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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 18 octobre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), pour l’étude du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution).

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, nous nous réunissons afin d’entamer l’étude article par article du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution).

Nous sommes accompagnés aujourd’hui, comme c’est souvent le cas, de fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada, qui répondront à toute question d’ordre technique, et j’aimerais maintenant les présenter : Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal; Me Chelsea Moore, conseillère juridique, Section de la politique en matière de droit pénal; et Me Shannon Davis-Ermuth, avocate-conseil et gestionnaire, Section de la politique en matière de droit pénal.

Merci encore une fois de vous joindre à nous pour l’étude article par article.

Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs que, s’ils ne savent pas où nous en sommes dans le processus, ils peuvent demander des précisions. N’hésitez pas à m’interrompre. Je pense que nous voulons tous nous assurer que nous comprenons toujours où nous nous situons.

Ensuite, en ce qui concerne la mécanique du processus, lorsque plus d’un amendement est proposé pour un article, les amendements sont généralement proposés dans l’ordre des lignes de l’article, même si, lorsque nous en viendrons à une série d’amendements, avec votre permission, je demanderai un petit changement dans cet ordre. Si un sénateur s’oppose à un article entier, le processus approprié consiste non pas à proposer une motion pour supprimer l’article en entier, mais à voter contre l’article en tant que partie intégrante du projet de loi.

Certains amendements qui sont proposés peuvent avoir des effets corrélatifs sur d’autres parties du projet de loi. Il est donc utile pour le processus que le sénateur qui propose un amendement indique au comité d’autres articles de projet de loi où cet amendement pourrait avoir un tel effet. Autrement, il pourrait être difficile pour les membres du comité de rester cohérents dans leurs décisions. Cela demande donc un peu au leader d’un amendement d’assurer la coordination qui nous éclairera tous. Comme aucun avis n’est requis afin de proposer des amendements, il peut, bien sûr, n’y avoir eu aucune analyse préliminaire des amendements pour établir lesquels peuvent avoir des conséquences pour d’autres et lesquels peuvent être contradictoires.

Avec une réserve concernant cette observation, un amendement proposé par le sénateur Dalphond et un amendement proposé par la sénatrice Clement couvrent le même territoire. J’ai proposé, avec l’accord de la sénatrice Clement et du sénateur Dalphond, de commencer par l’amendement de la sénatrice Clement lorsque nous en viendrons à cette partie de l’étude article par article.

Si les membres du comité ont une question au sujet du processus ou de la légitimité de quoi que ce soit, ils peuvent invoquer le Règlement. En tant que président, j’écouterai l’argument, je déciderai si la discussion a été suffisante et je rendrai une décision. Le comité est le maître ultime de ses travaux dans les limites établies par le Sénat, et il est possible de porter en appel une décision devant le comité plénier en demandant si la décision doit être maintenue.

Je tiens à rappeler aux sénateurs que, en cas d’incertitude quant aux résultats d’un vote par oui ou par non ou d’un vote à main levée, la façon la plus efficace de procéder est de demander un vote par appel nominal — ce qui, de toute évidence, donne des résultats sans ambiguïté — et le greffier procédera alors à un appel nominal.

Enfin, les sénateurs savent, je crois, que toute égalité des voix annule la motion en question.

Avez-vous des questions à ce sujet, chers collègues?

La sénatrice Batters : Pas à ce sujet, mais j’ai un commentaire par rapport à une autre question. Je ne suis pas sûre de savoir, monsieur le président, à quel moment vous aimeriez que j’en parle. Je ne veux pas me retrouver dans une situation où nous sommes déjà en train d’effectuer l’étude article par article et où je serais alors incapable de le faire jusqu’à la fin.

Le président : Pourriez-vous nous donner un petit aperçu de ce dont il s’agit?

La sénatrice Batters : Oui, je veux soulever le fait que nous venons enfin seulement de recevoir dimanche, il y a quelques jours, l’ACS Plus. Aimeriez-vous que je soulève ce point maintenant?

Le président : J’ai l’impression que vous voudrez peut-être en parler. Proposez-vous que, pour cette raison, nous ne procédions pas à l’étude article par article aujourd’hui?

La sénatrice Batters : Non, je veux simplement faire une remarque. Ce problème est survenu fréquemment avec les projets de loi du gouvernement, récemment avec les analyses de l’ACS Plus, et en particulier avec l’analyse du présent projet de loi.

Je ne voulais pas me retrouver dans une situation comme la dernière fois, où nous n’avons pas eu de discussion sur une question plus générale concernant le projet de loi avant qu’il ne soit déjà adopté.

Le président : Si vous voulez faire une intervention succincte, ce serait un bon moment.

La sénatrice Batters : C’est très court.

Le président : À vrai dire, je pense que bon nombre de membres du comité partagent le point de vue que vous soulevez, donc, sénatrice Batters, vous avez la parole.

La sénatrice Batters : Je tiens à souligner que le ministre de la Justice a présenté ce projet de loi, le projet de loi C-48, au début du mois de juin à la Chambre des communes, et que le ministre Virani, qui n’était pas le ministre original de la Justice, mais qui occupe son portefeuille depuis un certain temps déjà, a comparu devant notre comité il y a trois semaines.

Lors de cette comparution, je lui ai demandé « Où se trouve votre ACS Plus? », et il a répondu « Oh, vous la recevrez tout de suite. Nous devons simplement caviarder certaines choses », réponse que j’ai trouvée assez intéressante.

Cela semblait être quelque chose qui serait très rapide. Cependant, nous ne l’avons reçue que dimanche dernier, il y a quelques jours à peine. Et ce, après que nous avons entendu tous les témoins s’exprimer sur cette question particulière et près de trois semaines après que le ministre de la Justice a comparu devant notre comité et donné l’impression que nous la recevrions de façon imminente.

Ce n’est pas acceptable. C’est quelque chose qui continue de se produire avec ce gouvernement dans le cadre des projets de loi du gouvernement. Nous soulignons aujourd’hui la Journée de l’affaire « personne », donc je pense que ce point mérite d’être soulevé. Voici un gouvernement qui prétend être féministe, et c’est lui qui a mis en place les documents de l’analyse comparative entre les sexes plus. Il dit qu’ils sont importants, mais ses actions ne le montrent pas vraiment.

À la lecture de cette ACS Plus, je constate que j’aurais vraiment aimé disposer de ces renseignements pour interroger le ministre et certains des témoins que nous avons entendus. Elle contient des renseignements assez importants au sujet desquels j’aurais aimé interroger certains témoins, en particulier sur les taux de victimisation violente chez les femmes.

Je soulève ce point parce que, encore une fois, c’est une question qui revient constamment. Nous devons recevoir ces documents. Il s’agit d’un projet de loi qui a été adopté depuis longtemps à la Chambre des communes, et pourtant nous ne les recevons pas. Nous devons recevoir ce type d’information lorsque nous examinons ces projets de loi.

Le président : Merci, sénatrice Batters. Sénatrice Jaffer, voulez-vous commenter brièvement ce point?

La sénatrice Jaffer : Je souscris entièrement à ce qu’a dit la sénatrice Batters. Nous avons toujours insisté pour que l’évaluation nous soit remise le plus tôt possible, dans l’espoir de nous trouver dans une meilleure posture avant que le ministre ne prenne la parole. Recevoir ce document lorsque nous ne pouvons même pas poser de questions à qui que ce soit... Je sais que les représentants sont ici et que nous pourrions leur poser la question, mais je ne pense pas que ce soit le temps de le faire.

Pendant que les fonctionnaires de la Justice siègent ici, puis-je demander que, la prochaine fois, nous ne procédions pas en l’absence du document? C’est devenu quelque chose que nous attendons tout le temps. Nous ne devrions tout simplement pas aller de l’avant si nous n’avons pas les évaluations de l’ACS Plus sous les yeux.

Le président : Je pense que nous pouvons transmettre un message au ministre par l’entremise de Me Taylor, mais avant de le faire, la sénatrice Dupuis veut s’exprimer sur ce point.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je propose que l’intervention faite par les sénatrices Batters et Jaffer fasse l’objet d’une observation qu’on va ajouter au rapport de ce comité.

Je pense que cela fait plusieurs fois, je dirais même plusieurs années, que nous demandons systématiquement à chaque titulaire du ministère de la Justice du Canada d’obtenir l’analyse comparative entre les sexes plus pour chacun des projets de loi déposés devant ce comité.

De toute évidence, on n’a pas été assez convaincant, et je considère que cela ne relève pas du caprice d’une sénatrice ou d’un autre sénateur. Nous devons, de manière institutionnelle, inscrire qu’on s’attend, comme comité, à ce que les représentants du gouvernement qui viennent ici, que ce soit le ministre ou ses délégués, nous aient d’abord déposé ce document pour notre étude afin qu’on puisse faire une étude complète de chacun des projets de loi.

[Traduction]

Le président : Nous pourrions facilement donner suite à cette suggestion lorsque nous en viendrons aux observations. Peut-être que quelqu’un doué pour la prose pourrait rédiger quelques phrases que nous pourrions examiner à la fin de note étude article par article.

Des voix : D’accord.

Le président : Avant de passer à l’étude article par article, j’inviterais les sénateurs à se présenter à notre vaste public.

La sénatrice Batters : Sénatrice Denise Batters de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, division sénatoriale De la Salle, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Sénateur Pierre Dalphond, division sénatoriale De Lorimier, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bonsoir. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, territoire visé par le Traité no 4.

[Français]

Le sénateur Gold : Sénateur Marc Gold, division sénatoriale de Stadacona, au Québec.

La sénatrice Clement : Sénatrice Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 6.

La sénatrice Pate : Kim Pate. Je vis ici sur le territoire non cédé et non abandonné des Algonquins Anishinaabeg.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice indépendante, division sénatoriale des Laurentides, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

Le président : Je suis Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan et président du comité. Je tiens à souligner que le sénateur Boisvenu est le vice-président du comité, et le sénateur Gold est le parrain du projet de loi au Sénat.

Êtes-vous d’accord pour que nous passions à l’étude article par article? Je veux poser la première question. Êtes-vous d’accord pour que nous passions à l’étude article par article du projet de loi C-48?

Des voix : D’accord.

Le président : L’étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D’accord.

Le président : L’étude du préambule est-elle reportée?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 1 est-il adopté? Je pense, sénatrice Clement, que vous avez proposé un amendement.

La sénatrice Clement : C’est le cas.

Le président : Pourriez-vous lire l’amendement à nos collègues?

La sénatrice Clement : Oui. Bonjour, chers collègues.

Je propose :

Que le projet de loi C-48 soit modifié à l’article 1 :

a) à la page 2, par substitution, aux lignes 36 et 37, de ce qui suit :

« (4) Le paragraphe 515(6) est modifié par adjonction, après l’alinéa b.1), de ce qui suit : »;

b) à la page 3, par suppression des lignes 1 à 6.

Cela concerne l’inversion du fardeau de la preuve. Avant d’entrer dans le détail des raisons pour lesquelles nous proposons cet amendement... et je dis « nous », parce que j’ai travaillé en étroite collaboration avec les intervenants sur ces amendements, notamment Shakir Rahim de l’Association canadienne des libertés civiles et l’avocate de la défense Theresa Donkor de l’Association des avocats noirs du Canada. Ils ont tous les deux présenté un témoignage et des renseignements au comité.

Les tragédies sont très nombreuses, et les gouvernements et les sociétés veulent et doivent réagir. Nous réagissons souvent en apportant des modifications aux lois. Cependant, nous devons nous rappeler que les solutions doivent venir de différentes façons et de différents endroits. Ce n’est pas un monde binaire en noir et blanc. Il faut rechercher la nuance et l’équilibre. Les modifications de la législation doivent être fondées sur des preuves solides, comme l’ont clairement mentionné les témoins et comme cela est écrit, en particulier, dans le mémoire de l’Association du Barreau canadien.

Il s’agit de « l’absolution » et de l’ajout du mot « absolution » à la discussion. Le paragraphe b.1) original... C’est ainsi que nous voulons qu’il soit toujours libellé. Nous ne voulons pas ajouter le mot « absolution ». De nombreux témoins ont comparu devant notre comité et exprimé leurs préoccupations par rapport à l’introduction par le projet de loi C-48 d’une disposition d’inversion du fardeau de la preuve concernant une absolution antérieure pour violence envers les partenaires intimes. De nombreux témoins ont comparu : Emilie Coyle, de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry; Michael Spratt; Catherine Latimer, de la Société John Howard du Canada; Danardo Jones, professeur à l’Université Windsor; ainsi que Shakir Rahim et Theresa Donkor.

C’est la première fois qu’une disposition d’inversion du fardeau de la preuve s’applique à une personne qui n’est visée que par une absolution. En vertu de l’article 730 du Code criminel, une absolution est un type de peine qui peut être ordonné après qu’une personne accusée a plaidé coupable ou a été reconnue coupable d’un crime. Une absolution n’équivaut pas à une condamnation. En fait, une absolution inconditionnelle n’apparaîtra pas dans un casier judiciaire après un an. De même, si un délinquant se conforme à toutes ses obligations, une absolution sous conditions ne figurera pas sur un casier judiciaire après trois ans.

Melanie Webb, avocate et secrétaire de l’Association du Barreau canadien, Section du droit pénal, a dit ceci :

Les absolutions sont généralement accordées aux délinquants primaires, et cela nécessite beaucoup de travail préparatoire. Ce n’est pas une chose qui est accordée à la légère.

L’un des objectifs du projet de loi C-48 est de promouvoir la sécurité publique. Toutefois, cette disposition, comme de nombreuses autres dans le projet de loi, aura l’effet contraire. Kat Owens, directrice de projet du Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes, dit que « ... le projet de loi C-48 n’apportera pas plus de sécurité aux survivantes de la violence entre partenaires intimes ». Elle dit que, au contraire, en raison du chevauchement entre les auteurs de la violence et les victimes de la violence conjugale, il est probable que cela augmente la criminalisation des femmes noires et autochtones, qui sont plus susceptibles d’être victimes de violence conjugale.

En effet, Christa Big Canoe, de l’Association du Barreau autochtone du Canada, a souligné que la double inculpation est un problème important pour les femmes autochtones, et les témoins du gouvernement et de la police ont reconnu ce fait.

Dans le cas où une personne reçoit une absolution pour une infraction relativement mineure ou plaide coupable pour sortir de prison, elle devient une récidiviste qui se voit désormais imposer l’inversion du fardeau de la preuve. Cependant, il est clair qu’elle ne présente pas le schéma de danger que le projet de loi tente d’aborder. De telles modifications législatives du système de mise en liberté sous caution ne s’attaquent pas aux causes profondes de la violence fondée sur le sexe. Au lieu de cela, la détention éloigne les personnes de leur collectivité et les prive d’importants systèmes de soutien. Cela n’apporte à personne plus de sécurité.

La nécessité d’apporter des changements non législatifs, comme l’accès à un logement durable et à des services de soutien en santé mentale et en toxicomanie, notamment, a été reprise par de nombreux témoins, des organismes qui travaillent directement avec les victimes, comme la Société Elizabeth Fry et la Barbra Schlifer Commemorative Clinic. Les mémoires abondent dans ce sens, notamment celui de l’Association du Barreau canadien.

C’étaient mes commentaires à l’appui de l’amendement.

Le président : Merci, sénatrice Clement. Je vais maintenant inviter le sénateur Gold, en tant que parrain du projet de loi, à présenter des perspectives, s’il le souhaite.

Le sénateur Gold : Merci, sénatrice Clement, d’avoir proposé l’amendement et de votre raisonnement réfléchi.

Le gouvernement n’est pas favorable à l’amendement, comme vous le savez d’après nos audiences. Toutefois, il convient que nous devrions être vraiment attentifs dès que nous adoptons toute mesure qui rend la mise en liberté sous caution plus difficile d’accès, même dans des circonstances très précises, du moins selon la lecture que fait le gouvernement du projet de loi C-48. Il est toujours nécessaire d’équilibrer les préoccupations concurrentes et de garder les gens — et principalement les femmes — à l’abri de la violence conjugale. Il s’agit d’un objectif législatif essentiel et valide.

Même s’il est vrai qu’une absolution est un terme juridique, il s’agit d’un verdict de culpabilité. Je pense qu’il est important que les Canadiens le comprennent. Je veux dire... une personne qui reçoit une absolution pour violence envers les partenaires intimes a commis de la violence envers les partenaires intimes. Les tribunaux, comme nous le savons et comme nous l’avons entendu dans nos témoignages, peuvent accorder une absolution pour une panoplie de motifs, y compris, par exemple, pour donner une deuxième chance à un délinquant primaire. Il ne fait aucun doute que cela se produit, et à juste titre, surtout si le risque est faible.

Cependant, si une personne se retrouve à nouveau devant les tribunaux pour des accusations similaires, le verdict de culpabilité antérieur est pertinent. C’est un élément d’information pertinent, et c’est particulièrement vrai, nous dit‑on, en ce qui concerne la violence envers les partenaires intimes, car — comme nous l’avons entendu au cours de notre étude — les cas de cette infraction ne sont souvent portés à l’attention du système judiciaire qu’après, malheureusement, qu’elle s’est produite plus d’une fois dans une relation. C’est souvent la pointe de l’iceberg. Donc, parfois, lorsque les tribunaux sont en cause, la violence dure depuis longtemps. On nous a également dit qu’une fois les accusations portées, le risque de violence peut souvent augmenter pour cette seule raison.

Les membres du comité se rappelleront que, dans le mémoire qui soutenait le projet de loi C-48, l’Association des femmes autochtones du Canada nous a dit ceci :

[...] il est essentiel d’établir un équilibre entre la réduction de l’incarcération excessive des femmes autochtones et la protection des femmes autochtones victimes de violence de la part d’un partenaire intime [...]

On a également fait remarquer que les femmes autochtones et les personnes de diverses identités de genre connaissent des taux disproportionnés de violence entre partenaires intimes et, encore une fois, je cite leur mémoire : « il est important de les protéger de leurs agresseurs entre le moment où les accusations sont portées et l’audience ».

Je suis heureux, sénatrice Clement, que vous mettiez l’accent sur la politique et non pas sur la constitutionnalité. Nous avons entendu M. Jones faire allusion à cette question. Le gouvernement est d’avis que, quoi que l’on puisse dire d’autre au sujet du bien-fondé de la politique qui sous-tend le projet de loi, il n’y a pas de cas évident d’inconstitutionnalité. Le projet de loi a été étroitement défini — pour certains, il est trop étroit — et le gouvernement est d’avis qu’il s’inscrit dans le cadre établi par la Cour suprême lorsqu’elle a confirmé la constitutionnalité de l’inversion du fardeau de la preuve.

Enfin, comme nous l’avons également entendu dire — et encore une fois, cela a été à la fois une force et une faiblesse, selon les différents témoins — le pouvoir discrétionnaire judiciaire est maintenu. Cette disposition ne lie pas les mains des juges. Ils maintiennent le pouvoir discrétionnaire de soupeser tous les facteurs pertinents pour accorder ou refuser la mise en liberté sous caution comme ils l’entendent.

Nous ne parlons que de modifier le point de départ, le début. Il s’agit de savoir qui parle en premier, comme un témoin nous l’a dit très clairement, je crois. Nous ne dictons pas la façon dont la conversation se termine ni la décision.

C’est un petit recalibrage qui ne concerne que les cas où la personne accusée a des antécédents de violence entre partenaires intimes, dont les détails seraient connus lors de l’audience relative à la mise en liberté sous caution. C’est pour ces raisons que le gouvernement n’est pas favorable à l’amendement.

Je vous remercie néanmoins de l’avoir proposé.

La sénatrice Jaffer : Merci, sénatrice Clement, d’avoir proposé cet amendement.

Sénateur Gold, si je peux me permettre, j’ai un problème — avec le plus grand respect pour ce que vous avez dit — lorsque les juges sont au courant de la récidive de la violence.

Je ne pense pas qu’il devrait y avoir d’absolution. Nous parlons d’absolutions antérieures, mais je pense que le juge maintient un pouvoir discrétionnaire à cet égard. Une absolution est quelque chose de très spécial et, comme nous avons entendu de nombreux témoins le dire, elle n’est proposée qu’au terme d’un grand exercice discrétionnaire. La plupart du temps, il s’agit d’une audience plus importante qu’une audience de détermination de la peine, d’après mon expérience passée.

Je ne crois pas que cela arrive lorsqu’il y a des antécédents de violence. Assurément, d’après mon expérience... et je pense que personne ici ne peut dire que s’il y a des antécédents de violence, une personne recevra une absolution.

Mon autre question à ce sujet porte sur la double inculpation. Cela me préoccupe vraiment, parce que très souvent, les Autochtones, surtout les femmes, finissent en prison. Nous savons que le segment de la population carcérale qui croît le plus rapidement est celui des femmes autochtones. Je pense que c’est le bon type d’amendement.

La sénatrice Batters : Je ne suis pas non plus favorable à l’amendement. Comme le sénateur Gold le disait, avec une absolution, il y a tout de même un verdict de culpabilité pour l’infraction criminelle. Il s’agit souvent d’affaires très sérieuses qui ont révélé un certain nombre d’antécédents. C’est peut-être la première fois que des accusations criminelles sont portées, mais souvent, malheureusement, comme nous le savons, les femmes dans ce type d’affaires ont souffert pendant de nombreuses années aux mains de ces personnes violentes, souvent des hommes.

Une absolution ne signifie pas nécessairement une absolution inconditionnelle. Il peut également s’agir d’une absolution sous conditions. Des conditions assez importantes peuvent être imposées dans ces situations.

Je tiens à souligner que parfois, une absolution est donnée par un tribunal pour une affaire s’il pense que... Par exemple, si une personne a simplement été reconnue coupable d’une affaire et qu’elle est peut-être très connue, le fait qu’elle ait reçu une grande attention médiatique ou publique en raison de son verdict de culpabilité a très souvent entraîné une absolution inconditionnelle ou sous conditions si l’on estime que, en soi, cela a eu un effet dissuasif important sur sa récidive ou quelque chose de ce genre.

Ce sont souvent les types de questions qui peuvent entraîner une absolution, qu’elle soit inconditionnelle ou sous conditions. Je pense que c’est devenu une épidémie dans notre pays. Je sais que les Canadiens veulent voir un système de réforme de la mise en liberté sous caution beaucoup plus important que ce que prévoit le projet de loi C-48. Je ne veux certainement rien faire qui rendrait le projet de loi encore moins important qu’il ne l’est, parce que je trouve qu’il n’est déjà pas suffisant. Je ne veux pas l’affaiblir encore plus que ce qui existe actuellement.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je ne le dis pas souvent, mais je suis d’accord avec le sénateur Gold, sauf sur un point. Ce projet de loi devrait aller plus loin. Il devrait inclure tout agresseur qui a commis un acte de violence à l’égard de femmes, pas seulement avec une arme à feu, mais aussi avec d’autres types d’armes.

Il n’est pas tout à fait vrai que ceux qui obtiennent un pardon sont des personnes qui ont commis des crimes moins violents. J’aimerais vous rappeler le cas de Christine St-Onge, qui se trouvait au Mexique en 2018. Cette dernière a été assassinée par son conjoint Pierre Bergeron, qui avait reçu une absolution en 2017. Il y a des cas de violence extrême, même pour ceux qui ont obtenu un pardon.

Mon dernier argument, c’est qu’il ne faut pas oublier que le Sénat a adopté le projet de loi S-205, dans lequel il y a le même article que celui qu’on veut exclure de ce projet de loi. Il faudrait être conséquent avec les décisions déjà prises par le Sénat.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Je veux commencer par poser une question à Me Taylor.

Si l’amendement de la sénatrice Clement était adopté, cela ne signifierait pas que les juges ne pourraient pas examiner s’il y a eu une absolution, n’est-ce pas?

Me Chelsea Moore, conseillère juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Oui, c’est tout à fait exact. Si l’absolution est présentée au tribunal, la Couronne pourrait facilement faire valoir de toute façon que l’absolution serait très probante et pertinente pour déterminer la décision que doit prendre le greffier chargé de la mise en liberté sous caution.

La sénatrice Simons : Il n’y a rien dans l’amendement qui empêche un juge de prendre cela en considération; il s’agit simplement de savoir si cela créerait une inversion du fardeau de la preuve, n’est-ce pas?

Me Moore : C’est exact.

La sénatrice Simons : Et selon vous, une inversion du fardeau de la preuve serait-elle quelque chose d’aussi simple que le fait de savoir qui parle en premier?

Me Moore : Dans une situation d’inversion du fardeau de la preuve, oui, la personne qui parle en premier change, bien sûr. Il y a une certaine attente que plus de renseignements seraient présentés au tribunal dans une situation d’inversion du fardeau de la preuve pour ce qui est des risques particuliers que présente la personne accusée. Ces renseignements proviendraient de la Couronne. Le tribunal des cautionnements pourrait demander plus de renseignements à la Couronne, par exemple l’historique de la relation entre la victime et l’accusé, ou cela pourrait également provenir de l’accusé, qui pourrait se sentir obligé de témoigner devant le tribunal à ce sujet.

La sénatrice Simons : Ils pourraient se sentir beaucoup plus obligés de témoigner parce que le fardeau de la preuve leur incomberait, à la suite du renversement de milliers d’années de la façon dont notre droit commun fonctionne.

Il me semble un peu méprisant de dire qu’il s’agit simplement de savoir qui a la parole en premier. Si ce n’était que cela, les gens ne plaideraient pas en faveur de ce changement, n’est-ce pas? Je présume que cela rend la mise en liberté sous caution plus difficile. C’est l’intention du projet de loi : rendre la mise en liberté sous caution plus difficile pour certaines catégories de personnes.

Me Moore : L’intention est de rendre plus difficile pour l’accusé d’obtenir une mise en liberté sous caution dans certaines circonstances.

La sénatrice Simons : C’est pourquoi nous serons favorables à l’amendement de la sénatrice Clement. Rien dans cet amendement n’empêche un tribunal, un juge de paix ou un juge de tenir compte des circonstances qui sous-tendent l’absolution. Les événements qui ont donné lieu à la perpétration de l’acte criminel, à la condamnation et à l’absolution seraient tous à la disposition du juge pour qu’il en tienne compte. Mais nous n’imposerions pas le fardeau extraordinaire de l’inversion du fardeau de la preuve à quelqu’un dont la seule condamnation antérieure a fait l’objet d’une absolution. Il me semble qu’il s’agit d’un compromis équitable, et j’appuierai l’amendement de la sénatrice Clement.

Le sénateur Dalphond : D’abord, j’ai une question pour les fonctionnaires.

Pourriez-vous nous rappeler les critères applicables à un juge qui pourrait envisager d’accorder une absolution après un verdict de culpabilité? Je pense que les gens ne comprennent peut-être pas que vous devez d’abord être reconnu coupable avant que nous puissions passer à la prochaine étape de l’absolution.

Me Moore : Merci. Une chose que j’aimerais clarifier avant de parler des absolutions est que l’accusé devrait être reconnu coupable en vue d’une absolution et recevoir une nouvelle accusation pour une infraction supposant de la violence envers son partenaire intime.

En ce qui concerne le critère pour être admissible à une absolution, comme je l’ai dit précédemment, il s’agit de savoir si cela serait ou non contraire à l’intérêt public. Les tribunaux ont tenu compte de facteurs comme la nature et la gravité de l’infraction et le fait de savoir si l’infraction commise était le résultat d’une impulsion ou était calculée, par exemple.

Certains tribunaux ont souligné que, avec l’augmentation de la prévalence des tribunaux spécialisés — comme les tribunaux de traitement de la toxicomanie, de la violence familiale et de la santé mentale —, les absolutions sont maintenant possibles même dans les cas de violence importante ou de violence prolongée, lorsqu’un accusé a, par exemple, suivi un traitement ou des cours de maîtrise de la colère contre l’octroi de l’absolution.

Il y a un éventail de comportements qui pourraient amener l’accusé à obtenir une absolution pour un cas de violence entre partenaires intimes. D’après un examen de certains des cas les plus récents, on pourrait accorder une absolution pour avoir bousculé ou frappé une victime, ce qui l’aurait rendue inconsciente ou pour avoir menacé de tuer la victime. Des absolutions ont également été accordées dans les cas de voies de fait plus graves et prolongées, où la victime a été battue ou traînée, ou lorsqu’une femme enceinte a été battue ou qu’il y a eu des agressions répétées pendant plusieurs années.

Les tribunaux ont examiné des facteurs, notamment le fait que l’accusé ait exprimé des remords, s’il semble s’agir d’un incident isolé, si la victime souhaite se réconcilier avec le prévenu — c’est souvent un facteur pour accorder l’absolution — ou si le prévenu s’est soumis, comme je l’ai dit, à des programmes de traitement ou de maîtrise de la colère.

Toutefois, lorsque des absolutions sont accordées dans des cas de violence contre un partenaire intime, les tribunaux imposent le plus souvent une absolution sous conditions avec une période de probation allant approximativement de 12 mois à trois ans. D’après l’étude que nous avons effectuée, les absolutions inconditionnelles sont extrêmement rares en cas de violence contre un partenaire intime.

Le sénateur Dalphond : Ainsi, la disposition actuelle du projet de loi tel que proposé couvrira ceux qui sont condamnés ou ceux qui sont absous inconditionnellement ou sous conditions.

Me Moore : Exactement.

Le sénateur Dalphond : Si une personne est absoute sous conditions et doit suivre un certain type de thérapie pendant 18 mois, et cetera, mais qu’elle commet un autre incident de violence familiale dans les six mois, si nous supprimons le mot « absous », je suppose que cette personne ne répondra pas aux critères voulant qu’elle soit condamnée.

Me Moore : Pour avoir une absolution, oui, c’est exact. Mais comme je l’ai dit plus tôt, l’information pourrait également être à la disposition du tribunal, qu’il y ait ou non inversion du fardeau de la preuve.

Le sénateur Dalphond : Je comprends que le but du projet de loi — il a été rédigé et adopté de manière assez expéditive — était d’envoyer un message puissant à la société. Le message ici est que, si vous obtenez cette absolution, vous bénéficierez d’une certaine clémence de la part du système parce que vous avez été déclaré coupable en premier. Mais plutôt que de vous envoyer en prison, nous allons vous imposer une absolution sous conditions ou inconditionnelle, au mieux. Si vous êtes à nouveau accusé, vous montrez que le système a commis une erreur lors de l’évaluation du cas. Le message est que, si vous obtenez une absolution ici, vous feriez mieux de bien vous comporter, car la prochaine fois que vous reviendrez devant le tribunal, il vous incombera de montrer au juge que vous devriez être libéré sous caution, sinon vous devriez rester en dedans.

Me Moore : Je pense que l’intention de la mise en liberté sous caution est non pas de punir les personnes accusées pour des incidents, des condamnations ou des absolutions antérieurs, mais d’évaluer leur niveau de risque de récidive si elles sont libérées. Dans le contexte de la violence contre un partenaire intime, le risque de récidive pourrait être élevé si le prévenu a des antécédents de violence. L’objectif ici est d’évaluer s’il existe un risque élevé de récidive et de signaler au tribunal d’examiner ces cas de plus près.

Le sénateur Dalphond : Merci.

Le président : Merci, sénateur Dalphond. Je pense que vous avez presque convaincu Me Moore de votre point de vue.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup. J’appuierai cet amendement, mais je ressens le besoin de préciser que l’amendement est présenté et que cette discussion a lieu en partie parce que, trop souvent, la violence contre un partenaire intime, la violence contre les femmes, est utilisée comme excuse pour intensifier les réponses du système de justice pénale. Il est rare que ce soit des Autochtones, des Noirs ou d’autres personnes marginalisées qui se retrouvent devant notre système et qui aient accès aux absolutions. Je ne suis pas certaine que cela fera une grande différence pour les personnes dont beaucoup d’entre nous se préoccupent, mais cela ne veut pas dire que je ne l’appuie pas. Je pense qu’en principe nous devrions appuyer l’amendement.

Cependant, il est important de préciser que l’une des raisons pour lesquelles nous constatons une augmentation de ces problèmes tient en partie au fait que nous ne les prenons pas au sérieux en vue d’empêcher que la violence ne se produise. Nous sommes heureux de continuer à étoffer davantage le système de justice pénale, en ajoutant des éléments plus longs et davantage punitifs, mais nous n’abordons pas nécessairement les enjeux qui permettraient aux gens d’y échapper, qu’ils soient victimisés ou criminalisés.

Nous devons reconnaître que les personnes qui obtiennent une absolution sont généralement celles qui disposent de toute une ribambelle d’avocats, d’une équipe qui peut les aider à faire valoir leurs arguments. Ce ne sont pas les gens qui comparaissent souvent devant les tribunaux qui seront les plus touchés par le projet de loi.

Le président : D’accord. Merci, sénatrice Pate.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je pense que j’avais une question pour les représentants du ministère de la Justice. Est-ce qu’au départ, l’alinéa b.1), tel qu’il apparaît dans le projet de loi C-48, est bien un article qui n’a pas fait l’objet de consultations, soit par les fonctionnaires, soit par le ministre de la Justice? Si je me rappelle bien le témoignage de la comparution du ministre, il avait insisté sur le fait que la majeure partie de ce projet de loi était le résultat de discussions très extensives et complètes avec les provinces et les territoires, que cette partie avait été ajoutée et qu’il n’avait pas eu le temps, pour les raisons X, Y ou Z, de faire l’objet de consultations. Est-ce que je me rappelle bien ce qui nous a été dit?

[Traduction]

Me Moore : En ce qui concerne les consultations des fonctionnaires avec les provinces et les territoires, des consultations approfondies ont été menées auprès des provinces et des territoires.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Toutefois, pas en ce qui concerne b.1)?

[Traduction]

Me Moore : Oui. Désolée, b.1), c’est cela...

[Français]

La sénatrice Dupuis : Parfait, c’est ce que je voulais savoir. Merci.

Les organismes qui représentent les victimes ont-ils été consultés par le ministère?

Me Moore : Nous n’avons pas consulté ces groupes nous‑mêmes, c’est difficile pour nous de répondre à cette question, malheureusement. C’est le bureau du ministre qui a consulté ces groupes sur le projet de loi.

La sénatrice Dupuis : Merci.

[Traduction]

Le président : Je vais lancer un bref second tour, surtout si vous avez quelque chose de nouveau à ajouter à la discussion, si cela vous convient. Le processus est un peu lent, mais rappelez‑vous que nous sommes le seul comité parlementaire à étudier le projet de loi. J’aimerais nous donner autant d’occasions que possible d’y réfléchir avant de voter. Je vais inviter la sénatrice Batters à prendre la parole. S’il n’y a aucune autre intervention, nous pourrions peut-être entendre une courte déclaration de clôture du point de vue du parrain de cet amendement.

La sénatrice Batters : J’ai un bref commentaire sur un élément, mais j’aimerais ensuite demander aux fonctionnaires d’expliquer quelque chose qui, à mon avis, serait utile aux gens qui nous regardent qui ne sont peut-être pas avocats pour mieux comprendre — et peut-être même à certains autour de la table — les problèmes liés à l’inversion du fardeau de la preuve.

Je veux donner un exemple du type d’infraction qui pourrait potentiellement donner lieu à une absolution inconditionnelle. Il s’agit d’un cas qui s’est produit il y a environ 13 ans, lorsque le directeur général des Roughriders de la Saskatchewan, Eric Tillman, a reçu une absolution inconditionnelle après avoir plaidé coupable d’avoir agressé sexuellement la gardienne adolescente de ses enfants. Il a plaidé coupable à une seule accusation d’agression sexuelle, puis, en raison de l’attention du public et de ce genre de choses, le juge a estimé qu’il devait bénéficier d’une absolution inconditionnelle. C’est le genre de cas qui peuvent être aussi importants. Il ne s’agit pas seulement de cas mineurs.

Les fonctionnaires pourraient-ils nous expliquer — car je sais qu’ils le feront de manière succincte, mais complète — à quoi sert exactement l’inversion du fardeau de la preuve? Certaines personnes ont soutenu qu’il s’agissait simplement de savoir qui parle en premier. D’après mes souvenirs, lorsque je pratiquais le droit devant des cours pénales il y a quelques années, ce n’est certainement pas la seule chose. Cela change le fardeau. J’aimerais que les fonctionnaires expliquent exactement à quoi sert l’inversion du fardeau de la preuve.

Me Moore : Merci. L’inversion du fardeau de la preuve s’écarte de l’approche générale en matière de mise en liberté sous caution à deux égards. Premièrement, cela suppose que la mise en liberté sous caution devrait être refusée et que le prévenu devrait être détenu en attendant son procès. Deuxièmement, le prévenu doit démontrer au tribunal — nous utilisons le critère de la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il est plus probable qu’improbable — pourquoi il ne devrait pas être détenu en attendant son procès, compte tenu des trois motifs de détention. Ainsi, le prévenu doit convaincre le tribunal qu’il ne présente pas de risque de fuite, qu’il ne constitue pas un risque pour la sécurité publique et que sa libération ne saperait pas la confiance du public dans l’administration de la justice.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’inversion du fardeau de la preuve reflète l’intention du législateur selon laquelle il devrait être plus exigeant d’obtenir une mise en liberté sous caution dans certaines circonstances étroitement définies.

Le Code criminel exige déjà une inversion automatique du fardeau de la preuve pour les infractions graves comme le meurtre, la trahison, mais aussi pour d’autres infractions qui ciblent un comportement récidiviste, comme lorsqu’une personne est accusée d’avoir manqué aux conditions de sa mise en liberté sous caution ou d’avoir commis une nouvelle infraction liée aux armes à feu alors qu’elle fait déjà l’objet d’une ordonnance d’interdiction de posséder des armes à feu.

La sénatrice Batters : Oui. Cette loi prétend donc imposer à l’accusé le fardeau de démontrer pourquoi il s’acquitte de ce fardeau. À l’heure actuelle, avant l’adoption de cette loi, le fardeau incombe à la Couronne.

Me Moore : Oui. Dans la grande majorité des cas, le fardeau incombe à la Couronne, à l’exception des cas qui sont déjà prévus dans le Code criminel.

La sénatrice Batters : Merci.

Le sénateur Dalphond : J’ai une autre question pour les fonctionnaires. J’ai la lettre des premiers ministres datée du 13 janvier 2023. Lorsqu’il y est fait référence à l’inversion du fardeau de la preuve en cas de mise en liberté sous caution, il est précisé qu’il faut créer un renversement du fardeau de la preuve pour les cas de possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée.

Je ne vois pas de référence spécifique à ceux qui ont été absous. Quand cela a-t-il été évoqué lors des discussions avec les provinces?

Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : La dernière fois que nous avons comparu, nous avons parlé du fait que le travail que nous effectuons avec les provinces et les territoires a précédé l’envoi de la lettre par les 13 premiers ministres. Certes, à la suite de cette lettre — en particulier à la suite de la réunion du 10 mars des ministres responsables de la Justice et de la Sécurité publique —, les consultations avec les provinces et les territoires se sont considérablement intensifiées. Nous nous réunissions chaque semaine. Les collègues autour de la table se réunissaient chaque semaine avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, donc je dirais intensément au cours de la première moitié de cette année, mais de manière constante pendant de nombreuses années avant cette date.

Le sénateur Dalphond : Et y a-t-il eu des recommandations précises de la part des provinces pour ajouter cette inversion du fardeau de la preuve en cas de violence familiale?

Me Shannon Davis-Ermuth, avocate-conseil et gestionnaire, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : En ce qui concerne cet amendement en particulier, lors des discussions, il est devenu clair que bon nombre des provinces et territoires qui ont commencé à en parler étaient très préoccupés. Des problèmes ont été soulevés concernant les armes à feu, le gaz poivré pour éloigner les ours et la violence répétée. Mais ensuite, d’autres provinces et territoires ont déclaré que la violence conjugale les préoccupait toujours beaucoup et qu’ils estimaient qu’il fallait accorder plus d’attention à cette question. Par la suite, il y a eu des discussions concernant des amendements, et celui-ci en particulier est celui sur lequel il y a eu un accord.

Le sénateur Dalphond : De toutes les provinces?

Me Davis-Ermuth : Oui.

Le sénateur Dalphond : Merci.

La sénatrice Clement : Je vais commencer par les provinces. Il est fort intéressant de constater que leurs représentants se sont réunis pour comparaître devant nous. Nous avons entendu le témoignage du gouvernement de la Colombie-Britannique, mais ce qui est intéressant, c’est que vous avez une province qui fait preuve d’un certain leadership et qui montre probablement une certaine capacité et un certain intérêt en ce qui concerne l’investissement — les investissements qui doivent également être faits lorsque vous effectuez ce genre de réforme. Je parle d’investissement dans le développement social. Je n’ai entendu aucun témoignage d’autres provinces selon lequel cela se produisait.

Je veux revenir sur un mot utilisé par la sénatrice Simons, « compromis », et sur certains commentaires formulés par la sénatrice Jaffer.

Je ne suis pas d’accord avec le projet de loi. Ces amendements visent à le rendre moins épouvantable, à mon avis. Ce qui me préoccupe, c’est la surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans les prisons.

Nous avons entendu parler de cas terribles, mais nous n’avons entendu aucun témoignage selon lequel cette loi permettrait aux gens de se sentir plus en sécurité. Nous avons cependant entendu des témoignages selon lesquels cela allait avoir une incidence sur un système de mise en liberté sous caution déjà en crise. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels les femmes autochtones représentent plus de 50 % de la population incarcérée.

J’ai visité l’Établissement Grand Valley cet été. Cela fait maintenant deux ans que j’entends des témoins s’exprimer à ce sujet au sein du comité. Lorsque vous entrez dans une prison et que vous vous asseyez avec les femmes, et que les 50 % de ces femmes sont assises devant vous, dans toute leur réalité, cela ne fait que confirmer les témoignages présentés à maintes reprises au comité.

L’idée de l’absolution et des gens qui plaident coupable parce qu’ils sont incarcérés dans des endroits qui ne sont pas humains... alors les gens sans ressources seront poussés à faire des choses qu’ils ne devraient pas faire en plaidant coupable juste pour sortir et retourner dans leur collectivité.

Je maintiens mon appui à l’amendement, mais je vous remercie tous de votre attention et de votre réflexion à ce sujet.

Le président : Merci, chers collègues, de votre précieuse mobilisation sur le sujet.

L’honorable sénatrice Clement propose :

Que le projet de loi C-48 soit modifié à l’article 1 :

a) à la page 2, par substitution, aux lignes 36 et 37, de ce qui suit :

« (4) Le paragraphe 515(6) est modifié par adjonction, après l’alinéa b.1), de ce qui suit : »;

b) à la page 3, par suppression des lignes 1 à 6.

Le président : Après débat, vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Le président : Je dirais que les « non » l’emportent, mais nous procéderons à un vote par appel nominal.

Vincent Labrosse, greffier du comité : L’honorable sénateur Cotter?

Le sénateur Cotter : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Boisvenu?

Le sénateur Boisvenu : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Clement?

La sénatrice Clement : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Dupuis?

La sénatrice Dupuis : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Jaffer?

La sénatrice Jaffer : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Klyne?

Le sénateur Klyne : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénateur D. Patterson?

Le sénateur D. Patterson : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Simons?

La sénatrice Simons : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Tannas?

Le sénateur Tannas : Non.

M. Labrosse : Pour, 8; contre, 5; aucune abstention.

Le président : Par conséquent, je déclare la motion d’amendement adoptée.

Poursuivons avec l’étude de l’article 1. L’article 1 est-il adopté?

Nous avons une proposition d’amendement du sénateur Boisvenu.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-48 soit modifié à l’article 1, à la page 3, par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :

« sonne à l’aide d’une arme, si, dans les dix années pré- ».

Mon argumentaire est le suivant : peut-être que le ministère de la Justice pourra m’expliquer son argumentaire pour avoir choisi un seuil de cinq ans, alors que les criminels les moins dangereux devront faire la preuve, s’ils récidivent dans les cinq ans — ils auront le fardeau de la preuve pour être remis en liberté —, alors que les criminels les plus dangereux, ceux qui ont obtenu une sentence de plus de cinq ans d’emprisonnement et qui récidivent, ne seront pas confrontés au renversement de la preuve.

Par exemple, d’une part, un accusé qui a écopé d’une sentence de trois ans et qui, dans la troisième année, sort de prison puis récidive devra faire la preuve, s’il veut être remis en liberté, qu’il n’est pas dangereux.

D’autre part, pour un accusé qui écope d’une sentence de neuf ans de prison — donc qui a commis un crime plus grave que celui qui a écopé de deux ou trois ans de prison —, qui commet un crime dans sa neuvième année et qui se retrouve devant le juge, n’aura pas à faire la preuve qu’il est dangereux. Cela alors que les deux sentences font la preuve que si un accusé écope de deux ans de pénitencier, le crime commis est moins grave que si la peine d’emprisonnement est d’une durée de neuf ans.

Ce que je propose, c’est que la période de cinq ans soit portée plutôt à 10 ans, afin de nous assurer que les criminels dangereux ont aussi le même fardeau que les criminels les moins dangereux. Je pense que la sécurité de la société serait alors garantie.

Voilà mon argumentaire.

Peut-être que le ministère de la Justice pourrait nous dire pourquoi il a choisi une période de cinq ans. Je rappellerai également que certains services policiers importants au Canada et au Québec trouvent que le délai de cinq ans, retenu par le ministère, pourrait engendrer des incohérences quant à l’application de la justice.

Me Moore : Cette proposition se concentre sur les accusés qui ont démontré une tendance plus récente à la violence, alors qu’une période d’interruption plus longue de comportements délinquants indiquerait toujours un certain niveau de risque. Un schéma de délinquance sur une période plus courte, comme cinq ans, signale, selon le gouvernement, un risque accru de récidive.

[Traduction]

Élargir davantage l’inversion du fardeau de la preuve pour qu’elle s’applique à un plus grand nombre de personnes accusées qui ont été condamnées au cours des 10 dernières années pourrait, dans certains cas, être conforme à l’objectif consistant à cibler les personnes accusées qui pourraient présenter un risque plus élevé, par exemple, si elles avaient purgé une peine plus longue au cours de cette période. Cependant, cela pourrait également englober les personnes accusées qui ont un trou important dans leur casier judiciaire et qui, au cours des 10 dernières années, ont été par ailleurs des personnes respectueuses des lois et qui ne présentent peut-être pas le même niveau de risque de récidive. Je pense que c’est tout ce que j’ai à dire pour le moment.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : D’où tenez-vous vos données en matière de récidives comparées? Si une personne reçoit une sentence de trois ans comparativement à celle qui en reçoit une de six ans, d’où tenez-vous vos données pour affirmer que le taux de récidive est plus important lors d’une sentence de trois ans que d’une sentence plus longue?

[Traduction]

Me Moore : Peut-être que je ne l’ai pas très bien expliqué, mais l’objectif est d’englober ceux qui présentent une tendance récente à la délinquance, et non pas ceux qui pourrait avoir, dans leur casier, une période plus longue où ils ont été autrement des citoyens respectueux des lois.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : De façon générale, si quelqu’un commet un crime et qu’il reçoit une sentence de deux ans, on est d’accord qu’il s’agit d’un crime moins grave que s’il avait reçu une sentence de neuf ans, n’est-ce pas? Êtes-vous d’accord avec ce principe? Plus la sentence est courte, moins le crime est grave. C’est notre système de justice en soi.

[Traduction]

Me Moore : C’est exact, mais l’intention n’est pas d’englober les personnes qui purgent des peines. Il s’agit de tenir compte des trous dans le casier judiciaire. Ces trous pourraient être attribuables au fait que des personnes purgent des peines, mais ils pourraient également être dus à une longue période pendant laquelle la personne accusée n’a fait l’objet d’aucune nouvelle accusation et n’a pas purgé de peine.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : La personne qui a reçu une sentence de deux ans et qui commet un crime dans les cinq années subséquentes devrait faire la preuve qu’elle est — celui qui a reçu une sentence de 10 ans moins un jour et qui est remis en liberté, qui commet un crime dans les cinq ans suivants, ne sera pas considéré comme devant faire un renversement de la preuve. C’est la difficulté de ce projet de loi : il considère les gens moins à risque qui ont une obligation plus grande que ceux qui sont plus à risque qui n’auront pas cette obligation.

[Traduction]

Me Moore : L’inversion du fardeau de la preuve pourrait s’appliquer à cette personne pour une autre accusation. Tout dépend de ce dont elle est accusée. De plus, le tribunal saurait si elle venait de purger une peine de 10 ans et qu’elle se trouvait devant le tribunal avec une nouvelle accusation. Je pense que ce serait certainement un argument que la Couronne présenterait au tribunal en faveur de la détention du prévenu.

La préoccupation exprimée dans les provinces et les territoires, ainsi que partout au Canada, concernait en réalité la tendance...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que la période de cinq ans commence au moment de la sentence ou après? Le compte à rebours démarre-t-il au moment où la sentence est donnée ou au moment où la sentence est terminée? Selon le projet de loi, la période de cinq ans commence au moment où la sentence est donnée, n’est-ce pas?

[Traduction]

Me Moore : Non, le décompte commence lorsque le prévenu est condamné.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je comprends. Si la sentence est courte, la période de cinq ans va arriver rapidement. Si la sentence est de 10 ans, par exemple, pour l’individu qui a reçu une sentence il y a 10 ans, la période de cinq ans va s’écouler durant sa sentence, comprenez-vous? Lorsqu’il va sortir de prison après 10 ans, il ne sera pas assujetti au renversement du fardeau de la preuve. Celui qui a une sentence plus courte, après six ans, s’il n’a pas commis de crime, il ne l’a plus. C’est normal, c’est un crime qui est moins grave.

Celui qui a commis un crime plus grave, qui a eu 10 ans et qui revient devant un juge n’aura pas le renversement de la preuve. C’est incohérent dans ce projet de loi. Il serait plus logique de mettre une période de 10 ans qui n’affectera pas ceux qui ont commis des crimes légers, mais qui va vraiment concerner ceux qui ont commis des crimes plus graves.

Me Davis-Ermuth : Ce que vous dites est certainement vrai.

[Traduction]

Cependant, le projet de loi adopte cette approche parce que la préoccupation particulière à laquelle on cherchait à répondre avec le projet de loi concernait les personnes qui font partie — certains utiliseraient le terme « délinquants chroniques » — d’un petit groupe de personnes qui commettent à maintes reprises un certain nombre de crimes. On craignait que de nombreuses personnes commettent des crimes et soient immédiatement libérées. Le projet de loi lui-même cible davantage le type de personnes qui commettent des infractions répétées et ne sont pas réellement détenues d’une manière ou d’une autre, de sorte qu’il n’y a aucun moyen de mettre un terme à leurs infractions.

On avait le sentiment que, dans certains cas, il n’y avait pas vraiment de conséquences. Même si cela est vrai dans les situations que vous décrivez, il peut y avoir certains délinquants...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Il reste que cela va affecter encore plus les clientèles discriminées, les Autochtones. Cette partie du projet de loi va affecter davantage ces clientèles : les Noirs, les Autochtones. C’est ce qui est dangereux pour ces clientèles. Si vous dites que ce sont elles qui commettent le plus de crimes, mais que ce qu’on trouve dans les pénitenciers fédéraux c’est sept fois plus d’Autochtones que de Blancs. Cela veut dire que cela va affecter beaucoup plus les gens de ces communautés que les Blancs.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Le gouvernement n’appuie pas cet amendement. Il s’agissait d’une décision stratégique du gouvernement visant à trouver un équilibre et, fait plus important encore, à proposer un projet de loi et des modifications du système de mise en liberté sous caution qui soient restreints et ciblés.

J’apprécie vraiment la présence des fonctionnaires ici et votre ouverture à répondre aux questions. Vous êtes très utiles lorsqu’il s’agit de questions techniques qui nécessitent des éclaircissements. Je pense cependant que les choix stratégiques du gouvernement sont en réalité des questions dont nous devons décider et auxquelles les ministres et autres responsables doivent répondre. Merci néanmoins de votre volonté de le faire.

Nous devons trouver un équilibre entre la sécurité publique et les droits du prévenu. Cela ressemble à un cliché, mais il faut que ce soit une mesure ciblée, appropriée et constitutionnelle. C’est pourquoi je pense que la période de cinq ans est entrée en jeu lorsque des condamnations antérieures pour violence ont eu lieu au cours de cette période de cinq ans.

Le gouvernement estime qu’il s’agit d’une bonne décision stratégique. Il est vrai que l’Association canadienne des chefs de police et le commissaire de la Police provinciale de l’Ontario ont déclaré qu’ils auraient aimé un délai plus long, mais nous avons également entendu d’autres témoins dire que le projet de loi, tel qu’il est rédigé, va tout simplement trop loin.

C’était le choix du gouvernement et un choix stratégique soutenu par la police, la communauté et les premiers ministres provinciaux. Pour ces raisons, j’exhorte le comité à rejeter cet amendement.

Le président : Merci, sénateur Gold.

La sénatrice Batters : Merci. J’appuie cet amendement pour les raisons que j’ai dites auparavant : je veux que le projet de loi aille plus loin.

Je pense que la population canadienne souhaite une réforme beaucoup plus importante que celle proposée par le projet de loi C-48. Il ne prévoit qu’une toute petite disposition, très stricte. Comme nous l’ont dit les fonctionnaires, de nombreuses conditions doivent être remplies pour que l’inversion du fardeau de la preuve soit même mise en place.

Nous avons également entendu dire que les provinces souhaitent une réforme en profondeur de la mise en liberté sous caution, et je ne pense pas que le projet de loi C-48 ratisse suffisamment large pour répondre à ce qu’elles souhaitent réellement. Oui, elles veulent qu’il soit adopté, mais elles veulent aussi que les choses aillent plus loin et qu’il y ait une révision en profondeur.

Le sénateur Boisvenu a fait valoir un très bon point : si son amendement n’est pas adopté, des personnes pourraient être emprisonnées pendant une longue période, et c’est la seule raison pour laquelle il y a un trou dans leur casier judiciaire.

Je tiens également à souligner que, selon le projet de loi C-48, pour que cette disposition sans l’amendement s’applique, il faut qu’il y ait une condamnation. Compte tenu des délais judiciaires importants que nous connaissons actuellement au Canada — la crise des longs délais judiciaires —, la condamnation pourrait avoir lieu assez longtemps après que l’infraction elle-même a été commise. Bien sûr, de multiples infractions pourraient continuer à se produire, ce qui est vraiment le problème que nous constatons dans un grand nombre de ces cas que nous avons vus dans les médias ces derniers temps, où des gens sont libérés, et ce ne sont pas des condamnations, mais ils continuent simplement à accumuler accusation après accusation après accusation, et ils continuent d’être libérés. Cependant, le projet de loi C-48 ne s’appliquerait pas à moins qu’il n’y ait des condamnations différentes pour chacune de ces choses et des mesures très strictes étant donné que ceci doit s’appliquer, et ensuite cela doit s’appliquer, et puis ceci doit s’appliquer.

Je pense donc qu’il est nécessaire que le public fasse confiance au système judiciaire et au système de justice pénale. Le public perd très rapidement confiance dans le système — si ce n’est déjà fait —, et je pense que ce n’est qu’un moyen parmi d’autres, mais augmenter le seuil d’une période de cinq ans à 10 ans dans ce cas en est un par lequel nous pouvons essayer de donner au public un peu plus confiance dans le système de mise en liberté sous caution, qui est assez défaillant à l’heure actuelle.

Le président : Sénateur Boisvenu, aimeriez-vous formuler des observations finales concernant l’amendement que vous proposez?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Non merci, je pense que c’est un amendement tout à fait logique pour faire en sorte que ce projet de loi soit cohérent.

[Traduction]

Le président : Merci.

L’honorable sénateur Boisvenu propose :

Que le projet de loi C-48 soit modifié à l’article 1, à la page 3, par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :

« sonne à l’aide d’une arme, si, dans les dix années pré- ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Le président : Je pense que les « non » l’emportent.

Nous tiendrons un vote par appel nominal, monsieur le greffier.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Cotter?

Le sénateur Cotter : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Boisvenu?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Clement?

La sénatrice Clement : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Dupuis?

La sénatrice Dupuis : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Jaffer?

La sénatrice Jaffer : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Klyne?

Le sénateur Klyne : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Patterson?

Le sénateur D. Patterson : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Simons?

La sénatrice Simons : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Tannas?

Le sénateur Tannas : Oui.

M. Labrosse : Pour, 4; contre, 9; aucune abstention.

Le président : Chers collègues, je déclare la motion d’amendement rejetée. Cela nous amène à poursuivre l’étude de l’article 1.

L’article 1 est-il adopté?

Les sénateurs Clement et Dalphond proposent des amendements similaires, et, en consultation avec eux, j’ai suggéré — et je pense qu’ils ont accepté — que l’amendement de la sénatrice Clement pourrait être étudié d’abord.

Ceci s’adresse à ceux d’entre vous qui ont les documents en main : c’est BC-C48-1-3-24.

La sénatrice Clement : Merci.

Je propose :

Que le projet de loi C-48 soit modifié à l’article 1, à la page 3, par adjonction, après la ligne 22, de ce qui suit :

« (13.1) S’il rend une ordonnance en application du présent article, le juge de paix est tenu de verser au dossier de l’instance une déclaration indiquant comment il a déterminé si le prévenu est un prévenu visé à l’article 493.2 et quelle a été sa décision. S’il détermine que le prévenu est un prévenu visé à l’article 493.2, il doit également verser au dossier de l’instance une déclaration indiquant comment il a tenu compte de la situation particulière du prévenu aux termes de cet article. ».

L’article 493.2 du Code criminel fait référence aux Autochtones ou aux personnes appartenant à des populations vulnérables. Il s’agit vraiment d’essayer de prendre cet article et de mettre moins l’accent sur les cases à cocher et davantage sur les motifs convaincants et importants.

De nombreux témoins ont comparu devant notre comité et ont exprimé leurs inquiétudes face à la surreprésentation des personnes noires et racisées dans le système de justice pénale canadien. Par exemple, en 2016-2017, les adultes autochtones représentaient 30 % des admissions dans les établissements provinciaux et territoriaux, 27 % des admissions dans des établissements fédéraux et 27 % de la population carcérale fédérale, alors qu’ils ne représentent que 4,1 % de la population adulte canadienne.

En 2020-2021, les Noirs représentaient environ 4 % des adultes au Canada, mais ils comptaient pour 9 % de la population carcérale totale dans les services correctionnels fédéraux. Il s’agit clairement d’un problème de nature systémique.

M. Danardo Jones a déclaré :

[...] toute mesure visant à rendre notre système de mise en liberté sous caution plus punitif sans reconnaître l’impact disproportionné du système actuel sur les personnes marginalisées et racisées est problématique. Cela ne permet pas d’atteindre un équilibre.

L’inversion du fardeau de la preuve constitue donc un obstacle supplémentaire à l’accès à la justice pour les personnes racisées dans le système de justice pénale.

Selon Michael Spratt, avocat de la défense au criminel qui a comparu devant notre comité :

La vérité sur notre système de libération sous caution, c’est qu’il ne s’applique pas de la même manière pour tout le monde. Selon mon expérience, les personnes riches et privilégiées ont nettement plus de chances d’être libérées, et nettement plus de chances d’être libérées rapidement, que les personnes démunies, racisées et aux prises avec d’autres difficultés dans leur vie [...]

De nombreux témoins nous ont dit que le système manquait de ressources et était surchargé. Les délinquants racisés et les autres personnes appartenant à des populations vulnérables et traditionnellement marginalisées sont ceux qui finissent par souffrir le plus. Cette surreprésentation est un problème systémique qui, bien entendu, commence par une surveillance policière excessive.

Comme notre amendement exige qu’une déclaration soit versée au dossier de l’instance quant à la façon dont un juge a pris en considération l’article 493.2 du Code criminel, il vise à remédier au fait que les juges ne prennent parfois pas correctement en considération cette disposition, ce qui peut avoir un effet dévastateur sur les personnes racisées dans le système de justice pénale.

Cet amendement décompose deux « comment ».

Le premier « comment » est le suivant : Comment le juge a-t-il déterminé si cette personne est autochtone ou appartient à une catégorie de population vulnérable?

Le deuxième « comment » est le suivant : Une fois qu’il a été déterminé que le prévenu appartient à cette catégorie, comment le juge a-t-il tenu compte de la situation particulière de cette personne?

C’est la différence entre cet amendement et celui proposé par le sénateur Dalphond : il s’agit d’ajouter ce « comment » supplémentaire.

Je veux vous donner un exemple, car lorsqu’on lit « le prévenu, du prévenu », c’est un peu difficile de comprendre ce que cela veut dire. J’ai parlé — comme je l’ai dit plus tôt — à Theresa Donkor, procureure de la défense au criminel à l’Association des avocats noirs du Canada. Elle m’a donné un exemple de représentation d’un homme noir à la peau claire. Lorsqu’elle a commencé à soulever la question de l’article 493.2, le juge était perplexe. Cette personne entre-t-elle dans cette catégorie? Elle n’était pas prête à présenter des observations sur la manière dont l’homme s’inscrivait dans cette catégorie.

Si nous avons un article qui nécessite réellement une réflexion, qui envoie le message selon lequel vous devez être circonspect dans la première étape au moment de déterminer si une personne appartient à cette catégorie, alors une fois que vous avez déterminé cela, vous pouvez vous demander comment vous tiendriez compte de ces circonstances particulières et comment vous en avez tenu compte.

Le juge doit suivre un processus beaucoup plus réfléchi et important pour se conformer à l’article 493.2. Tels sont mes arguments en faveur de cet amendement.

Le sénateur Gold : Merci. Le gouvernement est bien sûr d’accord que les tribunaux de cautionnement devraient tenir compte des circonstances particulières des gens qui se présentent devant eux, tout particulièrement les gens défavorisés ou appartenant à une communauté surreprésentée. C’est pourquoi cette exigence était comprise dans l’ancien projet de loi C-75, que nous avons adopté en 2019.

La question qu’il faut se poser, c’est comment notre système de justice s’est acquitté de cette nouvelle exigence au cours des dernières années, et si un amendement supplémentaire, comme celui proposé par la sénatrice Clement, est vraiment nécessaire. Le gouvernement est d’avis qu’un tel amendement n’est pas nécessaire. Ce n’est pas que c’est un mauvais amendement, mais il n’est pas nécessaire.

L’Association canadienne des libertés civiles nous a effectivement dit, dans son mémoire, qu’il y avait « peu de jurisprudence » à ce sujet, en indiquant que, du moins à son avis, ou peut-être en laissant entendre — et je ne veux pas déformer ses propos — ou en donnant l’impression que les tribunaux ont peut-être fait fi de cette exigence.

Mais à la connaissance du gouvernement, et à ma connaissance, il y a eu en fait beaucoup d’affaires qui ont permis de constituer la jurisprudence, ces dernières années, et les tribunaux ont pris cette exigence au sérieux et fourni une orientation aux tribunaux et juges de paix des instances inférieures. Je vais vous donner l’exemple d’une affaire de 2020 que j’ai lue récemment, la décision R. c. E.B., concernant un refus de mise en liberté sous caution contesté devant la Cour supérieure de l’Ontario. Dans une très longue décision, la cour a donné de nombreuses directives sur la façon dont l’exigence doit être appliquée, et l’on est en droit de s’attendre à ce que ces directives soient parvenues aux instances inférieures du système. Dans cette affaire en particulier, la décision de refuser la mise en liberté sous caution a été annulée.

Mais, quoi qu’il en soit, si nous ne soutenons pas cet amendement, c’est parce que nous sommes d’avis que les tribunaux prennent cette exigence au sérieux. La loi est claire, et cet amendement n’est pas nécessaire. Merci, monsieur le président.

Le sénateur Tannas : J’ai deux questions pour la sénatrice Clement. La première, le but est-il d’obliger le juge à décrire et à détailler son processus de pensée, afin que cela serve d’outil supplémentaire dans l’éventualité d’un appel?

La deuxième, êtes-vous d’accord pour dire que cet amendement donne à la société une idée — peu importe l’issue, que la mise en liberté sous caution soit refusée ou accordée — sur les réflexions du juge? Inévitablement, cela va soit alimenter l’indignation de la société et lui envoyer de manière encore plus forte le message que les juges n’ont toujours pas compris, soit augmenter la conviction de la société que le système fonctionne, parce qu’il y a réellement une réflexion sur ce sujet.

La sénatrice Clement : Ce que vous dites est très pertinent. J’aimerais d’abord répondre au commentaire du sénateur Gold. L’article a servi dans une mesure limitée. C’est préoccupant, alors exiger que le juge produise une déclaration et fournisse des motifs détaillés serait utile aux fins d’un examen en appel, et cela enverrait aussi, comme vous venez de le dire, le message que nous devons agir de façon très réfléchie. L’article s’applique en tout temps, mais, en exigeant que le juge démontre qu’il a réfléchi à la façon dont la personne concernée appartient à telle ou telle catégorie ou qu’il a réfléchi aux circonstances de cette personne, cela peut seulement aider à donner plus d’élan à cet article et à faire mieux savoir qu’il est nécessaire d’entreprendre ce genre d’évaluation. Merci de vos questions.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Je vais être favorable à cet amendement, même si je trouve qu’il est de rédaction non pas civiliste, mais plutôt de common law. On répète dans un nouvel article ce qu’on a déjà dit à l’article précédent. Je ne ferai pas une bataille de rédaction aujourd’hui. Cependant, le principe qui sous-tend le tout est la question du sénateur Tannas, et elle est pertinente. Pourquoi faut-il ajouter cette mention? La même question se pose pour le paragraphe 13, soit l’obligation de confirmer d’avoir pris en considération la sécurité de la communauté.

Il est évident que le juge doit toujours prendre cela en considération avant de décider si une personne sera privée de sa liberté, ce qui est le principe général. C’est l’exception qu’il faille la garder à l’intérieur pour préserver la sécurité de la communauté, y compris le partenaire intime, etc. On a senti le besoin d’obliger les juges à expliquer pourquoi ils n’émettent pas une ordonnance dans le cas d’une personne qui a un fardeau inversé. On va plus loin en expliquant que la juge doit expliquer comment elle a tenu compte des considérations particulières qui s’appliquent soit aux Autochtones, les principes Gladue, soit aux groupes surreprésentés dans le système pénitentiaire ou en attente de procès, surtout ici. Est-ce nécessaire? Non. Est-ce utile? Oui.

Cela vise les juges — ils sont obligés de porter leur attention sur ces questions. Les cours d’appel, que ce soit la Cour supérieure qui s’occupe d’appels de juges de paix, ou les cours d’appel, les principes sont bien connus selon lesquels l’appel exige la motivation du juge de première instance, sinon cela nie le droit d’appel. L’obligation de la common law existe lorsqu’il s’agit de motiver, mais le législateur sent le besoin d’être plus précis pour attirer l’attention du juge et du public.

À mon avis, c’est un travail plus éducatif que nécessaire, mais je le soutiens. Le manque de données probantes dont nous disposons pour adopter ce projet de loi pourra être corrigé en partie par le fait que des juges vont se poser la question; ils devront écrire quelques lignes sur cet aspect, ce qui fera en sorte qu’on aura une banque de données dans la jurisprudence qui nous indiquera quels sont les cas qui auront entraîné le refus de remise en liberté et les autres.

Cela va contribuer à remplir une partie du manque de données probantes dont on aurait besoin pour faire une réforme globale du système de remise en liberté.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Merci d’avoir proposé cet amendement. Je pense qu’il s’inscrit dans les grandes lignes des progrès qui ont été faits quand on a adopté des dispositions pour obliger les juges à examiner certaines questions particulières et à y réfléchir. Nous savons que bien des juges ne le feront pas si la loi ne les y oblige pas. Je pense tout particulièrement aux dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dont nous avons déjà parlé... pas par rapport à ces dispositions, mais par rapport à celles qui exigent que les juges prennent en considération d’autres systèmes et d’autres processus qui les aideront à examiner l’éventail complet des questions sur lesquelles ils doivent se pencher, dont celle-ci. Je soutiens l’amendement.

Le président : Merci, sénatrice Pate. Sénatrice Clement, voulez-vous faire d’autres commentaires?

La sénatrice Clement : Je serai brève.

[Français]

Je suis d’accord avec le sénateur Dalphond concernant le fait qu’il y avait un manque de données; cet amendement peut répondre à ce besoin. Je prends son commentaire concernant la rédaction civiliste personnellement, puisque je suis d’abord civiliste de l’Université d’Ottawa, mais on va passer parce que je suis consciente de l’appui que vous apportez à l’amendement.

[Traduction]

Je tiens à remercier Shakir Rahim, de l’Association canadienne des libertés civiles, qui, en tant qu’intervenant, a vraiment travaillé dur sur cet amendement; c’est lui qui y a songé et qui a dénoncé le fait que l’article 493.2 n’était pas utilisé de façon convaincante. Il a très bien travaillé avec l’Association des avocats noirs du Canada. Je voulais seulement les remercier d’être des intervenants très actifs et de nous avoir fait profiter de leur expertise pour éclairer tout ce processus. Merci.

Le président : Merci. L’honorable sénatrice Clement propose :

Que le projet de loi C-48 soit modifié à l’article 1, à la page 3, par adjonction, après la ligne 22, de ce qui suit :

« (13.1) S’il rend une ordonnance en application du présent article, le juge de paix est tenu de verser au dossier de l’instance une déclaration indiquant comment il a déterminé si le prévenu est un prévenu visé à l’article 493.2 et quelle a été sa décision. S’il détermine que le prévenu est un prévenu visé à l’article 493.2, il doit également verser au dossier de l’instance une déclaration indiquant comment il a tenu compte de la situation particulière du prévenu aux termes de cet article. ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs et sénatrices, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Le président : Je pense que le « oui » l’emporte. Souhaiteriez-vous un appel par appel nominal, ou que l’amendement soit adopté avec dissidence? Avec dissidence? Merci, chers collègues.

Sénateur Dalphond, vous paraît-il acceptable, si vous le voulez bien, de retirer l’amendement que vous avez proposé à cet article?

Le sénateur Dalphond : Ce serait redondant.

Le président : Merci.

Le sénateur Dalphond : C’est redondant, mais je suis d’accord sur le principe.

Le président : Chers collègues, l’article 1, tel que modifié, est-il adopté?

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence. L’article 2 est-il adopté?

Sénateur Dalphond, vous voulez proposer un amendement.

Je suis désolé de vous interrompre. Nous serons obligés de nous arrêter à 18 h 15, environ, pour les interprètes. Nous avons progressé de manière réfléchie, mais nous devons faire attention au temps qu’il nous reste, et avec un peu de chance, nous pourrons conclure les délibérations. Je vous rappelle que nous aurons quelques observations à examiner après avoir discuté de l’amendement du sénateur Dalphond.

Le sénateur Dalphond : Je doute que mon amendement fasse l’objet d’un long débat. Je ne le proposerais pas s’il n’y avait pas d’amendements concernant l’initiative du ministre, mais, puisque nous sommes ici à proposer des amendements et que nous allons peut-être renvoyer le projet de loi à la Chambre, je préfère mettre cela par écrit, pour l’avenir, et pour valoriser cette initiative.

Je suis sûr que vous serez d’accord, monsieur le président, puisque vous étiez l’un des premiers à en parler et que j’aurai votre appui pour cela au moins.

La sénatrice Jaffer : Je suis d’accord avec le sénateur Dalphond, mais puis-je poser une question aux représentants?

Il s’agit bien de votre amendement sur l’examen, n’est-ce pas, sénateur Dalphond? Oui.

Le sénateur Dalphond : Peut-être que j’aurais dû l’expliquer : il s’agit seulement de s’assurer que le comité sénatorial réalise lui aussi un examen, comme le comité de la Chambre des communes.

La sénatrice Jaffer : Oui. J’ai été très intriguée quand le ministre a dit que certains examens étaient réalisés par le Sénat, et d’autres, par la Chambre des communes. Je ne conteste pas ce que le ministre a dit, mais pourriez-vous me donner un exemple ou deux d’un examen fait seulement par le Sénat?

Me Taylor : L’exemple qui a été donné, lorsque le ministre a témoigné, était la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, adoptée à la suite de l’arrêt Bedford de la Cour suprême. Cette loi comportait une clause d’examen s’appliquant uniquement à la Chambre. Dans le cadre de nos travaux, lorsque nous avons étudié les autres clauses d’examen, je ne me rappelle aucune clause où seulement le Sénat entreprenait un examen.

La sénatrice Jaffer : J’ai fait des recherches pour tous les examens, et je n’en ai trouvé aucun réalisé par le Sénat.

Me Taylor : Oui. Je pense que les autres exemples que nous avons donnés reflétaient bien le but de l’amendement du sénateur Dalphond, qui prévoit deux examens. Dans d’autres exemples, il y a l’option d’un examen par l’un ou l’autre des deux endroits ou par les deux, alors le choix est laissé à la discrétion de chaque Chambre.

La sénatrice Jaffer : Sénateur, j’appuie votre amendement. Je veux seulement que vous sachiez que, à l’époque où j’étais présidente, on m’avait dit que cela faisait des années que l’on n’avait pas fait l’examen d’une loi, ici ou à la Chambre, mais vous avez tout de même raison, il faudrait que ce soit les deux Chambres.

Le sénateur Gold : Le gouvernement soutient l’idée que le Sénat participe aux examens parlementaires, point à la ligne. À cet égard, même si ce n’est pas nécessaire, parce que nous sommes maîtres de notre propre destinée et que notre comité peut et devrait toujours... s’il y a effectivement des examens qui ne sont pas faits, alors qu’ils devraient l’être, alors j’espérerais que nous, en tant que sénateurs et sénatrices, agirions comme il se doit, par nos bons offices et le contrôle que nous avons pendant notre mandat pour ce faire, comme nous pourrions le faire dans ce cas particulier. Donc, ce n’est pas nécessaire. Il y a eu des exemples dans le passé — même à l’époque des anciens gouvernements — où effectivement seule la Chambre était concernée.

Je ne peux pas dire que j’appuie l’amendement, parce que ce n’est pas la position du gouvernement, mais nous soutenons la participation du Sénat à l’étude sur ce projet de loi, tout comme le gouvernement, j’imagine.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, venez-vous de dire que, si ce n’est pas prévu pour les deux comités parlementaires, alors nous, en tant que sénateurs, devions utiliser nos propres bureaux personnels au Sénat pour entreprendre ce genre d’examen? Est-ce bien ce que vous voulez dire? Je pense que cela dépasse... non?

Le sénateur Gold : Non.

La sénatrice Batters : D’accord. Je suis contente d’avoir clarifié ce point.

Le sénateur Gold : Ce que je dis, c’est que je tiens pour acquis que le comité ou n’importe quel autre comité pourrait demander le mandat d’examiner l’efficacité ou l’application de n’importe quelle loi, comme l’a évoqué le ministre. Nos comités ont ce pouvoir, et j’irais jusqu’à dire, dans certains cas, qu’ils ont l’obligation de le faire.

La sénatrice Batters : D’accord. Seulement, nous sommes généralement très occupés par le grand nombre de projets de loi, y compris les projets de loi du gouvernement et ceux d’initiative parlementaire et tout ce qui peut être sujet à examen. Comme vous le savez, un certain nombre d’examens attendent actuellement d’être réalisés et n’ont pas encore débuté. Je pense qu’ils auraient la priorité. Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je voulais juste ajouter que je voulais donner le crédit au ministre actuel, qui s’est dissocié de la formulation qu’on trouve dans ce projet de loi et qui a pris l’engagement, à la suite d’une question que j’avais posée, à savoir qu’à l’avenir — du moins, durant son mandat en tant que ministre de la Justice — il va toujours s’assurer que si un article prévoit une révision parlementaire, cela va couvrir les deux chambres.

[Traduction]

Le président : Peut-être que je pourrais faire un commentaire, pour conclure. J’ai l’impression, comme le dit l’expression, d’avoir laissé le loup entrer dans la bergerie, avec la question que j’ai posée au sénateur Gold sur le parquet du Sénat.

Tout comme le sénateur Dalphond, j’aurais été d’avis que, s’il n’y avait pas eu d’autres amendements au projet de loi, nous aurions pu nous prévaloir de nos propres pouvoirs institutionnels et de la bonne volonté du Parlement pour simplement poursuivre. Mais, puisque nous sommes déjà en train d’élaborer des amendements au projet de loi, je vais appuyer celui-ci.

Sur un petit point, en ce qui concerne la légitimité institutionnelle du Sénat, malgré les réponses données aux questions, mon interprétation est qu’il s’agit probablement d’un oubli, plutôt que d’une tentative intentionnelle de donner à l’autre endroit le pouvoir d’examen. Je pense que cela nous permet de déclarer que, sur ce genre de questions, nous sommes une chambre coordonnée du Parlement. Comme je l’ai dit au sénateur Gold à ce moment-là, ironiquement, au sujet de ce projet de loi, nous sommes la seule chambre du Parlement qui l’a vraiment étudié, alors nous aimerions pouvoir recommencer dans cinq ans.

Je vais tenir pour acquis, si vous me le permettez, sénateur Dalphond, que vous n’avez pas besoin de faire des commentaires en conclusion. J’ai l’impression que l’amendement a au moins une bonne chance d’être adopté.

Puisqu’il n’y a pas d’autres interventions, l’honorable sénateur Dalphond propose :

Que le projet de loi C-48 soit modifié à l’article 2, à la page 3, par substitution, aux lignes 27 et 28, de ce qui suit :

« soumises à l’examen du comité permanent du Sénat et du comité permanent de la Chambre des communes habituellement chargés ».

Plaît-il aux honorables sénateurs et sénatrices d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

Le président : Sénateur Gold, voulez-vous que ce soit avec dissidence?

Le sénateur Gold : Non.

Le président : L’article 2, tel que modifié, est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence. Merci.

L’article 3 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : D’accord, avec dissidence. L’article 4 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence. L’article 5 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Encore une fois, adopté avec dissidence.

Le préambule est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : D’accord. Le titre est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le projet de loi, tel que modifié, est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : D’accord, avec dissidence.

Est-il convenu, chers collègues, que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter toute modification technique, grammaticale ou autre modification non substantielle nécessaire par suite de l’adoption des amendements par le comité, y compris la mise à jour des renvois et la numérotation des dispositions?

Des voix : D’accord.

Le président : Convenu.

Est-ce que le comité veut annexer des observations au rapport? Je pense que la réponse est oui. Nous sommes saisis de trois ensembles d’observations : l’une de la sénatrice Pate, l’une du sénateur Dalphond et l’autre de la sénatrice Dupuis, qui a mis par écrit son intervention de tout à l’heure, qui est distribuée à l’instant.

Avec le peu de temps qui nous reste, notre but maintenant est de trouver une solution magique pour intégrer toutes ces observations ensemble, et je peux dire d’emblée, après les avoir lues, que je crois que ce sera possible. L’observation de la sénatrice Pate concerne un éventail de préoccupations, surtout axées sur la violence, les survivantes, la violence contre les femmes et une stratégie visant à encourager ce genre d’examen du Code criminel et peut-être même le travail de la Commission du droit du Canada.

Je ne veux pas vous empêcher de discuter de vos amendements, mais je veux tout de même situer le contexte. L’observation du sénateur Dalphond est surtout axée sur la nécessité d’étudier et de réformer le système de la mise en liberté sous caution spécifiquement. Vous avez aussi entendu les préoccupations de la sénatrice Dupuis quant à la possibilité que l’analyse comparative entre les sexes ne soit pas effectuée en temps opportun, et elle a fortement insisté pour que cela nous soit accessible en temps opportun, avant notre étude du projet de loi et, tout particulièrement avant le témoignage du ministre et des représentants.

Je pense que j’ai donné un bon résumé général. Je pense que la sénatrice Batters va dire qu’elles sont trop longues, mais j’inviterais la sénatrice Pate à nous parler brièvement de son observation, puis le sénateur Dalphond et la sénatrice Dupuis, pour voir si nous avons bien compris et si nous pouvons les réunir dans cet ordre.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Ces observations sont similaires aux amendements ou aux observations que nous avons proposés dans le passé, en particulier relativement aux projets de loi S-205 et C-233. Puisque ces projets de loi essayaient d’accomplir les mêmes buts quant aux mêmes enjeux, c’est-à-dire la violence conjugale, nous croyons que ces observations sont pertinentes, ici.

Les témoignages de Christa Big Canoe, de l’Association du Barreau autochtone du Canada, de Kat Owens, du Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes, d’Emilie Coyle, de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, de Sarah Niman, de l’Association des femmes autochtones du Canada, de Deepa Mattoo, de la Barbra Schlifer Commemorative Clinic et d’autres encore ont montré à quel point ces enjeux sont importants, et je propose que nous les annexions.

Ce sont des versions abrégées de certaines des anciennes observations, alors elles sont plus courtes que les autres. Je pense que cela devrait tous vous réjouir.

Dans notre empressement à les faire traduire, certaines erreurs se sont glissées, et je veux remercier nos analystes et nos greffiers de nous les avoir signalées. Nous acceptons leurs corrections, et les apporterons avec plaisir. Je serai satisfaite de tout ce qui peut être fait pour les joindre ensemble.

Le président : Je vais inviter le sénateur et les sénatrices qui proposent ces trois observations à prendre la parole, puis nous en discuterons. À ce moment-là, la sénatrice Batters va intervenir en premier.

Le sénateur Dalphond : Mes observations ne sont pas très longues, alors j’imagine que si quelqu’un se plaint qu’elles sont trop longues, ce ne sera pas à cause des miennes.

Cela dit, j’ai lu les observations proposées par la sénatrice Pate, et je suis d’accord avec elles. Je pense que le comité directeur pourrait produire un document qui regroupe les trois documents.

Le comité répète le quatrième paragraphe des observations de la sénatrice Pate, concernant la nécessité d’entreprendre un examen approfondi du Code criminel. Mon premier paragraphe concerne les dispositions relatives à la mise en liberté sous caution, et je crois qu’il va très bien s’intégrer.

Entretemps, je recommande aussi fortement au gouvernement fédéral de recueillir plus d’informations. Je proposerais de modifier mon texte, en remplaçant — en anglais — « Aboriginal accused » par « Indigenous accused ». « Aboriginal » est l’expression utilisée dans le Code criminel, mais je sais que nous préférons utiliser le mot « Indigenous » dans les rapports, alors je propose de faire cette modification. Ensuite, la nouvelle commission du droit pourra faire le travail. Nous encourageons le gouvernement à travailler avec les provinces et les territoires pour lutter contre la violence faite aux femmes.

J’ai aussi lu la dernière observation, à propos de l’ACS Plus, et je suis tout à fait d’accord. C’est effectivement dans l’ordre des choses. On nous dit que c’est utilisé pour la rédaction des projets de loi et l’approbation par le Cabinet, alors pourquoi ne pourrait-on pas l’avoir en temps opportun pour prendre nos propres décisions?

Le président : Voulez-vous parler brièvement de vos observations, sénatrice Dupuis?

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je suis d’accord avec tout ce que j’ai entendu au sujet des deux premières observations. J’ajouterais toutefois en ce qui concerne le texte qui vient d’être distribué, au dernier paragraphe, une virgule après « témoins devant le comité ».

Autrement dit, on demande au gouvernement de nous transmettre l’analyse avant le début de cette étude ou au plus tard à la comparution du ministre ou des représentants gouvernementaux comme témoins devant le comité, à défaut de quoi l’étude d’un projet sera retardée jusqu’à ce que cette analyse soit déposée au comité. Je crois que c’était l’idée qu’on avait exprimée tout à l’heure et elle est importante.

Je répète donc plus lentement :

[...] à défaut de quoi l’étude d’un projet de loi sera retardée jusqu’à ce que cette analyse soit déposée au comité.

[Traduction]

Le président : Est-ce un ajout à votre observation?

[Français]

La sénatrice Dupuis : Vous aurez compris que je voulais répondre à l’invitation du sénateur Gold d’amener nous-mêmes un certain nombre d’initiatives.

Le sénateur Gold : Je vais transmettre vos préoccupations au ministre dans les plus brefs délais.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Premièrement, en ce qui concerne les observations de la sénatrice Pate, en effet, puisque la sénatrice Pate vient de nous dire que la majeure partie, sinon la totalité du contenu de ses longues observations est similaire aux précédentes observations qui ont récemment été annexées aux projets de loi, je ne vois vraiment pas l’utilité de continuer encore et toujours d’ajouter ces mêmes observations, surtout que le gouvernement, ces dernières années, n’a pris absolument aucune mesure en réaction à ces observations. Nous ne faisons que les lui répéter inlassablement, mais il n’y réagit pas et n’a certainement pas changé ses façons de faire. Je ne vois pas en quoi il serait utile de continuer d’ajouter cela encore et encore.

En ce qui concerne les observations du sénateur Dalphond, c’est évidemment un sujet sur lequel j’ai beaucoup insisté, dans notre étude du projet de loi. J’ai été vraiment choquée de voir que le ministère de la Justice semble avoir rédigé ce projet de loi sans avoir de véritables données à nous montrer : ses représentants étaient incapables de répondre à nos questions sur les gens qui pourraient être touchés et sur le nombre de délinquants qui resteraient incarcérés ou qui seraient remis en liberté sous caution dans ce type de cadre législatif.

Une autre chose devrait peut-être être ajoutée à cela, concernant les données : il n’y a eu aucune étude à partir de données sur l’expérience des victimes à l’étape de la mise en liberté sous caution ou l’impact que cela pourrait avoir.

Pour ce qui est de l’ACS Plus, effectivement, comme je l’ai dit au début de la réunion, c’est quelque chose d’important et qui n’arrête pas. Oui, je crois vraiment qu’il faut attirer l’attention du gouvernement là-dessus, parce que je ne pense pas que nous ayons réussi à le faire, jusqu’ici, avec des observations.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai une question pour le sénateur Dalphond. On ne précise pas de façon détaillée le type d’information qu’on veut aller chercher. J’aurais préféré que votre observation dresse une nomenclature des données minimales à obtenir. Est-ce que cela inclut notamment ceux qui récidivent après avoir été remis en liberté? Ira-t-on chercher ce type de données?

Comme l’a mentionné la sénatrice Batters, est-ce qu’on va aussi aller chercher le type de données sur l’expérience des victimes relativement à des remises en liberté? Est-ce qu’elles sont informées? Est-ce qu’elles participent au processus? Votre amendement inclut-il ce type de données?

On pourrait les préciser après que l’amendement soit accepté. Le comité directeur pourrait préciser des éléments liés aux victimes, notamment.

Le sénateur Dalphond : La dernière phrase ainsi que les données relatives au système de mise en liberté sous caution et la sécurité du public se veut un principe très général. À mon avis, cela inclurait ça et d’autres données. Si notre sous-comité veut les ajouter, je n’ai aucune difficulté avec cela.

Le sénateur Boisvenu : On pourrait ajouter : [Difficultés techniques]. Exactement.

Le sénateur Dalphond : Incluant [Difficultés techniques]. Voilà.

Le sénateur Boisvenu : Merci.

Le sénateur Dalphond : Pour ce qui est de la dernière phrase qu’on ajoute « à défaut de quoi, l’étude d’un projet de loi sera retardée par le comité », ne serait-il pas plus prudent de dire « pourrait être retardée par le comité »? Il peut y avoir des cas d’urgence. Je me souviens que, pendant la pandémie, on a étudié des projets de lois qui ont été adoptées rapidement sans que l’on retarde des choses.

La sénatrice Dupuis : Pas « pourrait être retardée », mais « pourra être retardée ».

Le sénateur Dalphond : Oui. On pourrait dire « pourra être retardée ». En fait, à la place de « sera », ce serait « pourra ». Merci.

[Traduction]

Le président : Je pense qu’il a été proposé de modifier la disposition comme suit : « L’étude d’un projet de loi pourrait être retardée jusqu’à ce que cette analyse soit déposée au comité. » Je pense que le comité pourrait toujours décider dans un sens ou dans l’autre, quoi qu’il en soit, mais...

Le sénateur D. Patterson : Si j’ai bien compris, on a accepté de joindre les observations de la sénatrice Pate et du sénateur Dalphond?

Le président : Je pense que le sénateur Dalphond a expliqué comment l’on pourrait intégrer ses observations dans certaines parties de celles de la sénatrice Pate qui concernent le Code criminel, et aussi peut-être, ensuite, la disposition concernant spécifiquement les études et la collecte de données sur la réforme du système de mise en liberté sous caution.

Ce que j’allais proposer, à la fin de la discussion, si vous êtes d’accord avec cette approche, c’est de laisser au comité directeur le soin d’intégrer les deux observations d’une façon qui conviendrait au sénateur Dalphond, puisqu’il siège au comité directeur.

Le sénateur D. Patterson : Oui, cela me va, mais je voulais souligner que j’ai remarqué quelques ambiguïtés dans les deux observations. Je remercie les deux sénateurs de les avoir rédigées, mais, dans ses observations, la sénatrice Pate recommande un examen approfondi du Code criminel.

Le sénateur Dalphond propose de réformer en profondeur le système canadien de mise en liberté sous caution. Je pense que ce serait utile que notre comité précise au comité directeur si nous sommes en faveur d’un examen plus large du Code criminel et de toutes ses facettes ou si nous voulons mettre l’accent sur le système de mise en liberté sous caution.

À mon avis, bon nombre des témoins que nous avons entendus ont déclaré, de façon générale, que le système de mise en liberté sous caution a grandement besoin d’une réforme, et certains sont même allés jusqu’à dire que le système, de nombreuses façons, était brisé.

Je préférerais que nous recommandions en priorité une réforme substantielle du système de mise en liberté sous caution, parce que je crois qu’une réforme du Code criminel serait une tâche beaucoup plus lourde et que le gouvernement serait moins enclin à y donner suite, même s’il ne fait aucun doute que ce serait un projet qui en vaudrait la peine, surtout pour la Commission du droit du Canada, qui a récemment été ressuscitée et réformée.

Je suis tout à fait d’accord pour dire que les discussions que nous avons eues au sujet de la nécessité des données, quelque chose que tous les témoins ont mis en relief, et de la malheureuse absence de données pour éclairer ces dispositions, s’ajoutent très bien aux observations.

Nous avons eu des discussions, récemment, et des intervenants ont dit qu’il devrait aussi y avoir des données sur les victimes, et je pense que cela n’était pas précisé dans la formulation du sénateur Dalphond. J’espère que ce que j’ai dit est utile.

Le président : Bien sûr. Puis-je proposer, sénateur Patterson et chers collègues, de peut-être, au moment d’intégrer les observations du sénateur Dalphond dans celle de la sénatrice Pate, faire une transition avec une formulation qui ressemblerait à : « Plus précisément, étant donné les préoccupations sur l’absence de données probantes pour soutenir la prise de décisions dans le système de mise en liberté sous caution, nous croyons qu’il est urgent de... » et ensuite, passer à ce que le sénateur Dalphond a proposé?

Aussi, quant à votre autre point, nous pourrions faire un renvoi, soit après ce que la sénatrice Dupuis a proposé, soit ajouter quelque chose pour dire que les données à recueillir doivent porter sur tous les aspects du système de mise en liberté sous caution.

Le sénateur D. Patterson : Exact. Sommes-nous donc d’accord pour nous concentrer sur la réforme du système de mise en liberté sous caution plutôt que de l’ensemble du Code criminel?

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je ne suis pas certaine qu’on veut amalgamer les deux documents. Je trouverais plus simple de commencer par l’observation du sénateur Dalphond, qui conclut notre étude du projet de loi C-48. On a fait un certain nombre de constats. Ils sont bien résumés là, ces deux paragraphes, en ajoutant « y compris les victimes » à la fin du deuxième paragraphe.

On poursuivrait ensuite avec l’observation de la sénatrice Pate en disant qu’on tient à réitérer, de manière plus générale, ce qu’on a entendu de plusieurs témoignages convaincants, et on termine en disant que si on veut pouvoir faire notre travail, on a besoin de l’analyse comparative entre les sexes plus.

[Traduction]

Le président : Cela vous convient-il, sénateur Dalphond? De cette façon, vos observations sont à l’avant-plan. Je crois que cela tient aussi compte de votre proposition, sénateur Patterson, pour que l’information immédiate et évidente que nous avons entendue soit mise bien en évidence dans nos observations. Il serait toujours question d’une réforme du Code criminel, mais ce serait une observation secondaire. Ensuite, nous abordons les défis que la sénatrice Dupuis et la sénatrice Batters ont cernés par rapport à notre travail.

La sénatrice Batters : Je viens de penser à quelque chose, et j’aimerais vous en faire part. Vu la façon dont nous avons rédigé de manière générale nos rapports sur les projets de loi, dernièrement, au comité — il s’agit en général d’un projet de loi extrêmement court, et non pas d’un résumé des témoignages et d’autres choses plus détaillées du genre —, la seule chose que le comité va produire, essentiellement, à l’égard du projet de loi C-48, ce sont les amendements qui ont été adoptés et ces très longues observations.

Ce sont les seuls résultats que nos collègues du Sénat vont voir, à moins qu’ils ne décident de lire les transcriptions ou de regarder les vidéos passées ou d’autres choses du genre.

Ce que je veux dire, c’est que je ne crois pas que cela reflète exactement ce que le comité a entendu sur ce projet de loi. Donc, comme nous devons faire les choses plus rapidement et que nous n’avons pas le temps de produire un résumé des témoignages comme nous le faisions assez couramment pour les rapports sur les projets de loi, les gens ne voient maintenant rien d’autre. Je voulais seulement que ce soit dit.

Le président : C’est un très bon point, surtout qu’il s’agit d’un projet de loi qui n’a pas été étudié autant qu’il ne l’aurait été normalement à l’autre endroit.

Le sénateur D. Patterson : Il n’a pas été étudié du tout.

Le président : Je crois que les gens se parlent, brièvement, sénateur Patterson. Mais à part cela, je ne sais pas.

Peut-être que nous pourrions essayer de produire un rapport un peu plus étoffé, qui comprend les amendements et aussi les observations. Peut-être que nous devons à nos collègues du Sénat et probablement aux Canadiens et aux Canadiennes d’expliquer ce que nous avons fait ici, ce qui serait un peu plus étoffé. Comme vous me l’avez déjà rappelé, dire au Sénat que nous avons reçu une foule de témoins, ce n’est pas vraiment suffisant.

La sénatrice Pate : Je pense que c’est réglé, mais, comme le sénateur Patterson a soulevé cette question, sous-jacent aux témoignages de très nombreux témoins, il y avait le fait que le système de mise en liberté sous caution n’est que la pointe de l’iceberg et que les problèmes sont beaucoup plus vastes. Nous n’atteindrons pas les objectifs en essayant de régler ces problèmes par l’intermédiaire du système de mise en liberté sous caution. Voilà pourquoi je pense qu’il est très important de répéter les dispositions sur l’examen.

Je suis d’accord avec la sénatrice Batters. C’est frustrant qu’on n’y donne pas suite, mais ces recommandations étaient faites même bien avant que j’arrive ici, et maintenant que nous allons avoir une Commission du droit, peut-être que l’on va y donner suite, puisque nous continuons à le recommander.

Le sénateur D. Patterson : Cela me semble logique. Monsieur le président, sommes-nous donc d’accord pour que, comme la sénatrice Batters, je crois, l’a proposé, nous ajoutions un résumé des témoignages, afin de fournir au Sénat un rapport plus étoffé?

Le président : Je pense que, sans vouloir raconter toute l’histoire, nous allons écrire un rapport plus étoffé qu’à l’habitude, qui va refléter la teneur des témoignages. Ce sera notre but. Est-ce bien ce que le comité propose, qu’il préfère un rapport rédigé de cette façon?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Dalphond : La seule chose qui me préoccupe, et ce n’est peut-être pas une raison de ne pas vouloir de résumé, mais je pense que nous devrions prendre le temps en considération. Si nous avons besoin d’un résumé de tous les témoignages, cela prendra beaucoup de temps pour le faire. Je pense que nous devrions préparer notre rapport pour la Chambre, aux fins de l’examen, avec le projet de loi, et le renvoyer à l’autre endroit. Nous n’avons pas vraiment beaucoup de temps, et l’autre endroit semble un peu pressé de terminer cela. Je veux simplement éviter les retards.

Le président : Sans donner la parole au sénateur Gold, je suis sur la même longueur d’onde que lui, ou il est sur la même longueur d’onde que moi, à ce sujet.

Nous ne serons pas en mesure de produire un rapport d’ici demain, peu importe ce qui arrive, du moins je ne pense pas, mais si nous nous fixons pour objectif de présenter le rapport au Sénat dès que possible la semaine prochaine, tout en sachant que c’est beaucoup à demander à nos fonctionnaires, je pense que ce serait possible.

Des voix : D’accord.

Le président : Merci. Puis-je vous demander de passer au dernier vote? Est-il convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à approuver la version finale des observations qui seront annexées au rapport, un rapport un peu plus étoffé, en tenant compte de la discussion d’aujourd’hui et en apportant tout changement nécessaire lié à la forme, à la grammaire ou à la traduction?

Des voix : D’accord.

Le président : Sénatrice Batters, voulez-vous exprimer votre dissidence?

La sénatrice Batters : Non, je voulais seulement demander une chose : Ne devons-nous pas tenir un vote sur les observations elles-mêmes? J’allais dire « avec dissidence ». Je ne pense pas que nous l’ayons fait.

Le président : Une motion a affectivement été proposée, qui était : « Est-ce que le comité veut annexer des observations au vote? »

La sénatrice Batters : Oui, mais ce n’est pas la même chose que demander si nous sommes d’accord avec le fond. De façon générale, je sais que cela va d’une façon ou d’une autre être intégré. Je ne suis pas d’accord pour annexer tout cela en tant qu’observation, mais j’allais le laisser faire, avec dissidence. Je pense que c’est différent. J’ai l’impression que ce que vous lisiez, c’était essentiellement pour dire « pouvons-nous peaufiner un peu ce qui est écrit ».

Le président : C’est la formule standard. Peut-être que vous ne vous y opposez pas, mais peut-être que vous voudrez exprimer votre dissidence au dernier vote : « Est-il convenu que je fasse rapport de ce projet de loi, tel qu’amendé et avec observations, au Sénat? »

La sénatrice Batters : Oui, c’est ce que je vais faire, mais habituellement, s’il n’y avait pas eu de combinaison, nous aurions voté ou quelque chose du genre sur chacune des observations, et nous ne l’avons pas vraiment fait pour chaque observation spécifique, comme celles de la sénatrice Pate, du sénateur Dalphond et de la sénatrice Dupuis. Maintenant, elles sont réunies en une seule, et je ne pense pas que cela a été mis aux voix.

Le président : Cela me fait plaisir de tenir le vote, afin que vous puissiez exprimer votre opinion. Plaît-il au comité d’adopter les observations?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Batters : Avec dissidence.

Le président : Nous avons déjà tenu le vote pour le suivant, l’autorisation d’apporter les modifications nécessaires pour produire le rapport et les observations.

Est-il convenu que je fasse rapport de ce projet de loi, tel qu’amendé, avec observations, au Sénat?

La sénatrice Batters : Avec dissidence.

Des voix : D’accord.

Le président : Convenu avec dissidence.

Voilà qui met fin à nos travaux d’aujourd’hui. Permettez-moi tout d’abord, parce que le temps nous est compté, de remercier les représentants qui se sont joints à nous encore une fois et nous ont fait part de leurs conseils et répondu à nos questions avec beaucoup de détails, comme ils le font toujours.

J’aimerais aussi remercier les sénateurs et les sénatrices de s’être engagés à fond dans ces travaux. Si nous étions à un séminaire d’une faculté de droit, on vous aurait donné beaucoup d’argent en récompense de ce que vous nous avez enseigné, et je me compte parmi les élèves. Je voulais vous en remercier.

Je tiens aussi à remercier les représentants du bon travail qu’ils ont accompli en soutenant le comité encore une fois, et aussi l’équipe, qui rend tout ce bon travail possible.

Merci à tous et à toutes. Sur ce, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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