre les personnes vulnérables. Nous estimons que cette situation est inacceptable.

Comme je n’ai jamais été victime, je ne peux prétendre parler au nom de toutes les victimes ou de n’importe quelle victime, mais mon opinion, qui repose sur mon expérience dans la communauté, c’est que le problème qui touche la communauté est davantage lié à la surveillance abusive et aux interventions policières excessives visant les Noirs, qui mènent à un casier judiciaire que l’on conserve toute sa vie.

Je soupçonne, du moins dans les communautés que nous représentons, que ce projet de loi jouira d’un soutien incroyable s’il est adopté et devient une loi parce que les Noirs au Canada ont tendance à faire l’objet d’une surveillance abusive et d’interventions policières excessives, et cette situation a des répercussions sur plusieurs générations. C’est ma principale préoccupation, et c’est la raison pour laquelle je crois que ce projet de loi sera reconnu comme une étape importante pour rendre le système de justice plus juste et plus équitable.

Me Paisana : Madame la sénatrice, je représente assez régulièrement des accusés et des victimes. La première chose qui m’est venue à l’esprit pour répondre à votre observation, c’est qu’une personne qui est accusée un jour devient souvent une victime le lendemain, et vice versa. C’est un phénomène remarquable lorsqu’il est question des interactions entre la police et les communautés marginalisées : l’un est interchangeable avec l’autre dans de nombreux contextes. Par conséquent, si nous adoptons une vision plus nuancée du profil de la victime, si je peux m’exprimer ainsi, je doute que l’on comprenne mal le fait de faire preuve d’empathie et d’un esprit progressiste à l’égard du recours aux vérifications du casier judiciaire.

Par ailleurs, le système de justice pénale et le Code criminel reposent sur l’idée que, lorsqu’une personne est condamnée, elle doit être réadaptée, puis réinsérée dans la société. La réinsertion et la réadaptation sont terminées seulement quand la personne se libère des préjugés liés à une condamnation pénale. Une fois que ces préjugés ne sont plus pertinents, il doit y avoir un moment où la condamnation pénale perd sa valeur probante et sa pertinence.

Comme je l’ai dit il y a un instant, il revient à cette auguste Chambre de déterminer quelle est cette période, mais il y en a une. Si nous n’adhérons pas à cette croyance, alors nous ne croyons pas au système de justice pénale tel que nous l’avons mis au point. Nous devons croire en la réadaptation, ce qui comprend le concept de réinsertion sociale plusieurs années après une condamnation.

Me Davis : Si je peux me permettre d’ajouter quelque chose pour approfondir le débat, à mon avis, la suspension du casier pourrait contribuer à réduire le taux de récidive. Je pense qu’il s’agit là d’une préoccupation et d’un enjeu importants. En effet, quand on élimine les obstacles, on permet aux gens d’accéder à un emploi stable, ce qui les incite davantage à respecter la loi. Je pense donc qu’il s’agit là d’un élément important à prendre en considération.

Le président : Merci.

J’ai une question très générale à poser à chacun d’entre vous. Il me semble que nous devrions être en mesure de concevoir un système qui empêche les gens qui font des demandes pour des raisons illégitimes ou non pertinentes d’accéder aux casiers judiciaires, et, parallèlement, ces renseignements devraient être accessibles pour des raisons légitimes. Il s’agit d’une question très vaste, et elle ne porte même pas expressément sur le projet de loi. Des services de police nous ont dit que, aux fins d’enquêtes criminelles — et je suppose que c’est le cas dans diverses parties de votre travail —, il est important pour les procureurs et les policiers d’avoir accès à ces renseignements pour des raisons légitimes. On aurait pu penser que, pour concevoir ce système, il suffisait de déterminer les différentes bases de données dans lesquelles ces renseignements sont conservés, puis de mettre en place les mécanismes permettant de les gérer. Ai-je oublié quelque chose à propos du concept général et de la raison pour laquelle nous semblons avoir du mal à atteindre cet objectif? Je pourrais demander à Me Paisana d’abord.

Me Paisana : Vous mettez le doigt sur quelque chose qui a troublé de nombreux législateurs et analystes. La meilleure réponse que je puisse donner est la suivante : il y a deux façons d’aborder le problème. La première est ce que j’appellerais l’approche négative ou l’approche prohibitive. On empêche les gens de transmettre certaines choses. L’autre approche, soit l’approche positive — et je ne dis pas qu’elle est bonne ou mauvaise, je tiens simplement à illustrer mon propos —, est axée sur la divulgation de renseignements, ce qui signifie que l’on définit dans une mesure législative ce qui sera divulgué plutôt que ce qui ne le sera pas. Le projet de loi contient les deux approches, ce qui peut prêter à confusion. Par exemple, en ce qui concerne les absolutions, on interdit la diffusion de certains renseignements, mais on l’autorise pour d’autres types de renseignements. L’une des façons de simplifier le processus est de décider comment l’aborder, soit d’un point de vue très fondamental.

À mon avis, la façon la plus simple de procéder est d’interdire la diffusion des renseignements, d’indiquer les catégories de données dont la diffusion à des organismes individuels sera interdite, qu’il s’agisse du grand public ou, dans certains cas, de la police — si les renseignements sont suffisamment désuets — ou d’autre chose. Je pense que c’est la façon la plus simple d’aborder le problème.

Dans un contexte sociétal plus large, l’ABC est généralement d’accord pour dire que la police devrait avoir plus facilement accès à l’information que le grand public, pour les raisons que vous avez évoquées. Peu de choses pourraient justifier l’accès du grand public aux données de non-condamnation, par exemple, et c’est l’une des choses que nous avons soulevées plus tôt. La qualité de ces informations diffère. Elles n’ont pas la même pertinence que les informations sur les condamnations.

Me Tachie : J’abonderais globalement dans le même sens que Me Paisana. J’ajouterais simplement que nous nous sommes déjà penchés sur l’historique de l’utilisation des casiers judiciaires et des informations relatives aux démêlés avec le système de justice pénale, ainsi que sur l’élargissement du champ d’application de ces informations. La disponibilité de certaines informations justifie de les utiliser à d’autres fins. Disons que vous avez connaissance d’une personne qui pourrait avoir un problème d’immigration, mais vous ne pouvez pas vraiment vous en mêler. Or, vous découvrez qu’elle a eu des démêlés avec le système de justice pénale d’une quelconque façon, et tout d’un coup, cette information devient pertinente à des fins d’immigration. C’est l’élargissement du champ d’application qui a un impact et rend difficile la tenue de ces dossiers.

Tout comme Me Paisana, je suis d’avis que les policiers devraient facilement avoir accès aux informations à des fins d’enquête, mais le défi réside dans la définition de cet accès. Où est-ce que cela s’arrête? Les débordements sont faciles.

Comme je l’ai dit plus tôt — j’espère avoir été compris —, l’Association des avocats noirs du Canada a été impliquée dans de nombreuses demandes d’interventions pour des cas d’employés noirs qui se voient offrir des postes, avant que l’offre ne soit retirée tout d’un coup. On présume fortement que quelqu’un a vérifié leurs antécédents et a demandé des informations qui n’étaient pas pertinentes pour le poste pour lequel ils avaient postulé. Ces informations ont une incidence sur la vie de personnes ayant fait l’objet d’accusations par le passé, qui ne sont plus accusées de quoi que ce soit ou qui n’ont pas été condamnées.

Le président : Merci.

Me Davis : J’allais répéter tout ce qui a été dit jusqu’à présent. Tout comme Me Paisana, j’aimerais insister sur la ligne dans le sable. Les dossiers ne sont pas disponibles en vertu de la Loi sur la justice pénale pour les adolescents; on trace la ligne comme on le ferait dans ce cas-ci.

Le président : Merci beaucoup.

Je crois que cela met fin à notre tour de question. Permettez-moi de remercier les témoins, et tout particulièrement Me Tachie qui a persévéré malgré les pépins techniques. Je vous rappellerai aussi, maître Paisana, que vous vous êtes engagé à nous envoyer un complément de réponse à la question de la sénatrice Batters.

Me Paisana : Pourrais-je demander à la sénatrice Batters de m’envoyer sa question par écrit, monsieur le président? Cela m’aiderait.

Le président : À ce propos, pour aider la sénatrice Batters, nous pourrions accéder à la transcription et vous l’envoyer. Elle pourrait vous servir de guide. Cela vous conviendrait-il?

Me Paisana : Oui. Je veux simplement m’assurer d’avoir saisi la nuance de sa question.

La sénatrice Jaffer : J’étais censée poser une question au second tour, mais je sais que le temps est écoulé.

Le président : Oh, toutes mes excuses. Il nous reste encore une minute ou deux.

La sénatrice Jaffer : J’avais une question pour Me Paisana.

Maître Paisana, vous pratiquez le droit pénal depuis longtemps, et je voulais vous demander, si vous pouviez me répondre par écrit — je suis désolée de vous donner autant de travail —, quels sont les défis auxquels les Autochtones font face lors du processus de demande de pardon. Je ne vous demande pas un document, bien sûr, mais plutôt simplement un résumé de la chose. Ce serait très utile.

Me Paisana : Voulez-vous une réponse par écrit?

La sénatrice Jaffer : Oui, parce que le temps est écoulé. Toutes mes excuses.

Me Paisana : Fort bien. Oui, je vous enverrai une réponse sans problème.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.

Le président : Je ne répéterai pas tous mes remerciements, mais nous vous sommes très reconnaissants d’être venus à nouveau pour nous guider dans nos travaux sur ce projet de loi. Merci beaucoup et merci encore, chers collègues, de votre patience, de vos réflexions, de vos questions et de vos échanges avec nos témoins. Si vous me le permettez, je mettrai maintenant fin à la séance.

(La séance est levée.)

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