LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 4 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges, et pour examiner la teneur des éléments des sections 30, 31, 34 et 39 de la partie 4, et de la sous-section B de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.
Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu (vice-président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le vice-président : Avant de commencer la réunion, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par ma droite.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique. Bienvenue.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice indépendante de la division des Laurentides, au Québec.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, sénateur du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Paula Simons, sénatrice de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
[Français]
Le vice-président : Je m’appelle Pierre-Hugues Boisvenu, sénateur du Québec et vice-président du comité. Je remplace le sénateur Cotter, qui est retenu dans un autre comité.
Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi C-9, nous accueillons ce matin Me Marc Giroux, commissaire au Commissariat à la magistrature fédérale, et Me Jacqueline Corado, directrice et avocate générale du Conseil canadien de la magistrature.
C’est un honneur de vous accueillir à notre comité.
À vous la parole, monsieur Giroux.
Me Marc A. Giroux, commissaire, Commissariat à la magistrature fédérale : Merci, monsieur le président.
Nous sommes heureux d’être de nouveau parmi vous pour répondre à vos questions sur le processus de la conduite judiciaire dans le cadre de votre examen du projet de loi C-9.
[Traduction]
De notre côté, nous avons certainement tenu à l’œil vos travaux, les témoins que vous avez reçus ainsi que les questions que vous avez posées. Nous espérons donc être en mesure de répondre à vos questions aujourd’hui.
Nous avons déjà expliqué la dernière fois à quel point ce projet de loi est important pour le Conseil canadien de la magistrature, car il vise une efficience dans le processus de conduite judiciaire, autant en termes de temps que de coûts, et ce au bénéfice du public et de la magistrature.
[Français]
Nous avons également discuté de principes comme l’indépendance judiciaire, le maintien de la confiance du public dans la magistrature — ce qui comprend le processus de conduite judiciaire — et la transparence
Le Conseil de la magistrature s’est d’ailleurs penché récemment sur des questions de transparence lors de sa dernière rencontre semi-annuelle, qui a eu lieu la semaine dernière. Le conseil s’est réuni pour déterminer comment il peut améliorer les choses à cet égard.
Par ailleurs, au sein du secrétariat du conseil, nous sommes très conscients de sa fonction première sur le plan de la conduite, et nous nous préparons en conséquence en ce qui a trait au projet de loi C-9. Nous travaillons sur des procédures d’examen modernisées et nous nous équipons en conséquence pour ce qui est du personnel rattaché à la conduite dans le petit bureau du Conseil canadien de la magistrature.
Au sein de la petite équipe du secrétariat, nous avons ajouté trois nouveaux visages au cours de la dernière semaine.
[Traduction]
Ceci étant dit, nous comprenons qu’il peut être utile pour vous — et nous espérons que ce sera utile — d’en apprendre davantage, avant l’adoption du projet de loi C-9, sur nos façons de faire actuelles et d’obtenir des précisions sur le fonctionnement du processus.
[Français]
Cela dit, si vous n’avez pas d’objection, monsieur le président, je vais maintenant céder la parole à ma collègue Me Corado.
Me Jacqueline Corado, directrice et avocate générale, Conseil canadien de la magistrature : Bonjour à tous et merci de votre invitation.
Comme vous le savez, toute personne qui veut porter plainte à l’égard d’un juge de nomination fédérale peut se rendre sur le site du Conseil canadien de la magistrature, remplir le formulaire à cet effet et nous l’envoyer. La plainte peut être anonyme ou les plaignants peuvent s’identifier. Il n’est pas non plus nécessaire ou obligatoire de remplir le formulaire. Une personne pourrait nous écrire et déposer une plainte sans remplir le formulaire.
La plainte est d’abord examinée par un décideur administratif au conseil, qui détermine si elle est recevable.
[Traduction]
Les plaintes peuvent être rejetées à cette étape — qui est la première étape du processus — si, par exemple, son examen ne relève pas de notre compétence, si la plainte concerne un juge à la retraite ou décédé ou si la plainte vise à interjeter appel d’une décision. À cette étape, nous rejetons aussi les plaintes frivoles, offensantes ou sans fondement ainsi que les plaintes présentées à des fins inappropriées. Si la plainte est rejetée, le plaignant reçoit une lettre l’informant de cette décision et des motifs. Tous les ans, la grande majorité des plaintes peuvent être rejetées à cette étape.
Une plainte peut passer à la deuxième étape du processus. Cela signifie que la plainte est transmise à un membre du Comité sur la conduite des juges du conseil, qui doit analyser la plainte, enquêter sur celle-ci, tenter d’obtenir davantage d’informations si nécessaire et déterminer si la plainte mérite un examen plus poussé et devrait donc être transmise à un comité d’examen. Si la plainte est rejetée à la deuxième étape, le plaignant reçoit une lettre l’informant des motifs de cette décision.
Durant la dernière année, 21 plaintes ont été examinées par un membre du Comité sur la conduite des juges. Si la plainte est transmise à un comité d’examen, alors, conformément à nos procédures, le plaignant doit en être informé. L’étude de la plainte par le comité d’examen constitue la troisième étape du processus. Il est composé de trois juges en chef, d’un juge puîné et d’un non-juriste.
Le comité d’examen doit déterminer si la plainte est suffisamment sérieuse pour justifier la révocation du juge et si une enquête publique devrait avoir lieu. Si le comité d’examen décide de clore le dossier, il peut toutefois exprimer des préoccupations ou formuler des recommandations. Le plaignant reçoit ensuite une lettre faisant état de la décision du comité et des raisons de cette décision.
Au cours de la dernière année, quatre plaintes ont été transmises à trois comités d’examen différents, et ces plaintes sont encore à l’étude.
Si la plainte est transmise à un comité d’enquête, une audience publique aura lieu. Le comité d’enquête entend la preuve et les arguments fournis par les avocats qui présentent la cause contre le juge et par le juge lui-même. Le comité d’enquête prépare ensuite un rapport comportant une recommandation à l’intention du conseil, et le rapport est également transmis au juge afin qu’il puisse fournir d’autres arguments aux fins de ce rapport. Le conseil reçoit donc tout cela à l’étape des délibérations, lors desquelles au moins 17 membres du conseil doivent être présents pour examiner le rapport, la recommandation et la réponse du juge. Encore une fois, à cette étape, le plaignant est informé de la décision et reçoit une copie du rapport.
Le projet de loi C-9 apportera des changements grandement nécessaires, et j’ose espérer que l’explication du processus actuel vous sera utile dans le cadre de votre examen de cette mesure législative.
Merci.
[Français]
Le vice-président : Merci beaucoup, maître Corado et maître Giroux.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Je sais que vous avez été invités tardivement à témoigner, mais je vous remercie de comparaître avec un court préavis.
J’aimerais parler d’une question qui a été mise en évidence — à juste titre, à mon avis — par un grand nombre de mes collègues ici présents lorsqu’ils ont interrogé d’autres témoins. J’ai deux questions à vous poser. La première concerne la transparence. Dans les rapports annuels et sur la première page du site Web du conseil à l’heure actuelle — j’ai vérifié ce matin — il est écrit « Susciter la confiance des Canadiens par notre transparence ». C’est l’un des premiers grands principes que le conseil fait valoir. Je suis tout à fait d’accord. La confiance du public repose sur la transparence et la reddition de comptes.
Ma première question concerne le fait que, au fil des ans, les rapports annuels ont fait état du processus de plainte d’une manière de moins en moins détaillée. Par exemple, j’ai sous les yeux le rapport annuel de 2013-2014, dans lequel la juge en chef McLachlin explique que le conseil a entrepris une consultation auprès des parties prenantes et du public concernant les façons d’améliorer le processus d’examen de la conduite des juges. Le rapport contient 32 pages, et environ 25 pages sont consacrées au processus d’examen de la conduite des juges.
On y trouve le nombre de plaintes reçues, le nombre de dossiers ouverts et le nombre de plaintes transmises au comité d’examen. Il y a trois pages consacrées aux statistiques. En outre, il y a une section, qui s’étire sur 10 à 12 pages, où figure un exemple de plaintes reçues par le conseil.
Je vais passer à un autre rapport que j’ai sélectionné au hasard, le rapport de 2007-2018. C’est un rapport beaucoup plus court, qui comporte cinq ou six pages, mais qui contient deux pages entières sur le nombre de cas, le nombre de plaintes reçues, le nombre de dossiers créés, le nombre de lettres de mandat adressées à des avocats leur demandant de fournir des renseignements au comité d’examen, le nombre de plaintes non pertinentes reçues, le nombre de demandes aux fins de reconsidération et même le nombre d’appels téléphoniques reçus. On dit que le conseil a reçu 1 000 appels téléphoniques, à savoir cinq appels par jour au sujet du processus.
On mentionne ensuite que les demandes d’information ont augmenté, tout comme le nombre de plaideurs non représentés, et on indique qu’un nouveau processus appelé « les conférences de règlement », qui a été mis en place plus ou moins à ce moment-là, est à l’origine d’un grand nombre de plaintes.
Le dernier rapport, qui souligne le 50e anniversaire du conseil, contient de l’information à propos des activités du conseil, des membres du conseil et du travail que ceux-ci effectuent.
Lorsqu’il est question de la conduite des juges, on trouve un seul paragraphe comportant un certain nombre de renseignements au sujet des plaintes — le nombre de dossiers ouverts, le nombre de dossiers fermés, le nombre de dossiers examinés par un membre du comité d’examen. On dit que le conseil a reçu 18 plaintes cette année-là. Vous avez dit aujourd’hui qu’il a reçu 21 plaintes.
Le conseil est-il d’avis qu’il est temps de revenir aux anciennes pratiques et de fournir davantage d’informations, comme c’était le cas auparavant, concernant le nombre de dossiers ouverts, le nombre de plaintes reçues et le traitement de ces plaintes?
Durant votre exposé, vous avez mentionné que 21 plaintes ont été examinées par un membre du comité d’examen. C’est un nombre inférieur à celui indiqué dans le rapport de la magistrature de l’Ontario, qui inclut environ 20 à 25 résumés de cas qui ont fait l’objet d’un examen.
Serait-il possible pour le conseil de revenir aux anciennes pratiques et de faire preuve d’une plus grande transparence? Voilà ma première question. J’aurai une autre question ensuite.
[Français]
Le vice-président : Sénateur Dalphond, vous avez pris 4,5 minutes pour votre question. En principe, il reste 30 secondes, alors je vous demanderais de poser des questions plus courtes pour laisser à nos invités plus de temps pour répondre.
Me Giroux : Merci, monsieur le vice-président. En tant que président du conseil, le juge en chef met beaucoup d’accent sur la transparence. La semaine dernière, le conseil s’est penché sur la façon d’accroître la transparence par rapport aux questions de conduite. On peut faire mieux au sein du secrétariat du conseil pour fournir plus d’information. Vous avez parlé de retourner à la vieille pratique : on peut faire mieux et procurer des données qui sont constantes d’une année à l’autre.
En révisant moi-même les rapports, je constate qu’on catégorise les plaintes en fonction de catégories différentes d’une année à l’autre. Je pense qu’il y aurait lieu d’avoir plus de constance, d’établir des catégories qui ne changent pas chaque année et, essentiellement, de mieux informer le public à cet égard. On est en train d’examiner comment on peut faire cela.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je vous remercie beaucoup pour votre présence aujourd’hui. Maître Giroux, depuis votre dernière comparution devant le comité au sujet du projet de loi C-9, il y a eu des faits nouveaux et d’autres préoccupations ont été soulevées par les témoins. Un soutien accru a été exprimé en faveur de l’aspect soulevé par l’organisme The Advocates’ Society, à savoir le droit d’en appeler d’une décision finale du Conseil canadien de la magistrature auprès de la Cour d’appel fédérale. Même l’Association du Barreau canadien a souligné l’importance de cet amendement, faisant remarquer que, bien qu’à première vue il semble allonger les délais, le processus demeure efficace dans l’ensemble.
Le président de l’ABC a fait valoir deux raisons importantes :
Premièrement, c’est une question de justice naturelle que d’assurer un droit de contrôle judiciaire externe au processus [...]
Deuxièmement, la magistrature est un élément essentiel de l’appareil de gouvernance du Canada, à tel point que le public doit être assuré que la discipline judiciaire est appliquée de façon transparente et responsable, avec des avenues d’appel et des recours clairs [...]
Étendre le droit d’appel comporte un autre avantage: il y a de bonnes chances pour que la Cour d’appel fédérale produise des motifs détaillés [...] Ainsi, le juge lésé et le public sauront pourquoi une instance indépendante est arrivée à sa conclusion, ce qui renforcerait la crédibilité du CCM par la révision transparente de ses procédures et décisions.
Compte tenu de l’appui à l’égard de cet amendement au sein du milieu juridique, quelle est votre opinion?
Me Giroux : Merci, sénatrice. Je vais dire quelques mots, puis je vais céder la parole à ma collègue. Comme on l’a mentionné plus tôt, le projet de loi vise à réduire les délais et les coûts. Établir un droit d’appel nous fait reculer, en ce sens qu’il requiert du temps, de l’argent et le paiement de frais juridiques, et, en même temps, si ce recours est établi pour la Cour d’appel fédérale, cela donnerait lieu à l’examen par trois juges d’une décision prise par cinq personnes.
Le conseil est d’avis que le projet de loi devrait demeurer tel quel, avec les nombreuses garanties offertes actuellement aux juges qui font l’objet d’une plainte.
La sénatrice Batters : Nous avons également entendu parler à maintes reprises de l’importance d’inclure un non-juriste à chaque étape du processus. Le professeur Richard Devlin a insisté là-dessus, et le Conseil de la magistrature de l’Ontario en a reconnu l’importance cruciale.
Le professeur Devlin a expliqué que les valeurs que sont l’impartialité, l’indépendance et la représentation sont compromises si la représentation de non-juristes n’est pas suffisante. Est-ce que vous seriez en faveur d’un amendement à cet égard?
Me Giroux : À ce sujet, il y a lieu bien entendu de prévoir dans le projet de loi une plus grande représentation des non-juristes dans le processus qu’à l’heure actuelle. Les non-juristes apportent une perspective précieuse au processus, comme le démontrent nos comités d’examen actuels.
L’équilibre qu’on trouve dans le projet de loi est correct et juste. Dans notre système, le troisième organe du gouvernement, l’appareil judiciaire, a pour tâche d’interpréter les lois et la jurisprudence, et, dans le cas qui nous occupe, à deux des étapes du processus, on compte des membres de la magistrature et des non-juristes. Je dirais que c’est un juste équilibre.
La sénatrice Batters : Donc, vous n’êtes pas en faveur d’inclure des non-juristes à d’autres étapes?
Me Giroux : Je dirais qu’à ces deux étapes, il est approprié de les inclure.
Me Corado : Si je puis me permettre, compte tenu du fait qu’il s’agit d’un processus administratif — et qu’on ne trouve pas beaucoup de non-juristes au sein d’autres tribunaux administratifs, par exemple — le projet de loi C-9 fournit deux occasions aux non-juristes de prendre part au processus, et ce à deux des plus importantes étapes du processus. C’est davantage d’occasions que celles que fournissent d’autres tribunaux administratifs.
Je ne pense pas qu’il est nécessaire d’inclure des non-juristes à chaque étape du processus, car on ne voit pas cela dans d’autres tribunaux administratifs, que ce soit à l’étape du contrôle ou à d’autres étapes.
La sénatrice Batters : Au sein du conseil, est-ce qu’ils sont inclus à d’autres étapes de son processus, qui se rapproche beaucoup plus du processus dont nous discutons? Il vaudrait mieux faire la comparaison avec le conseil plutôt qu’avec différents tribunaux administratifs.
Me Corado : Oui, je comprends. Je ne connais pas en profondeur son processus, dois-je dire très honnêtement, mais je peux vous dire que dans le processus dont nous discutons, il y a cinq étapes, et à deux de ces étapes — les plus importantes — on inclut un non-juriste. C’est une représentation très utile. Le point de vue d’un non-juriste est très précieux. Nous tenons absolument à bénéficier de sa perspective.
[Français]
Le vice-président : Je voudrais m’excuser auprès des sénateurs et des sénatrices. J’ai fait un lapsus un peu plus tôt, quand j’ai mentionné que vous aviez cinq minutes, non pas pour vos réponses, mais pour vos questions.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Je vais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Batters. Nous entendons dire que les non-juristes estiment qu’il n’y a pas de transparence ni d’équité et que les décisions ne sont pas justifiées. Premièrement, on inclut davantage de non-juristes qu’auparavant, et la perception existe que les tribunaux ont dû s’adapter afin d’offrir un soutien aux non-juristes. Avez-vous un moyen de leur fournir de l’aide durant le processus? Et je ne parle pas de leur accorder un traitement spécial. Est-ce quelque chose que vous faites?
Me Corado : Je crois que vous demandez si nous faisons quoi que ce soit pour accommoder un non-juriste durant le processus. Les non-juristes font partie du comité plénier. À l’heure actuelle, un non-juriste qui est affecté à un comité d’examen participe à toutes les décisions prises par le comité. Il est un membre à part entière du comité.
Le projet de loi C-9 prévoit d’inclure des non-juristes à deux des étapes, et je le répète, ils seront des membres à part entière du comité. Je crois qu’il est important de savoir qu’au sein d’un comité d’audience plénier, un non-juriste participera au processus décisionnel.
Les non-juristes sont non seulement présents, mais ils participent aussi au processus décisionnel. Comme les décisions finales sont prises à l’étape de l’examen, au titre du projet de loi C-9, il est possible que des mesures supplémentaires soient prises par un comité d’examen, et un non-juriste fera partie des décideurs.
La sénatrice Jaffer : Vous êtes tous les deux des habitués de notre comité, et je suis certaine que vous suivez nos audiences. Vous avez peut-être entendu le professeur Devlin expliquer ce qui pourrait être fait, particulièrement sur le plan de la formation, si, par exemple, un juge ne suit pas les formations proposées. Il y a toutes ces belles formations que nous souhaitons que les juges suivent, mais que faire s’ils ne les suivent pas? Vous avez lu les propos du professeur Devlin. Qu’avez-vous à dire à ce sujet?
Me Giroux : Comme vous le savez, le conseil a établi que les juges nouvellement nommés doivent suivre de la formation et que les juges qui ne sont pas nouvellement nommés doivent consacrer au moins 10 jours par année au perfectionnement professionnel.
Si un juge ne respecte pas ce qui est recommandé ou encouragé, de toute évidence, quiconque, mais surtout le juge en chef, serait bien placé pour aborder cette question avec lui, dans un premier temps. Si le juge ne suit toujours pas la formation, alors il serait justifié que le juge en chef présente une plainte au conseil à l’égard de ce juge, à l’instar de quiconque, mais, bien sûr, le juge en chef sait probablement mieux que quiconque si le juge a suivi ou non la formation.
La sénatrice Jaffer : Merci.
La sénatrice Simons : J’aimerais revenir rapidement sur la question du sénateur Dalphond, afin de vous donner un peu plus de temps pour y répondre. En tant qu’ancienne journaliste, j’aime beaucoup les données, particulièrement les données désagrégées, il est très important de comparer des pommes avec des pommes d’une année à l’autre. Si les paramètres changent, il devient impossible d’effectuer une comparaison. Je voulais aborder cette question en premier.
Il y a une deuxième question que je veux aborder. Nous sommes témoins en temps réel, tous les jours, d’un nombre croissant d’allégations de mauvaise conduite et de manquements à l’éthique visant des membres de la Cour suprême des États-Unis, qui s’est mise dans une catégorie complètement à part en affirmant qu’elle n’a pas besoin d’un code de déontologie et qu’elle ne peut faire l’objet d’un examen par qui que ce soit. Pendant ce temps, au Canada, l’un de nos juges de la Cour suprême fait l’objet d’un examen sur sa conduite. Pourriez-vous nous parler un peu de la mesure dans laquelle les cultures des deux pays sont différentes et de la raison pour laquelle vous estimez qu’il est important d’obliger nos juges à rendre des comptes de cette façon?
Me Giroux : Je peux répondre en premier, sénatrice, et ma collègue pourra peut-être répondre ensuite.
En ce qui a trait à votre premier commentaire, je conviens tout à fait avec vous que les paramètres doivent être les mêmes d’une fois à l’autre lorsqu’on fournit des données. Autrement, on ne rend service à personne. On ne rend pas service au public ni à nous-mêmes lorsque nous devons comparaître devant vous.
Je ne suis pas un expert en matière de conduite des juges de la Cour suprême. Au Canada, le conseil a adopté des principes en matière d’éthique pour les juges. Ils ont été établis à la suite d’une vaste consultation, et un certain nombre de personnes ont contribué à la publication finale de ces principes. De toute évidence, les juges devraient prendre connaissance de ces principes, car ne pas les respecter leur nuira s’ils font l’objet d’une plainte.
Je ne peux pas parler de la deuxième question que vous avez soulevée — je sais que vous le comprenez — mais j’aimerais simplement dire qu’un juge qui fait l’objet d’une plainte devrait certes jeter plus qu’un coup d’œil rapide aux principes en matière d’éthique pour voir s’il les a respectés.
Par ailleurs, un juge aux prises avec une difficulté et qui se demande quoi faire peut également se tourner vers le Conseil canadien de la magistrature et demander à Me Corado, par exemple, ce qu’il devrait faire dans la situation. Nous ne donnons pas ce genre de conseil. Le juge peut toutefois s’adresser à un comité de l’éthique composé de juges puînés. Ce comité a une base de données d’avis fournis dans le passé, et le juge peut expliquer sa situation et demander ce qu’il devrait faire, s’il peut faire telle ou telle chose. Même si le conseil n’est pas lié par les recommandations, si je puis dire, du comité de l’éthique, elles sont certainement utiles. Lorsqu’une plainte est déposée, le conseil peut très bien prendre en considération que le juge a tenu compte des recommandations.
La sénatrice Simons : Pour ce qui est de la situation au sud de la frontière, le juge Roberts de la Cour suprême des États-Unis a fait valoir que ce serait une atteinte à l’indépendance et à l’intégrité de la cour si quelqu’un prenait des mesures disciplinaires. Ici au Canada, nous semblons avoir emprunté une voie différente. Sans vous demander de juger la Cour suprême des États-Unis, pensez-vous que nous avons un meilleur modèle?
Me Giroux : Je mentionne d’abord respectueusement que nous avons des principes éthiques pour les juges au Canada, contrairement aux États-Unis. Mon bureau travaille dans d’autres pays — pour faire des réformes judiciaires —, et ce que je peux dire, c’est que le système judiciaire canadien est très respecté partout dans le monde. On ne le dit pas juste comme cela. C’est vraiment sincère lorsque nous visitons d’autres pays. Il n’est pas parfait, et il y a des questions à examiner qui sont parfois très médiatisées, mais, en général, la magistrature du Canada est très respectée.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, ou si je m’écarte de l’observation sur les États-Unis.
La sénatrice Simons : Vous vous en êtes écarté avec beaucoup d’élégance.
Me Corado : Au Canada, nous avons l’article 99 de la Constitution qui prévoit l’inamovibilité des juges en fonction de leur bonne conduite, si je peux m’exprimer ainsi. C’est ici que nous intervenons. À défaut d’en savoir plus sur ce qui se passe chez nos voisins au sud de la frontière et sur le fonctionnement de leur constitution, je peux dire que c’est ce que la nôtre prévoit ici au Canada.
C’est ici que le Conseil canadien de la magistrature intervient. Nous sommes l’organisation qui étudie le dossier et qui décide en quoi consiste le cas d’inconduite et s’il y a eu atteinte à l’article 99 de la Constitution dans le but de déterminer si un juge préserve ses fonctions.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Bienvenue aux témoins. J’aurais d’abord une question pour le commissaire à la magistrature. Vous nous avez parlé d’une réunion du conseil, une réunion récente, soit celle sur laquelle il y a eu un communiqué de presse le 26 avril 2023. On parle de la réunion annuelle du printemps.
Ce qui m’a frappée, c’est l’importance qui, selon vos dires, est accordée à la question de la transparence par le conseil. Dans les trois éléments que l’on retient dans ce communiqué de presse, le premier est la pression sur les institutions démocratiques; il y a aussi le nombre élevé de postes de juges vacants dans l’ensemble du pays et les questions de santé au sein de la magistrature. Dans ces trois points, il y en a deux qui concernent exclusivement la magistrature : la façon de travailler et les conditions de travail des juges — ce qui est une question très importante, par ailleurs.
Je m’interroge sur les traces que le système même donne à la transparence. En fait, si l’on n’a pas de données désagrégées, si les données sont incohérentes d’une année à l’autre, si les décisions ne sont pas notifiées aux plaignants à toutes les étapes et si l’on n’ouvre pas la porte à une participation généralisée aux non-juristes, comment pouvons-nous nous résoudre à croire qu’en effet, le besoin de transparence qui n’apparaît pas dans le système actuel est pris en compte et le sera à l’avenir?
Me Giroux : Je pense que ma collègue veut dire quelques mots. J’ajouterai peut-être un commentaire par la suite.
Me Corado : En ce qui concerne la transparence, selon le rapport annuel du conseil, il y a probablement eu des différences d’une année à l’autre sur la façon dont les plaintes ont été rapportées. Ce n’était pas une obligation du conseil. C’est quelque chose que l’on faisait de façon volontaire, et on veut le faire mieux.
On est vraiment ravi que cela fasse partie du projet de loi C-9. Il s’agit d’une amélioration. On a déjà commencé à examiner comment on peut produire les rapports d’une manière plus transparente et constante, pour qu’il n’y ait pas de différences dans les catégories d’une année à l’autre.
Pour ce qui est des décisions, elles sont notifiées aux plaignants. J’ai entendu dire par certains témoins que ce n’était pas le cas. Je peux vous confirmer qu’une lettre est envoyée au plaignant pour expliquer les motifs de la décision, et ce, quelle que soit l’étape du processus. Cela se fait déjà et cela se fera encore avec le projet de loi C-9.
La sénatrice Dupuis : Cela se fait sur une base volontaire par le conseil, même s’il n’y a pas d’obligation de le faire.
Me Corado : C’est exact. Pour toute plainte, le plaignant va recevoir une décision.
La sénatrice Dupuis : J’avais une deuxième question à ce sujet.
On a reçu l’information selon laquelle ce projet de loi résulte de discussions entre le Conseil canadien de la magistrature et l’Association canadienne des juges des cours supérieures. C’est un type de projet de loi pour lequel il y a eu beaucoup de consultations, et un consensus s’est développé autour d’un projet de loi qui est celui que nous étudions. À partir du moment où le comité a commencé son étude, on a reçu un avis de l’Association canadienne des juges des cours supérieures selon lequel ce consensus ne tient plus.
Quelle est la position du conseil? Est-ce que le conseil a pris position sur le projet de loi C-9, tout en sachant qu’il n’y a plus de consensus?
Me Giroux : Vous savez que Me Corado et moi avons comparu devant un comité de la Chambre des communes. L’association a envoyé une lettre au comité. Par la suite, nous avons témoigné devant le comité. L’association vous a également transmis une lettre.
La lettre indiquait qu’à un égard, la position initiale de l’association était d’un appel de plein droit. Ensuite, le conseil a répondu à la lettre de l’association par le biais d’une lettre de Me Corado. Je pense que la lettre parle d’elle-même.
J’ose croire que, malgré tout, les consultations ont été très bénéfiques. Même si certains compromis ont été faits lors des consultations et des discussions sur le projet de loi C-47 avec les représentants du ministère de la Justice, l’ensemble de la magistrature veut qu’il soit adopté.
La sénatrice Dupuis : Quel est le coût du système actuel?
Disons que je suis un juge et qu’il y a une plainte contre moi. Je me rends à la Cour suprême et, au moment de l’audience, je démissionne.
J’imagine que vous avez établi des coûts et que le conseil aurait peut-être les moyens de nous transmettre certaines informations à cet égard. C’est un point très important du projet de loi C-47.
Me Giroux : Le budget du conseil est très limité. On a une petite équipe de 10 personnes et on reçoit des fonds chaque année à même le budget pour la conduite judiciaire. On n’a pas reçu ces fonds cette année, parce que je présume que le projet de loi C-9 était devant vous. Essentiellement, je ne sais pas si je peux établir le coût de toute la conduite. Or, dans certains dossiers, notamment celui du juge Girouard, qui a duré environ sept ans, les coûts ont monté jusqu’à plus de 5 millions de dollars. Ce montant comprend les frais juridiques du juge en question, d’autres frais juridiques, les personnes employées par le conseil aux fins du processus, la location de pièces et ainsi de suite. Ce sont quand même des coûts élevés, dans ce cas-là.
La sénatrice Dupuis : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Clement : Bonjour. Merci d’être ici.
Je crois que les membres du comité ont reçu les amendements au projet de loi C-9 que je vous ai transmis à tous les deux ce matin. Trois éléments y sont abordés, y compris le remplacement de « harcèlement sexuel » par « inconduite sexuelle ». C’est un terme plus moderne.
Le deuxième amendement est à l’article 84 et éliminerait « Dans la mesure du possible », car je ne pense pas que cela envoie un excellent message à la société canadienne — ou, à vrai dire, aux juristes — quand nous disons que nous allons essayer d’intégrer la diversité dans la mesure du possible, peut-être, si nous le pouvons. Il faut envoyer un message plus fort, et nous pouvons parler de la façon de le faire respecter.
Le troisième amendement porte sur la transparence. Je vais commencer ici parce que je n’aurai peut-être pas le temps de tout aborder. Comme il y a moins d’information fournie dans le rapport général annuel — et je vous ai entendu dire que vous avez l’intention de faire mieux à cet égard —, j’ai pris les devants et examiné les amendements du point de vue des trois étapes franchies par une plainte : l’étape de l’agent de contrôle, l’étape de l’examinateur et l’étape du comité d’examen.
Ce qui me préoccupe à propos de la transparence se rapporte à la communication de l’information au public. Oui, nous la communiquons au plaignant, mais, pour moi, il serait plus important d’aller plus loin et de rendre publiques les raisons et les données à chacune des trois étapes.
Essentiellement, les articles 103, 90, 91 et 94 auraient un libellé similaire pour que soient rendus publics les raisons du rejet d’une plainte ou le résultat d’une plainte à chaque étape.
J’aimerais vous entendre à ce sujet.
Me Corado : À cet égard, il y a l’arrêt Slansky de la Cour d’appel fédérale, qui parle de la confidentialité du processus et explique pourquoi c’est fait aux premières étapes.
La sénatrice Clement : La confidentialité serait maintenue dans ces amendements. L’idée est de rendre public le résultat puis de protéger les renseignements personnels.
Me Corado : La protection des renseignements personnels serait également importante. Je n’ai pas pleinement examiné les amendements; nous venons tout juste de les recevoir.
La sénatrice Clement : Je comprends.
Me Corado : Sauf erreur de ma part, l’idée ne serait pas de rendre publique une décision, mais nous le faisons déjà.
C’est une chose qui fait l’objet de discussions afin de déterminer comment nous allons procéder une fois que le projet de loi C-9 entrera en vigueur. Des exemples de plaintes sont fournis sur le site Web sans identifier qui que ce soit; c’est davantage un résumé de l’allégation et de la façon dont on a traité le dossier.
C’est ce que le conseil fait. C’est déjà sur notre site Web.
La sénatrice Clement : Le faites-vous sur une base volontaire?
Me Corado : Oui, c’est sur une base volontaire. Nous pourrions continuer de le faire sans rendre public quoi que ce soit qui pourrait être préjudiciable ou en respectant la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Slansky.
Vous proposez de codifier une pratique que nous avons déjà, mais c’est un engagement de notre part. C’est fait sur une base volontaire et cela se poursuivra à l’intérieur des paramètres de la Cour d’appel fédérale. Ce sera important pour s’assurer que c’est déjà respecté.
Le conseil reçoit beaucoup de plaintes frivoles et, par conséquent, nous ne voudrions pas attirer l’attention sur ces plaintes et semer la confusion ou créer une sorte de perception erronée à propos du juge, surtout lorsque la plainte est sans fondement.
C’est une chose que nous pouvons continuer de faire, et ce serait très important pour le public, afin de donner un exemple de ce que nous faisons en montrant le type de plainte et la façon dont elle a été rejetée sans divulguer de renseignements personnels.
Nous sommes déterminés à continuer de le faire et à rendre publique cette information sur notre site Web.
Me Giroux : À première vue, je ne vois aucun problème avec les deux premiers amendements que vous proposez.
Pour revenir sur ce que Me Corado a dit, l’arrêt Slansky établit essentiellement qu’il revient au conseil de déterminer ce qui sera rendu public et, ce faisant, le conseil doit tenir compte de principes contradictoires. Il y a d’abord la transparence et l’intérêt public, ce que je considère comme un objectif pour vous et le conseil. Les autres sont l’indépendance judiciaire et la protection de la vie privée du juge.
À ce sujet, ma seule mise en garde, comme Me Corado l’a dit, se rapporte aux nombreuses plaintes frivoles que nous recevons. Certaines personnes, peu importe leur raison, peuvent en vouloir au juge qui a pris une décision dans un dossier. Nous devons tenir compte de ces principes pour éviter que la réputation du juge soit ternie par la publication de renseignements qui, au bout du compte, pourraient se rapporter à une allégation frivole.
La sénatrice Clement : Je comprends. Je suis membre du Barreau de l’Ontario. Je sais qu’il y a des plaintes. On peut perdre dans une affaire et des gens sont fâchés, et il y a un processus. Mais, maître Corado, vous avez parlé de la question de la confiance et de la diminution de l’information fournie dans le rapport général annuel. Ce sont des facteurs dont nous devons tenir compte.
[Français]
Me Corado : C’est un processus qui va se poursuivre; on va continuer de publier. Bien qu’il y ait peut-être eu un changement récemment — cela pourrait être lié à certains changements au sein du conseil ou du leadership du conseil —, on continuera de faire ce que l’on fait déjà et on a l’intention de faire les choses encore mieux.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Merci d’être ici.
Vous pouvez me dire si mon analyse est correcte. Je veux parler de la latitude offerte par les différentes peines possibles.
Si je comprends bien, à l’étape du comité d’examen, il y a un éventail de mesures : un avertissement public ou confidentiel, des excuses, une réprimande et d’autres actions, dont certaines avec le consentement du juge. Cependant, cela semble être plus draconien lorsque le comité d’audience est saisi du dossier, car soit que le juge est révoqué, soit qu’il ne l’est pas.
Selon certains témoignages entendus, il serait idéal d’avoir plus de latitude dans les peines à l’étape de l’examen. Plus précisément, je crois que des témoins ont proposé des options comme la suspension avec ou sans solde, ce qui est assez courant dans les procédures disciplinaires en général.
Avez-vous des observations à ce sujet ou vous a-t-on dit qu’il devrait y avoir plus de latitude dans les peines à l’étape du comité d’examen?
Me Giroux : Nous avons écouté les débats, sénateur. Nous avons entendu certaines des réponses qu’on vous a données à propos de la suspension des juges.
Concrètement, la suspension avec rémunération est déjà utilisée. Un juge en chef dont un subalterne fait l’objet d’une plainte considérée comme sérieuse peut prendre des mesures pour ne pas lui assigner de dossiers jusqu’à ce que la plainte soit réglée par le conseil ou jusqu’à ce qu’il obtienne de plus amples renseignements.
De toute évidence, ce n’est actuellement pas le conseil qui prend la décision. C’est certainement à la discrétion du juge en chef, et nous pouvons indiquer que c’est fait. On procède régulièrement ainsi pour les cas sérieux.
Je ne sais pas si je peux en dire plus que ce que les fonctionnaires du ministère de la Justice ont déjà dit dans leur réponse. Je sais que certains d’entre vous ont fait des observations sur cette réponse, mais vous avez raison de dire que la seule mesure que le comité d’audience plénier peut prendre est la révocation du juge.
Dans la pratique, c’est ce qui est fait à l’heure actuelle. Il pourrait être problématique de donner cette prérogative au conseil.
Le sénateur D. Patterson : Merci pour la réponse. Lorsque le juge en chef ne confie pas de dossier à un juge, c’est une décision qui peut être rendue publique ou non.
Diriez-vous que la suspension sans solde devrait figurer parmi les options du comité d’examen ou celles du conseil de la magistrature, ce qui, il me semble, permettrait de nuancer un peu plus l’approche en ne se limitant pas à la révocation?
Me Giroux : Vous avez peut-être quelque chose à ajouter, maître Corado.
Me Corado : Au sujet de la suspension, pour que ce soit clair et pour ajouter quelque chose aux propos de Me Giroux, la Cour suprême a reconnu que le juge en chef a le pouvoir d’assigner des dossiers et de donner une charge de travail à un juge. Cela fait partie de l’indépendance judiciaire. C’est le juge en chef qui doit voir comment le tribunal est géré et quels dossiers peuvent être confiés à un juge qui fait l’objet d’une plainte visée par un examen.
Le conseil n’a pas ce pouvoir. Nous ne sommes pas vraiment sur le terrain, si je peux m’exprimer ainsi, et nous ne pouvons donc pas connaître exactement les forces et les faiblesses du juge ni déterminer pourquoi il pourrait être préférable qu’il soit suspendu. Cela arrive, mais cela ne relève pas du conseil. Selon la Cour suprême, ce rôle est confié au juge en chef.
Le sénateur D. Patterson : Dites-vous qu’il y a parfois des suspensions sans solde?
Me Corado : À ma connaissance, ce sont des suspensions avec solde.
Le sénateur D. Patterson : Je posais la question pour les suspensions sans solde.
Me Corado : Cela n’a pas été étudié.
Le sénateur D. Patterson : Merci.
Le sénateur Klyne : Bienvenue aux témoins.
Ma question est pour Me Corado, mais j’invite le commissaire Giroux à nous dire aussi ce qu’il en pense.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que le projet de loi C-9 prévoit des changements grandement nécessaires. Je suppose que c’est dans le contexte d’améliorations à la transparence et à la reddition de comptes dans le processus déontologique de la magistrature. Le projet de loi permettrait effectivement de réduire les délais, de renforcer la confiance dans l’administration de la justice et de contrôler les coûts excessifs ou inutiles dans le processus déontologique judiciaire.
À ce sujet, et pour d’autres considérations en général, les témoins ont-ils des recommandations ou des observations pour le comité dans le but d’améliorer le projet de loi? Y a-t-il quelque chose qui pourrait être fait ou amélioré, ou quelque chose qui a été oublié et qui devrait être inclus?
J’ai entendu certaines choses dans vos réponses à la sénatrice Clement et au sénateur Patterson, mais y a-t-il d’autres choses que vous aimeriez dire au comité?
Me Corado : Lors de ma première comparution, je pense que j’ai expliqué comment ce projet de loi améliorera l’efficacité du processus et les coûts connexes. Je mentionne d’abord qu’on a fait un certain nombre de consultations, d’ententes et de compromis qui améliorent effectivement beaucoup le processus et qui réduiront considérablement les coûts.
Nous entendons parler d’amendements pour, par exemple, avoir un mécanisme d’appel à l’extérieur du conseil, ce qui irait sans aucun doute à l’encontre du projet de loi. Tout serait plus long. Nous reviendrions à la première étape, où nous en sommes maintenant, comme Me Giroux l’a mentionné, alors qu’il a fallu sept années pour régler un des dossiers. Ce projet de loi propose de remédier à toutes les mesures législatives coûteuses qui interviennent dans ce processus.
Je ne pourrais pas proposer quoi que ce soit pour l’améliorer. Je crois que le libellé actuel, celui proposé par le conseil et déposé au Parlement, permet de faire ce qu’on essaie d’accomplir.
Pour ce qui est des autres amendements qui pourraient être apportés, par exemple, avec tout le respect, à la communication de renseignements et ainsi de suite, c’est une chose que nous nous sommes déjà engagés à faire par souci de transparence.
Nous sommes heureux d’entendre tout ce que nous entendons, car cela nous permet de progresser et de mieux faire les choses.
Le sénateur Klyne : Maître Giroux, avez-vous quelque chose à ajouter?
Me Giroux : Je pense que Me Corado a tout dit. Comme on vous l’a mentionné, ce projet de loi a fait l’objet de nombreuses consultations. Il y a eu des compromis entre les différentes organisations qui représentent la magistrature.
Au bout du compte, malgré quelques petites différences, je pense que tout le monde veut voir un meilleur processus qui est aussi perçu ainsi, qui permettra aux Canadiens, espérons-le, de voir que les choses se font plus rapidement et à moindre coût. C’est l’objectif même.
Le sénateur Klyne : Merci.
[Français]
Le vice-président : Il reste huit minutes, alors je vais donner la parole à deux autres sénateurs seulement, soit le parrain et la porte-parole. Sénateur Dalphond, vous avez quatre minutes.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : C’est intéressant. Aujourd’hui, nous avons devant nous Me Giroux, qui est commissaire à la magistrature fédérale et aussi directeur par intérim du conseil pour le moment.
Je vais vous poser une question compte tenu de votre expertise particulière. Les candidats à la magistrature doivent remplir un long formulaire. Ils doivent expliquer en quoi consisteraient leur contribution et tout le reste. Ils sont aussi invités à déclarer beaucoup de choses : leur sexe, c’est-à-dire homme, femme ou autre; leur culture ethnique; leur diversité — on leur demande s’ils sont Autochtones, membres d’une minorité visible, handicapés, membres de la communauté LGBTQ et ainsi de suite. On leur pose aussi des questions sur leurs compétences linguistiques.
Bien entendu, je sais qu’ils ne sont pas obligés de répondre, mais serait-il possible d’ajouter cela dans le formulaire de plainte que vous mettez à la disposition du public — des personnes vont peut-être dire qu’elles ne veulent pas répondre — et offrir au plaignant l’option de cocher une case pour faire des déclarations volontaires sur d’autres choses comme pour les candidats à la magistrature?
Me Giroux : Merci, sénateur. Vous avez raison : depuis 2016, le formulaire destiné aux candidats à la magistrature est différent, et il a même été révisé récemment. Mais vous avez essentiellement raison. En effet, les candidats peuvent choisir de s’identifier ou non comme appartenant à diverses catégories. Au commissariat, nous publions également des statistiques sur le nombre de candidats qui ont déclaré leur appartenance à une catégorie ou à une autre.
Je ne vois pas en quoi il serait difficile de le faire dans le formulaire que nous avons pour les plaintes à l’encontre des juges. Encore une fois, étant donné qu’il s’agit d’une auto-identification, les gens peuvent avoir un point de vue différent sur la question de savoir s’ils veulent s’auto-identifier lorsqu’ils déposent une plainte ou lorsqu’ils se portent candidats à un poste de juge, par exemple, mais c’est quelque chose de relativement facile à faire. Merci.
La sénatrice Batters : Merci. Maître Giroux, vous avez dit à la sénatrice Patterson, au sujet de l’option de suspension avec salaire, que les juges en chef de diverses instances le font déjà régulièrement, parce qu’ils n’assignent pas d’affaires à ces juges, peut-être. Je pense que vous devriez le dire au ministre de la Justice et à ses collaborateurs, car lorsque nous avons reçu les représentants du ministère de la Justice, je les ai interrogés sur cette possibilité. Pourquoi la suspension ou la réduction de la rémunération ne sont-elles pas incluses comme option? Le représentant du ministère a déclaré que si l’inconduite était grave au point où une suspension ou une réduction de salaire pouvait être envisagée, elle relevait alors du domaine de la révocation. C’est la raison pour laquelle cette option n’a pas été incluse.
En outre, ce processus est loin d’être transparent. Le public n’aurait bien sûr jamais connaissance de cette gestion interne qui consiste à assigner ou à ne pas assigner des affaires à un juge sur cette base.
En ce qui concerne la réduction ou la suspension du salaire comme sanction envisageable, nous avons également eu l’occasion d’interroger le Conseil de la magistrature de l’Ontario sur les raisons pour lesquelles l’Ontario a inclus cette mesure dans l’une de ses listes d’options. Alison Warner, du Conseil de la magistrature de l’Ontario, a donné des exemples de cas où une inconduite grave répondait aux critères d’une suspension sans solde, mais où la révocation n’avait pas été jugée appropriée. Elle a déclaré :
Dans les deux cas, les comités d’audition étaient confrontés à une faute grave, mais par contre, les juges faisaient preuve de remords, de lucidité et reconnaissaient les faits. Ils avaient déposé de nombreuses lettres de soutien, émanant non seulement de juges, mais aussi d’avocats et de membres du public. Ils avaient suivi des formations d’appoint et des formations en éthique.
À la lumière de ces circonstances atténuantes, le comité s’est demandé s’il fallait recommander la révocation ou une suspension de 30 jours sans salaire. Ils ont estimé qu’à la lumière de ces facteurs atténuants, comme je le disais, il ne serait pas justifié de recommander la révocation. Ils ont donc combiné la suspension sans salaire à quelques sanctions moins sévères, comme une réprimande et des excuses dans un cas. Ils ont estimé que cela constituerait une punition sévère pour leur conduite, mais que cela tiendrait compte, comme je l’ai dit, des circonstances atténuantes.
Étant donné que cela a bien fonctionné non seulement en Ontario, mais aussi ailleurs, ne pensez-vous pas qu’il serait approprié d’avoir un système de sanctions disciplinaires plus robuste et d’appuyer un amendement visant à ajouter cette option à la Loi sur les juges?
Me Giroux : Merci, sénatrice. Comme nous l’avons mentionné, le projet de loi a fait l’objet de nombreuses consultations entre le système judiciaire et le ministère de la Justice. Je n’ai pas participé à ces consultations. Je ne peux pas dire si cette question a été abordée ou non. J’ai lu les commentaires qui vous ont été faits par les fonctionnaires du ministère de la Justice et j’ai également lu votre réponse.
Je ne pense pas pouvoir dire grand-chose à ce sujet. J’ai également lu ce qui se fait en Ontario. Je crois savoir que cela ne s’est produit que quelques fois depuis que la procédure est en place.
Il existe également de la jurisprudence sur l’indépendance judiciaire des juges, y compris l’indépendance financière. Je ne sais pas vraiment l’effet que cela pourrait avoir sur un amendement...
La sénatrice Batters : Ni les fonctionnaires du ministère de la Justice ni le Conseil de la magistrature de l’Ontario ne nous ont dit qu’il s’agissait d’un problème pour l’un ou l’autre de ces organismes, et je ne m’attends donc pas à ce que ce soit le cas.
Me Giroux : Un arrêt a été rendu par la Cour suprême il y a de nombreuses années au sujet de l’Île-du-Prince-Édouard. Certains d’entre vous en connaissent peut-être mieux la teneur. On y parle des trois composantes de l’indépendance judiciaire, dont l’indépendance financière et le maintien en fonction d’un juge nommé par le gouvernement fédéral jusqu’à ce qu’il soit révoqué par décret.
Je ne sais pas exactement quel est l’effet de tout cela. Je ne peux pas vous donner d’opinion à ce sujet. Mais je reviens encore une fois à ce que j’ai dit précédemment, à savoir qu’à l’échelon de juge en chef — et non à l’échelon du conseil, vous avez tout à fait raison —, les juges en chef ont le pouvoir discrétionnaire de déterminer que, pour l’intégrité de leur tribunal, dans une certaine situation où l’un de leurs juges fait l’objet d’une plainte, il vaut peut-être mieux ne pas confier d’affaires à ce juge jusqu’à ce que la situation soit tirée au clair ou résolue. C’est donc ce qui se passe actuellement, avec salaire, bien sûr.
La sénatrice Batters : Et sans transparence, ce qui fait que le public n’en saurait jamais rien. Merci.
[Français]
Le vice-président : J’ai une question. Un commentaire du professeur Devlin m’a étonné : il a affirmé que le projet de loi C-9 allait créer un déséquilibre entre les plaignants et les juges visés, notamment sur le plan de l’appel. Croyez-vous que ce commentaire du professeur Devlin était véridique?
Me Corado : Est-ce que vous pouvez répéter le commentaire?
Le vice-président : Ce qu’il a dit, c’est que, dans le projet de loi C-9, on semble percevoir un déséquilibre entre les droits des plaignants et des juges, surtout pour ce qui est de l’appel. Les plaignants ne semblent pas avoir de droit à l’appel, mais le juge, oui. Il a dit que cela créait une espèce de déséquilibre.
Me Corado : En fait, c’est que le plaignant n’est pas une partie au procès. C’est une comparaison que je n’aime pas faire, mais par exemple, dans un contexte criminel, vous avez la Couronne et le défendeur. Dans un contexte disciplinaire, si on peut l’assimiler, ce n’est pas comme un procès civil, où vous avez des demandeurs et défendeurs. Ici, lorsqu’une plainte arrive, un client peut se désister de sa plainte, mais il reste que si le conseil croit que la plainte est fondée, on ira de l’avant. Le plaignant n’est pas vraiment une partie au procès.
Cela signifie que, dans le cadre d’un appel, il est possible que les procureurs qui sont responsables de présenter la cause contre le juge décident que cela mérite de faire appel.
Il ne faut pas oublier cette perspective, à savoir qu’on ne parle pas vraiment de droit du plaignant. C’est vraiment un processus où l’on recherche la vérité. C’est ce qu’on est en train de faire avec l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867. On veut voir si cet article est respecté.
Pour revenir à la question de la rémunération des juges, pour les conseils provinciaux, ils n’ont pas l’article 99, dans ces cas‑là. Ce n’est pas dans la Constitution, comme pour les juges des cours fédérales. Avant de considérer cette question, il faudrait aussi se demander comment cela pourrait affecter la Constitution et l’article 99.
Le vice-président : Merci beaucoup, maître Giroux et maître Corado, pour ces informations. Nous vous remercions d’être venus au pied levé ce matin.
Espérons que ces informations seront utiles à l’ensemble des collègues autour de la table. Nous vous souhaitons une belle journée.
Nous poursuivons avec le deuxième groupe de témoins pour étudier la section 34 du budget.
Nous accueillons Mark Radley, directeur par intérim, Consommation en matière financière, et Tanjana Islam, analyste et économiste, du ministère des Finances Canada.
Du ministère de la Justice Canada, nous recevons Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, et Me Kenyatta Hawthorne, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal.
Vous avez cinq minutes chacun pour faire votre déclaration d’ouverture. Ensuite, nous passerons à une période de questions. Nous allons commencer avec M. Radley.
[Traduction]
Mark Radley, directeur par intérim, Consommation en matière financière, ministère des Finances Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. C’est un privilège pour moi d’être ici aujourd’hui afin de vous parler de la section 34 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget.
Les prêteurs abusifs peuvent profiter de certaines des personnes les plus vulnérables au Canada, notamment les Canadiens à faible revenu, les nouveaux arrivants et les personnes âgées, souvent en leur accordant des prêts à des taux d’intérêt très élevés. Le Code criminel fixe actuellement le taux d’intérêt criminel à 60 % sur la base du taux annuel effectif, ce qui équivaut à un taux annuel en pourcentage d’environ 47 %. Des Canadiens peuvent se retrouver piégés dans un cycle d’endettement qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer et dont ils ne peuvent pas échapper, avec de tels taux.
C’est la raison pour laquelle le gouvernement a annoncé dans le budget de 2023 son intention d’apporter des modifications au Code criminel afin d’abaisser le taux d’intérêt criminel pour faire passer le taux annuel en pourcentage de 47 % à 35 %.
Les prêts sur salaire sont actuellement exemptés des dispositions du Code criminel relatives au taux d’intérêt criminel dans les provinces désignées. Le gouvernement a également annoncé dans le budget de 2023 son intention de modifier l’exemption du Code criminel relative aux prêts sur salaire afin d’exiger des prêteurs sur salaire qu’ils n’imposent pas de frais de plus de 14 $ par tranche de 100 $ empruntés. Ce plafond est conforme au plafond le plus bas parmi les provinces en ce moment, soit à Terre-Neuve-et-Labrador.
Enfin, le gouvernement a également annoncé dans le budget de 2023 son intention de lancer des consultations sur une nouvelle réduction du taux d’intérêt criminel, ainsi que sur de nouvelles révisions de l’exemption relative aux prêts sur salaire prévue par le Code criminel.
Dans le cadre du processus budgétaire, le ministère a réalisé une analyse comparative entre les sexes. Selon les données de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada — l’ACFC —, les Autochtones, les immigrants récents, les Canadiens à faible revenu et les femmes sont plus susceptibles d’avoir recours à ces prêts à coût élevé pour couvrir leurs dépenses quotidiennes. Cette mesure pourrait bénéficier le plus à ces groupes, entre autres, dans la mesure où ils n’auront plus à faire face à des prêts à coût aussi élevé.
Je suis ici pour répondre à vos questions sur la section 34 de la partie 4 de la Loi portant exécution de certaines dispositions du budget. Ces modifications au Code criminel abaisseraient le taux criminel à un taux annuel en pourcentage de 35 %, comme je l’ai mentionné. Les modifications proposées introduisent aussi un pouvoir de réglementation visant à permettre que certains types de prêts, tels que les prêts commerciaux, soient exemptés des dispositions relatives au taux d’intérêt criminel.
La section 34 de la partie 4 met également en place un nouveau pouvoir de réglementation qui permettrait de limiter les frais que les prêteurs sur salaire peuvent exiger des emprunteurs. Comme je l’ai indiqué, le gouvernement a l’intention de plafonner les frais sur les prêts sur salaire dans ce règlement en fonction de la limite provinciale la plus basse, soit 14 $ par tranche de 100 $ empruntés. Afin que les entreprises disposent d’un délai suffisant pour adapter leurs activités, les modifications proposées entreront en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret plutôt qu’à la date de la sanction royale. En outre, tout contrat de prêt signé avant la date d’entrée en vigueur du nouveau taux criminel ne sera pas soumis au nouveau taux.
Ces mesures découlent des consultations menées par le ministère des Finances en 2022. Dans le cadre de ces consultations sur la lutte contre les prêts abusifs, le ministère a reçu plus de 100 propositions de qualité de la part d’un large éventail de parties prenantes, y compris l’industrie, les groupes de défense des consommateurs et les gouvernements provinciaux. Les groupes de défense des consommateurs se sont tous prononcés pour la réduction du taux d’intérêt criminel, la suggestion consensuelle étant un taux d’intérêt annuel de 35 %.
Grâce à la réduction du taux d’intérêt criminel, les Canadiens qui utilisent des produits de crédit à coût élevé verront leurs frais d’intérêt diminuer. Un coût d’emprunt moins élevé pourrait permettre à de nombreux Canadiens de disposer de plus d’argent pour rembourser d’autres dettes, et réduira le nombre de Canadiens piégés dans un cycle d’endettement.
Je répondrai avec plaisir à vos questions.
[Français]
Le vice-président : Monsieur Taylor et madame Islam, avez-vous une présentation à faire?
Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Nous n’avons pas de commentaires à vous présenter; nous sommes ici pour soutenir nos collègues et pour répondre à vos questions.
Le vice-président : Monsieur Hawthorne, avez-vous une déclaration liminaire à faire?
[Traduction]
Me Kenyatta Hawthorne, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Oui, c’est la même chose pour nous. Nous sommes là pour apporter notre soutien à nos collègues.
[Français]
Le vice-président : J’aurais dû le mentionner dès le départ. Nous vous remercions également d’être des nôtres ce matin pour nous donner des précisions sur le budget.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Pouvez-vous expliquer la raison pour laquelle on passe d’un taux annuel effectif à un taux annuel en pourcentage? Je sais que le taux annuel effectif était difficile à démontrer devant un tribunal. Il fallait qu’un actuaire vienne et fournisse des preuves compliquées. Est-ce que ce sera plus facile à faire maintenant? Je vois toujours une référence aux actuaires.
M. Radley : Je vais commencer par expliquer un peu la raison de ce changement, puis je laisserai à mon collègue le soin de traiter de l’aspect juridique.
Le taux annuel en pourcentage est un taux couramment utilisé dans le secteur. La plupart des produits de crédit sont annoncés et commercialisés sur la base du taux annuel en pourcentage. En outre, il existe d’autres règlements dans lesquels le gouvernement s’est basé sur le taux annuel en pourcentage. Par souci de clarté et de cohérence sur le marché, nous pensons que le taux annuel en pourcentage permettra aux consommateurs de comprendre les changements apportés.
Me Taylor : La terminologie actuelle s’est révélée difficile, du point de vue de l’application de la loi. Vous savez peut-être qu’il n’y a pas eu beaucoup d’accusations et de poursuites en vertu de l’article 347 du Code criminel. Les changements dont M. Radley a parlé seront utiles à cet égard, et nous pouvons aider à soutenir la mise en œuvre, si la loi devait être adoptée, pour aider nos partenaires provinciaux et territoriaux à comprendre l’effet des changements et la façon d’enquêter et d’engager des poursuites.
Le sénateur Dalphond : Est-ce qu’il sera plus facile de faire la preuve?
Me Taylor : Je connais moins bien les aspects économiques de ce scénario, mais je pense que ce serait utile dans la mesure où il s’agit d’un concept bien compris.
Le sénateur Dalphond : Vous avez dit avoir mené de vastes consultations pour arriver à 35 % au lieu de 30 % ou 37 %. Est-ce que cela inclut les institutions financières, les parties prenantes et tous ceux qui sont impliqués dans ce domaine, ainsi que dans les prêts et les emprunts?
M. Radley : Nous avons procédé à des consultations étendues. Nous avons consulté les institutions financières, les prêteurs du marché parallèle et les groupes de défense des consommateurs. Les groupes de défense des consommateurs étaient généralement plus favorables à la réduction du taux d’intérêt criminel, tandis que les parties prenantes de l’industrie étaient moins enthousiastes à ce sujet. Comme je l’ai dit, la plupart des groupes de défense des consommateurs ont mentionné un taux de 35 %.
Il y a un autre élément important dans le contexte, et c’est que la province de Québec a une limite de 35 % sur la base du taux annuel en pourcentage. C’est un élément que les consommateurs et l’industrie du Québec connaissent très bien. Il y a donc un élément d’harmonisation lorsque nous appliquons ce plafond de 35 %.
La sénatrice Simons : J’habite juste à côté d’une rue d’Edmonton où se trouvaient autrefois de nombreuses petites succursales bancaires. Elles ont fermé leurs portes petit à petit, et ce sont des entreprises de prêt sur salaire qui les ont remplacées. Il est évident qu’elles répondent à une demande du marché, ce qui est très inquiétant. Je me réjouis de la baisse des taux, mais je m’inquiète de ce que j’ai lu au sujet des entreprises prédatrices qui semblent délaisser les prêts sur salaire conventionnels au profit de prêts à tempérament à taux d’intérêt élevé.
Pensez-vous que les modifications proposées auront un effet là-dessus, ou est-ce une première étape qui sera suivie d’autres mesures à prendre pour veiller à ce que les personnes à faibles revenus puissent obtenir du crédit, et ce, de manière équitable, et pour nous assurer de ne pas simplement transformer le modèle en quelque chose d’autre, qui serait tout aussi abusif?
M. Radley : Je dirais tout d’abord que c’est la raison pour laquelle le gouvernement adopte une approche à deux volets, à savoir la réduction du taux d’intérêt criminel et l’introduction d’un plafond pour les prêts sur salaire. Il s’agit sans aucun doute d’une approche plus complète.
Quant à savoir si le gouvernement peut prendre d’autres mesures, nous sommes en train d’élaborer des politiques. Je n’ai rien à communiquer pour l’instant, mais c’est certainement une question qui nous préoccupe, car ces prêteurs répondent à un besoin auquel les autres institutions financières ne répondent pas pour l’instant.
La sénatrice Simons : Je crois que c’est l’auteur de science-fiction Terry Pratchett qui a dit qu’il était coûteux d’être pauvre.
Quand j’ai eu besoin de rénover ma salle de bains, je suis allée à la banque et on m’a proposé de l’argent. J’ai dit que je n’avais pas besoin d’autant d’argent et la banque m’a dit de prendre plus d’argent. La banque voulait m’accorder une marge de crédit infinie comme le ciel. Cependant, quand j’étais jeune et que j’avais vraiment besoin d’argent, c’était beaucoup plus difficile à obtenir.
J’ai l’impression que nous avons fait en sorte que les banques puissent se consolider. Elles n’ont plus de succursales de quartier. Même les personnes qui ne sont pas nécessairement très pauvres ne peuvent pas se rendre dans une grande succursale. Quant aux personnes âgées, elles ne savent peut-être pas comment fonctionnent les services bancaires en ligne.
J’ai l’impression qu’en supprimant cet instrument prédateur, on verra que des gens ont un besoin d’argent que les banques à charte ne satisfont pas.
M. Radley : Est-ce que vous aviez une question?
La sénatrice Simons : La réduction des taux d’intérêt semble être une excellente idée, et je suis évidemment pour qu’on ne légalise pas les prêts usuraires, mais je m’inquiète de ce qui arrivera aux personnes qui n’auront plus d’instruments pour obtenir du crédit, et je me demande si nous allons rester vigilants. Je suppose que c’est là la question. Que faisons-nous pour veiller à ce qu’il ne se développe pas quelque chose d’aussi mauvais?
M. Radley : Je dirai deux choses en réponse à cette question. La première est que la baisse du taux d’intérêt criminel, comme je l’ai déjà dit, correspond vraiment à ce qui se passe au Québec aujourd’hui, et le ministère ne dispose d’aucune preuve qui permette de penser que les Québécois sont moins en mesure d’accéder à certains de ces types de produits de prêt. Le taux d’intérêt annuel en pourcentage peut avoisiner 30 % ou 35 %, mais nous ne disposons d’aucune preuve selon laquelle les Québécois sont moins en mesure d’accéder à ces produits que les autres Canadiens.
La deuxième chose que je dirais, c’est que le ministère continuera de surveiller la situation et que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada fait de même. L’agence mène diverses enquêtes et autres recherches à ce sujet également.
[Français]
Le vice-président : Vous avez parlé du Québec; j’ai une question à ce sujet. Certaines provinces, eu égard au taux d’intérêt usuraire, ont instauré un plafonnement plus bas que celui que le gouvernement fédéral propose. Y aura-t-il une harmonisation partout au pays ou est-ce que les provinces et les territoires pourront agir à leur guise?
[Traduction]
M. Radley : Est-ce que vous parliez des prêts sur salaire en particulier?
[Français]
Le vice-président : Certaines provinces ont déjà instauré, eu égard au taux d’intérêt usuraire, un plafonnement plus bas que celui dont vous nous parlez, soit un plafonnement à un taux d’intérêt de 35 %; y aura-t-il une harmonisation de ce taux d’intérêt partout au pays ou est-ce que chacune des provinces et chacun des territoires conservera son autonomie pour décider d’un plafonnement moins élevé de ce taux d’intérêt?
[Traduction]
M. Radley : Je vais d’abord parler de l’exemple du Québec. En vertu de sa Loi sur la protection du consommateur, les prêteurs ne peuvent pas obtenir de permis d’exploitation s’ils offrent des prêts à la consommation moyennant des taux d’intérêt supérieurs à 35 %. C’est ainsi que cela fonctionne au Québec. D’après ce que nous savons, le Québec est la seule province à avoir adopté cette mesure.
D’autres provinces pourraient faire comme le Québec. À l’avenir, le Québec aura la possibilité d’abaisser le plafond s’il le souhaite, par exemple à 30 %. Il aura la possibilité de le faire, comme il le fait actuellement.
La sénatrice Jaffer : Merci d’être ici. Vous avez mentionné une analyse comparative entre les sexes. La pratique veut que nous la recevions. Pouvez-vous, s’il vous plaît, fournir l’analyse comparative entre les sexes au greffier afin que le comité puisse en prendre connaissance? Je vous remercie.
Depuis que je suis avocate, l’un de mes premiers dossiers portait sur cette question. Je suis certaine que tout le monde sait que ce n’est pas un nouvel enjeu pour nous. Il est toujours omniprésent. Nous sommes très bons pour mettre en place de bonnes lois, mais quelles sont les poursuites? Avant cette mesure législative, combien de poursuites y a-t-il eu? Maître Taylor, pouvez-vous nous le dire?
Me Taylor : Je pourrais demander à mon collègue, maître Hawthorne, de répondre. Je sais qu’il dispose des données et qu’il peut vous les fournir.
Me Hawthorne : Merci beaucoup, maître Taylor. Je vais sortir ces données.
En général, nous n’avons pas vu beaucoup d’application du droit pénal — ou d’actions civiles, d’ailleurs — pour l’article 347. Nous avons examiné une période de cinq ans, de 2016 à 2021, et nos données internes montrent que 283 accusations ont été portées au cours de cette période au titre de l’article 347 du Code criminel. Cela représente une moyenne d’environ 47 accusations par an sur cette période de six ans. Parmi ces accusations, seulement environ 7 %, soit 21 accusations, ont fait l’objet d’un verdict de culpabilité. Les chiffres sont donc très bas pour cette infraction particulière.
La sénatrice Jaffer : Maître Hawthorne, les faibles chiffres sont-ils attribuables au fait que les ressources sont insuffisantes pour intenter des poursuites? Est-ce la raison pour laquelle ces chiffres sont bas? Comme l’a dit la sénatrice Simons, il existe de nombreux groupes et de nombreux établissements de prêt sur salaire dont les pratiques sont douteuses. Est-ce parce que le gouvernement ne consacre pas suffisamment de ressources à la poursuite de ces prêteurs sur salaire ou même des usuriers qui enfreignent la loi?
Me Hawthorne : Oui, c’est une possibilité. Nous savons qu’avant l’exemption pour les prêts sur salaire, qui a été promulguée par l’entremise du projet de loi C-26 en 2007, les provinces avaient signalé qu’elles ne pouvaient pas ou ne voulaient pas appliquer le taux d’intérêt maximum criminel actuel pour les prêts sur salaire. C’est principalement dû au volume important et à la faible valeur de ces types particuliers de prêts, ainsi qu’à la nature consensuelle de ces transactions. C’est aussi parce que l’application de la loi reviendrait probablement à refuser le crédit disponible sur le marché à toute une catégorie de consommateurs, ce qui pousserait certains d’entre eux à faire d’autres choix de crédit, voire des choix moins attrayants. C’est donc le dilemme, en fait, pour cette infraction particulière et pour les prêts sur salaire en général. Je pense que la sénatrice Simons a également abordé la question de la demande pour ces types de prêts.
C’est donc la raison pour laquelle on a hésité au fil des ans du point de vue de l’application de vraiment sévir contre cette infraction.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.
J’ai une question pour vous, monsieur Radley. La raison pour laquelle le taux d’intérêt criminel est fixé à 35 % est-elle que c’est le taux en vigueur au Québec?
M. Radley : Je ne dirais pas que c’est l’unique raison. L’autre raison est que de nombreux groupes de consommateurs ont réclamé ce taux, en faisant valoir qu’il serait approprié. Je dois également souligner que plusieurs intervenants de l’industrie ont fait des propositions selon lesquelles un taux dans cette fourchette pourrait être approprié.
La sénatrice Jaffer : Et qu’en est-il des sociétés émettrices de cartes de crédit? Est-ce le taux envisagé également?
M. Radley : Il s’appliquerait aux cartes de crédit également. Je n’ai pas les statistiques pour les cartes de crédit, mais je crois que le taux d’intérêt de la majorité des cartes de crédit est à tout le moins un peu inférieur à 35 %. Mais cela s’appliquerait certainement aux cartes de crédit.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.
Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. Ce taux d’intérêt criminel à 35 %, taux annuel en pourcentage, prouve que ce sont des établissements à risque très élevé. Ils sont probablement à risque élevé parce qu’il y a un risque avec la cote de crédit, qu’il n’y a pas ou peu de sécurité ou de garantie et que la capacité de remboursement est discutable. En cas de défaut de paiement, de quel recours ces prêteurs disposent-ils?
M. Radley : Je vais répondre à cette question dans un instant. Il est vrai que de nombreux Canadiens qui obtiennent ces prêts à coût élevé ont peu ou pas d’antécédents en matière de crédit ou ont une faible cote de crédit et sont donc considérés par les prêteurs comme étant particulièrement risqués.
Pour ce qui est de faire appel aux prêteurs, je ne connais pas très bien le sujet. En règle générale, le prêteur envoie le dossier à une agence de recouvrement, qui tente de récupérer l’argent, puis il peut annuler le prêt s’il n’est pas possible de le recouvrer. Si le consommateur a entamé une procédure de faillite, il peut récupérer un peu d’argent.
Le sénateur Klyne : Cela m’a peut-être échappé, mais n’est‑il pas possible de plafonner les intérêts? À un moment donné, ils doivent arrêter le compteur et envoyer le dossier au recouvrement plutôt que de continuer à plafonner les intérêts.
M. Radley : Tant que le prêt n’est pas remboursé, les prêteurs peuvent continuer à prélever les 35 % par an, ce qui leur permet de continuer à augmenter le montant du prêt. Cependant, si l’emprunteur ne paie pas, il se peut qu’il ne puisse jamais recouvrer l’argent.
Le sénateur Klyne : Donc, il n’y a donc aucune disposition dans la mesure législative à ce stade-ci qui énonce qu’il n’est pas possible de plafonner le montant et qu’il faut envoyer le dossier au recouvrement. Les prêteurs doivent probablement y aller au cas par cas.
Vous avez parlé du cycle de la dette. Quelqu’un a-t-il fait des prédictions ou des prévisions sur la manière de rompre le cycle de la dette? Car si on continue de plafonner les intérêts, ou si on ne peut pas continuer de laisser la dette en situation de défaut de paiement, le cycle s’enclenche. Certains s’enfoncent-ils dans ce processus, ou sont-ils en mesure de mettre de côté un montant suffisant pour rembourser ces dettes?
M. Radley : Je ne dispose d’aucune analyse à ce stade-ci, mais d’après certaines enquêtes menées par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, l’ACFC, il arrive souvent que les gens contractent des prêts sur salaire, qu’ils les renouvellent, peut-être deux fois, ou qu’ils en contractent plusieurs. C’est de cela dont il est question lorsque nous parlons du cycle de l’endettement. Ces produits de prêt à coût élevé empêchent l’emprunteur de rembourser, ce qui ne fait que perpétuer le cycle.
Le sénateur Klyne : Et pour les autres prêts également, à 35 %.
M. Radley : Oui, et pour les prêts à tempérament aussi.
Le sénateur Klyne : Quand vous parlez des groupes de défense des intérêts, défendaient-ils les intérêts des prêteurs ou des emprunteurs?
M. Radley : Ils défendaient les consommateurs, donc les emprunteurs.
Le sénateur Klyne : Sont-ils satisfaits du taux de 35 %?
M. Radley : Je pense que c’est en partie guidé par l’expérience du Québec...
Le sénateur Klyne : ... qui est un plafond.
M. Radley : Oui.
Le sénateur Klyne : Personne n’a plaidé en faveur d’un taux inférieur?
Tanjana Islam, analyste/économiste, ministère des Finances Canada : Certains groupes de défense des intérêts ont plaidé en faveur d’un taux plus bas. Leurs propositions variaient de 20 % plus le taux de la Banque du Canada à 30 %, mais le taux de 35 % était la suggestion consensuelle fondée sur l’expérience du Québec.
Le sénateur Klyne : Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président : Prévoyez-vous un mécanisme de révision du pourcentage en fonction de l’évolution de l’économie ou du contexte social? Le taux de 35 % est arbitraire, en ce sens que l’on copie un peu ce que fait le Québec. Vous auriez pu le fixer à 25 %. Si, par exemple, la conjoncture économique s’aggrave ou si le contexte social fait en sorte que les gens n’acceptent pas ce pourcentage et qu’on le trouve trop élevé, existe-t-il un mécanisme de révision du pourcentage?
[Traduction]
M. Radley : La mesure législative ne prévoit pas de mécanisme de révision, mais le ministère, ainsi que l’ACFC, surveillera la situation.
Le vice-président : Je vous remercie.
La sénatrice Batters : Merci d’être ici aujourd’hui.
Dans le cadre de notre discussion sur ce sujet aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il manque le nom d’un sénateur dans toute cette équation, et c’est celui de la sénatrice Ringuette. Elle a présenté ce projet de loi à maintes reprises au cours des dernières années en tant que projet de loi du Sénat. Je pense qu’elle l’a présenté elle-même à quatre reprises pendant la majeure partie de la période où j’ai siégé au Sénat au cours des 10 dernières années. La dernière fois qu’elle a prononcé un discours à l’étape de la deuxième lecture, c’était le 22 mars 2022, et elle a dit ceci :
Je suis heureuse de présenter enfin mon projet de loi visant à abaisser le taux d’intérêt criminel. J’ai déjà parlé de cet enjeu de nombreuses fois. L’appui que j’ai reçu dans cette enceinte me rend optimiste, mais, hélas, le projet de loi n’a pas encore été adopté.
La première fois, le projet de loi s’est rendu à l’étape du comité, mais des élections ont eu lieu. La deuxième fois, il a franchi l’étape du comité avec amendements, mais d’autres élections ont été déclenchées. Je l’ai ensuite déposé à nouveau le printemps dernier, mais, bien entendu, il y a encore eu des élections. Ainsi, voyons si nous pouvons réussir cette fois, avant que de nouvelles élections n’aient lieu.
C’est ce qu’elle a dit il y a un an.
Nous avons maintenant cette question qui perdure depuis de nombreuses années, et qui se trouve maintenant dans la Loi d’exécution du budget de 430 pages, ce qui nous donne, ici au Comité des affaires juridiques, très peu de temps pour étudier cette partie particulière et aussi, probablement, aucune chance réelle de la modifier si des modifications doivent y être apportées.
Je vais devoir commencer à appeler la Loi d’exécution du budget la loi fourre-tout parce qu’il y a des choses qui se font attendre depuis des années, et maintenant, du jour au lendemain, le gouvernement les incorpore.
Je ne sais pas si c’est dans l’éventualité d’une prorogation du gouvernement Trudeau et d’une autre élection, mais pourquoi le gouvernement a-t-il attendu tant d’années pour faire quelque chose à ce sujet alors que la sénatrice Ringuette le soulevait sans cesse? Je me rappelle que Marketplace à la CBC a consacré une émission à ce sujet pour discuter de son projet de loi. Pourquoi ce projet de loi n’est-il présenté que maintenant et pourquoi figure-t-il dans la Loi d’exécution du budget alors que le temps pour l’étudier est limité?
M. Radley : Merci de la question.
Pour commencer avec votre deuxième question sur l’inclusion de cette mesure dans la Loi d’exécution du budget, je ne peux pas m’exprimer sur la décision du gouvernement à ce sujet.
Pour ce qui est de savoir pourquoi maintenant, je ferais remarquer que c’était dans la lettre de mandat de notre ministre en 2021.
La sénatrice Batters : Je n’ai pas vu cela.
M. Radley : Le ministère a par la suite mené des consultations, a tenu compte de ces consultations et a entrepris d’élaborer une politique, et c’est ainsi que nous en sommes arrivés aujourd’hui à l’annonce du budget de 2023.
La sénatrice Batters : Quand ces consultations ont-elles eu lieu?
M. Radley : Durant l’été et au début de l’automne 2022.
La sénatrice Batters : Bien entendu, de nombreuses mesures sont prévues dans la lettre de mandat de la ministre, mais peu de choses ont été faites.
Encore une fois, pourquoi ne pas présenter un projet de loi indépendant, qui nous permettrait de l’étudier adéquatement et d’apporter potentiellement les amendements nécessaires à ce stade, plutôt que d’en faire une partie d’une très vaste Loi d’exécution du budget?
M. Radley : Je ne peux pas m’exprimer sur la décision du gouvernement.
La sénatrice Batters : Qui peut le faire? La ministre elle‑même?
M. Radley : Oui, je pense.
La sénatrice Batters : D’accord. L’un de vous deux a-t-il quelque chose à ajouter à ces points?
Me Taylor : Je comprends votre point de vue, car c’est une question qui se pose depuis de nombreuses années. La disposition relative au taux d’intérêt criminel a fait l’objet d’une étude de la part de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, par exemple, qui a insisté sur la nécessité d’envisager une réforme de cette disposition. Nous en sommes conscients. Nous soutenons le gouvernement. Je ne pense pas que nous puissions ajouter quoi que ce soit au calendrier ou au choix quant à la raison pour laquelle le projet de loi a été présenté de la manière dont il l’a été ou aujourd’hui, en fait, en ce qui concerne la Loi d’exécution du budget.
La sénatrice Batters : D’accord. Le taux d’intérêt criminel s’appliquera-t-il aux institutions financières sous réglementation fédérale qui sont régies par le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, et l’ACFC, telles que les six grandes banques?
À l’heure actuelle, les banques peuvent fournir du financement provisoire, comme des prêts hypothécaires relais, qui sont des prêts à court terme, qui peuvent aider les gens à acheter une maison, mais dont les taux pourraient potentiellement dépasser ce nouveau taux d’intérêt criminel. Je me demande si le ministère des Finances s’est penché sur cette question et quelle sera l’incidence de l’abaissement du taux d’intérêt criminel sur le financement provisoire.
M. Radley : Oui, cela s’appliquera aux institutions financières sous réglementation fédérale. Cette question des prêts provisoires pourrait être considérée comme étant une exemption en vertu du règlement.
La sénatrice Batters : Ce pourrait être considéré pour une exemption, si bien que le taux d’intérêt criminel ne s’appliquerait pas?
M. Radley : C’est exact.
La sénatrice Batters : Wow. Et quand le saurons-nous? Quand le Cabinet prendra-t-il une décision à ce sujet?
M. Radley : Oui, dans le cadre du processus de réglementation.
La sénatrice Batters : On nous demande donc de faire passer ce projet de loi dans le cadre d’une Loi d’exécution du budget, alors qu’un nombre très important d’hypothèques provisoires pourraient être touchées par cette mesure, mais nous ne saurons pas si elles seront visées par une exemption ou non avant que ce projet de loi ne soit adopté?
M. Radley : Oui.
La sénatrice Batters : Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président : Le projet de loi vient criminaliser les taux usuraires. Lorsqu’un crime est commis, le citoyen s’adresse aux policiers et dépose une plainte. Quel sera le processus pour un citoyen qui se sent lésé? Est-ce qu’il va s’adresser aux policiers ou au ministère de la Justice? Quel sera le processus pour qu’un citoyen puisse porter plainte?
[Traduction]
Me Taylor : C’est une bonne question. Merci, monsieur le président.
Comme vous le savez, les enquêtes et poursuites aux termes du Code criminel relèvent principalement de la responsabilité des provinces. Dans les cas où l’on pense qu’un accord ou un arrangement va à l’encontre des dispositions relatives au taux d’intérêt criminel, la ligne de conduite à suivre est de signaler l’affaire à la police pour qu’elle mène une enquête, et elle le fera ensuite. Et, comme vous le savez peut-être, une poursuite en vertu de l’article 347 nécessite le consentement du procureur général de la province.
Si je peux revenir un peu sur la question de la sénatrice Batters concernant l’élaboration des règlements, vous vous souviendrez que le processus d’élaboration des règlements permet une publication préalable afin que les Canadiens et les groupes intéressés puissent éclairer le processus de réglementation.
L’exemple que M. Radley a donné concernant le financement provisoire est une question qui est soulevée depuis 20 ans ou plus, à ma connaissance, en ce qui concerne l’application de la disposition relative au taux d’intérêt criminel au financement provisoire et la question de savoir si cela est approprié, étant donné que l’accord de prêt dans cette situation est tout à fait différent du prêt usuraire ou du prêt abusif, ce qui était vraiment le but et l’objectif de l’article 347 lorsqu’il a été promulgué pour la première fois.
Je pense donc que l’objectif stratégique du gouvernement est d’essayer de créer un espace où le droit pénal reste disponible pour répondre aux prêts abusifs et pour en protéger le public, d’une part, mais aussi de reconnaître la conséquence involontaire de l’adoption de l’article 347, à savoir qu’il s’applique à des accords de prêt où la complexité entre les partis est d’un autre ordre.
J’espère que cela vous donne des renseignements additionnels utiles.
Le sénateur D. Patterson : Je suis ravi que mon collègue ait mentionné les efforts héroïques déployés par la sénatrice Ringuette pour lutter contre les taux d’intérêt des cartes de crédit.
J’aimerais approfondir un peu la question et je crois savoir que les taux d’intérêt des cartes de crédit au Canada peuvent atteindre 19,99 % et 25,99 %, qui s’ajoutent mensuellement, si je comprends bien. Vous avez dit que ce projet de loi s’applique aux taux d’intérêt des cartes de crédit, mais le taux d’intérêt criminel a été diminué à 35 % par année.
Je me demande si j’ai raison de dire que les taux d’intérêt élevés des cartes de crédit sont, par exemple, de 25,99 %. Le taux de 35 % proposé est-il réellement destiné à cibler les taux d’intérêt des cartes de crédit, ou est-ce que je compare deux façons de calculer les intérêts? En effet, un taux de 35 % ne semble pas assez bas pour faire quoi que ce soit contre les taux habituels de 25 % dans la fourchette supérieure.
M. Radley : Merci de la question.
Je pense que vous avez raison de dire que les taux d’intérêt des cartes de crédit sont généralement inférieurs à 35 %. Je n’ai pas la liste des taux d’intérêt des cartes de crédit sous les yeux, mais la plupart d’entre eux se situent dans cette fourchette. On pourrait s’attendre à ce qu’ils ne soient pas affectés par cette baisse du taux d’intérêt criminel.
Le sénateur D. Patterson : Donc, sauf votre respect, il n’est peut-être pas juste pour le public de suggérer que ce projet de loi traitera, au moins, des taux typiques des cartes de crédit dans la fourchette supérieure.
M. Radley : Oui, c’est vrai. Certaines cartes de crédit peuvent être touchées. En règle générale, les cartes de crédit ne sont pas touchées.
Le sénateur D. Patterson : Pourquoi n’a-t-on pas envisagé la possibilité de réduire le taux afin de répondre au réel problème que connaissent les citoyens, à savoir les taux prohibitifs, selon moi, de l’ordre de 25 % composés mensuellement? Pourquoi n’a‑t‑on pas envisagé la possibilité de s’attaquer à la réalité du consommateur moyen d’aujourd’hui, qui verse le paiement minimum et est aspiré dans une spirale d’endettement?
M. Radley : Je pense que l’élément à souligner, c’est que les taux élevés généralement assortis aux prêts à tempérament sont encore plus prohibitifs que ceux exigés par les sociétés de cartes de crédit. Nous nous attaquons aux produits les plus prohibitifs.
Le sénateur D. Patterson : Je trouve simplement un peu trompeur d’affirmer que le projet de loi s’emploie à résoudre le problème des taux des cartes de crédit alors que vous avez admis que le taux moyen au haut de la fourchette est en dessous du seuil de 35 %.
M. Radley : Je vous demande pardon. À titre d’exemple, si le taux de la carte de crédit est de 25 %, ce taux est inférieur au seuil de 35 % par 10 points de pourcentage. Le projet de loi s’appliquera seulement aux sociétés de cartes de crédit qui imposent un taux supérieur à 35 %. Nombreuses sont celles dont le taux est inférieur à cela.
Le sénateur D. Patterson : Ainsi, les sociétés de cartes de crédit ne seront pas touchées par le projet de loi?
M. Radley : Celles dont le taux se situe entre 20 et 25 % ne seront pas touchées; en revanche, celles dont le taux est supérieur à 35 % le seront, mais je crois qu’elles sont très peu nombreuses.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je prends l’exemple d’un consommateur qui serait endetté auprès de la banque pour une hypothèque, qui aurait deux ou trois cartes de crédit utilisées au maximum et qui souhaite se présenter à l’agence de prêt. Comment cette proposition pourrait-elle avoir un effet direct sur la situation de cette personne? Le représentant du ministère de la Justice nous a dit qu’il y avait peu de poursuite et cela m’inquiète.
Les prêts sur salaire sont consensuels. Si je suis dans une situation où j’ai des engagements jusqu’aux yeux et jusqu’aux oreilles, qu’est-ce que cela me donnera? Si je n’arrive pas à 35 % nulle part, que ce soit avec la banque ou avec une carte de crédit, je reste aux prises avec mon problème. Si j’ai un prêt sur salaire, mais qu’il ne dépasse pas 14 $ par tranche de 100 $, je ne suis pas couverte par cela. Pourquoi devrais-je être encouragée par cette proposition? J’ai un minimum de scolarité qui me permet de comprendre que 60 est plus élevé que 35. Ai-je des raisons d’espérer qu’un jour je pourrai mieux m’en sortir, sauf si j’arrête complètement de payer ou si je reçois un héritage?
[Traduction]
M. Radley : Je vous remercie pour la question.
De nombreux consommateurs ont des prêts hypothécaires, des prêts automobiles ou des dettes de carte de crédit. Certains consommateurs contractent des dettes dans le but de consolider leurs dettes. C’est une des grandes raisons pour lesquelles les gens ont recours aux prêts à tempérament à coût élevé; ce n’est pas la seule raison, mais c’est certainement une des raisons principales. En pareilles circonstances, avant l’introduction de la mesure législative ou avant son entrée en vigueur, les gens devaient payer des taux d’intérêt beaucoup plus élevés sur ce type de produits. La mesure entraînera la diminution des taux d’intérêt.
Le budget de 2023 comprend un exemple : Hannah obtient un prêt à tempérament à coût élevé de 5 000 $ assorti d’une période d’amortissement de 2 ans. Elle le rembourse durant deux ans. Au nouveau taux, Hannah aura économisé 775 $ pendant la durée du prêt. Ainsi, grâce à la mesure, les Canadiens auront plus d’argent pour rembourser leurs dettes plus rapidement ou pour subvenir à d’autres besoins essentiels.
La sénatrice Clement : Je vous remercie de votre présence.
J’aimerais revenir au projet de loi S-239 de la sénatrice Ringuette. Le sénateur Patterson et la sénatrice Batters y ont fait allusion tous les deux. Je l’ai sous les yeux. J’aimerais en lire un extrait, puis approfondir la réponse que vous avez donnée au sénateur Klyne.
On peut y lire ce qui suit :
taux criminel Tout taux d’intérêt annuel effectif, appliqué au capital prêté et calculé conformément aux règles et pratiques actuarielles généralement admises, qui dépasse le taux de financement à un jour de la Banque du Canada majoré de vingt pour cent.
Je présume qu’il s’agit donc d’un taux variable. Corrigez-moi si j’ai tort, mais je pense que le taux actuel de la Banque du Canada est de 4,5 %. Ainsi, aujourd’hui, le taux serait inférieur à 35 %.
Pouvez-vous nous parler de la différence entre la mesure législative et le projet de loi S-239 proposé par la sénatrice Ringuette, ainsi que de la différence entre un taux fixe et un taux variable? Que disent les groupes de défense des consommateurs à ce sujet?
M. Radley : Je vous remercie pour la question.
Il y a plusieurs raisons de choisir un taux fixe plutôt qu’un taux variable tel qu’un montant dépassant dans une proportion établie le taux de la Banque du Canada. La raison principale, c’est pour faciliter la compréhension tant des consommateurs que des intervenants de l’industrie.
D’un côté, si le taux est variable, un prêteur pourrait se retrouver dans une situation où il viole la disposition par inadvertance. Si le prêteur a établi son taux, puis la Banque du Canada hausse le sien, le lendemain, le prêteur pourrait être en contravention de la disposition.
En effet, un prêt à taux fixe conforme au taux criminel pourrait dépasser la limite fixée par la loi du jour au lendemain. Par ailleurs, les prêteurs ont aussi des coûts à payer, des coûts d’exploitation fixes élevés qui ne sont pas liés au taux en vigueur de la Banque du Canada.
De l’autre côté, pour l’emprunteur, le taux d’intérêt sur des produits comme les lignes de crédit renouvelable fluctue pendant toute la durée du prêt. C’est peut-être un peu plus facile à comprendre.
Me Taylor : Pour ajouter à la réponse de M. Radley, il a déjà été question des défis posés par l’application de l’article 347. Il n’y a aucun doute qu’un taux fixe apporte une solution beaucoup plus évidente et facile à comprendre qu’un taux variable.
À tout moment, on connaît avec certitude le pourcentage qui représente le seuil de la criminalité, pour ainsi dire. Pour la police et le public, c’est donc plus facile de savoir si un prêt contrevient à la loi que si le taux est susceptible de changer du jour au lendemain, comme M. Radley l’a dit.
La sénatrice Clement : C’est certainement clair pour les prêteurs. La mesure protège les prêteurs. Au bout du compte, le taux est peut-être souvent inférieur à 35 %. Pouvez-vous nous fournir plus de détails sur ce que disent les groupes de défense des consommateurs au sujet du taux de 35 %?
Mme Islam : La majorité des groupes de défense des consommateurs qui ont réagi au taux de 35 % ont parlé du taux établi au Québec. Ils ont aussi donné deux exemples en provenance des États-Unis, où 19 États ont plafonné le taux applicable aux prêts à coût élevé à 36 %.
C’est généralement ce que disent les groupes de défense des consommateurs à ce sujet.
Parmi ceux qui se sont prononcés sur la différence entre un taux fixe et un taux variable, les réactions étaient diverses. Certains ont plaidé pour un taux variable, mais seulement en raison des fluctuations récentes du taux de la Banque du Canada. Les données indiquent qu’un taux fixe est sans doute préférable sur le plan de la compréhension des consommateurs. M. Radley a donné l’exemple d’une ligne de crédit renouvelable dont le taux fluctue pendant la durée du prêt. Pour faciliter la compréhension des consommateurs, il est peut-être plus simple pour eux de savoir que leur prêt est assorti d’un taux fixe maximal.
La sénatrice Clement : Des groupes ont-ils plaidé pour un taux inférieur à 35 %?
Mme Islam : Oui, certains l’ont demandé.
La sénatrice Clement : Quels étaient leurs arguments?
[Français]
Le vice-président : Nous passons à la deuxième ronde. Les sénateurs auront trois minutes, car il ne reste que peu de temps.
Il est maintenant criminel d’avoir un taux usuraire. Avez-vous une stratégie d’information pour que les citoyens et citoyennes soient au courant du fait que demain matin, ils peuvent aller voir un policier en lui disant qu’ils se sont fait avoir? Avez-vous prévu une campagne d’information?
[Traduction]
Me Taylor : Si le projet de loi est adopté, nous aiderons la population à comprendre les modifications apportées à la loi. Nous transmettrons les renseignements au réseau de hauts fonctionnaires provinciaux et territoriaux relevant de notre sphère du droit pénal. Nous enverrons l’information à nos collègues de la poursuite, qui ont leurs propres réseaux dans les provinces et les territoires et qui pourront nous aider à mettre la population au fait des modifications.
Le sénateur Dalphond : Si je comprends bien, il faut faire attention quand on fait des comparaisons parce que le taux d’intérêt n’est pas calculé de la même façon. Le taux actuel est de 60 %, et ce taux équivaut à 47 % selon la nouvelle formule utilisée pour calculer l’intérêt.
Maintenant, vous proposez un taux de 35 %. À combien la réduction équivaut-elle exactement? À 12 points de pourcentage?
M. Radley : Oui, c’est bien cela.
Le sénateur Dalphond : Les gens pourraient croire que le taux est passé de 60 % à 35 %, ce qui représenterait une réduction de 25 %, alors qu’en réalité, il a été réduit de 12 %.
M. Radley : Oui, c’est exact.
Le sénateur Dalphond : D’accord. C’est important que les gens qui nous écoutent comprennent cette réalité.
Le deuxième enjeu que j’aimerais aborder a été soulevé par la sénatrice Batters. Pour moi, c’est un enjeu important, soit le pouvoir du gouverneur en conseil d’exclure de la limite certains types de prêts.
Je pense, par exemple, aux obligations à haut risque. Je présume que c’est le type de produit qui sera exclu de la mesure. Est-ce ce que vous avez en tête? La sénatrice a aussi parlé du financement provisoire.
M. Radley : Je vous remercie pour la question. Par « obligations à haut risque », voulez-vous dire les obligations émises par les sociétés?
Le sénateur Dalphond : Oui.
M. Radley : D’accord. Si le gouvernement prenait en considération les prêts commerciaux, je présume que cela en ferait partie.
Le sénateur Dalphond : Cependant, à ce point-ci, le document budgétaire ne comprend aucune précision quant aux types d’instruments visés.
M. Radley : Je demanderais à mon collègue, Me Taylor, de répondre à la question.
Me Taylor : M. Radley a raison. Le travail stratégique doit être fait pour déterminer quels types d’instruments pourraient être exemptés en vertu du pouvoir de réglementation.
Ce que je pourrais dire au comité — je l’ai déjà mentionné —, c’est qu’autour de 2008 ou 2009, le ministère de la Justice a fait appel à la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada pour mener une étude sur l’article 347 en collaboration avec des experts en droit pénal et en droit civil. Le rapport résultant de cette étude contient plusieurs exemples de types de conventions ou d’ententes qui, selon les auteurs, échappent en quelque sorte à la portée de l’article 347 étant donné l’objectif stratégique de cette disposition, d’un côté, de lutter contre les prêts usuraires et de protéger les personnes vulnérables, et d’un autre côté, de tenir compte des mécanismes de prêt sophistiqués entre personnes ou organisations ayant des pouvoirs de négociation relativement égaux. Il pourrait être utile pour le comité de prendre connaissance de ces exemples pour voir quels types d’instruments pourraient être touchés par le pouvoir de réglementation.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
La sénatrice Simons : J’ai l’impression que beaucoup des questions soulevées aujourd’hui seraient mieux posées dans le contexte du comité des banques que dans celui du comité des affaires juridiques. Vous êtes ici parce que la mesure modifie le Code criminel, et non parce que nous nous considérons comme des experts en politique bancaire.
J’ai une question au sujet de l’application de la loi. La mesure sera-t-elle appliquée par les agents de la police municipale? Relèvera-t-elle plutôt de la division de la criminalité en col blanc de la GRC?
Je vous prie de m’excuser parce que je suis ici comme remplaçante et je devrais connaître la réponse, mais je ne la connais pas. Les sanctions seront-elles appliquées aux sociétés ou aux individus, ou encore aux deux?
Me Taylor : Je vous remercie pour la question. Je vous rappelle que selon la définition du Code criminel, le terme « personne » désigne à la fois les personnes physiques et les personnes morales. Par conséquent, la mesure s’applique autant aux individus qu’aux sociétés.
Oui, les agents de police sont responsables de l’application de la loi. Me Hawthorne a parlé de certains défis posés par l’application de la mesure.
La seule chose que j’ajouterais, c’est que d’autres infractions peuvent aussi être invoquées pour lutter contre le comportement ciblé par l’article 347 ou pour atteindre l’objectif stratégique de trouver une façon objective d’appliquer les dispositions relatives à l’extorsion.
L’article 347 donne un aperçu des situations dans lesquelles on pourrait s’attendre à ce que des sanctions pénales soient imposées, mais il ne les énumère pas toutes. Les dispositions concernant la profération de menaces ou l’extorsion en tant que telle pourraient aussi être invoquées. Franchement, à l’heure actuelle, je ne pense pas que la loi soit souvent appliquée en pareilles circonstances.
La sénatrice Simons : Arrêter un homme armé d’un bâton de baseball, un usurier comme l’on en voit dans les films, c’est une chose.
Me Taylor : Oui.
La sénatrice Simons : On parle ici de sociétés, c’est-à-dire de gens bien habillés et cravatés qui travaillent dans des bureaux cossus. Les individus seront-ils tenus responsables, ou les amendes seront-elles imposées aux entreprises?
Me Taylor : Tout dépendra des enquêtes et des chefs d’accusation. Cela dit, en vertu des dispositions, il sera possible de porter des accusations et contre les individus et contre les sociétés.
La sénatrice Simons : Je vous remercie.
Le sénateur Klyne : Le passage du taux annuel effectif de 60 % à un taux annuel en pourcentage de 35 % pourrait encourager certains groupes vulnérables à contracter des prêts. Ipso facto, je me demande quelles mesures le gouvernement a l’intention de prendre ou prend actuellement pour informer la population sur les dispositions du Code criminel portant sur les taux d’intérêt et, plus précisément, pour sensibiliser les groupes vulnérables ayant de la difficulté à obtenir des prêts auprès de banques et de caisses populaires aux questions financières, dont les risques liés aux paiements tardifs, au non-paiement et au défaut de paiement. Le sénateur Patterson a parlé de la spirale de l’endettement. À mes yeux, l’incidence des intérêts composés ressemble plutôt à une spirale de la mort.
Le gouvernement fait-il quoi que ce soit pour mettre en garde les groupes vulnérables contre les taux d’intérêt élevés et le risque qu’ils montent en flèche, qu’ils soient réinvestis dans le capital et qu’ils les engloutissent? Envisage-t-il la possibilité d’imposer des mesures pour limiter les frais que peuvent facturer les prêteurs? Est-ce que quelque chose empêche les prêteurs d’ajouter des frais au taux annuel en pourcentage de 35 %, augmentant ainsi le rendement du capital investi?
M. Radley : Pour répondre à votre dernière question, les frais sont inclus dans la définition de l’intérêt. La limite est donc de 35 %.
Le sénateur Klyne : Les frais sont inclus dans le taux annuel en pourcentage?
M. Radley : Oui. Je n’ai pas de plans à vous présenter en ce moment sur la manière dont les renseignements seront propagés, mais je sais que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada participe au développement de la littératie financière de la population canadienne et qu’elle a un programme très actif de sensibilisation aux enjeux de cette nature. La dernière chose que je dirais, c’est que les provinces ont aussi un rôle à jouer. Nombre d’entre elles ont des régimes relatifs aux prêts à coût élevé et elles mènent leurs propres initiatives d’éducation des consommateurs.
Le sénateur Klyne : Ce serait comme une campagne de sensibilisation du public.
M. Radley : C’est ce que font certaines provinces.
Le sénateur Klyne : Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président : La sénatrice Dupuis m’a demandé si vous pouviez nous envoyer votre rapport de 2018, mais la Bibliothèque du Parlement vient de m’aviser qu’on va nous envoyer le lien pour que nous puissions y avoir accès.
Je remercie énormément nos invités, qui ont su répondre de façon très professionnelle et très claire à nos questions. Encore une fois, on vous remercie de l’avoir fait de façon spontanée. Je vous invite à rester quelques minutes pour débattre du projet de loi C-9 en ce qui concerne la présence du ministre. On ne suspend pas la séance, on va tout de suite commencer notre discussion à ce sujet. Je vous rappelle qu’hier, lorsqu’on a discuté de la réponse du ministre, on s’est entendu pour recevoir ce matin les gens du Conseil canadien de la magistrature, qui pourraient nous éclairer sur des questions que l’on se posait. La question du ministre est remise sur le plancher, et on se demande s’il y a une possibilité ou une obligation d’inviter le ministre à venir nous parler du projet de loi C-9.
Le sénateur Dalphond : Merci, malgré l’heure tardive, de nous rappeler qu’on avait décidé de conclure la réunion avec ce sujet aujourd’hui. Après avoir entendu les représentants du conseil, je suis d’avis qu’ils ont fourni des réponses à plusieurs de nos questions et je crois que nous devons prendre acte du fait que le ministre a refusé l’invitation. Par conséquent, à la prochaine réunion du comité mercredi prochain, je propose que nous passions à l’étude article par article du projet de loi C-9.
Le vice-président : Est-ce qu’il y a d’autres interventions?
[Traduction]
La sénatrice Batters : J’ai la nette impression que les représentants du Conseil canadien de la magistrature n’étaient pas en mesure de répondre à la plupart des questions sur la plupart des sujets que nous avons soulevés. À mon avis, le comité aurait avantage à entendre de nouveau le ministre. Les témoins ont répondu du mieux qu’ils pouvaient. Par ailleurs, le contenu de certaines de leurs réponses, notamment celle sur la suspension des juges qui, semblerait-il, serait un mécanisme déjà utilisé par les juges en chef — qui manque totalement de transparence —, n’est pas quelque chose que le ministre ou les représentants du ministère ont mentionné devant le comité. Si le ministre décline l’invitation, fort bien. Par conséquent, je crois que nous devrions nous concentrer sur le projet de loi d’exécution du budget plutôt que de passer à l’étude article par article dès mercredi. Les parties du projet de loi que le comité doit étudier vont nécessiter plus de séances que le nombre de séances prévu. Nous devrions mettre de côté le projet de loi C-9 jusqu’à ce que nous en ayons terminé avec le projet de loi d’exécution du budget.
Le sénateur D. Patterson : Le greffier pourrait peut-être nous aider. Le ministre a-t-il été invité à témoigner cette semaine? Perdrait-on au change si nous lui demandions de témoigner la semaine prochaine? A-t-il dit qu’il ne reviendrait jamais devant le comité?
Mark Palmer, greffier du comité : Le ministre a décliné l’invitation à témoigner au sujet du projet de loi C-9. Il n’a pas refusé parce qu’il avait un conflit d’horaire, mais parce qu’il ne voulait pas témoigner sur le projet de loi C-9. Le ministre viendra comparaître le 18 mai sur le budget, mais il refuse catégoriquement de comparaître sur le projet de loi C-9.
La sénatrice Batters : Nous pourrions tenir deux séances supplémentaires la semaine prochaine et peut-être ensuite... Quel jour de la semaine le ministre viendra-t-il témoigner? Est-ce jeudi?
M. Palmer : La date prévue de sa comparution est le jeudi 18 mai.
La sénatrice Batters : Nous pourrions poser au ministre les questions voulues sur le projet de loi d’exécution du budget lorsqu’il viendra comparaître ce jour-là. Nous pourrions prévoir d’autres séances sur le même dossier pour lui poser des questions très pointues au lieu de passer à l’étude article par article du projet de loi C-9, qui pourrait nécessiter au moins une séance supplémentaire.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je suis d’avis que nous avons les informations nécessaires pour faire le travail que nous devons faire, soit conclure notre étude, faire une analyse article par article sérieuse et prendre le temps nécessaire pour considérer ce que les membres du comité déposeront devant nous, que ce soit sous forme d’amendements ou d’observations.
Cependant, je ne voudrais pas que nous nous retrouvions bousculés nous-mêmes parce que nous aurons reculé l’échéance pour ce qui est du travail sur le projet de loi C-9. Nous en sommes au point de considérer des amendements, et il y en a même qui ont été déposés ce matin. Nous sommes au terme de notre réflexion et je ne vois pas pourquoi nous ne devrions pas nous concentrer sur ce travail à partir de maintenant.
Le vice-président : Est-ce qu’il y a d’autres commentaires?
Le sénateur Dalphond : Le temps file, et on a déjà perdu quelques réunions, soit parce qu’on n’avait pas de témoins, soit parce qu’on les avait reportées. Il y a une semaine d’arrêt qui s’en vient aussi. Il y a moins de collègues qui nous ont annoncé qu’ils voulaient présenter des propositions d’amendement. Le temps passe, et tout ira très rapidement quand on reviendra après la pause en juin, ce qui rendra les choses très compliquées. À mon avis, le débat sur le projet de loi C-9... Je suis d’accord avec la sénatrice Dupuis pour dire que le temps est venu de clore le débat et de passer à l’étude article par article.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Comme nous l’avons entendu ce matin, des amendements ont été proposés. J’aurais souhaité que le ministre se libère pour donner son avis sur ces amendements. Ce serait vraiment bien de savoir si le ministre est en faveur de certains amendements proposés par les témoins. Ce n’est pas inusité de voir un ministre revenir devant un comité pour discuter de questions qui ont été soulevées après sa première comparution. Toutefois, si le ministre exclut totalement de revenir — ce qui me laisse perplexe —, je pense que nous devons nous faire à l’idée que des amendements seront proposés pour lesquels le gouvernement n’aura pas donné son point de vue.
[Français]
Le vice-président : Votre proposition, c’est d’aller de l’avant avec l’étude du projet de loi article par article, c’est bien cela?
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Nous devons nous faire à l’idée que le ministre ne reviendra pas comparaître. Ainsi, certains amendements qui seront présentés n’obtiendront peut-être pas son appui.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je voudrais rappeler que lorsque j’avais invité notre collègue, le parrain du projet de loi, à consulter le ministre de la Justice sur les quatre points qui sont en discussion devant notre comité et qui ont été abordés par les témoins, c’était pour que le ministre considère lui-même ces points et choisisse potentiellement de présenter ses propres amendements.
Je dois conclure de cela que la réponse est non, et je comprends que le ministre ne souhaite pas aller plus loin. C’est pour cela que je suis d’avis qu’on doit continuer de travailler à partir de ce qu’on a devant nous.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je tiens à dire que c’est dommage, surtout en tenant compte du fait que la sénatrice Clement a proposé des amendements très pointus plus tôt aujourd’hui. Il est malheureux que le ministre ne les examine même pas et ne précise pas quels sont les aspects qu’il peut appuyer. Il semble que le gouvernement essaie de faire avancer le projet de loi le plus rapidement possible et de décourager les parlementaires de déposer des amendements, ce qui n’est pas à mon avis la meilleure manière de procéder, d’autant plus que le gouvernement pourrait tout simplement approuver des éléments qui ne feraient qu’améliorer le projet de loi.
Pour les questions litigieuses, je conçois que le ministre préfère attendre de voir la version définitive de l’amendement avant de se prononcer. J’aurais pensé, par contre, que le gouvernement aurait donné son aval à des amendements qui proposent, par exemple, la suppression du passage « dans la mesure du possible » de l’article sur la diversité.
Quoi qu’il en soit, si le ministre refuse de revenir devant le comité et ne veut pas examiner l’amendement dans sa version actuelle, le gouvernement devra vivre avec ce que décideront le comité et le Sénat.
[Français]
Le vice-président : Sénateur Dalphond et sénateur Klyne, j’aimerais avoir votre opinion également.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Selon la procédure habituelle, nous devons mettre fin aux témoignages avant de passer à l’étude article par article. Les amendements sont présentés ensuite. Je n’ai jamais vu de témoins venir comparaître avant l’étude article par article et la présentation des amendements. Habituellement, le ministre ne revient pas devant le comité. Nous passons normalement à l’étude article par article en présence des fonctionnaires du ministère, qui sont alors en mesure de se prononcer. Puisque j’ai en main les amendements qui ont été présentés ce matin, je vais consulter le bureau du ministre pour savoir quelle est sa décision. Je pense que nous devons avancer. Merci beaucoup.
Le sénateur Klyne : Je trouve cela intéressant, car j’ai probablement manqué quelque chose — ou peut-être pas —, mais lorsque nous avons parlé de cette question à une séance précédente il y a probablement deux semaines, j’avais compris qu’il y avait un malentendu et que le ministre n’avait jamais dit qu’il travaillait sur un dossier sur lequel il nous reviendrait. Je ne sais pas comment nous en sommes arrivés à penser qu’il reviendrait tel Moïse qui redescend de la montagne.
Je n’ai jamais entendu parler de ministres qui revenaient témoigner, sauf pendant une séance initiale du comité. Je n’ai jamais vu de ministres comparaître une deuxième fois devant un comité. Les fonctionnaires le font peut-être, et avec un peu de chance, les chefs de cabinet. Si nous le demandons, de hauts fonctionnaires reviennent volontiers pour répondre aux questions, mais je ne pensais pas que l’idée de faire revenir le ministre était toujours sur la table.
Selon moi, nous devrions laisser le processus suivre son cours. Je le dis sans avoir lu les amendements en question.
La sénatrice Batters : La sénatrice Clement les a envoyés par courriel ce matin.
Très brièvement sur ce point, au Comité des affaires juridiques, nous avons souvent vu le gouvernement — habituellement le sénateur qui parraine le projet de loi — présenter des amendements pour apporter des correctifs en réponse à des amendements nécessaires qui avaient fait l’objet de discussions approfondies par les témoins. Cela s’est déjà vu. Je me souviens d’une autre fois où un grand nombre d’amendements du gouvernement avaient été proposés à l’étape de l’étude article par article par le sénateur Gold avant que celui-ci ne devienne représentant du gouvernement. Lors de l’étude des modifications apportées à la Loi sur l’accès à l’information, de nombreux amendements — au moins 20, si ma mémoire est bonne — avaient été proposés par le gouvernement à la dernière finale du processus.
Le gouvernement exprime souvent son point de vue de cette manière et je suis surprise qu’il ne le fasse pas cette fois-ci. Mais bon, merci.
Le sénateur Dalphond : J’ai répliqué à cette remarque la semaine dernière en disant que je ne présentais pas d’amendements. Le ministre m’a demandé d’en proposer.
[Français]
Le vice-président : Je vais conclure, même si je préférerais que le ministre revienne devant le comité. Je constate que la majorité des membres du comité tiennent à aller de l’avant. Donc, nous allons continuer la semaine prochaine et conclure avec le Sénat. Merci beaucoup; je vous souhaite un très beau week-end.
(La séance est levée.)