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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 3 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 30, 31, 34 et 39 de la partie 4, et de la sous-section B de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Honorables sénateurs, j’aimerais que les sénateurs et les sénatrices se présentent, en commençant par ma droite.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Sénatrice Jaffer, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

La sénatrice Pate : Kim Pate. Je vis ici sur le territoire non cédé des Algonquins anishinabes.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bonjour, et bienvenue. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan et du territoire du Traité no 4.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice indépendante, division sénatoriale des Laurentides, au Québec.

Le sénateur Boisvenu : Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec. Je suis vice-président du comité et je remplace aujourd’hui notre président, le sénateur Cotter, qui est occupé dans un autre comité où il défend un autre projet de loi.

Honorables sénateurs, nous entamons aujourd’hui l’étude de la division du budget qui nous a été renvoyée. Nous discuterons de la section 39, qui traite des modifications apportées à la Loi électorale du Canada. Je tiens d’abord à remercier énormément nos analystes du travail qu’ils ont fait dans un très bref délai pour préparer la documentation et l’information que nous avons cet après-midi. Comme d’habitude, ils ont travaillé très fort pour répondre à ces demandes à court terme. Je tiens aussi à remercier nos témoins, qui ont dû s’adapter rapidement pour être présents cet après-midi.

Nous accueillons Stéphane Perrault, directeur général des élections, et Anne Lawson, sous-directrice générale des élections, Affaires régulatoires, qui sont tous deux d’Élections Canada. Vous aurez cinq minutes pour vos présentations et ensuite, les sénateurs disposeront aussi de cinq minutes pour échanger avec vous.

[Traduction]

Stéphane Perrault, directeur général des élections, Élections Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant le comité dans le cadre de son étude des modifications proposées à la Loi électorale du Canada contenues dans le projet de loi C-47.

Il est inhabituel que des modifications à la Loi électorale du Canada soient incluses dans une loi budgétaire. Ces projets de loi sont souvent très volumineux, ils portent sur une vaste gamme de sujets sans rapport les uns avec les autres, et sont une question de confiance. Par conséquent, ils ne s’accordent pas vraiment au niveau d’examen et de confiance qu’on souhaiterait avoir pour les changements à la Loi électorale du Canada.

Dans ce cas-ci, les amendements que vous avez devant vous ne modifient pas les droits et les obligations contenus dans la Loi électorale du Canada et n’ont pas d’impact sur la capacité d’Élections Canada d’administrer la loi. En ce sens, la présence de ces modifications dans le contexte de ce projet de loi n’est pas si problématique. Cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas d’incidence sur le droit à la vie privée des Canadiens. Pour cette raison, je me réjouis que le comité s’intéresse aux amendements proposés.

Je crois que le fait d’avoir de meilleures règles en place pour assurer la protection de l’utilisation des renseignements personnels par les partis politiques aiderait à préserver la confiance des électeurs dans le processus électoral. Les partis politiques ont, en vertu de la loi, accès aux données de base des électeurs par l’entremise de la liste électorale. Cela leur permet de communiquer avec les électeurs. Ils ont également, en vertu de la loi, accès aux registres des votes exprimés, communément appelés « cartes de bingo », qui leur indiquent qui a voté, à la fin de chaque journée de vote par anticipation et à intervalles réguliers le jour du scrutin. Cela leur permet d’aller chercher le vote, comme on le dit communément.

De plus, pour comprendre et joindre efficacement leur public cible, les campagnes politiques s’appuient de plus en plus sur l’analyse des données. Bien que les enquêtes soient encore couramment utilisées à l’ère numérique, des renseignements plus ciblés sur l’identité et les préférences des électeurs peuvent être recueillis de nombreuses façons, directement ou indirectement.

[Français]

En 2018, le projet de loi C-76 a modifié la Loi électorale du Canada de manière à exiger que les partis politiques publient leur propre politique de protection des renseignements personnels. Cette politique doit indiquer les types de renseignements qu’un parti recueille et la façon dont il les protège et les utilise, puis les circonstances dans lesquelles les renseignements peuvent être vendus, les façons de recueillir et d’utiliser des renseignements personnels issus d’activités en ligne, ainsi que le nom et les coordonnées de la personne à qui toute question au sujet de la protection des renseignements personnels peut être posée.

Bien que ces nouvelles exigences améliorent la transparence pour le traitement des renseignements personnels détenus par les partis politiques, la loi n’impose aucune norme minimale; elle ne prévoit pas non plus de mécanismes de surveillance pour vérifier si les partis respectent leur politique, et aucune sanction n’est prévue en cas de non-conformité. Dans mon rapport de recommandations de 2022 que j’ai produit à la suite des 43e et 44e élections générales, j’ai recommandé que les principes de protection des renseignements personnels qui sont énumérés à l’annexe 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques s’appliquent également aux partis politiques enregistrés et admissibles sous la surveillance du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

À défaut d’une application complète de ces principes, j’ai recommandé à tout le moins certaines exigences minimales, soit d’abord que les Canadiens aient le droit de refuser de recevoir des communications ou certaines formes de communications des partis politiques; qu’ils puissent aussi consulter les renseignements que les partis détiennent à leur sujet et les corriger si elles sont inexactes. Enfin, les partis doivent indiquer dans leur politique la manière dont les renseignements personnels des électeurs sont partagés, le cas échéant, en plus de la manière dont ils sont colligés, utilisés ou vendus, ce qui est déjà une exigence dans les politiques prévues dans la loi actuelle.

J’estime qu’une meilleure protection des renseignements personnels des électeurs contribuerait à maintenir la confiance des Canadiens dans les partis politiques du Canada et, du même souffle, dans le processus électoral. Cela dit, je veux être clair. Je ne crois pas qu’une réforme aussi importante de la Loi électorale devrait se faire dans le cadre d’une loi budgétaire, mais qu’elle devrait plutôt faire l’objet d’un projet de loi distinct. En d’autres termes, je ne m’oppose pas à la mesure prévue dans le projet de loi budgétaire. Je dis qu’elle devrait être suivie d’une initiative distincte et propre à la Loi électorale du Canada pour améliorer la protection des renseignements personnels, car le régime est inadéquat en ce sens actuellement.

Le vice-président : Merci beaucoup. Les sénateurs qui souhaitent prendre la parole doivent faire signe au greffier. On vous inscrira par ordre de demande.

Ma première question est la suivante. Vous dites qu’au départ une telle mesure aurait dû être prise de façon distincte dans un projet de loi, et non dans une mesure aussi vaste que le budget. Y a-t-il eu consultation auprès des partis politiques sur ce qu’annonce le budget?

M. Perrault : Je ne peux le confirmer. Je précise que je ne m’oppose pas à la présence de la mesure telle qu’elle figure dans ce projet de loi. Je dis que l’on doit voir une amélioration et une augmentation des protections et que cette initiative devrait se faire ailleurs que dans un cadre budgétaire.

Le vice-président : Si elle était faite ailleurs, il y aurait une consultation plus large.

M. Perrault : Pour ma part, lorsque j’ai fait mes recommandations, j’ai consulté plus largement les partis politiques et les intervenants. On a aussi fait des sondages auprès des Canadiens.

Le vice-président : Donc, cette mesure vient de vous?

M. Perrault : Non. Cette mesure vise à écarter les régimes provinciaux et territoriaux pour dire que les seules règles applicables aux partis sont les règles prévues à la Loi électorale du Canada. C’est ce que vise cette mesure, d’après ce que je comprends.

Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui. J’étais ici la dernière fois que vous êtes venu. C’était dans le cadre de l’étude du projet de loi C-76, en 2020, je crois.

M. Perrault : En 2018.

Le sénateur Dalphond : On a beaucoup parlé de ces dispositions en matière de protection des renseignements personnels. Je regarde le document que nous avons reçu au sujet de la section 39, avec un aperçu de la section et les questions et réponses s’y rattachent. On dit, dans les questions et réponses, que le gouvernement donne suite aux recommandations suivantes :

Le gouvernement s’engage à relever la barre du régime de protection de la vie privée pour les partis politiques de manière progressive et appropriée dans la foulée du travail entrepris en 2018. [...]

Nous avons été à l’écoute et nous avons entendu qu’il fallait en faire plus. C’est pourquoi le gouvernement prend une nouvelle mesure pour protéger les renseignements personnels des électeurs de manière équitable et cohérente dans tout le pays.

J’étais heureux de lire cela, parce que je trouvais qu’on n’avait pas fini le travail sur le projet de loi C-76. Or, en lisant le projet de loi, je vois qu’aucune mesure n’est prise. On dit simplement que la Colombie-Britannique prétend avoir compétence sur nous; on va donc déclarer que nous sommes d’intérêt national et qu’ils ne peuvent pas nous dire quoi faire. J’ai l’impression qu’on protège les partis politiques, mais pas les électeurs.

Je ne veux pas vous faire dire que vous êtes d’accord. Dans votre présentation, vous avez dit qu’après les élections, vous avez fait des recommandations. Si je comprends bien, aucune d’elles ne se trouve dans les amendements proposés.

M. Perrault : Pas dans ce projet de loi. Je dirais que, d’une certaine façon, c’est une bonne chose. Je ne voudrais pas qu’on utilise l’exercice budgétaire pour faire une refonte de la Loi électorale. J’ai fait un ensemble de recommandations qui vont au-delà de la question de la vie privée. Pour toutes sortes de raisons, les comités parlementaires de la Chambre des communes n’ont pas encore eu l’occasion d’examiner cela. Cependant, il n’y a pas, dans ce projet de loi, une amélioration de la protection des renseignements personnels des Canadiens.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre présence ici, monsieur Perrault. Vous n’êtes pas étranger à ce comité. Bienvenue encore une fois.

J’ai une question à propos de votre entrée en matière. Y a-t-il une urgence motivant l’inclusion de ces dispositions dans ce projet de loi d’exécution du budget? Comme vous l’avez dit au début, ce n’est pas normal. Savez-vous pourquoi cela figure ici?

M. Perrault : Ce serait au gouvernement d’en parler, sénatrice.

Je crois comprendre qu’il y a des litiges en cours. Cela peut faire partie d’une stratégie de contentieux. Ce n’est pas à moi de parler de cette stratégie ou des raisons qui ont motivé cette initiative.

La sénatrice Jaffer : Je comprends que c’est aux gens du gouvernement d’en parler. S’ils viennent, je vais leur poser la question. Ma question était la suivante : était-ce urgent? Avez‑vous exhorté le gouvernement à le faire?

M. Perrault : J’aimerais bien qu’un projet de loi tienne compte de mes recommandations, mais en occurrence, ce n’est pas le cas.

La sénatrice Jaffer : Mon autre question est la suivante : comment envisagez-vous l’adoption de l’article 680? Quels changements à la loi ou à la politique électorale canadienne attendez-vous? Comment les partis politiques vont-ils s’adapter? Doivent-ils s’adapter à ces changements?

M. Perrault : Il n’y a pas de réponse facile à cette question. Cela met de côté les règles provinciales ou territoriales dans la mesure où elles s’appliquent. Un litige est en cours.

Nous savons que le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique a adopté la position selon laquelle les règles provinciales en matière de protection de la vie privée en Colombie-Britannique s’appliquent aux partis fédéraux qui exercent leurs activités en Colombie-Britannique. C’est une question controversée. Cela modifie la loi dans la mesure où le commissaire à la protection de la vie privée a raison. Cependant, les tribunaux se penchent actuellement sur cette question.

La sénatrice Jaffer : L’article 680 du projet de loi C-47, qui modifie la Loi électorale du Canada, se lit en partie comme suit :

Le présent article vise à établir un régime national, uniforme, exclusif et complet applicable aux partis enregistrés et aux partis admissibles relativement à la collecte, à l’utilisation, à la communication, à la conservation et au retrait de renseignements personnels par ceux-ci.

Qu’est-ce que cela signifie exactement?

M. Perrault : D’après ce que je comprends, cela signifie qu’aucune autre règle à ce sujet, à l’exception de la Loi électorale du Canada, ne s’applique aux partis politiques.

La sénatrice Jaffer : Comment cela sera-t-il mis en œuvre?

M. Perrault : Il n’y a rien à mettre en œuvre à cet égard.

En supposant que les partis s’efforçaient de se conformer à d’autres règles, cela leur facilite la tâche. En ce qui me concerne, cela n’a aucune incidence sur l’administration de la Loi électorale du Canada.

La sénatrice Jaffer : En quoi cela diffère-t-il de ce que nous avons actuellement?

M. Perrault : Ce sera aux partis de dire s’ils respectent les régimes provinciaux. Je ne peux pas me prononcer à ce sujet. Je n’applique pas les régimes provinciaux. Dans la mesure où ils cherchaient à se conformer aux régimes provinciaux, ils n’auront plus à le faire. Bien sûr, ils pourront choisir de continuer à s’y conformer.

La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur Perrault.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup d’être venu.

Monsieur Perrault, je n’ai pas très bien compris lorsque le sénateur Boisvenu vous a posé cette question, alors peut-être pourriez-vous clarifier cela. Il vous a demandé si le gouvernement fédéral vous avait consulté. Je n’ai pas eu l’impression que c’était le cas. Corrigez-moi si je me trompe.

J’ai remarqué que le gouvernement fédéral semble avoir rédigé cette disposition particulière de façon à ce que les partis politiques soient réglementés, pour cette partie en particulier, sous la surveillance d’Élections Canada, plutôt que celle du commissaire fédéral à la protection de la vie privée pour ce type de renseignements personnels. Cet organisme de réglementation est généralement l’expert en matière de protection de la vie privée.

Vous venez de dire que vous ne pensiez pas que cette disposition aurait une incidence sur votre administration. Je dois donc supposer que toute surveillance sera pratiquement inexistante et que cette disposition n’aura donc pas beaucoup de mordant.

Était-il prévu que vous exerceriez une surveillance à cet égard? Je comprends très bien que c’est loin de ce que vous avez demandé.

Premièrement, si vous pouvez répondre, le gouvernement fédéral vous a-t-il consulté? Vouliez-vous que ce soit assujetti à votre surveillance? Si, comme vous venez de le dire, cela n’a aucune incidence sur votre administration, je suppose que votre surveillance est essentiellement nulle.

M. Perrault : Je vais essayer de clarifier les choses. Votre question comporte plusieurs aspects, sénatrice.

Pour ce qui est des consultations, j’ai eu des discussions avec le gouvernement et tous les partis de la Chambre au sujet de mes recommandations, y compris ma position sur les améliorations à la protection de la vie privée. Je savais que cela pourrait figurer dans le projet de loi, mais je n’ai pas été consulté à ce sujet.

La sénatrice Batters : Au sujet de ces dispositions, d’accord.

M. Perrault : Pour ce qui est de la surveillance, permettez-moi d’essayer de clarifier les choses.

Il y a très peu de dispositions dans la Loi électorale du Canada qui prévoient des sanctions. Si un parti utilise des renseignements personnels tirés de la liste électorale — c’est très restreint — à des fins que la loi n’autorise pas, il commet des infractions et c’est le commissaire aux élections qui applique la loi.

Lorsque nous distribuons des listes électorales, nous fournissons des lignes directrices qui ne sont pas obligatoires — ce sont des pratiques exemplaires — pour la protection des renseignements personnels. Depuis 2018, le régime exige que les partis aient des politiques pour pouvoir être enregistrés. Ils ont donc des politiques. Je dois les faire respecter, mais leurs politiques sont à leur discrétion. Il n’y a pas de norme minimale relativement aux politiques qu’ils doivent respecter. Leurs politiques pourraient être très laxistes en matière de protection des renseignements personnels.

Mon seul rôle de surveillance consiste à déterminer s’ils ont une telle politique dans leur site Web, et non s’ils la respectent ou si elle est adéquate, sur le fond.

La sénatrice Batters : Et cette disposition n’ajoute rien à cela, n’est-ce pas?

M. Perrault : Elle ne change en rien mon rôle.

La sénatrice Batters : On essaie essentiellement de mettre de l’avant une disposition dans une loi d’exécution du budget ou LEB d’environ 400 pages, qui n’a absolument aucun mordant.

M. Perrault : Pour ce qui est d’accroître les protections prévues dans la Loi électorale du Canada, elle ne le fait pas.

La sénatrice Batters : Encore une fois, si cette disposition n’a pas de mordant, à part le fait qu’elle vise peut-être à régler le litige en cours, quelle serait la seule autre raison? Il semble que ce soit la seule raison pour laquelle le gouvernement l’a incluse dans une loi d’exécution du budget. C’est quelque chose qui n’apporte aucun... habituellement, les dispositions d’une loi d’exécution du budget doivent être adoptées immédiatement dans le cadre du budget, ou ce sont des mesures très importantes qui doivent être adoptées immédiatement. Mais il ne semble pas que ce soit le cas ici. Mis à part les ramifications possibles sur le litige en cours, cela semble être la seule chose.

M. Perrault : Je ne peux pas parler au nom du gouvernement ou répondre à des questions pour le gouvernement.

La sénatrice Batters : J’ai une autre question pour vous puisque vous êtes ici aujourd’hui.

Depuis que je siège au Comité des affaires juridiques, c’est-à-dire depuis 10 ans, vous-même ou la personne agissant à titre de directeur général des élections comparaissez généralement devant notre comité pour présenter un rapport sur une élection qui vient d’avoir lieu. Vous ne nous avez pas parlé des élections de 2019 ou de 2021, et nous sommes maintenant en 2023. Avez-vous une idée du moment où ce genre de chose pourrait se produire?

M. Perrault : Il n’y a rien [Difficultés techniques] ces rapports sont publics. J’attends toute invitation à parler de mes rapports. Je ne m’invite pas aux comités, et mes prédécesseurs ne l’ont pas fait non plus, mais je suis toujours heureux de venir devant les comités pour rendre compte de l’administration de la loi après une élection.

La sénatrice Batters : Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci et bienvenue au Sénat du Canada.

Ma question porte sur ce qu’on veut ajouter à la Loi électorale. Si je comprends bien, au paragraphe 385.2(2), on dit que les partis « peuvent, conformément à la politique sur la protection des renseignements personnels du parti [...] ». Ils sont donc tenus, en vertu de la Loi électorale actuelle, d’avoir une politique en la matière et vous pouvez intervenir s’ils n’en ont pas?

M. Perrault : C’est exact.

La sénatrice Dupuis : Ce qu’on veut ajouter ici, c’est qu’ils « peuvent », conformément à la politique qu’ils ont adoptée et sous réserve de la présente loi, « recueillir, utiliser, communiquer et conserver des renseignements personnels ainsi que procéder à leur retrait ». Donc, on les autorise, par cette loi, à recueillir, utiliser, communiquer et conserver des renseignements personnels.

Dans le paragraphe suivant, le paragraphe 3, qui traite de l’objet, on dit que l’article « vise à établir un régime national, uniforme, exclusif et complet applicable [...] ». Si je comprends bien, les partis, s’ils peuvent recueillir des renseignements, ne sont pas obligés...

Autrement dit, quel est le lien entre les paragraphes 385.2(2) et 385.2(3) de cet article qu’on propose d’introduire?

On vise à créer un régime national, mais on laisse la possibilité aux partis de faire ou de ne pas faire certaines activités, comme de recueillir, utiliser et communiquer certaines de ces activités.

M. Perrault : C’est exact, et les politiques sont laissées à l’initiative de chaque parti et varient donc d’un parti à l’autre.

L’élément de cohérence nationale, c’est l’obligation d’avoir une politique et de la publier. Il y a d’autres dispositions dans la loi relativement à l’utilisation de la liste électorale, par exemple, qui, à mes yeux, sont englobées là-dedans.

La sénatrice Dupuis : Cependant, il n’y a rien qui nous garantit qu’on va avoir « un régime national, uniforme, exclusif et complet » grâce à l’introduction de cet article, si je comprends bien?

M. Perrault : Pas un régime satisfaisant, si je veux être bien honnête.

La sénatrice Dupuis : Merci beaucoup, cela répond à ma question.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je remercie nos témoins de leur présence.

Dans votre rapport sur la prévention des communications trompeuses avec les électeurs, vous recommandez que :

[...] les entités politiques soient assujetties aux principes de la protection des renseignements personnels largement acceptés qui sont énoncés dans la Norme nationale du Canada intitulée Code type sur la protection des renseignements personnels [...]

Vous avez déjà indiqué que vous n’aviez pas été consulté spécifiquement au sujet de cette mesure. Vous avez dit que les lois en vigueur semblent faire partie — vous ne l’avez pas dit, mais c’est la conclusion que j’ai tirée de vos paroles —, alors je voudrais savoir quel genre de recommandations vous aimeriez voir formulées, et s’il y a une façon de régler le problème dans ces dispositions, de votre point de vue?

M. Perrault : Personnellement, je serais heureux d’entendre le comité parler de l’importance de renforcer ou d’améliorer les règles de protection de la vie privée qui régissent les partis politiques. Qu’il s’agisse des 10 principes ou de quelques variantes de ceux-ci, il doit y avoir des normes minimales. J’en ai mentionné trois dans mon rapport. De plus, sénatrice, je crois que vous faisiez référence à un rapport de 2012 de mon prédécesseur, mais j’ai produit un rapport plus récent, et il correspond assez bien à ce rapport.

Il faut qu’il y ait des normes minimales. Il doit y avoir des mécanismes d’application et des sanctions en cas de non‑conformité. Nous pouvons avoir une discussion ouverte sur ce que devraient être les normes, jusqu’où elles peuvent aller et si les partis et les candidats devraient être assujettis aux règles et aux exigences, mais je ne pense pas que l’absence totale de normes exécutoires permette de rassurer les Canadiens au sujet de la protection de leurs renseignements personnels.

La sénatrice Pate : Seriez-vous disposé à nous faire part de ce qui, selon vous, devrait idéalement figurer ici, et à nous fournir cela par écrit?

M. Perrault : Certainement. Dans mon rapport au Parlement, j’ai recommandé que les partis politiques soient tenus de respecter les principes de la protection de la vie privée et qu’ils soient assujettis à la surveillance du commissaire à la protection de la vie privée.

Je reconnais que c’est un domaine complexe et que des bénévoles participent aux campagnes. Je reconnais que ce qui est approprié pour le parti ne l’est peut-être pas autant pour les candidats locaux, mais je pense que c’est un domaine qui exige une certaine collaboration avec les partis et des approches pragmatiques. De plus, je ne crois pas que le statu quo soit suffisant pour préserver la confiance des Canadiens quant à la façon dont les partis politiques traitent leurs renseignements personnels.

La sénatrice Pate : Merci. Nous pouvons examiner cela et voir s’il y a un libellé que le comité pourrait inclure dans ses observations.

Deuxièmement, vous avez mentionné que vous aviez eu des discussions avec tous les partis politiques et que les politiques de certains d’entre eux semblaient assez laxistes. Dans un certain contexte, « laxiste » peut signifier « non conforme ». Je serais curieuse de savoir s’il y a des documents que nous pourrions obtenir sur le genre de conseils que vous avez donnés aux partis politiques.

M. Perrault : Absolument. Je peux communiquer au comité — je peux faire un suivi à ce sujet, car nous avons donné des lignes directrices aux parties. Nous avons collaboré avec le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Je sais que le commissaire viendra témoigner après moi, mais son prédécesseur a essayé d’aider les partis à élaborer des politiques appropriées.

La sénatrice Pate : Si vous pouviez nous les faire parvenir, nous vous en serions reconnaissants.

M. Perrault : Absolument.

La sénatrice Pate : Merci.

La sénatrice Clement : J’aimerais revenir à la question de la sénatrice Dupuis et à votre réponse à la sénatrice Pate. J’ai été candidate et j’ai travaillé avec des bénévoles. Nous avons dû parfois nous pencher sur ces questions, n’est-ce pas? Ce sont donc également ces gens-là qui s’en occupent. Ce n’est pas un avocat assis dans un bureau. Souvent, ce sont les gens de la circonscription qui essaient de comprendre les règles.

Lorsque nous examinons la modification proposée à l’article 385.2 de la Loi électorale du Canada dans le projet de loi C-47 — pour revenir à la question de la sénatrice Dupuis —, qui se lit en partie comme suit :

[...] peuvent, conformément à la politique sur la protection des renseignements personnels du parti et sous réserve de la présente loi et de toute autre loi fédérale applicable, recueillir, utiliser, divulguer, communiquer et conserver des renseignements personnels ainsi que procéder à leur retrait.

La norme nationale veut que chaque parti ait une politique, mais ces politiques peuvent être inégales, et nous ne le savons pas vraiment. Quand une personne ordinaire lit cela, elle peut se demander ce qui s’applique, si c’est la loi fédérale ou la politique sur la protection des renseignements personnels?

[Français]

La question de la primauté, c’est ça —

[Traduction]

... comment cela sera-t-il interprété par les gens ordinaires?

[Français]

M. Perrault : Je suis un peu mal placé, parce que je n’ai pas participé à la rédaction de la disposition. Je me pose la question en la lisant. Cela veut-il dire que leur autorité de colliger l’information est sujette ou non à la conformité de leur politique? Si c’est le cas, quelles sont les sanctions? Je n’en vois pas. Ce n’est pas clair. Ce n’est pas clair non plus, selon moi, de quel régime on parle ou dans quelle mesure cela a des répercussions sur l’application des règles en matière de vie privée aux candidats et aux associations. On parle ici des partis politiques. À mon avis, il y a une ambiguïté dans la disposition.

Des gens ont réfléchi à cette question. Ils ont choisi ce langage. Or, mon équipe et moi n’avons pas participé à la rédaction de cette disposition. Je ne suis pas vraiment en mesure de vous éclairer là-dessus, malheureusement.

La sénatrice Clement : Vous êtes d’accord sur le fait qu’il y a un problème d’interprétation, n’est-ce pas?

M. Perrault : Il y a des questions d’interprétation. Ce qui semble clair, c’est que l’on souhaite écarter les régimes provinciaux et territoriaux. Ce qui n’est pas clair, c’est ce qui est dit du régime fédéral par la suite.

La sénatrice Clement : D’accord, merci.

Le vice-président : À la suite de la question de la sénatrice Clement, quel sera votre niveau de surveillance pour vous assurer que cette mesure sera respectée? Si un citoyen constate que de l’information personnelle a été utilisée à d’autres fins, quels seront ses recours?

M. Perrault : C’est l’enjeu que je vois. Il n’y a pas de mécanisme ou de recours pour l’instant. Le seul recours est qu’une infraction est prévue à la Loi électorale relativement à une interdiction à l’alinéa 111f) pour l’utilisation des renseignements prévus à la liste électorale à des fins autres que celles prévues à la Loi électorale du Canada. C’est un sous‑ensemble des données personnelles. Les partis reçoivent des données de différentes sources, dont la liste électorale, qui contient très peu d’information, sinon le nom, l’adresse et l’identificateur.

Sous réserve de cette disposition et de mon obligation de m’assurer que les partis ont des politiques sur leur site Web, mon rôle s’arrête là. Encore là, pour la première, c’est une question de renvoi au commissaire. Je ne veille pas à l’exécution...

Le vice-président : Ce que je comprends de votre réponse, c’est qu’en cas de non-conformité, il n’y a pas de conséquences pour les partis, n’est-ce pas?

M. Perrault : Je n’en vois aucune. À mon avis, c’est un défaut de la loi. C’est un défaut préexistant. Ce n’est pas un défaut apporté par cette mesure. C’est un problème auquel il faut remédier. Cette disposition n’ajoute pas au problème ni à la solution.

Le vice-président : Je comprends.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné à quelques reprises que le fait d’avoir de meilleures règles en place pour assurer des mesures de protection aiderait à préserver la confiance des électeurs. Ensuite, dans votre conclusion, vous avez dit croire qu’une meilleure protection des renseignements personnels des électeurs contribuera à maintenir la confiance des Canadiens envers le Canada et les partis politiques du Canada et, par extension, envers le processus électoral.

Aujourd’hui, je vais vous demander d’évaluer comment les partis politiques fédéraux ont abordé la protection des renseignements personnels depuis le projet de loi C-76. Qu’en pensez-vous?

M. Perrault : Je ne pense pas pouvoir répondre adéquatement parce que je ne suis pas en mesure de vérifier s’ils appliquent vraiment leurs politiques. Je ne voudrais pas laisser entendre qu’ils ne le font pas, mais je ne suis pas en mesure d’en parler.

Le sénateur Klyne : Je crois qu’en 2022, vous avez fait des recommandations, mais nous allons peut-être en rester là.

Je vais revenir à 2018. La sénatrice Boniface a posé une question au sujet d’une fonction de surveillance et d’une recommandation. Lorsqu’elle a posé cette question, vous lui avez répondu — c’était à propos du projet de loi C-76, en 2018 — que :

[...] le projet de loi ne prévoit pas vraiment de surveillance de l’application des politiques des partis. Il faut plutôt vérifier qu’ils ont une politique et qu’elle est publiée. Cependant, il est difficile de voir de quelle façon, au-delà de tout cela, on pourrait assurer une surveillance de l’application de la politique en question, sauf s’il s’agit d’une politique complètement fausse qui n’est jamais appliquée. Le fait qu’un parti ne respecte pas toujours la politique ne signifie pas qu’il n’en a pas ou que ce n’est pas vraiment la sienne. Par conséquent, je crois que le niveau de surveillance qu’on envisage dans le projet de loi est quasiment nul.

Vous avez toutefois ajouté qu’à votre avis, il devrait y avoir une surveillance. Beaucoup de questions ont été posées au sujet de la surveillance. Avez-vous recommandé — en 2022, je crois — qu’elle soit exercée en collaboration avec le commissaire à la protection de la vie privée?

M. Perrault : Le plus important, c’est qu’une tierce partie indépendante exerce une surveillance. Je crois que le commissaire à la protection de la vie privée est le mieux placé pour interpréter les exigences en matière de protection des renseignements personnels. Il est l’expert en la matière. Si le Parlement devait choisir un autre mécanisme, je n’y serais pas opposé.

Je suis pragmatique. Un organisme indépendant devrait exercer une certaine surveillance.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie de votre présence, monsieur Perrault. En 2022, à la suite des 43e et 44e élections générales, vous avez recommandé que les principes de la protection de la vie privée énoncés dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques devraient s’appliquer aux partis enregistrés et admissibles sous la surveillance du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Vous n’avez pas recommandé que les partis politiques s’autoréglementent?

M. Perrault : Non.

Le sénateur D. Patterson : Vous nous avez parlé des trois exigences minimales que vous avez recommandées en l’absence d’une application complète de ces principes. En a-t-on tenu compte dans ce projet de loi?

M. Perrault : Non.

Le sénateur D. Patterson : Par conséquent, avec tout le respect que je vous dois, je suis vraiment curieux de savoir pourquoi vous ne vous opposez pas au projet de loi C-47. J’ai l’impression que vous l’approuvez, même si vos recommandations ne sont clairement pas reflétées dans ces changements. Vous avez dit qu’il n’y a pas de normes minimales à respecter ou de surveillance. Dans ce cas, pourquoi nous dites-vous que vous ne vous opposez pas au projet de loi C-47 alors que vos recommandations semblent avoir été laissées de côté, du moins jusqu’à maintenant?

M. Perrault : C’est une bonne question. Il n’est pas facile d’y répondre.

La raison pour laquelle je ne m’y oppose pas, c’est que je ne crois pas que ce genre de réformes devraient se faire dans le contexte d’un tel projet de loi — un projet de loi d’exécution du budget. Ce sont des questions de politique importantes.

Vous pouvez voir, dans mon rapport de recommandations — et dans d’autres recommandations —, que je propose une piste de solution et que j’invite les parlementaires à l’examiner et à en discuter. Je n’offre pas nécessairement un remède fixe. Je dis : « Il faut une solution. Je pense que ce devrait être ceci, ou au moins cela. » Toutefois, cela nécessite une conversation sur les politiques. Je crois fermement que les parlementaires ont pour rôle d’examiner ces questions en profondeur, et je ne pense pas que l’inclusion de ce genre de mesure dans un projet de loi d’exécution du budget établisse un bon précédent.

Le sénateur D. Patterson : Mais c’est ce que nous avons, et vous nous dites de laisser faire.

M. Perrault : Je vous dis que ce projet de loi n’atteint pas l’objectif que je recherche. Ces recommandations demeurent valides; elles devraient être mises en œuvre dans une autre mesure législative.

Ce projet de loi ne modifie en rien les droits et les obligations que prévoit la Loi électorale du Canada. Il ne fait que mettre de côté — et ce n’est pas rien — les régimes provinciaux de protection de la vie privée. À mon avis, ce n’est pas suffisant. Il faudrait renforcer les mesures de protection de la vie privée, mais pas dans le contexte d’un projet de loi d’exécution du budget.

Le sénateur D. Patterson : Ce qui est bien, c’est qu’il met de côté les régimes provinciaux et territoriaux de protection de la vie privée, n’est-ce pas?

M. Perrault : Je ne dirais pas que c’est une bonne chose. C’est quelque chose.

Le sénateur D. Patterson : C’est la seule chose.

M. Perrault : Cela dépasse la portée de la loi que je suis chargé d’administrer.

Le sénateur D. Patterson : Merci.

[Français]

Le vice-président : Si je devais affirmer que ce projet de loi n’a pas d’impact sur les partis politiques, cette affirmation serait-elle correcte?

M. Perrault : Je ne crois pas, mais cela dépend de l’issue d’un litige en Colombie-Britannique et possiblement ailleurs au Canada. Si les tribunaux venaient à juger que les régimes provinciaux, comme le considère le commissaire à la vie privée, s’appliquent aux partis politiques actifs dans une province, cette disposition viendrait écarter ce droit.

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : Je pense que toutes les discussions démontrent que l’objet et le but du projet de loi sont bien décrits. Permettez-moi de revenir en arrière, pour ceux qui n’ont peut‑être pas le temps de le lire. En mars de l’an dernier, en 2022, le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique a conclu que les partis politiques fédéraux exerçaient leurs activités en Colombie-Britannique. Ils présentent des candidats et ont des associations locales et des organisations provinciales. Le commissaire a dit aux quatre partis politiques qu’ils seraient assujettis à la loi provinciale sur la protection des renseignements personnels.

Les partis politiques ont soutenu que ce n’était pas le cas. Ils ont dit : « Nous sommes au Parlement fédéral; nous sommes des entreprises, des entités fédérales, peu importe comment vous les appelez, alors vous ne pouvez pas nous réglementer. »

Le commissaire a fait une longue étude et leur a répondu : « Eh bien, je comprends que vous êtes assujettis à la Loi électorale du Canada, mais cela n’exige qu’une seule chose — que vous ayez une politique sur la protection des renseignements personnels. »

C’est donc fait, mais il n’y a rien d’autre. La loi provinciale contient des dispositions précises sur ce que vous pouvez faire avec les renseignements que vous recueillez; vous pouvez les retirer; vous pouvez les communiquer, etc. Le commissaire a dit qu’il n’y avait pas de conflit entre les lois fédérales et provinciales. Comme il n’y a rien dans la loi fédérale, ce sont donc des régimes complémentaires. Dans nos régimes fédéraux, les lois provinciales peuvent s’appliquer à une banque fédérale si aucune disposition précise de la loi fédérale ne précise que la loi provinciale ne s’applique pas.

Je crois comprendre que c’est devant les tribunaux. Cependant, je regarde le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi C-47, et les changements proposés à l’article 385.2 de la Loi électorale du Canada. Le premier paragraphe porte sur les définitions, et le deuxième porte sur la collecte, l’utilisation, la divulgation, la conservation et le retrait des renseignements. Nous en sommes déjà aux articles 385 et 385.1, au fait que vous devez avoir des politiques sur la collecte de données. Cela n’autorise les partis de recueillir des données. Ils sont déjà tenus d’avoir une politique à cet égard, ce qui signifie qu’ils recueillent des données.

Je suppose que l’objectif réel se trouve au troisième paragraphe : « Le présent article vise à établir un régime national, uniforme, exclusif et complet [...] ».

Il n’y a donc plus de place pour un régime provincial qui viendrait compléter celui-ci. S’il est inclusif, s’il est complet, cela veut dire qu’on ne peut rien faire de plus.

Il est très clair que cette disposition n’ajoute rien, si ce n’est de protéger les partis politiques qui se sont battus devant les commissaires provinciaux en disant : « Non, nous ne sommes pas assujettis à vous, malgré les quatre plaintes reçues d’électeurs qui veulent avoir accès à leurs dossiers. Non, vous ne pouvez pas nous ordonner de faire quoi que ce soit. »

Ceci répond aux partis politiques. Cela n’a rien à voir avec la protection des électeurs ou leur droit à la vie privée. Je suis très intéressé par vos recommandations sur les choses qui devraient améliorer la protection des électeurs, une protection qui, après deux élections, n’a pas encore été mise en œuvre. Mais ceci est mis en œuvre pour protéger les partis politiques.

C’était un long commentaire, désolé. J’ai une question. Travaillez-vous en parallèle sur quelque chose qui protégerait les électeurs? Collaborez-vous avec le gouvernement pour trouver des façons de mettre en œuvre vos recommandations sur la façon de mieux protéger la vie privée des citoyens canadiens?

[Français]

M. Perrault : Sénateur, je n’ai rien à ajouter à votre description de la loi et de ses objectifs. J’ai fait des recommandations; normalement, ces recommandations sont examinées en comité parlementaire. J’ai eu des discussions sur mes recommandations avec le gouvernement, mais aussi avec les porte-parole des partis de l’opposition. Toutefois, je n’ai pas eu l’occasion d’en discuter plus en détail, parce que le comité qui étudie normalement mes recommandations a été occupé par différents sujets d’actualité et par le redécoupage de la carte électorale. Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de présenter mes recommandations et d’en faire l’étude en comité parlementaire. J’espère que l’on pourra passer à cette étape après l’examen du redécoupage de la carte électorale et que l’on pourra régler ces questions.

Le sénateur Dalphond : Merci.

La sénatrice Dupuis : Monsieur Perrault, j’en viens à la même conclusion que mon collègue à ma droite. Si je comprends bien, vous avez fait allusion au fait qu’il y a un litige et que l’application des lois fait l’objet d’un débat à l’heure actuelle; l’objectif est d’affirmer qu’on veut établir un régime national uniforme, donc qu’on veut occuper un champ dans une loi fédérale.

M. Perrault : C’est ma compréhension.

La sénatrice Dupuis : D’accord, merci.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Monsieur Perrault, j’ai un peu de mal à comprendre. Vous avez dit, je crois, que vous ne vous opposez pas à cette mesure parce qu’elle se trouve dans un énorme projet de loi d’exécution du budget, qui fait environ 470 pages, mais plutôt parce que, comme vous l’avez dit en réponse à une question précédente, elle n’atteint pas l’objectif que vous cherchiez. Et vous avez dit que cela ne figure pas dans le type de loi autonome que vous recommanderiez pour ce genre de disposition. Êtes-vous en train de dire que vous ne vous opposez pas à ce genre de mesure parce qu’elle est essentiellement inefficace et qu’elle n’a aucun effet?

M. Perrault : Je dis qu’il ne s’agit pas d’une réforme de fond de la Loi électorale du Canada. Si c’était le cas, je serais inquiet de voir cela dans un projet de loi d’exécution du budget. C’est la première chose. Deuxièmement, je continue de m’inquiéter de l’absence de mesures adéquates de protection de la vie privée en vertu de la Loi électorale du Canada. Je pense qu’il devrait y avoir une réforme, mais que cette réforme devrait se faire en dehors d’un projet de loi d’exécution du budget.

La sénatrice Batters : Le sénateur Dalphond vous a demandé si vous travaillez avec le gouvernement fédéral à quelque chose d’autre qui pourrait peut-être améliorer ce type de régime. Mais n’admettez-vous pas que si le gouvernement fédéral avait réellement l’intention de faire quelque chose de ce genre, il n’intégrerait probablement pas cela dans une loi d’exécution du budget s’il comptait présenter une mesure beaucoup plus substantielle dans un proche avenir?

M. Perrault : Monsieur le président, je ne peux pas parler au nom du gouvernement. Je suis un agent du Parlement. Je mobilise tous les partis et je travaille par l’entremise de comités parlementaires. C’est l’occasion pour moi de faire des recommandations, et c’est à ce titre que je comparais devant votre comité et aussi, régulièrement, devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, ou PROC, de l’autre endroit.

La sénatrice Batters : Mais vous ne travaillez pas avec le gouvernement pour apporter des améliorations plus importantes à ce régime?

M. Perrault : Je ne travaille pas avec le gouvernement sur les réformes, non. Je travaille avec le Parlement.

La sénatrice Batters : Merci.

Le sénateur Klyne : J’ai deux brèves questions, et vous en avez déjà abordé une. L’amendement dont nous discutons aujourd’hui utilise les mots « sous réserve de la présente loi et de toute autre loi fédérale applicable ».

Premièrement, avez-vous des exemples précis d’autres lois fédérales applicables? Deuxièmement, pourriez-vous décrire comment la Loi électorale du Canada et d’autres lois fédérales applicables régissent la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels par un parti politique fédéral?

M. Perrault : Je ne connais aucune loi fédérale qui réglemente l’utilisation, la communication et la collecte de renseignements personnels, sauf en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE, si un parti le faisait sur une base commerciale. S’il vendait ses données à des fins commerciales, la loi s’appliquerait — c’est ce que je crois comprendre —, mais, encore une fois, le commissaire à la protection de la vie privée, qui viendra ici après moi, pourra dire si c’est ou non le cas. Je crois comprendre que, dans ce cas précis, les partis seraient assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le sénateur Klyne : Avec l’amendement dont nous discutons aujourd’hui, y aurait-il un recours ou une conséquence si un parti politique fédéral recueillait, utilisait ou communiquait des renseignements personnels d’une manière contraire à sa propre politique de protection des renseignements personnels? Dans l’affirmative, Élections Canada aurait-il un rôle à jouer dans l’application de ce recours ou de cette conséquence?

M. Perrault : Malheureusement, il n’y aurait aucune conséquence et nous n’aurions aucun rôle à jouer. Mais c’est le statu quo.

La sénatrice Pate : En plus de vos rapports, j’aimerais savoir s’il y a des renseignements supplémentaires que nous devrions connaître au sujet de ce projet de loi et qui n’ont pas déjà été demandés. C’est ma première question.

Deuxièmement, il y a eu un nombre important de questions au sujet de la cause de la Colombie-Britannique. Quelles provinces et quels territoires ont les lois les plus rigoureuses en matière de protection de la vie privée qui protégeraient l’électorat, à votre avis?

M. Perrault : Il faudrait que je revienne à vous sur cette question parce que je n’ai pas fait une étude complète de tous les régimes provinciaux. Le commissaire à la protection de la vie privée aurait peut-être une opinion à ce sujet, puisqu’il vient après moi, mais je ne peux pas répondre à cette question.

La sénatrice Pate : Peut-être plus précisément, croyez-vous que le régime de la Colombie-Britannique offre ce genre de protection?

M. Perrault : Je crois comprendre que le régime de la Colombie-Britannique suit généralement les 10 principes généraux de la protection des renseignements personnels, qui sont également le modèle de la plupart des régimes de protection des renseignements personnels au Canada. Ces principes constituent un modèle approprié. Je crois qu’il y a une certaine souplesse dans la façon dont ces principes peuvent s’appliquer aux partis politiques, et cela mérite d’importantes discussions avec les partis à ce sujet.

La sénatrice Pate : Merci.

La sénatrice Clement : Merci de répondre aux questions difficiles, même si vous n’êtes pas vraiment en mesure d’y répondre.

Les politiques provinciales sont inexistantes. Les politiques en matière de protection de la vie privée sont inégales d’un parti à l’autre. Les partis fédéraux sont également exemptés de la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus et de la Loi canadienne anti-pourriel. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Ces questions devraient-elles faire l’objet d’un examen plus approfondi?

M. Perrault : L’une des trois recommandations fondamentales minimales est que les électeurs devraient avoir le droit de se retirer de certaines formes de communication. Nos sondages nous ont appris qu’ils n’aiment pas particulièrement certains types d’appels, comme les appels automatisés ou les messages textes. Dans bien des cas, ils ne sont pas aussi fermés aux autres formes de communication. Les électeurs devraient avoir cette souplesse.

La sénatrice Clement : C’est le désabonnement.

M. Perrault : Oui.

De façon plus générale, il y a un revers à la médaille de la protection de la vie privée, soit la transparence des communications. Si vous lisez mon rapport, vous verrez qu’il contient un bon nombre de recommandations visant à améliorer la situation. Je crois que les électeurs doivent savoir qui leur parle. À bien des égards, le régime actuel, la Loi électorale du Canada, ne le permet que lorsqu’il s’agit de publicité. À mon avis, cela ne fournit pas le niveau de transparence requis lorsqu’il y a des messages textes et des appels téléphoniques. Les électeurs doivent savoir quels renseignements les partis possèdent sur eux, comment ils sont utilisés et qui appelle et communique avec eux. Il y a un lien étroit avec la transparence des communications, la transparence et le resserrement des règles d’utilisation et de divulgation des renseignements personnels. Ces aspects sont complémentaires.

La sénatrice Clement : Très bien. Merci.

[Français]

Le vice-président : Puisque je ne vois pas d’autres mains levées, nous avons terminé avec notre premier groupe de témoins. Madame Lawson, monsieur Perrault, nous vous remercions énormément. Vous nous avez été d’une grande aide pour comprendre l’implication et la portée de cette mesure. Nous espérons vous revoir au cours des prochains mois, si possible, au sujet des réformes que vous proposez pour notre processus électoral.

Encore une fois, merci beaucoup de votre présence.

Nous accueillons maintenant M. Philippe Dufresne et Mme Jennifer Poirier, du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Nous tenons à vous remercier de votre présence. Nous réalisons que l’invitation vous a été envoyée rapidement. Comme nos analystes et notre greffière, vous avez dû réagir rapidement. Nous tenons à vous remercier de votre présence pour nous éclairer dans notre étude du projet de loi.

Vous disposez de cinq minutes pour vos présentations. Après quoi, les sénateurs auront également cinq minutes pour échanger avec vous, poser des questions ou demander des précisions sur votre témoignage.

Philippe Dufresne, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui au sujet du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, et plus précisément au sujet de la section 39 du projet de loi, qui contient les modifications proposées à la Loi électorale du Canada. Je suis accompagné de Jennifer Poirier, conseillère juridique principale au commissariat.

À titre de commissaire à la protection de la vie privée du Canada, j’ai pour mandat de protéger et de promouvoir le droit à la vie privée des individus dans les secteurs public et privé, et de m’assurer que les organisations respectent leurs obligations à cet égard. À l’heure actuelle, la Loi sur la protection des renseignements personnels régit la façon dont les renseignements personnels sont traités par le gouvernement fédéral, et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) régit la façon dont ces renseignements sont traités dans le secteur privé. Pourtant, aucune de ces lois n’a de dispositions qui s’appliquent aux partis politiques.

[Traduction]

En 2018, mon bureau a comparu devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes, le PROC, au sujet du projet de loi C-76, qui proposait des modifications à la Loi électorale du Canada exigeant que les partis politiques fédéraux élaborent des politiques écrites sur la protection des renseignements personnels et les publient en ligne comme condition d’inscription officielle auprès d’Élections Canada. Bien qu’il s’agissait d’un premier pas dans la bonne direction vers une plus grande transparence, mon bureau a signalé à l’époque que les modifications proposées à la loi ne prévoyaient pas de recours efficace, de recours clairs ou un examen approfondi des politiques en matière de protection de la vie privée.

Depuis plus d’une décennie, on réclame l’amélioration des pratiques de traitement des données des partis politiques afin de s’assurer que le droit à la vie privée des électeurs canadiens est bien protégé. Dès 2007, les donateurs et les membres du parti qui recevaient des cartes de souhaits non sollicitées semblaient cibler des aspects de leur appartenance religieuse. En 2009, il y a eu des plaintes à mon bureau et à Élections Canada au sujet de l’utilisation de messages téléphoniques automatisés préenregistrés pendant la période électorale, et en 2018, mon bureau a enquêté sur l’utilisation de renseignements personnels par Cambridge Analytica et AggregateIQ dans le cadre d’une campagne politique. En 2019, il y a eu le Grand Comité international sur les mégadonnées, la protection des renseignements personnels et la démocratie.

[Français]

Ces examens et enquêtes ont démontré que la vie privée est un droit fondamental, parce que les renseignements personnels sont intimement liés à notre identité et parce que le respect du droit à la vie privée est essentiel à notre dignité et à la pleine jouissance des libertés fondamentales, notamment nos droits démocratiques. Ce constat vaut tout particulièrement pour les renseignements personnels des électeurs recueillis par les partis politiques, comme les opinions politiques et les intentions de vote, car il s’agit de renseignements sensibles.

[Traduction]

Les modifications proposées à la Loi électorale du Canada dans le projet de loi C-47 n’établissent pas d’exigences minimales en matière de protection de la vie privée que les partis politiques doivent respecter lorsqu’ils traitent des renseignements personnels, ou ne prévoient pas de surveillance indépendante de leurs pratiques en matière de protection de la vie privée. Les changements proposés permettraient plutôt aux partis politiques et à leurs affiliés de recueillir, d’utiliser, de conserver, de communiquer et de retirer des renseignements personnels conformément à leur politique sur la protection des renseignements personnels qu’ils élaborent et révisent à leur discrétion.

Compte tenu de l’importance de la protection de la vie privée et de la nature délicate des renseignements recueillis, les Canadiens sont en droit d’attendre des partis politiques un régime de protection de la vie privée qui va au-delà de l’autoréglementation, et qui prévoit des normes significatives et une surveillance indépendante pour protéger et promouvoir le droit fondamental des électeurs à la vie privée. Les partis politiques devraient être assujettis, en matière de protection des renseignements personnels, à des règles essentiellement semblables aux exigences établies pour les secteurs public et privé dans la Loi sur la protection de la vie privée et la LPRPDE, tout en étant adaptées au rôle unique que jouent les partis politiques dans le processus démocratique. En d’autres termes, des exigences en matière de protection de la vie privée fondées sur des lois, qui sont conformes aux principes de protection de la vie privée reconnus à l’échelle internationale et qui comprennent le recours à un tiers indépendant ayant le pouvoir de vérifier et d’appliquer la conformité et de fournir des recours en cas de violation.

[Français]

En tant qu’agent du Parlement ayant pour mandat de protéger et de promouvoir le droit à la vie privée, et compte tenu des connaissances et de l’expertise confirmée du commissariat en la matière dans les secteurs public et privé, je suis d’avis que mon organisation a un rôle à jouer à cet égard. Faire appel au commissariat comporterait un autre avantage, soit celui de donner l’assurance aux Canadiennes et aux Canadiens que leur droit à la vie privée est dûment pris en compte et protégé, ce qui permettrait de renforcer la confiance envers nos institutions démocratiques.

Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Dufresne.

Je vais poser la même question que celle que j’ai posée au témoin précédent. En quoi cette mesure change-t-elle votre travail? Avez-vous été consulté par le gouvernement pour l’élaboration de cette mesure?

M. Dufresne : Nous n’avons pas été consultés par le gouvernement. La mesure ne change pas notre travail, parce qu’elle ne nous donne pas de compétence pour ce qui est de la mise en œuvre de ces obligations. Nous ne jouons aucun rôle présentement et cet amendement ne nous en donne pas. À la suite de l’adoption du projet de loi C-76, nous avons travaillé avec le dirigeant principal d’Élections Canada, le directeur général des élections, pour faire des commentaires et des recommandations aux partis politiques sur les principes fondamentaux en matière de protection de la vie privée. Toutefois, je n’ai pas, en tant que commissaire, de mandat en vertu de cette loi et de l’amendement proposé.

Le vice-président : Les représentants d’Élections Canada nous disaient plus tôt qu’il n’y a pas de conséquence pour les partis politiques en cas de non-respect et de non-application. Est-ce aussi votre point de vue?

M. Dufresne : Le projet de loi dit que les partis politiques doivent gérer cette information conformément à la politique sur la protection des renseignements personnels des partis, sous réserve de la présente loi et de toute autre loi fédérale. Il n’y a pas d’indications sur le mécanisme qui doit être utilisé. On n’indique pas qu’il pourrait y avoir une plainte auprès de mon commissariat ou du commissaire aux élections. Il y a donc une ambiguïté par rapport à cela et c’est l’un des thèmes que je soulève. À mon avis, ce mécanisme devrait exister, parce qu’il permet de renforcer la confiance des Canadiens. Il y a un principe, mais qu’arrive-t-il en cas de questionnements par rapport à cela? Même quand on soulève une préoccupation et que la plainte n’est pas maintenue, cela renforce la confiance des Canadiens. On voit qu’il y a un mécanisme et on est rassuré de voir que les choses ont été faites comme il faut.

Le vice-président : Voici une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Quel recours un citoyen peut-il avoir, dans la mesure où il constate que des renseignements privés ont été utilisés à d’autres fins que des fins politiques?

M. Dufresne : En ce moment, le projet de loi n’est pas clair pour ce qui est d’identifier les recours qui existent. Il n’y a pas de recours prévus. Le directeur général des élections (DGE) peut refuser la certification ou la retirer si on ne fournit pas de plan. C’était déjà le cas avec le projet de loi C-76. Ici, s’il y a une allégation selon laquelle un parti ne s’est pas conformé à cette politique, je ne vois pas quel est le recours, sinon de s’adresser à la personne responsable au sein même du parti politique pour soulever cette préoccupation. À mon sens, ce n’est pas là un mécanisme indépendant; cela ressemble plutôt à de l’autoréglementation.

Le sénateur Dalphond : Bienvenue, maître Dufresne. Si j’ai bien compris votre discours, les remarques qui avaient été faites par votre prédécesseur, M. Therrien, devant le comité de la Chambre des communes en juin 2018, vous les partagez entièrement? Et vous êtes toujours d’accord pour ce qui est des pistes de solutions qu’il avait proposées? C’est la politique que vous proposez?

M. Dufresne : On soulevait essentiellement les deux grands thèmes; il faut qu’il y ait certaines obligations quant au contenu de ces politiques. L’obligation actuelle, c’est qu’il y ait des politiques; cela permet effectivement d’atteindre certains objectifs de transparence, mais il n’y a pas d’obligation selon laquelle le contenu doit satisfaire aux 10 principes de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Je partage cette préoccupation, et je crois que la présence d’un mécanisme est essentielle. Mon bureau ne doit pas nécessairement être ce mécanisme, mais c’est une possibilité. Cela peut se faire par l’entremise de la Loi électorale du Canada ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Les éléments importants, selon moi — et je partage l’opinion de mon prédécesseur —, c’est de dire que les exigences doivent exister et qu’elles doivent être objectives, suffisantes et adaptées à la réalité des partis politiques et des lois sur la protection des renseignements personnels, tant dans le secteur public que privé. Elles peuvent s’adapter à tout cela. On fait face tant à de grandes compagnies qu’à des PME; il faut que tout cela soit traité de façon appropriée, mais il faut aussi qu’il y ait un mécanisme indépendant. C’est important pour le respect des droits et pour la confiance. La confiance est l’un des piliers de ma vision de la protection de la vie privée, car cela soutiendra non seulement la vie privée, qui est en soi suffisante parce qu’elle est un droit fondamental, mais aussi la démocratie elle-même.

Le sénateur Dalphond : En fait, pour faire suite à ce que vous dites sur l’importance d’un tiers qui supervise, le projet de loi nous dit que ce tiers qui essaie de superviser, on va le « sortir du portrait ». Comme il n’y en a pas à l’échelle fédérale, mais qu’il y en a un à l’échelle provinciale qui se manifeste, on lui dit : « Vous n’avez pas de place dans tout cela. »

Voici ma deuxième question. Je sais que vous n’avez pas l’obligation de vérifier les politiques sur la vie privée qui ont été adoptées [Difficultés techniques] mais ils ont l’obligation de les afficher sur les sites Internet. Je l’ai moi-même fait. Je suis allé les imprimer et j’imagine que vous avez fait la même chose. Trouvez-vous que ces politiques sont suffisantes pour protéger adéquatement les Canadiens?

M. Dufresne : Le commissariat a reçu une plainte en 2019 par rapport à des pratiques comme celles-là. Mon prédécesseur a rendu une décision en indiquant que nous n’avions pas la compétence requise pour enquêter à cet effet. Nous n’avons pas la compétence pour nous prononcer sur la suffisance ou la non‑suffisance de ces politiques. Mon prédécesseur avait refusé de le faire dans ce contexte-là, tout en soulignant l’absence de règles. Donc, en disant que la situation est telle qu’elle est, on recommande que ce soit différent, mais la loi, pour le moment, ne nous donne pas le mandat ni la compétence de nous prononcer. Cela s’applique à moi également.

Le sénateur Dalphond : Je sollicitais votre opinion plutôt comme expert de la question. Je comprends que vous dites : « Ce n’est pas notre compétence » et que vous ne donnez pas d’opinion. Merci.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je remercie les témoins de leur travail et de leur présence parmi nous aujourd’hui.

Vous venez de répondre au sénateur Dalphond. Les partis vous ont-ils consulté au sujet des pratiques exemplaires? Si oui, quels conseils leur avez-vous donnés? Si vous pouviez nous en faire part, ce serait formidable.

Parmi les compétences provinciales, quelles sont les mesures de protection de la vie privée, le cas échéant, qui offrent une certaine protection au public?

M. Dufresne : Pour répondre à la deuxième partie de votre question, la Colombie-Britannique et le Québec sont des provinces où il y a des règlements dans le contexte des partis provinciaux.

Pour ce qui est de la consultation, la collaboration avec le directeur général des élections — c’est quelque chose que nous faisons au Commissariat à la protection de la vie privée en ce qui concerne la collaboration avec nos homologues et d’autres organisations, parce qu’il y a des chevauchements. Nous avons donc fourni des conseils et des recommandations sur les pratiques exemplaires que les partis politiques devraient suivre.

Cela a été fait après l’adoption du projet de loi C-76. À l’époque, l’exigence était seulement de publier ces politiques avec ces éléments de transparence. Essentiellement, nous avons proposé les 10 principes de protection de la vie privée qui existent dans la LPRPDE, notamment la reddition de comptes; l’assurance que les objectifs sont précisés et que les renseignements sont utilisés à ces fins; l’assurance du consentement; la limitation de la collecte à ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs; et la limitation de l’utilisation, la communication et la conservation. Il y a également les principes d’exactitude, des mécanismes permettant de mettre à jour les renseignements, de soulever la question et d’apporter des corrections. Des garanties, pour s’assurer que l’information qui est, dans bien des cas, très sensible, comme on peut l’imaginer en termes d’opinions et de points de vue politiques, est protégée de façon appropriée et qu’elle suit l’évolution de la société et de la technologie. Une ouverture, des processus transparents, clairs et responsables. Une facilité de compréhension. Un accès individuel. Les gens peuvent soulever des questions, comprendre et modifier les renseignements; et remettre en question la conformité, ce qui fournit un mécanisme. Nous avons formulé ces observations à un haut niveau dans le cadre de notre travail avec le directeur général des élections.

La sénatrice Pate : Selon vous, quels sont les partis qui se sont conformés à ces principes?

M. Dufresne : Comme je l’ai indiqué dans ma réponse au sénateur Dalphond, nous avons reçu une plainte au sujet de certaines de ces pratiques, et mon prédécesseur a conclu — et je suis d’accord — qu’à l’heure actuelle, la loi ne nous donne pas le pouvoir de mener cette enquête et de tirer ces conclusions; nous n’avons pas fait cela.

Nous avons donné des conseils, encore une fois dans cette situation particulière, parce que nous fournissons régulièrement des conseils en vertu de notre loi lorsqu’il y a une obligation exécutoire dans le cadre de laquelle nous avons un rôle à jouer.

Pas dans ce cas-ci. Cependant, en collaboration avec Élections Canada, nous avons mis de l’avant les pratiques jugées exemplaires à l’échelle internationale, et nous espérons que les partis politiques les suivront, mais ce sont des principes ambitieux dans les circonstances. À mon avis, ces principes devraient être appuyés par le régime juridique.

La sénatrice Pate : Vous semblez faire preuve d’une diplomatie incroyable, mais il semble aussi qu’aucun parti ne respecte ces principes.

M. Dufresne : Nous n’avons pas le mandat de déterminer s’ils les respectent ou non. Il devrait y avoir une obligation, et il devrait y avoir une tierce partie — par exemple mon commissariat, qui pourrait très bien faire le travail si nous étions habilités, ou un service d’Élections Canada. L’important est d’avoir une tierce partie apte à répondre à la question importante que vous posez. C’est pourquoi il serait important d’avoir un mécanisme donnant le pouvoir légal nécessaire à un tiers.

La sénatrice Pate : D’autres témoins nous ont dit que ce ne serait probablement pas possible dans le cadre de ce projet de loi. Comment faire puisque nous ne pouvons pas modifier les projets de loi d’exécution du budget? C’est difficile à imaginer.

M. Dufresne : Nous avons formulé des recommandations dans le cadre de l’examen du projet de loi C-76 pour expliquer comment modifier ce système en instaurant des principes prévoyant que, lorsqu’un parti adopte une politique de protection de la vie privée, la notion de vie privée corresponde aux 10 principes de la LPRPDE. Il y a des façons de rédiger qui intègrent le principe d’utilisation à des fins qu’une personne pourrait raisonnablement juger acceptables, et vous pouvez alors prévoir un rôle pour un décideur tiers. Dans notre proposition concernant le projet de loi C-76, nous avions proposé que mon commissariat s’en charge. Ce serait tout à fait faisable. D’autres décideurs pourraient en être chargés.

Si on confie cette charge à un autre décideur, je ferais valoir que, s’il y a un élément majeur de protection de la vie privée — et c’est le cas en l’occurrence —, mon commissariat serait tout à fait prêt et disponible, si nous ne sommes pas le décideur, à fournir des conseils.

Cela existe dans la réglementation actuelle. Récemment, le Sénat a amendé, et le Parlement a finalement adopté, le projet de loi C-11, selon lequel le CRTC doit tenir compte des aspects relatifs à la protection de la vie privée. C’est lui qui déciderait, mais nous pouvons intervenir et formuler des observations comme partie intéressée. C’est une autre façon de procéder. L’essentiel, à mon avis, est qu’il y ait des normes, qu’elles soient conformes aux normes internationales, qu’elles soient contraignantes et qu’elles soient adaptées à la réalité des partis politiques, parce que c’est important. Les partis politiques jouent un rôle important, et le système pourrait l’entraver. Il faudrait aussi un décideur indépendant.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup de votre présence parmi nous aujourd’hui malgré le court préavis et merci de nous informer. Le gouvernement fédéral a rédigé cette disposition de façon à ce que ce règlement soit assujetti à la surveillance, en l’occurrence, d’Élections Canada plutôt que du commissaire fédéral à la protection de la vie privée. Même le directeur général des élections pense que c’est vous qui devriez superviser ce genre de disposition et non pas lui. Je suppose que vous êtes d’accord.

M. Dufresne : C’est une décision qui doit être prise par le Parlement. Je suis certainement prêt à m’en charger. Nous en avons le mandat. Je suis l’agent du Parlement chargé de la protection et de la promotion des droits fondamentaux en matière de protection de la vie privée. Nous sommes donc tout à fait aptes et disposés à assumer cette responsabilité si on nous la confie. Mais c’est une décision qui relève du Parlement, et je comprends que les partis politiques doivent être réglementés de façon à tenir compte de leurs réalités. C’est important. Cela peut se faire au moyen de lois sur la protection des renseignements personnels ou de lois électorales, et il y faudrait, à mon avis, un décideur indépendant.

La sénatrice Batters : Le gouvernement libéral a récemment présenté le projet de loi C-27, qui contient la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs. Il a pourtant décidé d’inclure cette disposition, qui a une grande incidence sur la vie privée des électeurs, dans une énorme Loi d’exécution du budget de 430 pages, sans lui donner de mordant. Certains estiment que le projet de loi C-27 conviendrait mieux à ce type de réglementation. Qu’en pensez-vous?

M. Dufresne : J’ai hâte de comparaître devant le comité INDU pour faire des recommandations sur le projet de loi C-27 dans son ensemble. Il ne contient pas de dispositions sur les partis politiques, et mon prédécesseur au commissariat avait recommandé d’inclure les partis politiques dans le projet de loi C-11, la version antérieure du projet de loi C-27.

On pourrait procéder en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, en l’occurrence dans le cadre du projet de loi C-27. C’est également possible en vertu de la loi électorale, qui est le moyen proposé actuellement et, auparavant, dans le cadre du projet de loi C-76. Il y a différentes solutions.

Ma recommandation, en l’occurrence, est que les obligations soient à la mesure des normes internationales en matière de protection de la vie privée, que cela ne prenne pas la forme d’une autoréglementation et qu’une tierce partie indépendante soit chargée de la surveillance. Cela pourrait se faire au moyen du projet de loi C-27 ou de la Loi électorale du Canada.

La sénatrice Batters : Le projet de loi C-76 dont vous avez parlé était un projet de loi très volumineux, mais distinct, qui portait sur de nombreux éléments de réforme électorale, dont quelque chose de cet ordre.

Comme il s’agit d’une énorme loi d’exécution du budget, ce n’est qu’une petite partie des éléments que le Comité des affaires juridiques est appelé à examiner ici. C’est le Comité des finances qui supervise l’ensemble. Mais on nous demande d’en examiner une petite partie dans un délai très court. S’il s’agissait d’une loi distincte, nous pourrions entendre de nombreux témoins, peut-être de partis politiques ou d’autres administrations comme la Colombie-Britannique ou le Québec, où il existe une réglementation protégeant la vie privée des électeurs.

À cet égard, diriez-vous qu’un projet de loi distinct, que le Parlement pourrait ensuite examiner de façon plus détaillée, serait un meilleur mécanisme?

M. Dufresne : J’invite les parlementaires à s’assurer que ces enjeux sont pris en considération. Je vous suis reconnaissant de me donner l’occasion de soulever ces questions ici aujourd’hui. Elles sont importantes, que ce soit dans le contexte de ce projet de loi ou d’un projet de loi distinct.

Le droit à la vie privée revêt une importance fondamentale pour les Canadiens. Il est important pour nous tous individuellement, mais il l’est également pour le processus démocratique qu’il sous-tend. Le principe de la vie privée n’est pas un obstacle à l’intérêt public; il étaye l’intérêt public. L’essentiel pour moi est que, quel que soit le texte législatif adopté, celui-ci doit l’énoncer. La protection de la vie privée est un droit fondamental, et nous avons besoin de normes, d’un mécanisme décisionnel indépendant et du maximum d’information possible pour que les parlementaires puissent prendre les décisions importantes qui auront une incidence sur nous tous.

Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. Vous avez répondu à ma question, mais les questions précédentes m’amènent à vouloir la poser de nouveau.

Dans votre exposé préliminaire, vous avez parlé de 2018 et du projet de loi C-76, qui proposait des modifications à la Loi électorale du Canada exigeant que les partis politiques fédéraux élaborent des politiques écrites en matière de protection de la vie privée. Mais votre commissariat a signalé que les modifications proposées ne prévoyaient pas de recours efficace, de mesures de réparation claires ou d’examen approfondi des politiques en matière de protection de la vie privée.

Vous avez ajouté que les modifications proposées à la Loi électorale du Canada dans le projet de loi C-47 ne fixent pas d’exigences minimales que les partis politiques devraient respecter lorsqu’ils traitent des renseignements personnels ni ne prévoient de surveillance indépendante de leurs pratiques à cet égard. Les modifications proposées permettraient plutôt aux partis politiques et à leurs affiliés de recueillir, d’utiliser, de conserver, de divulguer et d’éliminer des renseignements personnels conformément à leur propre politique de protection des renseignements personnels, élaborée et conçue à leur discrétion.

Je vous ai entendu dire à plusieurs reprises que les Canadiens ont besoin d’un système de protection de la vie privée pour les partis politiques qui aille plus loin que l’autoréglementation — et c’est logique — et qui prévoie des normes valables et une surveillance indépendante pour protéger et promouvoir le droit fondamental de l’électorat à la vie privée. Vous citez des règles précises qui sont très semblables à celles que prévoit la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LPRPDE.

J’allais vous demander, concernant l’amendement dont il est question aujourd’hui, s’il y aurait un recours ou des répercussions pour le cas où un parti politique fédéral recueillerait, utiliserait ou divulguerait des renseignements personnels en contrevenant à sa propre politique de protection des renseignements personnels? Si je m’en tiens à votre exposé préliminaire, la réponse serait non. La deuxième partie de ma question est la suivante : est-ce que, le cas échéant, votre commissariat aurait un rôle à jouer dans l’application de ce recours ou de ces répercussions? Selon certains de vos propos adressés à mes collègues, la réponse serait que cela devrait ou pourrait être le cas, mais que ce ne l’est pas. C’est très décevant, compte tenu de votre rôle. Comment, d’après vous, pourrions-nous nous acquitter de notre rôle dans le cadre de l’examen du projet de loi et des recommandations que nous pourrions formuler à cet égard?

M. Dufresne : Vous avez souligné les principaux éléments de mon témoignage d’aujourd’hui, sénateur. Il devrait y avoir, en matière de protection de la vie privée, des obligations exécutoires applicables aux partis politiques; ceux-ci devraient respecter délibérément des normes traduisant les 10 principes de la LPRPDE; et il devrait y avoir un décideur indépendant.

Je dis cela parce que la vie privée est un droit fondamental que nous devons traiter comme tel. Il ne devrait pas être sacrifié à l’innovation ou à l’efficacité, et, d’ailleurs, il n’y fait pas obstacle. Ce n’est pas un obstacle à l’intérêt public. J’ai également dit que, en démocratie, et c’est essentiel, quel que soit le système adopté, celui-ci doit être adapté et répondre aux besoins des partis politiques qui jouent un rôle unique dans notre processus démocratique. Il est important de ne pas décourager les gens de participer à la vie démocratique, tout en protégeant la vie privée. À bien des égards, la protection de la vie privée étaye l’intérêt public, rend la vie démocratique plus efficace et fait en sorte que les électeurs font davantage confiance aux personnes avec lesquelles ils partagent des renseignements, car ils savent ce qu’on en fera. Cela consolide notre système et, au final, cela renforcera les partis politiques eux-mêmes et sera un gage de confiance. Les Canadiens ont confiance en leurs institutions, en leur processus politique et en leur démocratie. C’est pourquoi ces éléments devraient être au cœur des préoccupations.

Le sénateur Klyne : Aidez-moi à comprendre votre mandat. Cela se passe dans votre timonerie; qu’est-ce qui empêcherait quelqu’un de passer outre et de s’adresser directement à votre commissariat?

M. Dufresne : Comme agent du Parlement, mon équipe et moi remplissons le mandat que nous a confié le Parlement par voie législative. Nous avons ce mandat pour le secteur public en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et nous avons ce mandat pour le secteur privé en vertu de la LPRPDE. Dans certains cas, les provinces ayant des lois très semblables seront les administrations habilitées. Nous travaillons en étroite collaboration avec elles.

Mais nous n’avons pas le mandat d’examiner les pratiques des partis politiques en matière de protection de la vie privée. Ce mandat devrait provenir d’une loi, du Parlement, et ce n’est pas le cas jusqu’à présent. Ce serait évidemment possible avec un système adapté et ce qui s’ensuivrait.

Ce n’est pas le seul mécanisme, mais, comme agent du Parlement responsable de la protection et de la promotion du droit à la vie privée, nous serions prêts à nous en charger, en tenant compte de la nécessité de comprendre les réalités des partis politiques et du processus politique.

C’est faisable aussi en vertu d’autres lois, mais l’essentiel est que, si le Parlement, pour des raisons qu’il déterminerait, décide que c’est au directeur général des élections du Canada ou à un autre organisme de s’en occuper, il serait avantageux que mon commissariat et moi-même ayons le pouvoir de fournir des conseils, des recommandations et des mémoires au responsable désigné.

Les possibilités sont nombreuses, mais l’essentiel est d’avoir des principes et des obligations solides et efficaces, ainsi qu’un mécanisme d’examen par une tierce partie crédible et juste.

Le sénateur Klyne : Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci d’être avec nous, monsieur le commissaire.

J’aimerais vous poser trois questions. Ma première question est la suivante : quand, dans le projet de loi C-47, on autorise les partis politiques à recueillir des renseignements personnels dans le paragraphe 385.2(2), est-ce que vous voyez quelque chose dans la nature même d’un parti politique... Est-ce qu’il y a une distinction essentielle qui ferait qu’un parti politique ne devrait pas être assujetti aux mêmes règles en matière de protection des renseignements personnels qu’un gouvernement?

Est-ce que les partis politiques fédéraux sont si différents dans leur essence même ou constituent un type de structure si unique qu’ils ne peuvent pas être assujettis aux mêmes règles que les gouvernements — je ne parle pas des entreprises privées — en vertu de la loi fédérale?

M. Dufresne : Sur le plan des principes, non, il n’y a pas d’obstacle à cela. Les principes de protection de la vie privée, que ce soit ceux qui s’appliquent au gouvernement ou à l’entreprise privée, ces 10 principes dont on a parlé, ce sont des principes flexibles et neutres sur le plan de la technologie. Ils viennent indiquer ceci : « Voici des éléments que l’on veut et que l’on doit voir dans le traitement de l’information personnelle », que ce soit le consentement, les fins appropriées, la transparence, la reddition de comptes, tous ces éléments.

Ce qui est différent par rapport aux partis politiques et au gouvernement, c’est potentiellement la taille, les ressources et l’aspect, à savoir si c’est sophistiqué ou non. Certainement, si on parle de candidats et d’associations de circonscriptions. Il peut y avoir cet élément; on peut dire que le gouvernement a les ressources et les structures, mais l’entreprise privée aussi. Donc, il y a peut-être une crainte pour quelqu’un qui dirait : « Si je veux être candidat, je suis seul, mais j’ai des bénévoles, et si on m’impose des obligations comme celles-là, ce sera trop onéreux. » Je présume que cette préoccupation est présente.

Ma réponse à cette préoccupation, c’est qu’un régime peut et doit tenir compte de cela. C’est la même chose dans le secteur privé. Il y a des PME et de grandes organisations. Il faut que le régime soit adapté. Il peut y avoir certains soutiens additionnels, et mon bureau fournit des conseils aux organisations qui en ont besoin. Il peut aussi y avoir certaines obligations qui ne s’appliquent pas, parce que le parti politique a peut-être besoin de plus de marge de manœuvre. Le rôle du parti politique exige peut-être un échange d’information plus fréquent, plus intime ou de nature différente.

Tout cela peut et doit être considéré, mais à mon sens, cela ne signifie pas qu’il n’y aura aucune contrainte ou aucun recours.

La sénatrice Dupuis : Ma deuxième question porte sur le droit fondamental. Vous affirmez que le droit à la vie privée est un droit fondamental.

Pouvez-vous être plus précis sur les références qui encadreraient le droit à la vie privée comme droit fondamental?

M. Dufresne : Tout à fait. Lorsque j’ai été proposé au poste de commissaire, j’ai mis de l’avant, devant le Sénat et la Chambre des communes, que ma vision de la vie privée avait trois piliers : premièrement, la vie privée comme droit fondamental; deuxièmement, la vie privée qui soutient l’intérêt public et n’est pas un obstacle à l’intérêt public; troisièmement, la protection de la vie privée comme génératrice de confiance des Canadiens et des Canadiennes envers leurs institutions.

La vie privée est un droit fondamental reconnu dans les instruments internationaux des droits de la personne, comme la Déclaration des droits de l’homme de 1948, qui la reconnaît comme un droit, tout comme le droit à la famille et à la vie personnelle; cela remonte à plus loin que cela encore.

La Cour suprême a reconnu les lois sur la protection des renseignements personnels comme étant de nature quasi constitutionnelle, à cause du lien clé entre le droit à la vie privée et le droit à la dignité pour chaque individu, mais aussi à cause du soutien d’autres droits fondamentaux, que ce soit le droit électoral, le droit à la liberté contre la discrimination et le droit à l’association.

À plusieurs égards, la vie privée est garante de liberté; cela devrait être traité avec beaucoup d’égards et être protégé. C’est ce dont je parle.

S’il y a un conflit entre la vie privée et d’autres intérêts qui ne sont pas de nature fondamentale, la vie privée devrait primer. Cependant, ces conflits devraient être rares, parce qu’on devrait travailler essentiellement pour éviter d’avoir à faire ces choix. Souvent, la vie privée ne sera pas un obstacle; au contraire, elle va apporter un soutien à l’intérêt et à l’enjeu.

La sénatrice Dupuis : Donc, est-ce qu’à votre avis la section 39 du projet de loi C-47 est destinée, d’après l’objet tel qu’il est énoncé au paragraphe 385.2(3), à constituer un barrage au litige actuel sur l’application des lois provinciales aux partis fédéraux?

M. Dufresne : Je ne voudrais pas me prononcer sur les intentions derrière le projet de loi, mais l’article « Objet » vient assurément indiquer quel est l’objet de ce projet de loi. On dit que l’objet « vise à établir un régime national, uniforme, exclusif et complet applicable aux partis enregistrés [...] ».

C’est ce qui est proposé comme objet et c’est sujet à l’approbation par le Parlement.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Monsieur le commissaire, je suis vraiment inquiète. Cela remonte loin, il y a bien des années. J’ai été candidate deux fois, et j’ai reçu des formations de toutes sortes, mais jamais, à ce dont je me souvienne, sur la protection de la vie privée et les droits des gens. C’est pourtant très important, j’en conviens.

Est-ce que votre commissariat envoie de la documentation sur la protection de la vie privée aux partis ou aux candidats désignés? Votre commissariat prend-il ce genre d’initiative?

M. Dufresne : Nous avons créé un document d’orientation accessible au public qui énonce les pratiques exemplaires que les partis politiques devraient suivre. On y trouve 10 principes fondamentaux. Le document fournit des exemples de ce que cela pourrait signifier dans le cadre de la mise en œuvre de pratiques exemplaires.

Faute de mandat officiel qui permettrait de prendre en charge les plaintes ou de fournir des directives, nous n’avons pas, à ma connaissance, eu de contacts plus directs avec les partis politiques dans des situations particulières. Comme je l’ai dit, nous avons déjà reçu des plaintes au titre desquelles nous n’avions pas la compétence nécessaire.

Mais, de concert avec le directeur général des élections, nous avons fait valoir ces principes fondamentaux. Le directeur général des élections a des échanges avec les partis politiques.

Nous parlons aujourd’hui de l’obligation d’élaborer une politique, de la publier, de l’enregistrer, de la faire connaître et de préciser comment agir. Ils devront ensuite se conformer à la politique qu’ils ont établie, mais il n’y a pas de mécanisme à cet égard.

Concernant la formation sur les pratiques exemplaires en matière de protection de la vie privée, il est essentiel d’avoir non seulement une organisation des politiques à jour, mais que cette formation soit donnée. Il est important que tous les intéressés soient informés des pratiques exemplaires.

La sénatrice Jaffer : J’ai toujours pensé que, comme candidate, j’étais autorisée à approcher les Canadiens — normalement, dans la vie privée, on ne le ferait pas — à leur parler, à prendre de leur temps et à frapper à leur porte. Beaucoup n’aimaient pas cela, tout simplement parce qu’ils n’aiment pas cela, mais je m’estimais en droit de le faire parce que j’étais candidate.

Aujourd’hui, à vous écouter, je me dis que j’aurais dû avoir une certaine formation à ce sujet. Mais, comme vous l’avez dit, il n’y en a pas. C’est un mandat que vous devriez obtenir pour le bureau des élections.

M. Dufresne : C’est vrai. Cela ne veut pas dire que vous ne seriez plus en mesure de faire ces choses comme candidate. Il s’agirait plutôt de s’interroger sur le type de renseignements que vous demandez aux électeurs et de savoir si vous leur dites pourquoi vous en avez besoin.

Par exemple, si vous demandez des renseignements à l’appui d’une pétition, vous obtenez ces renseignements personnels à cette fin, et la personne est heureuse de vous les donner, mais il ne s’ensuit pas que vous pouvez les utiliser à d’autres fins, comme du microciblage ou autre chose. Il ne s’ensuit pas que vous pouvez les partager avec une tierce partie ou sur des médias sociaux.

C’est le genre de mesures de protection de la vie privée prévu par le système. Au commissariat, nous avons récemment pris une décision concernant Home Depot et les reçus fournis en ligne ou sous forme imprimée. Les gens qui veulent un reçu en ligne doivent communiquer certains de leurs renseignements personnels. Ils ne s’y attendaient pas. Ce n’était pas évident pour eux. Nous avons constaté que ce n’était pas conforme à la réglementation. Nous avons recommandé de clarifier la procédure et d’obtenir le consentement des intéressés. Les gens l’accepteront peut-être, ou pas.

Ces pratiques sont améliorées grâce à une meilleure protection de la vie privée et une meilleure sensibilisation.

La sénatrice Jaffer : Vous m’apprenez beaucoup de choses. J’ai une question complémentaire. Vous avez parlé de certains manquements, mais avez-vous été témoin de manquements vraiment déplorables de la part de candidats — je ne parle pas des partis — au point qu’il vous faudrait un mandat pour les corriger?

M. Dufresne : Il y a eu des situations historiques, pas vraiment du côté des partis politiques, mais dans le cas de Cambridge Analytica et d’autres — dont j’ai parlé dans mon exposé préliminaire —, où des tiers ont utilisé des renseignements personnels d’électeurs.

Quant aux partis politiques, nous ne recevons pas cette information faute d’être habilités à enquêter. Le directeur général des élections a fait une recommandation en matière de protection de la vie privée. Il y aborde certaines questions dont son bureau a été saisi, par exemple les communications non sollicitées à différentes fins, les renseignements erronés, le désir de corriger des renseignements.

C’est une partie de l’information en question. Si le directeur général des élections ou moi-même étions habilités ou en avions le mandat, c’est le genre de renseignements que nous pourrions recueillir et au sujet desquels nous pourrions fournir des conseils. L’objectif est la protection et la promotion de la vie privée. Il n’est pas question d’accueillir des plaintes, de faire enquête, etc. Dans l’idéal, la promotion, la prévention et les conseils permettront d’éviter qu’une situation se produise. Les plaintes devraient être peu nombreuses et permettre de révéler et de corriger certains éléments. Pour l’instant, sans un mandat du Parlement, nous ne pouvons pas le faire.

La sénatrice Clement : Je vais dire quelque chose de très controversé. J’adore la politique. Quand on dit cela aujourd’hui, la réaction des gens est : « Quoi? » De plus en plus de Canadiens trouvent cela détestable. Les partis politiques en subissent le contrecoup. Il y a beaucoup d’hostilité à l’égard des partis politiques, et pourtant ils sont indispensables à la vie démocratique au Canada.

J’envisage les choses sous différents angles. J’ai entendu dire que le gouvernement ne vous avait pas demandé conseil avant de rédiger ce projet de loi. C’est un peu troublant.

Dans la version actuelle — celle que nous avons devant nous —, qu’est-ce que cela ajoute? Qu’est-ce que cela fait? Est‑ce que les partis politiques seront plus contestés ou est-ce que cela protège vraiment la vie privée des Canadiens?

Je suis horrifiée par le fait que beaucoup de Canadiens... vous savez, quand on lit « j’accepte toutes ces conditions » et qu’il y a trois pages de jargon juridique? J’avoue que j’accepte parfois sans avoir lu parce que je veux passer à l’étape suivante. Il y a de quoi être effrayé quand on pense à ce que cela signifie vraiment.

Quelle est l’utilité de cet article? La vie privée des Canadiens est-elle protégée par cette disposition supplémentaire? Est-ce que cela entrave le processus démocratique des partis politiques? C’est une vaste question, mais j’essaie de comprendre : est-ce bon et en quoi est-ce utile?

M. Dufresne : Concernant votre difficulté à saisir l’utilité des politiques de protection des renseignements personnels, etc., je tiens à répéter que c’est en cours d’examen. Comment ces politiques de consentement peuvent-elles être aussi conviviales que possible? Comment l’information peut-elle être disponible, significative et comprise? Comment pourrait-on facilement refuser certaines formes de communications si on le désire? Sinon, nous nous déchargeons de ces obligations sur les citoyens. Nous avons tous un rôle à jouer. Nous devons tous avoir des pratiques exemplaires. Au final, les organisations ont aussi un rôle à jouer et elles doivent faciliter les choses le plus possible.

Pour ce qui est du rôle des partis politiques et de l’importance de ce processus, je suis d’accord. J’espère avoir dit clairement dans mon exposé préliminaire que, quel que soit le système, il devrait tenir compte du rôle unique que jouent les partis politiques. Il est important que notre démocratie fonctionne, que des gens puissent se présenter aux élections et que les partis politiques puissent jouer leur rôle. C’est un rôle important et un service public important qu’il faut encourager.

Quant à l’effet de cet amendement, il prévoit que les partis politiques doivent s’enregistrer et rendre publiques leurs politiques en matière de protection de la vie privée. Ces politiques doivent contenir certains éléments d’information sur leur fonctionnement. C’est une question de transparence. Mais la disposition ne précise pas comment ces politiques doivent être employées et ce qui est acceptable en matière de protection de la vie privée.

Ce nouveau projet de loi prévoit que les candidats et les partis politiques pourront utiliser et divulguer des renseignements pourvu qu’ils respectent ces politiques. Un énoncé stipule que la conformité à ces politiques est importante, mais aucun recours ni aucun mécanisme n’est prévu en cas de désaccord.

Ma recommandation d’aujourd’hui comporte deux éléments, à savoir qu’il ne devrait pas incomber aux partis politiques — ni, en fait, à quelque organisation que ce soit — de fixer les exigences en matière de protection de la vie privée. On devrait avoir des garanties de base, et ce sont les principes de protection de la vie privée reconnus à l’échelle internationale. Ils existent.

Deuxièmement, même si ces principes sont bons, il faut prévoir un mécanisme indépendant. S’il y a désaccord sur la question de savoir si un parti respecte les principes, il y aura une allégation de non-conformité. Elle ne sera pas nécessairement fondée, mais il faudra y donner suite. Il est important d’avoir un mécanisme à cet égard, parce qu’il permet de faire respecter la loi et de conserver la confiance des gens. Cela montre aux Canadiens qu’on ne se contente pas de faire confiance... et le décideur n’est pas l’organisation incriminée. Le décideur sera indépendant. Le plaignant pourra faire entendre son point de vue et obtenir une décision. Cette décision pourra lui être favorable ou non, mais elle contribuera à clarifier ces principes.

Cela permet de traiter la vie privée comme un droit fondamental, de respecter l’intérêt public et de susciter la confiance. Ce sont les éléments essentiels que je proposerais au comité d’examiner.

La sénatrice Clement : Je comprends vos principes. Vous en avez tracé les grandes lignes. Faudrait-il les ajouter ici ou — pour revenir aux questions soulevées par certains de mes collègues — aurions-nous besoin d’une loi distincte pour régler les questions que vous avez soulevées?

M. Dufresne : Nous avons recommandé des amendements précis au projet de loi C-76, qui seraient applicables en l’occurrence. Il s’agirait, par exemple, de préciser ce que serait une politique conforme aux principes de la LPRPDE. La disposition indiquerait que les plaintes peuvent être adressées à telle ou telle entité. Dans notre recommandation, l’entité était le commissaire à la protection de la vie privée. Il n’est pas nécessaire que ce soit le cas. Il y a des moyens législatifs de régler cette question.

La sénatrice Clement : Dans ce contexte précis?

M. Dufresne : Eh bien, dans le cadre de n’importe quel projet de loi. Je comprends bien qu’on parle d’un projet de loi d’exécution du budget. Cela soulève des questions que le Parlement doit examiner.

Ce que je dis, c’est qu’il existe des mécanismes d’amendement législatif. Il y a des façons de modifier la loi. Vous avez soulevé la question du projet de loi d’exécution du budget. C’est une question distincte à trancher.

[Français]

La sénatrice Clement : Merci, monsieur Dufresne.

Le sénateur Dalphond : J’aimerais faire suite à certains commentaires qui ont été faits, notamment ceux de la sénatrice Dupuis. Vous avez dit que deux provinces, soit le Québec et la Colombie-Britannique, ont des dispositions qui prévoient spécifiquement qu’elles doivent se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dans ces deux cas, y a-t-il des dispositions particulières? Comment les a-t-on adaptées aux partis politiques par rapport au régime commun qui s’applique d’une part au gouvernement et d’autre part aux entreprises privées?

M. Dufresne : D’après ce que je comprends, en Colombie-Britannique, on traite les partis politiques comme des organisations. Cela équivaut à ce qui est prévu dans la loi fédérale pour le secteur privé. Au Québec, des modifications ont été apportées à la Loi électorale et prévoient certaines obligations. Il y a aussi la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. La Commission d’accès à l’information (CAI) aura donc une certaine compétence. Il existe des mécanismes. D’après ce que je comprends, on tient également compte de la réalité des partis politiques, mais ils sont gouvernés par la loi et il y a un mécanisme et un recours.

En Colombie-Britannique, une cause est devant les tribunaux pour déterminer si cette loi peut s’appliquer aux partis politiques fédéraux. Elle s’applique certainement aux partis politiques provinciaux.

Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup.

Le vice-président : Monsieur Dufresne, commissaire à protection de la vie privée, et madame Poirier, conseillère juridique principale, nous vous remercions. Les témoins précédents et vous nous mettez sur une piste intéressante pour une étude que nous pourrions faire éventuellement. Nous constatons qu’il y a un certain vide sur le plan de la responsabilité. Je crois qu’il serait intéressant que le comité se penche là-dessus.

Merci beaucoup.

Chers collègues, nous devons nous pencher sur la réponse du ministre, dont vous avez obtenu copie. Nous poursuivons donc la discussion, pour faire suite à la motion que vous avez adoptée lors de la dernière réunion. Comme elle a été adoptée en séance publique, je propose que nous restions en séance publique, car nous allons discuter du même sujet.

Vous avez adopté une motion tendant à demander au ministre de comparaître dans le cadre de l’étude du projet de loi C-9, la Loi sur les juges. Vous avez été informés, comme tous les participants, que le ministre a refusé de se présenter de nouveau dans le cadre de l’étude de ce projet de loi. Toutefois, il sera présent dans deux semaines pour l’étude du budget.

Comme cette motion vous appartient, il faut décider maintenant comment nous allons en disposer, en fonction de la réponse que le ministre nous a donnée.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Tout d’abord, comme porte-parole pour le projet de loi — et ce n’est même pas la motion que j’ai présentée —, la sénatrice Dupuis a posé la question la semaine dernière — et j’ai trouvé que c’était une recommandation très judicieuse, parce que nous avons entendu de nombreux témoins proposer différents amendements. Je pensais alors que le ministre travaillait à des amendements au projet de loi.

Ensuite, le sénateur Dalphond, le parrain du projet de loi, a précisé que non, le ministre ne travaillait pas à des amendements, ou du moins que ce n’était pas ce qu’il avait compris.

La sénatrice Dupuis a ensuite demandé que le ministre revienne. Elle a demandé si cela s’était déjà fait. On m’a répondu que ce n’était pas courant, mais que cela s’était déjà fait. C’était formulé comme une invitation. C’était peut-être un peu plus que cela. La raison en était que beaucoup de témoins souhaitaient des amendements. Nous sommes nombreux à nous être rendu compte — dans le cadre de nos échanges avec des témoins — que certaines parties du projet de loi devraient être modifiées pour que nous puissions faire correctement notre second examen objectif du texte de loi.

Nous avons ensuite demandé au ministre de revenir, et il a refusé. C’est inacceptable. En général, le ministre de la Justice a la gentillesse de venir rapidement quand nous lui demandons de venir nous parler d’un projet de loi. Nous voulons évidemment l’entendre pour veiller à ce que ce projet de loi soit le meilleur possible. Nous avons entendu de nombreux témoins. Les réponses à nos questions nous ont amenés à constater différents problèmes dans ce texte.

Devant le refus du ministre, je me demande jusqu’à quel point il veut que ce projet de loi soit adopté rapidement malgré ce que j’appellerais une invitation ferme. Je ne crois pas que ce soit une bonne façon de procéder. C’est inquiétant.

Nous essayons de procéder le plus rapidement possible et nous faisons de notre mieux. Je ne suis pas satisfaite de la situation actuelle.

Le sénateur Dalphond : Si j’ai bien compris les propos de la sénatrice Batters, une invitation lui a été adressée à la dernière réunion du comité.

Entretemps, j’ai écrit au comité directeur. Je voudrais vous parler de certaines discussions que nous avons eues. Lundi, je lui ai écrit pour l’informer que, après avoir rencontré bon nombre d’entre vous en privé et avoir écouté les commentaires et les questions formulés publiquement ici, je pense — étant donné, notamment, que M. Devlin est venu témoigner à la toute fin du processus, alors que les représentants du Conseil de la magistrature sont venus au tout début du processus — que de nombreuses questions étaient liées aux aspects concrets du fonctionnement : que se passe-t-il lorsqu’une plainte est déposée? Est-ce qu’une réponse est fournie ou non en cas de rejet de la plainte? Quel genre de réponse ou d’information est fourni par l’agent de contrôle, puisque c’est son nouveau titre? D’autres questions portaient sur la façon dont fonctionne le comité d’examen, sur le président du comité d’examen, etc.

J’y ai réfléchi et j’ai écrit à mes collègues du comité directeur pour leur dire que beaucoup de ces questions portent sur le fonctionnement du système et que les meilleurs témoins sont des représentants du Conseil de la magistrature, et non le ministre, parce que c’est un processus qui ne relève pas du ministère. Cela ne relève pas du ministre ou de son opinion. L’indépendance de la magistrature est garantie par des juges accompagnés de leur propre personnel. Le seul lien avec le gouvernement est qu’ils reçoivent environ 2 millions de dollars par an pour leur administration.

J’ai pensé que la meilleure chose serait de convoquer de nouveau ces fonctionnaires. Après avoir discuté avec le comité de direction, je les ai appelés pour savoir s’ils étaient prêts à revenir. Comme vous l’avez vu cet après-midi — je viens de m’en apercevoir —, ils ont dit oui puisqu’ils reviendront demain. Lorsque nous aurons entendu ces témoins et que nous leur aurons posé nos nombreuses questions, nous pourrons peut-être nous demander à nouveau si nous estimons toujours nécessaire d’inviter le ministre.

Je tiens également à signaler que nous avons reçu une lettre du Conseil de la magistrature, que Mark Palmer, le greffier du comité, nous a fait parvenir. Elle était adressée au président, mais M. Palmer nous l’a communiquée vendredi dernier. J’aimerais attirer votre attention sur une partie de son contenu — je pense que le ministre l’a dit également, mais je vais le répéter pour m’assurer que c’est bien compris, parce que la lettre est intéressante à lire. Le quatrième paragraphe se lit comme suit :

[…] Le projet de loi C-9 est le résultat d’un certain nombre de consultations et d’échanges cordiaux qui ont eu lieu pendant plusieurs années entre les fonctionnaires du ministère de la Justice, d’une part, et les représentants du Conseil et de l’Association, d’autre part. Il est très difficile, voire impossible, de parvenir à un consensus parfait sur tous les éléments d’un projet de loi, mais le Conseil et l’Association ont tous deux fait des compromis par rapport à leurs positions initiales et sont parvenus à la conclusion que le projet de loi, dans sa forme actuelle, permettait d’atteindre leurs objectifs respectifs.

On ne parle pas de modifications au Code criminel ou des projets de loi habituels que nous recevons du ministère de la Justice. Celui-ci est différent. Son contenu a essentiellement été décidé à l’extérieur du ministère. Celui-ci se réunira par la suite et travaillera en partenariat pour rédiger le projet de loi.

Les représentants du Conseil canadien de la magistrature ont un rôle vraiment important à jouer. Demain, ils pourront sûrement nous fournir plus d’information. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une situation spéciale pour le ministre. Dans une certaine mesure, c’est son ministère qui est en train de rédiger ce texte. Il est le parrain du projet de loi à la Chambre des communes, mais il ne s’agit pas exactement d’un projet de loi comme les autres, qui représenterait le point de vue du gouvernement et que celui-ci pourrait modifier, etc. Ce sont les deux éléments que je voulais souligner.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’ai entendu le sénateur Boisvenu nous dire qu’on savait tous que le ministre avait refusé de revenir devant le comité. J’aimerais savoir à quel moment on nous a donné cette information. Je crois savoir que des fonctionnaires du ministère de la Justice ont accepté de revenir comparaître.

Le sénateur Dalphond : Non, ce sont des représentants du Conseil canadien de la magistrature, les mêmes témoins, soit le commissaire et l’avocate générale.

La sénatrice Dupuis : D’accord. Je voudrais juste préciser que la raison pour laquelle j’avais proposé que le ministre revienne faisait suite à l’invitation que j’avais faite au parrain du projet de loi, le sénateur Dalphond, de vérifier auprès du ministre s’il souhaitait, à la lumière des témoignages qu’on avait entendus, proposer lui-même des amendements au projet de loi. Si je comprends bien, la réponse est négative. Le ministre refuse de venir comparaître; il a ses raisons et je les respecte, mais je voulais simplement vérifier si cela nous avait été officiellement transmis comme information.

[Traduction]

Mark Palmer, greffier du comité : En fait, c’est seulement ce soir, dans le discours du sénateur Boisvenu, que cela vous a été communiqué.

[Français]

C’est maintenant qu’on vous le dit et qu’on annonce que le ministre a refusé l’invitation.

La sénatrice Dupuis : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Premièrement, au cours des 10 années que j’ai passées à ce comité, je n’ai jamais vu un ministre de la Justice refuser une invitation à témoigner. Je suis sûre que ce n’est pas une invitation envoyée à la légère par le comité. Nous voulons donner au ministre la possibilité de discuter de certains amendements que nous jugeons nécessaires, ou que nos témoins jugent nécessaires, notamment le président de l’Association du Barreau canadien, qui a proposé un amendement assez important.

Je rappelle par ailleurs que le parrain du projet de loi a dit avoir eu des réunions ou des consultations avec d’autres membres du comité sur les solutions éventuelles. Je n’ai eu aucune conversation avec lui à ce sujet, bien que j’en sois la porte-parole.

Beaucoup des amendements proposés, envisagés ou discutés par nos témoins relèvent entièrement de la compétence du ministre de la Justice et n’ont rien à voir avec l’indépendance de la magistrature ou ce genre de choses. Ce sont simplement des choix que lui et son gouvernement ont faits en rédigeant ce projet de loi. Il y a notamment le fait que le paragraphe sur les sanctions ne prévoit pas de suspension avec ou sans solde. J’ai posé la question au ministre. Mais il s’en est remis à son fonctionnaire. Depuis, nous avons discuté avec d’autres témoins et nous avons également constaté que de nombreuses provinces le prévoient. Nous avons récemment entendu un représentant du Conseil de la magistrature de l’Ontario à ce sujet, et la Bibliothèque du Parlement nous a fourni des résultats de recherche énumérant les provinces qui autorisent ce genre de sanctions. C’est une mesure.

Il y a aussi l’amendement proposé par le président de l’ABC. D’autres témoins ont proposé des amendements de fond, et la sénatrice Clement a soulevé des questions importantes au sujet du paragraphe sur la diversité, où l’expression « dans la mesure du possible » ne semble pas vouloir dire grand-chose et semble assez insultante.

Une certaine disposition énonce à la fois une obligation et une éventualité dans le même libellé. Ce sont là des problèmes évidents qu’il faut corriger. Il ne convient pas d’adopter un gros projet de loi gouvernemental qui a pris 50 ans à rédiger sans s’assurer que tout cela est réglé.

Le ministre peut bien décider de ne pas revenir, mais cela en dit long sur l’attention qu’il accordera aux amendements et sur sa disposition à les accepter. Cela n’augure rien de bon.

[Français]

La sénatrice Dupuis : En tant que membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles depuis novembre 2016, je me souviens d’au moins une autre occasion où un ministre avait refusé de comparaître devant notre comité. Cela nous avait d’ailleurs permis de rédiger une phrase assez lapidaire dans un rapport que nous avions présenté au Sénat sur notre étude du projet de loi en question. Dans ce cas-là, ce n’était pas que le ministre refusait de comparaître une autre fois, mais bien une première fois.

Cela dit, nous avons un projet de loi à étudier et je considère que nous devons le traiter et qu’il n’y a pas de raison de retarder le travail que nous devons faire. Si des membres du comité croient que des amendements sont nécessaires, nous allons les étudier, mais je ne suis pas d’avis que nous devons retarder d’une quelconque manière l’étude de ce projet de loi.

Par ailleurs, je note que ce qui nous a été présenté au départ comme un projet de loi qui était... Je suis consciente du fait que cela se passe en dehors du ministère de la Justice, que cela se fait à partir d’un accord entre deux groupes constitutifs de la magistrature fédérale, que cela nous a été présenté comme un consensus et que le gouvernement a accepté de proposer le projet de loi C-9... On se rappelle que l’on a reçu il n’y a pas si longtemps — il y a quelques semaines — une lettre de l’une des deux parties en question, l’Association canadienne des juges des cours supérieures, qui nous a dit qu’au fait, l’accord ne tient plus. Mais il s’agit d’une autre question.

Je pense qu’on peut en prendre note, mais je serais plutôt d’avis que ma demande... La motion que j’avais présentée visait à inviter le ministre à comparaître, pas à retarder l’étude du projet de loi, et j’estime qu’une fois que nous avons obtenu la réponse, c’est à nous de continuer le travail. Le projet de loi est devant nous. Nous avons un travail à faire, et c’est à nous de le faire.

[Traduction]

Le président : Permettez-moi de faire quelques observations et une suggestion.

Premièrement, le fait est que le ministre est venu une fois. En attendant la suite donnée à la deuxième invitation décidée par le comité il y a une ou deux semaines — il y a une semaine, je crois —, le sénateur Dalphond, pour nous aider, a laissé entendre que les fonctionnaires du Conseil canadien de la magistrature seraient probablement en mesure de répondre à nos questions ou, du moins, à certaines d’entre elles en attendant que nous puissions entendre le ministre. C’est une possibilité. Il se peut aussi que nous disions que non, nous avons besoin de plus et que c’est au ministre de nous répondre.

J’aimerais ajouter autre chose avant de parler des possibilités. À mon avis, le sénateur Dalphond a raison de dire que la situation est légèrement différente, puisque ce projet de loi nous est présenté par le gouvernement, mais qu’il est le produit d’un processus visant à préserver l’indépendance de la magistrature et à faire preuve de déférence envers les juges eu égard aux mesures proposées pour tenter d’améliorer et de simplifier le processus disciplinaire judiciaire. C’est une situation un peu plus délicate. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous acquitter de nos responsabilités parlementaires si nous pensons que le projet de loi n’est pas assez bon et que des changements s’imposent. À cet égard, la sénatrice Batters a cerné certaines possibilités de façon tout à fait légitime.

Nous pourrions peut-être entendre ces témoins demain, puis décider, après la réunion, si on a suffisamment répondu à nos questions. C’est possible, mais le contraire l’est aussi. Nous déciderons ensuite s’il convient d’insister pour que le ministre vienne nous voir, de lui envoyer une invitation, pour ensuite, peut-être, sur le conseil de la sénatrice Dupuis, passer à l’étude article par article parce que nous aurons estimé avoir obtenu suffisamment d’information.

Au fait, je ne dis pas que c’est de notre faute, mais nous avons tendance à faire passer le ministre en premier et à lui demander de présenter le projet de loi. En l’occurrence, curieusement, nous en avons appris davantage depuis que le ministre est parti, en écoutant des gens bien informés, pondérés et qui ont des solutions à proposer. Il y a peut-être là une stratégie à laquelle notre comité devrait réfléchir — le comité directeur serait, je crois, le principal groupe responsable. Pour certains de ces projets de loi, nous devrions peut-être d’abord entendre des experts, qui nous informeraient de la forme du projet de loi et de certaines de ses lacunes, et ensuite demander au ministre de nous répondre. Nous serions mieux informés lorsqu’un ministre vient témoigner.

Je ne dis pas que nous devrions le faire par principe, mais c’est une idée. Très franchement, dans le cas de ce projet de loi, il aurait été bon d’entendre M. Devlin et quelques autres témoins plus au début. Je dirais la même chose de l’étude du projet de loi C-28 : nous aurions bénéficié du témoignage de gens qui connaissent en détail les répercussions du droit pénal avant de nous entretenir avec des responsables politiques. Ce sont deux exemples récents auxquels nous devrions au moins réfléchir.

Je suppose que j’invite à poser la question, mais nous manquons de temps : accepteriez-vous de reporter la décision jusqu’à ce que nous ayons entendu les représentants du Conseil canadien de la magistrature, ou CCM, dans la perspective très réaliste que nous voulions obtenir plus d’information ou dans celle, tout aussi réaliste, que nous estimions être suffisamment renseignés pour passer à la suite?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Il faut toujours être stratégique lorsqu’on invite un ministre, surtout lorsqu’il dit non. Je pense qu’on pourrait effectivement avoir un argument de plus si on écoute les gens du Conseil canadien de la magistrature. Si on n’est pas satisfait des questions ou si leur témoignage soulève encore plus de questions, on aurait un bon argument pour dire au ministre qu’il doit venir, et non qu’on l’invite. Il faudra être plus incisif et faire en sorte de motiver notre invitation, au fond.

[Traduction]

La sénatrice Clement : Je suis d’accord avec vous, sénateur Cotter. Je me rends mieux compte maintenant qu’il s’agissait d’un consensus et que cela ne venait pas du gouvernement. Mais cela veut dire, me semble-t-il, que nous sommes tenus de respecter des normes plus élevées, parce que les Canadiens nous regardent et que nous ne voulons pas qu’ils aient l’impression que ces mesures ont été négociées par les gens mêmes qui y seront assujettis. J’ai quelques réserves à ce sujet et je veux simplement m’assurer que nous procédons en appliquant une pensée critique, parce que nous sommes tenus de respecter une norme différente lorsqu’il ne s’agit pas du gouvernement. Simple opinion.

Le président : Avant de donner la parole à la sénatrice Batters et au sénateur Dalphond, je dirais que le gouvernement entérine les dispositions, qu’il y a beaucoup réfléchi — les fonctionnaires ont examiné la question — et que, comme le ministre l’a indiqué, c’est à ses yeux une amélioration notable. Presque tout se ferait dans le plus grand respect. Il appuie ce projet de loi, mais le gouvernement et lui-même, contrairement à beaucoup d’autres projets de loi, ils n’en sont pas les architectes, comme vous l’avez expliqué.

La sénatrice Batters : Je voudrais soulever quelques questions concernant le fait que ce projet de loi est plutôt du genre consensuel. Il faut rester conscient du fait que certaines personnes sont préoccupées par le fait que cela ressemble à des juges qui jugent des juges et qu’il y a très peu d’intervenants de l’extérieur dans ce dossier. Nous avons entendu des témoignages à ce sujet. Donc, oui, il faut absolument s’en préoccuper.

De plus, un certain consensus a été obtenu lorsque le gouvernement fédéral a consulté les gouvernements provinciaux en 2016. Quand j’ai demandé à quel moment certaines de ces consultations avaient eu lieu, on nous a dit que beaucoup d’entre elles avaient eu lieu très tôt, mais beaucoup de gouvernements provinciaux ont évidemment changé depuis.

Il n’en demeure pas moins que certains éléments doivent évidemment être déterminés par le comité si nous y tenons. Je suis donc tout à fait disposée à entendre le Conseil canadien de la magistrature. Il ne pourra évidemment pas répondre à certaines des préoccupations que j’ai soulevées aujourd’hui. Ce sont des choses qui relèvent strictement de la compétence du ministre Lametti, qui pourra faire ou non un choix différent à cet égard.

Je voudrais aussi rappeler brièvement que je ne veux vraiment pas m’écarter de la pratique consistant à demander au ministre de comparaître au début d’une étude. C’est une mesure très utile, que d’autres comités n’appliquent pas et dont les études souffrent parfois du fait qu’ils n’ont pas d’abord interrogé le ministre compétent. Peut-être que le ministre devrait comparaître en premier parce que cela permet de préparer le terrain, et c’est ce que le gouvernement essaie de faire. Nous avons la possibilité de poser ces questions. Mais peut-être que, dans le cas de projets de loi nécessitant plus d’expertise, il ne serait pas rare que nous ayons besoin de faire revenir le ministre. Peut-être même pour une période plus courte, pour pouvoir lui poser des questions précises après avoir entendu différents experts.

Le président : C’est à vous, sénateur Dalphond. Ensuite, sauf votre respect, nous pourrions essayer de clore le débat et de prendre une décision concernant...

Le sénateur Dalphond : Je suis d’accord avec beaucoup des avis exprimés ici. Qu’on me comprenne bien, je ne dis pas que le ministre devrait se charger du travail pour que nous portions le projet de loi jusqu’à Rideau Hall. C’est plus complexe que cela. Ce que j’essaie de dire, c’est que le conseil de la magistrature a commencé le travail visant à modifier et à moderniser ses règles en 2013. Il y a d’abord eu des consultations publiques, puis du travail avec les parties intéressées, dont les associations d’avocats et l’Association du Barreau canadien. Ensuite, le ministère de la Justice proprement dit a entrepris des consultations publiques et consulté les parties intéressées.

Cela s’est déroulé d’une façon inhabituelle pour le ministère, puisqu’il s’agissait d’une sorte de partenariat entre de nombreux groupes travaillant ensemble pour obtenir un résultat. Ce résultat est devant nous. Je ne dis pas que le ministre doit se contenter de saisir la balle au bond et qu’il n’a rien à dire. Tout a été fait correctement, et l’intérêt public est évidemment la principale préoccupation de tous les groupes concernés, notamment du fait que des fonds publics sont en cause et qu’il y a peut-être eu des abus dans l’utilisation des fonds publics, notamment du temps et des ressources à la Cour fédérale, par des juges qui se battaient depuis près de 10 ans pour obtenir un résultat.

Je pense donc qu’il y a une coopération dans l’intérêt public, mais que l’élaboration se fait dans un cadre légèrement différent des projets de loi ordinaires. Cela dit, nous devons faire la même analyse que d’habitude, et c’est certainement ce qu’on attend de nous, comme parlementaires.

La sénatrice Pate : J’entérine le point de vue de la sénatrice Clement. Nous ne devons pas avoir l’air de nous contenter de porter le ballon, et c’est pourquoi il importe que le ministre revienne, même si ce n’est que pour une courte séance, pour répondre à certaines de ces questions.

Le président : Y a-t-il consensus pour reporter la décision jusqu’à ce que nous ayons entendu les représentants du CCM demain? Je propose d’avoir une discussion efficace demain, et, lorsque vous ferez vos interventions, d’indiquer « discours numéro un d’hier » pour que nous nous en souvenions et que nous puissions prendre notre décision.

Le sénateur D. Patterson : Entendu.

Le président : Pour la première partie. L’autre était un peu moins grave, sénateur Patterson. Merci. Entendu à cet égard. Je pense que cela met fin à nos travaux d’aujourd’hui. Excusez-moi d’être arrivé à la onzième heure, alors que le sénateur Boisvenu a fait le gros du travail aujourd’hui. Cela clôt notre réunion. À demain. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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