LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 26 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 45 (HE), avec vidéoconférence afin d’étudier le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan et président du comité. J’invite mes collègues à se présenter, en commençant par le vice-président.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, vice-président du comité, de la division sénatoriale de La Salle, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut, Inuit Nunangat.
Le sénateur Prosper : Le sénateur Paul Prosper, de la région de la Nouvelle-Écosse, le territoire ancestral de Mi’kma’ki.
La sénatrice LaBoucane-Benson : La sénatrice LaBoucane-Benson, de l’Alberta, un territoire visé par le Traité no 6.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, aussi du territoire visé par le Traité no 6.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Bonjour. Renée Dupuis, division sénatoriale des Laurentides, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Bienvenue, monsieur Obed. C’est toujours un plaisir de vous voir. Vous donnez tellement de temps à ce comité. Je vous en remercie. Je m’appelle Mobina Jaffer.
Le président : Merci, chers collègues.
Honorables sénateurs, nous nous réunissons encore une fois pour poursuivre notre étude du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois. Nous sommes heureux d’accueillir les membres de notre premier groupe de témoins, notamment Sarah Niman, de l’Association des femmes autochtones du Canada, l’AFAC, présente en personne. Bienvenue, madame Niman.
De l’Assemblée des Premières Nations, l’APN, nous accueillons Sara Mainville, associée chez JFK Law LLP, et Cheryl Casimer, membre du conseil exécutif du Sommet des Premières Nations. Elles se joignent à nous par vidéoconférence. Bienvenue, mesdames Mainville et Casimer.
L’Inuit Tapiriit Kanatami, l’ITK, est représentée en personne par Natan Obed, son président — heureux de vous revoir — et Will David, son directeur des affaires juridiques. Bienvenue à vous tous.
Nous allons d’abord inviter les représentants des trois organisations à faire des déclarations préliminaires, en commençant par Mme Niman. Vous disposerez d’environ cinq minutes chacun. Nous passerons ensuite aux questions et au dialogue avec les sénateurs pendant la majeure partie de l’heure restante. Madame Niman, je vous invite à commencer.
Sarah Niman, directrice principale, Services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada : Bonjour, boozhoo, honorables sénateurs.
Le projet de loi S-13 n’affirme pas les droits des Autochtones contenus dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA. Il s’agit d’un obstacle important au soutien de l’Association des femmes autochtones du Canada au projet de loi S-13, tel qu’il est rédigé.
Il y a longtemps que le projet de loi S-13 est en voie d’élaboration. Dans de nombreux mémoires écrits, en personne et lors de consultations virtuelles avec le Canada, l’AFAC a réitéré sa position selon laquelle une disposition de non-dérogation dans la Loi d’interprétation fédérale doit explicitement affirmer les droits prévus dans la DNUDPA.
Le pays s’est entendu après de nombreuses années pour déposer et finalement promulguer la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en juin 2021, dans le but de mettre en œuvre la déclaration en tant que cadre de réconciliation du Canada. Les femmes, les filles, les personnes bispirituelles, trans et de diverses identités de genre autochtones que l’AFAC représente attendent maintenant de voir si l’engagement du Canada témoigne d’un changement important dans le droit matériel, comme l’ancien ministre de la Justice David Lametti l’avait promis, ou d’une prestation politique vide de sens.
L’amendement proposé promet de ne pas abroger l’article 35 et les droits issus de traités ou de ne pas y déroger. Cet accent mis sur l’article 35 ne règle pas la marginalisation des Autochtones fondée sur le genre. L’article 35 n’a pas protégé les femmes autochtones contre la discrimination fondée sur le genre dans les domaines de l’appartenance, du logement dans les réserves, des rôles de gouvernance, des services à l’enfance et à la famille et du système de justice pénale, entre autres.
Le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées exhorte le Canada à mettre en œuvre la DNUDPA afin de protéger les femmes autochtones contre la discrimination en droit et dans les politiques. Une disposition de non-dérogation, ou DND, est nécessaire parce que le Canada a manqué de manière répétée et systématique à son devoir de respecter l’article 35 et les droits issus de traités. Qu’est-ce que le défaut d’inclure la DNUDPA dans la DND nous révèle sur les intentions du Canada? Le manque de consultation n’est pas une explication pertinente de l’absence de la DNUDPA dans la DND proposée.
Nous avons entendu des assurances selon lesquelles le projet de loi S-13 promeut le respect de la Loi sur la DNUDPA. L’AFAC critique vivement cette affirmation trompeuse. Nous ne voyons aucune indication que le projet de loi S-13, tel qu’il est rédigé, fournit des directives pour garantir que les lois du Canada sont interprétées en conformité avec la DNUDPA.
C’est là que le bât blesse. En laissant le projet de loi S-13 en l’état, on maintient le statu quo pour les femmes autochtones qui doivent livrer un combat perpétuel lorsqu’elles veulent revendiquer leurs droits en tant qu’Autochtones. L’article 35 et les droits issus de traités sont souvent définis dans le cadre de litiges, à l’aide de critères étroits et au nom de collectivités entières. Par contraste, la DNUDPA protège et affirme les droits inhérents des Autochtones à l’autodétermination et à l’appartenance, entre autres choses. Les 46 articles de la DNUDPA énoncent clairement les droits inhérents des Autochtones, ce qui signifie qu’ils sont affirmés par défaut.
Jusqu’à présent, la défense juridique de l’article 35 s’est apparentée à l’utilisation d’une épée pour lutter contre ceux qui violent ces droits. La DNUDPA agit comme un bouclier pour protéger les droits inhérents des Autochtones en affirmant que ces droits existent déjà sans qu’il soit nécessaire de les prouver au cas par cas. L’analogie de l’épée et du bouclier illustre des distinctions importantes pour les femmes autochtones et les personnes de diverses identités de genre. En tant que groupe marginalisé, elles sont confrontées à un déséquilibre de pouvoir important lorsqu’elles cherchent à faire respecter leurs droits.
L’AFAC estime qu’il est crucial qu’une DND dans une loi d’interprétation fédérale comprenne l’article 35, les droits issus de traités et les droits prévus dans la DNUDPA afin de donner vie aux promesses de réconciliation.
La DNUDPA n’est pas un nouveau traité sur les droits de la personne, mais son application au Canada commence seulement à être testée devant les tribunaux. Par exemple, le mois dernier, le juge Alan Ross de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a confirmé que la DND qui figure dans la loi d’interprétation provinciale exige que les lois soient interprétées en conformité avec les normes énoncées dans la DNUDPA.
Dans sa décision, le juge Ross précise que lorsqu’il s’agit d’évaluer si une loi est conforme à l’article 35, aux droits issus de traités et à la DNUDPA, la disposition de non-dérogation n’est pas :
[...] une remorque attachée à la fin du processus. Il l’assimile à un parapluie qui couvre l’ensemble du processus.
Cette invocation précoce d’une DND renvoyant à la DNUDPA nous indique que lorsque les tribunaux sont appelés à interpréter une loi, ils doivent prendre en compte son libellé, son objectif et son contexte afin de ne pas abroger l’un des droits affirmés dans la DNUDPA ni y déroger.
Le projet de loi S-13 montre que le Parlement n’a pas vraiment l’intention de faire le travail qui sous-tend la réconciliation, mais qu’il se contente de prononcer le mot pour obtenir un gain politique. Le travail de votre comité est donc l’occasion de tenir la promesse du Canada de mettre en œuvre la DNUDPA en veillant à ce que, chaque fois qu’une loi est interprétée, elle affirme les droits fondamentaux des Autochtones, c’est-à-dire leurs normes minimales, tels qu’ils sont codifiés dans la DNUDPA.
Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.
Le président : Merci beaucoup. J’invite maintenant Mmes Mainville et Casimer à s’adresser aux sénateurs.
Cheryl Casimer, membre du Conseil exécutif, Sommet des Premières Nations, Assemblée des Premières Nations : Bonjour. Je suis une membre élue du Conseil exécutif du Groupe de travail du Sommet des Premières Nations de la Colombie-Britannique et membre du Conseil du leadership des Premières Nations de la Colombie-Britannique.
Je suis honorée de pouvoir présenter des observations au nom de l’Assemblée des Premières Nations sur le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
Tout d’abord, j’aimerais remercier le comité permanent de m’avoir invitée à faire des observations, et le chef régional de la Colombie-Britannique, Terry Teegee, de m’avoir demandé de parler au nom de l’APN à sa place en tant que titulaire du portefeuille.
À titre d’information, l’APN défend les droits et les priorités des Premières Nations à la grandeur du Canada en tant qu’organisation nationale de défense des droits et en vertu d’une résolution de l’Assemblée des Premières Nations, qui préconise notamment la mise en œuvre intégrale de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Je travaille moi-même à la mise en œuvre de la DNUDP depuis de nombreuses années. À l’échelle nationale, je suis membre du Comité ad hoc des chefs de l’APN sur la Loi sur la DNUDPA. Dans ma propre région, j’ai aussi participé aux processus relatifs à l’élaboration de la loi de la Colombie-Britannique sur la Déclaration des droits des peuples autochtones.
Alors que nous travaillons à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies à l’échelle nationale, les législateurs et ceux qui appliquent les lois et les politiques ont besoin d’un guide d’interprétation explicite pour assurer la cohérence avec la Déclaration des Nations unies.
L’article 5 de la Loi sur la DNUDPA engage le Canada à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la déclaration. Le Canada avait également pris un engagement similaire lorsqu’il a accepté sans réserve la Déclaration des Nations unies à son Assemblée en 2016.
Alors que nous travaillons à la modification de la Loi d’interprétation, nous avons une occasion de commencer à harmoniser les lois canadiennes avec la Déclaration de l’ONU et de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que la disposition de non-dérogation respecte les normes énoncées dans la déclaration. L’APN partage le point de vue d’autres organisations autochtones selon lequel le libellé proposé dans le projet de loi S-13 ne respecte pas les normes de la DNUDPA. C’est pourquoi nous considérons que le projet de loi S-13 est lacunaire. Plus précisément, nous sommes préoccupés par l’absence de référence aux normes affirmées par la Déclaration des Nations unies.
Les droits et les principes énoncés dans la Déclaration des Nations unies constituent les normes minimales pour la survie, la dignité et le bien-être des Autochtones du monde entier.
En tant qu’aide à l’interprétation de la législation fédérale pour les magistrats et les législateurs, une disposition de non-dérogation faisant référence à la Déclaration des Nations unies exigerait que chaque loi soit interprétée en conformité avec la déclaration. Cette disposition est nécessaire à la mise en œuvre de la déclaration et à la reconnaissance effective des droits.
L’APN propose d’ajouter un paragraphe à l’article 8.3 proposé, à savoir le paragraphe 8.3(3) :
Toutes les lois doivent recevoir une interprétation compatible avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Cet ajout donnera une orientation immédiate sur l’interprétation des lois fédérales afin de garantir que chaque loi ou règlement — ou toute partie d’une loi ou d’un règlement — doit être interprété en comformité avec la DNUDPA.
L’inclusion de la Déclaration de l’ONU dans le projet de loi S-13 aiderait le Canada à prendre une mesure nécessaire pour garantir que les lois du Canada sont conformes à la Déclaration des Nations unies, et avec une modification de la Loi d’interprétation axée sur la DNUDPA, la common law sera guidée par ce que le Parlement décide ici aujourd’hui.
Avant de conclure, je voudrais soulever quelques points concernant le processus. Notre façon de travailler et de vivre en relation les uns avec les autres est un élément central de la Déclaration des Nations unies. Une consultation appropriée et constructive des Premières Nations sur toutes les questions qui les concernent est essentielle et déterminante pour le travail de mise en œuvre, y compris pour le projet de loi S-13. L’obtention du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ou CPLCC, est une obligation prescrite par la Loi sur la DNUDPA.
J’encourage le comité à se demander quel est son rôle dans ce travail et à être un allié pour garantir que le CPLCC a toujours été obtenu avant qu’un projet de loi ne vous soit soumis.
En résumé, si les législateurs et ceux qui appliquent les lois et les politiques aujourd’hui ne bénéficient pas d’un guide d’interprétation explicite, l’importance législative de la mise en œuvre de la Déclaration pourrait ne pas se faire sentir demain. Nos enfants et nos jeunes seront les plus touchés si la Déclaration des Nations unies ne devient pas la voie vers la réconciliation qu’elle est censée être et ne sert pas cette fin.
Je tiens à remercier à nouveau le comité pour cette invitation. [Mots prononcés dans une langue autochtone]
Le président : Merci, madame Casimer. J’invite maintenant MM. Obed et David à faire une déclaration au nom de l’Inuit Tapiriit Kanatami.
Natan Obed, président, Inuit Tapiriit Kanatami : Qujannamiik, merci. C’est toujours merveilleux de venir au Sénat, car votre travail est si important. Je suis heureux de présenter mes observations sur le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant les modifications connexes à d’autres lois afin que toutes les lois fédérales soient interprétées de manière à ne pas abroger les droits prévus à l’article 35 ou à ne pas y déroger.
La modification de la Loi d’interprétation afin d’y inclure une disposition de non-dérogation universelle est une priorité de longue date pour les Inuits. La Déclaration de l’Inuit Nunangat signée par le premier ministre et les dirigeants inuits en 2017 reconnaît explicitement que la mise en œuvre intégrale et équitable des obligations et des objectifs prévus dans les ententes relatives aux revendications territoriales des Inuits est essentielle à la création de la prospérité chez les Inuits, qui profite à tous les Canadiens. Le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, le processus créé par la Déclaration de l’Inuit Nunangat, engage à la fois le Canada et les Inuits à prendre des mesures sur des priorités communes et à surveiller les progrès.
L’une des premières priorités retenues par le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne a été de modifier la Loi d’interprétation afin d’y inclure une disposition de non-dérogation universelle applicable à tous les textes de loi fédéraux. Nous tenons à préciser qu’il s’agit d’une priorité de longue date des Inuits et que nous souscrivons au fond du projet de loi tel qu’il est rédigé.
Cependant, l’ITK est très préoccupée par la façon de dépeindre le processus d’élaboration de ce projet de loi. Le projet de loi n’a pas été élaboré conjointement avec les Inuits et n’a pas non plus fait l’objet d’une consultation ou d’une coopération avec les Inuits, ce qui est contraire à l’article 5 de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fédérale.
Cette loi fédérale stipule que :
Le ministre élabore et met en œuvre, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones et d’autres ministres fédéraux, un plan d’action afin d’atteindre les objectifs de la déclaration.
L’expression « en consultation et en coopération » employée dans cette loi reste à définir. Toutefois, cette formulation signifie que le processus de consultation et de collaboration dans l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’action est identique pour les Inuits, les Premières Nations et les Métis et pour les autres ministres fédéraux.
Il s’agit là d’une norme extrêmement élevée, que les Inuits craignent que le gouvernement n’ait pas respectée dans ce cas et qu’il continuera probablement d’ignorer lors de la mise en œuvre de la déclaration, surtout en ce qui concerne la mise en œuvre du plan d’action et les mesures visant à harmoniser les lois du Canada avec la déclaration.
En conclusion, une disposition de non-dérogation universelle est une priorité pour les Inuits et le Canada depuis six ans, et pour les Inuits depuis bien plus longtemps. C’est pourquoi l’ITK souscrit sans réserve au projet de loi S-13.
Nous notons qu’il n’est pas nécessaire que tous les textes législatifs soient élaborés conjointement ni que toutes les initiatives fédérales soient conformes à une norme juridique de consultation et de collaboration qui n’a pas encore été définie. Cependant, lorsque le Canada s’engage à élaborer conjointement un projet de loi ou lorsque le Canada lui-même s’engage à consulter les Autochtones et à collaborer avec eux par l’entremise de nos institutions représentatives, les Inuits ont alors des attentes précises et claires concernant le processus d’élaboration ainsi que le processus de communication des résultats.
Nakurmiik.
Le président : Merci, monsieur Obed.
J’invite les sénateurs à poser des questions, en commençant par la marraine du projet de loi, la sénatrice LaBoucane-Benson, suivie du vice-président, le sénateur Boisvenu.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci, monsieur le président.
Monsieur Obed, quel processus de consultation interne de l’ITK vous permet de venir nous dire que l’ITK est d’accord ou non? Quel est le processus?
M. Obed : Pour tout projet de loi fédérale ou toute grande politique publique de nature fédérale, les Inuits de nos quatre organisations signataires de traités — le gouvernement Nunatsiavut dans le Nord du Labrador, la Société Makivik au Nunavik dans le Nord du Québec, la Société Nunavut Tunngavik Incorporated au Nunavut, qui comparaîtra dans le prochain groupe, et la Société régionale Inuvialuit — sont les membres votants du conseil d’administration de l’Inuit Tapiriit Kanatami. Ce sont des dirigeants démocratiquement élus au service de toutes les populations inuites du Canada. Ils se réunissent à l’ITK pour délibérer et donner des orientations à notre institution.
En ce qui concerne l’allocution que je viens de prononcer, un processus nous permet d’interagir avec les organisations inuites signataires de traités et d’obtenir des orientations claires de la part de leurs dirigeants afin de définir une position nationale. L’exercice prend du temps et il faut disposer de tous les éléments pour prendre une décision. C’est pourquoi nous ne pouvons pas produire sur-le-champ des propositions et des amendements de façon impromptue.
La sénatrice LaBoucane-Benson : D’autres témoins nous ont dit qu’ils proposaient un libellé pour la disposition relative à la DNUDPA. Pensez-vous que les Inuits sont prêts à accepter ou à appuyer le libellé proposé pour l’ajout d’une disposition relative à la DNUDPA?
M. Obed : Il n’y a pas eu de consultation en ce qui concerne ce projet de loi précis à propos de cette idée et des dispositions modifiées de la loi.
Bien sûr, nous examinerions toute proposition d’amendements et de modifications, nous délibérerions et nous donnerions notre avis par la suite, mais nous poursuivons actuellement la même idée que celle qui a été proposée ici aujourd’hui dans plusieurs instances. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avions pas imaginé que cet exercice particulier à propos de ce projet de loi particulier serait l’endroit où nous ferions ce travail.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je salue nos invités et les remercie d’être ici.
Dans le mémoire que vous avez transmis au comité, vous semblez assez catégorique en affirmant que ce projet de loi ne correspond pas à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Avez-vous été consultées au sujet de ce projet de loi?
[Traduction]
Me Niman : Merci pour votre question, monsieur le sénateur.
Oui, l’AFAC a été consultée au cours des dernières années sur cette question, et plus généralement sur la Déclaration de l’ONU.
En février 2018, l’ancienne présidente de l’AFAC a comparu devant un comité de la Chambre débattant du projet de loi C-262, où elle a déclaré que l’AFAC aimerait voir un mécanisme permettant de garantir que la DNUDPA peut être mise en œuvre dans toutes les lois fédérales.
En ce qui concerne ce projet de loi et l’ajout d’une DND dans la Loi d’interprétation, l’AFAC a soumis au moins quatre mémoires écrits entre 2021 et 2023, soulignant très clairement que l’AFAC s’attend à ce que la DNUDPA soit incluse dans la disposition de non-dérogation.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Comment expliquez-vous que vous avez été consultées sur le projet de loi et que vous affirmez en même temps que ce projet de loi ne respecte pas la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones? Lorsque vous avez été consultées, le gouvernement ne vous a-t-il pas écoutées?
[Traduction]
Me Niman : J’affirme que nous avons été consultées, mais qu’on n’a pas répondu à ce que nous avons demandé à maintes reprises.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : On maintient donc le statu quo. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi on revient au statu quo, même avec une nouvelle loi?
[Traduction]
Me Niman : Oui, avec plaisir.
En laissant le projet de loi S-13 tel quel et en s’appuyant uniquement sur les droits prévus à l’article 35, les droits issus de traités traitent l’égalité de genre comme acquise, ce qui risque de perpétuer la marginalisation fondée sur le genre. Nous savons que ce n’est pas le cas. La DNUDPA offre des protections explicites aux groupes vulnérables de la population autochtone, y compris les femmes, et c’est parce que ces articles figurent dans la DNUDPA que les membres de l’AFAC ont demandé que ces droits soient affirmés et inclus dans la disposition de non-dérogation.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Souhaitez-vous que ce projet de loi soit amendé pour qu’il inclue vraiment la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones?
[Traduction]
Me Niman : Oui, et nous avons proposé un libellé à la page 6 de notre mémoire.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup aux témoins. Ils apportent une contribution très importante à ce projet de loi. Ma première question s’adresse à Mme Casimer.
Ai-je tort de comprendre de votre déclaration que la consultation n’a peut-être pas été menée correctement, mais que vous souscrivez à l’inclusion d’une disposition, telle que vous l’avez lue et telle que l’Association des femmes autochtones la propose, de manière à inclure la DNUDPA?
Mme Casimer : Merci pour cette question.
Je représente ici l’Assemblée des Premières Nations et, comme je l’ai dit, nous sommes une organisation de défense des droits. La question de savoir si les Premières Nations ont été dûment consultées doit être posée aux titulaires de droits et de titres. Notre mandat sur ce sujet est de plaider pour la mise en œuvre intégrale de la Déclaration des Nations unies et pour le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Premières Nations lorsqu’on envisage d’adopter des lois et des politiques qui les toucheront.
Je vous invite à entendre directement le point de vue de titulaires de droits des Premières Nations sur cette disposition de non-dérogation universelle.
Le sénateur Dalphond : Cependant, je crois comprendre que vous avez conclu votre déclaration en proposant l’ajout d’un paragraphe (3).
Mme Casimer : C’est exact.
Le sénateur Dalphond : La position de l’Assemblée des Premières Nations est-elle donc d’ajouter un renvoi explicite à la DNUDPA?
Mme Casimer : Oui, et cette proposition est basée sur les résolutions adoptées par les chefs en assemblée.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
Monsieur Obed, je comprends que cela n’a pas été discuté avec le gouvernement fédéral et qu’il n’y a pas eu de consultation sur l’ajout de dispositions explicites concernant la DNUDPA, mais d’après ce que vous avez entendu, êtes-vous contre l’ajout de telles dispositions ou pensez-vous que le processus doit d’abord être respecté avant que nous traitions de cette question?
M. Obed : Pour le moment, l’Inuit Tapiriit Kanatami souscrit au projet de loi S-13 tel qu’il est rédigé. Si des amendements sont proposés dans le cadre du processus en cours au Sénat, nous nous réunirons et nous en délibérerons, mais je ne suis pas en mesure de répondre maintenant par « oui » ou par « non » à cette question.
Le sénateur Dalphond : D’après votre réponse, je comprends que vous n’êtes pas contre un amendement, mais vous laissez entendre que si nous adoptons l’amendement, des consultations en découleraient. Cela pourrait se faire d’ici à ce que la Chambre des communes étudie le projet de loi, car ce projet de loi a vu le jour ici.
M. Obed : Oui. Le principe de la capacité du Canada, en tant qu’État-nation, à se conformer à la DNUDPA et à assurer la cohérence de ses lois et de ses politiques avec la DNUDPA est une grande priorité pour les Inuits et l’Inuit Tapiriit Kanatami. Par principe, nous sommes entièrement favorables à toute voie que le gouvernement du Canada peut emprunter de manière constructive pour réaliser cet objectif.
La préoccupation ou la réserve que nous avons est de savoir si c’est le processus pour le faire. Est-ce que ce processus de modification de la loi fédérale est l’endroit pour apporter ces changements constructifs? Si c’est le cas, c’est formidable, mais si cela se fait au détriment d’une priorité inuite de longue date, nous préférerions que d’autres voies soient ouvertes et que celle-ci soit adoptée.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
La sénatrice Jaffer : Encore une fois, bienvenue à vous tous. Vous avez fait des déclarations très convaincantes.
J’ai beaucoup de questions à vous poser. Je ne veux pas être impolie, mais j’aimerais presque qu’on me réponde par « oui » ou par « non ». A-t-il été question de la DNUDPA lors des premières consultations auxquelles vous avez participé, monsieur Obed?
Will David, directeur des Affaires juridiques, Inuit Tapiriit Kanatami : Si je ne me trompe pas, l’ITK n’a pas participé aux consultations, donc non. Nous avons proposé l’adoption de ce projet de loi tel quel. Nous n’avons pas proposé de texte concernant la déclaration parce que la loi sur la Déclaration n’était pas encore entrée en vigueur.
La sénatrice Jaffer : Je vous entends mal, je suis désolée.
Avez-vous été consulté au sujet de ce projet de loi?
M. David : Dans le cadre du processus que le ministère de la Justice a entrepris pour élaborer le projet de loi en question, non. Cependant, nous avions déjà travaillé avec le Canada pendant six ans sur ce projet de loi, une disposition de non-dérogation universelle. D’un point de vue technique, il est injuste de dire que nous avons été consultés, que nous avons coopéré, collaboré ou tout autre terme que le ministre ou le ministère utilise. Comme M. Obed l’a dit, il s’agit d’une priorité de longue date pour les Inuits.
La sénatrice Jaffer : Monsieur David, je ne suis peut-être pas assez claire. Je vais vous poser la même question, madame Niman; je connais votre réponse. Lorsque les consultations ont eu lieu, le gouvernement fédéral a-t-il discuté de la DNUDPA avec vous? Non. Madame Niman?
Me Niman : Oui, il l’a fait.
La sénatrice Jaffer : Il a discuté de la DNUDPA avec vous?
Me Niman : Oui.
La sénatrice Jaffer : Et vous avez dit que vous vouliez qu’elle soit incluse comme elle l’est en Colombie-Britannique, n’est-ce pas?
Me Niman : À plusieurs reprises, par écrit et en personne.
La sénatrice Jaffer : Madame Casimer?
Mme Casimer : Oui.
Le processus de l’APN est dirigé par les régions. Chaque bureau de l’APN dans chaque province a reçu des fonds pour tenir des séances de consultation avec ses membres, mais l’APN dans son ensemble n’a pas à être consultée. Les chefs et l’Assemblée nous donnent simplement des orientations au moyen de résolutions.
La sénatrice Jaffer : Donc, votre groupe n’a pas été consulté parce que vous êtes un groupe de défense des intérêts, c’est bien ce que vous dites?
Mme Casimer : Oui, mais nous sommes constitués de régions, et ce sont donc ces régions qui ont été consultées, ou du moins c’est ce que nous espérons.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.
Madame Casimer, puisque vous représentez l’APN, et maître Niman, l’Association des femmes autochtones du Canada, en Colombie-Britannique, la DNUDPA est incluse dans la déclaration, n’est-ce pas?
Mme Casimer : Oui.
La sénatrice Jaffer : Donc, pour une partie du pays, la DNUDPA est incluse et pour le reste, elle ne l’est pas. Est-ce exact?
Mme Casimer : Oui.
Pour autant que je sache, la province de la Colombie-Britannique a été l’une des premières à adopter et à mettre en œuvre la déclaration des Nations unies, lorsque nous avons créé la loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ce texte de loi. Peu de temps après, le gouvernement fédéral a créé et adopté la Loi sur la DNUDPA fédérale.
La sénatrice Jaffer : Maître Niman, j’aimerais vous poser une question : pour que nous puissions comprendre, parce que nous ne travaillons pas directement avec votre organisation au quotidien, pourquoi est-il si important d’inclure la DNUDPA?
Me Niman : Il est important pour les femmes et les filles autochtones, les personnes bispirituelles, les transgenres et les personnes de diverses identités de genre que l’AFAC représente que la DNUDPA soit explicitement incluse dans ce document parce qu’elle donne une directive claire selon laquelle toutes les lois doivent être interprétées en conformité avec chaque article de la DNUDPA qui affirme un droit. Dans la DNUDPA, des articles affirment explicitement les droits des femmes autochtones en tant que groupe particulièrement marginalisé, et c’est cette couche supplémentaire d’affirmation que les membres de l’AFAC nous ont demandé de défendre en leur nom.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.
La sénatrice Simons : Je suis frappée par le fait que l’un des problèmes auxquels nous nous heurtons lorsque nous discutons de ces questions est que les gens utilisent le mot « consultation » en lui donnant des sens différents. Nous avons tous vécu — et je ne suis pas une dirigeante autochtone, mais j’ai vécu l’expérience de me faire dire par mon conseil municipal que monvoisinage avait été consulté à ce sujet. Ils voulaient dire qu’ils avaient publié des avis, organisé une réunion, parlé à la communauté, sans écouter ce qu’elle avait à dire.
Je ne veux pas extrapoler de mon vécu très mineur à vos vécus beaucoup plus lourds de conséquences, mais à tour de rôle, dites-moi à quoi ressemblerait une consultation appropriée? À partir de quel moment auriez-vous le sentiment que la consultation est constructive et pas seulement performative?
M. Obed : Mon micro est activé, je suppose donc que je suis le premier à me lancer.
Nous nous débattons avec cette question depuis la création de l’Inuit Tapiriit Kanatami, il y a une cinquantaine d’années. La terminologie a évolué au fil du temps. L’expression « élaboration conjointe » semble être la plus récente, censée raconter aux Canadiens une histoire à propos de la participation des Premières Nations, des Inuits et des Métis à l’élaboration des textes de loi.
Cependant, d’un point de vue législatif, terminologique et juridique, nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde que le message. Nous aimerions qu’il y ait des termes clairs et définis sur ce que cela signifie. Pour nous, la consultation est un espoir secondaire par rapport à l’élaboration conjointe et à la participation. Définir à nouveau ces termes est un autre exercice.
Dans ce processus particulier, à travers les définitions dont nous disposons, les termes que le gouvernement du Canada utilise pour décrire la consultation et l’élaboration conjointe sont incompatibles avec notre vision de leurs définitions. En outre, comme cela a été le cas pour plusieurs autres exercices législatifs au cours des six ou sept dernières années, ces termes ne correspondent pas aux définitions utilisées dans d’autres processus.
La sénatrice Simons : Maître Niman, vous avez dit que vous avez été consultée, mais s’agissait-il d’élaboration conjointe?
Me Niman : Je dirais que la participation de l’AFAC à l’élaboration du projet de loi S-13 a été réactive. Il y a eu des échanges. À deux reprises, un projet de loi nous a été présenté et on nous a demandé notre réaction et nous avons répété alors que nous aimerions y voir figurer la DNUDPA.
Je peux également préciser que l’AFAC a participé à l’élaboration du plan d’action pour la mise en œuvre de la DNUDPA qui, comme nous l’avons dit hier, renferme des directives précises visant à inclure une DND dans la Loi d’interprétation. Je qualifierais davantage ce processus d’élaboration conjointe. Il y a eu des discussions bilatérales, mais au bout du compte, pour rappeler les réponses précédentes, la question nous a été posée, mais je ne suis pas sûre que notre réponse a été entendue.
La sénatrice Simons : Qu’en est-il de l’APN? Avez-vous l’impression d’avoir été consultée de manière appropriée ou la consultation a-t-elle été plus passive qu’active?
Mme Casimer : Comme je l’ai dit plus tôt, le processus de consultation se situe entre le gouvernement et les titulaires de titres et de droits des Premières Nations. Nous ne sommes qu’une organisation de défense des droits. Nous nous appuyons sur les initiatives prises à l’échelle régionale. C’est à ce niveau que les décisions parviennent à l’APN.
En ce qui concerne l’expérience que j’apporte de la Colombie-Britannique, nous étions assis à la table et nous avons participé à l’élaboration du projet de loi 41 en Colombie-Britannique. Un aîné nous a dit un jour que la consultation, c’est s’asseoir autour d’une table, parler et parler, et aucune décision n’est prise à la fin de la journée. Le consentement, c’est quand vous parlez, parlez et parlez, et que vous arrivez à un accord entre vous à la fin de la journée.
Nous aimerions vraiment que cela se produise avec la Couronne et les titulaires de titres et de droits. Nous voulons arriver à un point où il y a un accord et où vous avez reçu le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de ces Premières Nations.
La sénatrice Simons : Et pensez-vous qu’il y a un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause à l’égard de ce projet de loi?
Mme Casimer : Du point de vue de l’APN, non, nous ne croyons pas que les principes du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause aient été respectés dans l’élaboration de ce projet de loi. L’APN a plaidé pour une plus grande consultation de toutes les Premières Nations. De plus, le projet de loi a été déposé sans que l’APN ou les Premières Nations aient été dûment informées.
Cela dit, je vais profiter de l’occasion pour donner la parole à Me Mainville, de JFK Law, afin qu’elle nous fasse part de son point de vue sur ce processus législatif.
Me Sara Mainville, associée, JFK Law LLP, Assemblée des Premières Nations : J’aimerais utiliser une analogie qui pourrait vous être utile. Si vous envisagez de construire une maison, et que vous en êtes le propriétaire, vous voudrez prendre des décisions importantes sur la façon dont le plan sera réalisé. C’est le processus d’élaboration du plan et la conception de la maison qui constituent réellement l’élaboration conjointe. C’est à ce type de test décisif qu’il est important de réfléchir lorsque le ministère de la Justice ou d’autres acteurs du gouvernement conçoivent de véritables processus d’élaboration conjointe.
[Difficultés techniques] L’Association des Premières Nations dispose d’un document sur l’élaboration conjointe qu’il est possible de consulter sur son site Web. C’est un document d’information utile.
Cela dit, je ne veux pas consacrer trop de temps à cette question. L’Assemblée des Premières Nations veut parler de l’amendement que nous avons proposé, car si la réforme législative proposée concerne la DNUDPA, elle devrait alors mentionner la DNUDPA. Sauf votre respect, notre article est tout à fait nécessaire dans ce cycle de réforme. Sans lui, comme Mme Casimer l’a dit, le projet de loi est déficient.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une question pour Me Niman. Je comprends que dans le projet de loi S-13, on renvoie au droit reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, paragraphe 35(4), on prévoit une égalité de garantie de droit pour les deux sexes. Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits ancestraux issus de traités, au paragraphe 35(1), sont garantis également aux personnes des deux sexes.
Est-ce que vous dites que de toute façon, le paragraphe 35(4) n’est même pas respecté et que le renvoi qu’on fait dans le projet de loi S-13 n’est pas suffisant? La concrétisation de 35(4) fait en sorte que ça vous amène à dire qu’on n’est pas bien protégé, même avec 35(4) qui garantit l’égalité des deux sexes. Il faut donc qu’on aille ajouter une clause de non-dérogation en vertu de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones.
[Traduction]
Me Niman : Merci pour votre question. C’est un fondement important.
Des groupes de femmes, dont l’Association des femmes autochtones du Canada, ont plaidé pour l’inclusion du paragraphe 35(4) dans la Constitution. Depuis sa promulgation, si elle avait répondu à l’objectif, à savoir assurer une égalité réelle aux femmes autochtones, je ne pense pas que nous serions dans la situation actuelle, avec un document de 700 pages issu de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui décrit toutes les façons dont les femmes autochtones ne bénéficient pas d’un traitement égal devant la loi et dans la pratique.
L’une des différences d’application entre l’article 35 et ce que nous espérons voir dans le cadre de la DNUDPA, dont nous reconnaissons tous qu’il s’agit d’un cadre législatif relativement nouveau, est la suivante : l’article 35 fournit un cadre permettant de remplir les critères juridiques définis par la Cour suprême du Canada alors que la DNUDPA affirme que ces droits sont inhérents et constituent des normes minimales, fondées sur les principes d’autodétermination et du lien avec la terre. Le point d’accès pour revendiquer ces droits est donc beaucoup plus accessible aux femmes autochtones que l’AFAC représente.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une question pour l’Assemblée des Premières Nations (APN). J’aimerais mieux comprendre le système de consultation à l’intérieur de l’APN sur des questions comme celle-là.
Madame Casimer, vous nous avez renvoyés aux détenteurs de droits comme étant les instances qui devaient déterminer si elles avaient été consultées, si elles avaient participé à un codéveloppement avec le gouvernement. Pouvez-vous m’expliquer comment vous définissez les détenteurs de droits et qui cela représente? Comment s’articule le processus de consultation à l’intérieur de l’APN?
[Traduction]
Mme Casimer : L’APN représente les Premières Nations de l’ensemble du pays, et nous savons tous que nous avons des provinces. Dans chaque province, on trouve un bureau régional avec un chef régional. En Colombie-Britannique, nous avons le chef régional Terry Teegee. Son bureau a reçu des fonds pour tenir des séances régionales au cours desquelles les titulaires de titres et de droits des Premières Nations, les dirigeants, les chefs héréditaires, ou peu importe comment on les décrit, sont venus à ces forums et ont discuté en détail de la déclaration des Nations unies et de textes législatifs comme celui-ci, par rapport aux types d’impacts qu’ils auraient sur eux et à ce qu’ils voulaient voir changer, le cas échéant.
Ces séances de mobilisation sont censées avoir lieu dans tout le pays, je ne peux donc pas vraiment parler pour toutes les autres régions, à l’exception de mon expérience en Colombie-Britannique.
Après cet exercice, nous passons à une assemblée plénière des chefs, nous y discutons de ces enjeux et nous prenons une décision par résolution.
Lorsqu’une résolution est adoptée, c’est l’orientation donnée au chef national et à l’exécutif. Ensuite, l’exécutif et le personnel suivent les orientations données par les résolutions.
Si une résolution est adoptée à la majorité, en particulier — et, espérons-le, par consensus, car c’est ce que nous essayons de faire—, cela indique que les régions concernées ont été consultées. Si les résolutions posent un problème, nous savons que la consultation n’a pas été suffisante. Je ne sais pas si Me Mainville veut ajouter quelque chose.
La sénatrice Batters : Je vous remercie tous de votre présence. Ma question s’adresse à Me Niman.
En ce qui concerne ce projet de loi, le projet de loi S-13, le gouvernement Trudeau n’a toujours pas fourni à notre comité son analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS Plus. Cela devient malheureusement un problème courant avec ce gouvernement. En fait, pas plus tard que la semaine dernière, notre comité a formulé une observation en des termes très catégoriques exigeant que nous recevions cette ACS Plus à un stade précoce de l’élaboration de notre rapport sur un projet de loi. Le ministre de la Justice est venu hier pour répondre à nos questions, mais nous n’avions pas alors ce document pour poser des questions et nous ne l’avons toujours pas aujourd’hui.
Maître Niman, compte tenu de ce que vous avez décrit plus tôt à propos de l’égalité des sexes et de ce dont nous devons discuter — et des renseignements pertinents évidents qui pourraient être inclus dans cette ACS Plus, surtout pour ce projet de loi —, cela vous préoccupe-t-il que nous n’ayons toujours pas ce document dont ce gouvernement est à l’origine et qu’il dit considérer comme important?
Me Niman : Je vous remercie de votre question. Je comprends votre point de vue. J’ai observé au cours de la séance d’hier qu’une demande avait été adressée directement au ministre de la Justice à ce sujet, je crois.
Bien que je ne puisse pas jeter un coup d’œil derrière le décor, je peux dire que l’Association des femmes autochtones du Canada a effectué sa propre analyse comparative entre les sexes. Vous en avez les résultats sous la forme de notre mémoire. Il est au moins possible de reconnaître qu’une analyse a été effectuée. Elle n’a peut-être pas été réalisée par le gouvernement, mais au moins d’un point de vue culturel, l’information est disponible. Donc, s’il y a des questions sur ce que notre analyse interne a découvert, je serai heureuse d’y répondre.
La sénatrice Batters : Bien sûr, pourquoi ne pas approfondir la question. C’est bien que nous ayons une ACS Plus de la part de quelqu’un. Je vous remercie de l’avoir fait.
Me Niman : Avec plaisir. L’une des choses auxquelles l’Association des femmes autochtones du Canada se raccroche par rapport à la consultation, c’est que chaque fois qu’un projet de loi touche les femmes autochtones, nous avons une occasion importante de faire une analyse comparative entre les sexes.
La raison en est que pendant trop longtemps, le législateur a abordé les intentions législatives dans une perspective de neutralité de genre. Notre vécu, les données, les taux de criminalité et la discrimination nous apprennent que ce n’est pas le cas, qu’une approche concrète de l’égalité pour les femmes autochtones exige de porter explicitement une attention pointue aux expériences vécues et fondées sur le genre qui forment leurs identités intersectionnelles en tant qu’Autochtones.
Dans le cas de la Loi d’interprétation, lorsque j’expliquais à des personnes étrangères à la politique et au droit quel était le lien entre une analyse comparative entre les sexes et la Loi d’interprétation, cela devient en fait très important. La raison pour laquelle nous avons besoin d’une loi d’interprétation qui applique l’article 35 et les droits issus de traités est qu’ils sont systématiquement ignorés. Lorsque nous précisons qu’une attention particulière doit être accordée à ces droits et aux droits prévus dans la DNUDPA, tout le monde est sur la même longueur d’onde et averti que ces droits seront respectés, et c’est ce que l’on attend de chacun.
Les femmes autochtones que l’Association des femmes autochtones du Canada représente comptent donc sur ce rappel répété pour signaler que leurs droits sont tout aussi importants et qu’ils nécessitent une approche concrète de l’égalité.
La sénatrice Batters : Merci. Je comprends.
Monsieur Obed, comme vous êtes de l’ITK, il est évident que l’ACS Plus aura un impact certain sur votre organisation et sur vos membres. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
M. Obed : En réponse à l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, les Inuits ont créé un plan d’action propre aux Inuits. Nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec les Pauktuutit Inuit Women of Canada dans le cadre d’initiatives d’ACS Plus et nous avons essayé d’intégrer l’analyse comparative entre les sexes dans tous les travaux que nous faisons au sein de notre organisation et dans tous les travaux que nous faisons avec le gouvernement fédéral.
Nous en sommes encore aux premières phases de nos efforts pour comprendre quels modèles sont les plus efficaces pour garantir qu’une analyse comparative entre les sexes propre aux Inuits puisse être appliquée à tous nos travaux, y compris au sein de notre Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne et dans les positions que nous prenons sur les projets de loi fédéraux. Nous poursuivrons ce travail, non seulement avec nos propres régions de revendications territoriales, mais aussi avec les Pauktuutit Inuit Women of Canada.
La sénatrice Batters : Je vous remercie.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le président, je suis désolée de vous interrompre. Avec tout le respect que je dois à mon amie, je pense que dire que le gouvernement Trudeau n’a pas fourni d’analyse comparative entre les sexes est un peu exagéré. Les personnes ici présentes pourront me corriger, mais je suis d’accord pour dire que nous n’en avons pas eu les deux dernières fois, mais nous en avons eu sous le gouvernement Trudeau. En fait, c’était la première fois que nous obtenions une analyse comparative entre les sexes. Ces deux dernières fois — et à juste titre, nous l’avons consigné au procès-verbal, mais je pense qu’il serait exagéré de dire que le gouvernement Trudeau n’a jamais rien fourni.
La sénatrice Batters : J’ai bien dit qu’il avait lancé ce processus, mais cela remonte à plus loin que les deux dernières fois. Il est arrivé à plusieurs reprises que nous recevions des renseignements très tard dans le processus, en tout cas bien après que le ministre de la Justice comparaisse devant le comité. C’est la raison pour laquelle j’ai dit cela.
Le président : Je pense que vous avez toutes les deux fait valoir vos arguments. Nous voulons autant que possible engager le dialogue avec les témoins. Nous pourrions nous pencher sur des témoignages sur ce point.
Avons-nous obtenu une réponse complète à ce sujet? Je vous remercie.
Le sénateur D. Patterson : Merci. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, monsieur Obed. Je vous remercie pour votre position claire en faveur du projet de loi.
Cependant, je suis préoccupé par les graves inquiétudes que vous avez exprimées au sujet du processus d’élaboration du projet de loi. Vous avez cité l’article 5 de la Loi sur la DNUDPA, qui stipule que :
Le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration.
Nous avons donc une nouvelle loi qui traite clairement de nos droits ancestraux et issus de traités, une loi qui, comme vous le soulignez, a été défendue par les Inuits. Je tiens toujours à faire référence à l’ancien sénateur Charlie Watt, qui a en fait rédigé un projet de loi visant à modifier la Loi d’interprétation, lequel est malheureusement resté en plan à l’étape de l’étude en comité. Notre comité a envisagé de modifier la Loi d’interprétation afin d’assurer la cohérence dans des dispositions de non-dérogation et a cité des dirigeants inuits. La présidente de la Nunavut Tunngavik Inc., Cathy Towtongie, était l’une des intervenantes.
Nous sommes donc saisis d’un projet de loi qui a été défendu par les Inuits pendant des décennies, mais le processus d’élaboration suscite chez vous de sérieuses préoccupations, même si vous êtes favorable au projet de loi. Pourriez-vous décrire les échanges entre le Canada et les Inuits à propos de ce projet de loi?
M. Obed : Je vais demander à M. David de répondre à cette question, mais à propos de la durée, la première fois que j’ai fait une présentation au Sénat, c’était en 2002 sur la disposition de non-dérogation et l’intervention du sénateur Watt. Ça fait longtemps, c’était il y a 21 ans, et nous voilà.
M. David : Il est utile de garder en tête que lors de la création du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, les Inuits ont proposé et la Couronne a accepté d’apporter cette même modification à la Loi d’interprétation. Donc, très concrètement, il s’agit d’une proposition des Inuits. En fait, on pourrait même considérer qu’il s’agit d’une priorité commune que nous partageons avec le Canada depuis six ans.
Les préoccupations relatives au processus et à la consultation découlent en fait du langage utilisé par le gouvernement pour décrire le processus d’élaboration de ce projet de loi précis, le projet de loi S-13. S’il ne s’agissait pas d’une proposition des Inuits sur laquelle ils ont travaillé au cours des six dernières années, s’il s’agissait d’un nouveau texte de loi, le processus serait remarquablement défectueux. C’est là l’origine de la préoccupation concernant le processus.
Par contre, le fond du projet de loi, comme vous l’avez très savamment souligné, est une grande priorité pour les Inuits depuis maintenant des décennies.
Le sénateur D. Patterson : J’aimerais simplement avoir un peu plus de détails sur la nature exacte des échanges concernant ce projet de loi, si vous voulez bien.
M. David : Bien sûr. Notre façon de le décrire, c’est que dans le cadre du partenariat entre les Inuits et la Couronne, nous avons plusieurs domaines prioritaires. Je crois que nous en avions sept au départ. La mise en œuvre des revendications territoriales était l’un de ces domaines prioritaires. Dans ce contexte, nous avons défini des actions conjointes pour mener des travaux visant à faire avancer ce que nous pourrions qualifier de changements transformateurs.
Dans le domaine prioritaire des revendications territoriales, l’une des trois actions principales concernait l’élaboration d’une disposition de non-dérogation. Nous avons négocié le libellé dans le plan de travail ainsi que les travaux qui devraient être effectués afin d’arrêter, je le répète, un libellé utile et acceptable, pour garantir que la Couronne comprenne le point de vue des Inuits en ce qui concerne les avantages du libellé ainsi que de la loi, et enfin, nous avons aussi débattu de nos propres attentes relatives au délai en ce qui concerne les dispositions de non-dérogation en vigueur et nous les avons gérées.
Ces travaux conjoints des Inuits et de la Couronne ne sont pas faciles. La collaboration est extrêmement difficile et elle prend donc beaucoup de temps, mais nous nous réunissions en groupe de travail entre les sessions. Nous rencontrions les hauts fonctionnaires et les cadres supérieurs des organisations inuites signataires de traités ainsi que les sous-ministres adjoints. Puis, trois fois par an, nous soumettions le fruit de nos travaux au ministre si nous rencontrions des obstacles que nous ne parvenions pas à surmonter ou qui nécessitaient une décision de la part des ministres ou des dirigeants inuits, y compris la réunion avec le premier ministre.
Comme je l’ai dit, c’est un point qui a figuré en premier à l’ordre du jour de toutes les réunions du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne auxquelles j’ai participé.
Le sénateur D. Patterson : Avez-vous participé à l’élaboration de cette loi, de ce projet de loi? C’est vraiment ce que je veux savoir, concrètement.
M. David : En ce qui concerne le projet de loi S-13 explicitement, le processus décrit dans le site Web, l’échange de documents, l’ITK n’a pas participé à ce processus, non.
Cependant, je me plais à penser que l’idée qui a conduit à la création du processus a été lancée par l’ITK.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.
Le sénateur Prosper : Merci aux témoins. J’ai une question qui m’intrigue beaucoup et je vais la poser. Elle concerne la relation ou la cohérence qui existe entre l’article 35 et la DNUDPA.
Je suis curieux de savoir comment ils s’imbriquent. Madame Niman, je pense que vous avez proposé un moyen concret de les combiner, et je suis curieux de connaître d’autres points de vue sur la façon dont l’un éclaire l’autre, sur la cohérence qui existe, et par extension, sur la manière dont cela guide la consultation.
Généralement, dans une analyse de l’article 35, on a tendance à penser à un spectre, mais si nous prenons la DNUDPA, nous entendons parler de CPLCC — un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause — et j’essaie simplement de préciser un peu où s’inscrit la consultation. Est-elle compatible avec le principe du CPLCC? Doit-elle être appropriée et constructive?
Je vous lance la question. Je vous remercie.
Me Niman : Merci. La relation entre l’article 35 et la DNUDPA a été le mieux décrite, à mon avis, en disant que la DNUDPA insuffle la vie à l’article 35. C’est le cadre de réconciliation du Canada.
Comme Mme Metallic l’a dit hier, ils peuvent fonctionner de différentes manières, mais en aucun cas, ils ne s’abrogent mutuellement ou ne dérogent l’un à l’autre, et c’est ce qu’il importe de reconnaître.
En ce qui concerne les normes de consultation, la DNUDPA fixe la barre au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Je crois que les pages du plan d’action pour la mise en œuvre de la DNUDPA expliquent comment les consultations avec les organisations et les communautés autochtones l’interprètent, mais nos tribunaux n’ont pas encore interprété ce principe.
M. Obed : Comme j’étais présent lorsque la ministre Bennett a signifié le soutien sans réserve du Canada en 2016 à New York, je l’ai également entendu parler de ce potentiel de déblocage et utiliser l’analogie de la boîte pleine de droits, lorsqu’elle a déclaré essentiellement : « Mission accomplie, les peuples autochtones disposent maintenant d’une boîte pleine de droits dans le pays ».
Ce n’est pas du tout une position de l’ITK, mais pour ma part, logiquement, ce serait le cas si la Constitution était rouverte et si la DNUDPA était inscrite dans la Constitution canadienne. Comme ce n’est pas le cas, nous nous démenons tous pour savoir comment prendre une mesure qui est synonyme de cet exercice.
Dans bien des cas, cette possibilité est entravée par la nature très ponctuelle de la façon dont les différents ministères fédéraux imaginent même cet exercice. À l’heure actuelle, nous craignons que le gouvernement fédéral considère la DNUDPA davantage comme une déclaration fondée sur des principes que comme une déclaration fondée sur des droits, et nous nous en inquiétons au vu de la réaction à la loi et à la mise en œuvre de la loi, ce qui justifie la nécessité de ces conversations.
Cependant, c’est l’instrument que nous avons utilisé pour parvenir à cet espace de reconnaissance de nos droits existants et de leur application dans ce pays qui est la conversation de notre vie.
Le président : Je vous remercie.
Puis-je inviter Mme Casimer, si elle le souhaite, à commenter ce point?
Mme Casimer : Merci. Je vais m’en remettre à Mme Mainville.
Me Mainville : Merci. Je pense qu’il s’agit d’une conversation importante entre les Premières Nations de tout le Canada sur la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et sur la question de savoir si la disposition de non-dérogation, qui sera abrogée dans cette loi — le paragraphe 2(2) — a en fait ancré la promesse et la transformation de la DNUDPA à l’article 35 dans certains critères de la common law qui posent un problème et qui sont, pour dire franchement, coloniaux. Il s’agit du critère de justification énoncé dans l’arrêt Sparrow et du critère énoncé dans l’arrêt Van der Peet pour prouver le droit des Autochtones à l’autonomie gouvernementale.
Il est certain que ces points figurent à l’ordre du jour commun des Autochtones en tant que priorité partagée depuis les discussions constitutionnelles de 1982 et 1985 et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous plaidons vraiment en faveur de cet amendement au paragraphe 8.3(3) de ce projet de loi, afin qu’il soit clair que les lois fédérales doivent être compatibles avec la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et c’est si important et si crucial. Ainsi, nous reviendrons à la promesse transformationnelle de l’autodétermination dans l’élaboration des lois canadiennes par l’adoption de lois sur les compétences inhérentes des Autochtones.
La sénatrice Clement : C’est une conversation utile. Merci beaucoup pour tout votre travail et pour l’expérience de vie que vous mettez à profit dans votre travail.
Merci au sénateur Prosper pour cette dernière question. Elle m’a fait penser aux relations.
Nous avons eu des conversations aujourd’hui sur le sens à donner au mot « consultation » et sur l’objectif de l’élaboration conjointe, de l’accord et du consentement. D’après mon expérience limitée, une expérience qui va croissant, cela ne se produit que lorsque les gouvernements établissent des relations ou lorsque des personnes établissent des relations avec des organisations et des communautés des Premières Nations.
Ma question est la suivante : vos organisations et vos communautés ont-elles la possibilité d’établir des relations avec le gouvernement fédéral? La situation a-t-elle évolué? Avez-vous l’impression d’un changement en ce sens? Voilà ma question.
Me Niman : Je vous remercie. Je vais répondre brièvement pour laisser du temps aux autres témoins.
La réponse est : « Parfois ». Le gouvernement adopte une approche fondée sur les distinctions et lorsqu’il décide qu’une mesure aura un impact nécessaire sur les femmes autochtones, en fonction de ces critères, l’AFAC est invitée à la table.
La sénatrice Clement : Merci.
M. Obed : Nous vivons une période sans précédent dans l’histoire du Canada pour ce qui est des capacités des Inuits à travailler avec le gouvernement fédéral et à se faire entendre. Il reste à voir ce que nous en ferons.
Mme Casimer : Je peux parler de ma propre expérience en Colombie-Britannique. Les relations que nous entretenons avec le gouvernement fédéral s’améliorent. Certes, il y a encore beaucoup de travail à faire. Il faut encore discuter de ce qu’on entend par « élaboration conjointe », de ce qu’on entend par une « consultation véritable » et de ce qu’on entend aussi par une « véritable participation », mais je pense que nous sommes sur la bonne voie.
La différence entre la province de la Colombie-Britannique et les autres provinces et régions est que le gouvernement provincial s’est engagé à créer et à établir un fonds pour la mise en œuvre de la déclaration, en comprenant que les capacités de nos collectivités respectives sont assez limitées et que nous sommes tiraillés de toutes parts, surtout cette année où nous devons faire face aux conséquences d’incendies, de sécheresses et d’inondations sans précédent. Cette décision a été prise en tenant compte de la mesure dans laquelle les titulaires de titres et de droits des Premières Nations pouvaient participer pleinement.
Si un fonds fédéral pour la mise en œuvre de la déclaration était créé, les Premières Nations pourraient y puiser pour participer pleinement aux discussions sur les modifications législatives afin de s’assurer qu’elles s’harmonisent avec la déclaration. Ce sera nécessaire.
À l’échelle nationale, nous savons qu’il reste du travail à faire. Il y a encore cette idée de venir à la table après coup, quand quelque chose a été élaboré. Vous venez à la table et on vous dit : « Nous aimerions échanger avec vous à ce stade ». Ce n’est pas à ce moment-là que les choses commencent. Les choses commencent au moment où l’on envisage d’établir ou de créer quelque chose et on invite les titulaires de titres et de droits à la table. Lorsque nous aurons atteint ce stade de notre histoire, nous serons sur la bonne voie.
La sénatrice Clement : Merci.
Le président : Je pense que cela met fin aux questions, chers collègues.
Permettez-moi de prendre un moment pour remercier les témoins qui ont comparu devant nous aujourd’hui. Surtout pour ceux d’entre vous qui sont ici régulièrement, il peut sembler qu’il s’agit d’une expérience ordinaire, mais vous nous avez aidés à enrichir notre compréhension de certains points très importants de cet important projet de loi. Je tiens à vous en remercier tout particulièrement en notre nom à tous.
Si vous ne l’avez pas encore appris, vous serez intéressés de savoir que le premier ministre a nommé Mary Moreau, la juge en chef de la Cour du banc du Roi de l’Alberta, pour occuper le poste vacant à la Cour suprême du Canada. Si sa nomination est confirmée, ce sera la première fois que la Cour suprême comptera une majorité de femmes. J’ai pensé qu’il valait la peine de souligner ce moment historique, à certains égards.
Chers collègues, dans notre deuxième groupe de témoins, nous aurons le plaisir d’accueillir, Eva Clayton, présidente dugouvernement Nisga’a Lisims. Elle se joint à nous par vidéoconférence. Bienvenue, madame Clayton. J’ai vu que vous avez eu la chance d’observer la discussion avec le premier groupe de témoins. Soyez la bienvenue dans un rôle parlant au sein de ce groupe.
Nous accueillons aussi Marie Belleau, Alastair Campbell et Jim Aldridge de la Nunavut Tunngavik Incorporated. Mme Belleau en est la conseillère juridique directrice, M. Campbell, le conseiller principal en politiques et M. Aldridge, le conseiller juridique. Ils se joindront eux aussi à nous par vidéoconférence.
Nous sommes sur le point d’entendre les observations préliminaires, mais juste avant, la sénatrice Batters souhaite intervenir brièvement.
La sénatrice Batters : Je voulais simplement dire que j’ai un bref commentaire à faire au sujet du rapport sur le projet de loi C-48. Je peux attendre, bien sûr, que les témoins aient terminé, mais j’aimerais simplement que vous réserviez un peu de temps à la toute fin.
Le président : Nous ferons de notre mieux. Vous savez que notre horaire est un peu serré puisque nous devons nous rendre dans une autre salle juste avant 14 heures.
Nous allons inviter Mmes Clayton et Belleau à faire leurs observations préliminaires d’environ cinq minutes chacune, suivies des questions des sénateurs.
Madame Clayton, la parole est à vous.
Eva Clayton, présidente, Nisga’a Lisims Government : Je vous remercie. Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je m’appelle Eva Clayton. Je suis la présidente du gouvernement Nisga’a Lisims. Je vous appelle de notre territoire Nisga’a, situé dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Le traité Nisga’a, le premier traité moderne de la Colombie-Britannique, est entré en vigueur en mai 2000. En 2003, tous les groupes autochtones ayant conclu des ententes relatives à des revendications territoriales globales à cette date ont formé la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, la LCAC. Depuis le début, les membres ont demandé au gouvernement Nisga’a Lisims, le NLG, et à la Nunavut Tunngavik Incorporated, la NTI, de coprésider la coalition. Nous avons comparu ensemble devant des comités parlementaires à plusieurs reprises, et je suis heureuse d’accompagner les représentants de la NTI une fois de plus aujourd’hui. Notre avocat général, Jim Aldridge, est également présent.
Nous sommes très enthousiastes à l’idée que le projet de loi S-13 devienne enfin une loi. Il bénéficie du soutien sans équivoque de la nation Nisga’a, et nous félicitons le gouvernement d’avoir enfin accepté de donner suite à ce qui a été, depuis le début, une initiative menée par des Autochtones. Nous ne voudrions pas qu’elle soit retardée.
Cela fait plus de 20 ans que le NLG, la NTI et d’autres ont entamé des efforts pour convaincre le Canada de modifier la Loi d’interprétation afin d’y inclure une disposition de non-dérogation claire et efficace qui s’appliquera à toutes les lois fédérales et qui indiquera clairement que le Parlement a l’intention de faire respecter nos droits dans toutes ses lois et de ne pas les abroger ou y déroger. Cet enjeu nous a particulièrement préoccupés au début des années 2000, lorsque nous avons appris l’existence d’un nouveau libellé des dispositions de non-dérogation qui étaient utilisées depuis les années 1980 et pendant la majeure partie des années 1990. Au lieu de ne pas abroger nos droits ou de ne pas y déroger, le nouveau libellé prétendait ne pas abroger la protection de nos droits prévus par la Constitution ou de ne pas y déroger, mais cela n’avait aucun sens pour nous. Comment une loi pourrait-elle faire obstacle à la protection accordée par la Constitution? Cela signifiait que ces dispositions n’avaient aucun effet.
En conséquence, par l’entremise de nos représentants légaux, le gouvernement Nisga’a Lisims et la NTI ont comparu devant ce même comité en 2007 pour demander instamment le retour à une approche efficace de la non-dérogation, proposer d’éliminer la nécessité de demander des dispositions de non-dérogation sur une base ponctuelle pour chaque projet de loi posant potentiellement un problème en modifiant la Loi d’interprétation et suggérer un libellé positif exigeant que les lois soient interprétées comme « respectant » nos droits au lieu d’interdire leur abrogation ou leur dérogation.
Nous avons été extrêmement satisfaits lorsque le comité a accepté à l’unanimité nos propositions et les a incluses dans sa première recommandation. Malheureusement, le gouvernement de l’époque n’a pas retenu les recommandations du comité. C’est pourquoi, avec le reste de la LCAC et d’autres signataires de traités modernes, nous avons continué à insister auprès des représentants de l’État et des politiciens sur l’intérêt d’adopter les recommandations du comité.
L’occasion concrète suivante ne s’est présentée qu’en 2017, lorsque le premier ministre Trudeau a formé le groupe de travail des ministres chargé d’examiner les lois et les politiques afin de respecter la promesse et l’objectif de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous avons exhorté ce groupe de travail à reprendre la recommandation de ce comité en faveur de l’insertion d’une disposition de non-dérogation dans la Loi d’interprétation. Vers l’an 2000, le ministère de la Justice a finalement entamé ce qui s’est révélé être un très long processus de consultation et de mobilisation d’autres parties.
À notre connaissance, bien qu’il y ait eu des divergences sur le libellé précis et sur la question de savoir si cette disposition devait être liée à d’autres initiatives, comme la mise en œuvre de la DNUDPA, il n’y a eu que peu ou pas d’opposition à la proposition fondamentale. Les gouvernements et les organisations autochtones sont largement d’accord sur le fait que nous ne devrions plus avoir à nous soucier d’étudier chaque projet de loi pour y déceler d’éventuelles atteintes à nos droits, puis à faire pression pour obtenir des changements de dernière minute, comme nos amis de la NTI ont pu le faire avec la Loi sur les pêches. C’est ce que votre comité a reconnu il y a 16 ans. Nous espérons que vous le reconnaîtrez aujourd’hui.
En conclusion, je rappelle cet historique afin de souligner que ce projet de loi vous est présenté aujourd’hui en grande partie grâce aux efforts déployés par les signataires de traités modernes depuis près de deux décennies et pour vous exhorter à adopter une approche que votre comité a recommandée à l’unanimité il y a près de 16 ans.
Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui.
Le président : Merci, madame Clayton.
Marie Belleau, conseillère juridique directrice, Nunavut Tunngavik Incorporated : [Traduction]
[Mots prononcés en inuktitut]
[Français]
Bonjour sénatrices et sénateurs, je m’appelle Marie Belleau, je suis conseillère juridique et directrice des Services juridiques pour Nunavut Tunngavik inc.
[Traduction]
Je vous remercie d’avoir présenté mes collègues qui comparaissent également au nom de la NTI, Alastair Campbell et Jim Aldridge.
Je vous remercie de m’avoir invitée et de m’offrir l’occasion de témoigner devant vous sur ce sujet très important. Je tiens à préciser d’emblée que la NTI souscrit pleinement à l’amendement proposé. Nous présentons cette position après avoir travaillé sur cet enjeu pendant de nombreuses années. À titre d’exemple, la NTI a comparu devant le Sénat avant la publication de son rapport de 2007 sur les dispositions de non-dérogation relatives aux droits ancestraux et issus de traités. C’était il y a 16 ans. La NTI avait largement souscrit aux conclusions de ce rapport. Nous avons été déçus qu’il n’ait pas été donné suite à ce rapport à l’époque.
Plus récemment, nous avons poursuivi l’objectif d’une disposition de non-dérogation dans la Loi d’interprétation par l’entremise du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne et de la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales. La NTI a participé à cette initiative, qui a débuté il y a plusieurs années, et nous sommes reconnaissants au gouvernement d’avoir répondu aux préoccupations que nous avons exprimées.
Les Autochtones craignent qu’il soit facile d’interpréter les lois comme illustrant une intention du législateur de minimiser ou de diminuer nos droits plutôt que de les respecter et de les faire respecter, en dépit de leur reconnaissance et de leur affirmation constitutionnelles. Ces dernières années, des dispositions de non-dérogation ont été incluses dans certaines lois, mais pas dans d’autres, et même lorsqu’elles y figurent, elles ont une variété de libellés aux effets incertains. Cette approche ponctuelle a été qualifiée d’insoutenable dans le rapport de 2007 du comité sénatorial. Nous avons été contraints d’examiner des lois une par une et de plaider pour l’insertion d’une disposition de non-dérogation au cas par cas. Nous pouvons fournir des exemples sur demande.
Comme toutes les règles d’interprétation prévues dans la Loi d’interprétation, le projet de loi S-13 fournira une optique pour la compréhension préférentielle, cohérente, claire et appropriée des nouveaux projets de loi au cas où leur impact ou leur portée seraient ambigus. Il réduira également la nécessité pour les organisations autochtones comme la nôtre d’examiner minutieusement chaque projet de loi présenté au Parlement et d’essayer d’obtenir l’insertion d’un libellé pertinent pour assurer la non-dérogation.
Cette version de l’amendement proposé est le fruit d’années de travail de rédaction. La NTI est d’avis que le projet de loi actuel offre un libellé sain, réalisable et bénéfique pour une règle d’interprétation permanente. Il s’agit également d’un libellé plus positif de l’intention du Parlement et plus conforme à l’approche nécessaire à la reconnaissance des droits.
En résumé, la Nunavut Tunngavik vous demande instamment d’insérer ce libellé dans la Loi d’interprétation et d’abroger les nombreuses autres versions que l’on trouve dans d’autres lois, à l’exception seulement des versions qui s’appliquent à un peuple autochtone particulier, à sa demande, et qu’il souhaite conserver.
J’aimerais terminer en reconnaissant la contribution de l’ex-sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, ainsi que de mon compatriote inuk et ex-sénateur Charlie Watt à cette importante initiative. J’aimerais aussi remercier la direction de la NTI ainsi que mes collègues Alastair Campbell et Jim Aldridge, qui m’accompagnent aujourd’hui, ainsi que le conseiller juridique retraité de la NTI, John Merritt, qui a contribué à faire avancer cette cause sans relâche depuis le début des années 2000. Nous tenons à dire que leurs efforts, ainsi que ceux de nombreux autres peuples et groupes autochtones du Canada, ont enfin abouti. Nous espérons que nous sommes enfin prêts de franchir cette étape.
Nous sommes tous les trois à votre disposition pour répondre à vos questions. Je vous remercie de votre attention. Nakurmiik.
Le président : Merci à vous deux. Je vais maintenant inviter les sénateurs à poser des questions, en commençant par la marraine du projet de loi.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Madame Belleau, nous avons entendu beaucoup de choses — je ne sais pas si vous avez suivi les discussions avec les groupes de témoins — de la part de personnes et de groupes qui aimeraient que ce projet de loi soit amendé afin d’y insérer une disposition relative à la DNUDPA. Je vous suis très reconnaissante de l’historique que vous nous avez donné sur tout le travail que la NTI et les Nisga’a ont fait pour amener ce projet de loi là où il est.
Seriez-vous favorable à l’insertion d’une disposition relative à la DNUDPA? Pensez-vous que nous devrions prendre un pas de recul et mener d’autres consultations? Si nous devions consulter davantage, souhaiteriez-vous que le projet de loi soit adopté et que nous procédions ensuite à cette consultation? Comment pensez-vous que nous pourrions procéder si nous voulons vraiment tenir compte de tous ceux qui ont témoigné à propos de ce projet de loi?
Me Belleau : Merci pour cette question.
Nous avons écouté et nous avons aussi réfléchi à ce sujet. Il est évident que la DNUDPA est un texte important en matière de droits de la personne dont l’obtention a pris des décennies. Nous avons enfin la Loi sur la DNUDPA au Canada. Nous avons le plan d’action pour la mise en œuvre de la DNUDPA. Il n’y a pas encore eu de consultation en bonne et due forme auprès de la NTI sur le deuxième point du plan d’action pour la mise en œuvre de la DNUDPA, qui concerne précisément l’insertion d’un libellé dans la Loi sur la DNUDPA, de sorte que nous ne pouvons donner qu’un avis préliminaire à ce stade. Nous n’avons pas nécessairement vu de texte à ce sujet, nous n’avons pas été officiellement consultés et nous n’avons pas été invités à faire des commentaires à ce sujet.
En principe, c’est une bonne idée, car tout ce qui peut être mis en place pour promouvoir la DNUDPA et lui donner plus de mordant est une bonne idée; c’est nécessaire. Même s’il s’agit d’un outil d’interprétation, il serait le bienvenu. Comme la NTI et la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales plaident pour cette disposition de non-dérogation depuis des décennies, nous souhaiterions qu’elle soit adoptée le plus rapidement possible.
Nous serions heureux d’avoir l’occasion de procéder à un examen et de présenter une position officielle sur toute proposition de modification à la Loi d’interprétation concernant la DNUDPA.
Le président : Souhaitez-vous que Mme Clayton s’exprime à ce sujet?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Bien sûr.
Le président : Avez-vous une réponse à donner à la question de la sénatrice, madame Clayton?
Mme Clayton : Merci pour la question. Je vais m’en remettre à M. Aldridge, qui a fait le travail au plan technique.
Jim Aldridge, conseiller juridique, Nunavut Tunngavik Incorporated : Merci.
Par souci de transparence envers les sénateurs, je pense qu’il a été dit clairement que j’ai eu le privilège de représenter à la fois le gouvernement Nisga’a Lisims et la NTI au fil des ans. Je suis ici au nom de ces deux organisations aujourd’hui.
La position qui a été défendue, sénatrice, tant par la NTI que par le gouvernement Nisga’s Lisims et d’autres membres de la coalition, est qu’il est prioritaire d’incorporer cet amendement dans la Constitution dès que possible. L’expression « dès que possible » semble presque ironique étant donné le nombre de décennies que nous avons consacrées à ce dossier. Je me souviens avoir comparu devant ce comité en 2007. Ces événements vous ont été relatés.
L’idée d’ajouter un paragraphe faisant référence à la DNUDPA est très intéressante, comme l’ont dit les intervenantes précédentes. Cela dépend du libellé, et il n’y a pas eu de consultation sur le libellé. Nous avons entendu quelques suggestions, dont l’une a été lue aujourd’hui par notre amie de l’APN. D’autres suggestions ont été mentionnées, mais nous ne les avons pas vues. Ce sont des questions importantes.
Le libellé du projet de loi S-13 fait l’objet de consultations depuis au moins trois ans, de sorte qu’il est très difficile de réagir à brûle-pourpoint au cours d’une séance du comité au libellé qui a été proposé.
Le gouvernement Nisga’a Lisims et la NTI ont tous deux exprimé leur intérêt pour le concept. La réponse à votre question, selon mes instructions, est qu’ils préféreraient tous deux voir ce projet de loi adopté et faire ensuite le travail nécessaire pour garantir que tout libellé relatif à la DNUDPA est suffisamment précis et clair et qu’il répond aux besoins de chacun. C’est la voie qu’ils privilégient.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie pour cette suggestion.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vais aussi souhaiter la bienvenue à nos panélistes. Je vais poser ma question à Mme Clayton et à Me Belleau, peut-être en commençant par Me Belleau.
Nos témoins, dans le premier panel, étaient déçus que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne soit pas incluse dans ce projet de loi. Ils critiquaient également la qualité des consultations auxquelles ils avaient participé.
Avez-vous le même point de vue au sujet de la déclaration? Est-ce que la consultation dont vous avez été témoin fait en sorte que l’ensemble de vos préoccupations a été intégré au projet de loi?
Me Belleau : Merci pour la question. Au sujet de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, nous avons déjà répondu un peu à la question, à moins qu’il y ait autre chose que vous voulez savoir. Je pense que nous avons exprimé notre position par rapport à l’ajout de texte au sujet de la déclaration des Nations unies.
Au sujet de l’autre aspect de votre question, quant à la consultation, j’oserais quasiment dire que nous sommes potentiellement dans une situation unique par rapport à d’autres groupes. Cela resterait à voir, mais comme je l’ai dit dans ma présentation, et comme l’ont dit mes collègues aujourd’hui sur le panel, nous faisons des efforts depuis des décennies. Cela fait très longtemps que Nunavut Tunngavik inc. demande qu’il y ait cette clause universelle dans la loi. C’est une réponse aux efforts de Nunavut Tunngavik inc. pour en arriver où nous en sommes aujourd’hui.
C’est un peu à l’inverse de dire : « est-ce que vous avez été consultés? » Nous avons mis de l’avant depuis longtemps la nécessité d’avoir cette clause dans la loi. Je ne dirais pas que nous sommes uniques; il y a d’autres organisations qui ont mis en lumière le langage problématique d’autres lois. Nous sommes satisfaits des amendements en ce moment et de la façon dont la loi est écrite. Nous sommes satisfaits et nous appuyons cette version.
[Traduction]
Mme Clayton : Merci. Je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit. Mon collègue M. Aldridge a déjà parlé de la DNUDPA.
Je voudrais parler du caractère unique de la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales. Nous sommes une coalition de signataires de traités modernes et, pour moi, le processus de consultation devrait se faire de gouvernement à gouvernement.
Il est important que nous fassions cette distinction. Nous devons commencer à examiner comment nous consultons, discutons et parlons des textes de loi. Un travail considérable a été réalisé à ce sujet pendant de nombreuses années, deux décennies, en fait. Comme je l’ai dit, la nation Nisga’a aimerait que le projet de loi S-13 soit adopté, après quoi nous pourrons nous pencher sur la DNUDPA.
Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos témoins. Cette question s’adresse à l’ITK et à Mme Belleau.
La Loi d’interprétation fédérale est une loi technique qui fournit une norme uniforme pour l’interprétation de toutes les lois fédérales. En insérant une DND dans cette loi, toutes les lois fédérales seraient interprétées comme incluant une DND. Compte tenu des nombreuses mesures déjà en place — ma question comporte deux parties — que pensez-vous de cette mesure supplémentaire? Selon vous, quel sera l’impact de l’adoption du projet de loi S-13 sur les droits des Autochtones et la réconciliation? Est-ce que cela va simplement ou nettement améliorer la situation?
Me Belleau : J’ai déjà dit que, même sur le plan pratique, comme nos organisations disposent de ressources limitées, il est très fastidieux d’examiner chaque projet de loi pour confirmer que le libellé respecte les droits prévus à l’article 35. Même d’un point de vue pratique, cela ferait une différence énorme.
Nous parlons d’un outil d’interprétation. En cas d’ambiguïté, je pense que donner de la force à nos droits déjà établis et reconnus n’ajoute rien à l’essence de nos droits. Il ne s’agit pas de bonifier nos droits déjà reconnus et affirmés au titre de l’article 35 et nos droits issus de traités, mais c’est un outil d’interprétation en cas d’ambiguïté.
Il y a toujours plusieurs façons de voir une situation donnée et d’envisager une approche différente ou, dans ce cas-ci, d’interpréter la loi. Nous devons nous en assurer et mettre celaen place pour qu’il soit absolument clair que toutes les lois devraient être interprétées en conformité avec le respect de nos droits.
Comme nous l’avons mentionné, il ne s’agit pas seulement de ne pas déroger à nos droits, mais de les faire respecter. C’est essentiel. Dans le contexte de la réconciliation, il s’agit d’une façon plus respectueuse et constructive d’indiquer clairement que nos droits déjà consacrés doivent être respectés.
Le sénateur Klyne : Je vous remercie. Vous avez fait référence à la nécessité d’être clair comme de l’eau de roche. J’allais vous demander si vous voyez un problème d’interprétation de la disposition dans la Loi d’interprétation. En ce qui concerne la nécessité d’être clair comme de l’eau de roche, faudrait-il faire de la sensibilisation et de la vulgarisation auprès du public, pas seulement au sein du milieu juridique, mais de manière plus générale?
Me Belleau : Fort probablement. Comme Autochtones et comme groupes autochtones, nous sommes confrontés chaque jour à des défis dans nos relations avec le gouvernement et avec toutes sortes de parties extérieures. Plus il y aura de sensibilisation et de vulgarisation, plus les Canadiens devraient tous en être conscients. Tous les fonctionnaires devraient connaître les droits des Autochtones. Les Canadiens doivent aussi respecter tous ces droits.
Oui, je pense qu’il y a une possibilité de mettre cette disposition en lumière, cet outil d’interprétation, ce serait utile. Lorsque nous consultons le texte d’une loi, nous pouvons demander à différentes personnes comment elles l’interprètent, mais en disant que c’est votre fondement, c’est ainsi que vous devez l’interpréter dans le respect des droits prévus à l’article 35, des droits des Autochtones, et s’il y a des moyens d’aider quiconque est en position de devoir mettre en œuvre la loi ou de l’interpréter, ce sera utile.
Le sénateur Klyne : Je vous remercie pour cette observation.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci aux témoins qui sont ici aujourd’hui.
Ma question s’adresse à Me Belleau et à Mme Clayton. Je crois pouvoir résumer votre position en deux points. Vous nous dites d’une part que la coalition de groupes qui ont des traités modernes a travaillé depuis des décennies pour obtenir une clause générale d’interprétation pour l’ensemble des lois fédérales. D’autre part, la coalition s’attend à ce que le Sénat, du moins notre comité, soit logique avec sa propre recommandation de 2007, à la suite de vos représentations. Est-ce que je comprends bien votre position?
Me Belleau : Oui. Je représente Nunavut Tunngavik inc. Je n’oserai pas me prononcer aujourd’hui au nom de la coalition. Depuis très longtemps, nous avons voulu mettre en lumière les problèmes qui existaient dans différentes lois et dans les différentes versions, par exemple en ce qui a trait au langage et à la terminologie utilisés. Peu à peu, on y est arrivé, avec la version qui est devant nous aujourd’hui.
Votre deuxième question concernait la logique. Effectivement, en 2007, nous étions en faveur des conclusions du rapport. Puis, pour une raison ou une autre, on n’a pas donné suite aux recommandations. Nous continuons de soutenir les recommandations du rapport de 2007. Le langage aujourd’hui est un peu différent, mais nous sommes satisfaits du libellé.
[Traduction]
Mme Clayton : Comme je l’ai dit, la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales se compose des signataires de traités modernes, qui avaient conclu ces ententes à l’époque, en 2003. Il y a longtemps. Un travail considérable a été réalisé au cours des deux dernières décennies, comme on l’a dit. Non seulement la Loi d’interprétation, mais nous voulons aussi nous assurer que toutes les parties, qu’il s’agisse du grand public ou du gouvernement du Canada, comprennent les traités modernes. C’est sur cette base que nous avons réclamé des relations de gouvernement à gouvernement et que nous avons fait pression en ce sens, car nous sommes différents des organisations des Premières Nations générales. Nous sommes très satisfaits du projet de loi S-13, comme je l’ai dit. Je vous remercie.
La sénatrice Simons : Madame Clayton, vous vous en souvenez peut-être, mais j’ai eu le plaisir de vous rencontrer à Terrace, en Colombie-Britannique, il y a quelques années, lorsque vous avez témoigné devant un autre comité sénatorial au sujet du projet de loi C-48. À l’époque, je me souviens que vous étiez fermement convaincue que le gouvernement n’avait pas consulté comme il se doit la nation Nisga’a au sujet du projet de loi C-48. Je me demande si vous pouvez me dire en quoi la nature et la portée de ces consultations étaient différentes de celles que vous avez menées au sujet du projet de loi C-48. Avez-vous l’impression que le gouvernement s’améliore en la matière?
Mme Clayton : Pour ce projet de loi en particulier, le gouvernement et les signataires de traités modernes doivent chercher à améliorer ces relations. Je ne peux pas dire d’emblée qu’elles se sont vraiment améliorées, mais nous y travaillons régulièrement. Nous continuons de réclamer une relation de gouvernement à gouvernement. Le message passe un peu mieux, mais nous avons besoin d’un processus établi. Pour l’instant, le processus est ponctuel. Je vous remercie.
La sénatrice Simons : Certains Canadiens ne connaissent peut-être pas l’idée d’un traité moderne ni le type et la nature des traités dont la nation Nisga’a est signataire. Pouvez-vous expliquer aux gens en quoi votre forme de traité diffère des traités nos 6, 7 et 8 et des traités des Prairies?
Mme Clayton : Merci pour cette question. Je vais demander à M. Aldridge d’y répondre.
Me Aldridge : Merci pour la question, sénatrice. L’expression « traités modernes » renvoie jusqu’à présent à toutes les ententes sur les revendications territoriales globales conclues depuis 1975, le premier traité ayant été conclu avec les Cris de la baie James et les Inuits du Nord du Québec. Ensuite, il y a toutes les ententes sur les revendications territoriales conclues depuis lors et qui ont reçu une protection constitutionnelle rétrospective et prospective en vertu du paragraphe 35(3), dans l’amendement constitutionnel. Parce que ce traité stipule que les droits issus de traités comprennent les droits qui existent ou peuvent être acquis dans des ententes sur les revendications territoriales, d’un point de vue constitutionnel, il était impératif de considérer ces ententes comme des traités.
Si nous les qualifions de traités modernes, c’est précisément parce qu’ils existent depuis 1975, ce qui commence à dater, mais par rapport aux traités historiques, qui vont de la période antérieure à la Confédération jusqu’aux traités numérotés des Prairies, jusqu’au traité no 11, c’est la distinction avec les traités modernes, connus à l’origine sous le nom d’ententes sur les revendications territoriales et appelées ainsi dans la Constitution.
Leur territoire couvre plus de 40 % de la superficie du Canada. C’est énorme. La nature de la coalition est telle qu’il ne s’agit pas d’une organisation. C’est une coalition. Il n’y a pas d’élections, la NTI et le gouvernement Nisga’a Lisims étant invités chaque année à assurer la coprésidence. Pour le reste, il s’agit de travailler ensemble sur des sujets communs liés aux traités modernes.
Madame Simons, vous avez soulevé un point intéressant à propos de la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers et de l’étude du projet de loi C-48 à laquelle vous avez participé. Vous vous souviendrez probablement qu’à la fin de l’exercice, dans un effort pour répondre aux préoccupations des Nisga’a, le comité avait fait une recommandation en insérant une disposition de non-dérogation dans le projet de loi. Le problème est que la disposition qui a finalement été insérée dans le projet de loi est la même que celle que Mme Clayton a déjà qualifiée d’inefficace. La disposition reprend le libellé employé à la fin des années 1990 qui ne faisaient plus référence au fait de ne pas abroger les droits ou de ne pas y déroger, mais plutôt au fait de ne pas abroger la protection constitutionnelle des droits ou de ne pas y déroger, ce qui constitue une distinction évidente. En outre, nous avons toujours dit que cette disposition n’avait pas d’effet.
Ironiquement, après que ce comité a fait ses recommandations en 2007, qui demandaient d’emblée une analyse de ce libellé, celui-ci n’a pas été réutilisé jusqu’à ce que — sous ce gouvernement — mes deux clients et d’autres soulèvent à nouveau la question d’une disposition de non-dérogation universelle. Soudain, on a adopté des projets de loi qui utilisaient, si je peux me permettre d’être familier un instant — le mauvais libellé de non-dérogation. C’est ce qui s’est retrouvé dans la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, de même que dans la Loi sur l’évaluation d’impact, et les lois connexes font référence à l’absence d’abrogation ou de dérogation à la protection.
La sénatrice Simons : Je vous remercie.
Me Aldridge : J’ai terminé. La Loi sur les pêches devait être modifiée. C’est la nature ponctuelle de cette disposition que ce projet de loi corrigera, espérons-nous.
La sénatrice Simons : Je vous remercie, c’est un historique très utile.
Le sénateur D. Patterson : Avec les amis avec lesquels j’ai travaillé au fil des ans au sein de ce groupe, je vois que ce projet de loi est défendu par les Inuits. Je connais la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales et je connais Mme Clayton depuis des années. Tous ceux que nous avons entendus ici nous ont dit que ce projet de loi était réclamé et attendu depuis longtemps. C’est une bonne chose que nous en soyons saisis, et j’y souscris.
Des témoins nous ont suggéré d’ajouter à ce projet de loi un amendement qui reconnaîtrait la DNUDPA. Je sais que la DNUDPA est un texte législatif important, mais extrêmement complexe, fondamental, dont la mise en œuvre progresse lentement, semble-t-il, dans le cadre du plan d’action.
Je n’ai entendu personne s’opposer au projet de loi S-13. Certains suggèrent que nous devrions y ajouter des éléments, mais je ne pense pas que quiconque soit contre le projet de loi S-13. Ce matin, nous avons entendu M. Obed dire qu’il souscrivait au projet de loi tel quel.
Permettez-moi d’être franc. Je crains que nous n’ajoutions une couche de complexité, et peut-être même de controverse, si nous ajoutons un amendement relatif à la DNUDPA, même avec les meilleures intentions du monde. Je pense qu’il faut régler ce problème de longue date, ce que nous attendons depuis des décennies, en normalisant la disposition de non-dérogation dans la Loi d’interprétation, et en renvoyant le projet de loi à la Chambre des communes pour qu’elle l’adopte sans délai.
Je me demande si l’un d’entre vous aurait des commentaires à formuler sur mon opinion selon laquelle nous devrions régler cette question avant de nous attaquer à la question plus complexe de savoir comment la DNUDPA s’applique à toutes les lois canadiennes.
Me Belleau : Monsieur Patterson, vous avez résumé l’essentiel de notre position devant le comité aujourd’hui.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.
Mme Clayton : Merci. Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Patterson. Bien dit. Je vous remercie.
Le président : Merci à vous deux.
[Français]
La sénatrice Clement : Merci à tous les témoins pour votre travail. Ma question s’adresse à Me Belleau.
Quand on parle de consultations et de travail avec les organismes et les communautés, cela met vraiment beaucoup l’accent sur les ressources de vos organismes et de vos communautés. Le témoin qu’on a reçu avant a parlé d’un fonds pour les organismes autochtones. Quelle est la pression que vous subissez? Avec toutes ces consultations, le travail de codéveloppement, c’est toujours sur votre dos, sur vos épaules; vous devez faire tout cela.
Me Belleau : Oui. Je ne sais pas si je peux commenter particulièrement le fonds; vous avez parlé d’une autre panéliste possiblement. Toutefois, en général, oui, la consultation est essentielle. On le demande à tout point de vue tous les jours, mais en même temps, cela nécessite beaucoup de ressources, du temps, de l’énergie et tout cela.
Comme organisation qui représente les Inuits du Nunavut, on a aussi notre propre consultation à faire. Au Nunavut particulièrement, on a trois organisations inuites régionales. On a nos propres dynamiques de gouvernance et tout cela. C’est sûr, ce qui est dans notre assiette, tous les jours, est énorme, mais on ne veut jamais que les choses qui nous affectent se passent sans nous.
Aujourd’hui, en tant qu’avocate, personne inuite et autochtone, le fait de pouvoir représenter ce que nous pensons en ce qui concerne un sujet tellement important, qui nous affecte, en tant qu’Autochtones, est essentiel. On ne peut pas faire les choses qui nous concernent sans nous; c’est essentiel. C’est sûr que oui, cela demande beaucoup de ressources, beaucoup de temps et d’énergie, mais on est là pour faire ce genre de travail. Donc, on est là pour cela. C’est absolument primordial.
La sénatrice Clement : Merci de le dire. Merci pour votre travail.
[Traduction]
Le président : Nous avons l’occasion de faire un deuxième tour de table bref. Je propose d’essayer de terminer au plus tard à 13 h 45, compte tenu de nos autres engagements. Il n’y a qu’une seule personne pour le deuxième tour.
La sénatrice Jaffer : Madame Belleau, je vous ai écoutée attentivement. Vous avez dit : « Nous ne voulons pas que des décisions soient prises sans nous ».
Ce matin, nous avons reçu l’AFAC. Si j’ai bien compris, on nous a expliqué que la DNUDPA doit faire partie de ce projet de loi. Tiendriez-vous compte de l’avis de l’AFAC dans votre décision? Pas au sein de votre groupe, mais les femmes de l’AFAC auraient-elles aussi leur mot à dire? Seriez-vous d’accord avec cela?
Me Belleau : Tout à fait. Le fait est que le texte qui nous est présenté dans le projet de loi S-13 ne comporte aucun amendement ou insertion de la DNUDPA. Nous n’avons pas de base de travail pour le moment.
Ce sur quoi on nous consulte ou, selon la position de la NTI, ce que nous réclamons depuis tant d’années, est incorporé à l’heure actuelle. Toutefois, en l’absence de libellé, sans base de travail pour le moment, c’est très difficile. C’étaient la perspective et l’intention que nous avions présentées au comité sénatorial sur le projet qui nous est présenté.
Nous sommes satisfaits. Nous sommes satisfaits du contenu actuel du projet de loi, qui ajoute essentiellement une disposition de non-dérogation universelle, qu’il est très important et essentiel d’insérer dans la Loi d’interprétation à notre avis.
Nous ne nous prononçons pas sur l’idée de la DNUDPA. Par exemple, par rapport au plan d’action, la NTI a été consultée et nous avons discuté de certaines mesures...
La sénatrice Jaffer : Veuillez m’excuser. Je ne veux pas être impolie et vous couper la parole, mais nous manquons de temps. J’ai une autre question brève.
Le fait est que le gouvernement ne vous a pas consultés à propos de la DNUDPA, c’est bien ce que vous dites?
Me Belleau : Nous sommes ici pour parler du projet de loi S-13 dans sa forme actuelle. Nous disons que nous en sommes satisfaits, oui.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie. Je suis désolée de vous avoir interrompue.
Le président : Merci à vous tous. Voilà qui conclut notre série de questions et notre conversation avec vous. Je tiens à vous remercier de vous être joints à nous par vidéoconférence et de nous avoir aidés dans nos délibérations. Ce fut une conversation agréable et instructive pour nous tous. Je vous souhaite une bonne journée.
Nous n’allons pas lever la séance, mais plutôt mettre un terme à ce tour de table. Je crois comprendre qu’avant de lever la séance, nous allons discuter d’un point que la sénatrice Batters souhaite soulever et peut-être d’un petit point que le sénateur Patterson souhaite soulever.
La sénatrice Batters : Merci, monsieur le président. Je l’apprécie.
Le rapport sur le projet de loi C-48 qui vient d’être déposé au Sénat l’autre jour comportait un assez long résumé des témoignages qui n’a jamais été soumis au comité plénier, même s’il n’était pas nécessaire de déposer ce rapport de façon aussi urgente. Cela me pose un problème, car ce rapport sur le projet de loi C-48 renferme au moins deux erreurs, soit une grammaticale et une autre plus substantielle. J’affirme aussi que le résumé des témoignages n’illustre pas un certain équilibre que nous avons entendu dans les témoignages présentés dans le cadre de notre étude de ce projet de loi. De plus, le résumé des témoignages n’indique pas d’emblée, même brièvement, l’objet réel du projet de loi C-48. Il n’explique pas l’inversion du fardeau de la preuve et les limites de ces dispositions, même brièvement.
En ce qui concerne les erreurs que j’ai relevées, la dernière phrase de notre dernière observation sur l’ACS Plus a été ajoutée après que notre comité plénier l’ait examinée, et cette dernière phrase n’est pas complète telle qu’elle est rédigée.
L’erreur la plus substantielle est qu’on indique dans le rapport sur le projet de loi C-48 que l’amendement de la sénatrice Clement a été adopté « avec dissidence », mais c’est faux. Il a en fait été adopté à l’issue d’un vote par appel nominal, à huit voix contre cinq.
Le comité directeur a certes reçu l’autorisation normale de corriger les erreurs mineures et les coquilles, mais pas de rédiger intégralement, puis de déposer au Sénat un important résumé des témoignages sans l’approbation de notre comité plénier.
Au cours des deux ou trois dernières années, notre comité des affaires juridiques a beaucoup plus rarement rédigé des résumés des témoignages sur les projets de loi que nous étudions, mais lors de la dernière réunion que nous avons eue à ce sujet, j’ai demandé à ce que nous produisions un résumé plus étoffé pour ce rapport, étant donné surtout que le comité de la Chambre des communes n’avait pas étudié le projet de loi C-48. Je ne m’attendais certainement pas à ce que ce soit le produit, qui manque d’équilibre et qui renferme quelques erreurs, et je ne m’attendais pas à ce qu’il soit déposé au Sénat sans l’examen et l’approbation de notre comité plénier.
Je vous en fais part pour votre réflexion, monsieur le président.
Le président : Je vous remercie. Y a-t-il des observations à ce sujet?
Tout ce que je peux dire, c’est qu’on nous a invités à produire un rapport plus complet. Nous examinerons les erreurs relevées dans le rapport et nous les porterons à l’attention du Sénat, si nécessaire.
Le rapport lui-même a été distribué à tous les membres du comité directeur, qui l’ont examiné et, pour l’essentiel, approuvé, mais je prends note de votre observation concernant le désir de participer plus pleinement à la production de rapports plus complets, madame Batters.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Est-ce que je peux savoir exactement ce que ça veut dire « en pratique »?
[Traduction]
Le président : En ce qui concerne les rapports ultérieurs, si c’est votre souhait, nous vous inviterons à examiner les rapports complets. Je dirais qu’il arrive que nous produisions des rapports assez simples et que cela ne soit pas nécessaire, mais il s’agit du rapport de votre comité et je ne pense pas qu’il soit approprié pour le président ou le comité directeur d’outrepasser leurs attributions, surtout lorsque certaines formulations sont plus ou moins délicates dans des rapports comme celui-ci.
Cela semble-t-il être la volonté du comité? Est-ce une façon équitable de procéder?
[Français]
La sénatrice Dupuis : Si je comprends bien, les rapports seront soumis aux membres avant d’être déposés au Sénat.
[Traduction]
Le président : Je pense que c’est notre intention, à moins qu’il s’agisse de rapports très simples. Par exemple, les discussions dont nous pourrions faire état dans un rapport au terme de notre examen d’amendements mineurs. Il me semble que, dans certaines situations, si j’étais membre du comité, j’aurais pleine confiance que le comité directeur et le président pourraient s’occuper des rapports simples. Dans certaines circonstances, vous pouvez dire qu’il y a un certain degré d’urgence et déléguer au comité directeur la mise au point d’un rapport.
À l’avenir, lorsque nous en serons à la production des rapports, je prendrai le pouls du comité, au nom du comité directeur, en ce qui concerne le degré de participation à la rédaction du rapport définitif que vous souhaitez avoir. Cela semble-t-il bien répondre à cette préoccupation?
Monsieur Patterson, vous aviez un autre point à soulever?
Le sénateur D. Patterson : Non. Je voulais simplement commenter les observations de la sénatrice Batters.
Le rapport est soumis au Sénat. Il n’est pas facile de régler les problèmes qu’elle a soulevés même si, bien sûr, elle peut s’exprimer sur le rapport. Je l’encourage à le faire.
Certains comités ont pris l’habitude d’envoyer la version définitive d’un rapport aux membres avec une date limite, en leur disant : « Si nous n’avons pas de vos nouvelles, veuillez nous faire part de vos observations ». Il est difficile pour un comité de rédiger un rapport. C’est là que le comité directeur intervient.
À l’avenir, nous pourrions peut-être envisager de faire circuler le rapport afin d’obtenir des commentaires avant que la version définitive soit arrêtée.
Je vous remercie.
Le président : À l’avenir, lorsque nous conclurons nos délibérations sur un sujet ou un projet de loi donné, je vous demanderai si vous souhaitez qu’une telle approche soit adoptée ou si vous préférez que le rapport soit simplement approuvé par le comité directeur.
C’est un bon conseil, monsieur Patterson. Je vous remercie beaucoup.
Voilà qui conclut nos délibérations. Je tiens à vous remercier tous de votre présence, de vos échanges avec les témoins et du dialogue sur ce dernier sujet, le tout s’étant déroulé dans la bienveillance et le respect, même si certaines critiques polies ont été formulées au sujet de la prestation de la présidence.
(La séance est levée.)