LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 22 mars 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 17 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, la question de l’intoxication volontaire, y compris l’intoxication extrême volontaire, dans le contexte du droit pénal, notamment en ce qui concerne l’article 33.1 du Code criminel.
Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, puisque la réunion est publique, je demanderais à chaque membre de se présenter.
[Français]
Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je suis Kim Pate. Je viens d’ici, c’est-à-dire du territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine anishinabe.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, sénatrice de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Klyne : Bonjour, je suis Marty Klyne et je viens de la Saskatchewan, du territoire visé par le Traité no 4.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, sénateur du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan. J’habite Saskatoon, qui se situe au cœur du territoire visé par le Traité no 6.
[Français]
Le vice-président : Merci beaucoup, chers collègues. Comme vous le savez, nous discutons aujourd’hui du rapport sur l’intoxication volontaire.
Ces derniers temps, notre comité a tenu toutes ses réunions en séance publique. Je vous pose de nouveau la question aujourd’hui : voulez-vous continuer de travailler en séance publique ou préférez-vous que le comité passe à huis clos?
C’est unanime : les membres du comité ont choisi de tenir la réunion en public. Merci.
Mesdames et messieurs les sénatrices et les sénateurs, nous avons devant nous un projet de rapport préparé par nos analystes, que je remercie beaucoup d’ailleurs. Il s’agit, selon moi, d’un très bon rapport.
Je propose que nous procédions page par page. Si vous avez des modifications grammaticales ou typographiques à apporter, vous pouvez les transmettre après coup au greffier.
Nous allons nous entendre sur l’essence du rapport.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Si vous me le permettez, j’aimerais faire une intervention. J’ai assisté à certaines des réunions et je représente aujourd’hui la sénatrice Dupuis. J’ai parcouru le rapport aujourd’hui, qui me semble très complet, comme on pourrait s’y attendre.
Si possible, j’aimerais soulever quelques menus détails auprès du comité. Je suis d’avis que nous devrions accorder une grande priorité aux recommandations de M. Coughlan de créer une infraction autonome d’intoxication criminelle, et que cette proposition devrait occuper une place beaucoup plus grande dans le rapport. Il suggère une idée inédite. La perspective est intéressante, et elle tient compte des inquiétudes de la société civile puisqu’il s’agirait de neutraliser des arguments de non-responsabilité des parties défenderesses.
Si le comité recommandait que cet article... Sa suggestion devrait être étudiée très attentivement par le ministère de la Justice et promulguée dans les plus brefs délais. La proposition changerait certains éléments, à mon avis.
Il adopte une perspective différente, et je crois que cette approche devrait être explorée dans les moindres détails. Personnellement, je crois que cette infraction devrait être promulguée dans le Code criminel aussi rapidement que possible et devrait être traitée avec urgence puisque le gouvernement du Canada pourrait édicter un tel article dans le Code criminel au courant de la semaine prochaine s’il le voulait. Ce changement précéderait par contre toute analyse des effets du rapport global et son raisonnement.
Je voulais porter cette idée à votre attention, monsieur le président et chers collègues, parce qu’elle revêt un caractère unique. Elle dissipe certaines inquiétudes : si quelqu’un s’intoxique de son plein gré, dans une mesure où la personne ne contrôle plus son corps, elle commet une infraction punissable par mise en accusation. Je crois qu’un tel article changerait grandement la donne et mettrait fin à toute confusion entourant ces enjeux dont la société civile et les intervenants nous ont abondamment fait part.
Deuxièmement, si vous me le permettez, je pense que l’enseignement doit occuper une place beaucoup plus prépondérante. Il importe grandement de reconnaître le pouvoir de l’éducation. Je crois que notre société fait fi de certains types de confusion. On pourrait favoriser l’élimination de la confusion qui semble exister si le plan d’éducation était robuste — ce qui sera le cas, selon le ministère. Il propose un programme clair et concis qui effacera toute confusion, qui emploiera un langage simple et qui enverra des messages convaincants pour pulvériser les mythes et les stéréotypes bien ancrés dans notre culture. Selon moi, ce comité sénatorial pourrait fortement appuyer un message ferme qui soit efficace, mesuré, ciblé et robuste, et diffusé dans les plateformes de communication modernes. Un tel message permettrait de régler certains problèmes qui ne sont pas abordés. Le rapport pourrait s’attaquer de front aux préoccupations qu’ont mentionnées la société civile et les intervenants, des enjeux tout à fait valides dont on a abondamment entendu parler.
Pour ce qui est du public cible, je crois que nous devrions cibler les jeunes de 12 à 18 ans, soit ceux qui fréquentent environ la 8e à la 12e année. Les jeunes adultes de 18 à 28 ans constitueraient le deuxième public cible, suivis du grand public. Voilà mes commentaires sur le rapport, qui arrivent sur le tard, mais c’est la première occasion que j’ai d’exprimer ces préoccupations. Je crois que le comité sénatorial serait sage d’envisager certains de ces enjeux.
[Français]
Le vice-président : S’agit-il de recommandations ou de modifications que vous voulez apporter au rapport, ou s’agit-il d’un commentaire général?
[Traduction]
Le sénateur Arnot : C’est un commentaire général, monsieur le président, puisque les recommandations de M. Coughlan figurent déjà à la page 16 du rapport et qu’il a fourni des documents qui précisent exactement l’interprétation qu’on devrait faire de son opinion pour modifier le Code criminel — une interprétation très judicieuse, selon moi. Sa perspective propose une marche à suivre différente et aborde les enjeux que les membres de la société civile ont décrits devant ce comité.
[Français]
Le vice-président : Monsieur le sénateur, si je comprends bien, vous voulez inclure une recommandation additionnelle dans le rapport?
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Oui, si j’ai le consentement des collègues.
[Français]
Le vice-président : D’accord. Le premier mandat que nous avons est de passer le rapport en revue et de travailler sur les recommandations ensuite. Vous me direz si ma compréhension est bonne; il s’agit d’adopter le rapport et ensuite, de voir si les recommandations sont complètes ou non et d’en ajouter au besoin. C’est de cette façon que je vois le travail que nous avons à faire.
Le sénateur Dalphond : Vous avez dit ce que je voulais dire. Je voudrais dire au sénateur Arnot que je trouve ses propos très intéressants; en ce qui a trait aux formes de recommandations sur le genre de publicité, de formation et d’éducation du public, on devrait faire des groupes ciblés. Ce qu’il a dit est approprié et nous devrions en discuter plus tard quand nous serons à la page des recommandations.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Mon commentaire est plutôt d’ordre général. Par rapport à la présentation générale, pourquoi les paragraphes sont-ils numérotés? Est-ce simplement pour faciliter l’étude que nous en faisons aujourd’hui? Le texte n’est pas facile à lire à l’heure actuelle, puisqu’il n’y a aucun interligne entre chaque segment. Si l’objectif est simplement de faciliter la discussion d’aujourd’hui et de pouvoir nommer chacun des paragraphes ou des lignes dont nous discuterons, je ne m’oppose pas à cette présentation. Si l’objectif est de laisser la numérotation dans le document, je dirai qu’elle rend le texte difficile à lire. Je crois qu’il devrait y avoir un interligne entre chaque paragraphe. Cette mise en page a peut-être été choisie seulement aux fins de ce rapport. Avant de nous lancer dans le vif du sujet, je voulais poser cette question générale.
Julian Walker, analyste, Bibliothèque du Parlement : Il s’agit d’un nouveau système pour faciliter la lecture entre le français et l’anglais en attribuant la même numérotation aux paragraphes correspondants. Vous vous rappellerez que, auparavant, la numérotation des lignes était différente dans chacune des versions et que nous devions chercher les paragraphes correspondants. Avec ce nouveau système, le paragraphe 100 en français correspond au paragraphe 100 en anglais, mais la numérotation va disparaître dans le rapport final.
La sénatrice Batters : D’accord.
M. Walker : Vous avez raison. Il y a des passages où le formatage est devenu un peu difficile à suivre, mais nous allons régler ce problème dans le rapport final.
[Français]
Le vice-président : Lorsque le rapport sera final, il reviendra sous une forme ligne par ligne, n’est-ce pas?
M. Walker : Cela équivaudrait à nos rapports précédents.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je proposerais, pour plus de lisibilité, d’ajouter un blanc entre chacun des paragraphes dans le rapport final, en plus d’effacer la numérotation des paragraphes.
[Français]
Le vice-président : Aucun problème. On irait immédiatement avec les rapports tels que vous les avez en main. J’y vais paragraphe par paragraphe. Cela vous convient-il? Paragraphe no 1. Paragraphe no 2. Dans le texte en français, il faudrait enlever le « le » au paragraphe no 2, qui parle de l’article 33.1. Paragraphe no 3. Paragraphe no 4. Paragraphe no 5. Paragraphe no 6.
Le sénateur Dalphond : En français, deux lignes avant la fin, on dit ceci :
Le comité fait remarquer que plusieurs organismes invités à comparaître ne se sont pas présentés, au prétexte par certains que le projet de loi C-28 avait déjà été adopté.
Je remplacerais l’expression « au prétexte » par « au motif »; un prétexte semble être une excuse pour ne pas venir, alors que l’autre est une raison de ne pas venir. Je ne sais pas ce que cela dit en anglais. En français, « au motif » serait préférable.
Le vice-président : Parfait.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Au paragraphe 6, on lit que nous avons reçu 15 témoins, et je sais qu’ils sont énumérés à l’annexe B. Pour nos fins — puisqu’il est question d’une étude sur un projet de loi en particulier —, je sais que nous avons déjà dit qu’il est évident que le ministre de la Justice a déposé ce projet de loi en juin 2022, mais je crois que la première phrase du paragraphe 6 devrait indiquer que nous avons reçu 15 témoins, dont le ministre Lametti. Il faudrait l’énoncer explicitement parce qu’il n’est pas un simple témoin : il est le ministre du gouvernement responsable du projet de loi.
Le vice-président : En convenez-vous?
Des voix : D’accord.
[Français]
Le vice-président : Le paragraphe no 6 est adopté.
Nous sommes au paragraphe no 7, sur les principaux enjeux et les mots clés.
[Traduction]
Paragraphe 8. Paragraphe 9?
La sénatrice Clement : Je regarde la version anglaise du paragraphe 9. Au début, on y lit que, en règle générale, la principale préoccupation ne porte pas sur la constitutionnalité de l’article. Or, avant la dernière phrase, le message est différent, et on lit que certains témoins croient qu’il s’expose aux contestations constitutionnelles. Je proposerais de clarifier le message.
M. Walker : Très juste, je conviens que, pour le lecteur qui n’a pas assisté à nos audiences, la formulation peut porter à confusion. Certains témoins ont sans contredit affirmé qu’ils ne se souciaient pas outre mesure de la constitutionnalité de l’article, mais qu’ils croyaient tout de même qu’il ferait l’objet de contestations. Je crois que c’est l’élément que certains témoins ont fait valoir. Je sais que, au terme de cette discussion, on demandera au comité de direction d’apporter des changements mineurs, mais si vous désirez que nous clarifiions ce passage, nous pouvons le modifier.
La sénatrice Clement : C’est simplement un...
M. Walker : Je comprends votre raisonnement.
[Français]
Le vice-président : Ça va, sénatrice?
La sénatrice Clement : Oui, merci.
Le sénateur Dalphond : Qu’est-ce qu’on fait? On le supprime?
La sénatrice Clement : Non.
[Traduction]
M. Walker : Nous pouvons modifier ce passage pour le clarifier et le réviser avec le comité de direction, si vous désirez que nous procédions ainsi. Si nous prenons la teneur du changement en note, il sera aisé d’apporter le changement.
[Français]
Le vice-président : À partir de vos commentaires, le rapport sera revu par le comité directeur et vous sera transmis. Si vous retrouvez encore les mêmes choses, revenez-nous.
La sénatrice Clement : C’est mineur; ça va. Merci.
[Traduction]
Le vice-président : Paragraphe 9. Paragraphe 10.
[Français]
Le sénateur Dalphond : J’ai une remarque à faire sur le paragraphe no 9. En français, on dit : « Certains pensent que sa constitutionnalité serait remise en cause [...] ». Je pense qu’en français le bon mot devrait être « sera remise en question », plutôt que « serait ». C’est quelque chose pour le futur, pas pour le passé.
Le vice-président : Et vous gardez « en cause » ou « en question »?
M. Walker : Oui; ça va.
Le vice-président : Ça va, c’est l’un ou l’autre. Parfait. Paragraphe no 10.
[Traduction]
Nous sommes rendus au paragraphe 11.
La sénatrice Batters : À la quatrième ligne de la version française, on lit : « Nous devons créer un système de justice au Canada qui soit juste et qui respecte les droits des accusés, mais qui donne aussi accès à la justice aux femmes. » Ici, l’enjeu n’est pas l’accès à la justice, il me semble. Je crois que le message est que le système devrait aussi protéger les femmes. C’est ce que j’ai retenu de cette partie, et non pas qu’il était question d’accès à la justice. Je ne pense pas que le texte énonce bien le message à retenir.
Mon autre question porte sur la fin de ce même paragraphe où on suggère que les hommes qui consomment de l’alcool ou d’autres drogues ne sont pas criminellement responsables des violences qu’ils ont commises. En anglais, la formulation « done by their hands » est maladroite; la version française est peut-être plus habile. Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, j’aimerais proposer de remplacer « violence done by their hands » par « violence perpetuated by them ».
[Français]
Le vice-président : En français, je pense que la version et la compréhension sont bonnes. Pour ceux qui lisent le français et l’anglais correctement, est-ce que la version anglaise correspond à la version française? Sénatrice Pate?
[Traduction]
La sénatrice Pate : J’approuve ces deux changements, qui amélioreraient le texte. Pour simplifier le dernier passage, on pourrait peut-être écrire que les hommes qui consomment de l’alcool ou de la drogue ne sont pas criminellement responsables de leur violence.
[Français]
Le vice-président : Parfait. Ça va?
Nous en sommes aux paragraphes nos 12 et 13. Paragraphes nos 15, 16, 17 et 18. Paragraphe no 19?
Le sénateur Dalphond : J’ai une remarque à faire sur le paragraphe no 18. En français, à la fin du paragraphe, à la dernière phrase, on peut lire ceci : « Ces violations ne pouvaient être défendues en vertu de l’article 1 [...] ». Je pense que j’utiliserais plutôt les mots suivants : « Ces violations ne pouvaient être justifiées en vertu de l’article 1 de la Charte [...] ». L’article 1, c’est ce qui permet exceptionnellement de déroger aux droits protégés.
Je dirais donc : « Ces violations ne pouvaient être justifiées [...] » plutôt que « défendues ». Je crois que ce que « défendues » signifie n’est pas clair.
Le vice-président : Donc « justifiées »?
Le sénateur Dalphond : Oui.
Le vice-président : En anglais, est-ce que le terme est bon?
Le sénateur Dalphond : Oui, ça va.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Oui, le terme est employé très couramment.
[Français]
Le vice-président : Donc, ça va pour le paragraphe no 18.
[Traduction]
Paragraphe 19? Paragraphe 20?
La sénatrice Batters : Je veux simplement relever que, au paragraphe 20, on parle de créer une infraction autonome, puis, en anglais, le paragraphe se termine par « or », ce qui porte à confusion en raison de la numérotation des paragraphes. Je crois qu’il devrait y avoir un deux-points après « or ». De plus, le paragraphe 21 ne devrait-il pas être en retrait puisqu’il poursuit le paragraphe précédent? La présentation dans la version anglaise est difficile à suivre. Je ne sais pas vraiment ce que...
M. Walker : Les paragraphes 20 et 21 devraient tous deux être mis en retrait puisqu’ils vont ensemble. Lorsque nous sommes passés à ce format...
La sénatrice Batters : Je vois.
M. Walker : ... une partie du formatage ne s’est pas reproduit dans cette version.
La sénatrice Batters : Effectivement, ces deux paragraphes — les paragraphes 20 et 21 — devraient être mis en retrait.
Le sénateur Dalphond : Quel est le rôle de la lettre a devant du texte? Annonce-t-elle qu’il y aura une citation? Le cas échéant, le texte ne sera pas aligné avec le reste du paragraphe.
M. Walker : Oh, je crois que oui. J’ai remarqué que certains passages contiennent des a et je crois que ces paragraphes devaient être mis en retrait.
Le sénateur Dalphond : D’accord. Je fais la remarque parce qu’il y a un a, et ce devrait être un b ou un c.
M. Walker : J’ai remarqué qu’il y a un a dans le paragraphe 28, mais le texte est mis en retrait.
Le sénateur Dalphond : Merci.
[Français]
Le vice-président : Les paragraphes nos 20 et 21 vont donc s’intégrer. Nous en sommes aux paragraphes nos 22, 24, 25, 27 et 28.
Le sénateur Dalphond : Je regarde attentivement, car j’ai travaillé en français. Je n’ai pas donc regardé la version anglaise, mais on dit dans la citation :
a. Dans une quinzaine de cas, la constitutionnalité de l’article 33.1 a été contestée (à l’exclusion des affaires R. c. Brown et R. c. Sullivan et Chan), ce qui a permis à la défense de l’invoquer environ sept fois.
Je ne suis pas sûr de comprendre la phrase, mais...
[Traduction]
Si c’est une citation directe, je vais accepter la tournure. La version anglaise donne l’impression que c’est une citation directe.
M. Walker : C’est une citation directe. Sauf erreur de ma part, elle est tirée des mémoires de Justice Canada remis au comité.
Le sénateur Dalphond : Le texte indique que, dans environ 15 cas, la constitutionnalité de l’article a été contestée, ce qui a permis à la défense de l’invoquer environ sept fois. Je ne sais pas pourquoi l’article a été contesté 15 fois, mais que l’argument a seulement été invoqué sept fois. Peut-être y a-t-il une explication?
M. Walker : Ce passage décrit des renseignements tirés des mémoires du ministère de la Justice et remis au comité où les fonctionnaires expliquaient à quel point il est difficile de déterminer sans l’ombre d’un doute combien de fois la constitutionnalité a été soulevée, probablement parce qu’on peut seulement s’appuyer sur la jurisprudence. Si aucune décision n’a été rendue par écrit après une contestation, on ne peut savoir qu’elle a eu lieu.
Cet extrait aborde la rareté de ces cas et énonce l’information que nous a remise le ministère de la Justice pour l’aider à expliquer l’état de la situation. Les représentants du ministère nous ont en quelque sorte affirmé : « Voici combien de cas nous avons trouvés. » Or, il faut préciser que, parfois, la jurisprudence faisait référence à ces contestations pour une autre raison. Au bout du compte, ils essaient de communiquer qu’ils ont trouvé un certain nombre de cas, mais que leurs recherches démontrent que, à environ sept occasions, la défense a décidé d’invoquer cet argument. Les mémoires du ministère n’expliquent pas pourquoi les contestations n’ont pas été invoquées plus souvent, mais le message transmis à ce paragraphe est le suivant : la constitutionnalité de l’article a été contestée plus souvent que la défense ne l’a invoquée. Si le passage porte à confusion, nous pourrions ajouter une note en bas de page pour l’expliquer.
Le sénateur Dalphond : Je me demandais simplement s’il manquait quelque chose dans l’explication.
M. Walker : Non. Je pense que les représentants du ministère essaient d’expliquer pourquoi il est déroutant qu’ils aient calculé que la défense a invoqué l’argument sept fois.
Le sénateur Dalphond : Merci. Je peux m’accommoder de ce libellé.
[Français]
Le vice-président : Nous en sommes aux paragraphes nos 31 et 32.
[Traduction]
La sénatrice Batters : La troisième ligne à partir de la fin, dans la version française, parle du ministre Lametti :
[...] même s’il reconnaît que l’Association nationale Femmes et Droit (ANFD) et la professeure Kerri Froc « font partie des très peu nombreux détracteurs du projet de loi. »
Étant donné son argumentaire, je crois que le mot juste devrait être « claimed » plutôt que « recognized », dans la version anglaise. En effet, dans le paragraphe suivant, on lit que la professeure Froc met en doute cette affirmation.
Le sénateur Dalphond : J’en conviens.
Le vice-président : C’est approuvé. Nous sommes rendus au paragraphe 33.
La sénatrice Batters : Je veux juste signaler une coquille. Dans la version anglaise, le prénom de Kerri Froc n’est pas épelé correctement : il devrait y avoir deux r.
Concernant ce paragraphe, je veux simplement faire valoir que, lorsque j’ai questionné le ministre Lametti à ce sujet, je lui ai demandé quand la consultation a eu lieu. Forte de mon expérience antérieure au sein des gouvernements provinciaux et auprès des ministres de la Justice, j’ai souligné que, au moment de la consultation, il est très probable que le projet de loi avait déjà été adopté par le Conseil des ministres puisqu’il a été déposé à la Chambre peu de temps après. Le ministre Lametti n’a pas nié que j’avais raison.
Je voulais seulement mentionner ce fait. Je suis consciente que vous ne pourrez peut-être pas ajouter cette nuance, mais, pour le compte rendu, je veux souligner que, à mes yeux, la consultation n’était pas robuste, surtout en raison du moment où elle a eu lieu et de la façon dont elle a eu lieu.
[Français]
Le vice-président : Nous en sommes aux paragraphes nos 34, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 42 et 43.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je crois que vous avez dit tout à l’heure qu’un a minuscule annonce une citation. Ici, il s’agit d’une citation du ministre Lametti.
M. Walker : Oui. La citation est mise en retrait.
La sénatrice Batters : Je vois. Le formatage peut parfois nous jouer des tours. D’accord, merci.
[Français]
Le vice-président : Nous en sommes aux paragraphes nos 44, 45, 46 et 48.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Il y a une coquille à la troisième ligne en anglais : on lit « when they voluntary consumed » alors que ce devrait être « voluntarily consumed ».
[Français]
Le vice-président : Nous en sommes aux paragraphes nos 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 76 et 77.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Dans ce paragraphe de la version anglaise, je m’interroge sur la pertinence du mot « asked » dans « Professor Grant asked » étant donné le caractère si émouvant et critique de la question. Je la cite :
Combien de victimes avant de décider que nous avons un problème? S’il y a 5, 10 ou 20 femmes qui sont battues, violées ou même assassinées chaque année, est-ce que c’est trop?
Le comité de direction pourrait peut-être choisir un mot pour remplacer « asked ». Comme le commentaire est très dramatique et ô combien juste, j’aimerais qu’on mette un peu plus l’accent dessus. Aucun synonyme approprié ne me vient à l’esprit en ce moment, mais je voulais demander s’il serait possible d’attirer un peu plus l’attention sur la question.
M. Walker : En anglais, on pourrait écrire « stressed an important question, » « stressed the question, » « stressed certain questions » ou une tournure similaire.
La sénatrice Batters : Oui, c’est un bon mot, que j’accepte. Merci.
[Français]
Maintenant, nous passons aux paragraphes nos 79, 81, 82, 84, 85, 86, 87, 88, 90, 91, 92, 93, 95, 96 et 97.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je crois que le texte a été envoyé à tous.
M. Palmer : Il n’a pas été envoyé à tout le comité.
La sénatrice Pate : Je m’excuse. Ici, Mme Grant a fait savoir qu’elle était déjà au courant d’un plaidoyer de culpabilité dans une affaire. C’était R c. Duck. Nous avons confirmé auprès de Mme Grant que c’était l’affaire à laquelle elle faisait référence. Nous avons pensé qu’il serait utile, à titre de précision, d’avoir cette note de bas de page, et nous l’avons donc fournie.
[Français]
Le vice-président : Nous passons aux paragraphes nos 98 et 99. Nous en sommes maintenant aux recommandations.
Le sénateur Dalphond : J’ai deux commentaires à faire.
Quatre des recommandations qui se trouvent dans les recommandations finales me semblent... J’ai un peu de difficulté. On veut une collecte de données, un suivi et de la recherche. En parallèle, on veut faire un renvoi à la Cour suprême sans avoir le bénéfice de la collecte de données et de la recherche.
On parle aussi de « renvoyer les sujets susmentionnés » à la Commission du droit du Canada. Cela ne donne rien de faire un renvoi à la Commission du droit du Canada si on fait un renvoi à la Cour suprême, car elle va se prononcer. Je crois qu’on devrait mieux cibler ce qu’on veut envoyer comme message.
Il y a une deuxième chose : je ne comprends pas pourquoi on ne reprend pas les recommandations de la Chambre des communes et pourquoi on n’exprime pas que nous sommes d’accord avec celle-ci sur ces quatre recommandations.
La première était que « le ministère de la Justice communique en langage clair à la population par le biais d’une campagne de sensibilisation ». J’enchaînerais tout de suite avec « et notamment », puis je ferais référence à ce que disait plus tôt le sénateur Arnot, quand il a évoqué une campagne de publicité qui ciblerait particulièrement les jeunes, les jeunes adultes et les autres. En effet, comme il le faisait remarquer, je crois que l’éducation des jeunes, c’est une chose importante. Il faut donc cibler les jeunes adultes, en particulier les hommes, et les autres ensuite.
Le vice-président : Les communautés.
Le sénateur Dalphond : Je pense que son idée était intéressante et c’est là que je l’inclurais, après avoir dit que nous souscrivons à la recommandation no 1 de la Chambre des communes.
[Traduction]
Le vice-président : Tout le monde est-il d’accord?
[Français]
Le sénateur Dalphond : De plus, au paragraphe no 11 de notre mémoire, on parle de la nécessité de donner de l’information. Alors, je trouvais que cela...
[Traduction]
La sénatrice Pate : J’ai un autre point à soulever, mais sur la question...
Le vice-président : Nous allons conclure.
[Français]
Est-ce que ce que le sénateur propose vous convient?
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Je suis d’accord avec le sénateur Dalphond que le volet de l’éducation doit être solide, rédigé en langage clair et concis. Il faudrait que je l’examine, mais j’ai déclaré — et je suppose qu’il faudrait que je demande aux analystes — que je pourrais aider à la rédaction à cet égard.
Mais il y a un autre point que je veux soulever à titre de recommandation.
La sénatrice Pate : En ce qui concerne le point que le sénateur Dalphond a soulevé sur la Commission du droit du Canada et le renvoi à la Cour suprême du Canada, je suggérerais d’indiquer « un renvoi à la Cour suprême du Canada et subsidiairement à la Commission du droit du Canada », ou une formulation semblable. Je pense qu’il serait utile que la Commission du droit examine cette question dans son ensemble, en plus du renvoi à la Cour suprême du Canada. La Cour suprême se pencherait sur les détails de la loi, et la Commission du droit examinerait la question plus vaste de la violence contre les femmes et l’éducation dont nous avons parlé. Je serais heureuse de laisser les choses telles quelles, de ne rien changer.
J’ai un autre point à soulever.
Le vice-président : Sénatrice Batters, sur la même question?
La sénatrice Batters : Oui, c’est sur le renvoi à la Cour suprême du Canada. Je constate que tout ce que dit cette recommandation, c’est que « le comité recommande au gouvernement du Canada d’examiner le bien-fondé d’un renvoi à la Cour suprême du Canada ». C’est évidemment tout ce que nous pouvons faire, mais cela ne va pas aussi loin. Il est évident qu’ils peuvent examiner le calendrier, car on dit également que « le gouvernement du Canada devrait renvoyer les sujets à la Commission du droit du Canada pour qu’elle les étudie et les commente ». Elle en déterminera donc l’échéancier, bien entendu.
[Français]
Le vice-président : Êtes-vous d’accord avec la nuance apportée par la sénatrice Batters?
Le sénateur Dalphond : Je suis d’accord avec ce que disait la sénatrice Pate. Je pense que la sénatrice Batters dit possiblement la même chose, mais pour moi, ce sont deux options. C’est l’une ou l’autre. S’il nous faut un renvoi à la Cour suprême, cela devrait être fait plus tôt que plus tard — comme dans trois ans, quand ils auront les informations.
Ce sont peut-être deux options à explorer; ils choisiront l’option qui les intéresse le plus.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Oui, je suis d’accord. Je soulignais simplement que, dans sa forme actuelle, il laisse au gouvernement le soin d’établir le calendrier. Donc, si nous voulons réellement suggérer... Je suis d’accord pour dire que nous devrions décider. La Commission du droit du Canada est une bonne chose, mais ce n’est certainement pas une solution rapide. Son étude, et je suis d’accord avec la sénatrice Pate pour dire qu’elle devrait être faite. C’est une recherche nécessaire, mais le renvoi à la Cour suprême du Canada permettrait certainement de faire avancer les choses plus rapidement.
Le vice-président : Tout le monde est-il d’accord? Bien.
M. Walker : Je veux juste comprendre cela. Je comprends ce que l’on veut dire. La sénatrice Pate a également mentionné que la Commission du droit pourrait également se pencher sur d’autres sujets, étant donné qu’elle ne fait que renvoyer les sujets susmentionnés et que nous n’avons plus de liste plus longue de questions à traiter dans le cadre de l’étude.
Je n’ai pas été très clair. Je comprends votre inquiétude, mais une option — si j’ai bien compris ce que vous dites — serait d’accorder la priorité au renvoi à la Cour suprême du Canada. Le renvoi à la Commission du droit pourrait continuer, mais nous pourrions dire « sur tous les autres points », si c’est ce que vous souhaitez. Mais cela reviendrait à entendre un message du comité selon lequel vous voulez que le renvoi à la Cour suprême soit prioritaire, mais que ces autres questions pourraient être étudiées par la Commission du droit pendant ce temps, parce qu’elle pourrait se pencher sur la violence à l’égard des femmes, les intoxications liées à l’intoxication et toutes ces autres choses.
Nous devrions donc rédiger ce libellé de manière à ce qu’il contienne ce type de priorité. Nous pouvons certainement le faire et le transmettre au comité de direction.
La sénatrice Pate : J’ai un autre point.
En ce qui concerne le paragraphe 102, nous avons parlé de l’importance d’avoir des données ventilées, et non pas juste des données. Je suggérerais une légère reformulation. Au lieu du libellé actuel — « Le comité recommande au gouvernement du Canada d’établir un plan d’action et d’engager les ressources nécessaires pour effectuer des recherches » —, je suggérerais d’ajouter, « collecter des données ventilées, y compris les données pour lesquelles il y a actuellement des lacunes, comme il en est question dans la section du rapport consacrée à la recherche et au suivi ». Cela renvoie ainsi à cette section. Il suffit ensuite de poursuivre avec le reste. Cela signifierait que nous devrions également modifier le paragraphe 107 pour y inclure des données ventilées.
Au point b), on indiquerait « les données ventilées collectées » juste avant.
Le sénateur Dalphond : J’approuve cette suggestion. Je pense que le paragraphe 102 devrait commencer par « Comme la Chambre des communes, nous sommes d’accord que le ministère de la Justice devrait recueillir plus de renseignements et de données », etc., qui était la recommandation 3 de la Chambre des communes. Ensuite, nous expliquons ce que nous avons en tête, car il y a deux lignes et nous en avons ici 20 pour expliquer le type de données que nous recherchons.
Je pense que je l’adresserais à la Chambre des communes — quelque chose de la sorte. Nous ne rédigeons pas un rapport dissident ou différent; nous nous appuyons sur notre entente avec l’autre enceinte concernant cette nécessité, mais nous sommes plus précis.
Le vice-président : Y a-t-il d’autres observations?
Le sénateur Arnot : Puis-je présenter celui-là?
Le vice-président : Allez-y.
La sénatrice Batters : C’est un point général.
Le vice-président : Allez-y.
La sénatrice Batters : Je voulais souligner que pour quelques-uns de ces paragraphes — encore une fois, c’est à cause de la numérotation des paragraphes —, mais je pense que ce serait plus clair, et c’est peut-être ce à quoi cela ressemblera plus tard. Par exemple, après le paragraphe 102, il y a un deux-points et je crois que c’est censé être ensuite les paragraphes 103, 104 et 105 avec a), b) et c) en retrait. Il en va de même après le paragraphe 107 où, je pense, il y a un certain nombre d’alinéas différents qui doivent tous être en retrait et énumérés en conséquence pour que ce soit logique, ce qui n’est pas le cas, et ce n’est pas aussi clair en ce moment.
M. Palmer : Tout sera ramené à ce formatage. Lorsque ce formatage des paragraphes est mis en place, il prend d’autres formatages, malheureusement, mais lorsque nous l’enlèverons, ce formatage sera rétabli. Ce sera plus clair.
Le sénateur Arnot : Je vais présenter une nouvelle recommandation qui se lirait comme suit :
Le comité recommande que le gouvernement du Canada crée un acte criminel d’intoxication volontaire.
Pour revenir sur ce point, il existe une note d’information de deux pages que M. Coughlan a rédigée et qui décrit cette question de manière très succincte et compréhensible. À l’heure actuelle, nous avons entendu dire que quelqu’un qui se trouve dans un état d’intoxication extrême aurait une défense contre le meurtre parce qu’il est extrêmement intoxiqué. Il aurait une défense contre la tentative de meurtre et l’agression sexuelle. Il y a toutefois une section du code qui précise — et c’est au numéro 4 de la deuxième page — « une personne, alors qu’elle est en état d’intoxication criminelle, commet, à l’exception de cet état d’intoxication, un meurtre, une tentative de meurtre, une agression sexuelle » — que vous êtes coupable d’une infraction criminelle. Vous supprimez la défense de non-responsabilité. Vous ne pouvez pas dire, « J’étais dans un état d’intoxication extrême, alors ne suis pas coupable », comme moyen de défense, ce que vous pouvez invoquer à l’heure actuelle.
Mais si vous êtes coupable d’avoir commis un acte criminel à cause d’un état d’intoxication volontaire extrême, vous avez commis une infraction au Code criminel. Vous vous présentez au public comme un danger en agissant de la sorte, et c’est à ce mal qu’il faut s’attaquer.
J’ai été impressionné par l’approche de M. Coughlan et je me suis dit, « Eh bien, c’est tout à fait logique ». Cela nous éviterait de devoir attendre encore 1, 2, 3, 4, 5 ou 10 ans pour comprendre ce que signifie le nouvel article 33.1 du Code criminel, qui vient d’être promulgué. Si l’on supprime la défense de non-responsabilité en faisant de l’intoxication volontaire un acte criminel, on s’expose à une peine de 10 ou 15 ans d’emprisonnement. C’est ce qu’a dit la société civile. Les femmes sont totalement vulnérables. Il existe un mythe dans la société selon lequel si vous êtes ivre, en état d’ébriété, vous avez un moyen de défense.
Je pense que je suis peut-être le seul à voir les choses ainsi, mais je croyais que M. Coughlan avait vu juste et que nous devrions dire au ministère de la Justice que demain matin, il devrait créer un délit d’intoxication volontaire extrême en tant qu’acte criminel. La preuve est ici, devant nous, dans sa note d’information et dans ce qu’il nous a dit. Vous avez les transcriptions.
J’estime qu’il serait judicieux de le faire, car cela protégerait les gens et éliminerait, je l’espère, le mythe selon lequel l’intoxication volontaire extrême est un moyen de défense, ou même que l’intoxication est un moyen de défense en cas d’agression sexuelle. C’est pourquoi l’éducation est si importante, car je pense qu’il existe de nombreux mythes et stéréotypes profondément enracinés. L’un d’entre eux est que si quelqu’un est ivre et commet une agression sexuelle ou une infraction criminelle, il s’en tire parce qu’il était ivre et que ce n’est pas de sa faute.
Quoi qu’il en soit, je vais peut-être un peu trop loin, car je n’ai pas assisté à toutes les discussions, mais je pense que l’idée de M. Coughlan mérite qu’on y prête une grande attention. Je propose que nous recommandions au gouvernement du Canada de promulguer, dès que possible ou de toute urgence, le délit d’intoxication volontaire extrême dans le Code criminel.
Je ne peux pas en dire plus. Je ne sais pas si cette question a été débattue avant la rédaction de ce document ou pourquoi elle n’a pas reçu l’attention que je pensais qu’elle aurait pu avoir.
Le vice-président : Nous avons le point que vous avez soulevé.
Sénateur Dalphond, voulez-vous réagir?
Le sénateur Dalphond : Oui. Je vais m’exprimer en anglais.
J’approuve la proposition du sénateur Arnot sur la première recommandation concernant la stratégie de communication et la nécessité de la mettre en œuvre. Mais j’hésite à aller aussi loin qu’il le souhaite, car nos recommandations, qui figurent au paragraphe 106, prévoient un processus de consultation approfondi. Ce que je comprends, c’est que les paragraphes 107, 108, 109, 110 et 111 sont les thèmes de la consultation qui serait menée. L’un des points concerne la formulation actuelle de l’article 33.1 du Code criminel, ainsi que des solutions de rechange telles que la proposition d’infractions fondées sur l’état d’intoxication présentée par M. Coughlan.
Nous invitons à une consultation pour discuter de cette question, et si nous suivons vos suggestions, nous disons, « Eh bien, nous avons conclu les consultations; nous pensons qu’il devrait en être ainsi ».
Je ne suis donc pas certain d’être prêt à aller aussi loin et à dire que c’est la solution. Je préfère qu’il y ait des consultations à ce sujet. C’est une option qui devrait être explorée plus avant, mais je dois dire que je n’ai pas suffisamment confiance, à la lumière des preuves dont nous disposons jusqu’à présent, que c’est l’option à priviléger. Je préférerais en rester là.
Si nous suivons ce que le sénateur Arnot a dit, nous devrions au moins supprimer les renvois à la nécessité d’une consultation approfondie sur ce sujet, car nous disons plus ou moins, « Faites-le ».
Je ne sais pas si je suis assez clair.
La sénatrice Pate : J’ai essayé de le chercher, mais ceux qui me connaissent savent à quel point je ne suis pas très habile avec la technologie. Je n’ai pas pu trouver le libellé exact. Pouvez-vous lire le libellé exact?
Le sénateur Arnot : Eh bien, c’est compliqué.
Il y a la note d’information de deux pages que M. Coughlan nous a donnée. C’est à la page 2, au numéro 4. On peut lire ceci :
Une personne, alors qu’elle était dans un état d’intoxication criminelle, commet ce qui constituerait une infraction aux articles 271, 272 et 273, est coupable d’un acte criminel et passible d’une peine d’emprisonnement de [...]
— 10 ou 15 ans.
La sénatrice Pate : Et ensuite, l’« intoxication criminelle » est définie comme une intoxication volontaire?
[Français]
Le vice-président : J’ai un point d’ordre : est-ce que le rapport doit contenir ce que nous avons entendu lors de nos audiences, ou est-ce que le rapport doit contenir les conclusions que nous en tirons? Nous allons plus loin, à mon avis, que nos audiences.
La sénatrice Clement : J’utiliserais le mot « considère » plutôt que le mot « enact ».
[Traduction]
Si vous prenez le terme « promulguer », le gouvernement considère, comme M. Coughlan l’a expliqué, une infraction due à de la négligence, j’utiliserais plutôt le verbe « considérer » ici.
Le sénateur Arnot : Si vous proposez que le gouvernement du Canada crée un délit d’intoxication volontaire, il peut le faire ou non. Mais si vous regardez le contexte de ce que M. Coughlan dit, cela lui donne une réelle possibilité de faire quelque chose maintenant et de ne pas attendre une autre consultation, un autre déplacement à la Cour suprême du Canada au cours des 10 années à venir. Quels seront les dommages causés au cours de ces 10 années?
Quoi qu’il en soit, je pense que j’ai fait valoir mon point de vue. J’arrive en retard, pour ainsi dire, mais j’ai assisté à quelques réunions. Il m’a semblé que c’était une déclaration ferme du Sénat. C’était peut-être une déclaration trop énergique, je l’ignore, mais elle s’inscrirait dans le cadre de l’éducation publique qui pourrait l’accompagner. Ce serait une déclaration sans équivoque.
[Français]
Le vice-président : Il est évident que, selon les témoignages du Dr Chamberland et de l’autre spécialiste de l’Université de Montréal, M. Parent... Ces deux experts ont confirmé au comité qu’il risque d’y avoir une explosion de cas. Le Dr Chamberland a dit qu’il y aurait une explosion de cas. Ce que vous dites, c’est qu’il ne faudrait pas attendre cela, mais plutôt inviter immédiatement le gouvernement à agir rapidement pour ne pas qu’il y ait plus de victimes.
Je vais laisser notre greffier faire une proposition.
[Traduction]
M. Walker : Je voulais juste apporter un peu de contexte à vos discussions pour contribuer aux délibérations et mettre le doigt sur les sections du rapport où certains de ces points sont déjà abordés, ce qui pourrait vous aider à vous concentre sur les sections où vous souhaiteriez proposer certains de ces changements.
J’allais mentionner qu’à partir du paragraphe 65 jusqu’au paragraphe 72, nous avons inclus tous les témoignages que nous avons eus sur les délits liés à l’intoxication, et l’essentiel de l’exposé que nous avons fait était, et nous avons initialement entendu certains des professeurs...
Le sénateur Arnot : M. Coughlan en parle justement aux paragraphes 67, 68 et 71.
M. Walker : Quoi qu’il en soit, nous avons indiqué que certains témoins étaient vivement opposés à la création d’un délit fondé sur l’intoxication, y compris M. Roach, qui a d’abord déclaré qu’il pensait que c’était une bonne idée, mais qui a ensuite changé d’avis et s’est rallié à une approche plus axée sur la violence fondée sur le sexe et sur la manière dont ce délit pourrait sous-estimer ces crimes ou les faire paraître moins graves.
Nous en arrivons ensuite à la proposition écrite de M. Coughlan. Nous incluons sa proposition et, dans le rapport, il y a un paragraphe où il la résume. Nous ne reprenons pas le libellé exact, qui pourrait être ajouté. Son mémoire écrit est inclus, mais il pourrait être inclus en annexe si l’on souhaitait le mettre davantage en évidence dans le rapport. En conséquence, certains témoins se sont opposés à l’idée, puis M. Coughlan a présenté une proposition qui a fait l’objet d’une discussion. C’est dans la section sur le contexte.
Comme on vient de le souligner, vous avez mentionné dans les directives sur la rédaction que vous vouliez vous assurer que sa proposition était prise en compte. Mais vous avez raison, la formulation est bien de tenir compte de la proposition de M. Coughlan, mais elle ne dit pas précisément qu’elle doit être prise en considération. Elle ne dit pas qu’il faut lui accorder plus d’importance. Je voulais le souligner. Si vous voulez apporter un changement, le fait d’ajouter quelque chose au contexte ou à la recommandation pourrait mettre l’accent sur cette conversation.
La sénatrice Batters : C’est ce que j’allais souligner. Le rapport contient déjà la base factuelle de cette recommandation particulière. Il ne semble pas qu’il soit très long d’inclure ce petit passage sur ce que devrait être l’infraction recommandée.
Le sénateur Arnot : Je suis désolé de vous interrompre. Nous avons demandé à M. Coughlan de le rédiger comme s’il s’agissait d’une mesure législative dans le code, et il a donc choisi ces mots très précisément. Il est très succinct.
La sénatrice Batters : Je pense que ce pourrait être un bon ajout à cette partie du libellé. Je suggérerais qu’au lieu de dire « considérer », on indique « considérer fortement ». Je suis favorable à l’idée. Je pense que ce pourrait être une bonne partie de cette recommandation. Ce changement ne va peut-être pas aussi loin que le souhaiterait le sénateur Arnot, mais l’expression « considérer fortement » serait acceptable.
Le sénateur Dalphond : Encore là, je ne serais pas à l’aise de soutenir même l’expression « fortement suggérer », car si vous avez lu sa note d’information de deux pages, la première ne comporte pas seulement le paragraphe 4. Le paragraphe 4 est l’ensemble de l’article 33.1 révisé du Code criminel. Il a une première option, qui se trouve à la première page de sa note d’information. À la deuxième page, il dit qu’une autre option consistera à remplacer l’alinéa 4 par ce nouvel alinéa 4 que le sénateur Arnot a examiné. Il a ajouté qu’une autre option pourrait être d’avoir trois éléments — si cela conduit à une agression, à une agression avec blessures corporelles, à un meurtre, ce serait une autre option. Il discute de trois options dans sa note.
Pourquoi privilégierions-nous une option plutôt que trois? Je pense qu’il faut bien y réfléchir et bien écouter. Nous avons reçu ce document à l’issue de nos audiences. Nous n’avons jamais discuté du contenu des propositions. On lui a simplement demandé de se porter volontaire pour formuler une proposition par écrit et il l’a fait avec cette note dans laquelle il propose trois options. Je ne me sens pas à l’aise d’approuver l’une ou l’autre de ces options sans avoir discuté davantage et sans avoir entendu d’autres témoins.
Le deuxième point que je souhaite soulever — et il l’a fait lui-même —, c’est que dans l’un des paragraphes de la dernière page, il dit que nous devons être attentifs à ce que cela pourrait signifier. Les gens diront: « J’étais tellement intoxiqué que je n’ai pas commis ces actes, c’était involontaire. » Ils essaieront alors de s’en sortir en demandant une négociation de plaidoyer pour ce délit moins grave. Dans la note d’information, il a demandé que si ce délit était créé, quelle serait la sanction qui y serait rattachée? Il a répondu qu’il s’agirait évidemment d’une peine inférieure à la peine réelle. Si vous commettez un meurtre, vous êtes passible d’une peine, mais si vous êtes tellement intoxiqué que vous n’avez plus la mens rea, alors vous recevez une peine qui pourrait être modélisée pour représenter la gravité du résultat, mais il a dit que ce serait moins que la peine réelle. Il a ajouté que cela pourrait offrir d’autres options pour la négociation de plaidoyer, pour négocier afin d’avoir une peine moins lourde que la peine réelle.
Il y a un risque associé à cette option. C’est pourquoi tant de personnes n’y sont pas favorables. Je ne me sentirais pas en mesure de l’approuver. Je dirais certainement qu’elle devrait faire partie des discussions et faire l’objet d’un examen approfondi. Des personnes devraient être invitées à le faire, la Commission du droit pourrait l’examiner, mais je ne pense pas — avec tout le respect que je dois à chacun de nous — que nous soyons adéquatement informés pour prendre une telle décision ou même pour faire une suggestion ferme ou simple.
[Français]
Le vice-président : Je crois comprendre qu’il y a deux positions à la table, soit la position du sénateur Dalphond, qui souhaite que l’on soit plus général, et celle du sénateur Arnot, qui souhaite que l’on soit plus explicite par rapport à l’infraction en cas d’intoxication. Ai-je bien compris?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Vous regroupiez peut-être ces recommandations dans la première, mais je pense que nous avons cette recommandation, ainsi que les recommandations de M. Roach, de Mme Sheehy et de Mme Froc. Si nous voulons faire référence à la Cour Suprême du Canada et à une étude de la Commission du droit du Canada, nous pourrions dire qu’il faut mettre l’accent sur les types de recommandations législatives dont nous avons entendu parler, y compris celle de M. Coughlan et les autres. Je ne sais pas à qui le ministère de la Justice du Canada s’est adressé, mais il prend généralement ses conseils auprès des avocats qu’il consulte.
[Français]
Le vice-président : Il faut simplement régler la position du sénateur Arnot, qui propose que l’on soit plus explicite par rapport à l’auto-intoxication plutôt que de considérer la création de l’infraction. C’est votre position? La position du sénateur Dalphond est de dire qu’il faut rester général, comme la Chambre des communes l’a sans doute fait. J’aimerais avoir votre opinion à cet effet, plutôt que de discuter du contenant. On s’organisera après. Il s’agit de savoir si nous adoptons une position explicite, soit celle du sénateur Arnot, ou si nous gardons un vocabulaire général, comme le propose le sénateur Dalphond. J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Comme vous le savez, je suis un nouveau membre du comité. Comme je n’ai pas entendu l’ensemble des témoignages, j’hésite à me prononcer sur ce dossier. Il me semble que l’une des principales recommandations du rapport est de procéder à des consultations qui n’ont pas encore eu lieu de manière adéquate, dans la hâte de présenter ce projet de loi. Si nous souhaitons réellement recommander une consultation approfondie et que nous ne présumons pas de ses résultats, alors, avec tout le respect que je dois au sénateur Arnot, je suis d’accord pour améliorer le paragraphe 108, qui a trait à la création d’une nouvelle infraction punissable. Nous devons nous pencher, comme l’a dit la sénatrice Pate, sur les propositions d’infraction liées à l’intoxication présentées non seulement par le professeur Coughlan, mais aussi par d’autres intervenants. Il me semble problématique que nous n’ayons pas encore interrogé le professeur Coughlan. Ses recommandations ont été formulées sous la forme d’un mémoire, n’est-ce pas?
Le sénateur Arnot : En fait, le professeur Coughlan a pu comparaître, et nous lui avons posé plusieurs questions. Son témoignage s’est avéré très pertinent, et nous en sommes ravis.
Le sénateur D. Patterson : Je pense que nous devons renforcer le paragraphe 108 et envisager sérieusement l’idée de créer une nouvelle infraction criminelle, comme cela a déjà été suggéré. Comme l’a dit le sénateur Dalphond, le professeur Coughlan a fait trois propositions différentes. À mon avis, la proposition que le sénateur Arnot a trouvé convaincante va peut-être un peu trop loin.
Le sénateur Arnot : Je pense que le professeur Coughlan a présenté une option alternative. À bien y penser, je suis d’accord avec cette option, qui est celle que je...
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président : Toujours sur le même sujet.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je préfère demeurer vague pour les raisons que j’ai mentionnées. D’après ce que j’ai lu, le professeur Coughlan appuie les préoccupations que la sénatrice Clement, d’autres sénateurs et moi-même avons formulées. Comme l’a dit le sénateur Dalphond, il y aurait un problème dans le cadre de la négociation de plaidoyer.
Je pense que beaucoup d’entre nous partagent la préoccupation que le sénateur Arnot a exprimée, et que nous souhaitons observer des résultats concrets. J’aimerais voir ce que certains experts qui ont travaillé dans ce domaine pendant des années ont à dire sur le sujet. Je pense par exemple à la professeure Sheehy, qui a écrit sur le sujet, qui est son domaine d’expertise. Par contre, je dois avouer que je n’ai pas eu la présence d’esprit de lui transmettre le document pour lui poser cette question à l’avance, d’où mon hésitation aujourd’hui.
[Français]
Le vice-président : À titre de compromis, pourrait-on adopter l’option générale, mais en utilisant un langage plus fort? Il reste quand même que, si on reste dans une optique générale, mais que les mots utilisés n’ont pas de portée, tout cela sera dilué. J’essaie de trouver un compromis.
[Traduction]
La sénatrice Clement : Pourrait-on recommander au gouvernement d’examiner les arguments avancés par le professeur Coughlan? Nous n’allons rien promulguer ni choisir une option plutôt qu’une autre, mais simplement demander à ce que les représentants du gouvernement jettent un coup d’œil sur les recommandations des experts qui ont comparu devant le comité.
Le sénateur Arnot : Donc pour résumer, nous recommandons au gouvernement du Canada de créer, ou d’étudier la possibilité de créer, une infraction criminelle liée à l’affaiblissement volontaire extrême de ses facultés.
Le sénateur Dalphond : C’est déjà le cas à l’alinéa 108, dont nous pourrions d’ailleurs améliorer le libellé. Toutefois, en formulant déjà des recommandations, nous contournons le processus de consultations que nous-mêmes demandons. Je veux nous éviter de formuler de fortes recommandations sans consultations préalables, car nous pourrions ensuite le regretter. Je pense que cela devrait faire partie du processus de consultations, c’est en fait ce qui est indiqué à l’alinéa 108. Mais cet alinéa pourrait être amélioré par la formulation suivante : « En tenant compte notamment des propositions soumises par le professeur Coughlan, qui sont annexées au présent rapport. » Si vous le souhaitez, vous pouvez joindre le rapport en annexe.
La sénatrice Batters : Je ne pense pas que l’examen de cette question exclut un processus de consultation. Il me paraît évident que le gouvernement fédéral va mener, je l’espère, un processus de consultation adéquat pour se pencher sur cette option. Si nous nous contentons d’ajouter un sous-alinéa au sous-alinéa d’une recommandation, cela n’aura pas la même force que ce que propose le sénateur Arnot. Je préférerais ajouter quelque chose de plus fort, et examiner cette option. Il est évident que le processus de consultation doit avoir lieu, mais je crois que cela doit se faire dans le cadre de l’examen de cette option par le gouvernement.
[Français]
Le vice-président : Je vais tenter de trouver une solution gagnante : si l’on maintient la proposition du sénateur Dalphond, mais qu’on suggère au gouvernement d’envisager une consultation immédiate sur la proposition du sénateur Arnot? Le fait de créer une infraction par rapport à ce que vous proposez... Effectivement, on n’a pas mené de large consultation par rapport à cet élément lors des audiences. Quelques témoins ont abordé le sujet, c’est vrai, mais on pourrait demander au gouvernement de faire immédiatement une consultation sur la création de cette infraction.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : C’est parfois par l’écrit que l’on voit la lumière. Donc, vous proposez que l’on retire ce segment de l’alinéa 108?
Le vice-président : Oui.
Le sénateur Dalphond : Nous devons partir du principe qu’une telle option fait partie du processus de consultation, parce que je tiens à ce que ce processus ait lieu. Je vous rappelle que le gouvernement a contourné le processus de consultation. Le gouvernement a présenté son projet de loi et, trois jours plus tard seulement, la Chambre et le Sénat l’ont adopté en repoussant à plus tard les consultations. Ce n’est pas la bonne manière de procéder, et je ne veux pas répéter la même erreur.
[Français]
Le vice-président : Ce que je veux dire, c’est qu’il y a des témoins qui nous ont alertés par rapport à ce problème. Dans le fond, on se demande si le gouvernement peut aller plus loin, afin de s’assurer que la consultation soit faite en bonne et due forme. Pourrait-il y avoir des positions claires de la part d’autres partenaires?
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Les ministres nous ont appris que cette option avait été envisagée. La Cour suprême y a fait référence dans un jugement au cours de l’affaire R. v. Brown en indiquant qu’il y a deux options : soit un nouveau 33,1 qui n’évite pas la question de la mens rea, soit une infraction séparée, qui serait donc une nouvelle infraction, soit l’affaiblissement volontaire de ses facultés. Le ministre a dit qu’il excluait cette option. Des témoins comme le professeur Roach ont déclaré qu’ils avaient d’abord penché pour cette option, mais qu’ils ont ensuite changé d’avis parce qu’elle comporte des aspects négatifs. Voilà pourquoi je pense que l’enjeu est plus complexe que ce que nous pourrions penser autour de cette table dans 15 ou 20 minutes. C’est pourquoi j’hésite à affirmer que dans leur sagesse, les sénateurs sont parvenus à la conclusion que c’est la solution.
[Français]
Le vice-président : Le lendemain de la décision de la Cour suprême, la déclaration du ministre... Il a laissé entendre qu’il pensait à créer une infraction criminelle juste sur le fait de l’intoxication. Cela a été la première avenue envisagée par le ministre. Cela s’est estompé un peu après. Je suis d’accord avec le sénateur Arnot pour dire qu’il faut y aller à fond avec cette suggestion. Serait-ce un bon compromis?
Le sénateur Dalphond : Explorer à fond.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Immédiatement, de toute urgence, parce que...
Le vice-président : Oui, ce ne sera pas long si le ministre décide d’adopter cette option.
Le sénateur Arnot : En effet.
Le vice-président : S’il dit non, ce sera non. Le ministre n’a pas à aller dans le sens du rapport.
Le sénateur Arnot : Je pense que l’idée générale, c’est que la société civile est préoccupée par la vulnérabilité et la peur, qui sont souvent présentes dans les cas d’intoxication volontaire.
Le vice-président : Cela envoie un message fort aux femmes.
Le sénateur Arnot : C’est exact, et c’est pourquoi je pense qu’il est important. Toutefois, je suis nouveau au Sénat et je sais que vous travaillez de manière différente.
La sénatrice Pate : Je pense que ce n’est pas un problème. Je m’inquiète plutôt du nombre de femmes autochtones, en particulier dans votre province, qui risquent d’être prises au piège. Ce sont des femmes qui résistent à la violence perpétrée contre elles et qui sont parfois sous l’emprise de l’alcool ou de drogues. C’est la question que j’ai soulevée lorsque...
Le sénateur Arnot : Si le ministre de la Justice est saisi du dossier et qu’il décide de le faire, cela risque de générer beaucoup d’attention sur le sujet. Cela prendra un certain temps avant que le projet de loi ne soit adopté. Toutes ces questions feront l’objet d’un débat approfondi, j’en suis certain. Quoi qu’il en soit, je pense en avoir assez dit.
[Français]
Le vice-président : Je pense qu’on a fait le tour de la question. L’analyste va nous préparer un document qui vous sera soumis en même temps que le rapport, et vous pourrez y réagir à ce moment-là. Le comité directeur aura le loisir d’étudier le texte auparavant.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : L’alinéa 108 sera-t-il retiré du processus de consultation? Une nouvelle recommandation sera-t-elle formulée?
[Français]
Le vice-président : Oui, elle y serait intégrée. Ça va? Y a-t-il d’autres remarques ou d’autres interventions sur les recommandations?
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Lorsque je consulte le rapport de la Chambre des communes, je vois que la quatrième recommandation est que le Parlement procède à un examen formel de ces dispositions dans trois ans. Je pense que nous devrions nous aussi appuyer cette recommandation et demander au gouvernement de saisir la Cour suprême ou la Commission du droit du Canada. Il se peut que ces deux instances ne prennent pas de décision. Mais il se peut également qu’ils essaient de faire quelque chose, mais que nous soyons obligés d’abandonner le processus parce que le gouvernement déclenche des élections, ou que survienne un autre événement majeur. Je pense que nous devrions réexaminer ce dossier dans trois ans comme l’a recommandé la Chambre des communes.
[Français]
Le vice-président : Les délais sont une préoccupation, parce que dans nos recommandations, on ne propose aucun délai. Lors des derniers témoignages, j’ai dit qu’il doit toujours y avoir une date et un délai que l’on suggère pour la révision de la loi. C’est normalement reconnu. J’ai également proposé que, pour ce qui est de l’évolution du nombre de cas, il y ait une espèce de veille, pour s’assurer de réagir immédiatement sur le plan législatif s’il y a une explosion de cas dans un an. Il y a donc des éléments où l’on parle de collecte de données.
Il ne faudrait pas attendre trois ans avant d’avoir des données. Il faudrait peut-être que certaines informations soient disponibles en temps réel. Si vous êtes d’accord avec cela, le comité directeur pourrait ajouter un petit astérisque quelque part en disant qu’il y a un ensemble de données qu’il faudrait avoir en temps réel. On ne peut pas attendre dans trois ans pour voir si les cas se sont multipliés et se dire qu’il fallait réagir avant. Je pense qu’on n’aura pas fait notre travail, parce que c’est un doute que j’ai et dont certains témoins nous ont fait part. S’il y a une explosion de cas, comment réagit-on comme législateurs?
Si vous êtes d’accord avec ce principe, on pourrait peut-être nuancer nos recommandations à cet égard, surtout sur l’évolution du nombre de cas qui se présenteront à cause de la nouvelle loi et de la nouvelle définition. Ça vous va?
Le sénateur Dalphond : Que le ministre de la Justice fasse rapport annuellement des informations.
Le vice-président : Exactement. L’autre élément...
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Pour ma part, je seconde les propos de notre président, le sénateur Boisvenu, en ce qui concerne l’enjeu des délais. Je pense que les craintes dans la population demeurent vivent et que le temps presse. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous traîner les pieds. Je pense que tout le monde est préoccupé par l’évolution de la situation et s’inquiète pour l’avenir. Le temps est un facteur essentiel, et nous devrions être en mesure de réduire ce délai ou au moins pouvoir accéder aux données au fur et à mesure qu’elles sont publiées.
[Français]
Le vice-président : Je suis tout à fait d’accord.
Il y a un autre élément, parce que je vous ai fait travailler et c’est à mon tour de le faire. Les mots « victimes d’actes criminels » sont trop généraux, selon moi. Il s’agit du point a) au paragraphe no 107. On peut y lire ce qui suit : « Cet examen devrait commencer dans les meilleurs délais et organiser des consultations avec les services juridiques [...] ».
Il ne faudrait pas parler de victimes d’actes criminels, mais de victimes d’agression sexuelle et de violence conjugale. Les victimes les plus touchées par l’auto-intoxication, ce sont les victimes de crimes à caractère sexuel ou de violence conjugale. J’aimerais que le texte reflète vraiment cela et qu’il le qualifie. « Victimes d’actes criminels », c’est très général. Est-ce que vous êtes d’accord? Je voudrais spécifier cela.
L’autre point que je voulais apporter concerne la notion que le Dr Chamberland nous a présentée, soit l’auto-intoxication basée sur l’automatisme. Le Dr Chamberland a également fait référence à l’aliénation mentale. C’est une notion qu’il faudrait aborder dans nos recommandations... Je ne sais pas comment le prendre, mais ce médecin nous a dit que l’automatisme faisait en sorte que la définition d’auto-intoxication est très large. Il a dit que si on incluait également l’aliénation mentale, on réduirait quelque peu la notion d’auto-intoxication. Je trouve que c’est un principe important qui a été présenté par le Dr Chamberland, mais je ne sais pas comment l’incorporer dans nos recommandations.
Le sénateur Dalphond : Au paragraphe no 110, on pourrait faire une précision en ajoutant « concernant l’intoxication et les troubles mentaux en vertu du Code criminel »?
Le vice-président : Oui, on pourrait l’ajouter à cet endroit : « aliénation mentale ». C’est parfait.
Voilà, cela conclut ce que j’avais à dire. Est-ce qu’il y a d’autres commentaires à ajouter au rapport?
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Je n’ai qu’une petite observation à faire. Je souhaiterais demander conseil à la sénatrice Pate et à la sénatrice Batters concernant l’alinéa 107, qui stipule que le processus de consultation doit inclure des consultations avec des experts juridiques, médicaux et psychologiques pertinents. Puis il est question d’organismes pour les femmes. Lorsque j’ai lu ce passage, j’ai tout de suite pensé aux nombreux organismes pour les femmes, dont les organismes pour l’égalité des genres et les organismes de femmes autochtones, comme Native Women of Canada ou encore Pauktuutit Inuit Women of Canada.
Puisque les organismes juridiques de femmes ont été exclus du passage en question, et puisqu’un témoin nous a dit que 19 organismes avaient des préoccupations, devrions-nous modifier le segment « organismes pour les femmes » par « y compris les organismes pour les femmes, les organismes juridiques et les organismes de défense de droits des femmes »? Sénatrice Pate, cela vous paraît-il logique?
La sénatrice Pate : Je pense que nous pourrions parler d’organismes pour les femmes qui défendent la Charte et les enjeux de violence envers les femmes. À mon avis, cela suffirait.
Le sénateur D. Patterson : Vous voyez où je veux en venir?
La sénatrice Pate : Oui.
[Français]
Le vice-président : Je vais vous lire le paragraphe. On s’est entendu sur la proposition des sénateurs Arnot et Dalphond. Nous en sommes arrivés à ce consensus :
Nous allons demander aux analystes d’examiner notre analyse de la nouvelle infraction pénale et de rédiger une recommandation que nous soumettrons à nouveau à la Commission en apportant également les autres modifications que nous avons apportées au rapport.
Y a-t-il d’autres commentaires sur le rapport? Êtes-vous prêts à adopter le rapport tel que modifié?
Le comité directeur va recevoir le rapport. On va le bonifier et l’accepter et, ensuite, il vous sera renvoyé pour faire les dernières vérifications et produire une dernière mouture. Ça vous convient?
Je tiens à vous remercier énormément, car vous avez facilité mon travail. J’ai travaillé pour la première fois à la production d’un rapport. Je suis habitué à travailler sur le plan des témoignages, mais vous avez grandement facilité mon travail. Je vous en remercie. À demain.
(La séance est levée.)