LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 19 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les propositions visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevés dans les lois et règlements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet.
Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
[Traduction]
J’invite mes collègues à se présenter.
Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, division De Lorimier, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Klyne : Bonjour et bienvenue. Je m’appelle Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, territoire du Traité no 4.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Je m’appelle Paula Simons et je viens de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate. J’habite ici, sur le territoire non cédé des Algonquins anishinaabe. Bienvenue.
La sénatrice Jaffer : Bienvenue. Je m’appelle Mobina Jaffer et je viens de la Colombie-Britannique.
Le président : Je m’appelle Brent Cotter. Je suis sénateur de la Saskatchewan et je préside le comité.
Chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen d’un document déposé au Sénat et renvoyé à notre comité le 20 juin 2023, intitulé :
Propositions visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevées dans les Lois et Règlements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet.
Il s’agit d’une tâche un peu inhabituelle, mais pas sans précédent pour le comité des affaires juridiques et constitutionnelles du Sénat, et elle est familière à certains d’entre vous qui êtes parmi nous depuis longtemps. Nous recevons une série de recommandations formulées par le ministre de la Justice concernant plusieurs lois du Canada qui nécessitent des modifications non controversables. Je vais vous donner un peu de contexte, puis je vais vous présenter nos invités à la table ainsi que plusieurs autres personnes présentes pour nous aider, et nous commencerons ensuite à entendre les présentations, qui seront suivies de questions de la part des sénateurs.
Pour situer le contexte, ce document est une mise à jour régulière des lois — appelée Programme de correction des lois — dont des études ont montré au fil des ans qu’elles contenaient certaines anomalies et contradictions. Comme c’est généralement le cas, nous mettons périodiquement à jour certaines lois du Parlement afin qu’elles reflètent mieux les intentions des législateurs. Comme certains députés s’en souviennent peut-être, le Programme de correction des lois a été lancé en 1975 pour permettre des modifications mineures et non controversables des lois fédérales dans le cadre d’un projet de loi omnibus, souvent appelé « projet de loi d’ordre administratif ».
Les demandes de modification sont transmises à la section législative du ministère de la Justice, principalement par les ministères et organismes fédéraux; cependant, toute personne peut proposer une modification si celle-ci répond aux critères du programme, dont vous avez déjà un peu entendu parler. Pour être incluses, les modifications proposées doivent répondre aux critères suivants : ne pas être controversables; ne pas comporter de dépenses de fonds publics; ne pas porter atteinte aux droits de la personne; et ne pas créer d’infraction ni assujettir une nouvelle catégorie de justiciables à une infraction existante.
Les propositions sont ensuite déposées au Sénat et à la Chambre des communes, puis renvoyées au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour un examen plus approfondi, ce qui explique pourquoi nous en sommes maintenant saisis. Comme vous pouvez le constater, ce processus diffère du processus législatif habituel.
Une fois que les deux comités auront étudié les propositions et fait rapport à leur Chambre respective, un projet de loi correctif sera alors préparé, en omettant tout article dont l’inclusion aura été contestée par un membre de l’un ou l’autre des comités. Si un élément proposé vous préoccupe, vous disposez d’une bonne part d’autorité et d’autonomie. Si un seul membre du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des députés ou du présent comité estime qu’une modification proposée est controversable ou ne satisfait pas aux critères, elle doit être retirée. Chaque comité peut également ajouter de nouvelles propositions à examiner par l’autre comité, à condition qu’elles répondent aux mêmes critères. Une fois que les comités auront rendu compte à la Chambre des communes et au Sénat de leur examen des propositions, la section législative du ministère de la Justice préparera le projet de loi correctif qui s’impose.
Je crois savoir que le comité de l’autre endroit n’a pas encore examiné les propositions, de sorte que nous sommes les premiers à nous pencher sur celles-ci. La dernière fois que le comité a été saisi de ce travail était en 2017. Le greffier a distribué des exemplaires des rapports de 2014 et 2017.
Permettez-moi maintenant de vous présenter les fonctionnaires qui sont avec nous : Riri Shen, sous-ministre adjointe déléguée et première conseillère législative, Secteur du droit public et des services législatifs; Victoria Netten, conseillère juridique des services consultatifs et des initiatives législatives, Secteur du droit public et des services législatifs; et Philippe Denault, avocat-conseil des services consultatifs et des initiatives législatives, Secteur du droit public et des services législatifs. Ils nous rejoignent à la table pour faire leurs présentations et répondre à vos questions.
Comme il y a un nombre considérable de personnes ici qui ont apporté leur contribution et dont le travail reste parfois dans l’ombre ou n’est pas suffisamment reconnu, je vais prendre un instant, si vous me le permettez, chers collègues, pour les saluer. La liste est longue, mais je tiens à le faire : Mme Leah Gavin, conseillère juridique, Santé Canada; M. Franco Bello, analyste des politiques, Division de la gestion des hydrocarbures extracôtiers, Secteur des carburants, Ressources naturelles Canada; Mme Shawna Noseworthy, avocate-conseil, Services juridiques — Agriculture et inspection des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada; M. Donald Boucher, directeur général, Direction du développement et analyse du secteur, Agriculture et Agroalimentaire Canada; Mme Erika Shneidereit, avocate, Services juridiques du ministère de la Justice, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; M. Uyen Hoang, directeur général par intérim, Politique de citoyenneté, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; Mme Kathleen Wyre, directrice, Politique des pensions, ministère des Finances Canada; Justin Chan, directeur, Direction générale des politiques de la sécurité nationale, Sécurité publique Canada; M. David MacIntyre, gestionnaire par intérim, Direction générale des politiques de la sécurité nationale, Sécurité publique Canada; Mme Rachel Heft, gestionnaire et avocate-conseil, Services juridiques de Transports et d’Infrastructure, Transports Canada; Mme Melanie Vanstone, directrice générale, Programmes multimodaux et sécurité routière, Transports Canada; M. Sean Rogers, directeur exécutif, Affaires législatives, réglementaires et internationales, Transports Canada; et Mme Simone Kendall, gestionnaire, Affaires législatives et réglementaires, Programme canadien d’aide financière aux étudiants, Emploi et Développement social Canada.
Bienvenue à tous. Je vous remercie de l’aide que vous nous offrez dans le cadre du travail que nous nous apprêtons à faire.
Je pense que le ministère de la Justice fera d’abord une déclaration préliminaire de cinq minutes, puis les sénateurs pourront poser des questions. Madame Shen, vous avez la parole.
Riri Shen, sous-ministre adjointe déléguée et première conseillère législative du Canada, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice Canada : Bonjour à tous. Je remercie les membres du comité de me permettre de présenter ces propositions. Je suis heureuse de participer à l’étude du document intitulé « Propositions présentées en vue de la Loi corrective de 2023 ».
Le document de propositions a été rédigé dans le cadre du programme de correction des lois, lequel repose sur une étroite collaboration entre le ministère de la Justice et les parlementaires. Pour mettre ce programme en contexte, je commencerai par faire quelques observations sur son historique, sur les critères utilisés pour déterminer si une proposition législative devrait être retenue et sur le processus législatif applicable. Je donnerai ensuite un aperçu général de la structure et du contenu du document.
Comme vous l’avez entendu, le programme de correction des lois a été établi en 1975 et il vise à accélérer l’adoption de modifications mineures et non controversables à des lois fédérales. L’honorable Otto Lang, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada, a créé ce processus permettant d’apporter des modifications mineures à des lois fédérales au moyen d’un projet de loi omnibus. Tout comme maintenant, le programme législatif était très chargé; il était donc ardu d’apporter des modifications mineures à chacune des lois fédérales ou d’y corriger les erreurs occasionnelles. Par conséquent, le programme a été mis en place pour apporter ces changements sans accaparer beaucoup de temps des deux Chambres. Depuis l’établissement du programme, 12 projets de loi de ce type ont été adoptés. Nous travaillons donc sur le treizième.
La Section des services législatifs spécialisés du ministère de la Justice, qui relève de mon mandat, est responsable du programme. Le programme sert à corriger des anomalies, des contradictions, des archaïsmes et des erreurs qui peuvent parfois se glisser dans les lois fédérales. Plus précisément, il permet d’apporter, au moyen d’un projet de loi, des modifications mineures et non controversables à un ensemble de lois fédérales au lieu d’avoir recours à un projet de loi par modification. Dans certains cas, si les modifications ne sont pas apportées au moyen du programme, elles pourraient ne jamais l’être parce qu’elles ne sont pas assez importantes pour justifier l’utilisation des ressources nécessaires à l’élaboration et à la présentation d’un projet de loi au Parlement à cette fin uniquement.
[Français]
Les critères à respecter afin qu’une modification proposée aux termes du programme soit retenue apparaissent au dos de la page couverture du document de propositions. Plus précisément, les modifications proposées doivent ne pas être controversables, ne pas comporter de dépenses de fonds publics, ne pas porter atteinte aux droits de la personne et ne pas créer d’infraction ni assujettir une nouvelle catégorie de justiciables à une infraction existante.
L’aspect non controversable de la modification constitue le principal critère à respecter aux termes du programme. Selon l’ancien ministre Otto Lang, le respect de ce critère ne serait pas difficile à établir, et une modification proposée serait controversable dès que l’un des membres des comités s’y opposerait.
Le processus législatif prévu aux termes du programme de correction des lois est différent du processus législatif habituel. Essentiellement, les deux Chambres du Parlement étudient séparément les propositions en comité en vue de l’élaboration et du dépôt d’un projet de loi.
Honorables sénateurs et sénatrices, nous pouvons vous rassurer sur le fait que, si un membre de ce comité ou du comité de l’autre endroit qui étudiera également le document s’oppose à une proposition de modification législative, cette modification sera retirée et ne sera pas incluse dans le projet de loi qui sera ensuite rédigé.
Lorsque les comités des deux Chambres auront terminé leur examen et présenté leur rapport à leur Chambre respective, un projet de loi sera élaboré par le ministère de la Justice conformément à ces rapports, qui comprendront les modifications adoptées à l’unanimité par les comités et toute disposition de coordination requise pour assurer la cohérence entre ce projet de loi et d’autres mesures législatives existantes. Le projet de loi sera ensuite présenté au Parlement.
Je vais maintenant prendre quelques minutes pour expliquer comment le document de propositions est organisé et pour résumer son contenu. Au verso de la page couverture du document se trouve une brève explication de l’historique, des critères et du processus législatif associés au programme. On trouve ensuite la table analytique, puis les propositions de modifications.
Le document contient des propositions visant 62 lois. Les 53 premiers articles contiennent les propositions de modifications à 26 lois, classées en ordre alphabétique, parce que ces lois font partie de la révision des lois du Canada de 1985 conformément à la pratique normale de rédaction. À partir de l’article 54, les lois sont classées en ordre chronologique. Les articles 131, 132 et 166 comprennent des modifications aux règlements pour assurer la cohérence entre la loi et les règlements connexes en ce qui concerne le changement de nom de la Commission de révision agricole du Canada.
À la suite des propositions de modifications se trouve une section intitulée « Notes explicatives ». Ces notes fournissent de brèves explications sur les raisons qui motivent la proposition de modification, ainsi que la version actuelle de la disposition en question.
[Traduction]
Les propositions de modifications législatives corrigent des erreurs de grammaire et de terminologie, en plus de mettre à jour la désignation de certains organismes. Elles corrigent aussi des erreurs typographiques, des erreurs de renvoi, l’utilisation de termes désuets et des divergences entre les versions française et anglaise.
Le document contient également des propositions d’abrogation de certaines dispositions législatives qui ne sont plus utiles. Par exemple, l’article 12 de la Loi sur le ministère des Transports, qui est antérieur à l’article 24 de la Loi d’interprétation et qui le recoupe, et l’alinéa e) de la définition de « société provinciale » de la Loi sur les sociétés d’assurances ne sont plus utiles en raison de la fusion de la société avec une autre société au sens de la loi.
Enfin, certaines propositions de modifications ont aussi fait l’objet d’observations du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation. Ces modifications résoudront des problèmes soulevés par le comité, notamment en faisant concorder des dispositions de la Loi sur la prévention des voyages de terroristes et du Décret sur les passeports canadiens.
Si vous me le permettez, je saisis aussi l’occasion pour souligner une erreur à l’article 27 du document. L’article propose de modifier l’alinéa 204(8)e) du Code criminel. Il y a une erreur typographique, et la formulation de la proposition de modification est redondante, ce qui devrait être corrigé. Les mots « notamment par la délivrance de permis » sont utilisés à deux reprises. La première occurrence devrait être supprimée.
Nous voudrions aussi attirer votre attention sur l’article 58. Ces modifications font partie de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023, qui a reçu la sanction royale après le dépôt du document de propositions.
[Français]
Voilà mes observations préliminaires. Victoria Netten et Philippe Denault, avocats au sein du ministère de la Justice, et moi sommes avec nous pour répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci, madame Shen.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie de votre exposé.
Je crois que ma question s’adresse à vous, madame Shen. Ce dossier relève de votre responsabilité. Vous avez parlé du fait que le programme de correction des lois vise à accélérer l’adoption de modifications mineures. Toutefois, depuis sa création en 1975, le gouvernement menait un examen chaque année, ou tous les deux ou trois ans, jusqu’en 1987. Puis, en 1992, il lui a fallu cinq ans avant de présenter des modifications. En 1999, il lui a fallu encore une fois cinq ans. En 2015, quatre ans s’étaient écoulés. Dans le cas présent, nous avons attendu six ans pour qu’un document de propositions soit présenté. On dirait que les examens ont lieu moins fréquemment. Pouvez-vous expliquer pourquoi et nous dire qui décide du moment opportun pour présenter une proposition au Parlement?
Mme Shen : Merci beaucoup de votre question.
Au sein du gouvernement fédéral, le processus s’appuie sur un appel de propositions. De plus, les ministères nous fournissent régulièrement une liste de propositions qu’ils souhaiteraient inclure dans le processus. Toutefois, le dépôt d’un document de propositions ne relève pas de la fonction publique. Nous sommes conscients qu’un certain nombre d’années se sont écoulées depuis la dernière proposition. Comme vous le savez, la pandémie a interrompu le programme et le processus. Nous avions presque terminé l’étape de collecte de propositions lorsque les travaux ont été suspendus en raison de la pandémie de COVID-19 et des priorités plus pressantes qui y étaient associées.
Étant donné que les modifications sont mineures et non controversables, elles ne sont évidemment pas aussi pressantes que d’autres initiatives. Compte tenu des autres priorités et affaires urgentes, le délai entre l’étude du document de propositions et son dépôt peut être plus long. La préparation d’un tel document nécessite beaucoup de coordination, ce qui peut prolonger l’intervalle entre deux dépôts. Il est aussi nécessaire d’accumuler une quantité considérable de propositions pour utiliser de façon efficace le temps des parlementaires.
Le sénateur D. Patterson : Merci. C’est donc à la leader du gouvernement à la Chambre des communes que nous devrions poser ces questions, et non pas à vous, dévoués fonctionnaires. C’est ce que je comprends de votre réponse.
Je voulais aussi vous poser des questions sur des articles du document qui portent sur la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle a cessé d’être une division de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador pour devenir une institution indépendante en 2018. Nous sommes maintenant saisis de plus d’une douzaine d’articles qui portent sur ce changement remontant à 2018. Pourquoi avoir attendu cinq ans avant de nous présenter ces modifications?
Victoria Netten, conseillère juridique des services consultatifs et initiatives législatives, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice Canada : Aucun document de propositions issu du programme de correction des lois n’a été déposé depuis ce changement. C’est donc le premier document qui nous permet d’apporter une modification de cette ampleur, qui touche de nombreuses lois.
Le sénateur D. Patterson : Madame Shen, puis-je supposer que la Section de la législation du ministère dispose des ressources suffisantes pour recueillir et examiner en temps voulu les propositions de modifications?
Mme Shen : Oui, nous avons les ressources nécessaires. Je peux toutefois apporter une précision à propos des rouages internes du Secteur des services législatifs : ce n’est plus la Section de la législation qui gère le processus de coordination. C’est un groupe de services législatifs spécialisés, du Secteur des services législatifs, qui s’en occupe.
Le sénateur D. Patterson : Merci.
Le président : Si vous me le permettez, j’ai deux ou trois questions à poser. Je commencerai par un court préambule.
J’ai été sous-procureur général pendant une certaine période. Le secteur des services législatifs de ce ministère tournait à plein régime, et sa contribution était impressionnante. Je n’ai aucun doute que le travail que vos collègues et vous faites est tout aussi efficace. La sénatrice Batters a également eu des liens avec cette équipe en Saskatchewan. Ce n’était qu’une note sur le passé qui s’applique aussi au présent. Je vous remercie du travail complexe et exigeant que vous faites.
Le document inclut un grand nombre de propositions. Je pense que le sénateur Patterson fait valoir qu’il n’est pas simple pour nous de faire preuve de diligence raisonnable dans ce cas. Il semble, madame Shen, que vous étiez très bien préparée à répondre à la question du sénateur Patterson, ce qui est tout à votre honneur. Toutefois, personnellement, je n’ai pu faire preuve que d’une certaine diligence dans l’examen des modifications. Je vais vous parler de deux ou trois modifications qui portent sur des dispositions inhabituelles, selon les critères utilisés, sans vouloir les dénoncer ou les remettre en question. Si possible, c’est ce que je ferai. Vous pourrez faire appel à vos collègues si nécessaire.
L’une d’entre elles, l’article 8, porte sur la Loi sur le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail. Une disposition prévoit que les fonctions assignées au président par cette loi sont incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction. Cette disposition législative me semble inhabituelle. Une certaine modernisation s’applique dans ce cas-ci, mais je me pose des questions sur son caractère étrange.
Mme Shen : Je vais me tourner vers mes collègues qui pourront répondre à cette question.
Me Netten : La modernisation qui est proposée vise à utiliser un langage non sexiste dans la loi. Malheureusement, ce n’est pas une loi qui relève du ministère de la Justice. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur le libellé de la disposition actuelle et les raisons pour lesquelles elle se trouve dans la loi.
Le président : D’accord, je comprends.
Ma deuxième question porte sur une disposition de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, plus précisément sur l’article 11.14. Si je m’interroge, c’est que des changements de fond ne devraient pas être apportés. On semble y décrire... Je vais simplement lire la première partie du paragraphe 11.14(1). Elle indique que l’autorisation judiciaire — ce qui me fait penser à un mandat de perquisition — qui est donnée en vertu de tel ou tel article doit répondre à une liste de critères. À première vue, sans en savoir plus, ce type de disposition législative semble substantielle. Je me demande pourquoi cette modification est considérée comme mineure.
David MacIntyre, gestionnaire, Direction générale des politiques de la sécurité nationale, Sécurité publique Canada : Je crois pouvoir répondre à votre question. Le but de cette disposition est d’aligner le texte anglais avec le texte français. En français, chaque élément de l’énumération commence par un verbe, ce qui précise plus directement ce que l’autorisation judiciaire doit faire. L’autorisation judiciaire dont il est question ici permet au Service canadien du renseignement de sécurité de conserver un ensemble de données canadien.
Le président : Après avoir entendu une réponse donnée plus tôt, je crois avoir trouvé moi-même la réponse à ma troisième question.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup d’être avec nous ce matin. C’est très apprécié, car vous êtes en mesure de répondre directement aux questions les plus techniques; c’est très bien.
Si l’on exclut deux modifications — soit l’une au nom des tribunaux judiciaires de certaines provinces et une autre pour remplacer le mot « vérificateur », dans la version française des lois, par le mot « auditeur », qui représente la nouvelle terminologie comptable utilisée maintenant partout dans monde, y compris en France —, cela couvre combien des amendements que nous examinons? S’agit-il de 90 % des amendements?
Me Philippe Denault, avocat-conseil des services consultatifs et initiatives législatives, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice Canada : Je n’ai pas le nombre exact ou les statistiques précises à cet égard, mais dans l’ensemble, il en reste quand même beaucoup d’autres.
[Traduction]
Me Netten : Je n’ai pas le nombre ou le pourcentage exact, non. Le document comprend trois modifications générales majeures.
[Français]
Il y a le changement du mot « vérificateur » par le mot « auditeur ». L’autre changement vise à changer le nom de la Commission de révision agricole du Canada et le troisième changement vise à modifier le nom de la cour.
Le sénateur Dalphond : Vous parlez de la cour d’appel; il s’agit donc d’indiquer son vrai nom, au lieu d’être la Cour suprême, division d’appel?
Me Netten : Oui. Cela englobe la plupart des changements. Il y en a quelques-uns qui sont de moindre envergure, mais qui se trouvent également dans le document; on peut dire que ces trois changements représentent 90 % des modifications.
Le sénateur Dalphond : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je suis très reconnaissante que le sénateur Cotter ait mentionné l’excellent travail méconnu qu’accomplissent les ministères de la Justice partout au pays. Je connais bien le travail effectué en Saskatchewan par les bonnes gens du service de la rédaction des textes législatifs ainsi que des services législatifs. Ces personnes sont des professionnels. Je tiens à souligner leur travail.
Il y a plusieurs années, j’ai été, pendant un certain temps, coprésidente du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation. En 2014, si je ne m’abuse, il avait été recommandé de prévoir dans le programme de correction des lois le renvoi de propositions au comité d’examen de la réglementation. À l’époque, j’appuyais tout à fait cette idée. J’étais toujours membre du comité des affaires juridiques lorsqu’est venu le temps de recommencer le processus en 2017, et nous avons fait la même recommandation, c’est-à-dire d’inclure dans le processus le renvoi de certaines propositions au comité d’examen de la réglementation. Nous avons répété cette recommandation en 2017 parce qu’on n’avait, essentiellement, nullement tenu compte de celle de 2014. Je voudrais donc savoir si la recommandation d’utiliser le Comité d’examen de la réglementation, formulée en 2014 et en 2017, a été suivie cette fois-ci.
Me Netten : Une lettre a été envoyée au Comité mixte permanent d’examen de la réglementation en 2018 lorsque l’appel de propositions a été lancé, et en réponse, le comité nous a fait parvenir quelques suggestions de modifications à apporter dans le cadre de ce programme. Nous avons examiné ces suggestions et avons inclus dans le document celles qui répondent aux critères. Puis, en 2019, nous avons écrit une lettre au comité l’informant que certaines suggestions ne sont pas appropriées pour ce programme ou visent des règlements, car en général, on ne touche pas aux règlements dans le cadre de ce programme. Les quatre suggestions de modifications qui nous ont été signalées par le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation et qui répondent aux critères ont été incluses dans le document.
La sénatrice Batters : Cela remonte donc à 2018, au moment du premier appel de propositions, probablement.
Me Netten : Oui.
La sénatrice Batters : À quelle fréquence correspondrez-vous avec le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation dorénavant? Comptez-vous le consulter une fois par année, comme ce devrait peut-être être le cas, ou chaque fois qu’on décide qu’une correction des lois s’impose? Comme je l’ai sans doute dit maintes fois déjà, l’étude de propositions dans le cadre du programme de correction des lois devrait se faire régulièrement, comme c’est le cas en Saskatchewan où, si je ne m’abuse, il s’agit d’un exercice annuel, sinon à tout le moins bisannuel. Cela permet de faire le ménage. Est-ce là le genre de question que vous posez au comité d’examen de la réglementation, qui devrait se livrer régulièrement à un tel exercice pour formuler des recommandations plus fréquemment?
Mme Shen : Je vous remercie de la question.
Il est vrai que, depuis cette lettre initiale, nous n’avons pas écrit directement au Comité mixte permanent d’examen de la réglementation. Toutefois, à l’interne, nous suivons les travaux du comité. Lorsqu’on cerne les modifications législatives nécessaires, un processus interne prévoit un suivi auprès des ministères clients pour vérifier s’ils souhaitent concrétiser ces modifications. En fin de compte, la décision appartient aux ministères.
La sénatrice Batters : Merci.
J’ai été coprésidente du comité jusqu’en 2015. Ensuite, nous avons eu des élections et un changement de gouvernement. Honnêtement, au cours des premières années de mandat majoritaire du gouvernement, le comité d’examen de la réglementation se réunissait plus fréquemment, mais depuis plusieurs années, il se réunit peu fréquemment. Parfois, il se passe des mois entre les réunions. J’espère que ce processus a été rectifié également.
Ma dernière question porte sur l’une des modifications proposées. L’article 158 modifierait le paragraphe 4(1) de la Loi sur la prévention des voyages de terroristes, lequel est très important. Comme le précise la note explicative, cette modification fait concorder le paragraphe avec celui du Décret sur les passeports canadiens. Il ferait notamment passer le libellé d’une disposition de « Si un passeport a été annulé par suite d’une décision du ministre prise en vertu du Décret sur les passeports canadiens [...] » à « Si le ministre a décidé qu’un passeport doit être annulé en vertu du Décret sur les passeports canadiens [...] » Pouvez-vous expliquer pourquoi il est nécessaire de modifier cet aspect du libellé pour qu’il concorde mieux avec le Décret sur les passeports canadiens?
De plus, existe-t-il dans la pratique, une différence entre la décision, par un ministre, qu’un passeport doit être annulé et l’annulation du passeport? Par exemple, pourrait-il y avoir un délai entre la décision du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et l’annulation effective du passeport? Ces dernières années, nous avons entendu dire que des dossiers traînent plusieurs mois sur le bureau des ministres, dont certains pouvant avoir de très lourdes conséquences.
Justin Chan, directeur des politiques de lutte contre le terrorisme, Sécurité publique Canada : Bonjour. Je vous remercie de la question.
Cette modification de la Loi sur la prévention des voyages de terroristes a été demandée parce que, à l’heure actuelle, le libellé de la loi dit essentiellement que le ministre peut fonder sa décision sur la nécessité de l’annulation — ou du refus ou de la révocation — alors que le décret précise les critères qui doivent être réunis pour le ministre parvienne à une telle décision. Par conséquent, le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation a recommandé d’aligner les deux; autrement, on donne l’impression qu’il existe deux ensembles de critères distincts pour la même décision. J’espère que cela répond à votre première question.
Pour ce qui est de votre deuxième question, au sujet du délai, je dirige le programme des passeports au sein de Sécurité publique Canada. Je peux vous assurer que lorsque le ministre de la Sécurité publique prend la décision d’annuler, de refuser ou de révoquer un passeport, cette décision est mise à exécution immédiatement, de concert avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Cela se fait. Nous n’avons pas besoin d’avoir en main le passeport physique pour l’annuler. Il peut être annulé dans le système d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada sur décision du ministre de la Sécurité publique.
La sénatrice Batters : Lorsque vous dites « mise à exécution immédiatement », quel est le délai entre la recommandation au ministre et l’annulation concrète?
M. Chan : Comme toute décision, cela dépend des priorités avec lesquelles le ministre doit composer. Cela dit, nous avons une procédure interne permettant de saisir rapidement les échelons supérieurs des demandes urgentes. Nous avons également un instrument de délégation de pouvoir au sein de Sécurité publique Canada qui permet de déléguer le pouvoir décisionnel à un échelon inférieur, c’est-à-dire jusqu’à mon échelon, directeur des politiques de lutte contre le terrorisme. Cela vaut pour les situations urgentes. Pour favoriser la transparence et la bonne gouvernance du programme des passeports, nous tentons toujours de faire approuver les décisions par le plus haut responsable possible, mais dans une situation extrême, où l’on s’attend à ce que la personne voyage de façon imminente, l’annulation peut se faire à mon niveau.
Je précise qu’il existe également d’autres outils, comme la liste d’interdiction de vol, dont ma division est également responsable, et à laquelle on peut recourir pour empêcher une personne de voyager à des fins de terrorisme.
La sénatrice Batters : C’est bien. Espérons que le processus ne repose pas sur la correspondance par courriel, car nous avons connu des problèmes concernant les courriels dans ce ministère. Merci.
La sénatrice Simons : Je n’ai pas l’expérience ou les connaissances de la sénatrice Batters au sujet de ce processus. C’est la première fois depuis que je suis devenue sénatrice qu’un tel document nous est présenté. Je suis très curieuse. Je suis le genre de personne qui est très agacée à la vue d’un panneau où l’on emploie incorrectement l’apostrophe. J’ai fait mes études en lettres anglaises et j’ai été réviseure à un certain moment dans ma carrière. Combien des modifications proposées visent à corriger, par exemple, une nomenclature devenue politiquement incorrecte, une erreur de traduction, ou des détails qui ont non seulement peu, mais en réalité aucune conséquence? Combien des problèmes cernés risquent d’avoir une incidence sur l’interprétation de la loi s’ils ne sont pas modifiés? Si l’on tarde à apporter ces modifications — je n’ose dire « à des fins esthétiques », car cela minimiserait leur importance — risque-t-il d’arriver quelque chose de grave, ou cherche-t-on simplement à soulager ceux que ces erreurs agacent chaque fois qu’ils les voient?
Mme Shen : Merci. C’est une question très intéressante.
Beaucoup de gens sont agacés lorsqu’ils voient des erreurs. Je crois pouvoir dire sans me tromper que la plupart, sinon tous les membres de la Direction des services législatifs ont ce genre de réaction. Cela dit, nous reconnaissons que les mots sont importants, donc il est utile de mettre à jour les termes vieillis ou les noms à mesure que la terminologie évolue. C’est le cas, par exemple, du remplacement de « vérification » par « audit ». Pour ces raisons, nous aimons croire qu’il est important de maintenir les lois à jour.
La sénatrice Simons : Je ne dis pas que nous devrions attendre une autre année. Manifestement, nous devrions apporter ces modifications sur-le-champ. Toutefois, si nous attendons une autre année, va-t-il se passer quelque chose ou allons-nous simplement être tristes?
Mme Shen : Cette réponse varie en fonction de l’auditoire. Par exemple, je peux comprendre que le fait que ces renvois ne soient pas à jour peut irriter bien des gens, notamment les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador. De même, beaucoup de gens participent à des audits et à des vérifications, alors il est important que la terminologie employée dans la loi reflète ce qui est approprié dans ce domaine. Les gens estiment en effet qu’il est important que nous apportions ces modifications.
La sénatrice Simons : Toutefois, ce n’est pas comme si un homme libre dans ce pays — une personne qui se représente elle‑même — va contester la décision d’un tribunal à Terre-Neuve en disant: « La loi dit cela, alors par conséquent, je ne reconnais pas la juridiction de ce tribunal. »
Mme Shen : Je ne suis pas vraiment en mesure de répondre à cette question.
Le président : Je crois qu’il vaudrait mieux que la sénatrice Simons ne fasse pas trop de suggestions du genre. Merci.
La sénatrice Pate : Les apostrophes mal employées et autres erreurs du genre me dérangent aussi.
Je suis convaincue que dans le cadre de vos travaux, vous relevez des passages importants où la façon de rédiger les lois a changé ou encore des incohérences ou un chevauchement entre les dispositions d’une même loi ou entre deux ou plusieurs lois. Ainsi, l’une des observations que nous avons faites de nouveau hier soir est la nécessité de faire l’examen général des lois, notamment du Code criminel. Lorsque vous relevez de telles choses à corriger — car vous en voyez sûrement passer lorsque vous épluchez les lois, c’est inévitable — quelle est la procédure que vous suivez pour aviser les fonctionnaires qu’ils auraient peut-être intérêt à examiner ces passages? Évidemment, vous ne pouvez prendre la décision politique, mais vous pouvez certainement formuler des recommandations. À quelle fréquence cela se produit-il, qui avisez-vous, et quelle est la procédure pour garantir un suivi?
Mme Shen : Je vous remercie.
Vous soulevez un excellent point. Nous examinons cette question au Secteur des services législatifs. Je dirais que nous n’avons pas forcément de processus officiel jusqu’à maintenant et que cela constitue un problème, j’en conviens.
Nous avons tendance à nous fier quelque peu à la mémoire organisationnelle des gens qui travaillent dans les ministères clients, les services juridiques et notre service lui-même. Nous cherchons à faire le suivi des problèmes à corriger pour que si l’occasion se présente, nous puissions faire des propositions de modifications avant la présentation d’un mémoire au Cabinet. Nous ne sommes pas toujours mis au courant. Parfois, tout va très vite. Nous tentons de trouver des occasions pour soumettre des corrections, mais l’intérêt n’est pas toujours là, selon les gens qui participent au processus à différents niveaux.
Le président : Dans la foulée du commentaire de la sénatrice Pate, si les gens des ministères clients vous font des suggestions plus substantielles que ce que le processus ne permet, devez-vous refuser un grand nombre de propositions?
Me Netten : Nous recevons des propositions concernant le programme qui ne répondent pas aux critères, parce qu’elles sont trop substantielles. Nous tentons alors de faire des recommandations visant à utiliser d’autres instruments législatifs pour apporter ces changements. Cela n’arrive pas souvent, mais nous recevons quelques propositions de ce genre.
Le président : J’ai peut-être posé les questions que voulait poser la sénatrice Pate. Allez-y, sénatrice.
La sénatrice Pate : Non, vous n’avez pas posé mes questions du tout. Cependant, dans un même ordre d’idée, pouvez-vous donner des exemples de propositions qui ne peuvent être retenues?
Mme Shen : Je ne suis pas sûre que nous puissions vous en donner des exemples aujourd’hui. Nous devrons y réfléchir. Je ne voudrais pas contrevenir au secret professionnel ni divulguer des renseignements confidentiels du Cabinet.
La sénatrice Pate : Si vous aviez des exemples à nous donner, ce serait utile, parce que je pense que dans notre comité, en particulier, nous nous préoccupons souvent de ce genre de questions. Il serait utile de connaître le processus pour que nous puissions aussi avertir les fonctionnaires concernés, les rares qui ne lisent pas nos rapports.
La sénatrice Jaffer : J’ai quelques questions à poser, dont l’une concerne l’article 158, qui modifie la Loi sur la prévention des voyages de terroristes. L’article semble clarifier les règles sur le fardeau de la preuve pour annuler ou refuser de délivrer un passeport si l’on craint qu’une infraction de terrorisme soit commise. Pouvons-nous avoir plus de détails sur cette modification, où l’on ajoute les mots « motifs raisonnables de soupçonner » au paragraphe 4(1) et les mots « motifs raisonnables de croire » à l’alinéa 6(1)a)? Peut-être que la loi est interprétée et s’applique comme il se doit, et que la modification vise à simplement rendre son respect plus évident. Pourriez-vous clarifier cet enjeu, s’il vous plaît?
M. Chan : Bonjour, sénatrice. Je vais tenter de répondre à votre question.
Concernant ce qui est demandé ici, nous ne créons pas de nouveau seuil. Nous essayons seulement d’arrimer le libellé avec les termes du Décret sur les passeports canadiens. Je reconnais qu’il ne s’agit pas d’une loi, mais disons que le décret fait partie de la prérogative du Cabinet.
Concernant les critères d’évaluation et les motifs raisonnables de soupçonner par rapport aux motifs raisonnables de croire, je dirais que c’est sans doute davantage une question juridique et que je ne suis malheureusement pas en mesure de vous répondre. Je suis désolé.
La sénatrice Jaffer : J’aimerais savoir pourquoi à un endroit, on parle de « soupçonner » et à un autre, on parle de « croire ». Je connais les définitions. Je me demande simplement pourquoi les mots choisis sont différents ici.
M. Chan : Je ne peux pas me prononcer sur les intentions originales lors de la rédaction du décret, mais je dirais que d’un point de vue stratégique, il est utile d’avoir des seuils un peu plus faibles, comme des « motifs raisonnables de soupçonner » dans des circonstances peut-être plus exigeantes où un individu tenterait de partir en voyage très rapidement. Cet individu pourrait décider en quelques jours, tout au plus, de voyager à l’étranger pour mener certaines activités. C’est pourquoi sur le plan de l’interprétation juridique, il est utile de donner ce genre de seuil assez faible au ministre de la Sécurité publique.
La sénatrice Jaffer : J’ai bien d’autres questions, mais je ne peux m’empêcher de vous poser celle-ci, parce que vous avez dit que vous vous occupiez des interdictions de vol. Je siège au comité des droits de la personne, et nous avons entendu de nombreux exposés sur les enfants inscrits à la liste d’interdiction de vol. La situation s’est-elle améliorée? Est-ce une affaire réglée de sorte que les parents ne sont pas confrontés à tant de difficultés?
M. Chan : Je dirais que la situation s’est beaucoup améliorée avec l’aide de nos partenaires dans l’industrie aérienne et de l’organisation Enfants interdits de vol. Nous travaillons avec eux depuis plusieurs années pour mettre deux choses en place.
Tout d’abord, il y a le numéro canadien de voyages, qui est au fond un système pour corriger la situation si des gens portent un nom identique ou semblable à celui d’un individu inscrit à la liste d’interdiction de vol et leur permettre de prendre l’avion. En vertu du Règlement sur la sûreté des déplacements aériens, les compagnies aériennes sont tenues de fournir ce numéro comme pièce d’identité supplémentaire optionnelle pour les voyageurs.
Par ailleurs, nous avons mis en place le système de contrôle centralisé. Nous vérifions si le nom des gens qui voyagent à destination, en partance ou à l’intérieur du Canada se trouve sur la liste établie en vertu de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens jusqu’à 72 heures avant le départ de leur vol. C’est le principal mécanisme pour autoriser les gens à voyager, en particulier les enfants. Si pour quelque raison que ce soit, le système ne fonctionne pas pour quelqu’un, notamment pour des enfants, la personne a l’option d’utiliser un numéro canadien de voyages.
Je n’ai pas de statistiques sous la main, mais je suis ravi de dire que nous avons d’excellentes relations...
La sénatrice Jaffer : Pourriez-vous fournir des statistiques au greffier, s’il vous plaît?
M. Chan : Nous avons beaucoup de données sur le succès du contrôle centralisé et du numéro canadien de voyages.
La sénatrice Jaffer : Je ne veux pas de chiffres exacts, mais juste une idée approximative, s’il vous plaît.
M. Chan : Bien sûr.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.
J’ai aussi une question sur la Loi sur les offices des produits agricoles. Je suis heureuse qu’on ait aboli la limite d’âge maximal de 70 ans, parce que cela me posait problème. La limite d’âge maximal de 70 ans a été supprimée de l’article 34 de ce projet de loi. Comment ce genre de modifications est-il apporté à la loi corrective?
Donald Boucher, directeur général, Développement et analyse du secteur, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je vous souhaite le bonjour et vous remercie de cette question.
En effet, ce changement a été apporté de manière proactive, car on nous a informés que cette disposition sur la limite d’âge pouvait être considérée comme une violation de la Charte des droits. Récemment, des membres du conseil d’administration de la Commission canadienne du lait n’avaient plus l’âge pour y siéger, sans possibilité de renouvellement. Concrètement, cela nous prive d’un haut niveau d’expertise et de compétences dans ce genre de commission. C’est pourquoi nous proposons l’abrogation de cette disposition.
La sénatrice Jaffer : J’ai encore une question à poser. Pourquoi proposez-vous aux articles 7 et 72 du projet de loi de remplacer le terme « vérificateur » par « auditeur » dans les versions françaises de nombreuses lois?
[Français]
Me Denault : Je peux répondre à cette question. C’est une norme linguistique qui a été adoptée à l’échelle internationale. Essentiellement, nous suivons cette nouvelle normalisation du langage. Il n’est pas nécessairement naturel de penser que le terme « auditeur » soit un mot français, mais il est devenu d’usage dans la profession. C’est simplement à des fins d’harmonisation linguistique internationale.
La sénatrice Jaffer : Merci de votre réponse.
[Traduction]
La sénatrice Clement : Je vous remercie de votre présence. J’ai beaucoup de respect pour votre travail. La ponctuation et les mots comptent beaucoup. C’est clair que je suis souvent en faveur des modifications proposées.
J’ai des questions d’ordre général pour vous deux. La première découle de mon expérience comme marraine du projet de loi S-11, qui visait à harmoniser le droit civil et la common law. Ce projet de loi était très technique. Je me pose des questions sur la consultation des communautés autochtones sur ce genre de projet de loi. Souvent, le système colonial dans lequel on vit n’est pas conçu pour inclure de telles consultations ni même pour comprendre l’incidence des termes techniques. Je me demande comment on tient compte des communautés autochtones dans le processus consultatif.
Ma deuxième question s’inspire des documents de la Bibliothèque du Parlement, et je vais la poser sans détour. Nous omettons souvent de souligner combien ces documents sont utiles. L’une des questions qui se posent concerne les modifications de forme et les raisons pour lesquelles vous choisirez d’y aller avec le français plutôt que l’anglais ou l’inverse. Comment en venez-vous à dire que le français est plus précis que l’anglais ou que c’est l’anglais qui est le plus juste, selon les circonstances?
Mme Shen : Je vous remercie beaucoup pour ces deux questions.
En réponse à votre première question, comme nous le savons tous, la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est en vigueur depuis juin 2021. En particulier, l’article 5 exige que nos lois et règlements soient conformes à la déclaration. Nous avons effectué une analyse d’après nos données intérimaires internes sur la conformité à nos lois.
Cela dit, je suis d’accord avec vous que nous ne sommes pas toujours les mieux placés pour déterminer si tel ou tel aspect d’une loi aura une incidence sur les communautés autochtones. Je pense que dans le cas présent, nous avons considéré que ces modifications étaient surtout techniques et qu’elles n’avaient pas une influence majeure sur ces communautés. Des ministères ont peut-être mené des consultations, mais je n’en sais rien. Ce n’était sans doute pas le cas pour la majorité d’entre eux, mais nous avons procédé à une analyse interne pour nous assurer de respecter nos obligations.
Bien sûr, si votre analyse des propositions révèle certains éléments à changer, les parlementaires sont aussi là pour soulever des objections, auquel cas ces propositions seront retirées.
Votre deuxième question est complexe, parce que l’interprétation des lois est complexe. L’interprétation de lois bilingues et bijuridiques est complexe. Je peux dire que nous avons des discussions animées à ce sujet durant la rédaction des propositions et dans la mise en place des lois et des règlements. Je dirais que nous demandons avant tout l’opinion de nos clients quant à l’intention stratégique derrière une disposition si nous cernons une divergence potentielle entre les deux versions. Il serait également juste de dire qu’il y a parfois des désaccords à savoir s’il y a divergence ou non. Des gens raisonnables et des avocats peuvent être en désaccord sur ce qui peut constituer une divergence ou un libellé approprié.
La sénatrice Clement : Est-ce que vous vous réunissez autour d’une table pour argumenter? À quoi ressemblent ces discussions, au juste?
Mme Shen : Nous nous réunissons effectivement pour en discuter durant la rédaction bilingue. En tant qu’ancienne rédactrice, je peux vous dire que nous avons des discussions lorsque nous sommes côte à côte à table en train de rédiger les textes.
Nous avons aussi des processus de révision internes, où des réviseurs légistiques et des jurilinguistes comparent les deux versions. Les professionnels qui composent nos équipes bijuridiques examinent nos textes législatifs, en plus, bien sûr, des représentants de nos clients et des avocats des services juridiques, qui examinent eux aussi les textes en préparation.
La sénatrice Clement : Concernant votre réponse à ma première question, j’insiste pour dire que je ne pense pas qu’on consulte assez les Autochtones. Je comprends que ces modifications sont d’ordre technique, mais je pense que nous sommes mal placés pour déterminer si tel changement a une incidence ou quel genre d’incidence il peut avoir. J’insiste pour dire que nous devons faire mieux pour inclure les Autochtones dans ces consultations, même quand il s’agit de changements d’ordre technique.
Mme Shen : Merci. Je pense que bien des gens seront d’accord avec vous sur ce point. Le gouvernement travaille activement à améliorer les processus afin de faire en sorte que nous respectons nos obligations. Je pense que nous savons tous qu’au final, la diversité des points de vue nous aide à obtenir un meilleur produit.
[Français]
La sénatrice Clement : Merci pour votre travail.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Madame Shen, vous avez fait référence à l’article 58 de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023, qui, si j’ai bien compris ce que vous avez dit, a remplacé une proposition contenue dans le document. J’ai peut‑être mal compris. Pourriez-vous expliquer un peu plus en détail en quoi consistait précisément le problème sur le plan législatif dans ce cas?
Me Netten : Les changements qui figurent dans le document de propositions à l’article 58 ont été apportés exactement tels qu’ils apparaissent dans ce document dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023. Les deux processus parlementaires se sont croisés en quelque sorte. Ce document avait déjà été déposé, et l’autre projet de loi a reçu la sanction royale après le dépôt de ce document, de sorte que nous ne pouvons pas supprimer les dispositions de notre propre chef.
Le sénateur D. Patterson : Je me demande simplement comment la situation s’est produite ou pourquoi elle s’est produite.
Kathleen Wyre, directrice, Politique des pensions, ministère des Finances Canada : Je suis directrice de la Politique des pensions au ministère des Finances et je peux donc vous répondre. Je dirais qu’il s’agit d’une erreur de la part de mon équipe. Une possibilité s’est présentée à nous. Nous avons apporté un certain nombre de modifications à la Loi sur les normes de prestation de pension dans le cadre du budget et, pendant le processus, nous avons profité du fait que la loi faisait l’objet d’un examen et nous avons reçu l’autorisation d’apporter quelques changements d’ordre administratif. Or, nous avions également proposé ces modifications dans le cadre de ce processus. C’est une erreur regrettable de notre part. Nous avons saisi l’occasion d’apporter les changements lorsque la loi a fait l’objet d’un examen.
Le sénateur D. Patterson : D’accord. Merci.
Le président : J’ai deux ou trois questions, si vous le permettez, qui découlent de la deuxième question que la sénatrice Clement a posée.
J’ai travaillé en tant que conseiller auprès du Conseil canadien de la magistrature lors de la réécriture du code de déontologie des juges, soit les Principes de déontologie judiciaire. Cette fois‑ci, le travail consistait à faire en sorte qu’il s’agisse d’une sorte d’exercice de corédaction dès le départ. Je suis curieux de connaître l’approche qu’ont adoptée vos services dans ce contexte, madame Shen. S’agit-il d’une approche similaire, ou travaillez-vous principalement dans une langue pour ensuite traduire le tout dans une autre?
Mme Shen : Merci beaucoup de la question.
À l’échelle fédérale, nous pratiquons la corédaction législative depuis plusieurs décennies. Cela signifie que dès le départ, un conseiller législatif francophone et un conseiller législatif anglophone sont assignés au dossier et ils travaillent en étroite collaboration. Il arrive qu’ils travaillent de manière un peu indépendante pour faire avancer un texte, mais tout au long du processus, ils collaborent lorsqu’ils doivent discuter de questions de fond. Pour nous, il est très important qu’aucune des deux versions ne soit considérée comme une traduction de l’autre, car elles font pareillement autorité.
Comme je l’ai mentionné précédemment, en plus de corédiger le texte dès le départ, nous avons des processus de révision importants pour assurer le parallélisme des textes et garantir qu’ils sont égaux. Cela dit, comme nous le montre ce processus, de temps en temps, des choses se produisent néanmoins.
Le président : Nous nous soucions des mots, mais il faut travailler avec un grand nombre d’entre eux et il y a donc forcément de petites divergences.
Je vous pose ma dernière question — et je la pose au nom du sénateur Boisvenu, du sénateur Patterson, de la sénatrice Jaffer et en mon nom : Est-il possible de faire adopter une petite modification de forme, sans véritable effet, pour supprimer les dispositions sur l’âge de la retraite des sénateurs? Dans le prochain projet de loi, peut-être? Je ne m’attends pas à ce que vous y répondiez.
Je pense que cela couvre toutes les questions que les sénateurs voulaient poser. Je tiens à prendre un moment pour remercier tous les témoins présents à la table et ceux qui se sont ajoutés de façon périodique pour répondre aux questions. Je vous remercie tous également pour le soutien que vous nous avez apporté en rassemblant ces documents pour que nous puissions les examiner.
Chers collègues, dans le rapport précédent, qui a été déposé au Sénat en 2017, il est question du processus et de l’étude du comité. On y énonce le mandat et des notes explicatives sur la proposition. Si vous y consentez, je pense que nous pourrions procéder de la même façon en expliquant essentiellement le processus au fur et à mesure que nous rédigeons notre rapport.
Si vous souhaitez formuler des conclusions ou des observations, le moment est venu de les présenter. Dans ce contexte, j’en ai une — qui n’a pas été préparée brillamment par moi, mais par d’autres personnes.
On nous a informés que les propositions du programme de correction des lois aux articles 61 et 62 concernant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador ne seraient plus nécessaires puisqu’elles sont traitées dans le cadre d’un projet de loi à venir, le projet de loi C-49, qui est actuellement à l’étude à la Chambre des communes. Je pense qu’il s’agit d’une question similaire — et nous essayons simplement de le déterminer un peu à l’avance — à celle que le sénateur Patterson a soulevée en posant ses questions. Cette question sera mise de l’avant dans le cadre du processus législatif habituel auquel nous participons. À la lumière de ce que je viens de dire, je demanderais que soient retirées de notre examen les modifications proposées aux articles 61 et 62 du document de propositions ci-joint, et qu’il en soit de même pour les articles 27 et 58 que Mme Shen a mentionnés, et que ces changements soient pris en compte dans notre rapport.
Les membres du comité approuvent-ils cette observation?
Des voix : Oui.
Le président : Merci.
Les membres du comité ont-ils d’autres observations à proposer?
Je ne sais pas s’il s’agit d’une observation, mais c’est peut-être un commentaire, madame Shen, et je ne parle plus qu’en mon nom. C’est un document brillant. Nous l’étudions en peu de temps et je pense donc que nous ne faisons pas nécessairement preuve de la diligence nécessaire, mais d’une certaine diligence. En ce qui me concerne, j’ai eu du mal à savoir exactement ce qui changeait, et je me demande si à l’avenir — à moins qu’on ne fasse adopter cette règle sur la limite de 75 bien après mon départ, du moins —, il serait possible de faire en sorte que nous puissions davantage faire une comparaison côte à côte. Peut-être que c’est le cas et que je n’ai pas vu la documentation. Cela pourrait contribuer à accélérer nos discussions pour que nous sachions précisément qu’une disposition qui ressemble à un important article portant sur question de droit ne consiste en fait qu’à modifier deux ou trois mots. C’est juste une idée.
Si le comité accepte d’annexer des observations et des conclusions, est-il alors convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à approuver une version finale des observations annexées au rapport, en tenant compte de la discussion d’aujourd’hui, et à y apporter les changements nécessaires sur le plan de la forme, de la grammaire et de la traduction?
Des voix : Oui.
Le président : Est-il convenu que je fasse rapport au Sénat du programme de correction des lois, avec observations?
Des voix : Oui.
Le président : Merci.
Je pense que nos délibérations d’aujourd’hui sont terminées. Une fois de plus, je tiens à remercier tous les participants. Nous n’avons pas l’habitude d’être aussi nombreux et nous sommes donc flattés de votre présence. Je vous remercie de votre aide.
Chers collègues, encore une fois, je vous remercie de la diligence dont vous avez fait preuve dans le cadre de ces travaux.
(La séance est levée.)