LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 30 novembre 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 49 (HE), pour étudier le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois, et les propositions visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevés dans les Lois et Règlements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet.
Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial des Affaires juridiques et constitutionnelles.
[Traduction]
Je m’appelle Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan et président du comité. Je vais en profiter pour demander à mes collègues de se présenter.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, vice-président du comité, du Québec
Le sénateur Patterson : Je m’appelle Dennis Patterson. Je suis un sénateur du Nunavut.
[Traduction]
Le sénateur Prosper : Sénateur Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, territoire des Mi’kmaqs.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je m’appelle Pierre Dalphond, sénateur de la division sénatoriale De Lorimier, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Klyne : Bonjour et bienvenue. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, territoire du Traité no 4.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, de la Première Nation de Barren Lands, Traité no 10, région du Manitoba.
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice indépendante, division sénatoriale des Laurentides, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique. Je vous souhaite la bienvenue.
Le président : Je veux maintenant souhaiter la bienvenue à notre témoin. C’est une occasion spéciale, car nous accueillons pour la deuxième fois au cours des derniers jours une sénatrice comme principale témoin. Elle est la marraine du projet de loi que nous allons examiner aujourd’hui. Nous entamons aujourd’hui, avec la sénatrice Pate, l’étude du projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. J’aimerais souhaiter la bienvenue à la sénatrice Pate. Elle est accompagnée d’Emily Grant, sa directrice des Affaires parlementaires. Comme vous le savez, la sénatrice Pate est un peu réservée et elle aura besoin d’aide, j’en suis certain. Sénatrice Pate, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole pendant 7 à 10 minutes, après quoi nous passerons aux questions.
L’hon. Kim Pate, marraine du projet de loi : Je vous remercie beaucoup et vous remercie de m’accueillir ici aujourd’hui.
Je remercie Mme Grant de m’accompagner pour m’aider, au besoin, à m’y retrouver dans toute cette documentation, et pour le soutien et l’aide incroyables qu’elle m’apporte tous les jours au bureau.
Le projet de loi S-230 est une loi que nous avons sous-titré « Loi proposant des solutions de rechange à l’isolement et prévoyant une surveillance et des mesures de réparation dans le système correctionnel (Loi de Tona) ». L’idée de ce projet de loi est née à la suite de la décision du gouvernement de refuser les amendements du Sénat au projet de loi C-83, qui devait officiellement mettre fin au recours à l’isolement cellulaire dans les établissements pénitenciers fédéraux pour le remplacer par des unités d’intervention structurée. Lorsque ce projet de loi a été adopté en 2019 — ou pendant son examen — le comité des affaires sociales a proposé divers amendements qui ont été adoptés par le Sénat et qui ensuite, après son retour à la Chambre des communes, ont été rejetés par le gouvernement. Ce sont essentiellement ces amendements que nous avons inclus dans ce projet de loi. Je dois mentionner de plus que tout ce qui s’y trouve faisait aussi partie du rapport du comité des droits de la personne sur les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral. Ce rapport a été déposé en 2021.
Pour vous donner un peu de contexte, lorsque la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été déposée en 1992 — ou lorsqu’elle a été promulguée —, il s’agissait d’une loi sur les droits de la personne dont l’un des principaux objectifs était de réduire l’incarcération au Canada, mais selon ses propres données, le Canada n’y est pas parvenu. Quelques décennies plus tard, nous savons maintenant que le projet C-83 montre bien que nous ne sommes pas parvenus à mettre un terme à l’isolement et que, en fait, selon les propres données du gouvernement, les unités d’intervention structurée reproduisent les conditions de l’isolement cellulaire. Au moins une personne sur trois enfermée dans une de ces unités va connaître une période d’isolement cellulaire, qui correspond, selon la définition internationale qui en est donnée, au fait d’être placée dans une cellule pendant 22 heures ou plus sans contact humain significatif. Pour une personne sur 10 placée dans une unité d’intervention structurée, l’isolement cellulaire est prolongé à tel point — allant de 16 à des centaines de jours — qu’au regard du droit canadien et des normes internationales, cela équivaut à de la torture.
Les conditions d’isolement ont également continué à se multiplier à l’extérieur des unités d’intervention structurée dans d’autres zones de la prison. Comme l’a souligné l’enquêteur correctionnel dans son dernier rapport, ces conditions peuvent prendre toutes sortes de formes. On parle d’observations médicales, de rangées d’association limitée volontaire et même de déplacements modifiés au sein des unités pénitentiaires. Pas plus tard que vendredi dernier, lorsque je me trouvais à l’établissement de Collins Bay, des détenus qui se trouvaient dans des unités à sécurité minimale, moyenne et maximale nous ont dit que les déplacements au sein de cet établissement étaient également très limités. À l’heure actuelle, il s’agit en partie d’une combinaison des mesures post-COVID concernant les déplacements qui n’ont pas été levées.
De plus, l’enquêteur correctionnel souligne que les options qui ne sont pas couvertes par les dispositions actuelles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition à la suite des modifications apportées par le projet de loi C-83 sont les unités de garde en milieu fermé, les unités à vocation thérapeutique, les unités à sécurité maximale, les cellules nues, et ce que l’enquêteur correctionnel appelle les « cellules cachées », c’est-à-dire les cellules qui ne sont pas classées dans l’une ou l’autre catégorie, mais qui permettent d’isoler des détenus.
L’approche proposée dans le projet de loi S-230 consiste en quatre mesures pour mettre fin au recours à l’isolement cellulaire. Il s’agirait d’exiger une surveillance judiciaire du recours à l’isolement cellulaire au-delà de 48 heures. Cette mesure est conforme à la décision des tribunaux de l’Ontario, qui ont estimé que le maintien d’une personne en isolement pendant 48 heures pouvait avoir des conséquences psychologiques irrémédiables et potentiellement permanentes sur sa santé mentale.
C’est à l’issue des travaux de la Commission d’enquête sur certains événements survenus à la prison des femmes de Kingston en 1996 que Louise Arbour a recommandé pour la première fois que l’isolement soit placé sous la surveillance des tribunaux. Selon elle, à l’époque, il y a plus de 20 ans, l’on ne pouvait pas s’en remettre au Service correctionnel pour garantir le respect de la loi.
Le comité consultatif ministériel mis en place pour surveiller les unités d’intervention structurée a réitéré ce message. En fait, il a indiqué qu’à partir de la mi-2020, Service correctionnel Canada lui-même reconnaissait que nombre de ses décisions n’étaient pas respectées et que la surveillance n’était pas suffisante pour garantir le respect de la loi.
L’autre recommandation relative à la surveillance judiciaire renvoie à la conclusion de Louise Arbour, également en 1996, selon laquelle lorsque le traitement que les personnes reçoivent de la part de Service correctionnel Canada équivaut à une ingérence du système correctionnel à l’égard de la sanction légitime, un juge devrait pouvoir examiner la situation, de la même manière qu’un juge peut, lors de la détermination de la peine, examiner la peine et déterminer que les conditions de détention avant le procès devraient être prises en compte en réduisant la durée de la peine. Ce recours est donc également inclus.
En outre, compte tenu du fait que nous voyons de manière disproportionnée des détenus autochtones et noirs en isolement, et conformément encore une fois aux modifications que le Sénat a proposées en 2019 à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition lors de l’examen du projet de loi C-83, les dispositions des articles 29, 81 et 84 ont été élargies. Les dispositions de l’article 29 encourageraient le recours aux services de santé mentale dans la communauté pour les personnes souffrant de troubles mentaux invalidants. Les dispositions des articles 81 et 84 encourageraient également le recours accru aux options communautaires pour les Autochtones, tout en reconnaissant que l’intention du législateur était également que ces dispositions puissent s’appliquer aux prisonniers non autochtones, en raison du grand nombre d’entre eux, en particulier d’origine africaine, ainsi que d’autres prisonniers, qu’il s’agisse de prisonniers transgenres ou autres, qui se retrouvent isolés de manière disproportionnée.
On encourage également le recours à des professionnels de la santé mentale afin de garantir que les évaluations des problèmes de santé mentale ne sont pas confiées à des personnes qui n’ont pas de formation dans ce domaine. Par exemple, à l’heure actuelle, ces évaluations peuvent être effectuées par quelqu’un qui coche littéralement des cases sur une page, mais qui n’a pas nécessairement une formation en santé mentale pour effectuer ces évaluations. Il s’agit donc de réaffirmer ce que l’amendement du comité des affaires sociales recommandait, à savoir que les professionnels de la santé mentale sont ceux qui effectuent les évaluations et que, lorsque ces professionnels ne sont pas présents dans les prisons — sur la base de preuves fournies par Service correctionnel Canada et l’enquêteur correctionnel —, ces évaluations sont effectuées à l’extérieur de la prison.
Je pense que mon temps de parole est probablement écoulé. Vos questions sont les bienvenues. Ce projet de loi contient des dispositions que le Sénat a déjà adoptées et examinées au sein du comité des affaires sociales et du comité des droits de la personne, et les amendements qu’il a adoptés lors de l’étude du projet de loi C-83.
Le président : Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, sénatrice Pate.
Je voudrais corriger une information, à savoir que le Canada pratiquait la torture dans les pénitenciers, alors qu’à l’heure actuelle, les unités d’intervention respectent les Règles Nelson Mandela qui prévoient, entre autres, qu’un détenu dans une unité structurée doit passer au moins quatre heures par jour à l’extérieur de sa cellule et deux heures d’interaction avec d’autres détenus. Il fallait corriger cette affirmation.
Ma première question est la suivante : les patients que vous visez dans votre projet de loi seraient probablement transférés, en partie, dans les hôpitaux provinciaux, n’est-ce pas?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Tout d’abord, au sujet de votre commentaire concernant la torture, il est très clair que selon les Règles Nelson Mandela, tout ce qui dépasse 15 jours équivaut à de la torture, et je ne suis pas la seule à le dire. Ce sont aussi les conclusions auxquelles le Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée du ministre est parvenu, et comme élément de preuve, il a produit un mémoire interne...
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Le Canada pratique les Règles Nelson Mandela; ce n’était pas une question.
Ma question est au sujet des gens qui seront visés par votre projet de loi. Est-ce qu’un certain nombre de gens peuvent être transférés vers les hôpitaux gérés par les provinces?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Oui. Alors les gens qui ont des problèmes de santé mentale...
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Parfait. Est-ce que —
[Traduction]
Le président : Sénateur, vous avez posé une question. Veuillez laisser la sénatrice Pate répondre, s’il vous plaît. Je vais vous accorder plus de temps. Vous êtes le critique du projet de loi.
La sénatrice Pate : En fait, ce que vous mentionnez, au sujet de règles qui sont censées être appliquées, et ce que je faisais valoir, c’est que nous avons des preuves venant de Service correctionnel lui-même qu’il ne respecte pas les règles. C’est une indication que les Règles Mandela ne sont pas respectées.
Au sujet des problèmes de santé mentale, si j’ai bien compris votre question, j’avance dans ce cas, quand il s’agit de la raison principale — et comme l’ont montré l’enquêteur correctionnel et le comité consultatif indépendant du ministre —, que la majorité des personnes qui se trouvent dans les unités d’intervention structurée, à de multiples reprises, s’y trouvent en raison de problèmes de santé mentale. Plus particulièrement, les gens qui sont susceptibles de s’y trouver, lorsque la loi n’est pas respectée, y sont parce qu’ils ont des problèmes de santé mentale et non pas parce qu’ils présentent un risque pour les autres.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Les transferts vont donc poser, pour les hôpitaux, des problèmes de sécurité, parce qu’ils ne sont pas équipés pour assurer la sécurité de détenus dangereux. Cela va aussi poser des problèmes financiers, parce que les provinces sont déjà débordées en matière de services psychiatriques.
Avez-vous consulté toutes les provinces canadiennes relativement à votre projet de loi?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Il existe actuellement des accords d’échange de services entre chaque province et territoire et Service correctionnel Canada pour la prestation de services de santé. Ces dispositions existent déjà et, oui, j’ai discuté avec non pas chaque province et territoire, mais avec un certain nombre d’entre eux de la nécessité d’augmenter les ressources.
Le sénateur Boisvenu : Dont le Québec?
La sénatrice Pate : J’ai été en contact avec l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel au Québec, mais pas avec le gouvernement québécois, et le fait est qu’il existe déjà un accord d’échange de services avec le Québec pour l’institut Pinel pour la prestation de ces services. Dans chaque province et territoire, il existe un accord.
Lors des audiences sur le projet de loi C-83, Service correctionnel Canada s’est engagé à mettre en place ces ressources, et des crédits budgétaires supplémentaires lui ont été alloués pour ces lits. Ils n’ont pas encore été adoptés, et donc, à un moment où nous voyons certainement plus de personnes ayant des problèmes de santé mentale dans le système carcéral, c’est en partie la raison pour laquelle nous incluons cela, en rappelant que nous devrions, en fait, faire ces évaluations.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Comment votre projet de loi va-t-il définir la notion de troubles mentaux invalidants?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Si vous regardez la définition qui se trouve actuellement à l’article 37.11 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, on y mentionne les motifs pris en compte pour déterminer si la santé mentale d’une personne s’est détériorée. Je n’ai pas proposé de définition particulière parce que cette définition existe déjà, et elle parle du refus d’interagir avec les autres, des actes d’automutilation, des symptômes de surdose de drogue, des signes de détresse émotionnelle ou d’un comportement qui donne à penser que la personne a un besoin urgent de soins de santé mentale. C’est une description, je crois, des troubles mentaux invalidants.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Combien de détenus pourraient être transférés dans des hôpitaux provinciaux?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Ce serait assurément mieux que ce qui est fourni actuellement, quand tous les autres systèmes...
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Combien y en aura-t-il?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Nous ne le savons pas avec certitude. Le Service correctionnel dispose de diverses estimations. Je n’ai pas accès à ces statistiques. Le Service correctionnel...
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Si on dit que 40 % des hommes et 50 % des femmes souffrent de troubles mentaux, on parle de milliers de personnes.
[Traduction]
La sénatrice Pate : C’est un fait que chaque fois que nos systèmes de santé mentale échouent dans la communauté, l’un des systèmes qui ne peut pas refuser de les accueillir est notre système carcéral. Nous savons, pour toutes sortes d’autres raisons, qu’il existe une crise de santé mentale. Nous savons, grâce aux travaux antérieurs du Sénat sur le rapport Kirby, qu’il est nécessaire de renforcer les services de santé mentale. Il est certain que si nous parlons...
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Vous pensez que les provinces ont la capacité de recevoir 1 000 ou 1 500 patients en psychiatrie?
[Traduction]
La sénatrice Pate : Nous ne parlons pas d’emblée de 1 000 ou 1 500 personnes. Nous parlons du nombre de personnes actuellement détenues.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Or, c’est une possibilité. Si 15 000 personnes sont incarcérées, et qu’on dit que 40 % de ces personnes souffrent de troubles mentaux — disons que 10 % des personnes ont des troubles mentaux invalidants. On pourrait parler de 1 500 personnes qui pourraient être transférées dans les hôpitaux.
[Traduction]
La sénatrice Pate : S’il s’agit des personnes recensées par Service correctionnel Canada lui-même, par l’enquêteur correctionnel, par le comité consultatif ministériel et dans de nombreuses poursuites, et si les enquêtes sur divers décès, y compris celui d’Ashley Smith, montrent qu’il s’agit de personnes qui se trouvent principalement là pour des raisons de santé mentale, et non parce qu’elles représentent un risque pour la société, alors, oui, je suggérerais que nous examinions l’offre de services de santé mentale.
Le président : Sénateur Boisvenu, j’ai inscrit votre nom pour le deuxième tour, si vous en avez besoin.
Le sénateur Dalphond : Pour faire suite aux questions du sénateur Boisvenu, pouvez-vous fournir plus d’informations sur le fait que 40 à 50 % des détenus souffrent d’un problème ou d’une maladie mentale? Ce n’est pas le seuil que vous proposez ici. Il doit s’agir d’un trouble mental invalidant. Comment définissons-nous un trouble mental invalidant?
La sénatrice Pate : Le comité des droits de la personne ou celui des affaires sociales ne l’a pas défini parce que nous considérions que la définition qui se trouve dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pouvait être utilisée pour déterminer quand il fallait évaluer la santé mentale d’un prisonnier. Ce sont les dispositions que j’ai mentionnées qui se trouvent à l’article 37.11. Voulez-vous que je les lise à nouveau?
Le sénateur Dalphond : Non, mais vous pourriez en fournir une copie aux membres du comité.
La sénatrice Pate : Bien sûr. L’information se trouve dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Le sénateur Dalphond : Ma prochaine question porte sur un sujet différent. Vous avez semblé convenir avec le sénateur Boisvenu qu’il y a 15 000 personnes qui purgent actuellement une peine dans les pénitenciers fédéraux au Canada et qu’entre 40 et 50 % d’entre elles vont souffrir d’une forme quelconque de maladie mentale.
La sénatrice Pate : Une partie du problème, comme nous le savons d’après d’autres travaux que nous avons effectués au sein de ce comité, est que le détenteur de ces dossiers est Service correctionnel Canada. Ses estimations peuvent aller de 10 à 95 % lorsqu’il s’agit de femmes condamnées à une peine fédérale, en particulier de femmes autochtones condamnées à une peine fédérale qui ont subi des traumatismes et des mauvais traitements. Il est difficile d’établir leur nombre.
Je suggère que nous nous concentrions sur ce sur quoi le comité consultatif ministériel et le Bureau de l’enquêteur correctionnel se sont concentrés, à savoir les personnes qui passent actuellement la plupart de leur temps dans une unité à sécurité maximale et en isolement parce qu’elles présentent un risque pour elles-mêmes, et non parce qu’elles présentent un risque pour la sécurité publique. C’est de ces personnes que nous parlons. On réduit alors le nombre de façon significative, mais il nous incombe alors d’examiner... La raison pour laquelle une personne est censée être dans une unité à sécurité maximale ou en isolement a davantage à voir avec le risque qu’elle présente pour d’autres personnes; ce ne devrait pas être parce qu’elle présente un risque pour elle-même, c’est donc...
Le sénateur Dalphond : Puis-je changer de sujet?
La sénatrice Pate : Bien sûr.
Le sénateur Dalphond : Il y a un autre sujet que j’aimerais aborder, et c’est l’examen par une cour supérieure. Si une personne est enfermée pendant plus de 48 heures dans une de ces unités spéciales, Service correctionnel Canada devra demander à une cour supérieure de prolonger cette période. Combien de personnes se trouvent, en moyenne, dans ces unités spéciales au Canada?
La sénatrice Pate : En moyenne, je ne sais pas quel est le nombre aujourd’hui, mais il y a 15 unités. Il y en a 5 dans les prisons réservées aux femmes et 10 dans les prisons réservées aux hommes. Je peux obtenir leur capacité. Je ne sais pas si nous avons ces chiffres à portée de main. Nous ne disposons pas des chiffres totaux pour l’heure.
Je vais citer le rapport du directeur parlementaire du budget qui a examiné la disposition actuelle et a parlé des coûts par rapport, par exemple — pour revenir sur le point soulevé par le sénateur Boisvenu — au fait que l’on obtiendrait de meilleurs résultats sur le plan humain et que l’on réaliserait des économies si l’on utilisait le système de santé mentale et si on le finançait. Le directeur parlementaire du budget a constaté qu’il y aurait d’énormes économies à utiliser des lits à 900 $ par jour dans les établissements psychiatriques au lieu de 600 000 $...
Le sénateur Dalphond : Je suis désolé de vous interrompre, mais le temps file.
Le président : Je voulais faire un suivi et voir avec vous, sénatrice Pate, si au sujet de la question précise que le sénateur Dalphond vous a posée, vous pourriez nous faire parvenir, si possible, le nombre de personnes qui font partie de la catégorie qu’il a mentionnée?
La sénatrice Pate : Je peux fournir l’information sur la capacité des unités — je ne m’en souviens pas — et certainement la meilleure estimation du comité consultatif ministériel sur la base des informations qu’il a reçues.
Le président : Je pense que cela nous serait utile.
Sénateur Dalphond, j’ai pris de votre temps, alors vous pouvez poser une autre question.
Le sénateur Dalphond : J’ai peut-être une dernière question, mais je ne veux pas empêcher d’autres personnes d’en poser.
Après 48 heures, le Service correctionnel du Canada doit demander à un juge l’autorisation de maintenir la personne en détention. Le juge aura-t-il le pouvoir de refuser et de dire : « J’ordonne le transfert du détenu vers un hôpital psychiatrique »?
La sénatrice Pate : Le juge pourrait le faire.
Je tiens simplement à souligner que les chiffres dont nous disposons à ce sujet, sur la base des estimations actuelles, indiquent que ce nombre de ces personnes s’élève à environ 1 500, ce qui peut également nous donner le nombre de personnes qui sont maintenues plus longtemps en détention. On estime qu’il y aurait entre 1 000 et 1 500 demandes de ce type par an au plus, sur la base des chiffres actuels relevés dans les unités d’intervention structurées.
Il est toutefois important de noter...
Le sénateur Dalphond : Désolé de vous interrompre, mais j’ai un jour ordonné le transfert d’un patient d’un hôpital à un autre parce que je pensais qu’il y bénéficierait de meilleurs services de santé mentale. Le procureur général et les services de santé m’ont poliment rappelé que je ne gérais pas les hôpitaux et que l’accueil du patient nécessitait une certaine capacité qui n’était pas disponible à l’endroit où je souhaitais l’envoyer. Ils n’ont donc pas exécuté mon jugement.
La sénatrice Pate : C’est exactement la raison pour laquelle, à mon humble avis, le Service correctionnel du Canada a reçu les ressources nécessaires pour louer ces lits, ce qu’il n’a toujours pas fait depuis l’adoption du projet de loi C-83.
J’ai participé à des affaires dans lesquelles des personnes ont été transférées. Tona Mills est l’une de ces personnes. Elle a été transférée d’un établissement pénitentiaire à un établissement de santé mentale. Je peux vous dire que, dans les 24 heures, chaque personne que j’ai vue passer de ces conditions, de l’isolement à un environnement de soins de santé mentale, s’est améliorée de façon incommensurable, car le comportement de ces personnes est alors considéré comme symptomatique de leur état de santé mentale et n’est pas traité avant tout comme une menace pour la sécurité. Nous voyons...
Le président : Puis-je vous interrompre, sénatrice? Un grand nombre de personnes souhaitent discuter avec vous.
Le sénateur Prosper : Je pense que plus tôt dans votre témoignage, vous avez mentionné qu’il existe des preuves. Je pense que le contexte est que l’on ne peut pas vraiment compter sur les services correctionnels pour respecter leurs obligations légales, et j’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur ces preuves. J’imagine que nous devrions alors mettre en place un contrôle judiciaire et d’autres mesures de ce type. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
La sénatrice Pate : Oui. En fait, depuis plus de 40 ans que je travaille dans les systèmes pénitentiaires et que j’œuvre dans ce domaine, je pense que c’est Louise Arbour qui a le mieux résumé la situation lorsqu’elle a déclaré que « [l]a primauté du droit est absente bien que les règles soient partout » dans le système pénitentiaire. Elle a fait cette déclaration à la suite d’événements survenus en 1996. Cette année-là, elle a recommandé pour la première fois les deux mesures de contrôle judiciaire, et depuis lors, nous avons eu toutes sortes de suggestions sur la manière de faire les choses différemment.
Par exemple, après le projet de loi C-83, le Service correctionnel du Canada a mis en place le comité consultatif ministériel. Ce dernier affirme lui-même que l’on ne tient pas compte de ses recommandations. Lorsque M. Doob, qui en était alors le président, a présenté des observations au Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur le rapport du Comité des droits de la personne, il a indiqué qu’il formulait des recommandations et qu’il ne pouvait même pas obtenir les données. Le sénateur Boisvenu m’a demandé des données. Le comité consultatif ministériel lui-même n’a pas pu obtenir ces données.
Les décisions des décideurs externes indépendants qui ont été chargés de contrôler l’utilisation des unités d’intervention structurées n’ont même pas été publiées, et je ne sais pas exactement pourquoi. Pour qu’un décideur externe indépendant rende une décision, l’administration pénitentiaire doit lui envoyer la personne. En ce qui concerne la décision du décideur externe indépendant, cette note de service que le comité consultatif ministériel s’est procurée indique que 79 des décisions prises en 2020 visant à transférer des personnes hors des unités d’intervention structurée n’ont pas été appliquées. Certaines d’entre elles ont été prises par des cadres de l’administration pénitentiaire, d’autres par le décideur externe indépendant.
Aujourd’hui, nous assistons à une prolifération d’affaires judiciaires. Nous avons eu des enquêtes sur des décès. L’enquête sur le décès d’Ashley Smith a recommandé que toutes les personnes souffrant de problèmes de santé mentale ne soient jamais placées en isolement et qu’elles soient libérées. Le Service correctionnel du Canada s’est engagé à appliquer ces recommandations en vertu des règles Nelson Mandela, et pourtant la situation perdure.
Si nous recommandons ce contrôle après 48 heures — je m’excuse de dépasser le temps de parole du sénateur Dalphond — c’est en partie en raison de ce qui s’est passé dans le système carcéral. L’une des dernières choses sur lesquelles j’ai travaillé avant d’être nommée était l’élimination de l’isolement dans les prisons réservées aux femmes. Rien qu’en se concentrant sur ce point et en entamant des actions en justice, les chiffres sont tombés à cinq personnes — cinq dans tout le pays — placées dans des unités d’isolement dans l’ensemble du pays. L’estimation et, certainement, la prédiction de nombreuses personnes avec lesquelles je me suis entretenue, au sein de l’administration pénitentiaire, à Sécurité publique et au sein de la collectivité, est que cette disposition à elle seule limiterait également l’utilisation des unités d’intervention structurée.
C’est une réponse très longue pour dire qu’il y a une longue histoire de non-respect de la loi, et en raison de la nature des prisons, il est très difficile d’obtenir ces renseignements. Comme Emma Cunliffe, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique, l’a indiqué dans Supreme Court Law Review, les preuves fournies par l’administration pénitentiaire ne devraient jamais être acceptées sans être remises en question, car cette administration crée les conditions de détention et les documents qui s’y rapportent. C’est probablement l’enquête sur Ashley Smith qui illustre le mieux la situation : des témoins du Service correctionnel du Canada, y compris des professionnels de la santé sous contrat, ont témoigné les uns après les autres. On leur a présenté des preuves de ce que disait leur rapport, puis des preuves vidéo qui contredisaient ce qu’ils disaient s’être réellement passé. Même à la lumière de ces éléments, les gens ont dit : « Si je vais à l’encontre de ce que disent mes collègues, je risque de ne pas être protégé ou il sera difficile de travailler avec eux ». Nous avions des preuves claires dans cette affaire, les plus claires que j’aie jamais vues dans un forum public, où l’on pouvait voir que les preuves visuelles et les preuves filmées ne correspondaient pas aux preuves écrites.
La sénatrice Jaffer : Merci, sénatrice Pate. Depuis votre arrivée au Sénat, et même avant, vous avez accompli un travail formidable pour les personnes les plus vulnérables de la société, à savoir les détenus. Vous avez également fait découvrir la situation des prisons à beaucoup d’entre nous. Je tiens à vous remercier pour l’énorme travail que vous accomplissez. Vous ne vous arrêtez jamais. Je vous remercie infiniment.
Je voulais aborder un tout autre sujet et vous demander pourquoi nous devons élargir les articles 81 et 84 aux détenus noirs et racisés.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup pour ces aimables commentaires, sénatrice Jaffer. J’ai omis de dire qu’il s’agissait en fait d’un projet de loi que Josée Forest-Niesing avait l’intention de présenter si elle n’était pas décédée, car c’est avec elle et le sénateur Kutcher en particulier que nous avons travaillé sur ces amendements au projet de loi C-83. Je vous remercie et je m’excuse de ne pas avoir reconnu ce leadership dès le départ.
Comme je l’ai mentionné au début, la raison pour laquelle nous devons élargir les articles 81 et 84 tient en partie au fait que ces dispositions ont été introduites dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition au début des années 1990 pour reconnaître plus particulièrement le fait que les populations autochtones étaient surreprésentées au sein du système carcéral et que nous devions mettre en place des mesures solides pour les aider à en sortir. Nous n’avions pas procédé aux évaluations qui ont été effectuées depuis.
Depuis, la Commission canadienne des droits de la personne, divers tribunaux, le Comité des droits de la personne et le Comité des affaires sociales, deux comités de la Chambre des communes, et l’enquêteur correctionnel ont déterminé que le processus d’évaluation des risques utilisé pour les Autochtones et les autres personnes racisées, en particulier celles d’ascendance africaine, est discriminatoire et qu’elles sont nettement plus susceptibles d’être placées dans des établissements à sécurité maximale et dans des cellules d’isolement. C’est d’ailleurs ce que révèlent les statistiques du groupe consultatif ministériel.
Le paragraphe (2) des articles 81 et 84 permet d’appliquer ces dispositions à des personnes non autochtones, mais cela ne se produit que très rarement. Lors de la discussion menée au sein du Comité des affaires sociales, nous avons décidé d’être plus explicites et d’indiquer que nous devrions également envisager des mesures ciblées pour d’autres détenus surreprésentés. C’est la raison pour laquelle nous avons inclus cela.
La sénatrice Jaffer : Pouvez-vous m’expliquer ce que sont les « cellules cachées »?
La sénatrice Pate : L’enquêteur correctionnel a utilisé le terme « cellules cachées ». Selon M. Zinger et son équipe, la pression exercée pour maintenir le nombre d’unités d’intervention structurée à un faible niveau a entraîné l’utilisation de cellules cachées dans lesquelles les détenus sont maintenus dans des conditions semblables à l’isolement pendant des semaines, sans que cela ne soit reconnu. Il peut s’agir de leur propre cellule. Il peut s’agir d’une cellule d’une unité particulière. Comme l’ont constaté les sénateurs qui se sont rendus dans les prisons, il arrive que l’on entre dans une unité censée être vide et que l’on trouve, au bout du couloir, une personne enfermée dans sa cellule. Voilà ma définition du terme « cellule cachée ».
La sénatrice Jaffer : Lorsque nous sommes allés à Halifax et à la prison pour femmes, si je ne me trompe pas, il y avait des personnes qui se trouvaient dans l’unité d’intervention structurée, mais les règles n’étaient pas appliquées. En fait, l’un des responsables ne connaissait même pas les règles. Mon impression est-elle la bonne, ou est-ce que je me trompe?
La sénatrice Pate : Oui.
Ce n’est pas Halifax. Je ne sais pas si vous pouvez le voir. Il s’agit d’une photographie de l’unité d’intervention structurée de l’établissement d’Edmonton. Vous pouvez voir qu’on a simplement modifié ce qui était écrit. Il était écrit « isolement ». On a écrit « unité d’intervention structurée ». L’unité dans laquelle nous nous sommes rendus à la prison de la Nouvelle-Écosse était l’ancienne unité d’isolement, qui est devenue l’unité d’intervention structurée. Toutefois, étant donné que les personnes qui s’y trouvaient avaient des problèmes de santé mentale — vous remarquerez un thème récurrent — aucune des personnes que nous avons rencontrées dans cette unité, l’unité d’isolement ou d’intervention structurée, n’était classée comme étant placée dans une unité d’intervention structurée. Elles étaient classées comme étant placées en observation médicale en raison de problèmes de santé mentale.
Aucune des dispositions relatives au contrôle qui figuraient dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition avant le projet de loi C-83 ne s’applique à moins que vous ne soyez placé en isolement. En outre, même si vous êtes placé dans l’unité d’intervention structurée, si vous n’êtes pas étiqueté comme tel, aucune de ces dispositions ne s’applique. Et comme je l’ai mentionné, même lorsqu’elles s’appliquent, il n’y a aucune garantie qu’elles seront respectées.
La sénatrice Jaffer : Merci.
Le président : Nous avons une demi-douzaine de sénateurs qui veulent poser des questions, et nous allons devoir dépasser un peu le temps imparti pour cette séance. J’espère que vous serez indulgents à cet égard, sénatrice et chers collègues.
La sénatrice Simons : J’ai eu le privilège d’être avec vous, sénatrice Pate, lorsque nous avons visité la prison pour femmes d’Edmonton, et vous m’avez fait remarquer qu’il était absurde de changer le nom de la pièce. La fonction de la pièce ne change pas simplement parce que vous lui donnez un nouveau nom.
Je voulais vous demander quelques précisions sur le contrôle judiciaire effectué dans les 48 heures. Si j’ai bien compris, le projet de loi prévoit que ce contrôle sera effectué par une cour supérieure. Je m’inquiète un peu de la charge de travail et de la capacité des cours supérieures à effectuer cette tâche. Le fait qu’il s’agisse d’une question fédérale empêche-t-il un juge de paix ou un juge d’une cour provinciale d’assurer ce contrôle?
La sénatrice Pate : Le principe est le même que pour une caution. C’est l’approche que nous envisagions. Oui, ce serait nécessaire. La personne est déjà détenue par le gouvernement fédéral, donc nous avons pensé, sur la base des conseils juridiques que nous avons reçus, qu’il fallait utiliser le modèle de la cour supérieure.
La sénatrice Simons : Je ne sais pas si c’est vous ou la sénatrice Forest-Niesing qui avez proposé cet amendement pour la première fois. C’était avant la COVID, et c’était à une époque où nous n’étions pas aussi flexibles en ce qui concerne l’utilisation de la technologie pour les audiences. Pensez-vous qu’il serait plus facile aujourd’hui de respecter ce délai de 48 heures, étant donné que les tribunaux ont dû faire preuve d’une plus grande souplesse pendant la pandémie?
La sénatrice Pate : Je pense que c’est une excellente remarque. En fait, dans tous les pénitenciers fédéraux, de nombreuses audiences se déroulent également par vidéo. Cette solution pourrait également être envisagée.
La sénatrice Simons : Vous avez utilisé le terme « cellules nues ». Pourriez-vous nous dire ce qu’est une cellule nue?
La sénatrice Pate : Une cellule nue est une cellule dans laquelle tout ce qui y entre est contrôlé et tout ce qui en sort, y compris ce qui sort du corps d’une personne, est contrôlé. Cela signifie également qu’il n’y a pas d’eau dans la cellule. Même s’il y a des toilettes dans la cellule, l’eau est coupée et tout est surveillé à l’entrée et à la sortie. Je ne me souviens pas si j’ai une photo ici. Oui, il y en a une. C’est une cellule nue. C’est une photo d’une cellule nue. Les toilettes sont là. Vous montez les escaliers, vous allez sur les toilettes, et ce qui va dans les toilettes va dans la pièce d’à côté, est examiné par les agents correctionnels et est ensuite éliminé.
La sénatrice Simons : Combien d’unités d’intervention structurée sont des cellules nues? Ou les cellules nues sont-elles quelque chose de complètement différent qui est utilisé à la place d’une unité d’intervention structurée?
La sénatrice Pate : Pratiquement toutes les cellules de prison pourraient être transformées en cellules nues, et assurément toutes les cellules d’intervention structurée, car on peut y couper l’eau.
La sénatrice Simons : Existe-t-il un moyen de suivre la fréquence à laquelle des cellules subissent ce type de transformation?
La sénatrice Pate : Les services correctionnels sont censés assurer ce suivi, mais on peut se demander si les chiffres sont exacts ou non.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
Le président : Le sénateur Klyne a travaillé sur certaines de ces questions dans le passé. Je pense qu’il ne va pas exactement témoigner, mais qu’il va faire une brève introduction avant de poser sa question.
Le sénateur Klyne : Ce que je vais dire va probablement corroborer ou compléter une partie du témoignage fourni par la sénatrice Pate.
La justification du placement d’un détenu dans une UIS est la même pour l’isolement préventif. Il doit y avoir des motifs raisonnables de croire que le fait de permettre au détenu de rester avec la population générale constituerait un risque pour la sécurité du pénitencier, celle du détenu ou d’une autre personne, ou encore gênerait une enquête qui pourrait mener à des chefs d’accusation ou à une infraction disciplinaire grave.
La différence entre l’UIS et l’isolement préventif, c’est que le détenu placé dans une UIS a droit à quatre heures passées à l’extérieur de sa cellule, et à au moins deux heures d’interaction humaine, que ce soit dans le cadre de loisirs, de programmes, d’interventions ou de services. Cependant, il se peut que ce temps ne soit pas accordé ou encore soit limité lorsque le détenu refuse d’en profiter ou lorsqu’il y a des préoccupations en matière de sécurité, par exemple.
De plus, le recours aux UIS est assujetti à une surveillance extérieure par des décideurs externes indépendants, des DEI. Un examen par un DEI a lieu lorsque le temps que passe un détenu à l’extérieur de sa cellule ou avec des gens ne respecte pas la norme prescrite, lorsqu’un comité constitué de cadres supérieurs n’est pas d’accord avec la recommandation du professionnel de la santé agréé, selon laquelle le détenu ne devrait pas rester dans une UIS ou que les conditions dans l’UIS devraient être modifiées, ou lorsqu’un détenu passe plus de 90 jours consécutifs et après chaque période de 60 jours subséquente.
Le président : Sénateur Klyne, tout cela est utile, mais vous vous êtes engagé à poser une question.
Le sénateur Klyne : J’ai trois questions qui sont reliées et qui intéresseront les sénateurs ici présents.
Le président : Je vous crois, mais si vous voulez continuer à parler, vous devrez changer de place avec la sénatrice Pate. Je vous encourage fortement à poser vos questions. La sénatrice Pate pourra compléter vos observations, mais c’est censé être un dialogue avec elle.
Le sénateur Klyne : D’accord. Des questions?
Le président : Oui, s’il vous plaît.
Le sénateur Klyne : Je vais tenter de les poser rapidement et je vous demande avec tout le respect que je vous dois d’y répondre aussi prestement. Qui est la commissaire actuelle du Service correctionnel du Canada?
La sénatrice Pate : Anne Kelly.
Le sénateur Klyne : Qui était la commissaire lorsque la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est entrée en vigueur?
La sénatrice Pate : Anne Kelly.
Le sénateur Klyne : Vous vous souvenez peut-être, tout comme moi, des belles promesses faites par les témoins quant à la mise en œuvre de la loi. Avez-vous vérifié qui sont les DEI?
La sénatrice Pate : Oui, j’en ai rencontré.
Le sénateur Klyne : Selon vous, sont-ils qualifiés?
La sénatrice Pate : Cela dépend de la personne. On s’attendait à ce que les titulaires soient indépendants. Or, certains d’entre eux ont déjà travaillé pour le Service correctionnel dans le passé.
Le sénateur Klyne : Je me souviens que lors des auditions, il y a eu une excellente discussion sur la surveillance judiciaire, qui aurait peut-être été préférable aux DEI. Seriez-vous d’accord?
La sénatrice Pate : Oui, je suis certainement d’accord.
Le sénateur Klyne : En résumé, je dirais que l’on pourrait décrire cette situation comme une expérience ratée. Toutefois, je dirais que c’est également un plan qui repose sur de bonnes intentions, mais qui a été mal exécuté, avec une surveillance lacunaire, sans suivi et sans autorité d’en faire le suivi.
Le président : Sénatrice Pate, pouvez-vous réagir et donner votre avis?
La sénatrice Pate : Sénateur Klyne, j’aimerais vous remercier, car après l’adoption du projet de loi C-83, vous-même ainsi que d’autres sénateurs, vous êtes réunis pour proposer d’évaluer ce qui se passait. Le rapport, intitulé Les sénateurs vont en prison, qui porte sur bon nombre de ces problèmes, nous a permis, grâce au travail du bureau du sénateur Klyne, de commencer à recueillir les données et de créer le cadre nécessaire.
Dans le cas des DEI, par exemple, bien souvent il n’y a pas moyen de prendre une décision avant que le détenu ait passé 90 jours en isolement préventif, une période six fois supérieure à la norme onusienne établie par les Règles Nelson Mandela. On ne peut suffisamment insister sur le fait qu’il n’y a pas de surveillance véritable.
La sénatrice Batters : Avant de poser mes questions, j’aimerais annoncer qu’à partir d’aujourd’hui, le Canada dispose enfin d’une ligne de prévention du suicide à trois numéros, le 988, ce qui est formidable. C’est dans cette optique que je voulais souligner l’importance d’utiliser des termes respectueux et appropriés lorsque nous parlons de ce sujet. À titre d’exemple, on ne parle pas de problèmes mentaux, mais de maladie mentale. On ne parle pas d’asile, mais d’hôpital psychiatrique. On ne parle pas de services pour les fous, mais de services de santé mentale. Je crois que ces expressions sont importantes, car les gens qui demandent de l’aide sont toujours stigmatisés. On a intérêt à utiliser les termes appropriés.
Sénatrice Pate, tout d’abord, en 2019, le Sénat a apporté des amendements au projet de loi du gouvernement Trudeau, le projet de loi C-83. Je crois que vous étiez à l’origine des amendements, ou encore que vous y avez beaucoup travaillé, et que vos efforts sont à la base du projet de loi dont vous nous parlez aujourd’hui, le projet de loi S-230. Cependant, le gouvernement Trudeau a rejeté ces amendements en 2019. Les amendements ont été adoptés par le Sénat il y a plus de quatre ans et demi, et vous avez déposé votre projet de loi il y a environ deux ans. J’aimerais savoir si vous pensez que le gouvernement Trudeau s’attaquera aux problèmes que vous soulignez ici depuis plus de cinq ans. Ces problèmes ont-ils été incorporés aux mandats des ministres de la Sécurité publique et de la Justice depuis? Avez-vous pu en discuter avec les ministres de la Sécurité publique ou de la Justice, et les ministres vous ont-ils affirmé que le projet de loi aurait le soutien du gouvernement libéral à la Chambre des communes s’il est adopté au Sénat?
La sénatrice Pate : Je vous remercie de tout le travail que vous avez fait dans le domaine de la santé mentale. Nous avons tenté d’utiliser les termes appropriés.
Nous avons consulté les ministres, et il existe toujours de la résistance au sein du Service correctionnel du Canada et de Sécurité publique Canada à l’égard de cette approche. Cependant, de nombreux fonctionnaires qui travaillent à Service correctionnel du Canada et à Sécurité publique Canada m’ont indiqué personnellement qu’ils souhaitent l’adoption du projet de loi. Moi-même, j’espère que le projet de loi entraînera des progrès et que si le gouvernement n’adopte pas le texte, à tout le moins, il le soutiendra.
Malheureusement, bien souvent des décisions sont prises qui exigent tout d’abord des démarches juridiques et la défense d’actes indéfendables. Je crois que c’était l’enquêteur correctionnel, ou peut-être Louise Arbour, qui a dit que le comportement habituel consiste à nier toute responsabilité, à jeter le blâme sur les autres et ensuite à se défendre. Voilà là où nous en sommes. Le nombre de causes gagnées contre le Service correctionnel du Canada en raison de son refus de mettre en œuvre ce type d’initiative en dit long.
J’espère que le projet de loi sera accepté. Or, le ministre n’a pas indiqué qu’il appuierait les amendements.
La sénatrice Batters : Pas le ministre de la Justice précédent, M. Lametti, ou encore M. Mendicino, l’ancien ministre de la Sécurité publique, et non plus les titulaires actuels.
La sénatrice Pate : M. Mendicino s’intéresse à la question. Il y a certes de l’intérêt, mais je ne peux pas en toute franchise affirmer qu’il existe du soutien.
La sénatrice Batters : D’accord. Je présume que l’on n’en fait pas mention dans les lettres de mandat? Bien sûr, il n’y a pas eu de nouvelle lettre de mandat depuis 2021, mais ces mesures n’apparaissaient pas dans les lettres de mandat précédentes, ou ai-je tort? Personne ne vous a indiqué que le projet de loi sera avalisé s’il est adopté au Sénat. Avez-vous pu poser la question?
La sénatrice Pate : Oui. Les recommandations de l’enquête sur le décès d’Ashley Smith sont dans les lettres de mandat, par exemple, transférer les personnes souffrant de troubles de santé mentale à l’extérieur des prisons, ne jamais placer les détenus en isolement préventif et prévoir de meilleurs mécanismes de surveillance. De plus, les lettres de mandat contiennent les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Oui, les recommandations sont incluses dans les lettres de mandat. On n’y dit pas explicitement « soutenir le projet de loi S-230 », mais les recommandations à l’origine de nos amendements y sont. Ce ne sont pas des choses que j’ai pondues moi-même.
La sénatrice Batters : Bien sûr que non. À quand remontent les lettres de mandat? Vous en souvenez-vous?
La sénatrice Pate : Les dernières lettres de mandat n’ont pas encore été publiées.
La sénatrice Batters : Non, et il n’y en aura pas, ce qui veut dire que les plus récentes remontent à 2021. Les recommandations étaient-elles dans les lettres de 2021?
La sénatrice Pate : Oui, elles paraissaient dans les lettres de 2021.
La sénatrice Batters : J’en suis à ma dernière question : vous avez appelé le projet de loi la Loi de Tona. Pouvez-vous m’en expliquer la signification? Qui est Tona? À quoi faites-vous référence?
La sénatrice Pate : Bien sûr. En fait, Tona nous regarde. Je lui ai parlé ce matin. J’ai rencontré cette femme pour la première fois lorsqu’elle avait 19 ans. Elle avait été jetée en prison pour être entrée par effraction dans une école alors qu’elle se sauvait de son foyer, où son père biologique la violait. Elle a été victime de la rafle des années 1960, et lorsqu’elle est partie à la recherche de sa famille, son père biologique l’a invitée à vivre chez lui. Il a ensuite commencé à la violer.
Pour vous donner une idée du processus d’évaluation du risque, jusqu’à ce que nous ayons pu faire sortir Tona de l’isolement préventif et la placer dans le système de santé mentale, le Service correctionnel du Canada indiquait qu’elle entretenait une relation sexuelle avec son père. Je ne connais nul autre endroit qui qualifie des viols incestueux comme une relation sexuelle avec son père.
Tona a été placée en isolement préventif pendant la majorité de sa détention, à partir du moment où elle s’est opposée à une fouille à nu. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous recommandons l’utilisation de détecteurs à balayage corporel plutôt que les fouilles à nu, surtout lorsque nous savons que plus de 90 % des femmes détenues ont subi des violences sexuelles.
Tona était détenue à la Prison des femmes de Kingston pendant la Commission Arbour. À mon avis, l’une des raisons pour lesquelles Louise Arbour a été tellement ferme dans ses recommandations, c’était que Tona était l’une des femmes détenues en isolement préventif, parfois attachée par une chaîne au sol, parfois ligotée dans son lit parce qu’elle s’automutilait. Lorsque je l’ai rencontrée, j’aurais dit que c’est quelqu’un qui aurait pu faire des études comme moi. Elle a depuis été diagnostiquée comme souffrant de schizophrénie attribuable à l’isolement à cause de ces 10 années passées en isolement et dans le système de santé mentale. Elle vient d’être libérée du système de santé mentale, mais il a fallu presque 11 ans dans le système de santé mentale pour la préparer à une vie dans la communauté. Elle vit maintenant de façon autonome dans une résidence avec des appuis structurés et un soutien psychologique.
Le président : Merci à vous deux. J’ai prolongé le temps de parole, en partie parce que la sénatrice Batters a fait une intervention réfléchie sur les termes à utiliser et aussi pour que nous puissions prendre connaissance du récit qui est à l’origine du projet de loi. J’espère que vous êtes tous d’accord avec moi là-dessus.
Le sénateur D. Patterson : La sénatrice Batters a posé ma question sur vos interactions avec les ministres et les cadres supérieurs du Service correctionnel du Canada. Vous avez connu Ashley Smith et avez travaillé avec elle, il me semble. C’est elle qui est à l’origine du projet de loi C-83 et de votre projet de loi. Je sais que nous n’avons pas beaucoup de temps. Pouvez-vous nous résumer rapidement son histoire et nous rappeler les faits qui ont fait là une à une certaine époque dans le pays?
La sénatrice Pate : Ashley Smith était une autre jeune femme qui a été détenue à l’âge de 15 ans. Elle était déjà prise en charge par le système de protection de la jeunesse et avait violé les conditions de sa probation. Elle a été arrêtée et a résisté à une fouille à nu et a commis d’autres infractions avant de comparaître devant un tribunal pour violation des conditions de sa probation. Par conséquent, elle a été accusée de voies de fait contre des agents, car elle s’est battue lorsque les agents l’ont retenue. En passant, des années plus tard, lorsque l’enquête a eu lieu, on a conclu qu’elle avait effectivement commis des voies de fait, mais la pire agression commise était d’arracher les épaulettes ou les lunettes des agents. Je ne dis pas que ce comportement est louable, mais il est très différent du comportement qu’on lui attribuait.
Elle a continué à accumuler des chefs d’accusation en prison. Elle a essentiellement passé sa période de détention en isolement préventif dans un centre pour mineurs. Fait intéressant, pour calmer Ashley, il fallait tout simplement que les responsables du centre pour mineurs organisent une visite avec sa famille adoptive, notamment sa mère adoptive, Coralee Cusack-Smith, qui, malheureusement, est décédée il y a quelques mois seulement. Cela montre bien ce que nous observons lorsque les personnes sortent du milieu correctionnel. Il suffit d’utiliser des approches axées sur le comportement ou la dynamique interpersonnelle pour désamorcer une situation.
Néanmoins, elle avait accumulé plusieurs peines, et lorsqu’elle a eu 18 ans, elle devait purger une peine de moins de deux ans. La province du Nouveau-Brunswick l’a transférée à un établissement provincial. C’est là qu’on lui a administré une décharge de pistolet à impulsion électrique, qu’on l’a arrosée d’aérosol capsique et qu’on l’a placée en isolement préventif. Lorsque son évaluation a été effectuée, il a été déterminé qu’elle avait une peine cumulative de plus de deux ans, et on l’a donc transférée à un établissement fédéral. Elle a vécu 11 mois et demi dans le système fédéral, a été transférée 17 fois et a passé toute cette période en isolement préventif. On lui a refusé l’accès à un avocat pendant une bonne partie de cette période.
Les cinq premières fois que j’ai tenté de la voir, je suis arrivée à la prison juste après qu’elle avait été transférée. La première fois que j’ai pu la voir en prison, c’était au Centre psychiatrique régional en Saskatchewan, qui est à la fois un pénitencier et un hôpital psychiatrique. Lorsque je suis arrivée, on m’a interdit de la voir. Je suis allée chercher deux collègues, des avocates chevronnées qui exercent à Saskatoon, Helen Semaganis et Cathy Knox. Elles m’ont aidée dans mes démarches afin que je puisse voir Ashley. Bref, nous étions trois juristes diplômées, dont moi-même qui n’exerce pas, et nous n’avons pas pu la voir. D’autres détenues m’avaient téléphoné pour me prier de rendre visite à Ashley, en indiquant qu’elle avait été victime de maltraitance grave. C’est en raison de l’une de ces allégations que des accusations ont été portées contre un agent correctionnel. Puisque personne n’a accepté de témoigner contre lui, les accusations ont été classées sans suite. Trois mois se sont écoulés avant que je puisse voir Ashley de nouveau. Elle était alors en isolement préventif. J’ai seulement pu la voir en personne deux fois, mais je lui ai parlé au téléphone de nombreuses fois.
Comme je l’ai indiqué, c’était toujours les agents correctionnels qui témoignaient les premiers pendant l’enquête. J’ai conseillé à notre avocat de demander à chaque témoin ce qu’il savait sur Ashley, comment il avait pris connaissance de son caractère et comment elle se comportait avec lui. Chaque témoin a dit qu’il savait qu’il allait accueillir la femme la plus dangereuse et la plus violente du pays. Comment le savait-il? Il avait lu son dossier. Comment Ashley se comportait-elle avec eux? Chaque personne indiquait qu’elle se comportait bien. Si on lui faisait preuve de respect, elle aussi était respectueuse, mais si un agent arrivait et l’agent du quart précédent avait manqué de respect, elle pouvait être impolie.
Elle est morte à 19 ans. La seule intervention à laquelle elle a eu droit, c’était la dernière fois que je l’ai vue. On ne l’a même pas laissée signer avec un crayon de cire le formulaire de consentement que je lui avais demandé de signer afin d’attester qu’elle voulait que je tente d’obtenir son dossier. Nous avons dû saisir le tribunal trois fois. La commissaire à la protection de la vie privée a statué que le Service correctionnel du Canada ne pouvait nous refuser l’accès à son dossier. Le Service correctionnel a refusé de laisser Ashley voir son dossier. On ne m’a pas permis de voir son dossier lorsqu’elle m’en a fait la demande.
Essentiellement, comme je l’ai dit plus tôt, chaque témoin a indiqué qu’elle n’avait pas été violente, qu’elle ne les avait pas agressés, et pourtant dans son dossier, les agents avaient écrit qu’elle était parfois en plein épisode psychotique ou avait agressé le personnel. On regardait des vidéos et l’on y voyait tout le contraire, ce à quoi on nous répondait qu’on s’était trompé sur le moment des faits. Parfois, les témoins tentaient d’éviter toute responsabilité. Parfois, les témoins ont reconnu avoir ressenti de la pression pour reproduire ce qui était écrit dans le dossier. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’encourage les étudiants en droit, les travailleurs sociaux et les psychologues à qui je donne de la formation de ne jamais apprendre à connaître les gens par l’entremise de leur dossier. Il faut les rencontrer et leur parler.
C’est ce qui en fait en grande partie une approche différente, espérons-le, dans le système de santé, et c’est la raison pour laquelle nous préconiserions une approche différente. Pourtant, le processus d’évaluation des risques utilisé par le Service correctionnel du Canada décrit régulièrement ces personnes comme des détenus à risque élevé. On transforme les besoins en risques. Cela explique en partie pourquoi j’ai fait mes études supérieures en santé mentale dans le contexte judiciaire. C’était pour essayer d’y voir plus clair. Les gens qui se présentent avec un diagnostic de stress post-traumatique, que ce soit à cause de l’expérience qu’ils ont vécue dans un pensionnat ou d’un autre traumatisme, reçoivent ensuite souvent un diagnostic de troubles de la personnalité ou de comportement. Pourquoi? C’est parce qu’on cerne ainsi la responsabilité que la personne doit assumer. Si la personne a un trouble de la personnalité ou de comportement, c’est elle qui doit s’en occuper. Toutefois, s’il s’agit d’un trouble de stress post-traumatique ou de schizophrénie, c’est l’établissement ou l’État qui est responsable d’offrir le soutien nécessaire.
Le président : Merci, sénatrice Pate. Deux autres sénateurs veulent poser des questions. Je pense que nous ne pourrons pas faire de deuxième tour.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Bienvenue au témoin qui est devant nous aujourd’hui.
Sénatrice Pate, j’ai deux questions pour vous. Pourquoi proposez-vous un mécanisme de révision judiciaire par un juge de la Cour supérieure plutôt qu’un mécanisme de révision ou d’appel au Bureau de l’enquêteur correctionnel, qui a déjà une très bonne connaissance du sujet? On n’a qu’à lire son dernier rapport de 2022 pour constater qu’il a une très bonne connaissance du sujet et qu’il a fait plusieurs recommandations sur ces questions.
Je me demandais ce qui vous avait amenée à choisir un processus plutôt que quelque chose d’autre, qui aurait nécessité qu’on donne des pouvoirs décisionnels au Bureau de l’enquêteur correctionnel?
[Traduction]
La sénatrice Pate : L’enquêteur correctionnel fait un excellent travail. Les titulaires du poste qui se sont succédé ont fait un excellent travail, plus particulièrement au cours des 20 dernières années. Le problème, c’est que ce sont des bureaux d’ombudsman. Ils peuvent faire des recommandations, mais n’ont pas le pouvoir de les mettre en œuvre. De la même façon, ils ne sont pas contraignables, ou habilités dans le sens juridique, pour témoigner, par exemple, dans le cadre d’un procès. Il faudrait changer ce poste. Je vous encouragerais à poser la question à M. Zinger s’il comparaît. Chose certaine, beaucoup de personnes nous ont recommandé, à commencer par Louise Arbour, de nous adresser directement à la personne qui prend habituellement cette décision. Comme l’a dit Louise Arbour, le seul organe du système de justice pénale qui ne relève pas des tribunaux est notre système carcéral. C’est vraiment pour exiger une diligence raisonnable, un respect des droits de la personne et des protections prévues dans la Charte que nous n’avons pas, mais qui devraient exister.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Ma deuxième question concerne la situation des femmes détenues par rapport à celle des hommes détenus. Vous dites, comme la juge Arbour l’avait indiqué, que c’est un monde de règles et qu’il existe un tas de règles. Toutefois, l’enquêteur correctionnel avait constaté que dans l’univers masculin des pénitenciers fédéraux, il y avait des règles, alors que dans l’univers pénitencier des femmes, il n’y avait pas de règles. On était donc soumis à la décision arbitraire de chaque surveillant.
Je ne sais pas si vous pouvez nous en dire plus sur cette question.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Chose certaine, le dernier rapport de l’enquêteur correctionnel qui vient tout juste de paraître il y a environ une semaine pour mettre à jour le rapport intitulé Une question de spiritualité, qui a paru il y a 10 ans et qui portait sur cette situation, souligne le fait qu’en 2022, à une exception près, seules des femmes autochtones ont été placées dans les unités d’intervention structurée des prisons pour femmes. Mise à part une personne, c’était toujours des femmes autochtones.
Le fait est que la majorité de ces femmes ont été victimes de violence. Même si on les a majoritairement appréhendées pour des infractions qui ressemblent à des actes violents — et je ne laisse pas entendre que ce n’est pas le cas —, c’était habituellement une réponse à de la violence, et il y a souvent une reconnaissance de culpabilité, et c’est pourquoi la situation de beaucoup de ces femmes doit faire l’objet d’un examen indépendant de ce projet de loi.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Avez-vous eu l’occasion de documenter la façon dont les services correctionnels n’appliquent pas ce qu’ils devraient faire, déjà en vertu du projet de loi C-83, dans la situation des femmes, alors qu’ils le font peut-être moins mal dans la situation des pénitenciers où les hommes sont détenus?
[Traduction]
La sénatrice Pate : La situation est désastreuse partout, mais un enjeu retient particulièrement l’attention. La Commission canadienne des droits de la personne a dit en 2003 qu’on ne peut pas nier la discrimination lorsqu’on voit ses répercussions négatives. Bien entendu, ce qu’elle veut dire par là, c’est que lorsqu’on regarde la situation actuelle, on constate que la moitié des femmes dans les pénitenciers fédéraux sont autochtones, et une sur dix est noire. La majorité de ces femmes ont des problèmes de santé mentale et ont déjà été victimes de violence, et ces chevauchements rendent compte de l’effet discriminatoire. On constate ensuite qu’elles sont placées à un niveau de sécurité élevé de façon disproportionnée, et elles se retrouvent toutes, à une exception près, dans des unités d’intervention structurées.
J’ai déjà parlé des rapports annuels de l’enquêteur correctionnel, et c’est dans ces rapports qu’on trouve le meilleur bilan de ces données. En fait, pour revenir au rapport Arbour, ce qui a en partie mené à une commission d’enquête — alors que pratiquement personne parmi nous à l’extérieur des prisons disait que ce qui arrivait aux femmes était inacceptable —, c’est un rapport spécial de l’enquêteur correctionnel, son premier rapport spécial. Lorsqu’il a paru, il était diamétralement opposé à ce que disait le Service correctionnel du Canada, et on a pu voir plus tard lequel des deux disait la vérité.
Le président : Je vais vous arrêter ici, sénatrice Pate. Je veux donner une chance à la sénatrice McCallum. Elle s’est jointe à notre comité. Avec votre permission, nous pourrions l’entendre en tant que dernière témoin.
La sénatrice McCallum : Merci beaucoup du travail que vous avez fait et que vous continuez de faire. J’ai visité avec vous une unité psychiatrique à Saskatoon.
Le service correctionnel semble créer ou empirer lui-même les problèmes de santé mentale en agissant tout simplement comme un gardien, mais aussi en prenant des décisions qui ont une incidence sur les droits des personnes incarcérées. Il y a une violation des Règles Nelson Mandela qui contribue à la violence cachée dans les établissements correctionnels. J’ai écouté la sénatrice Simons dire que la fonction ne change pas en changeant le signe à l’extérieur de l’établissement. Cela montre une violence persistante envers les personnes incarcérées, et le Sénat a le devoir de travailler pour les personnes marginalisées et les sans-voix, et il faut s’attaquer à ce problème.
Vous avez dit que vos amendements proviennent de différents comités sénatoriaux. Y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi que le Sénat n’a pas encore approuvé?
L’article 9 du projet de loi élargirait la portée de l’article 81 de la loi. Pourrait-il y avoir des répercussions sur la surreprésentation des Autochtones et des personnes marginalisées dans les pénitenciers fédéraux, et dans l’affirmative, de quelle façon?
La sénatrice Pate : Non. D’après mon interprétation, tout ce qui se trouve dans ce projet de loi a été recommandé. J’ai noté où cela se trouve dans le rapport du comité des droits de la personne. C’est dans les rapports de ce comité qui portent sur les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral. De plus, lorsque le comité des affaires sociales a examiné le projet de loi C-83, on a abordé certaines de ces questions. Ce projet de loi comprend certains changements et certains ajouts par rapport aux amendements du projet de loi C-83, mais c’est essentiellement ces amendements. J’ai parlé de ce qui est différent, du recours accru aux unités d’intervention structurée et à ce genre de choses, et de ce qui constitue un isolement en fonction de ce qui est arrivé depuis le projet de loi. Lorsqu’il y a un ajout, c’est en fonction de cela.
Rien ne garantit qu’une modification dans la loi réduira le nombre de personnes en prison, mais ce que nous espérons, et c’est certainement le but en ajoutant les articles 81 et 84, c’est-à-dire une réduction du nombre d’Autochtones.
Personne ne l’a demandé, et je vais donc vous poser la question. Pourquoi rendre le Service correctionnel du Canada responsable de tendre la main à ces collectivités? Lorsque ces dispositions ont été adoptées, elles sont entrées en vigueur. Trois ans plus tard, le Service correctionnel du Canada a commencé à mettre de côté toutes ces dispositions et à se servir de son rôle pour confier la prestation de ces services à des sous-traitants. Pourquoi a-t-on fait cela? On a dit qu’il n’y avait pas assez de personnes, de groupes, d’organisations et de collectivités intéressés par le parrainage. Mais devinez quoi? Lorsque nous avons commencé à nous rendre dans ces collectivités, on a constaté qu’elles n’étaient même pas au courant de l’existence de la loi. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux, si je puis dire. On ne peut pas dire qu’on a donné suite à cette disposition, mais que personne n’était intéressé, car les gens n’étaient même pas au courant.
Je travaille actuellement avec un certain nombre de collectivités d’un bout à l’autre du pays, plus particulièrement en Colombie-Britannique, et j’ai travaillé avec certaines au Canada atlantique. Elles nous disent qu’elles aimeraient faire revenir des gens chez elles, mais ce sont des délinquants à sécurité maximale. L’intention n’a jamais été de limiter ces dispositions aux délinquants à sécurité minimale. C’est une décision stratégique prise par le Service correctionnel du Canada. L’une des collectivités a dit qu’elle savait qu’une certaine personne était considérée comme un délinquant à sécurité maximale, mais qu’elle pensait que cela irait si elle pouvait prendre les mesures de soutien nécessaires. Je ferais plus confiance à cette collectivité qu’à l’évaluation de cette personne par le service correctionnel. Il faut inciter le service correctionnel à appliquer cette disposition, et je pense que cela pourrait entraîner certains changements.
Bien franchement, si une collectivité autochtone demandait ne serait-ce que le quart ou le tiers de ce qui est payé actuellement pour détenir quelqu’un — selon le directeur parlementaire du budget, il faut débourser environ 600 000 $ par année pour détenir quelqu’un dans un établissement à sécurité maximale ou dans une unité d’intervention structurée —, que pourrait-elle faire avec 200 000 $? Cela pourrait être avantageux pour la personne qui pourrait sortir de prison, mais aussi pour l’ensemble de la collectivité en matière d’emploi, de logement et ainsi de suite. Cette disposition peut avoir l’effet escompté, mais cela dépend beaucoup de son adoption et de sa mise en œuvre.
Le président : Sénatrice Pate, vous nous avez fait le cadeau de répondre non seulement à nos questions, mais aussi aux vôtres. Merci.
Chers collègues, voilà qui met fin à la partie de la réunion consacrée à l’étude du projet de loi S-230. Je vous remercie tous de votre participation, et j’aimerais maintenant passer aux deux autres points à l’ordre du jour du comité.
Vous vous souvenez peut-être, chers collègues, que nous devons terminer l’étude de deux rapports. Il y a d’abord l’observation sur le projet de loi S-13, c’est-à-dire le plan d’action pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et l’insertion là-dedans des questions liées à la Loi d’interprétation. Nous avons fait circuler ce que le comité directeur a approuvé, c’est-à-dire la deuxième option. Je voulais vous le signaler et voir si vous êtes satisfaits et si vous acceptez que je présente le projet de loi avec cette observation au Sénat aujourd’hui.
La sénatrice Simons : Oui. Je pense que c’est beaucoup plus précis maintenant.
Le président : Merci. Nous avons essayé de tenir compte des suggestions de nos collègues. Puis-je me servir de la deuxième option comme motion d’adoption?
Une voix : Oui.
Le président : Merci. Si nous avions su que cela allait se régler aussi rapidement, sénatrice Pate, nous aurions pu vous garder plus longtemps sous les projecteurs.
L’autre point à l’ordre du jour se rapporte à ce que nous appelons la loi corrective. Nous avons un deuxième projet de rapport que nous avons également fait circuler, je crois. Vous vous souvenez peut-être de l’approche adoptée, à savoir que si un seul membre du comité s’oppose à un amendement proposé, l’amendement ne sera pas retenu dans le projet de loi de modification de la loi corrective. Le comité directeur a donc convenu d’inclure une demande du sénateur Patterson pour exclure une de ces dispositions. J’invite le sénateur Patterson à dire un mot là-dessus, s’il le souhaite. C’est une sorte d’approche axée sur un droit de veto, d’après ce que j’ai compris. Je ne veux pas utiliser un terme aussi dur, sénateur Patterson, mais vous avez demandé le retrait d’une des dispositions.
Le sénateur D. Patterson : Je veux dire que, en tant que sénateur qui prendra bientôt sa retraite conformément à l’âge limite prévu dans la loi constitutionnelle, je n’ai pas l’impression d’être dans un conflit d’intérêts en parlant d’une disposition qui porte sur la limite d’âge à la Commission canadienne du blé. Selon un des principes de la loi corrective, les dispositions ne doivent pas être controversées. Je crois que les parlementaires et le Parlement devraient examiner ces questions relatives à l’âge. C’est la raison pour laquelle j’ai fait part de mes réserves quant à l’ajout de cette disposition dans le projet de loi. Elle peut très bien être valable, mais je pense que le Parlement doit l’examiner et qu’elle ne doit pas provenir de recommandations de fonctionnaires.
Le président : Merci. C’est très utile, sénateur Patterson. Si vous aviez proposé une modification à la loi constitutionnelle, vous auriez probablement reçu un certain appui de la part des personnes présentes, mais c’est un plus gros projet, je crois.
La sénatrice Batters : J’ai lu le texte et j’ai deux petites suggestions ou modifications au libellé.
L’une d’elles se rapporte à ce que vient tout juste de dire le sénateur Patterson, mais à la troisième page. Deux paragraphes au-dessus, je propose de modifier un peu le libellé. À la fin du paragraphe, il est écrit que le projet de loi C-49 a été déposé à la Chambre des communes le 30 mai 2023, et qu’il est actuellement à l’étape de la deuxième lecture. On comprend probablement très bien qu’il est à l’étape de la deuxième lecture la Chambre des communes, mais puisqu’il s’agit d’un rapport du Sénat, je pense qu’il serait utile de simplement parler de l’« étape de la deuxième lecture devant cette chambre ».
L’autre modification que je propose porte sur un paragraphe dont vient tout juste de parler le sénateur Patterson. À l’avant-dernière ligne, je pense que l’anglais serait meilleur si on disait, plutôt que « a more fulsome study » — je ne pense pas que « fulsome » soit le bon mot — , « for a fuller study, the proposed amendment [...] »
Le président : Êtes-vous d’accord? Sénatrice Simons, je sais que « fulsome » est un mot qui existe. Cela vous va? Bien, merci.
Le sénateur D. Patterson : Je suis désolé; je me suis trompé, monsieur le président. C’est la modification à la Loi sur la commission canadienne du lait. Excusez-moi. Merci.
Le président : Ces modifications du sénateur Patterson et de la sénatrice Batters pour le rapport vous conviennent-elles? Êtes‑vous d’accord?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Simons : S’il y a une chose que j’aimerais accomplir dans ma carrière de sénatrice, c’est extirper le mot « fulsome » des rapports sénatoriaux.
Le président : Nous aurons peut-être besoin d’une mesure législative pour y parvenir. Merci. Je suis parfaitement d’accord avec vous, sénatrice Simons, en ce qui concerne ce mot.
Chers collègues, je voulais attirer votre attention sur deux autres problèmes procéduraux auxquels nous faisons face. Premièrement, on s’attend, et c’est plutôt justifié, à ce que nous ne puissions peut-être pas siéger l’après-midi du mercredi 13 décembre, car il se peut que nous continuions de siéger après l’heure où nous arrêtons normalement les mercredis. Je le mentionne parce que nous avions prévu entendre une série de témoins ce jour-là, mais il est fort possible que nous perdions cette journée, à moins que nous ayons la permission de siéger en même temps que le Sénat, ce qui est plutôt rare, pour dire vrai. Je voulais vous prévenir du problème du mercredi 13 décembre, une journée qui aurait servi à poursuivre l’étude du projet de loi S-230.
Deuxièmement, je pourrais peut-être vous dire deux ou trois choses sur le mercredi 6 décembre; c’est dans un peu moins d’une semaine. Je vous rappelle que le 7 décembre, nous allons reprendre l’étude article par article du projet de loi S-231, qui est parrainé par le sénateur Carignan. Le 6 décembre, nous avions toutefois l’intention de poursuivre l’étude de ce projet de loi. Nous avons notamment envoyé des invitations à différents professeurs qui disent avoir d’autres responsabilités ce temps-ci de l’année. Je pense que c’est normal, compte tenu des examens et ainsi de suite. Pour la semaine prochaine, les responsables du Service correctionnel du Canada ont décliné notre invitation à comparaître. C’est une invitation plutôt importante, compte tenu de l’objet du projet de loi. On ne peut pas dire avec certitude s’ils refusent de comparaître ou s’ils ne peuvent tout simplement pas ce jour-là. Cela signifie que nous pourrions avoir une journée plus courte. Avec votre permission, nous allons les inviter à comparaître un autre jour. S’ils ne veulent pas comparaître du tout, nous aurons peut-être besoin de directives claires à ce sujet.
Le sénateur Boisvenu : Pouvons-nous savoir pourquoi? Car je crois que leur témoignage est essentiel pour le projet de loi.
Le président : Jusqu’à maintenant, ils n’ont pas donné de raisons. Nous allons nous pencher là-dessus. J’espère que c’est juste impossible ce jour-là. Sinon, nous allons probablement devoir nous montrer plus fermes, car il est important pour nous tous de comprendre leur point de vue, y compris pour la marraine du projet de loi.
Le sénateur Boisvenu : Si nous les invitons, nous devrions avoir des données. Nous parlons de 10 et de 40 %. Nous ne savons pas à quoi nous en tenir exactement.
Le président : Nous ferons de notre mieux pour obtenir ces renseignements généraux.
Le sénateur Boisvenu : Merci.
Le président : Même si, comme nous l’avons entendu, cela a parfois été difficile dans le passé.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Est-ce que je peux aussi suggérer qu’on invite le ministre de la Sécurité publique, Service correctionnel Canada et aussi le Bureau de l’enquêteur correctionnel? On essaie de comprendre et il semble y avoir des jeux d’autorité, d’interprétation et d’application de la loi, et on voudrait en profiter pour éclaircir la situation.
[Traduction]
Le président : Pour le plan de travail, l’enquêteur correctionnel est sur la liste de personnes à inviter. Ironie du sort, et c’est un peu triste, c’était censé être le jour où nous risquons de ne pas siéger, le mercredi 13 décembre. Nous allons certainement entendre M. Zinger, bien entendu. Puis-je déduire que nous sommes tous d’accord pour dire que nous devrions inviter le ministre?
La sénatrice Batters : Habituellement, les ministres comparaissent-ils pour les projets de loi d’initiative parlementaire? Je pensais que non. Je croyais que c’était une pratique établie.
Le président : Nous avons invité les fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique. La sénatrice Batters soulève un bon point. Le ministre voudra peut-être comparaître. Pourquoi ne pas commencer par les fonctionnaires pour ensuite voir où cela nous mène, si cela vous convient.
Des voix : D’accord.
Le président : Merci.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Peut-on envisager d’inviter ces gens le 6 décembre, puisqu’on semble avoir de la disponibilité pour les entendre?
[Traduction]
Le président : Oui. C’est la date ciblée pour leur comparution — ce serait mercredi prochain — avec un nombre limité d’autres personnes, puisque quelques autres ont décliné l’invitation. Pour votre gouverne, M. Doob a décliné l’invitation, mais il a l’intention de présenter un mémoire.
Je crois que nous avons fait le tour des questions à aborder aujourd’hui. Je vous remercie d’avoir examiné rapidement ces rapports. Nous essaierons de faire de notre mieux pour pouvoir les présenter au Sénat cet après-midi.
C’est tout ce que nous avions à l’ordre du jour aujourd’hui. Avec votre permission, je vais lever la séance. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)