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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 19 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 5 (HE), avec vidéoconférence, pour procéder à l’étude article par article du projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous allons commencer. Je demanderais à mes collègues de se présenter, en commençant par ma droite.

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, division sénatoriale de La Salle, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate, et je m’adresse à vous depuis le territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine anishinabe.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, division sénatoriale De Lorimier, au Québec.

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice indépendante, division sénatoriale des Laurentides, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Busson : Bev Busson, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Simons : Je m’appelle Paula Simons, et je suis sénatrice de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 6.

Le président : Je suis Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan et président du comité. Je tiens à souhaiter la bienvenue à Me Taylor et à Me Wells, qui aident les membres du comité dans leurs délibérations au moment où nous entamons l’étude article par article du projet de loi S-12.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais rappeler certaines règles. Tout d’abord, si, à un moment donné, un sénateur ne se rappelle plus exactement où nous en sommes dans le processus — et cela risque d’arriver aujourd’hui, car nous devons étudier un certain nombre d’amendements —, il est prié de demander des éclaircissements. Je tiens à m’assurer qu’à tout moment, chacun et chacune comprenne bien l’état d’avancement du processus d’étude article par article du projet de loi.

Par ailleurs, advenant le cas où un sénateur s’oppose à un article dans sa totalité, je vous rappelle qu’en comité parlementaire, la procédure adéquate ne consiste pas à proposer une motion visant à supprimer l’article en entier, mais bien à voter contre l’article en tant que partie intégrante du projet de loi.

À titre de président, je ferai tout mon possible pour que tous les sénateurs et les sénatrices qui souhaitent s’exprimer aient la possibilité de le faire. Pour que ce soit possible, je compte sur votre collaboration et votre bonne volonté. Je vous demande donc de tenir compte du temps de parole de vos collègues et de faire en sorte que vos interventions soient aussi brèves que possible. En fait, il pourrait arriver que certains intervenants se limitent à une phrase du genre « Je suis d’accord avec le sénateur X. »

Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs qu’en cas d’incertitude quant au résultat d’un vote de vive voix ou d’un vote à main levée, la méthode la plus efficace consiste à demander la tenue d’un vote par appel nominal, qui donne évidemment des résultats sans équivoque. J’ai d’ailleurs l’impression que c’est l’une des tâches préférées du greffier. Les sénateurs doivent savoir que, en cas d’égalité des voix, la motion sera rejetée.

Y a-t-il des questions sur l’un ou l’autre des points que j’ai mentionnés, avant que nous ne commencions?

Plaît-il au comité de procéder à l’étude article par article du projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois, de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, et de la Loi sur le transfèrement international des délinquants?

Des voix : D’accord.

Le président : Est-il convenu de reporter l’étude du titre?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 1 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 2 est-il adopté? J’invite la sénatrice Simons à présenter son amendement.

La sénatrice Simons : J’aimerais proposer l’amendement suivant à l’article 2 :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 2 :

a) à la page 1 :

(i) par substitution, aux lignes 8 à 17, de ce qui suit :

« 2 (1) Le sous-alinéa 486.4(1)a)(i) de la même loi est »,

(ii) par suppression des lignes 24 et 25;

b) à la page 2, par suppression des lignes 1 à 7.

Qu’est-ce que cela signifie en anglais? Il s’agit de la formulation que nous a fournie le légiste parlementaire afin de remplacer le segment « mis à la disposition d’une autre manière », ce qui constitue la seule modification substantielle à cet article. Plutôt que de dire que cet article ne doit pas être adopté, le légiste nous a indiqué que c’était la façon la plus élégante d’aborder ce problème.

Pourquoi supprimer le segment « mis à la disposition d’une autre manière »? Comme nous en avons discuté lors de la dernière séance, cette expression pourrait avoir pour conséquence de criminaliser des personnes qui travaillent pour un journal ou une chaîne de télévision, en les rendant responsables ex post facto de supprimer des noms d’articles publiés antérieurement, ce qui est particulièrement difficile. Cette expression pourrait également faire en sorte de criminaliser les responsables de bibliothèques, d’archives et d’autres organismes qui conservent des articles déjà publiés. Bon nombre d’intervenants des médias et de la communauté juridique craignent que cette phrase puisse avoir pour conséquence de pénaliser les médias. Une décision rendue par la Cour d’appel de l’Alberta a cependant établi de manière non équivoque que les éditeurs ne devraient pas être tenus de retourner dans leurs archives pour réécrire l’histoire.

Je pense que le gouvernement sera tout à faire d’accord avec cet amendement, qui ressemble d’ailleurs à celui qu’il a proposé. Comme je l’ai dit, il s’agit de la formulation conseillée par le légiste parlementaire.

Le président : Chers collègues, souhaitez-vous intervenir sur ce point?

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je comprends ce qui vient d’être dit, mais je ne comprends pas le document que nous avons devant nous. Est-ce qu’on peut nous expliquer exactement ce que veut dire ce document? Qu’est-ce qu’on remplace? Qu’est-ce qu’on modifie? Merci.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Le légiste parlementaire nous conseille de supprimer ce paragraphe et de formuler l’amendement de cette manière, afin que les idées découlent logiquement les unes des autres.

La sénatrice Busson propose une autre version du même amendement, laquelle ne contient pas tous ces alinéas, mais qui arrive au même objectif.

Je pense que Me Taylor pourra nous dire quelle version il préfère. Comme je l’ai dit, l’objectif derrière ces deux versions de l’amendement est le même.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Juste pour procéder dans l’ordre — ça risque d’être long, de toute façon —, on a un amendement devant nous. On nous dit qu’il y a un amendement du gouvernement qui a le même effet. Est-ce qu’on peut d’abord demander à la marraine du projet de loi de le présenter, et ensuite nous pourrions demander à nos témoins de nous expliquer la différence entre les deux? Merci.

[Traduction]

Le président : Nous pourrions en débattre, mais je pense qu’il serait préférable d’inviter Me Taylor à répondre à la question initiale de la sénatrice Dupuis.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je suis d’accord avec la sénatrice Dupuis. Si deux amendements sont apportés, l’un par un sénateur et l’autre par le gouvernement, je pense qu’il faut nous expliquer la différence, afin que l’on puisse faire un choix entre l’un ou l’autre. Sinon, on sera encore ici à minuit.

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : Pour ma part, je préférerais commencer par adopter les amendements proposés par le gouvernement, puis, s’il reste des points à éclaircir, nous pourrons réexaminer la question. Mais je commencerais par l’adoption des amendements mis de l’avant par le gouvernement.

Le président : Sénatrice Busson, à la lumière de ce qui précède, souhaitez-vous prendre la parole pour présenter votre amendement portant sur le même point? Nous inviterons ensuite Me Taylor à nous faire part de son opinion.

La sénatrice Busson : Excellente idée.

Comme l’a expliqué la sénatrice Simons, nous partons du même contexte, mais l’amendement que je propose se lit comme suit : que le projet de loi S-12 soit modifié à l’alinéa 2a), à la page 1, par suppression de la ligne...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Lorsque vous présentez un amendement, serait-il possible de nous donner le numéro de l’amendement? Est-ce que vous pouvez nous dire à quoi correspondent les chiffres?

[Traduction]

La sénatrice Busson : Je vous demande pardon. Il s’agit en fait de BB-S12-2-1-8 :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 2 :

a) à la page 1 :

(i) par suppression des lignes 8 à 16,

(ii) par suppression des lignes 24 et 25;

b) à la page 2, par suppression des lignes 1 à 7.

Le président : Maître Taylor, souhaitez-vous nous faire part de votre point de vue sur ces deux amendements?

Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, ministère de la Justice Canada : Si j’ai bien compris, il s’agit d’un amendement identique à celui proposé par la sénatrice Simons. Tel que l’a expliqué la sénatrice Simons, l’objectif est de supprimer la proposition « mis à la disposition d’une autre manière » du projet de loi S-12. Sinon, par exemple, l’article 2(ii) du projet de loi, qui ajoute une nouvelle infraction à la liste des infractions pour lesquelles une ordonnance de non‑publication serait possible, resterait en vigueur. Il s’agit simplement de supprimer la formulation « mis à la disposition d’une autre manière ».

Le président : Quelqu’un souhaite-t-il intervenir par rapport à la teneur de cet amendement?

Étant donné que les deux amendements en question sont identiques, je suis enclin à m’en remettre à l’avis de la sénatrice Simons. La sénatrice Busson aura plusieurs autres amendements à nous présenter.

Le sénateur D. Patterson : Eh bien, sa motion est déjà en cours de débat.

Le président : C’est exact.

Je ne vois pas d’autres interventions.

Plaît-il aux sénateurs d’adopter la motion d’amendement présentée par la sénatrice Simons?

Des voix : D’accord.

Le président : Et celui de la sénatrice Busson n’y est pas.

Poursuivons-nous avec l’étude de l’article 2, sénatrice Busson?

La sénatrice Busson : Je propose un amendement appelé BB‑S12-2-1-22 :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 2, à la page 1, par adjonction, après la ligne 23, de ce qui suit :

« (2.1) L’alinéa 486.4(2)a) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

a) d’aviser dans les meilleurs délais les témoins âgés de moins de dix-huit ans et la victime de leur droit de demander l’ordonnance;

(2.2) Le paragraphe 486.4(2) de la même loi est modifié par adjonction, après l’alinéa b), de ce qui suit :

c) si une ordonnance est rendue, d’aviser dans les meilleurs délais les témoins et la victime qui font l’objet de l’ordonnance de ce fait ainsi que de leur droit de demander la révocation ou la modification de l’ordonnance. ».

Le deuxième amendement relatif à l’article 2 vise à permettre aux victimes de savoir quels sont les changements apportés, et ce dont elles pourraient avoir connaissance concernant l’ordonnance de non-publication.

Je vais demander aux fonctionnaires s’il est possible de rendre le libellé un peu plus concis.

Le président : Maître Taylor, je pourrais inviter la sénatrice Pate, afin que vous ayez une expression collective à laquelle répondre.

La sénatrice Pate : De même, nous proposons un amendement; il s’agit du S12-2-2-14. La principale différence avec l’amendement proposé par la sénatrice Busson est que nous incluons également dans le nôtre le devoir d’informer les victimes individuelles de leurs droits sur la manière dont cette ordonnance de non-publication pourrait les affecter.

Par ailleurs, l’amendement proposé ne contient rien pour s’assurer que les victimes disposent d’information appropriée sur le plan culturel. La formulation que nous proposons dans l’amendement S12-2-2-14 nous a été suggérée par l’Association nationale de la femme et du droit, ainsi que par d’autres groupes de défense des droits des femmes. L’objectif est d’empêcher la criminalisation des individus, et de refléter les témoignages et les propositions conjointes que nous avons reçus. Je pense notamment à une approche similaire à celle utilisée dans l’État de Victoria, en Australie, dont plusieurs témoins nous ont parlé.

L’autre amendement soulève également des inquiétudes, étant donné la victimisation et la criminalisation que de nombreuses victimes et survivantes d’agressions sexuelles subissent dans le cadre du système juridique, ou qu’elles pourraient subir. Nous préférons donc la formulation proposée dans notre amendement à celle contenue dans l’amendement mis de l’avant par le gouvernement.

En ce qui a trait aux témoignages, nous disposons des propositions des individus et organismes suivants : l’ANFD; Pam Hrick, du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes; Aline Vlasceanu, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes; Morrell Andrews, membre de l’organisme My Voice, My Choice; Suzanne Zaccour, de de l’Association nationale Femmes et Droit. Matthew Taylor, du ministère de la Justice Canada, a indiqué ce qui suit :

[...] la proposition d’aller plus loin en prévoyant une sorte de garantie contre les poursuites vise à donner aux victimes davantage d’assurance qu’elles ne seront pas poursuivies, et reflète le principe selon lequel il n’est pas dans l’intérêt du public de le faire [...]

Maître Taylor, vous avez dit comprendre pourquoi il s’agissait d’un problème. Nous avons ensuite entendu des exemples mis de l’avant par les différents groupes que j’ai mentionnés.

C’est donc pour cette raison qu’une autre formulation a été proposée. Je dirais que l’objectif de l’amendement demeure le même, mais qu’il va un peu plus loin.

Le président : Pour clarifier les choses, j’ai l’impression que cet amendement pourrait être adopté et qu’il pourrait compléter le vôtre. Est-ce juste, sénatrice Pate? Je crois que le sénateur Boisvenu allait peut-être faire une remarque semblable, mais je me suis permis de prendre les devants.

Le sénateur Dalphond : Il s’agit d’un rappel au Règlement. La sénatrice Busson a proposé de supprimer l’article 2, en page 1, et d’ajouter ce qui suit après la ligne 22. S’agit-il toujours de la ligne 22, car je crois que l’autre amendement porte sur une ligne différente? C’est un peu déroutant. Nous devrions traiter les lignes là où elles se trouvent. S’il s’agit de la ligne 10, passons d’abord à la ligne 10 et ensuite à la ligne 22, mais là, franchement, je ne suis plus certain de bien comprendre.

Le président : J’invite la sénatrice Pate à suspendre son argumentaire concernant l’amendement qu’elle a proposé jusqu’à ce que nous arrivions à ce stade du processus, puis nous verrons où nous en sommes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Effectivement, en ce qui a trait à la modification que le gouvernement veut apporter, il n’y a pas d’obligation. Les termes que j’aime moins dans l’amendement du gouvernement, c’est toujours l’expression « dans les meilleurs délais ». Ce que la sénatrice Pate veut introduire, c’est la notion d’obligation.

Sénatrice Pate, je ne sais pas si on reviendra plus tard à votre amendement... Croyez-vous que l’amendement que nous étudions n’introduit pas cette obligation?

[Traduction]

La sénatrice Pate : [Difficultés techniques] ... nous avons proposé notre propre amendement, car nous avons jugé que l’autre amendement n’était pas assez solide et ne reflétait pas les éléments d’information que nous ont apportés les témoignages.

Le sénateur Dalphond : L’amendement présenté par la sénatrice Pate se trouve-t-il à la page 2?

La sénatrice Pate : Non, il figure à la page 1 également. Il s’agit d’abroger les dispositions initiales, comme l’a fait la sénatrice Busson. L’amendement propose l’ajout de 2,1 et de 2,2 à l’article 2, et supprime le paragraphe (3) et ce qui suit.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Je ne comprends pas.

La sénatrice Dupuis : Si je comprends bien, l’amendement de la sénatrice Busson, proposé au nom du gouvernement, vise à ajouter, à la page 1, un paragraphe (2.1) qui dit ceci : « L’alinéa 486.4(2)a) [...] est remplacé par ce qui suit : [...] », ainsi qu’un paragraphe (2.2).

Il y a donc deux paragraphes qui sont remplacés et il y en a un auquel on ajoute des éléments; ça, c’est une chose. Est-ce qu’on peut d’abord procéder avec cet amendement, car c’est celui du gouvernement, puis étudier l’amendement de la sénatrice Pate?

[Traduction]

Le président : Je pense que c’est le cas. La sénatrice Pate semble d’accord avec cette façon de procéder. Je pense que nous sommes parvenus à un consensus. Vous avez entendu la présentation de la sénatrice Busson. Y a-t-il d’autres commentaires à propos de la motion 2-1-22? Plaît-il aux sénateurs et aux sénatrices d’adopter la motion modifiée?

Des voix : Des voix.

Le président : Cela nous amène à la motion S12-2-2-7 de la sénatrice Busson.

La sénatrice Busson : Je vous remercie, monsieur le président.

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 2, à la page 2, par adjonction, après la ligne 7, de ce qui suit :

« (3.1) Le paragraphe 486.4(2.2) de la même loi est modifié par adjonction, après l’alinéa b), de ce qui suit :

c) si une ordonnance est rendue, d’aviser dans les meilleurs délais la victime de ce fait ainsi que de son droit de demander la révocation ou la modification de l’ordonnance. ».

Je pense que le changement apporté par rapport à l’autre amendement est plutôt explicite. Comme je l’ai dit, l’amendement que je propose confère aux victimes le droit d’être informé et le droit de demander une révocation, ce qui est substantiellement différent de ce qui est contenu dans l’amendement original.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose à cela?

Le président : Je pense que Mme Busson s’adresse à vous, maître Taylor.

Me Taylor : Je viens de voir la sénatrice Pate lever la main, alors je tenais à la laisser s’exprimer.

La sénatrice Pate : J’allais dire qu’il s’agit d’un autre cas où il n’y a pas de devoir d’informer qui soit un corollaire. Je ne fais que le souligner.

La sénatrice Simons : Le texte que j’ai sous les yeux me semble différent. S’agit-il d’un autre amendement?

La sénatrice Busson : Il s’agit du 2-7.

La sénatrice Simons : J’ai pris de l’avance, je m’en excuse.

Me Taylor : Je vous remercie, monsieur le président. Cet amendement est identique à celui que vous venez de discuter et d’approuver. Il concerne l’obligation du tribunal d’informer la victime ou le témoin de son droit de demander une ordonnance de non-publication. Le paragraphe (c) proposé dans la motion dont vous débattez parle de l’obligation du tribunal d’informer la victime de l’existence d’une ordonnance de non-publication si elle a été prononcée et de son droit de la demander et de la révoquer. Cela s’applique spécifiquement aux enfants victimes de tout type d’infractions, autres que celles énumérées à l’article 486.4(2), qui est la disposition portant spécifiquement sur les infractions sexuelles.

La présente motion concerne les enfants victimes et leur droit d’être informés de leur capacité à demander la révocation ou la modification d’une ordonnance de non-publication.

Le président : Y a-t-il d’autres commentaires concernant cet amendement? S’il n’y en a pas, plaît-il aux sénateurs d’adopter la présente motion d’amendement ?

Des voix : D’accord.

Le président : Je vous remercie. Je pense que nous allons passer à l’amendement 2-2-14 de la sénatrice Pate. Je pense qu’il s’agit d’un ordre logique à suivre dans le cadre de l’étude des amendements dont nous sommes saisis.

La sénatrice Pate : Cet amendement propose de modifier le projet de loi S-12 à l’article 2, en page 2, en remplaçant les lignes 8 et 9 par ce qui suit. Voulez-vous que je lise le texte à haute voix ou l’avez-vous tous sous les yeux?

Le président : Je pense qu’il serait utile de lire le texte à haute voix, car les gens qui suivent nos délibérations ne l’ont probablement pas sous les yeux.

La sénatrice Pate : Je suis désolée, et je vous remercie pour les personnes qui nous écoutent.

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 2, à la page 2 :

a) par substitution, aux lignes 8 et 9, de ce qui suit :

« (4) Le paragraphe 486.4(4) de la même loi est remplacé par ce qui »;

b) par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« (4) L’ordonnance rendue en vertu du présent article ne s’applique pas dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) la communication de renseignements est faite dans le cours de l’administration de la justice si la communication ne vise pas à renseigner la collectivité;

b) les renseignements sont communiqués dans tout forum et pour quelque fin par la personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance et concernent cette personne ou ses détails, et la communication n’a pas été faite pour révéler, intentionnellement ou avec insouciance, l’identité de toute autre personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance ou des détails qui pourraient permettre d’en établir l’identité. ».

Il s’agit d’une situation où il y a plusieurs victimes. L’amendement vise à empêcher la criminalisation des personnes, en particulier des personnes plus vulnérables, qui enfreignent les ordonnances de non-publication en divulguant leurs propres renseignements sans révéler, de façon intentionnelle ou insouciante, l’identité d’autres personnes. Cela reflète les témoignages et la proposition conjointe que nous avons reçus de différents groupes de femmes, de l’Association nationale Femmes et Droit et d’autres au nom de plusieurs autres organismes qui proposaient quelques petits amendements techniques. Cette approche est semblable à celle qui a été adoptée dans des endroits tels que l’État de Victoria, en Australie.

Pour tenir compte de la portée de la proposition de l’Association nationale Femmes et Droit, il s’agit du premier de trois amendements connexes visant à garantir que cette disposition s’applique à trois types d’ordonnances de non‑publication en vertu du Code criminel. Cet amendement s’applique aux dispositions régissant les ordonnances de non‑publication rendues dans les cas d’agression sexuelle en vertu de l’article 486.4.

Les deux autres amendements corrélatifs que je propose de présenter plus tard appliqueraient des dispositions identiques à celles de l’article 486.5, qui prévoit des ordonnances de non‑publication dans les cas d’agression non sexuelle, et à celles de l’article 672.501, qui prévoit des ordonnances de non-publication rendues par des commissions d’examen qui s’occupent de cas où des personnes sont déclarées non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux ou sont déclarées inaptes à subir leur procès.

Le gouvernement a proposé une autre version de cet amendement qui, contrairement à la proposition de l’Association nationale Femmes et Droit, prévoit que la divulgation de ses propres renseignements reste une infraction criminelle, mais qui indique que les procureurs ne doivent pas porter d’accusations contre ces personnes, sauf dans certaines circonstances limitées.

L’approche du gouvernement fait craindre qu’étant donné la revictimisation et la criminalisation qu’un trop grand nombre de victimes et de survivants d’agression sexuelle subissent dans le cadre du système de justice pénale, de nombreuses victimes seront réticentes à exercer leur droit de divulguer des renseignements dans une situation où les procureurs disposent encore d’un certain pouvoir discrétionnaire pour décider si elles seront ou non inculpées pour avoir agi de la sorte. C’est le raisonnement invoqué.

Encore une fois, j’ai déjà indiqué que cela découlait de la proposition et du témoignage direct de Pam Hrick, du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, d’Aline Vlasceanu, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, de Morrell Andrews, de l’initiative My Voice, My Choice et de Suzanne Zaccour, de l’Association nationale Femmes et Droit.

Comme je l’ai mentionné, Me Taylor a laissé entendre que l’on comprenait pourquoi cette mesure serait jugée utile par les victimes, et dans le mémoire lui-même, on mentionne ce type d’immunité, qui ressemble beaucoup à celle déjà prévue dans le système de justice pénale pour les adolescents et dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Cela a donc essentiellement été proposé pour tenter d’aider les victimes à faire davantage confiance au système.

Le président : Pour vous donner un peu de contexte, la sénatrice Busson a proposé un amendement qui pourrait être à l’étude. Il s’agit de l’amendement suivant, soit l’amendement 2-2-12, qui traite de la même question, mais qui ne va pas aussi loin que celui-ci.

Je pense que c’est une description adéquate, sénatrice Busson. Souhaitez-vous aborder la question générale sans nécessairement vous attarder aux détails de votre amendement?

Je vais peut-être demander à Me Taylor d’en parler.

La sénatrice Busson : Même si je suis d’accord et que je pense que les groupes que nous avons entendus étaient catégoriques sur la possibilité de contrôler les ordonnances de non-publication et leur propre place dans ce contexte, je pense que l’amendement de la sénatrice Pate va peut-être un peu trop loin, car il est un peu trop normatif pour ce qu’elle tente d’accomplir. Il est maintenant clairement établi que le procureur a l’obligation directe d’informer la victime et les témoins, et des mots comme « doit » et d’autres mots semblables rendent cette obligation beaucoup plus normative.

Je comprends le point de vue de la sénatrice Pate, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’aller aussi loin dans le libellé.

Je pourrais lire ma motion, mais j’aimerais savoir si quelqu’un d’autre aimerait formuler des commentaires.

La sénatrice Simons : J’aime cet amendement, car il donne la possibilité aux gens de raconter leur histoire dans n’importe quel forum et de parler de ce qui leur est arrivé, pas seulement dans le cadre d’une conversation privée, mais aussi dans un discours public. Je crains que cela n’ouvre la voie à des poursuites contre les éditeurs, qu’il s’agisse d’éditeurs de livres ou de journaux.

Je serais curieuse d’entendre l’analyse de Me Taylor pour savoir jusqu’où cela peut nous mener.

Le président : Nous reviendrons à vous dans une minute, maître Taylor, mais nous voulons d’abord entendre l’avis de tous les participants.

Le sénateur Dalphond : J’ai plus une question qu’un commentaire, et cette question s’adresse aux représentants.

[Français]

Ce qui est proposé par le gouvernement, et qui s’ajoutera au paragraphe (4), est un paragraphe (5) qui exclura l’infraction dans des circonstances définies, s’il y a communication de renseignements « par la victime ou le témoin si la communication ne vise pas à faire connaître les renseignements au public ».

Donc, si on en discute lors d’une réunion de famille, dans le cadre d’un forum ou même d’un colloque qui s’adresse à des experts dans un domaine en particulier, et non dans le but de rendre la chose publique, c’est couvert.

Là, on propose d’ajouter quelque chose au paragraphe (4). L’amendement de la sénatrice Pate semble long, mais le paragraphe (4) reprend au début l’alinéa a), qui apparaît déjà dans le Code criminel. Il ajoute toutefois un nouvel alinéa, si je comprends bien, soit l’alinéa b), qui dit ceci :

b) les renseignements sont communiqués dans tout forum et pour quelque fin par la personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance [...] et la communication n’a pas été faite pour révéler, intentionnellement ou avec insouciance, l’identité de toute autre personne [...]

Je présume que la deuxième exception est que cela ne vise pas quelqu’un d’autre. Pour la personne qui parle d’elle-même, ce sont des détails concernant cette personne ou ces détails, peu importe si c’est fait pour être rendu public ou non. Or, dans la proposition du gouvernement, l’infraction ne s’applique pas si la communication ne vise pas à faire connaître les renseignements au public.

Les approches sont totalement différentes. L’une vise à dire que vous pouvez parler non seulement à votre thérapeute, mais à votre famille, à vos amis et peut-être à une assemblée de gens de votre quartier; toutefois, vous ne pouvez pas rendre les renseignements publics. Dans l’amendement proposé par la sénatrice Pate, si je comprends bien, les renseignements pourraient être communiqués aussi afin de les rendre publics. Or, le gouvernement ne veut pas les rendre publics. Il n’empêche personne d’en parler, à condition que ce ne soit pas avec l’intention de rendre les renseignements publics.

J’aimerais qu’on m’explique la différence. Expliquez-moi la logique du gouvernement. Le gouvernement veut-il préserver l’ordonnance tant qu’elle n’est pas révoquée? Pouvez-vous juste nous expliquer tout cela? Je suis désolé si ma question était longue.

[Traduction]

Le président : Je veux vous permettre d’avoir le dernier mot, mais le point de vue de Me Taylor pourrait vous être utile. Voulez-vous observer maintenant et nous lui donnerons ensuite la parole?

La sénatrice Pate : Nous entendrons le commentaire de Me Taylor. En outre, la différence entre nos dispositions, c’est que celle-ci impose au procureur une obligation d’enquêter et d’informer un peu plus définie, tandis que la disposition proposée au départ ne le faisait pas. Cela revient à l’affaire Kitchener, c’est-à-dire à la divulgation de renseignements dans un autre contexte qui rend la personne sujette à la criminalisation. C’est ce que nous tentons d’accomplir.

J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

Me Taylor : Il y a beaucoup de questions et de nombreux bons commentaires. Je tenterai de faire de mon mieux pour tous les aborder. Si j’oublie quelque chose, n’hésitez pas à me le signaler.

La principale différence entre l’amendement 2-2-14 de la sénatrice Pate, tel que je le lis, et la loi actuelle, c’est l’ajout de l’alinéa 4b) proposé. L’alinéa 4a) se trouve déjà dans le Code criminel, de sorte que le changement effectif concerne l’alinéa 4b).

Son objectif est comparable à celui qui a motivé l’amendement 2-2-12 de la sénatrice Busson, mais les deux amendements tentent de l’atteindre de différentes manières.

Sénatrice Simons, je pense que votre question était de savoir dans quelle mesure ces amendements s’appliquent aux éditeurs ou à d’autres intervenants. En réalité, ils ne s’appliquent pas à eux, car ils ne s’appliquent qu’aux victimes ou aux témoins qui sont visés par une ordonnance de non-publication et qui divulguent eux-mêmes des renseignements. L’autre préoccupation de politique que vous avez cernée au sujet d’autres individus ou d’autres groupes n’est pas abordée dans ces amendements.

En ce qui concerne les différences entre les deux, le sénateur Dalphond a raison d’affirmer que la motion du gouvernement, si je peux l’appeler ainsi, c’est-à-dire la motion de la sénatrice Busson, vise à restreindre la diffusion publique de ces renseignements. L’objectif en matière de politiques des ordonnances de non-publication est habituellement de limiter la diffusion de renseignements. La motion du gouvernement permet la tenue de conversations privées sur le sujet. Elle permet d’avoir des conversations privées sur ces renseignements si l’objectif n’est pas de les diffuser publiquement.

Dans une certaine mesure, l’amendement de la sénatrice Pate va également dans ce sens, mais d’une manière différente. La motion du gouvernement, par exemple, permettrait à une victime ou à un témoin de divulguer en privé des renseignements susceptibles d’identifier une autre victime ou un autre témoin, tandis que l’amendement de la sénatrice Pate ne le permettrait pas. Il établit donc cette limite. Je pense que la justification de ces différences est évidente dans le cas de la diffusion privée de ces renseignements. La protection de l’intérêt privé est maintenue, de sorte que si on parle à un conseiller ou à un professionnel de la santé, ces renseignements sont protégés. Par contre, dans le cas de la baladodiffusion, par exemple, on n’a pas le même contrôle sur ces renseignements.

Il faut aussi prendre en considération, dans l’amendement de la sénatrice Pate, le libellé concernant l’identité d’une autre personne protégée par cette ordonnance. Il est concevable que d’autres ordonnances puissent s’appliquer, de sorte que l’ordonnance de non-publication à l’égard de la personne qui souhaite raconter son histoire s’applique. Il pourrait exister une ordonnance de non-publication distincte à l’égard d’une autre victime dans la même affaire. D’après ce que j’ai compris, cet amendement ne tient pas compte de ce scénario, car il exige que l’ordonnance soit la même que celle à laquelle la victime ou le témoin est soumis.

Je ne sais pas si j’ai répondu à toutes les questions, mais je vais m’arrêter ici.

Le président : Je vais donner la parole à la sénatrice Dupuis. J’essaie d’éviter un débat en encourageant plutôt l’échange de questions.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’ai une question pour vous, maître Taylor. J’aimerais obtenir une précision. Je vous remercie d’avoir partagé votre opinion avec nous.

Il y a une question principale dans la rédaction de l’amendement du gouvernement, qui porte le numéro 2-2-14. On dit bien ceci :

(5) Les ordonnances rendues en vertu du présent article ne s’appliquent pas à la communication de renseignements effectuée par les victimes ou les témoins si la communication ne vise pas à faire connaître les renseignements au public. ».

Il y aurait donc un objet, un but, soit de faire connaître les renseignements au public. Cela répond à ma question.

Dans l’amendement de la sénatrice Pate, qui porte le numéro KP-S12-2-2-14, à l’alinéa b), on parle d’un « forum ». On dit : « [...] dans tout forum et pour quelque fin par la personne dont l’identité est protégée [...] ».

Est-ce que le forum est un concept juridique reconnu nous permettant de déterminer avec une relative précision, sinon avec une précision totale, complètement certaine et sûre... Est-ce que l’introduction de ce terme répond à un concept juridique connu par ailleurs?

Me Taylor : Merci de la question.

Je pense que vous avez bien expliqué l’objectif et la raison du changement proposé par le gouvernement. L’amendement de la sénatrice Busson, dans lequel on mentionne le mot « forum »...

[Traduction]

Je ne saurais dire avec certitude s’il s’agit d’un mot utilisé dans d’autres parties du Code criminel ou dans d’autres lois fédérales, mais selon mon interprétation des mots « dans tout forum et pour quelque fin », l’intention est de les appliquer de façon générale. On me corrigera si je me trompe, bien sûr, mais qu’il s’agisse de parler à un conseiller, à un groupe d’amis ou à un groupe de soutien, et quels que soient le lieu et la raison de la conversation, que ce soit dans le cadre d’une simple conversation avec un ami ou d’un programme de counselling et de soutien, je pense que les tribunaux auront généralement recours aux règles d’interprétation des lois et interpréteront les mots « forum » et « fin » dans leur sens courant et qu’ils essaieront d’établir l’objectif en se fondant sur leur sens courant.

Tout forum… Il pourrait s’agir d’un forum public ou privé.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : J’ai deux questions. L’une s’adresse à Me Taylor et l’autre à la sénatrice Pate. Maître Taylor, je crois comprendre que les dispositions proposées par le gouvernement au paragraphe 5 indiquent qu’il n’y a essentiellement pas de crime, car il n’y a pas de mens rea s’il n’y a pas d’intention de divulgation publique. C’est ce que signifie mens rea. Il faut qu’il y ait intention de divulgation publique.

Me Taylor : C’est une très bonne question, sénateur Dalphond. L’amendement proposé et la disposition actuelle dans le code, au paragraphe (4), sont des exceptions à l’application de l’ordonnance de non-publication. Ce ne sont pas des dispositions d’infraction, mais seulement des exceptions. Elles indiquent clairement que ce comportement n’est pas visé par l’ordonnance de non-publication. On n’arrive donc jamais au point où l’on envisage de porter une accusation ou d’intenter des poursuites parce qu’on exclut le comportement de la disposition.

Le sénateur Dalphond : Je pense à quelqu’un qui, après un viol, par exemple, intente des poursuites civiles pour obtenir des dommages-intérêts et qui doit informer le tribunal des détails du crime. En théorie, cela serait visé par l’ordonnance de non‑publication, mais le paragraphe (4) permet d’en parler dans ce cas particulier.

Me Taylor : Oui, c’est exact.

Le sénateur Dalphond : Le paragraphe (5) indique également que si ces renseignements sont divulgués dans un forum ou ailleurs, mais sans intention de les rendre publics, ils ne seront pas visés par l’ordonnance de non-publication.

Me Taylor : Oui, c’est exactement cela.

Le sénateur Dalphond : D’accord. Sénatrice Pate, je pense que je suis d’accord avec ce que vous avez dit, en présumant que c’est la bonne réponse. Sénatrice Pate, lorsque vous dites « dans tout forum et pour quelque fin », incluez-vous, par exemple, une entrevue avec la presse ou les médias?

La sénatrice Pate : Oui, en effet. L’une des préoccupations soulevées par les témoins, c’est que les victimes sont criminalisées dans un contexte où elles ne sont peut-être même pas au courant de l’ordonnance de non-publication ou elles pensent qu’elles peuvent parler de leur propre situation, mais pas de celle d’une autre personne. L’objectif de l’amendement que je propose est d’éviter de criminaliser la victime.

Le sénateur Dalphond : Oui, mais on ne la criminalise pas. Si la victime fait une communication, si je comprends bien, si elle divulgue des renseignements dans le cadre d’un forum, il faut que ce soit « dans tout forum ».

Qu’est-ce qu’un forum? C’est la raison pour laquelle je pose la question. Est-ce que cela comprend une entrevue à la station de radio ou à la chaîne de télévision locale?

La sénatrice Pate : Oui, c’est possible. C’est pourquoi, comme je l’ai dit, il s’agit de communiquer clairement qu’il ne faut pas criminaliser la victime.

Le sénateur Dalphond : Mais l’essence du crime sera que cela n’est pas fait dans un forum. Devrons-nous définir ce qu’est un forum et ce qui ne l’est pas pour décider ce qui est visé et ce qui ne l’est pas? C’est ce qui me pose problème.

Le président : Je vous remercie. J’inviterais les sénatrices Busson et Simons à chacune intervenir. Je sais que la sénatrice Pate avait une observation plus générale à formuler sur une question que nous n’avons pas abordée.

Premièrement, puis-je poser la question suivante, maître Taylor? J’essaie d’interpréter cette disposition, tout particulièrement l’amendement de la sénatrice Pate. L’alinéa b) comprend un libellé assez généreux qui permettrait à une victime de raconter son histoire, pourvu que ce ne soit pas fait intentionnellement ou inconsidérément afin de révéler le nom d’une autre personne protégée par une interdiction de publication, si je comprends cette partie du projet de loi.

Selon le libellé ici, une ordonnance prise en vertu de cette disposition ne s’applique pas si cela se produit. Il semble que cela ne fait pas qu’immuniser la victime pour ses propos et que l’ordonnance est en quelque sorte inopérante dans ces circonstances. Cela me porte à croire que l’amendement immunise également Radio-Canada si les choses se passent comme la sénatrice Pate a indiqué, c’est-à-dire si une personne pouvait accorder une entrevue. Je ne sais pas ce que le mot « forum » signifie, mais cela donne l’impression que les gens peuvent raconter leur histoire où cela leur chante. L’immunisation de l’ordonnance et l’annulation de l’opérabilité de l’ordonnance ne signifient pas que la victime est immunisée, mais que l’ordonnance est en quelque sorte inopérante.

Cela règle-t-il le problème de Radio-Canada dans cette situation, alors? J’essaie de comprendre cette disposition alors que nous discutons de la question. Avez-vous des observations à ce sujet?

Me Taylor : Oui. Ce sont là les questions difficiles qui, je le sais, vous posent quelques difficultés.

Tout d’abord, je ne considère pas que l’amendement que la sénatrice Pate a proposé ou celui proposé par le gouvernement sont des dispositions d’immunité. Je voudrais revenir au fait qu’il s’agit plutôt d’une exception. Le passage indiquant que « L’ordonnance rendue en vertu du présent article ne s’applique pas » signifie en fait que si une interdiction de publication est ordonnée, cette conduite n’est pas visée, et ce, d’entrée de jeu. Il n’est donc pas véritablement question que quelqu’un soit potentiellement accusé ou poursuivi en raison de sa conduite, parce que cette dernière n’a jamais été, en soi, visée par l’interdiction de publication quand elle a été déclarée.

En ce qui concerne la question des médias, je reviens à ce que j’ai répondu précédemment au sujet du libellé proposé par la sénatrice Pate : la divulgation est faite par la personne qui est visée à l’ordonnance.

Je comprends ce que vous dites, sénateur Cotter. Vous dites que la personne protégée est la victime, mais cela ne veut pas nécessairement dire que cette disposition se limite à cette personne. Comprenant tout ce qui présente des difficultés au comité dans cette disposition, je dirais que cette dernière accorde de l’autonomie à la victime et lui permet de raconter son histoire. Quant à savoir si les tribunaux l’interpréteront de façon plus générale et l’appliqueront à d’autres personnes, ce n’est pas à moi de le dire, mais je crois que ce serait incompatible avec, tout d’abord, le but de l’interdiction de publication, et avec toute la considération que vous avez eue quant à la question de l’autonomie des victimes.

Le président : Il me semble que nous sommes dans un état de déséquilibre, puisque la victime pourrait raconter son histoire à Radio-Canada, conformément à cet amendement, et que le média ne pourrait pas être poursuivi, mais il ne pourrait pas publier cette histoire.

Si la victime peut parler à un diffuseur public, mais que ce dernier s’expose à des poursuites s’il publie son histoire, il me semble que cela va à l’encontre du but de la communication, sénatrice Pate. Il me semble que ce n’est pas le résultat qu’on désirerait. Il me semble qu’on voudrait que la personne ne raconte pas son histoire ou que, tant qu’elle fait attention quand elle la raconte du mieux qu’elle peut, cette histoire puisse être diffusée. C’est ce qui me frappe, en tout cas.

La sénatrice Pate : Il est vrai que ce n’est pas une tentative d’obtenir l’immunité pour les médias; c’est une tentative pour empêcher la criminalisation.

Selon le légiste et les autorités juridiques, il faut élargir la portée de la disposition, car il arrive souvent que la victime se fasse poser des questions et puisse savoir ou ignorer qu’elle s’adresse aux médias. Cela peut se produire et s’est produit quand certaines victimes ont été criminalisées. La victime dévoile des renseignements et est criminalisée. C’est exactement ce qu’il s’est produit dans certains cas.

Le but est de rendre la disposition vaste afin d’englober les situations où les gens ont été criminalisés afin d’empêcher qu’ils le soient dans l’avenir. Quand c’est leur histoire, ils peuvent la raconter à qui bon leur semble et dans un éventail de contextes.

C’est l’objectif. S’il y a un moyen d’améliorer la disposition, je serai ravie de le faire. Je ne pense pas que l’objectif ici soit très différent de celui de l’amendement de la sénatrice Busson, mais il ne couvre pas les situations où quelqu’un d’autre peut poser des questions pour d’autres raisons et les victimes peuvent divulguer des informations, de sorte qu’elles révèlent leur histoire sans que ce soit intentionnel ou inconsidéré.

La sénatrice Simons : Je suis d’accord avec le président. Je pense qu’on crée un énorme problème pour les médias à ce chapitre. On pourrait se retrouver avec une situation où une victime pourrait, en toute légalité, raconter son histoire sur TikTok, sur sa chaîne YouTube ou dans sa propre baladodiffusion, alors qu’aucun média ne pourrait diffuser son histoire.

J’appuie l’intention de cet amendement. Je suis en faveur de l’amendement, mais pour avoir travaillé dans les médias pendant de nombreuses années, je crains qu’il ne représente un piège pour les médias qui pourraient ne pas en être conscients, car si une victime s’adresse à eux en croyant qu’elle est libre de leur parler, ce n’est que plus tard qu’ils découvriront qu’ils sont accusés d’outrage criminel au tribunal.

La sénatrice Busson : Je suis plutôt d’accord. L’amendement que j’ai proposé revenait plus ou moins au fait que la victime ne devrait pas parler intentionnellement pour que des informations soient révélées au public ou à la communauté. Comme le sénateur Dalphond a souligné, il est parfois difficile de déterminer l’intention de quelqu’un. Cependant, c’est maintenant l’intention qui est au cœur du projet de loi S-12, car c’est l’intention de la victime d’enfreindre l’interdiction qui est sanctionnée, et un certain nombre d’erreurs seraient pardonnées.

Même dans le libellé, il est question de savoir si la divulgation était intentionnelle ou non. Il laisse entendre — et indique même — que la divulgation pourrait être pardonnable ou non. Il est question d’un « avertissement », mais ce ne serait pas une réaction appropriée. Je pense que les rédacteurs ont très clairement indiqué ce qu’était l’intention.

La sénatrice Pate : Avec votre amendement, cependant, les victimes pourraient encore être criminalisées, n’est-ce pas?

La sénatrice Busson : Oui, s’il est évident qu’elles ont enfreint l’interdiction intentionnellement. Dans des circonstances rarissimes, si elles font fi de l’interdiction et s’adressent à Radio‑Canada sans égard aux autres personnes du groupe, des intérêts de tiers et d’autres facteurs, je pense que cela pourrait être une certaine forme de situation. Je crois toutefois qu’il est illusoire de penser que ce serait un problème qui devrait être réglé...

La sénatrice Pate : On pourrait présumer qu’il n’y aura pas d’interdiction si la victime a déjà exprimé un intérêt. Ce ne serait que pour les autres.

La sénatrice Busson : On peut le supposer.

La sénatrice Pate : Il y a donc encore une faible possibilité que les victimes soient criminalisées en vertu de cette disposition.

La sénatrice Busson : Il y a des exceptions. Je ne peux pas imaginer ce qu’elles pourraient être, mais elles sont là, sinon, on pourrait se demander pourquoi il y aurait une interdiction. Ce n’est pas le régime que nous examinons.

La sénatrice Clement : Ma question s’adresse à Me Taylor et fait suite à la question de la sénatrice Pate. Quelle disposition offre la meilleure protection à la victime? Je ne pense pas aux médias ici, mais uniquement à la victime.

Les victimes que j’ai représentées n’étaient pas avocats. Certaines victimes le sont, mais celles que j’ai représentées ne l’étaient pas. Elles ne pensent pas à ces dispositions, elles ne les lisent pas et ne les comprennent pas. Je trouve qu’il est déjà difficile de comprendre exactement ce qu’il en est au cours de la présente réunion. Je suis désolée. Je pense aux clients ici.

Quelle disposition offre la meilleure protection absolue à une personne qui n’est pas avocat, qui ne lit pas les dispositions, qui n’en connaît pas l’existence ou qui, même après les avoir lues, ne les comprend pas?

Me Taylor : Je vous remercie de votre question. Premièrement, il est probablement trompeur de comparer la motion no 14 de la sénatrice Pate avec la motion no 14 de la sénatrice Busson, car la sénatrice Busson a également proposé l’amendement BB-S12-5-3-18, qui prévoit une exclusion à la motion no 14.

De façon générale, les amendements nos 14 et 18 du gouvernement et no 14 de la sénatrice Pate ont tous le même objectif. Aucun d’entre eux, les deux motions du gouvernement ou l’amendement proposé par la sénatrice Pate à lui seul, ne garantit entièrement que la victime ne sera pas accusée ou poursuivie pour avoir enfreint une interdiction de publication.

L’amendement proposé par la sénatrice Pate indique clairement que si la victime divulgue involontairement l’identité d’une autre personne, elle sera protégée. Elle ne serait pas visée par l’interdiction de publication. Cependant, si elle savait que la divulgation aurait pour effet de révéler les détails susceptibles d’identifier toute autre personne, elle ne serait pas protégée. L’interdiction de publication s’applique à cette conduite, et la personne s’expose à des accusations et à des poursuites.

L’amendement no 18 de la sénatrice Busson propose la mesure de protection suivante. Le point de départ de la motion du gouvernement no 14, c’est que ce genre de conduite est non assujettie. Par la suite, l’amendement no 18 indique que même si la conduite de la personne est assujettie à la loi, il y a une autre mesure de protection qui limite les recours qu’un procureur peut entamer. Cette disposition s’accompagne de conditions.

Il est difficile de dire si une disposition offre plus de protection que l’autre. Elles procèdent différemment, mais aucune n’offre une protection complète.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Maître Taylor, lorsqu’on regarde l’amendement qui est devant nous, l’amendement du gouvernement présenté par la sénatrice Busson est axé sur la communication qui n’a pas pour objet de communiquer des renseignements au public et qui ne vise pas à les faire connaître. Pour poursuivre la réflexion de la sénatrice Clement, si je comprends bien, d’après les amendements que nous avons adoptés ce soir, ce qui nous distingue de la situation actuelle, c’est que nous avons quand même prévu des obligations d’aviser la personne du droit de demander une ordonnance.

Nous avons aussi l’obligation d’aviser, dans les meilleurs délais, les témoins et la victime qui font l’objet d’une ordonnance du fait qu’ils peuvent demander la révocation ou la modification de l’ordonnance; c’est la même chose pour ce qui est du droit de la victime de demander la révocation de la modification de l’ordonnance.

Avec la série d’amendements que nous étudions, on vise à changer considérablement le processus actuel, dans la mesure où il y a maintenant des obligations d’informer et d’aviser à toutes les étapes. Ce sera donc plus difficile pour une victime de justifier qu’elle l’a fait — je pense qu’il y a une logique dans la série d’amendements et dans l’amendement no 14, présenté par la sénatrice Busson, par rapport à ceux qu’on a adoptés jusqu’ici.

[Traduction]

Le président : J’ai une observation. Sénatrice Dupuis, je vous remercie.

Le légiste m’informe que ces motions ne sont pas incompatibles et peuvent être cumulatives. Ce n’est pas comme si, en votant pour la présente motion, vous votez nécessairement contre elle de la sénatrice Busson, qui viendra ensuite, ou inversement.

La sénatrice Pate : Oui. La prochaine motion cadrerait bien avec les deux amendements.

Le président : Je vais mettre la question aux voix.

Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion d’amendement proposée par la sénatrice Pate?

Des voix : Oui.

Le président : Souhaitez-vous un vote par appel nominal, sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : D’accord. Pour être précis, nous ne débattons pas de l’amendement proposé par la sénatrice Busson. Nous débattons de celui proposé par la sénatrice Pate pour ajouter un sous-alinéa b) au paragraphe 486.4(4)?

M. Palmer : Oui. Le vote concerne la motion KP-S12-2-2-14.

L’honorable sénateur Cotter?

Le sénateur Cotter : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Busson?

La sénatrice Busson : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?

La sénatrice Clement : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?

La sénatrice Dupuis : Je m’abstiens.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Patterson.

Le sénateur D. Patterson : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Simons?

La sénatrice Simons : Oui.

M. Palmer : Oui, 8; non, 1; abstentions, 1.

Le président : Je déclare la motion d’amendement adoptée.

Nous passons maintenant à la motion BB-S12-2-2-12, présentée par la sénatrice Busson.

La sénatrice Busson : Il y a beaucoup de matière ici aussi. Je vais lire l’amendement, puis l’expliquer. Je propose :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 2, à la page 2, par substitution, aux lignes 13 à 16, de ce qui suit :

« rendre une ordonnance, ce dernier est tenu :

a) si les témoins ou la victime sont présents, de s’enquérir auprès de ceux-ci s’ils souhaitent faire l’objet de l’ordonnance;

b) s’ils ne sont pas présents, de s’enquérir auprès du poursuivant si celui-ci a, avant de faire la demande, établi si les témoins et la victime souhaitent faire l’objet de l’ordonnance;

c) dans tous les cas, d’aviser le poursuivant de l’obligation qui lui est imposée au titre du paragraphe (3.2).

Obligation d’informer

(3.2) Le poursuivant est tenu, après que le juge ou le juge de paix qui préside a rendu l’ordonnance à la demande du poursuivant mais dans les meilleurs délais, de l’informer qu’il a fait ce qui suit :

a) il a avisé les témoins et la victime qui font l’objet de l’ordonnance de ce fait;

b) il a établi s’ils souhaitent faire l’objet de l’ordonnance;

c) il les a avisés de leur droit de demander la révocation ou la modification de l’ordonnance. ».

L’amendement BB-S12-2-2-12 modifie clairement la position : au lieu de veiller à ce que la victime ou le témoin ait été consulté, le juge doit s’enquérir auprès du poursuivant. L’amendement impose au poursuivant le devoir d’assurer le respect de la volonté de la victime ou du témoin à l’égard de l’ordonnance.

Le président : Comme vous le voyez dans la documentation, la sénatrice Pate a un sous-amendement à proposer à l’amendement. Je l’invite à le présenter maintenant.

La sénatrice Pate : J’appuie l’amendement, mais je propose qu’il soit modifié par adjonction...

Le président : Je vais vous donner le numéro précis. Il s’agit de la motion KP-SUB-BB — ce qui doit vouloir dire le sous‑amendement de la sénatrice Kim Pate à la motion de la sénatrice Busson. Le numéro complet est KP-SUB-BB-S12-2-2-12.

C’est le dernier amendement dans la liasse de motions proposées par la sénatrice Pate. Il est relativement court; il occupe environ un tiers de la page.

La sénatrice Pate : Je propose :

Que la motion d’amendement soit modifiée par adjonction, après le mot « fait » à l’alinéa (3.2)a) proposé, de ce qui suit :

« , de ses effets et des situations dans lesquelles ils peuvent communiquer des renseignements visés par l’ordonnance sans omettre de s’y conformer ».

Le sous-amendement ajoute aux devoirs prévus par l’amendement de la sénatrice Busson l’obligation pour le poursuivant d’informer les personnes visées par une interdiction de publication des situations dans lesquelles elles peuvent divulguer des renseignements sans s’exposer à des poursuites ou sans que leurs actes soient considérés comme criminels. Il impose une obligation d’informer.

Je peux vous fournir plus de détails. Cette motion aussi est fondée sur les observations des témoins. Selon moi, elle ne va nullement à l’encontre de l’amendement; au contraire, elle le renforce.

Le président : Y a-t-il d’autres observations sur le sous‑amendement?

La sénatrice Busson : J’aimerais savoir si les fonctionnaires croient que cette modification à mon amendement pourrait poser problème.

Me Taylor : La motion semble viser à ajouter à l’obligation prévue au paragraphe a) proposé d’autres renseignements que le poursuivant est tenu de fournir à la victime ou au témoin. Je vous inviterais à vous demander si vous trouvez approprié que le poursuivant ait l’obligation d’informer la victime ou le témoin de ce qu’il ou elle peut faire sans enfreindre l’interdiction de publication. Convient-il de confier au poursuivant la responsabilité de fournir des conseils directement à la victime ou au témoin sur les actes considérés comme acceptables? Je vous inviterais à réfléchir à cela et à vous demander si la disposition est plus restrictive qu’elle ne devrait l’être.

Sinon, globalement, la modification rend plus précise l’obligation du poursuivant.

La sénatrice Busson : À la lumière de cette observation, je crois qu’on pourrait dire que la motion est trop large, étant donné les situations et les détails précisés dans l’amendement par rapport à l’obligation d’informer. Selon moi, l’amendement est succinct et assez clair, et ce n’est pas nécessaire de donner des instructions aussi précises au poursuivant.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Dans l’alinéa a), lorsqu’on dit, et je cite : « si les témoins ou la victime sont présents », est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt dire : « si les témoins ou les victimes sont consentants »?

[Traduction]

Le président : Pouvons-nous reporter cette discussion, sénateur Boisvenu? En ce moment, nous sommes saisis du sous‑amendement. Après, nous reprendrons l’examen de l’amendement proposé par la sénatrice Busson.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je vous remercie d’être avec nous encore une fois ce soir; cela nous permet de vous poser toutes sortes de questions intéressantes sur le plan juridique. Je pense que c’est aussi utile, parce que cela permet aux gens qui nous écoutent de comprendre les enjeux que pose la rédaction législative.

J’aimerais revenir sur l’amendement qui porte le numéro 2-2-12, présenté par la sénatrice Busson, à la page 2, qui dit ce qui suit à l’alinéa a), et je cite : « il a avisé les témoins et la victime qui font l’objet de l’ordonnance de ce fait ». J’aimerais ajouter « et de ces effets ».

Autrement dit, on n’engagerait pas le procureur de la Couronne dans des conseils juridiques auprès d’une victime ou d’autres témoins sur ce que la personne peut faire, devrait pouvoir faire ou ne pourra pas faire, ce qui pourrait être en dehors du cadre de ses fonctions.

Est-ce que vous auriez une réponse différente?

Me Taylor : Je vous remercie de la question. Si je comprends bien votre commentaire, vous proposez de modifier le texte en ajoutant « de ces effets », comme le propose la sénatrice Pate?

La sénatrice Dupuis : Je pense toujours à la possibilité de le faire, mais je ne suis pas rendue là.

Dans l’amendement de la sénatrice Pate, il y a un élément extrêmement important : on veut que les témoins et la victime soient avisés du fait qu’ils font l’objet de l’ordonnance, donc qu’ils soient avisés du fait qu’il y a une ordonnance et de ses effets. Je pense que cela entre dans le cadre des fonctions d’un procureur de la Couronne et que cela évite de verser dans le conseil juridique, qui devrait être assuré par un conseiller juridique qui serait lié à la victime ou à l’autre partie. Je ne doute pas de la bienveillance d’un procureur de la Couronne, mais il me semble difficile de concilier ces deux rôles.

[Traduction]

Me Taylor : Cette proposition amplifie certainement l’amendement proposé par le gouvernement en ajoutant l’obligation non seulement d’aviser les personnes qu’une ordonnance de non-publication a été rendue, comme vous l’avez dit, mais aussi de préciser ce qu’une telle ordonnance signifie concrètement. Elle ajoute cet élément. Elle élimine peut-être aussi les risques — je peux les décrire — dont je parlais il y a un instant en ce qui concerne la question de savoir s’il convient d’imposer au poursuivant l’obligation de fournir de l’information sur le non-respect de l’ordonnance. La proposition respecte l’esprit de l’amendement, tout en répondant peut-être aux problèmes qui demeurent.

Le président : C’est peut-être une question pour la sénatrice Pate. J’appuie l’esprit de l’amendement, mais le dilemme qu’il pose au poursuivant me rend un peu nerveux. Le poursuivant est tenu de fournir de l’information sur les situations dans lesquelles des renseignements peuvent être communiqués, ce qui l’invite, en quelque sorte, à interpréter les dispositions auxquelles nous venons de consacrer une demi-heure pour tenter de les élucider.

Il se pourrait aussi que par la suite, la victime ou le témoin déclare : « Le poursuivant m’a dit que je pouvais faire telle chose en remplissant son obligation. »

Je me demande s’il serait plus juste d’obliger le poursuivant à informer les victimes et les témoins des dispositions du Code criminel qui permettent cela, comme le dit la dernière partie, sans qu’il ait à donner ce qui ressemble à des conseils juridiques aux victimes. Cela me rend nerveux. Au bout du compte, je pense que j’appuierais la proposition, mais j’ai des réserves par rapport à ce que pourrait faire le poursuivant.

Ce serait facile pour le poursuivant de dire : « Voici une liste qui montre les situations dans lesquelles la communication est autorisée, mais comme je ne suis pas votre avocat, je ne peux pas vous dire exactement comment l’interpréter. »

Je m’en fais rarement pour les poursuivants, mais il me semble étrange de les placer dans une telle position, surtout en ce qui concerne les situations dans lesquelles la communication est autorisée. C’est peut-être une question pour la sénatrice Clement.

La sénatrice Clement : Non, mais je comprends votre commentaire et celui de la sénatrice Dupuis. Cependant, la question qui se pose est la suivante : qui va le faire? Si ce n’est pas le procureur... Je comprends ce que vous dites et votre préoccupation à cet égard, mais les témoins ont indiqué, l’un après l’autre, qu’il n’y a pas de ressources. Les victimes n’ont pas leur propre avocat pour les accompagner dans ce processus. Qui leur donnera des informations, si ce n’est pas le procureur? Je comprends votre inquiétude, mais je ne sais pas où aller, et je pense que la sénatrice Dupuis avait peut-être un compromis. C’est ce que je vous répondrais, sénateur Cotter.

Le président : En fin de compte, sénatrice Clement, c’était une question pour vous. Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Vous m’excuserez, sénateur Cotter, de ne pas prendre soin de votre anxiété. J’ai plutôt une objection de principe qui est la suivante. On a entendu dire plusieurs fois que les victimes sont laissées à la merci du procureur de la Couronne dans le système actuel. Encore la semaine dernière, j’ai posé demandé à des témoins si l’on devait avoir un système de représentation juridique pour les victimes dans les procédures criminelles, afin de s’assurer que leurs droits sont respectés et que leurs intérêts sont défendus de façon claire. Cela nous sortirait de l’esprit du Code criminel de 1892, avec lequel on vit encore aujourd’hui et qu’on rafistole à la pièce.

Je serais tentée de dire qu’on ne veut pas demander au procureur de la Couronne de faire croire qu’il va informer la victime et lui donner des conseils. On se plaint de ce système en disant que la victime est à la merci du procureur de la Couronne. Il y a « ces effets » qu’on peut ajouter au projet d’amendement du gouvernement, mais on devrait avoir une observation très solide sur le fait que le comité a entendu à maintes reprises que, dans le régime de justice criminelle, il devrait y avoir un système de représentation de la victime et un système d’accompagnement des victimes — j’avais parlé d’accompagnement juridique, médical et psychologique.

[Traduction]

La sénatrice Busson : Je pense aux commentaires de la sénatrice Dupuis. Je pense que j’ai faussement supposé que si le procureur fait la demande, modifie la demande ou a affaire avec la victime dans de telles circonstances, il serait logique, dans le cadre de cette demande, de traiter des effets possibles de la modification ou de la révocation, etc.

Le président : J’ai l’impression que ma timide tentative d’exposer les dilemmes que cela représenterait pour les procureurs est défaite par les excellents arguments de mes collègues. Je ne reviendrai pas là-dessus. Nous avons fait le tour de la question et à moins que la sénatrice Pate ait une dernière, mais brève observation...

Le sénateur Dalphond : Je voulais souligner que le sous-alinéa 5 traite en fait de l’intention de rendre public. Je suppose que cette disposition sera conservée. Elle n’est peut-être plus nécessaire en raison de l’amendement de la sénatrice Pate. Je suppose qu’elle est toujours là. Elle repose également sur l’intention. L’intention d’une personne serait fondée sur la compréhension de ce que vous avez dit, à savoir que la Couronne peut dire, selon le cas, qu’une chose est permise, sans problème, ou pourrait poser problème, ou pourrait être autorisée. Je ne sais pas. Mais l’intention... Je ne suis pas vraiment à l’aise avec l’idée d’imposer cela à la Couronne, mais d’un autre côté, je trouve plutôt préoccupant qu’on informe les victimes d’une interdiction de publication, mais qu’on les laisse découvrir d’elles-mêmes quelle incidence cela peut avoir. En mon sens, c’est trop demander aux personnes qui acceptent de participer au système de justice que de s’exposer à un procès et possiblement à une enquête préliminaire ou à une enquête policière, et d’être laissées à elles-mêmes dans tout cela.

En fin de compte, je dirais que la Couronne ou une personne déterminée par la Couronne fera une évaluation et expliquera aux gens à quoi s’attendre ou non. Le pire serait de laisser les gens dans l’ignorance et de leur dire : « Débrouillez-vous pour savoir ce que cela signifie. »

Le président : Cela souligne encore plus le trait de génie qu’est ma décision de retirer mon idée mal ficelée.

La sénatrice Pate : J’ajouterais que l’idée était essentiellement de décriminaliser les victimes et non d’imposer un fardeau indu au ministère public. Sénateur Cotter, si je ne me trompe pas, c’est vous qui avez dit que la Couronne pourrait simplement distribuer à tous une brochure d’information expliquant l’incidence d’une interdiction de publication, puis indiquer qu’il a satisfait à ses obligations.

Le président : Pouvons-nous mettre la question aux voix, dans ce cas? Vous plaît-il, chers collègues, d’adopter le sous-amendement?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence. Je déclare le sous-amendement adopté avec dissidence. Nous passons maintenant à la proposition d’amendement.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pour l’amendement, j’aimerais demander à la sénatrice si elle est d’accord pour changer deux mots, aux alinéas a) et b), parce que j’ai remarqué qu’à l’alinéa b), il était là. Tout au long des témoignages que nous avons entendus de la part des victimes, c’était le mot « consentement » dont parlaient les victimes. Elles ne parlaient pas de souhait; elles parlaient de consentement.

Ce que je proposerais, si la sénatrice est d’accord, c’est de changer le mot « souhait » par le mot « consentement », ou plutôt par le verbe. Cela pourrait ressembler à ceci : « [...] si les témoins ou la victime sont présents, de s’enquérir auprès de ceux-ci s’ils consentent à [...] ».

À l’alinéa b), ce serait la même chose : « [...] les témoins et les victimes consentent à faire l’objet [...] ».

[Traduction]

La sénatrice Busson : Je dirais que ce n’est pas le libellé approprié, étant donné l’intention de cet amendement ou la façon dont le gouvernement traite la question. Les témoins ont indiqué qu’ils souhaiteraient une exigence visant le plein consentement, mais je pense que cette formulation — selon laquelle ils doivent indiquer s’ils souhaitent faire l’objet d’une ordonnance — se lit comme suit : « le juge [...] est tenu ». Cela sous-entend, suggère et indique que leur volonté sera respectée, mais on s’abstient d’utiliser le mot « consentement ». Lorsque le ministre est venu témoigner, il a dit qu’il tendrait davantage vers le consentement, mais que le terme « consentement » ne serait pas utilisé dans tout cela. Je pense que l’intention est de se rapprocher du plein consentement, mais en laissant une certaine marge de manœuvre pour des cas qui — et je n’ai aucun exemple à l’esprit pour le moment — pourraient nécessiter une considération judiciaire.

Le sénateur Dalphond : J’aimerais faire un commentaire, puis demander aux fonctionnaires de confirmer si j’ai bien compris. Le libellé est « la victime ou le témoin ». Il pourrait y avoir plusieurs témoins. Donc, s’ils doivent tous consentir, que fait-on lorsqu’on a affaire à trois témoins? Se base-t-on sur la majorité, si deux des trois personnes consentent, ou doit-il y avoir unanimité? Cela complique les choses. Certaines personnes pourraient souhaiter une ordonnance et d’autres non, et il reviendrait alors au juge de déterminer si une ordonnance est nécessaire ou non. Mon interprétation est-elle bonne? Si cela s’applique, il s’agirait d’une ordonnance prise en fonction de ce que souhaitent les témoins et les plaignants.

Me Taylor : Oui, l’utilisation de la notion de « souhait » dans le libellé proposé par la sénatrice Busson vise essentiellement à s’assurer qu’il y a vérification. Par rapport à la notion de consentement, on pourrait penser qu’un des problèmes serait de savoir ce que cela signifie, par exemple, dans un contexte où la victime ou le témoin est un enfant.

Quant à la façon dont ces dispositions seront interprétées, il est à espérer que le bon sens prévaudra. Essentiellement, l’objectif est d’exiger que le juge s’informe, qu’il prenne connaissance de ce qui est souhaité, qu’il... et qu’aucune interdiction de publication ne soit imposée si la victime ou le témoin ne le veulent pas.

Sénateur Dalphond, c’est vous qui avez parlé — pardon, c’était plutôt la sénatrice Dupuis — du fait que tous les amendements s’appuient les uns sur les autres et que l’objectif est essentiellement d’ajouter, à toutes les étapes et à divers endroits du système, un mécanisme exigeant de s’informer auprès de la victime pour confirmer ses souhaits, puis d’aller de l’avant uniquement si elle est d’accord.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse à Me Taylor. Si on utilise le mot « consentent » plutôt que « souhaitent », est‑ce que cela a pour effet de renforcer le droit de la victime à participer à l’émission ou à la non-émission d’une ordonnance dans le processus?

Je fais ici référence à la Charte canadienne des droits des victimes, où l’on parle de droit à l’information. Ce projet de loi renforce ce droit ainsi que le droit à la participation. Si on emploie le mot « consentent » plutôt que « souhaitent », ne vient-on pas renforcer le droit de la victime de participer plus activement au processus?

[Traduction]

Me Taylor : Il va sans dire, comme vous le savez bien, sénateur Boisvenu, que le droit à l’information s’applique et qu’il sert à l’élaboration et l’interprétation de l’ensemble des lois fédérales et, plus particulièrement, du droit pénal.

Quant à savoir si remplacer le mot « souhaitent » par « consentent » renforce ce droit, je ne le sais pas. Respectueusement, je ne pense pas. L’objectif est le même, c’est-à-dire d’exiger du système qu’il obtienne l’avis de la victime. Si la victime ne veut pas d’une interdiction de publication, celle-ci ne doit pas être imposée. Si une interdiction de publication a été imposée et que la victime souhaite qu’elle soit révoquée, elle sera révoquée dans la quasi-totalité des cas.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si la victime ne le souhaite pas, elle ne consentira pas. Si la victime le souhaite, elle va consentir.

Me Taylor : Exactement. C’est la raison pour laquelle j’ai expliqué que je ne suis pas sûr qu’il y ait une véritable différence.

Le sénateur Boisvenu : L’utilisation du mot « consentir » renforce encore plus ce droit pour la victime?

[Traduction]

Me Taylor : Encore une fois, de mon point de vue, l’objectif est le même. Je répéterai simplement ce que j’ai dit précédemment. La seule interrogation est de savoir si le consentement ajoute une complexité supplémentaire par rapport aux enfants victimes ou témoins. Honnêtement, je ne peux pas dire avec certitude comment cela sera appliqué ou interprété par les tribunaux. L’objectif est le même.

Le président : Puis-je poser une question? L’idée que les victimes devraient pouvoir donner leur consentement pour les questions relatives aux interdictions de publication est revenue à maintes reprises dans les témoignages. Pour le libellé, nous sommes passés de la notion de consultation à la notion de souhait. Je dirais, très respectueusement, qu’un consentement semble avoir plus de poids que l’expression d’un souhait.

Ma question est toutefois la suivante : avec ce libellé, le juge serait-il tenu de suivre cette procédure, d’une certaine manière, ou y aurait-il encore des cas où un juge, en raison de préoccupations légitimes, aurait la discrétion d’aller à l’encontre des attentes d’une personne, malgré son consentement, pour protéger la vie privée d’autres personnes? Je ne sais pas ce qu’il en est. Je suis favorable à l’idée de consentement, comparativement aux notions moins fermes de « souhait » et même de « consultation ».

On entend dire que l’on tient compte de ce que les gens souhaitent, que cela satisfait à l’obligation de consulter, mais parfois, cela ressemble à un simple « merci; nous avons consulté et nous ne ferons pas ce que vous avez dit ». C’est une question de pouvoir. Le ministre en a parlé. Nous en avons parlé. Exprimer un souhait ne s’apparente pas à un véritable pouvoir sur sa vie, si je puis m’exprimer ainsi. Ce qui me préoccupe, c’est la possibilité que cette notion de consentement mène au rejet d’autres facteurs qu’un juge pourrait devoir considérer. Avez-vous des observations à ce sujet, maître Taylor?

Me Taylor : Cela dépend de l’étape du processus.

Actuellement, si j’ai bien compris, nous examinons la première étape, qui consiste à déterminer si la victime ou le témoin souhaite faire l’objet de l’ordonnance. Si la victime est présente et qu’on s’informe auprès d’elle en posant la question suivante : « Souhaitez-vous faire l’objet d’une interdiction de publication? », que la victime réponde « Je suis d’accord. J’aimerais faire l’objet d’une interdiction de publication » ou « Oui, je souhaite faire l’objet d’une interdiction de publication » ou encore « Oui, je consens à faire l’objet d’une interdiction de publication », l’objectif, encore une fois, est le même.

Là où cela change, peut-être — et il pourrait convenir de réfléchir à la cohérence de la terminologie à cet égard — c’est plus tard, comme vous l’avez indiqué, sénateur Cotter. L’interdiction de publication est en vigueur, la victime souhaite ou demande qu’elle soit révoquée, et il existe un pouvoir discrétionnaire très limité qui permet au tribunal de dire : « Nous comprenons vos souhaits et votre point de vue, mais dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons lever cette interdiction de publication puisque cela porterait atteinte à la vie privée et à l’autonomie d’une autre victime, qui souhaite être protégée. »

Le président : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Maître Taylor, pour faire suite à la question du sénateur Cotter, est-ce que, dans ce sens, que l’on choisisse de dire que la victime le souhaite ou y consent, de toute manière, il restera au tribunal cette discrétion de rendre ou non l’ordonnance, selon l’évaluation des autres critères que le tribunal doit considérer dans ce genre de situation?

[Traduction]

Me Taylor : Initialement, lorsque l’ordonnance est rendue pour la première fois, le seul facteur à considérer est de savoir si la victime ou le témoin souhaite que l’ordonnance soit rendue. Il n’y a pas pondération des intérêts des autres victimes ou témoins.

La Loi, dans sa forme actuelle et telle qu’elle serait modifiée si le projet de loi S-12 était adopté, précise que dans ces cas — les infractions sexuelles, — si les victimes adultes, les enfants victimes et les enfants témoins veulent une interdiction de publication, l’interdiction est imposée.

[Français]

La sénatrice Dupuis : S’ils ne la veulent pas, le tribunal peut décider de l’imposer quand même, compte tenu des circonstances qui sont devant le tribunal?

Me Taylor : À mon avis, ce ne sera pas le cas.

[Traduction]

Le tribunal peut l’imposer dans ces circonstances, puisque l’interdiction de publication concerne la victime ou le témoin.

La sénatrice Dupuis : Ou le témoin.

Me Taylor : Ou le témoin.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Si les deux ne s’entendent pas, si le témoin et la victime ne s’entendent pas, si l’un veut la publication, mais l’autre ne la souhaite pas...

[Traduction]

Me Taylor : Si une personne souhaite faire l’objet d’une interdiction de publication, l’interdiction sera imposée. Si l’autre ne la souhaite pas, elle ne fera pas l’objet d’une interdiction de publication. À l’étape initiale, une personne peut visée par une ordonnance et l’autre, non. Essentiellement, c’est une question de choix à ce moment-là.

[Français]

Le sénateur Dalphond : J’ai seulement une question de précision. Dans le texte original, vous aviez deux dispositions. L’une était le paragraphe (3.1), qui se trouve à la page 2 et qui concerne la victime seulement, pour laquelle une ordonnance peut être émise, parce que la victime le souhaite ou le demande. Vous en aviez ensuite une autre disposition, le paragraphe 486.5(1), qui s’appliquait pour la victime et les témoins. Je comprends que cette disposition sera remplacée dans un amendement qui va suivre. Le principe général est qu’on va retrouver, dans ce qui nous est proposé, à la fois la victime et les témoins dans la même disposition, alors qu’ils étaient auparavant dans deux dispositions différentes? Si on utilise le mot « consent », vous avez bien expliqué qu’on pourrait avoir l’ordonnance qui interdirait de dévoiler l’identité du témoin, mais qui permettrait de dévoiler l’identité de la victime?

Me Taylor : C’est bien cela.

Le sénateur Dalphond : D’accord, je comprends.

[Traduction]

Le président : Pouvons-nous mettre cela aux voix?

Vous plaît-il, chers collègues, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Le président : Sénateur Boisvenu, proposiez-vous un sous‑amendement à cette disposition? Ou débattions-nous amicalement d’un point précis, tous les deux?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si l’amendement ne contenait que l’alinéa a), je serais à l’aise de laisser tomber. Mon problème est l’alinéa b), car les victimes sont absentes. C’est là que la notion de souhait est inférieure. Un procureur débordé pourrait présumer du souhait des victimes. La notion de consentement dans l’alinéa b) obligerait à établir une communication avec la victime.

C’est l’alinéa b) qui me dérange beaucoup. Les victimes nous ont souvent répété qu’elles ne sont pas présentes dans les procédures et qu’elles apprennent après-coup qu’il y a eu une ordonnance. C’est pour cela que la notion de souhait dans l’alinéa b) me semble trop timide et qu’elle n’oblige pas à établir une communication avec la victime, alors que le consentement obligerait à établir une communication.

[Traduction]

Le président : Souhaitez-vous proposer un sous-amendement qui serait ensuite mis aux voix?

[Français]

La sénatrice Dupuis : Puis-je poser une question au sénateur avant qu’il décide de présenter un sous-amendement?

Sénateur Boisvenu, si l’on remplace « souhaitent » par « consentent » à l’alinéa b), est-ce que cela change vraiment quelque chose pour ce qui est du sens?

Si on lit bien l’alinéa b), le juge est tenu, si les témoins ou la victime ne sont pas présents, « […] de s’enquérir auprès du poursuivant […] ». Si le procureur de la Couronne, avant de faire sa demande d’ordonnance de publication, a établi si les témoins ou la victime, disons même, consentent à faire l’objet d’une ordonnance... Autrement dit, la seule question qu’il pose, c’est la suivante : « Est-ce que vous avez établi si les personnes sont d’accord ou non ou si elles souhaitent faire l’objet d’une ordonnance? »

Je ne suis pas sûre que cela change grand-chose de modifier le mot « souhaitent » pour utiliser le mot « consentent », parce qu’il va juste vérifier en demandant : « Avez-vous établi s’ils sont d’accord ou non, ou avez-vous établi s’ils l’ont souhaité? »

Le sénateur Boisvenu : Je ne suis pas un spécialiste.

La sénatrice Dupuis : C’est juste une question de fait qu’il doit vérifier.

Le sénateur Boisvenu : Je comprends, mais pour moi, la notion de consentement suppose une communication avec la victime, ce qui n’est pas le cas avec le mot « souhaitent ».

La sénatrice Dupuis : C’est de cela que je ne suis pas certaine, justement.

En fait, il a fallu au moins que le procureur de la Couronne téléphone et trouve le temps de se faire remplacer dans deux dossiers dont il n’a pas le temps de s’occuper, par ailleurs; il a fallu qu’il confirme devant le juge qu’il a établi si les témoins ou la victime souhaitent ou consentent... C’est là que je dis que c’est à peu près pareil de dire « faire l’objet ». L’obligation est de contacter, de retrouver la personne et d’établir la communication.

[Traduction]

Le président : Je pense que nous avons probablement débattu de cette question. Ce que je veux savoir, sénateur Boisvenu, c’est si vous voulez proposer un amendement afin d’ajouter la notion de consentement aux alinéas a) et b), aux endroits que vous avez mentionnés. Ou était-ce une bonne...

Le sénateur Boisvenu : Non.

Le président : Non. D’accord.

Le sénateur Boisvenu : Non. Je n’ai fait que poser la question.

Le président : C’est bon. Je...

Le sénateur Boisvenu : Ils ne semblent pas d’accord.

Le président : Le président y était sympathique.

Nous en sommes à l’amendement S-12-2-2-12 modifié par la motion de sous-amendement proposée tout à l’heure par la sénatrice Pate. Je vais donc mettre l’amendement aux voix. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion modifiée en cours de modification?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

Nous en sommes maintenant à l’amendement S-12-2-2-14 de la sénatrice Busson.

La sénatrice Busson : Sauf erreur, je pense que cet amendement a été incorporé dans l’amendement de la sénatrice Pate. N’est-ce pas le cas?

Le président : Je pense que les deux peuvent être adoptés et intégrés dans le projet de loi modifié.

La sénatrice Busson : C’est encore mieux. Merci.

Cet amendement est le S-12-2-2-14. Je propose:

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 2, à la page 2, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« (5) L’article 486.4 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (4), de ce qui suit :

Restriction — victimes et témoins

(5) Les ordonnances rendues en vertu du présent article ne s’appliquent pas à la communication de renseignements effectuée par les victimes ou les témoins si la communication ne vise pas à faire connaître les renseignements au public. ».

Je pense que nous avons généralement discuté de l’intention par le passé, et mon amendement ne fait que clarifier ce point. Il offre une voie de sortie dans les situations où le témoin ou la victime a divulgué par accident ou par erreur une information qui faisait l’objet d’une ordonnance de non-publication.

Le président : Merci de votre attention. Je pense que nous avons amplement débattu de cette question. J’espère donc que la discussion sera brève. Sénatrice Pate, vous souhaitez intervenir, je crois.

La sénatrice Pate : Je pense que c’est un sous-amendement supplémentaire et... Oh, c’est le cas, oui. Oubliez cela. Tout va bien. Je vous remercie. Je vote pour.

Le président : D’accord.

Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion modifiée?

Des voix : D’accord.

Le président : Merci.

Cela nous amène à l’article 2, mesdames et messieurs. Je le mets aux voix.

L’article 2 modifié est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : C’est adopté.

Nous passons maintenant à l’article 3. L’article 3 est-il adopté?

Ce qui suit va demander un peu plus de travail. La sénatrice Pate propose l’amendement S-12-3-2-35. Vous vous souviendrez que cet amendement est un peu le prolongement de la discussion que nous avons eue précédemment au sujet de l’amendement 2-2-14.

La sénatrice Pate : C’est exact. Il s’agit de l’amendement KP S-12-3-2-35. Comme l’a souligné le président, il s’agit du deuxième de trois amendements connexes visant à empêcher la criminalisation des personnes susceptibles d’enfreindre les ordonnances de non-publication en divulguant leur propre information sans révéler intentionnellement ou par insouciance l’identité d’autres personnes, comme l’ont à nouveau recommandé les groupes de femmes. Il propose une formulation identique à celle de mon amendement précédent, mais qui s’ajouterait à l’article...

Le président : Vous devriez lire l’amendement, car nous l’avons par écrit, mais les milliers de personnes qui nous regardent voudront peut-être en connaître la teneur.

La sénatrice Pate : Le libellé est identique, mais je vais le relire. Je vous remercie. Je propose :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 3, à la page 2 :

a) par substitution, à la ligne 17, de ce qui suit :

« 3 (1) Les paragraphes 486.5(1) à (3) de la même »;

b) par adjonction, après la ligne 38, de ce qui suit :

« (3) L’ordonnance rendue en vertu du présent article ne s’applique pas dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) la communication de renseignements est faite dans le cours de l’administration de la justice si la communication ne vise pas à renseigner la collectivité;

b) les renseignements sont communiqués dans tout forum et pour quelque fin par la personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance et concernent cette personne ou ses détails, et la communication n’a pas été faite pour révéler, intentionnellement ou avec insouciance, l’identité de toute autre personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance ou des détails qui pourraient permettre d’en établir l’identité. ».

Le président : Merci, sénatrice Pate. Je pense que c’est assez semblable à l’amendement 2-2-14 que nous avons examiné il y a peu de temps.

M. Palmer : Un sous-amendement a été distribué. Nous devrions donc, en théorie, nous occuper de l’amendement BB S-12-3-2-15(a) de la sénatrice Busson. Viendrait ensuite le sous‑amendement qui a été distribué.

Le président : Acceptez-vous que nous suspendions pour le moment l’amendement de la sénatrice Pate pour passer à l’amendement de la sénatrice Busson? Il s’agit de l’amendement BB S-12-3-2-15(a).

La sénatrice Busson : Merci, monsieur le président.

Je propose : Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 3 :

a) à la page 2, par substitution, aux lignes 17 à 41, de ce qui suit :

« 3 (1) L’article 486.5 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (3), de ce qui suit :

Restriction — victimes, témoins et personnes associées

(3.1) Les ordonnances rendues en vertu du présent article ne s’appliquent pas à la communication de renseignements effectuée par la victime, le témoin ou la personne associée au système judiciaire si la communication ne vise pas à faire connaître les renseignements au public.

(2) L’article 486.5 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (5), de ce qui suit :

Obligations — juge ou juge de paix

(5.1) Si le poursuivant demande, au titre des paragraphes (1) ou (2), au juge ou au juge de paix de rendre une ordonnance, ce dernier est tenu :

a) si la victime, le témoin ou la personne associée au système judiciaire sont présents, de s’enquérir auprès de ceux-ci s’ils souhaitent faire l’objet de l’ordonnance;

b) s’ils ne sont pas présents, de s’enquérir auprès du poursuivant si celui-ci a, avant de faire la demande, établi si la victime, le témoin ou la personne associée au système judiciaire souhaitent faire l’objet de l’ordonnance;

c) dans tous les cas, d’aviser le poursuivant de l’obligation qui lui est imposée au titre du paragraphe (8.2).

(3) L’article 486.5 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (8), de ce qui suit :

Obligation supplémentaire — juge ou juge de paix

(8.1) Le juge ou le juge de paix est tenu, si l’ordonnance est rendue, d’aviser dans les meilleurs délais la victime, le témoin et la personne associée au système judiciaire qui font l’objet de l’ordonnance de ce fait ainsi que de leur droit de demander la révocation ou la modification de l’ordonnance.

Obligation d’informer

(8.2) Le poursuivant est tenu, après que le juge ou le juge de paix a rendu l’ordonnance à la demande du poursuivant mais dans les meilleurs délais, de l’informer qu’il a fait ce qui suit :

a) il a avisé la victime, le témoin et la personne associée au système judiciaire qui font l’objet de l’ordonnance de ce fait;

b) il a établi s’ils souhaitent faire l’objet de l’ordonnance;

c) il les a avisés de leur droit de demander la révocation ou la modification de l’ordonnance. »;

b) à la page 3, par suppression des lignes 1 à 4.

C’est une autre partie du projet de loi S-12 qui traite des interdictions et qui a pratiquement le même effet que ce que nous avons fait précédemment. L’amendement ajoute « la personne associée au système judiciaire » à cet article, ce qui n’était pas le cas dans les amendements précédents.

Je vais demander à Me Taylor d’expliquer dans quelles circonstances les juges et les personnes associées au système judiciaire seraient concernés.

Me Taylor : Bien sûr. Je vous remercie de la question. En plus de ce qu’a dit la sénatrice Busson, cette motion apporterait aussi des changements à l’article 486.5 en supprimant « de rendre autrement accessible, » que l’amendement de la sénatrice Busson a déjà retiré, je crois, dans l’article 486.4. La même suppression aurait lieu dans l’article 486.5.

L’article 486.5 est la disposition sur l’interdiction discrétionnaire de publication et s’applique aux victimes pour toutes les autres infractions, pour toutes les infractions d’ordre non sexuel, et aux témoins dans ces cas. Il s’applique également à toutes les personnes associées au système judiciaire pour des procédures précises telles que les affaires liées au crime organisé et à la sécurité nationale. L’objectif stratégique de la disposition est évident lorsque les poursuivants, les jurés et les juges participant à des procédures très médiatisées pourraient craindre pour leur sécurité. Le Code criminel autorise alors une interdiction de publication pour les protéger, ainsi que les victimes et les témoins.

Si je puis ajouter un élément... Sénatrice Busson, votre pause m’a permis de remarquer l’omission également. J’aimerais simplement signaler qu’il manque un mot dans la version anglaise de cette motion, à l’alinéa 5.1b) proposé, au haut de la page 2. On lit à l’avant-dernière ligne de l’anglais « system wishes, » alors que le mot « participant » devrait être ajouté après « system ». Si on lit la version française...

[Français]

— on parle de la personne associée au système judiciaire —

[Traduction]

Il manque un mot dans la version anglaise. J’attire votre attention sur cet oubli. Merci.

Le président : Merci, maître Taylor. Sénatrice Pate, vous avez un sous-amendement à ce sujet. Afin de le porter à l’attention des membres du comité, j’aimerais vous inviter à le proposer.

La sénatrice Pate : Le sous-amendement au...

Le président : Je fais référence au sous-amendement à la motion se terminant par 15 de laquelle la sénatrice Busson parle en ce moment. Si vous avez une liste à côté de vous, vous verrez que c’est le numéro 9a, qui correspond au KP-SUB-BB-S12-3-2-15a. Le sous-amendement a été modifié et se trouve sur une page que vous avez peut-être.

La sénatrice Pate : C’est un autre sous-amendement.

M. Palmer : C’est le numéro 9a.

Le président : Il est court et tient en un peu moins d’une demie-page.

La sénatrice Pate : Je propose :

Que la motion d’amendement soit modifiée par adjonction, après le mot « fait » à l’alinéa (8.2)a) proposé, de ce qui suit :

« , de ses effets et des situations dans lesquelles ils peuvent communiquer des renseignements visés par l’ordonnance sans omettre de s’y conformer ».

Le président : Il est pratiquement identique à celui dont nous avons discuté plus tôt.

La sénatrice Pate : Les deux sont des sous-amendements corrélatifs.

Le sénateur Dalphond : Pouvez-vous répéter le numéro?

Le président : KP-SUB-BB-S12-3-2-15a. Il figure sur un document d’une page, sénateur Dalphond.

La sénatrice Pate : Il y en a deux : les numéros 8 et 9. Ce sont deux sous-amendements.

Le président : Je vais attendre quelques instants pour m’assurer que tout le monde trouve le sous-amendement.

La sénatrice Batters : N’est-ce pas celui que la sénatrice Pate a commencé à lire lorsque nous avons abordé le sujet la première fois? Nous sommes ensuite passés à l’amendement de la sénatrice Busson, mais nous y revenons maintenant? Ce sous‑amendement n’est pas nouveau.

M. Palmer : Oui. À des fins de clarifications, je précise que la sénatrice Pate aura deux sous-amendements pour ce sous‑amendement de la sénatrice Busson. Il y en aura deux, celui-ci étant le KP-SUB-BB-S12-3-2-15a. Il y aura un autre sous‑amendement lorsque nous aurons terminé la discussion sur celui qui se termine par aa, qui est le plus long des deux. Nous sommes actuellement saisis de celui se terminant par a.

Le sénateur Dalphond : En avez-vous une copie pour moi?

Le président : Cela vaut pour les amendements et sous‑amendements antérieurs. Sénatrice Simons, je crois que nous devons nous assurer que les participants ont des copies des ordres.

La sénatrice Pate : J’aimerais être bien claire : comme le sénateur Cotter et la sénatrice Simons l’ont dit, les deux sous‑amendements sont corrélatifs au premier sous-amendement proposé, alors ils apportent des changements de libellés.

Le président : Je crois que tout le monde a maintenant trouvé la proposition 15a. Sénatrice Pate, aimeriez-vous en parler davantage, ou est-ce que tout a déjà été dit?

La sénatrice Pate : Je crois que, puisque nous avons adopté les autres, il est dans l’ordre des choses d’également adopter ces deux sous-amendements.

Le président : Oui. Je voulais simplement permettre à certains de nos collègues d’en faire la lecture.

Comme il n’y a plus d’interventions, vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion de sous-amendement?

Des voix : Oui.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Elle est adoptée avec dissidence. Merci. Nous sommes donc rendus à la proposition KP-SUB-BB-S12-3-2-15aa, un autre sous-amendement présenté par la sénatrice Pate.

La sénatrice Pate : Il s’agit d’un autre amendement corrélatif. Je propose :

Que la motion d’amendement soit modifiée par remplacement de « 3 (1) L’article 486.5 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (3), de ce qui suit : » par ce qui suit:

« 3 (1) Le paragraphe 486.5(3) est remplacé par ce qui suit:

(3) L’ordonnance rendue en vertu du présent article ne s’applique pas dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) la communication de renseignements est faite dans le cours de l’administration de la justice si la communication ne vise pas à renseigner la collectivité;

b) les renseignements sont communiqués dans tout forum et pour quelque fin par la personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance et concernent cette personne ou ses détails, et la communication n’a pas été faite pour révéler, intentionnellement ou avec insouciance, l’identité de toute autre personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance ou des détails qui pourraient permettre d’en établir l’identité. ».

Le libellé est donc le même que dans le dernier.

Le président : Merci. Et faites-vous valoir le même argument que la dernière fois?

La sénatrice Pate : Oui.

Le président : Nous avons déjà eu une discussion sur cette disposition à un autre endroit, mais l’objectif était le même. Comme personne ne prend la parole, vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion de sous-amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : La motion est adoptée avec dissidence.

Nous revenons à l’amendement de la sénatrice Busson. Je vous rappelle que nous discutions de la proposition 15a), ou que nous poursuivions la discussion à ce sujet.

La sénatrice Busson : Je crois que notre ami, Me Taylor, a su savamment expliquer cet amendement. J’ajoute simplement qu’il propose des protections précisément pour les personnes associées au système judiciaire qui sont par exemple des agents d’infiltration, des personnes liées aux intérêts de sécurité nationale et d’autres personnes dans des situations comparables.

Le président : Les sénateurs souhaitent-ils formuler d’autres commentaires ou questions? Comme personne ne se manifeste, permettez-moi de lancer le vote. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement telle qu’amendée?

Des voix : Oui.

Le président : Elle est adoptée. Voilà qui conclut notre examen de l’article 3. L’article 3 tel qu’amendé est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 3 est adopté. L’article 4 est-il adopté?

Sénatrice Busson, je crois qu’un amendement en lien avec l’article 4 a été proposé. Il s’agit de la proposition BB-S12-4-3-7.

La sénatrice Busson : Je propose :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 4, à la page 3, par substitution, aux lignes 7 à 18, de ce qui suit :

« Demande de révocation ou de modification

486.51 (1) Si la personne qui fait l’objet d’une ordonnance rendue au titre des articles 486.4 ou 486.5 demande au poursuivant de la faire révoquer ou modifier, le poursuivant est tenu, dans les meilleurs délais, de faire une demande de révocation ou de modification pour le compte de celle-ci.

Révocation ou modification d’une ordonnance

(2) Le tribunal qui a rendu une ordonnance au titre des articles 486.4 ou 486.5 ou, s’il est pour quelque raison dans l’impossibilité d’agir, tout autre tribunal ayant une compétence équivalente dans la même province est tenu, sur demande d’une personne qui fait l’objet de l’ordonnance — ou de toute autre personne, notamment tout poursuivant, qui agit pour le compte de la personne — et sans tenir une audience, de révoquer ou de modifier l’ordonnance à moins qu’il soit d’avis qu’un tel acte pourrait porter atteinte au droit à la vie privée de toute autre personne qui fait l’objet d’une ordonnance interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir son identité.

Audience

(3) S’il est d’avis que la révocation ou la modification de l’ordonnance qui fait l’objet de la demande visée au paragraphe (2) pourrait porter atteinte au droit à la vie privée de toute autre personne qui fait l’objet d’une ordonnance interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir son identité, le tribunal tient une audience pour décider si l’ordonnance devrait être révoquée ou modifiée.

Facteur

(4) Pour décider si l’ordonnance devrait être modifiée, le tribunal prend en considération la question de savoir s’il est possible de le faire tout en protégeant le droit à la vie privée de toute autre personne qui fait l’objet d’une ordonnance interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir son identité.

Avis

(5) Le demandeur n’est pas tenu de notifier la demande de révocation ou de modification à l’accusé.

Arguments

(6) L’accusé ne peut présenter des arguments relativement à la demande.

Avis de révocation ou modification

(7) Le poursuivant est tenu d’aviser l’accusé si l’ordonnance est révoquée ou modifiée. ».

Dans l’espoir de quelque peu clarifier cet amendement, je dirai qu’il vise à remédier à une préoccupation que suscite le projet de loi S-12 tel que proposé : le projet de loi ne facilite ni la révocation ni la modification de l’ordonnance à la demande de la personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance si une telle intervention compromettra les intérêts d’une autre personne. L’amendement vise à clarifier ce processus.

Ces amendements répondent aussi à la préoccupation voulant qu’un accusé ne doive pas être autorisé à présenter des arguments à une audience de révocation ou de modification, d’autant plus que l’accusé n’a actuellement pas de rôle à ces audiences. Bien entendu, l’interdiction de publication est entièrement dans l’intérêt de la victime. Plus précisément, cette disposition modifierait la loi pour garantir que les poursuivants demandent une révocation et une modification au nom de la personne dont l’identité est protégée par les articles 486.4 et 486.5 quand on leur demande de le faire. La disposition modifierait aussi la loi pour garantir que les tribunaux ordonnent une révocation sans tenir d’audience à la demande de la personne dont l’identité serait représentée.

Il importe aussi de mentionner que le demandeur n’est pas tenu de notifier la demande à l’accusé. L’accusé ne peut présenter des arguments lors de l’audience et, si l’ordonnance est modifiée ou révoquée, le poursuivant est tenu d’en aviser l’accusé.

Le président : Merci, sénatrice Busson. La sénatrice Simons est sur le point de proposer un sous-amendement à cet amendement. Je crois qu’il serait utile que je vous indique où il se trouve sur la page et que je donne ensuite la parole à la sénatrice Simons. On voit le 7, puis le sous-amendement de la sénatrice Simons sur une page. Le sous-amendement vise essentiellement la quatrième ligne de la deuxième page, dans le paragraphe 486.51(2). Il n’y a pas de numéros de lignes pour repérer le passage visé, mais mes indications devraient vous aider à vous y retrouver. Je vais donner la parole à la sénatrice Simons. Il s’agit du sous-amendement PS-SUB-BB-S12-4-3-7. Je crois que vous venez tout juste de le recevoir, il y a un moment. C’est un sous-amendement d’un tiers de page qui vient d’être rédigé.

La sénatrice Simons : J’appuie ardemment l’esprit et l’intention de l’amendement du gouvernement, et je remercie la sénatrice Busson de nous en avoir fait part tôt.

Le président : Pourriez-vous le lire?

La sénatrice Simons : J’aimerais maintenant déposer mon sous-amendement, que je dois légèrement modifier. Je vais le lire. Je propose :

Que la motion d’amendement soit modifiée par remplacement, aux paragraphes 486.51(2) et (3) proposés, de « droit à la vie privée de toute autre personne » par « droit à la vie privée de toute personne autre que l’accusé ».

Il me semble que l’intention de cette motion est de s’assurer que l’accusé n’a pas le droit d’intervenir dans l’une de ces demandes. J’ai couvert des procès à titre de journaliste, et d’après mon expérience, l’identité de l’accusé est souvent protégée par l’interdit de publication dans de tels cas, puisqu’il serait possible d’identifier la victime autrement. Il s’agit souvent de cas de violence familiale. Il peut s’agir d’une agression sexuelle contre un partenaire ou un ex-partenaire, ou, plus horrible encore, d’inceste ou d’agression d’un beau-fils ou d’une belle-fille. Je sais qu’il arrive très souvent que l’on ne puisse pas nommer l’accusé sur ordonnance de la cour parce que cela permettrait d’identifier la victime.

Ce qui me préoccupe, ce sont les cas où une victime chercherait à obtenir une dérogation ou une révocation. Je ne voudrais pas que l’accusé puisse contester une telle demande. J’estime que mon sous-amendement respecte l’esprit et l’intention de l’amendement du gouvernement. Je m’excuse de l’avoir proposé aussi tardivement. Après réflexion, je réalise que je dois non seulement amender l’article 2, mais aussi l’article 3 de la partie sur les audiences.

Le président : Si vous suivez la discussion sur l’amendement de la sénatrice Busson, vous verrez qu’il faudrait modifier la quatrième ligne du paragraphe 3 — la quatrième et la cinquième ligne, en fait —, qui va comme suit : « pourrait porter atteinte au droit à la vie privée de toute personne autre que l’accusé. » Je pense que c’est une bonne façon de l’inclure dans les deux emplacements de cet amendement.

Puis-je clarifier une chose, sénatrice Simons? Il n’est pas tant question de la qualité pour agir, car on la supprime ici, mais plutôt de veiller à ce que le droit à la vie privée de l’accusé ne pèse pas dans la balance lors de la décision.

La sénatrice Simons : C’est exactement cela. Les accusés ne doivent pas être privilégiés.

Le président : Est-ce une bonne façon de l’expliquer?

La sénatrice Simons : Oui.

Le président : Nous discutons présentement du sous-amendement. Y a-t-il des commentaires ou des préoccupations à cet égard?

La sénatrice Simons : Avez-vous des préoccupations à propos du sous-amendement, monsieur Taylor?

Me Taylor : Je n’ai pas le texte sous les yeux, mais je crois le comprendre, madame la sénatrice. Cela dit, j’aimerais soulever deux ou trois points. Je vous remercie de nous avoir donné une copie de la motion.

Je crois que je comprends l’objectif. Le sénateur Cotter l’a bien expliqué. Permettez-moi d’y aller à l’envers pour parler de ma compréhension de l’intention de la motion. L’objectif consiste à faire en sorte que la cour tienne compte des intérêts d’une autre victime ou d’un autre témoin protégé par un interdit de publication. Les articles 486.4 et 486.5, tels que je les comprends, ne permettent pas à un accusé de bénéficier d’une ordonnance. Le libellé est clair; on parle des victimes ou des témoins.

Ce que je comprends, c’est que tout accusé protégé par un interdit de publication ne l’est pas à sa demande, mais plutôt parce qu’il y a interdit de publication sur le nom d’une victime ou d’un témoin. Voilà pour la mise en contexte. En examinant votre motion, je me questionne sur la perte de la notion de toute autre personne faisant l’objet d’une ordonnance interdisant la publication d’un document.

La sénatrice Simons : L’amendement traite de ce qui « pourrait porter atteinte au droit à la vie privée de toute personne autre que l’accusé, qui fait l’objet [...] ».

Me Taylor : D’accord, puis cela continue.

La sénatrice Simons : Ce qui me préoccupe, c’est qu’on parle du « droit à la vie privée de toute autre personne. » On ne parle pas précisément d’une autre victime ou d’un témoin. On parle de « toute autre personne. »

Me Taylor : Si le changement indique clairement quels sont ceux dont vous voulez protéger le droit à la vie privée, il est clair que le droit à la vie privée de l’accusé n’entre pas en ligne de compte dans ces cas-là. La question de savoir s’il arrive que des accusés bénéficient d’un interdit de publication en vertu des articles 486.4 et 486.5 est tout autre. Si c’est le cas, alors cette disposition stipule clairement que cela n’a pas d’importance.

La sénatrice Simons : Il ne s’agit pas seulement des interdits de publication. On parle du « droit à la vie privée de toute autre personne. » Il me semble sensé de penser que cela pourrait également s’appliquer à une personne dont le nom aurait été protégé de façon secondaire.

Me Taylor : Oui, en effet. Je souligne par contre qu’il est question « d’une personne qui fait l’objet d’une ordonnance. » Cela concerne-t-il les accusés? Je ne sais pas si c’est concrètement le cas. Comme je l’ai dit, je pense qu’il s’agit plutôt d’une conséquence de l’imposition d’un interdit de publication concernant une victime ou un témoin. Voilà la mise en contexte que je peux vous offrir.

La sénatrice Simons : J’ai couvert des cas où on avait imposé un interdit de publication sur le nom de l’accusé...

Le président : Merci, sénatrice Simons. Je tente d’éviter un débat.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Lorsqu’on regarde l’amendement qui a été présenté par la sénatrice Busson, on en est à la « Demande de révocation ou de modification ». Il y a eu une ordonnance de non-publication en faveur d’une victime, ou de plusieurs victimes, ou de témoins, ou de victimes, ou de victimes et témoins.

Donc, dans le projet d’amendement que nous examinons, au paragraphe (2), lorsqu’on dit : « [...] est tenu, sur demande d’une personne qui fait l’objet de l’ordonnance — ou de toute autre personne [...] », on sous-entend qu’on parle de personnes qui sont des victimes ou des témoins, si je comprends bien?

Je vois que vous faites un signe de la tête pour dire que oui? D’accord.

Me Taylor : Oui, exactement.

La sénatrice Dupuis : La réunion est encore enregistrée, en principe; on ne vous voit pas nécessairement. Merci beaucoup de le confirmer.

À ce moment-là, si on ajoute « autre que la personne accusée », est-ce qu’on ne vient pas ajouter une source d’interrogation supplémentaire? Pourquoi la personne accusée apparaît-elle ici, dans ce paragraphe, où l’on parle des personnes pour lesquelles l’ordonnance de non-publication a été émise?

Autrement dit, on parle ici de protéger des personnes qui demandent la révocation ou la modification d’une demande. Elles sont protégées. Donc, on ne parle pas du tout de l’accusé. Par contre, on précise à la fin, au paragraphe (5), que l’accusé ne reçoit pas la notification, et au paragraphe (6), que l’accusé ne peut présenter des arguments relativement à la demande. Qu’est-ce que cela ajoute?

En droit, on dit que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Ce qui m’inquiète, c’est que si on ajoute quelque chose, est‑ce qu’on a une bonne raison de le faire? Ne risque-t-on pas, en ajoutant quoi que ce soit qui n’a pas besoin d’être là, d’amener les gens à se demander ce qu’on a voulu dire, alors que cela semble tellement clair aux paragraphes (5) et (6)?

[Traduction]

Me Taylor : La motion du gouvernement vise assurément à renforcer ce qui était dans le projet de loi initial. On indique très clairement comment une victime, un témoin ou un participant au système judiciaire peut demander la révocation ou la modification d’un interdit de publication imposé en son nom. Voici le principe de ces motions : si une victime, un témoin ou un participant au système judiciaire souhaite lever ou modifier un interdit de publication, ce sera fait si le droit à la vie privée d’une autre personne concernée par l’interdit de publication n’entre pas en concurrence avec cette demande.

L’objectif consiste à prendre en considération les témoignages entendus sur la nécessité de respecter plus clairement l’autonomie de ceux qui font l’objet d’un interdit de publication. Dans certains cas, on peut révoquer ou modifier un interdit de publication même si le droit à la vie privée d’autres individus est en jeu. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un cas difficile; il y a divers intérêts en matière d’autonomie et de multiples victimes. Il faut respecter tout cela, et il convient de se pencher sur la question de façon plus approfondie pour ce faire.

J’aimerais ajouter une dernière chose. Je reviens aux articles 486.4 et 486.5. Tels que rédigés, ils se limitent aux victimes, aux témoins et aux participants au système judiciaire. Ce sont eux qui bénéficient des interdits de publication en vertu de ces dispositions.

Le sénateur Dalphond : Dans le même ordre d’idées, plus j’y réfléchis, plus je suis inquiet, parce que le paragraphe proposé se lira comme suit :

... à moins [que le tribunal] soit d’avis qu’un tel acte pourrait porter atteinte au droit à la vie privée de toute [personne autre que l’accusé]...

Cela reconnaît donc que l’accusé a un droit à la vie privée, puisque c’est l’essence même de la phrase. Vous parlez de tous ceux qui ont un droit à la vie privée à l’exception de l’accusé. Maintenant, nous essayons peut-être... Un bon avocat de la défense pourrait dire que [Difficultés techniques] le Parlement reconnaît le droit à la vie privée de son client, et qu’il faudrait interpréter l’autre article de la même façon. Cela me préoccupe beaucoup. Franchement, j’ai lu tellement de projets de loi au fil des ans, mais — comme l’a mentionné la sénatrice Dupuis — si on ajoute ces mots, c’est parce qu’il y a un droit à la vie privée. Si on les exclut, c’est parce qu’il y en avait un auparavant. S’il n’y en a pas, on n’exclut pas le néant, on exclut seulement quelque chose qui existe.

Plus j’y réfléchis, plus je pense que c’est une source de problèmes.

Le président : Je vais me permettre une intervention sur ce point.

Si je comprends bien, si une ordonnance de non-publication requiert que les victimes et les témoins la respectent, il me semble qu’elle requiert aussi que l’accusé la respecte. Ai-je raison à ce propos? D’accord. Alors, cela veut certainement dire que l’accusé fait partie des personnes soumises à l’interdiction de publication. Quand on lit cette phrase, on comprend que le tribunal doit en tenir compte, parce que cela pourrait porter atteinte au droit à la vie privée de toute autre personne qui fait l’objet d’une ordonnance, et cetera. Il serait naturel d’en comprendre — puisque l’accusé est soumis à l’ordonnance — que le droit à la vie privée de cette personne est en jeu. Il est donc important d’exclure ce droit à la vie privée lorsque le juge examine la question.

Notre argument est le suivant. Il se peut que le droit à la vie privée de l’accusé existe, puisque l’accusé est soumis à l’ordonnance, mais il n’a pas à être pris en compte dans le cas présent. Je crois qu’il s’agit de la logique de l’argument de la sénatrice Simons.

Le sénateur Dalphond : Je suis tenté d’affirmer que nous pourrions semer la confusion en suivant un tel argument qui tendrait à aller contre le droit à la vie privée. Je crois qu’un accusé n’a pas de droit à la vie privée. La Charte affirme qu’il a droit à un procès public. Il ne s’agit donc pas de droit à la vie privée. C’est le contraire. La Charte affirme que le procès doit être public, et l’accusé n’a pas le droit de voir son nom interdit de publication, sauf s’il y a une ordonnance de non-publication pour protéger la victime, des enfants ou un témoin, par exemple — ce pourrait être des enfants — et, pour cette raison, son nom ne sera pas publié. Ce n’est pas pour protéger son droit à la vie privée. L’objectif est de protéger le droit à la vie privée de l’enfant ou de la victime.

La sénatrice Busson : Sauf votre respect, à mon avis, dans cette situation, il doit être question de soumission à une interdiction de publication. La CBC ou le journal est soumis à l’interdiction, mais n’a pas de droit. Je crois que l’on peut faire cette distinction sans — comme l’affirmait le sénateur Dalphond — faire un bond gigantesque et conclure que, parce que l’accusé est soumis à l’interdiction, il n’a pas nécessairement un droit à la vie privée qui serait reconnu.

Le président : Y a-t-il d’autres commentaires?

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je suis en train de chercher des définitions dans le dictionnaire. J’ai une question pour Me Taylor. Si l’on regarde la proposition du gouvernement présentée par la sénatrice Busson, dans la partie traitant de la demande de modification ou de révocation, donc au paragraphe 486.51(1), on indique ceci : « Si la personne qui fait l’objet d’une ordonnance [...] ». Est-ce qu’on s’entend pour dire qu’on parle ici de la victime? Ce n’est donc pas l’accusé qui fait l’objet de l’ordonnance, mais la victime.

Il faut faire attention de ne pas confondre les personnes visées par une ordonnance de non-publication avec les personnes qui en font l’objet. Dans ce cas-ci, si je comprends bien, les accusés sont visés par l’ordonnance, les médias sont visés par l’ordonnance, mais la personne qui en fait l’objet, c’est la personne qui est la victime.

Dans ce sens, je ne voudrais pas ajouter d’anxiété à vos responsabilités de président, sénateur Cotter, mais il me semble qu’il ne faut pas confondre les deux. Si vous faites l’objet d’une ordonnance de non-publication, vous êtes forcément une victime, un témoin ou une personne associée au système de justice; vous ne pouvez pas être l’accusé, selon ce que je comprends de la réponse de Me Taylor.

[Traduction]

Le président : Devons-nous mettre le sous-amendement aux voix? Il s’agit du sous-amendement de la sénatrice Simons.

Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion de sous‑amendement?

Des voix : Oui

Des voix : Non.

Le président : Je crois que cela justifie un vote par appel nominal. Il est question du sous-amendement de la sénatrice Simons.

M. Palmer : Au sujet du sous-amendement...

L’honorable sénateur Cotter?

Le sénateur Cotter : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Busson?

La sénatrice Busson : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?

La sénatrice Clement : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?

La sénatrice Dupuis : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Patterson, du Nunavut?

Le sénateur D. Patterson : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Simons?

La sénatrice Simons : Oui.

M. Palmer : Oui, 6; non, 4.

Le président : Je déclare la motion de sous-amendement adoptée.

Nous passons maintenant à l’amendement de la sénatrice Busson. Y a-t-il d’autres commentaires sur cette question? Je constate que non; plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion d’amendement telle que modifiée?

Des voix : D’accord.

Le président : La motion est adoptée.

Le président : L’article 4 tel que modifié est-il adopté? Adopté, merci.

Nous passons maintenant à l’article 5. L’article 5 est-il adopté? Nous avons un amendement. Sénatrice Busson, allez-y.

La sénatrice Busson : Monsieur le président, je vais en faire la lecture. Le numéro est BB-S12-5-3-18.

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 5, à la page 3, par substitution, aux lignes 19 à 28, de ce qui suit :

« 5 L’article 486.6 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (1), de ce qui suit :

Poursuite — limite

(1.1) Le poursuivant ne peut engager ni continuer une poursuite contre la personne qui fait l’objet de l’ordonnance, à moins qu’il soit d’avis que, à la fois :

a) la personne a sciemment transgressé l’ordonnance;

b) la prétendue infraction a porté atteinte au droit à la vie privée de toute autre personne qui fait l’objet d’une ordon- nance interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir son identité;

c) le recours à l’avertissement n’est pas opportun. ».

Je précise. Encore une fois, la première partie dont nous avons discuté dans les articles précédents de ce projet de loi mentionne « rendre autrement accessible », ce que couvre à nouveau l’amendement, puisque ce passage a été retiré. De plus, l’amendement répond aux inquiétudes relatives à la criminalisation des victimes pour avoir contrevenu aux interdictions de publication imposées pour protéger leur identité. Dans ces cas-là, elles ne peuvent être poursuivies que pour avoir sciemment contrevenu à l’interdiction et sciemment porté atteinte au droit à la vie privée d’une autre personne, et quand le recours à l’avertissement n’est pas opportun. Ce seraient les seules circonstances dans lesquelles un poursuivant irait de l’avant.

Le président : Merci, sénatrice Busson. Je crois que Me Taylor a évoqué cette disposition dans la liasse relativement aux efforts à déployer pour atténuer le risque de poursuites.

La sénatrice Pate : Dans le cas présent, il semble que l’amendement affaiblit certaines autres dispositions visant à ne pas criminaliser les victimes. Je suis curieuse de savoir s’il existe quelque part une définition qui m’aurait échappé au sujet de la personne qui prendrait la décision. Je présume que ce serait le poursuivant, mais je crois que la possibilité demeure pour la Couronne d’entamer des poursuites contre la victime.

La sénatrice Busson : C’est le poursuivant. Le libellé est : « Le poursuivant ne peut engager ni continuer une poursuite. »

La sénatrice Pate : Il s’agit donc du poursuivant.

Le président : Sénatrice Simons, souhaitez-vous intervenir?

La sénatrice Simons : Oui. J’ai une question pour Me Taylor. J’ai discuté plus tôt aujourd’hui avec des avocats en droit des médias que je connais bien en raison de mon passé. Ils souhaitaient que je vous demande ce qu’est une atteinte au droit à la vie privée. Dans un courriel qu’ils m’ont envoyé, ils ont indiqué qu’il semble qu’un poursuivant peut ou non estimer que le droit à la vie privée d’une personne a été atteint si une personne, une entité, un organe de presse, une bibliothèque, et cetera, publie illégalement des renseignements permettant d’identifier cette personne avant l’imposition d’une interdiction de publication.

J’aimerais simplement comprendre ce que cela veut dire.

Me Taylor : Merci de cette question. Je pense que cet amendement devrait être lu conjointement avec les autres changements proposés et adopté par votre comité.

Le premier point à noter, c’est que cette disposition ne s’applique qu’à une personne qui fait l’objet d’une interdiction de publication, c’est-à-dire à une personne dont le nom et les autres renseignements permettant de l’identifier ne peuvent être publiés. Encore une fois, cette disposition ne s’applique ni aux médias, ni au public en général, ni à personne d’autre que la personne visée par l’interdiction de publication.

L’objectif ici est vraiment de dire que, même en cas de violation, ou de violation présumée pour être juste, il y a des intérêts concurrents qui doivent être pesés. Ici, avec l’alinéa b), il s’agit vraiment de savoir si la violation a permis l’identification de quelqu’un d’autre ou si elle a mis cette personne en danger. La violation a-t-elle eu une incidence sur la vie privée d’une autre personne? C’est ce que le poursuivant doit évaluer dans ces circonstances.

Toutefois, même si c’est le cas, l’alinéa c) prévoit que le poursuivant doit quand même établir si un avertissement est approprié ou non. Il s’agit donc en réalité — et nous en avons parlé la semaine dernière — de trouver un équilibre entre tous ces intérêts différents, à savoir l’autonomie de la victime, le respect des ordonnances d’une cour et les considérations d’intérêt public en matière de poursuites. J’espère que cela vous aide.

Le président : Y a-t-il d’autres observations ou points de vue à ce sujet? Si je n’en entends pas, je vais voir si nous sommes en mesure de mettre cela aux voix.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

Le président : Cela concerne l’article 5. L’article 5 modifié est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Merci.

L’article 6 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 7 est-il adopté? Sénateur Boisvenu, avez-vous un amendement à proposer ici?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Chers collègues, vous connaissez ma principale mission dans la vie : protéger les femmes des agresseurs. Cet amendement va dans ce sens. Je vous présente mon amendement et je ferai mon argumentaire ensuite. Je propose donc :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 7, à la page 8, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :

« de moins de dix-huit ans ou contre une femme. ».

Cela touche à l’obligation d’être inscrit au registre des prédateurs sexuels. Le projet de loi prévoit une inscription automatique pour les mineurs, mais ce sont les seuls cas. Dans toutes les autres situations, l’inscription est facultative.

Ce que je propose, comme pour les mineurs, c’est que l’inscription devienne obligatoire lorsqu’une sentence est de plus de deux ans. J’applique ce même principe pour les femmes lorsqu’elles sont agressées si la sentence est de plus de deux ans. Vous comprendrez que lorsqu’une sentence est de plus de deux ans, cela signifie que l’agression est grave ou très grave.

Mon argumentaire repose essentiellement sur des données très inquiétantes. En 2021, 87 % des victimes d’agression sexuelle étaient des femmes, comparativement à 81 % en 2005. La majorité des agressions sexuelles sont commises sur des femmes âgées de 15 à 24 ans. Cela signifie que, pour une femme qui est agressée à l’âge de 17 ans et 364 jours, l’inscription sera automatique. Si elle a 17 ans et 365 jours, donc 18 ans, l’inscription n’est plus automatique, ce que je trouve aberrant. Je crois que l’inscription devrait être obligatoire.

Ce qui est également inquiétant, c’est que le taux d’agressions sexuelles chez les femmes autochtones est trois fois supérieur à celui des femmes non autochtones. En n’inscrivant pas obligatoirement les agresseurs au registre, on envoie un message de banalisation. Les agresseurs qui écopent d’une sentence de plus de deux ans pour avoir agressé une femme sont violents, et l’inscription envoie le message que ce crime est grave. Il faut protéger les femmes; les policiers le disent, c’est un outil très important pour prévenir la criminalité, surtout les agressions sexuelles. Voilà pourquoi je propose cet amendement. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : Si je comprends bien, le premier élément est qu’il doit s’agir d’une infraction désignée, et une infraction désignée est une infraction primaire et une infraction secondaire. C’est la liste que nous verrons plus tard, n’est-ce pas? S’il s’agit d’une telle liste, elle ne s’appliquera qu’à ce que nous appellerons les victimes non adultes, c’est-à-dire celles qui ont moins de 18 ans.

Si nous nous concentrons sur le groupe visé par l’enregistrement automatique, avez-vous une idée du nombre de dossiers que cela représente par an? Si nous ajoutons à cela l’ensemble des femmes — qui sont les principales victimes des délits sexuels, dans une proportion de 85 % —, nous passons alors d’un groupe d’une certaine taille à un groupe beaucoup plus important. Parmi les personnes restantes, qu’est-ce qui ne sera pas couvert par rapport à la liste? La Cour suprême dit que votre filet est trop large; vous devez le rétrécir. De toute évidence, cet amendement augmentera l’étendue du filet, mais qu’est-ce qui sera automatique? De quel nombre parlons-nous? Est-ce une petite partie de l’ensemble des crimes, est-ce la moitié? Étendons-nous le filet au point où nous allons nous retrouver devant la Cour suprême avec le même type de décision?

Me Joanna Wells, avocate principale par intérim, Ministère de la Justice Canada : Je suis heureuse d’apporter ma contribution à la réunion de ce soir.

Le président : Merci de ces 200 minutes, je pense. La parole est à vous.

Me Wells : Sénateur Dalphond, je pense que vous soulevez là des questions cruciales à propos de l’amendement proposé. Je n’ai pas de statistiques sur la deuxième partie de votre question en ce qui concerne les personnes que cela viserait.

Au ministère de la Justice, nous sommes remontés trois ans en arrière afin de voir quels cas répondraient aux critères proposés dans le projet de loi. Nous avons effectué une analyse assez complète. Bien sûr, il est possible que nous en ayons raté certains, mais disons que, pour les trois dernières années, nous avons répertorié plus de 100 cas qui répondraient à ces critères.

Je pense que vous avez raison de penser que si cette catégorie est élargie de manière à ce que l’enregistrement automatique inclue ce critère et le fait que la victime soit une femme, il y aura beaucoup plus de cas. Je pense que la prochaine question qu’il faut se poser est celle-ci : « Que dit la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Ndhlovu à propos de cet élargissement potentiel du filet? »

Le sénateur Dalphond : Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’ai une question pour le sénateur Boisvenu et une autre pour Me Wells.

Sénateur Boisvenu, il y a une question de formulation, et peut‑être que Me Taylor pourra nous aider. Vous voulez ajouter une mention qui dit que si l’infraction a été commise contre une victime âgée de moins de 18 ans, on a soit une victime de moins de 18 ans, soit une victime qui est une femme.

Le sénateur Boisvenu : Dans les cas où la sentence est de plus de deux ans.

La sénatrice Dupuis : Oui, nous gardons les alinéas a) et b). Il ne s’agit que de l’alinéa c). C’est juste une question de formulation. Pour que ce soit clair, je crois qu’on devrait dire : « contre une victime âgée de moins de 18 ans ou qui est une femme », et non « contre une femme ».

Le sénateur Boisvenu : Agression contre une femme, oui.

La sénatrice Dupuis : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que je peux répondre?

La sénatrice Dupuis : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Il faut comprendre que, pour les agressions contre les femmes, la majorité des sentences sont de moins de deux ans dans une proposition d’environ deux tiers, l’autre tiers étant des sentences de plus de deux ans. Par conséquent, cela ne s’appliquera pas à toutes les femmes qui sont agressées, mais à un nombre de cas relativement limité où l’agression sexuelle est caractérisée par une grande violence. Dans ces cas, les sentences sont, la plupart du temps, de plus de deux ans.

La sénatrice Dupuis : Ma prochaine question s’adresse à Me Wells. Je comprends que vous n’ayez pas de statistiques à nous présenter ce soir, mais j’aimerais vous donner l’occasion de poursuivre votre raisonnement. Une fois que l’on a dit qu’il y aurait plus de personnes, c’est plutôt évident... On vient de créer une nouvelle catégorie, donc il y aura plus de personnes. Le fait que cela couvre plus de personnes ne me semble pas un problème en soi. J’aimerais comprendre l’enjeu que vous voyez derrière cet ajout, non seulement de personnes âgées de moins de 18 ans, mais aussi de femmes victimes d’une personne condamnée à une peine de plus de deux ans.

[Traduction]

Me Wells : Merci, sénateur, de me donner l’occasion de clarifier cette question.

Je pense que le point de départ de toute discussion est la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ndhlovu, décision selon laquelle l’approche actuelle de l’enregistrement automatique de tous les délinquants sexuels est trop large. Elle a déclaré que le Parlement avait jeté un filet trop large, parce que ces dispositions risquaient de faire en sorte que des personnes ne présentant aucun risque de récidive soient visées.

Je pense qu’il serait utile au comité de connaître certaines des raisons stratégiques sur lesquelles repose la proposition de maintenir l’enregistrement automatique pour les récidivistes et pour les crimes très graves où la victime est âgée de moins de 18 ans.

Le terme « récidiviste » est probablement explicite, mais ces considérations se fondent sur des facteurs de risque statiques que nous avons développés à partir de la documentation existante et en consultation avec les experts de Sécurité publique Canada. Les récidivistes présentent un risque de récidive cinq à huit fois plus élevé que les personnes dont les antécédents criminels ne sont pas liés à ces délits. Le gouvernement estime que ce risque est suffisamment élevé pour justifier l’enregistrement automatique.

En ce qui concerne les délits sexuels commis sur des enfants et passibles d’une peine de deux ans ou plus sur la base d’un acte d’accusation, il existe trois grands facteurs qui justifient l’enregistrement automatique. En particulier, il est prouvé que le fait de cibler de jeunes enfants est un facteur de risque de récidive. Ensuite, une infraction grave, même si elle n’augmente pas nécessairement la probabilité de récidive, peut indiquer qu’une récidive sera tout aussi grave ou tout aussi violente que l’infraction de départ. L’autre élément, c’est la vulnérabilité accrue des enfants et des personnes âgées de moins de 18 ans. C’est l’effet conjugué de ces trois facteurs qui a conduit à la proposition d’enregistrement automatique.

J’estime important de ne pas perdre de vue que nous parlons ici d’enregistrement automatique, mais que toutes les autres personnes sont soumises à une présomption d’enregistrement qu’elles devront réfuter, y compris les personnes qui commettraient ces délits violents graves à l’endroit de femmes. Le régime tente de prendre en compte tous ces éléments tout en veillant à limiter l’enregistrement automatique afin de tenir compte de l’arrêt de la Cour suprême.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Si l’on poursuit votre raisonnement, quelles sont les données, ou quelle est l’analyse qui a été faite selon laquelle tout le raisonnement que vous venez de nous présenter pour les gens de moins de 18 ans ne s’applique pas aux femmes, et pour quelle raison cela ne s’applique-t-il pas aux femmes?

On a un problème de données. Quel raisonnement avez-vous fait et sur quelle base en êtes-vous venu à dire que le risque de récidive est moindre, ou peu importe, dans le cas des femmes par rapport à ce qu’il est pour les personnes de moins de 18 ans? Dispose-t-on de données? En avez-vous? Pouvez-vous nous les fournir?

[Traduction]

Me Wells : Si je comprends bien la question, sénateur, vous cherchez des données ou des preuves qui appuieraient l’enregistrement automatique ou des données sur...

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je m’intéresse au raisonnement que vous avez fait et à la réflexion qui vous a menés à exclure les femmes de l’alinéa c), alors que vous avez inclus les victimes de moins de 18 ans. J’imagine qu’il y a un contraste dans les éléments, dans les données et dans les facteurs de risque qui vous ont amenés à exclure les femmes, mais à inclure les personnes de moins de 18 ans?

[Traduction]

Me Wells : Le point de départ de cette initiative et de l’élaboration de toute la politique a été la décision de la Cour suprême. La décision de la Cour suprême a clairement montré que le filet était trop large, et le gouvernement s’est mis à chercher une voie étroite pour s’assurer que les comportements délictueux les plus graves continueraient à faire l’objet d’un enregistrement automatique, mais que tous les autres auraient la possibilité de présenter leurs arguments à un juge pour réfuter la présomption d’enregistrement.

Afin d’affronter la rigueur de l’analyse de la Cour Suprême, le point de vue est que l’approche de l’enregistrement automatique doit être étroite et ciblée.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Est-ce que cela signifie que vous excluez les enfants âgés de moins de 18 ans, victimes indirectes du fait que leur mère a été tuée? Dans l’alinéa c), pourrait-on ajouter que l’infraction a été commise contre une victime indirecte — bien que l’on puisse dire qu’il s’agit bien d’une victime directe —, parce que leur mère a été tuée? Est-ce que, dans votre réflexion, cela entrait dans l’interprétation des termes « victime âgée de moins de 18 ans »?

Veut-on attendre qu’une cause se rende jusqu’à la Cour suprême pour savoir si la cour acceptera de considérer que les enfants sont vraiment des victimes de ces situations? Le sujet commence à être bien documenté, du moins à l’extérieur du domaine juridique. J’imagine qu’il l’est aussi dans certains milieux juridiques. Avez-vous pensé aux enfants dont la mère a été tuée comme des victimes, s’ils sont âgés de moins de 18 ans?

[Traduction]

Me Wells : Dans le scénario que vous avez proposé, chaque infraction serait considérée séparément. Heureusement, je ne suis pas sûre que ce scénario se produise très souvent, sénatrice. Nous sommes certainement au courant d’un cas où cela s’est produit. Je ne voudrais pas présumer de ce qu’un tribunal ferait dans cette situation, mais, s’il n’entrait pas dans cette catégorie étroite, le risque posé par cet individu serait examiné par les tribunaux en vertu de la présomption réfutable.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Ce n’est pas ma question. Je suis désolée d’insister, monsieur le président, mais je vais laisser...

[Traduction]

Le président : Sénatrice Dupuis, je reviendrai peut-être à vous. J’aimerais entendre d’autres intervenants.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je ne pense pas que l’amendement que je propose ouvre une inscription universelle obligatoire au registre.

L’amendement vise une classe de citoyennes canadiennes vulnérables : les femmes. La preuve, c’est que, 9 fois sur 10, ce sont des femmes qui sont victimes d’agression sexuelle au Canada. Pour ce qui est des agresseurs, ce sont autant les femmes que les enfants qui sont vulnérables pour ce qui est des agressions sexuelles. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes sont des femmes ou des enfants.

Ici, on s’attaque à un créneau relativement étroit d’agresseurs, c’est-à-dire ceux qui ont écopé de peines de plus de deux ans, donc qui ont commis des crimes graves. Je pense que dans ce cadre, cela correspondra à l’interprétation de la Cour suprême, selon laquelle on doit inscrire au registre des gens dangereux, qui ont commis des crimes graves sur un segment vulnérable de la population, c’est-à-dire les femmes — parce que 90 % du temps, ce sont les femmes qui sont victimes d’agression sexuelle.

[Traduction]

La sénatrice Batters : J’ai quelques questions à poser à Me Wells.

Dans l’une de vos réponses précédentes, ou peut-être était-ce lors de vos observations sur cette question, vous avez dit que vos statistiques montraient que le projet de loi S-12, tel qu’il a été rédigé par le gouvernement, aurait été appliqué à 100 cas de ce type au cours des trois dernières années? Est-ce le chiffre exact que je vous ai entendu dire? Si c’est le cas, cela me semble très bas.

Me Wells : Je cherche à obtenir le chiffre exact. Je pense avoir dit qu’il y aurait eu un peu plus de 100 cas au cours des trois dernières années pour lesquels un enregistrement automatique aurait été justifié. Nous ne sommes pas en mesure d’établir combien d’entre eux auraient été inscrits au registre sur la base du pouvoir judiciaire discrétionnaire, car, comme vous le savez, cela relève de la compétence du tribunal.

Le nombre de cas qui correspondraient aux critères proposés dans le projet de loi S-12 pour l’enregistrement automatique est exact.

La sénatrice Batters : Combien de cas étaient soumis à l’enregistrement automatique avant cette affaire?

Me Wells : Ils l’étaient tous.

La sénatrice Batters : Combien y en avait-il, approximativement?

Me Wells : La dernière fois que j’étais ici, je crois que je vous ai fourni des données sur le nombre total de délinquants inscrits au registre. Plus de 60 000 ont été inscrits depuis sa création en 2004.

La sénatrice Batters : Et maintenant, cela n’en ajouterait qu’environ une centaine. Est-ce exact?

Me Wells : Non. Le nombre d’enregistrements automatiques est beaucoup plus faible. Il s’agit de répondre à la décision de la Cour suprême du Canada selon laquelle l’approche actuelle, qui consiste à enregistrer toutes les personnes condamnées pour un délit sexuel, est inconstitutionnelle. L’inscription des autres sera soumise au pouvoir judiciaire discrétionnaire.

La sénatrice Batters : Je vois ce que vous voulez dire, mais le fait de passer de ce chiffre énorme à 100 semble... Pensez‑vous que cette disposition pourrait ramener cela à un nombre trop petit?

Me Wells : On s’attend à ce que la présomption réfutable conduise à un nombre important d’enregistrements. Lorsqu’il y avait un pouvoir judiciaire discrétionnaire, dans les cas où le poursuivant demandait l’enregistrement, la preuve présentée faisait en sorte que les délinquants étaient inscrits au registre dans 90 % des cas. On ne s’attend pas à ce que l’ajout d’un pouvoir judiciaire discrétionnaire conduise à une réduction significative du nombre de personnes inscrites, mais certaines y échapperont.

La sénatrice Batters : Une autre question. Un autre élément, c’est que le délit doit être passible d’une peine de deux ans ou plus, et que la situation du délinquant doit avoir fait l’objet d’un acte d’accusation. Je suis sûre que ce n’est pas un nombre énorme, mais ce n’est probablement pas zéro non plus. Quel est le nombre de cas, ces dernières années, où une personne a été condamnée à une peine de deux ans et plus, mais où l’affaire s’est déroulée selon la procédure sommaire?

Me Wells : Il n’est pas possible d’obtenir une peine de deux ans ou plus pour un seul délit s’il n’y a pas eu de mise en accusation. L’expression « par mise en accusation » est utilisée ici pour exclure une peine globale pour plus d’une infraction lorsque la conduite est moins grave, mais qu’il y a plus d’infractions, ce qui ferait en sorte que la peine globale serait de deux ans ou plus. Cette disposition vise à cibler les comportements sexuels très graves qui justifient à eux seuls une mise en accusation.

La sénatrice Batters : D’accord. J’étais peut-être confuse. Alors, pourquoi inclure la « procédure par mise en accusation »?

Me Wells : Cela vise précisément à éviter de « capturer » des personnes pour lesquelles une peine globale de deux ans ou plus serait imposée. C’est une approche très étroite et très ciblée.

La sénatrice Batters : Même si la peine globale concerne des crimes sexuels?

Me Wells : Il y aura un pouvoir discrétionnaire et le risque sera examiné par le juge, qui décidera subséquemment si l’enregistrement est approprié dans ces circonstances.

La sénatrice Batters : S’il s’agit de crimes sexuels, pourquoi ne pas faire en sorte qu’ils tombent simplement dans cette catégorie?

Me Wells : C’est l’approche que la Cour suprême a considérée comme étant inconstitutionnelle. Le projet de loi vise à maintenir l’inscription automatique pour les comportements les plus graves, pour lesquels il existe des preuves de risque, et à accorder un pouvoir discrétionnaire aux juges dans tous les autres cas, en l’assortissant d’une liste de facteurs pour les guider et les aider à déterminer dans quel cas l’inscription serait appropriée, pour répondre directement à la décision de la Cour suprême.

La sénatrice Busson : J’avais la main levée avant que Me Wells ne réponde de manière très détaillée aux questions qui lui ont été posées. Pour rappeler ce qu’elle a dit, la Cour suprême a statué que le régime était inconstitutionnel, et le projet de loi S-12 est la réponse qui en découle. Je pense, et je l’espère, que ce qui est proposé concernant les récidives, et cetera, le renversement de la présomption ou la présomption d’inscription, permettrait de sévir contre les délinquants qui inquiètent, à juste titre, le sénateur Boisvenu.

La sénatrice Pate : Je vous remercie, encore une fois. Les questions qui sont soulevées viennent d’une préoccupation liée au fait que, historiquement, le système n’a pas pris au sérieux les violences à l’égard des femmes. Je pense que c’est aussi une des raisons pour lesquelles la Cour suprême a statué de cette façon, en raison du nombre disproportionné de gens racisés et autres qui sont incriminés pour des agressions sexuelles, pas nécessairement tous ceux qui ont même été signalés.

Ma question porte sur un élément un peu différent. Vous avez parlé des recherches. Les recherches montrent que le fait pour une personne d’être inscrite au registre accroît les risques qu’elle ne puisse pas s’intégrer à la communauté, en fin de compte, et n’est pas nécessairement un indicateur valide de récidivisme, et c’est en partie pour cette raison que la Cour suprême a déclaré le régime inconstitutionnel.

Outre l’inversion du fardeau de la preuve, a-t-on examiné d’autres approches et d’autres mécanismes pour, en fait, prendre au sérieux la violence contre les femmes et les enfants?

Me Wells : Ce qu’on nous a demandé précisément était de donner suite au jugement de la Cour suprême dans l’arrêt Ndhlovu, qui a invalidé des éléments du régime, en particulier dans le Code criminel.

Si j’ai bien compris, vous voulez savoir si on a envisagé une autre approche pour gérer les délinquants sexuels. Je pense que ce sont nos collègues à la Sécurité publique qui vous diraient comment les délinquants condamnés sont gérés et traités au sein de la communauté. Notre objectif était de faire en sorte que le registre soit constitutionnel.

Le sénateur Dalphond : Pour rebondir sur ce que la sénatrice vient de dire, je vais revenir à l’analyse.

[Français]

Je vais revenir à l’analyse comparative entre les sexes plus qui a été produite.

Je vais la lire. Comme je n’ai pas la version anglaise, je vais la lire en français :

Les caractéristiques des personnes inscrites au Registre. On dit que 62 516 délinquants sont inscrits au Registre, dont 70 % sont toujours soumis à une obligation de déclaration, alors que les hommes sont surreprésentés dans le Registre national des délinquants sexuels par rapport à la proportion, puisque 89 % des personnes inscrites sont des hommes. Les Blancs, qui représentent 64 % du Registre sont sous‑représentés par rapport à leur proportion dans la population générale. Les Autochtones représentent 20 % des personnes inscrites, alors qu’ils constituent 5 % de la population canadienne. Les personnes noires représentent 4 %, ce qui correspond à leur représentation dans la population canadienne.

La question que je me pose est la suivante : s’il y a inscription automatique de tous les cas de violence contre des femmes pour lesquels la peine imposée est de deux ans et plus, risquons-nous de voir une surreprésentation des Autochtones dans le registre, parce qu’ils y seront automatiquement inscrits?

[Traduction]

Me Wells : Sénateur Dalphond, je ne suis pas certaine que nous ayons examiné cette question précisément. Cela me rappelle un des témoignages de la semaine dernière dans lequel il a été question de la surreprésentation dans le registre et du fait que c’était le résultat de problèmes en amont comme les interventions policières excessives, les accusations excessives, et cetera, visant les délinquants et les délinquants sexuels en particulier. Que le registre ait ou non un rôle à jouer à cet égard, je ne crois pas que ce soit le meilleur endroit pour vouloir commencer à remédier à ces problèmes, si je puis dire.

Le sénateur Dalphond : La personne qui a témoigné a fait allusion au fait que le juge pourrait appliquer les principes établis dans l’arrêt Gladue si une personne mentionne que son nom ne devrait pas figurer au registre, mais dans le cas où l’inscription est automatique, est-ce que l’analyse de ces principes s’appliquera?

Me Wells : L’inscription automatique sera automatique. Le juge ne prendra en considération aucun facteur.

Le sénateur Dalphond : Il n’y aura pas d’analyse des principes établis dans l’arrêt Gladue.

Me Wells : C’est exact.

Le sénateur Dalphond : Cela répond à ma question. Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je comprends que le texte que nous examinons vous a été commandé à partir d’une analyse d’une question bien précise, mais il me semble que ce n’est pas très satisfaisant de savoir qu’on s’est concentré seulement sur les jeunes de moins de 18 ans et qu’on n’a pas examiné leur situation — parce que si je comprends bien, on n’en a pas tenu compte, si j’ai bien interprété votre réponse. Les enfants des femmes qui ont été des victimes, ce sont donc des victimes de l’infraction; certains disent que ce sont des victimes indirectes et d’autres disent que ce sont des victimes directes.

Dans ce sens, je pense que c’est un peu décevant de la part du ministère de la Justice. Je ne parle pas de vous personnellement, mais j’aimerais que vous fassiez le message, s’il vous plaît. Quand la Cour suprême dit que parce que tout le monde est visé, c’est une mesure inconstitutionnelle, cela ne veut pas dire de se retourner et de dire qu’on va prendre le plus petit exemple qu’on peut trouver et qu’on va y aller avec cela. Je pense qu’il y a une réflexion plus globale à faire sur les gestes violents; les femmes sont directement visées par la violence et, dans ce sens, je vous encourage à poursuivre votre réflexion pour tenir compte de la violence contre les femmes. Merci.

[Traduction]

Le président : J’interprète cela comme étant un commentaire de la sénatrice Dupuis, et j’invite maintenant le sénateur Boisvenu à prendre la parole.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je pense que les Autochtones, s’ils sont surreprésentés dans le registre des prédateurs sexuels — et je rappelle qu’on parle d’un registre de prédateurs sexuels, et non d’un registre de criminels —, sont ceux qui ont commis des crimes à caractère sexuel. Les Autochtones sont surreprésentés à cause de l’universalité et de l’automatisme de l’inscription, et non à cause de la gravité des crimes commis. On sait que les Autochtones ne commettent pas les crimes les plus graves; ce sont souvent des crimes moins graves, mais parce que l’inscription est automatique, il y a une surreprésentation.

Madame Wells, vous avez dit plus tôt que 90 % des gens inscrits au registre sont des prédateurs sexuels. Je vous rappelle certaines données qui sont inquiétantes pour les femmes. Entre 2004 et 2010, 30 % des agresseurs sexuels des Maritimes étaient inscrits au registre, 52 % pour le Québec et 70 % pour l’Ouest canadien. Cela donne une moyenne canadienne d’environ 60 % des prédateurs sexuels qui étaient inscrits au registre; c’est inquiétant.

En fait, si on ne prêche pas immédiatement en faveur de l’inscription obligatoire des délinquants qui écopent d’une sentence de plus de deux ans pour des agressions contre des femmes — donc les crimes les plus graves —, je crois que, dans quatre ou cinq ans, lorsqu’on révisera la loi actuelle, bon nombre de prédateurs sexuels qui auraient dû être inscrits au registre y auront échappé.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie, sénateur Boisvenu.

Comme personne d’autre ne semble vouloir prendre la parole, nous allons passer au vote. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Le président : Il semble qu’un vote par appel nominal soit nécessaire.

M. Palmer : L’honorable sénateur Cotter.

Le sénateur Cotter : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Busson?

La sénatrice Busson : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?

La sénatrice Clement : Non.

M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?

La sénatrice Dupuis : Abstention.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Abstention.

M. Palmer : L’honorable sénateur Patterson?

Le sénateur D. Patterson : Abstention.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Simons?

La sénatrice Simons : Non.

M. Palmer : Pour, 2; contre, 5; abstentions, 3.

Le président : L’amendement est rejeté.

L’article 7 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : L’article 7 est adopté avec dissidence. L’article 8 est-il adopté?

Sénatrice Busson, avez-vous un amendement?

La sénatrice Busson : Oui, j’ai un amendement.

Le président : Il est 21 h 5, et il nous reste trois amendements. L’équipe de soutien est en mesure de continuer pendant un certain temps. C’est ce que je recommande, si cela vous convient.

Je propose que nous poursuivions pendant une demi-heure et voir si nous pouvons terminer.

La sénatrice Busson : Je vous remercie, monsieur le président. Je propose l’amendement BB-S12-8-10-33 :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 8, à la page 10, par substitution, à la ligne 36, de ce qui suit :

« (3), s’applique à perpétuité si l’intéressé :

a) soit a déjà été condamné ou fait l’objet d’un verdict de non-responsabilité à l’égard d’une infraction primaire au titre de la présente loi ou de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale;

b) soit est ou a été assu- ».

À titre de précision, j’attire votre attention sur le fait qu’il s’agit d’un amendement de forme pour remédier à l’omission dans le libellé du projet de loi S-12, dans les cas où, dans les régimes précédents, le pouvoir discrétionnaire était plus grand et qu’une ordonnance de se conformer au registre n’a pas été prise, ou qu’une personne n’a pas été tenue de se conformer au registre à perpétuité.

Cet amendement vise à s’assurer que les personnes qui ont déjà été condamnées, qui ont reçu un verdict de non‑responsabilité et qui ne faisaient pas l’objet précédemment d’une ordonnance d’inscription, recevraient une ordonnance à perpétuité, ce qui est plus que ce qui se trouvait précédemment dans la loi.

Le sénateur Dalphond : Je comprends que l’amendement ajoute essentiellement l’alinéa a). Le reste était déjà là.

La sénatrice Busson : Oui.

Le président : C’est exact.

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.

Le président : Comme personne d’autre ne souhaite prendre la parole, je vais mettre l’amendement aux voix. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Oui.

Le président : La motion est adoptée. L’article 8 modifié est‑il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Nous allons maintenant accélérer le rythme. L’article 9 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 10 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 11 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 12 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 13 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 14 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 15 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 16 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 17 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 18 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 19 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 20 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 21 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 22 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 23 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 24 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 25 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 26 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 27 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 28 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 29 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 30 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 31 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Nous en sommes à l’article 32. Cela nous amène à un amendement de la sénatrice Busson.

La sénatrice Busson : J’ai un petit amendement à proposer à cet article. Il s’agit du BB-S12-32-25-25. Il dit :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à l’article 32, à la page 25, par substitution, à la ligne 28, de ce qui suit :

« bligation visée à l’alinéa (1)b) si, à compter de la date d’entrée en vigueur du présent paragraphe, il a déjà fait une demande ».

À titre de précision, cet amendement s’applique essentiellement aux voyageurs internationaux ou aux personnes qui ont été à l’étranger. Actuellement, selon le libellé du projet de loi, une personne inscrite au registre des délinquants sexuels en raison d’une infraction commise à l’étranger ne peut pas demander une réparation personnelle si elle a déjà demandé une exemption en vertu des dispositions actuelles du Code criminel. L’amendement proposé ferait en sorte que les personnes inscrites au registre en raison d’une infraction commise à l’étranger et qui ont demandé une exemption avant l’entrée en vigueur de ce projet de loi seraient encore admissibles à présenter une demande conformément aux changements proposés à l’article 490.04.

Le président : Je vous remercie, sénatrice Busson. Y a-t-il des commentaires au sujet de cette disposition? Comme je ne vois personne, je vais mettre l’amendement aux voix. Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Oui.

Le président : La motion est adoptée.

L’article 32 modifié est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L’article 32 est terminé. Nous passons à un autre article, et je vais inviter la sénatrice Pate à prendre la parole.

La sénatrice Pate : Je propose :

Que le projet de loi S-12 soit modifié à la page 30, par adjonction, après la ligne 5, de ce qui suit :

« 32.1 (1) Le paragraphe 672.501(4) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(3.1) Lorsque la commission d’examen rend une ordonnance en vertu de l’un ou l’autre des paragraphes (1) à (3), elle informe rapidement la personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance de l’existence de celle-ci, des exigences qui lui sont assorties et des conséquences de toute transgression.

(4) L’ordonnance rendue en vertu de l’un ou l’autre des paragraphes (1) à (3) ne s’applique pas dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) la communication de renseignements est faite dans le cours de l’administration de la justice si la communication ne vise pas à renseigner la collectivité;

b) les renseignements sont communiqués dans tout forum et pour quelque fin par la personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance et concernent cette personne ou ses détails, et la communication n’a pas été faite pour révéler, intentionnellement ou avec insouciance, l’identité de toute autre personne dont l’identité est protégée par l’ordonnance ou des détails qui pourraient permettre d’en établir l’identité;

c) les renseignements sont communiqués par la victime ou le témoin si la communication ne vise pas à faire connaître les renseignements au public. ».

Cet amendement est le troisième des trois amendements connexes pour éviter la criminalisation des personnes qui enfreignent les ordonnances de non-publication en communiquant leurs propres renseignements sans révéler, de façon intentionnelle ou insouciante, l’identité d’autres personnes, comme cela a été recommandé par les groupes de femmes. Le libellé est le même que celui de mes amendements précédents aux articles 486.4 et 486.5 et serait ajouté à l’article 672.501, qui prévoit des ordonnances de non-publication rendues par des commissions d’examen qui s’occupent de cas où des personnes sont déclarées non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux ou sont déclarées inaptes à subir leur procès.

La sénatrice Busson : Je suis d’accord en substance avec l’objectif de la sénatrice Pate, mais je pense qu’il dépasse la portée du projet de loi S-12, car on ne parle pas de cet article du Code criminel. Par ailleurs, je crois que les témoins n’ont pas eu l’occasion de se prononcer sur ce point et qu’il n’y a pas eu d’autres analyses. Puis-je demander à nos experts de nous parler de la portée de cet amendement?

La sénatrice Pate : J’aimerais apporter une correction. C’est une modification qui a été proposée dans les mémoires des groupes de femmes.

Me Taylor : Je ne peux pas me prononcer sur la question de savoir si c’est dans la portée ou non du projet de loi. De toute évidence, c’est à vous de le déterminer.

Cette proposition est conforme à l’esprit d’autres motions qui ont été adoptées par le comité ce soir. Elle s’arrime bien également aux autres amendements. Par contre, elle ne tient pas compte des autres modifications apportées aux articles 486.4 et 486.5 concernant l’obligation du poursuivant d’informer relativement au processus de révocation. La proposition est cohérente à certains égards, mais à d’autres, elle ne l’est pas.

Le sénateur Dalphond : J’aimerais poursuivre dans la même veine. Est-ce une omission, ou ces modifications seront-elles apportées dans le cadre d’une réforme complète des dispositions applicables aux commissions d’examen, qui sont des structures administratives provinciales?

Me Taylor : La portée de la version initiale du projet de loi englobait principalement les articles 486.4 et 486.5. Il est juste de souligner que l’article 672.501 porte sur les interdictions de publication et qu’il faut assurer une cohérence. Je comprends tout cela. Par contre, le projet de loi a pour objet de modifier les articles 486.4 et 486.5. D’autres dispositions du Code criminel sur les interdictions de publication ne sont pas prises en compte non plus. Nous avons fourni du soutien au gouvernement et donné des conseils au ministère en fonction de la version du projet de loi au moment de son dépôt.

Le sénateur Dalphond : Je comprends que la Cour suprême ne peut statuer sur cette question. En réalité, il s’agit de condamnations, et non pas de personnes qui sont déclarées non coupables parce qu’elles ne pouvaient pas subir de procès.

Me Taylor : À ma connaissance, aucune décision liée à cette disposition n’a été prise par la Cour suprême. Me Wells est notre experte dans le domaine, mais pour revenir sur votre dernier point, le ministère est chargé de conseiller le gouvernement sur cet aspect en l’aidant à examiner les autres liens qui pourraient exister avec les dispositions sur les interdictions de publication contenues dans le Code criminel.

La sénatrice Simons : Les personnes déclarées non criminellement responsables sont-elles inscrites au registre des délinquants sexuels?

Me Wells : Elles sont inscrites dans le registre, sénatrice.

La sénatrice Simons : Elles y sont inscrites même si elles sont déclarées non coupables?

Me Wells : Elles ne sont pas inscrites dans le registre seulement si elles sont déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux.

La sénatrice Simons : Comme l’a dit le sénateur Dalphond, les commissions d’examen en santé mentale sont des tribunaux provinciaux, si je comprends bien. Elles traitent aussi des dossiers médicaux confidentiels. Doit-on tenir compte de cet aspect en examinant l’amendement de la sénatrice Pate?

Me Wells : Je pense que ces éléments devront être explorés. Ce sont des commissions d’examen provinciales, mais qui ont un mandat relatif au droit pénal. Elles se distinguent légèrement d’autres commissions du consentement et de la capacité, par exemple, en Ontario, qui s’occupent de cas relevant des lois provinciales. Il y a plusieurs parallèles à faire, comme Me Taylor l’a mentionné, avec les articles 486.4 et 486.5, mais c’est un domaine unique du droit pénal qui donne lieu à des analyses dont les paramètres peuvent différer.

La sénatrice Simons : Ce point pourra-t-il être traité comme une observation si nous n’adoptons pas l’amendement?

Me Taylor : Seulement à titre de rappel, comme pour les autres dispositions, les interdictions de publication ne se limitent pas au nom des personnes visées par l’interdiction. Elles s’appliquent à tous les renseignements d’identification. Puisque ces informations peuvent inclure des renseignements médicaux, elles entreraient peut-être aussi dans la portée de la disposition.

Le président : Comme personne d’autre ne veut intervenir, j’inviterais les sénateurs à voter sur cette motion. Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion?

Il faudra procéder par appel nominal.

M. Palmer : L’honorable sénateur Cotter?

Le sénateur Cotter : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Busson?

La sénatrice Busson : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement?

La sénatrice Clement : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Non.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis?

La sénatrice Dupuis : Abstention.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénateur Patterson du Nunavut?

Le sénateur D. Patterson : Oui.

M. Palmer : L’honorable sénatrice Simons?

La sénatrice Simons : Abstention.

M. Palmer : Oui, 6; non, 2; abstentions, 2.

Le président : Je déclare que la motion sur l’amendement est adoptée. L’article... Quel était l’article? L’article 32.1...

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence. Merci. Voilà la liste. L’article... Je ne sais pas quel est l’article au juste. L’article 33 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 34 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 35 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Il reste une page. L’article 36 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 37 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 38 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 39 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 40 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 41 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 42 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 43 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 44 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 45 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 46 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 47 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 48 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 49 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le projet de loi modifié est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence. Merci.

Est-il convenu que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter toute modification technique, grammaticale ou autre modification non substantielle nécessaire par suite de l’adoption d’amendements par le comité, y compris la mise à jour des renvois et la renumérotation des dispositions?

Des voix : D’accord.

Le président : Merci.

Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport? La sénatrice Pate propose une observation.

La sénatrice Pate : Oui. Je propose l’observation suivante. Compte tenu de l’importance de veiller à ce que les personnes visées par des interdictions de publication puissent se prévaloir des protections contre la criminalisation et les poursuites pour divulgation d’informations en vertu du projet de loi S-12, le comité exhorte le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour : 1) informer les personnes visées par des interdictions de publication existantes des circonstances dans lesquelles elles sont autorisées à divulguer des informations ainsi que du processus de modification ou de révocation des interdictions de publication et 2) faciliter le retrait des accusations et la radiation des condamnations relatives aux actions historiques qui sont maintenant autorisées en vertu du projet de loi S-12.

Je propose cette observation parce que comme nous l’ont dit plusieurs témoins, certaines circonstances actuelles relatives à des interdictions de publication ne s’appliquent pas rétroactivement. Il est donc important de permettre aux personnes concernées de révéler les informations en question et de présenter une demande pour que des infractions liées à des dispositions qui ont été abrogées depuis soient radiées de leur dossier.

Le président : Avez-vous des commentaires, des points de vue concernant l’observation proposée par la sénatrice Pate?

La sénatrice Batters : Je ne pense pas en avoir une copie.

Le sénateur Dalphond : Oui. À titre de précision — il est tard, et je suis désolé si je n’ai pas compris —, cela s’appliquera uniquement aux personnes qui ont été condamnées pour avoir enfreint une interdiction de publication? Avez-vous une idée du nombre de personnes concernées?

La sénatrice Pate : Nous ne le savons pas. C’est essentiellement aussi pour permettre aux gens de revenir et de dire : « Il y a eu une interdiction de publication. J’aimerais qu’elle soit levée. Je ne savais pas qu’elle pouvait être levée. » Le projet de loi doit comporter un volet relatif à l’éducation du public.

Le sénateur Dalphond : Il faut donc éclairer et faciliter la condamnation et la radiation des condamnations. Vous qualifieriez donc cela d’une sorte de pardon?

La sénatrice Pate : Comme on l’a fait avec d’autres documents historiques.

Le sénateur Dalphond : Parce que c’est ce que nous avons constaté pour la marijuana, par exemple, et d’autres...

La sénatrice Pate : Pour la marijuana.

Le sénateur Dalphond : ... la condamnation dans ce cas-ci n’était pas très efficace.

La sénatrice Pate : Et [Difficultés techniques]... non, je suis d’accord, mais c’est pour que ce soit conforme avec d’autres dispositions qui ont été adoptées.

La sénatrice Simons : J’ai le libellé sous les yeux, mais je tiens à être claire. Certaines des personnes qui ont été condamnées pour avoir enfreint l’interdiction de publication ne sont pas des victimes. Ce sont des organisations médiatiques. Je souscris entièrement à la première partie de l’observation, mais je pense que dans la deuxième partie — les actions historiques qui sont désormais autorisées en vertu du projet de loi S-12 —, il y a bien des actes pour lesquels des personnes ont été condamnées qui ne sont toujours pas autorisés en vertu du projet de loi S-12. Cela vous donne simplement la possibilité de revenir en arrière et de demander la levée d’une interdiction de publication. Je suis un peu mal à l’aise avec la deuxième partie de l’observation, parce que, dans un premier temps, parlons-nous d’effacer toutes les personnes qui ont violé une interdiction de publication ou seulement les victimes? Quelles sont les actions historiques qui sont maintenant autorisées par le projet de loi S-12? Il est toujours interdit de violer une interdiction de publication.

La sénatrice Pate : Non. Mais l’échange d’information avec votre thérapeute et des membres de votre famille et vos amis est maintenant...

La sénatrice Simons : Avec tout le respect que je dois à tout le monde, y compris à Me Taylor, cela n’a jamais été inclus dans les interdictions de publication. Quelqu’un a-t-il déjà été condamné pour avoir communiqué des renseignements sur son agression sexuelle à son thérapeute?

La sénatrice Pate : Oui, avec des membres de leur famille et des amis.

Me Taylor : Je ne connais pas la réponse. Tout ce que je peux dire, c’est que vous avez certainement entendu des témoignages de victimes qui estiment que le statu quo les expose à une éventuelle responsabilité pénale et — donc, certainement, vous avez entendu beaucoup de témoignages sur les différentes circonstances qui entrent en ligne de compte...

La sénatrice Simons : Mais ce n’est pas la même chose que de radier tous les dossiers, et je suppose que les personnes qui ont été condamnées étaient principalement des organisations médiatiques.

Me Taylor : Vous soulevez certainement des questions intéressantes qu’il conviendrait d’explorer parce que, dans les exemples d’infractions pour lesquelles la radiation pourrait être possible aujourd’hui, il peut y avoir des variations et certaines situations où une condamnation historique était appropriée, et d’autres exemples où une condamnation historique, vue sous l’angle de la loi d’aujourd’hui, serait inappropriée. C’est pourquoi le régime législatif permet de prendre ces décisions.

Dans la mesure où la sénatrice Pate propose de revenir en arrière et d’examiner les situations dans lesquelles les victimes ont été poursuivies pour avoir enfreint leur propre interdiction de publication, il faudrait préciser quand ces circonstances seraient appropriées, par exemple lorsque leur infraction n’a pas mené à l’identification d’une autre victime faisant l’objet d’une interdiction de publication. Voilà le genre de questions politiques qu’il conviendrait d’évaluer.

Le président : Puis-je simplement dire que le libellé proposé par la sénatrice Pate concerne le retrait des accusations et la radiation des condamnations pour des actions qui sont maintenant autorisées en vertu du projet de loi S-12, qui se concentre beaucoup sur les victimes, et peut-être dans certains cas sur les témoins, qui sont les personnes auxquelles le projet de loi S-12 offre une plus grande flexibilité pour ce qui est de la divulgation de renseignements au public?

[Français]

La sénatrice Dupuis : Sénatrice Pate, le français devrait être corrigé. Il y a une erreur, mais dans votre point 2, à l’avant‑dernière ligne, est-ce que ce serait possible d’envisager de remplacer « faciliter » par « considérer le retrait »? Avec l’information que nous avons ce soir, est-ce qu’on ne pourrait pas presser le gouvernement de considérer le retrait de la radiation?

[Traduction]

La sénatrice Pate : Suggérez-vous un libellé plus ferme?

[Français]

La sénatrice Dupuis : Non, je suggère d’utiliser « consider » au lieu de « facilitate », parce que le terme « facilitate », entre vous et moi, est aussi extrêmement vague. Je me demandais si vous pouviez considérer de remplacer le mot « facilitate » par « consider withdrawal of charges », et donc de considérer le retrait et la radiation des condamnations relatives.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Le choix de faciliter — je pense que c’était plus actif que ce que vous entendez, c’est-à-dire que ce n’est pas seulement qu’ils l’envisagent, mais qu’ils devraient en fait le faciliter, donc presque une présomption que cela se produirait.

Si cela empêche les gens d’appuyer le libellé, je serais heureux de le modifier.

La sénatrice Batters : Bien entendu, ce n’est pas au gouvernement fédéral d’envisager de retirer ses accusations; ce sont les procureurs provinciaux qui s’en chargeraient.

Le gouvernement fédéral pourrait adopter une loi sur la radiation des condamnations ou quelque chose du genre, comme il l’a fait pour d’autres types d’affaires. Ce n’est pas à eux de retirer leurs accusations.

La sénatrice Busson : La sénatrice Pate envisagerait-elle l’approbation du premier paragraphe mais pas du deuxième?

La sénatrice Pate : Je préférerais que ce soit « envisager ».

Le président : Il serait peut-être approprié, compte tenu de la remarque de la sénatrice Batters, d’utiliser le terme « encourager », car ce sont les procureurs provinciaux qui devront prendre en considération cette question.

La sénatrice Pate : Je n’y vois pas d’objection.

Le président : C’est un libellé édulcoré et peu convaincant, mais il est probablement plus approprié sur le plan des compétences.

Permettez-moi de considérer qu’il s’agit d’un amendement favorable et de nous inviter à examiner si nous sommes favorables à l’adoption de cette observation qui sera annexée à notre rapport.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Puis-je demander que la version française dise plutôt, à la première ligne, que l’on doit tenir compte de l’importance s’assurer que les personnes qui « font l’objet » d’une interdiction de publication... Ce ne sont pas les personnes « visées », mais celles qui « font l’objet » d’une interdiction de publication. Merci.

[Traduction]

Le président : Nous vous invitons à utiliser un libellé grammatical ou adapté. Si vous avez une phrase qui va dans le même ordre d’idées, sénatrice Dupuis, elle serait bien accueillie.

Puis-je demander à nouveau si nous sommes favorables à ce que l’observation soit annexée à notre rapport au Sénat?

Des voix : D’accord.

Le président : C’est adopté.

Êtes-vous d’accord que je fasse rapport du projet de loi modifié avec cette observation au Sénat?

Des voix : D’accord.

Le président : Voilà qui conclut nos délibérations sur le projet de loi et l’étude article par article.

Avant de partir, je tiens à vous remercier de cette course d’endurance de chacun de vous et de la façon dont vous vous êtes engagés. Je tiens plus particulièrement à remercier nos témoins, si nous pouvons les appeler ainsi, Me Wells et Me Taylor, d’avoir enduré nos engagements énergiques avec vous — je pense à certains moments —, ainsi que de votre patience jusqu’à ce que nous arrivions aux parties du projet de loi qui étaient les mieux connues de votre part.

Je tiens à remercier tous les professionnels et le personnel de soutien qui nous ont aidés durant ces trois heures et demie de délibérations. Ce travail a été précieux.

Je veux remercier le sénateur Boisvenu, qui est le porte-parole de l’opposition au sujet du projet de loi, et la sénatrice Busson, qui est la marraine du projet de loi, de nous avoir guidés durant ces délibérations avec le professionnalisme qui les caractérise.

Je veux maintenant inviter le sénateur Dalphond à intervenir.

Le sénateur Dalphond : Pour conclure sur vos remerciements, monsieur le président, je voudrais vous remercier de votre patience et de la façon dont vous avez dirigé les travaux ici. Je vous ai interrompu une fois et je m’en excuse. Je dois dire que vous avez été un très bon président malgré la réunion de près de quatre heures. Merci, monsieur le président.

Le président : Vous avez certainement été notre sénateur le plus difficile, sénateur Dalphond.

Je sais que je ne suis probablement pas censé faire cela : M. Palmer a signalé que cette réunion pourrait bien être sa dernière en tant que greffier de notre comité. Nous y travaillerons. D’autres occasions et d’autres exigences pourraient l’amener à nous quitter.

Il nous dit, bien que ce soit un peu contradictoire avec sa volonté manifeste de quitter le comité, que c’est son comité préféré. Nous l’interrogerons lorsque l’occasion se présentera.

Il n’est pas prévu que nous nous réunissions encore cette semaine. Si nous présumons qu’il s’agit de la dernière semaine de délibérations du Sénat, nous ne reprendrons nos travaux qu’en septembre. Je tiens à souhaiter aux membres du comité la meilleure des chances jusqu’à ce que nous reprenions nos délibérations en septembre.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Puis-je proposer que le comité remercie le greffier, Mark Palmer, de ses services, de son soutien et de tous les échanges avec nos bureaux? Je le remercie beaucoup.

[Traduction]

Le président : Je partage ce sentiment. Je dois également dire que ce sera gênant s’il se présente en septembre. Sur ce, nous sommes prêts à lever la séance. Je vous remercie encore une fois.

(La séance est levée.)

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