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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 18 avril 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 48 (HE), pour étudier le projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer(présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Mobina Jaffer, sénatrice de la Colombie-Britannique et présidente de ce comité. J’inviterais mes collègues à se présenter.

La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario.

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, du territoire visé par le Traité no 4, en Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, division sénatoriale De Lorimier, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Cotter : Brent Cotter, de la Saskatchewan.

La sénatrice Pate : Kim Pate, du territoire ni cédé ni abandonné des Algonquins anishinabes, en Ontario

La sénatrice Simons : Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

La présidente : Je vous remercie.

Honorables sénateurs, nous nous réunissons pour poursuivre notre étude du projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

Pour la première heure, nous sommes ravis d’accueillir par vidéoconférence Lori Marino, présidente et neuroscientifique du comportement animal et de l’intelligence, The Whale Sanctuary Project; Mary Lee Jensvold, experte de la communication chez les primates, La fondation fauna du Québec; et Jake Veasey, fondateur et directeur général, scientifique spécialisé dans le bien-être animal et biologiste en conservation, Care for the Rare.

Bienvenue. Merci de nous accorder de votre temps. Nous allons commencer par Mme Marino.

Lori Marino, présidente et neuroscientifique du comportement animal et de l’intelligence, The Whale Sanctuary Project : Merci de m’accueillir.

Je détiens un doctorat en neuroscience et en comportement animal. Je donne également un cours de deuxième cycle sur le bien-être des animaux sauvages en captivité à l’Université de New York.

Auparavant, j’ai été professeure en neuroscience et en biologie comportementale à l’Université Emory pendant 20 ans. J’y ai étudié, entre autres, les chimpanzés au Centre national de recherche sur les primates Yerkes. J’ai publié plus de 140 articles scientifiques évalués par des pairs, des chapitres de livres et des articles de revue sur divers sujets comme l’évolution du cerveau, la conscience de soi et les effets de la captivité sur les animaux sauvages.

Pour commencer, j’aimerais définir la captivité et faire valoir un point pertinent. En général, la captivité consiste à ne pas être autorisé à vivre comme un membre de son espèce. Dans la pratique, la captivité ne signifie pas toujours la même chose dans toutes les circonstances. Je suis ici pour vous transmettre ce que la science dit sur la captivité des grands singes et des grands félins. On vous a déjà beaucoup parlé du bien-être des éléphants en captivité, mais je veux évoquer l’abondance des études scientifiques qui montrent que les éléphants en captivité dans les zoos ont un faible bien-être.

Ce que je vais vous dire s’appuie sur des articles scientifiques évalués par des pairs, et je vous ai soumis une bibliographie contenant diverses citations dans mon mémoire.

Des dizaines d’années de recherche ont montré que les grands singes ont un grand cerveau, qu’ils sont complexes sur le plan comportemental et ont un esprit très semblable au nôtre. Ils sont capables de se reconnaître dans le miroir et de faire des plans pour l’avenir. Ils font des déductions et comprennent la relation de cause à effet. Ils innovent, créent et utilisent des outils et, dans leur habitat sauvage, ont de riches cultures qu’ils transmettent d’une génération à l’autre. Leurs personnalités et leurs émotions sont très semblables aux nôtres. Ils peuvent faire preuve d’empathie et d’altruisme, et ils peuvent inférer l’état mental des autres et faire de l’introspection. En bref, les grands singes sont très intelligents et conscients. Leur psychologie ressemble beaucoup à la nôtre.

Les grands singes dans les zoos ne sont pas autonomes au quotidien et n’ont pas de défis assez complexes pour être stimulés. Ainsi, le bien-être des grands singes dans les zoos — même les zoos accrédités par l’Association des zoos et des aquariums, l’AZA — est loin d’être optimal. Il faut apporter de grandes améliorations pour assurer leur protection. Personnellement, je ne suis pas en faveur de l’idée de garder de grands singes dans les zoos, mais quand ils y sont, j’insiste pour qu’on veille à leur intérêt supérieur et pour qu’on établisse des objectifs de conservation légitimes et des mesures des résultats quantifiables.

Les grands singes dans les zoos souffrent de divers problèmes de santé qu’on ne voit habituellement pas dans leur habitat sauvage. Il y a notamment les maladies cardiaques, qui sont la principale cause de mortalité. Les grands singes en captivité affichent aussi une multitude d’anomalies comportementales, comme le stress, les anomalies psychologiques, le trouble de stress post-traumatique, la dépression et les stéréotypies.

Plusieurs études sur les chimpanzés et les gorilles dans les zoos accrédités par l’AZA montrent que la majorité d’entre eux ont des comportements anormaux, comme le fait de manger leurs excréments et de s’arracher du poil, les stéréotypies, l’automutilation, la régurgitation et la réingestion d’aliments. Ce genre de comportements ne se produit pas à moins qu’une fonction cérébrale ne soit compromise.

Même si la situation varie beaucoup d’un zoo à l’autre, un groupe de travail d’experts a conclu en 2013 que :

Manifestement, les chimpanzés en captivité mènent des vies bien différentes de celles des chimpanzés sauvages, et même les environnements en captivité où l’on a fait preuve des plus grandes ambitions n’ont rien à voir avec l’immense taille et la grande complexité du milieu naturel de cette espèce.

Je serais aussi en faveur d’ajouter les grands félins non indigènes à ce projet de loi. Mon opinion se fonde sur les données scientifiques abondantes qui montrent que bien des espèces de grands félins exotiques souffrent d’un piètre bien-être dans les zoos.

Il a été démontré que les carnivores qui se déplacent normalement sur de longues distances comme les grands félins souffrent d’un état de santé extrêmement mauvais dans les zoos, comparativement à ceux qui ne parcourent que de courtes distances. Bien que certains grands félins exotiques puissent vivre plus longtemps dans les zoos que dans la nature, leur qualité de vie est compromise. Ils affichent toutes sortes de comportements anormaux, comme les stéréotypies. Ils font les cent pas et présentent un taux de mortalité infantile élevé. Ils ne sont absolument pas faits pour vivre en captivité.

Pour conclure, je fonde ce que je pense du projet de loi S-15 sur deux éléments. Premièrement, la science empirique sur le bien-être des animaux sauvages dans les zoos et d’autres formes de captivité; deuxièmement, la connaissance du fait que des dizaines de millions d’années d’adaptation à un environnement particulier ne peuvent être remplacées par un environnement artificiel sans qu’il y ait des conséquences sur le bien-être des animaux. Par conséquent, je soutiens ce projet de loi parce qu’il s’appuie sur les données et protège davantage le bien-être que méritent les grands singes, les éléphants, les grands félins et les autres animaux sauvages. Je vous remercie.

La présidente : Merci beaucoup, madame Marino. Nous allons maintenant entendre Mme Mary Lee Jensvold.

Mary Lee Jensvold, experte de la communication chez les primates, Fondation Fauna : Chers membres du comité, je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous sur l’important travail que représente l’examen du projet de loi S-15. J’appuie fermement ce projet de loi très important et progressiste. Il placerait le Canada à l’avant-garde de la protection du bien-être animal et témoignerait par ailleurs d’un leadership et d’une éthique solides. Je suis honorée de l’occasion qui m’est offerte de parler au comité. Je suis une spécialiste du comportement des grands singes et des soins qui leur sont apportés, aussi est-ce de cet aspect du projet de loi que je vous entretiendrai.

Je suis à la fois directrice associée, spécialiste des communications entre primates et membre du conseil d’administration de la Fondation Fauna, un sanctuaire de chimpanzés situé près de Montréal. J’ai passé ma carrière à travailler avec les singes, à administrer des sanctuaires et à former des étudiants dans ce domaine. Mes domaines de recherche comprennent le comportement et la communication des grands singes, leur utilisation de la langue des signes américaine, ainsi que l’élevage et les pratiques visant à améliorer leur bien-être.

Il existe trois types de grands singes : les orangs-outans, les gorilles et les chimpanzés. Leur corps est plus grand que celui des autres singes, qui sont plus petits et qui portent généralement une queue. Les petits et les grands singes sont des primates, comme les êtres humains, et se caractérisent par leur grande sociabilité, la souplesse de leur comportement, leur intelligence, leur vue très développée, leurs mains — par opposition aux pattes ou aux sabots — et leur gros cerveau qui leur permet de manipuler leur environnement.

Les grands singes vivent dans des groupes sociaux très complexes où la communication est très riche. Les différents groupes ont des traditions culturelles, des modes de communication et une utilisation des outils différents. Ils font preuve d’une pensée flexible, d’une capacité à résoudre les problèmes, d’une intelligence machiavélique et de capacités cognitives évoluées. Ils planifient l’avenir, ont une mémoire à long terme et ont un concept de soi.

J’ai notamment étudié l’utilisation de la langue des signes américaine par les chimpanzés, dont la célèbre guenon Washoe et d’autres après elle, comme Tatu et Loulis qui vivent désormais à la Fondation Fauna. Loulis est le fils adoptif de Washoe et a appris les signes auprès d’elle.

Les chimpanzés entament des conversations, posent des questions et y répondent, font des demandes et des déclarations, décrivent des événements passés et à venir, s’excusent, nous racontent des mensonges et transmettent de nouvelles informations. C’est bien plus qu’une simple demande de nourriture. C’est une communication riche entre deux êtres sensibles, y compris entre des humains et les autres chimpanzés. Les gorilles et les orangs-outans ont également appris à communiquer avec des signes issus de la langue des signes américaine avec la même profondeur d’expression.

Comme vous l’avez entendu, la captivité —, quels que soient la stimulation et l’enrichissement que nous y apportons — est une situation de privation par rapport à la vie sauvage. Presque tous les grands singes en captivité présentent des signes de comportement anormal qu’il s’agisse de comportements légers, comme s’arracher les poils ou se bercer, ou de comportements d’automutilation plus extrêmes. Chez l’homme, ce sont des indicateurs de psychopathologie. Je suis donc d’accord pour dire que la captivité est cruelle pour les grands singes, les éléphants et d’autres espèces.

Actuellement au Canada, les orangs-outans et les gorilles vivent dans 14 zoos et les chimpanzés dans un sanctuaire. Les zoos sont agréés par l’AZA ou Association of Zoos and Aquariums et les sanctuaires par la Global Federation of Animal Sanctuaries ou GFAS. Ces organismes ont des normes élevées en matière de soins qui concernent des groupes taxonomiques particuliers et les organisations membres doivent respecter ces normes élevées. J’encourage le comité à utiliser ces normes pour déterminer les conditions d’octroi de permis. En outre, j’encourage le comité à envisager des définitions claires des termes « conservation » et « recherche ».

De nombreux zoos au Canada ne sont pas agréés par l’AZA et ne sont donc pas conformes à ces normes élevées. J’ai déjà vu de mes propres yeux les mauvaises conditions qui règnent dans les zoos au Canada et les effets néfastes que cela a sur les singes. Tous les chimpanzés qui sont arrivés à la Fondation Fauna venaient de zoos dont les conditions n’étaient pas propices au bien-être des animaux. Il n’est pas juste de prétendre que, parce que les singes ne vivent actuellement que dans des zoos et des sanctuaires agréés au Canada, le projet de loi S-15 ne serait pas nécessaire. Ils ont déjà vécu dans de mauvaises conditions dans des zoos canadiens et cela pourrait se reproduire à l’avenir. Je vous remercie.

La présidente : Merci beaucoup, madame Jensvold.

C’est au tour de M. Jake Veasey.

Jake Veasey, fondateur et directeur général, scientifique spécialisé dans le bien-être animal et biologiste en conservation, Care for the Rare : Honorables membres du comité, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous faire part de mes réflexions sur ce projet de loi très important.

Je suis spécialiste du bien-être animal et écologiste comportemental, membre de la Commission pour la sauvegarde des espèces de l’Union internationale pour la conservation de la nature et directeur général de Care for the Rare.

Avec plus de 30 ans d’expérience auprès de zoos, d’aquariums, de sanctuaires, d’établissements universitaires, d’organisations gouvernementales et non gouvernementales de conservation et de bien-être dans le monde entier, mon objectif inébranlable a toujours été l’intersection entre le bien-être animal et la conservation des animaux.

Aujourd’hui je n’ai pas pour but de représenter un groupe quelconque de parties prenantes, mais plutôt de défendre les besoins des animaux individuels et des espèces en péril, et de démontrer que les objectifs potentiellement conflictuels de la conservation et du bien-être peuvent être conciliés par ce projet de loi et appuyés par les récentes avancées scientifiques.

Si le projet de loi, et c’est admirable, s’attache à protéger les éléphants et les singes pris en charge par l’homme, son objectif taxonomique étroit et les exemptions de conservation prévues risquent de perpétuer le statu quo, étant donné que la plupart des éléphants et des singes les plus reproductivement viables au Canada seraient probablement appelés à faire partie des programmes de conservation.

Au lieu d’envisager les programmes d’élevage de conservation comme un mal nécessaire toléré en dépit des coûts quant au bien‑être, ce projet de loi devrait veiller à ce que tous les programmes de survie des espèces respectent des normes de bien-être exemplaires, fondées sur les données probantes les plus récentes et étendre cet impératif de bien-être aux espèces actuellement en dehors du champ d’application du projet de loi.

Nous sommes en pleine crise de la biodiversité et du climat. Avec plus d’un million d’espèces menacées d’extinction, il est essentiel d’agir de toute urgence. En 2012, j’ai souligné le rôle vital de la reproduction en captivité dans 55 % des plans de rétablissement des espèces canadiennes au Comité permanent de l’environnement et du développement durable. Depuis, il a été démontré que plus de la moitié des espèces de mammifères et d’oiseaux sauvées de l’extinction dans le monde ont bénéficié de ce genre d’interventions.

Alors que les attentes de la société en matière de bien-être animal et de la conservation évoluent, ce projet de loi représente une occasion sans précédent de concilier les priorités de conservation et de bien-être, en améliorant le bien-être tout en atténuant les risques d’extinction.

Les évaluations des besoins en espèces effectuées par Care for the Rare, et qui incluent les éléphants, les grands singes, les grands félins et les ours, révèlent de nouvelles perspectives, mais renforcent également ma conviction personnelle à savoir que si les priorités non satisfaites en matière de bien-être sont largement répandues, elles ne doivent pas être une fatalité, mais plutôt un défi que ce projet de loi peut relever de front.

Nos évaluations novatrices en matière de priorité de bien-être ont recueilli l’approbation et la contribution de près de 200 universitaires internationaux, d’experts en bien-être animal et professionnels de la conservation, des zoos et des sanctuaires, et nous guident vers des solutions potentiellement transformatrices en matière de bien-être.

Il en ressort que le besoin qu’ont les animaux de se déplacer à la recherche de résultats et d’occasions motivés, choisis par eux-mêmes et adaptés à leur espèce, comme ils le feraient dans la nature, est peut-être la priorité la plus importante en matière de bien-être, bien que largement négligée, et qui est responsable d’une grande partie des comportements stéréotypés observés chez les animaux en captivité.

En tirant parti de ces perspectives, Care for the Rare, FOUR PAWS International et la Open University du Royaume-Uni créent pour les tigres secourus des habitats révolutionnaires et dynamiques qui sont conçus pour reproduire des caractéristiques naturelles ciblées et essentielles à leur bien-être afin de répondre à leurs besoins comportementaux et cognitifs négligés, ce qui offre un modèle qui pourrait transformer le bien-être de toutes les espèces qui subissent une compression d’habitat en captivité, y compris les éléphants et les singes.

Je vous exhorte à partager notre ambition pour le bien-être des éléphants, des singes et d’autres espèces en péril tout en reconnaissant la valeur de la reproduction en captivité au milieu de la crise d’extinction actuelle.

Je vous encourage donc à élargir la portée du projet de loi pour inclure, au minimum, tous les primates, les grands félins, les mammifères marins et les grands reptiles, et pour obliger les institutions à respecter des normes de bien-être ambitieuses et fondées sur des données probantes, peu importe l’espèce, le rôle de conservation ou le besoin individuel. En adoptant une telle approche, le projet de loi serait plus efficace pour protéger le bien-être des animaux et appuyer la conservation, conformément aux attentes de la société et en s’inspirant du succès de mesures législatives comparables dans d’autres pays. Merci.

La présidente : Je veux tous vous remercier de vos observations et du temps précieux que vous allez consacrer aux questions du comité. Nous allons maintenant entendre les sénateurs.

J’aimerais poser la première question à Mme Marino. Vous avez parlé de la captivité. Vous vous êtes bien exprimé à ce sujet, de toute évidence, mais pouvez-vous en dire plus sur ce que vous entendez par captivité?

Mme Marino : Je parle de captivité quand quelqu’un fait quelque chose à quelqu’un d’autre. Il n’y a pas de captivité sans ravisseur. Comme je l’ai dit, au sens le plus large, la captivité est la situation vécue lorsque quelqu’un vous empêche de vivre en tant que membre de votre propre espèce. De toute évidence, la captivité peut être vécue de nombreuses façons différentes.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer au parrain du projet de loi, le sénateur Klyne.

Le sénateur Klyne : J’ai quelques questions. Ma première est pour Mme Jensvold.

Le comité a entendu dire que le cadre canadien provenant de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ou CITES, exige actuellement un permis pour importer des grands singes au Canada ainsi qu’une analyse pour déterminer si l’importation pourrait nuire à la survie de l’espèce. Cela dit, l’importation d’un chimpanzé élevé aux États-Unis dans un petit zoo privé ne nuirait pas à la survie de l’espèce puisqu’il n’y a pas de lien avec les populations sauvages.

Il est actuellement légal en Ontario de détenir un grand singe sans permis. Pour importer des grands singes, le projet de loi S-15 exigerait toutefois un permis lorsqu’il s’agit du bien-être des animaux, d’un programme de conservation ou d’un programme de recherche scientifique.

À votre avis, le projet de loi S-15 peut-il empêcher que des grands singes se retrouvent dans des petits zoos privés ou entre les mains de passionnés d’animaux au Canada?

Mme Jensvold : Je pense qu’il procurerait de solides protections puisque les conditions associées aux permis seraient énoncées. Une grande partie du travail à venir consisterait à faire en sorte que ces conditions soient claires. Je crois qu’il est important de définir ce que nous entendons par conservation et recherche.

J’ai l’impression que [difficultés techniques] et les conditions de vie. Si une norme élevée est utilisée ou exige une sorte d’accréditation de la Global Federation of Animal Sanctuaries ou de l’Association of Zoos and Aquariums, les petits zoos privés qui tentent d’obtenir des singes se heurteraient alors à des obstacles.

Le sénateur Klyne : Je vois, merci.

J’ai une question pour Mme Marino. Le comité pourrait envisager un amendement pour permettre au juge d’exiger le déplacement de baleines, d’éléphants et ainsi de suite dans ses décisions concernant la reproduction légale ou les performances à des fins de divertissement. En tant que président du Whale Sanctuary Project, pensez-vous que cela pourrait aider pour peut‑être réinstaller des bélugas de Marineland dans votre sanctuaire en Nouvelle-Écosse si Marineland persiste à en faire des animaux de cirque? Cet amendement pourrait-il aider à encourager le gouvernement de l’Ontario à prendre d’autres mesures pour déplacer des baleines détenues en captivité et leur procurer ainsi de meilleures conditions?

Mme Marino : Merci. Je crois que ce projet de loi peut aider de cette façon. Marineland détient plusieurs bélugas et dauphins à gros nez, et nous croyons — et cela repose sur la science — que ces animaux seraient mieux dans un sanctuaire où le milieu est plus naturel et où leur autonomie est respectée pendant qu’ils sont encore sous la responsabilité d’humains. Donc, oui, je suis d’accord.

Le sénateur Klyne : Merci.

C’est une question pour M. Veasey, une question qui a été soulevée à propos de ce qui pourrait arriver aux animaux qui seraient protégés par ce projet de loi : selon vous, les sanctuaires sont-ils une option viable pour réinstaller les animaux et améliorer leur situation? Comment les animaux se portent-ils dans les sanctuaires? Y a-t-il une différence entre ces endroits et les zoos?

M. Veasey : Nous devons accepter que les sanctuaires procurent une autre forme de captivité. Leurs objectifs diffèrent de ceux des zoos, et il y en a de toutes les sortes du point de vue de la qualité. Le climat est un des défis inhérents à la présence d’éléphants au Canada, et il faut donc les déplacer vers des endroits où le climat est mieux adapté pour eux — c’est là-dessus que reposait ma décision de déplacer les éléphants du zoo de Calgary à un moment où aucune pression interne ou externe n’était exercée à cette fin. C’était tout simplement un climat rude pour eux.

L’un des problèmes dans les sanctuaires — et je comprends pourquoi on procède de la sorte —, c’est qu’on empêche les animaux de se reproduire, alors que c’est une chose qui peut être très importante pour le bien-être non seulement des mères, mais aussi du groupe social. Comme je l’ai dit, je ne m’y oppose pas, mais il est important de garder l’esprit ouvert à propos des avantages et des inconvénients des différentes stratégies.

Le sénateur Klyne : Merci.

La sénatrice Batters : Je vous remercie tous de votre participation aujourd’hui.

Ma première question est pour la Fondation Fauna. Tout le domaine est plutôt nouveau pour moi, et je m’excuse si cela se passe d’explications. Je siège au Comité des affaires juridiques depuis 11 ans, et nous ne sommes habituellement pas saisis de ce genre de projets de loi, et c’est donc un peu nouveau pour nous. Dans le projet de loi S-15, je vois la définition de « grand singe ».

grand singe Espèce de la famille Hominidae, sauf le genre Homo.

Ce n’est pas le genre de définitions que nous verrions normalement dans une modification au Code criminel. Il faudrait faire référence à quelque chose de totalement différent — une définition scientifique qui ne se trouve pas dans le projet de loi ni, je présume, dans les règlements afférents au projet de loi. Pouvez-vous nous dire si vous pensez que c’est une définition adéquate ou s’il devrait y avoir une définition plus précise qui explique ce qu’il en est dans le projet de loi proprement dit ou dans les règlements?

Mme Jensvold : Je pense que ce que vous avez décrit comprendrait les singes non humains. « Homo » renvoie généralement aux humains.

Une autre façon de procéder serait de tout simplement inscrire le genre qu’on a l’intention d’inclure. J’en ai mentionné certains dans ma déclaration, mais vous pouvez indiquer que vous avez le gorille du Congo du genre Pan et préciser ensuite que ce sont les grands singes. Sans trop entrer dans les détails, il y a les petits singes, les gorilles, etc., mais ils ne sont pas considérés comme des grands singes. Une façon de procéder pourrait être d’énumérer ceux que vous avez absolument l’intention d’inclure.

La sénatrice Batters : D’accord. Votre son a coupé un peu ici et là. Avez-vous dit que, selon cette définition, les gorilles ne seraient pas considérés comme des grands singes, ou qu’ils le seraient?

Mme Jensvold : Ils le seraient. Selon cette définition, seuls les humains ne seraient pas considérés comme étant des grands singes. Une autre façon de procéder serait d’inscrire le genre, donc le genre de chaque groupe taxonomique, que l’on voudrait inclure.

Je ne sais pas quand mon son a coupé.

La sénatrice Batters : Vous êtes une scientifique, mais je ne le suis pas et bon nombre de Canadiens qui lisent le Code criminel ne le sont pas non plus. Je suis donc d’avis qu’il pourrait être utile de procéder ainsi.

Ma question s’adresse également à la représentante de la Fondation Fauna. Le parrain du projet de loi S-15, le sénateur Klyne, a félicité les quatre établissements où se trouvent les 30 grands singes au Canada pour leur excellent travail et leur engagement envers le bien-être de ces grands singes. Nous savons qu’il est déjà interdit d’importer ces animaux sans l’approbation explicite du gouvernement fédéral. Pourquoi faut-il alors adopter une loi pénale — qui est un instrument radical — qui vise un enjeu qui ne semble plus exister?

À ce titre, pourriez-vous nous expliquer pourquoi la Fondation Fauna appuie le projet de loi S-15? Estimez-vous que votre soutien est avant tout symbolique et qu’il ne sert qu’à renforcer les principes de protection des grands singes, même si ces normes sont déjà largement respectées au Canada?

Mme Jensvold : Comme je l’ai déjà dit dans ma déclaration liminaire, je ne pense pas qu’il soit complètement impossible d’importer un singe — ou peut-être même un chimpanzé — au Canada. Même si la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction dit que l’on n’est pas censé déplacer les espèces en péril, cela se produit constamment partout dans le monde.

Sans ce projet de loi, je ne pense donc pas que nous aurions l’assurance que des singes n’aboutiraient pas dans des établissements sans permis ou dans des établissements autres que les quatre qui figurent sur la liste.

La sénatrice Batters : D’accord.

Je vais poser d’autres questions pendant la deuxième série de questions.

Le sénateur Dalphond : J’aimerais examiner deux aspects relatifs à la captivité. Je vais commencer par Mme Marino, puis je reviendrai à vous, monsieur Veasey.

Pouvez-vous nous parler davantage de la captivité et ainsi approfondir les excellentes questions que la présidente vous a posées? Vous avez dit que l’on parle de captivité lorsque quelqu’un empêche un animal de vivre dans la nature. De toute évidence, l’animal qui vit dans une cage ou dans un enclos très petit dans un zoo ne peut se sentir en liberté, mais à votre avis, est-il possible de recréer un environnement qui nous permettrait de dire que l’animal n’est plus en captivité? Je pense que c’est l’un des arguments avancés au sujet de l’African Lion Safari en Ontario. L’on dit que ce parc est immense — il fait 200 acres — et que, par conséquent, les animaux ne s’y sentent pas vraiment en captivité.

Vous associez la captivité aux contraintes que ressentent les animaux et aux conséquences cognitives et comportementales qu’ils subissent.

Mme Marino : Je vous remercie de la question.

J’aimerais dire que je n’associe pas la captivité exclusivement à ce que ressentent les animaux en captivité. La captivité a trait au bien-être concret des animaux qui sont maintenus en captivité. Si tous les zoos, y compris celui dont vous avez parlé, pouvaient reproduire parfaitement le milieu sauvage, les problèmes qui portent atteinte au bien-être des éléphants en captivité n’existeraient pas, mais ils existent. Ils nous montrent que nous ne pouvons pas reproduire un environnement naturel. L’environnement naturel est le seul environnement dans lequel ces animaux peuvent s’épanouir.

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie. Je vais maintenant m’adresser à vous, monsieur Veasey, car vous avez déclaré :

Il est important de comprendre que nous n’avons pas nécessairement besoin de reproduire tout ce que les animaux vivent dans la nature, mais que nous avons besoin d’une approche beaucoup plus sophistiquée afin de pouvoir cibler nos ressources pour fournir les choses qui comptent.

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Veasey : Je peux vous donner un exemple très concret. Notre approche pour évaluer le bien-être des animaux est quelque peu différente. La plupart des évaluations du bien-être reposent sur l’examen de la vie que mènent les animaux en captivité, de sorte que nous ne pouvons qu’évaluer la valeur et l’incidence des possibilités qui leur sont données qu’à ce moment-là.

Nous constatons des problèmes de bien-être chez les éléphants et les singes en captivité. Nous en déduisons les causes, mais si ces animaux n’ont pas la chance de se déplacer, de migrer, et cetera, nous ne pouvons pas évaluer l’incidence de ces contraintes.

Nous avons adopté une approche très différente. Nous avons cerné ce qui serait important pour les animaux, en fonction de leur écologie comportementale. Cette approche repose sur le fait qu’il existe un lien entre l’évolution et le bien-être des animaux. Plus le processus cognitif comportemental est important du point de vue de l’évolution, plus il sera motivé et plus il sera fort. Par conséquent, le bien-être des animaux sera davantage menacé s’ils ne peuvent se comporter comme ils le feraient naturellement.

Nous devons cibler ces observations en examinant ce qui stimule ces comportements. Le besoin de chercher de la nourriture est très important pour la survie, et nous devons permettre aux animaux de s’adonner à cette activité. Néanmoins, le besoin d’un zèbre d’échapper à un lion est fortement motivé lorsqu’il survient, mais ce besoin est déclenché exclusivement par la perception d’être attaqué par un lion. Nous pouvons dire sans hésiter que les zèbres en captivité ne peuvent être attaqués par des lions et que cela améliore leur bien-être; leur bien-être en captivité est de loin supérieur à ce que nous observons dans la nature.

Notre approche nous permet d’évaluer tous les comportements et tous les processus cognitifs des animaux et de les classer par ordre de priorité en fonction de leurs besoins. Je vais vous donner un bref exemple de la façon dont ce processus nous permet de mieux comprendre les besoins des animaux. Quelques intervenants ici aujourd’hui ont exprimé des préoccupations au sujet des grands félins, en particulier des tigres. Pour vous donner une idée, dans le monde, il y a plus de tigres en captivité qu’il n’en reste dans la nature, et à peu près tous les tigres arpentent leur territoire.

Les zoos, soucieux de bien traiter leurs animaux, se sont fortement concentrés sur l’apport en nourriture. C’est-à-dire que, en présumant que les tigres aiment chasser, ils ont créé des occasions pour que les tigres puissent chasser régulièrement. Les tigres vont donc généralement recevoir de plus petits repas, et ce, plus fréquemment. Cela empêche leur estomac de se distendre et supprime par le fait même cette motivation qu’ils ont de se promener pour trouver de la nourriture. Par conséquent, leur envie de partir à la recherche de nourriture est constamment freinée en vivant dans un environnement où ils ne peuvent pas le faire.

C’est donc parce que nous avons mal compris les problèmes que les solutions proposées risquent d’aggraver la situation. En effet, nous avons découvert que les comportements associés au maintien d’un territoire — les déplacements intentionnels et la collecte d’informations — sont plus importants pour le bien-être d’un tigre que les comportements liés à la chasse. Les tigres ont une relation plus souple avec la chasse et une relation fixe avec la garde de leur territoire.

Si un tigre trouve une carcasse — d’un bison ou d’un autre animal — dans la forêt et s’il a l’occasion de la voler, pourvu que le repas soit assez généreux, il perd instantanément sa motivation de chercher de la nourriture. Cependant, l’animal ressent toujours le besoin de garder et de défendre son territoire, ce qui l’oblige à se déplacer dans un but précis et à recueillir des informations.

Nous sommes, je crois, à l’aube d’une nouvelle ère dans le domaine du bien-être animal. Nous devons cesser de dépendre des évaluations qui sont basées sur le statu quo et qui ne nous permettent pas d’échapper aux contraintes liées aux paradigmes de gestion actuels. C’est ce que nous faisons dans ces installations expérimentales révolutionnaires en Allemagne.

La sénatrice Simons : Je voudrais commencer par Mme Jensvold. Je veux comprendre ce qui suit : quelle est la différence entre un sanctuaire de chimpanzés et un zoo? Comment ces nouvelles règles s’appliqueraient-elles aux installations où vous travaillez?

Mme Jensvold : En ce qui concerne la différence entre un sanctuaire et un zoo, on peut consulter la mission de l’organisme. Les zoos ont souvent une mission de conservation et d’éducation. Ils reçoivent des visiteurs régulièrement. Dans le cas d’un sanctuaire, sa seule raison d’être est de subvenir aux besoins des animaux qui y vivent. On n’y accueille généralement pas de visiteurs régulièrement. Lorsque le sanctuaire est accrédité par la GFAS, la Global Federation of animal sanctuaries, les visiteurs doivent être accompagnés.

Toutes les décisions sont prises en fonction de ce qui est le mieux pour les animaux qui y vivent, contrairement à ce qui se passe dans un zoo où les chimpanzés doivent être exposés pour que le public puisse les voir. Le responsable des animaux peut prendre ses décisions en fonction de ce qui est le mieux pour le public ce jour-là plutôt que pour l’animal. Ce genre de conflit n’existe pas dans un sanctuaire.

Quelle sera l’incidence du projet de loi sur Fauna? Je crois comprendre que nous bénéficierions d’un droit acquis. Fauna n’accueille pas de nouveaux individus dans le sanctuaire. Il n’y a pas d’autres chimpanzés au Canada. Notre mission sera terminée lorsque nous aurons subvenu aux besoins des individus qui s’y trouvent.

La sénatrice Simons : Cela comprend la limitation des naissances afin d’éviter la reproduction naturelle?

Mme Jensvold : C’est exact. Je vous remercie de soulever ce point. En effet, les chimpanzés sont tous sous contraception. L’une des différences marquées entre un véritable sanctuaire [difficultés techniques] est qu’il n’y a pas de reproduction, et nous utilisons des pilules contraceptives et la vasectomie, ce genre de choses.

La sénatrice Simons : Très bien. Monsieur Veasey, votre son ne coupera pas lorsque je vais vous poser mes questions. À l’origine, la loi de Jane Goodall englobait les grands félins et les crocodiliens. Je pense que personne n’a parlé des grands reptiles au cours de nos réunions.

Je pense que l’un des problèmes du projet de loi concerne sa structure, c’est-à-dire qu’il part de la présupposition voulant que les grands singes et les éléphants méritent une attention particulière en raison de leur intelligence. Les crocodiles ne sont pas aussi intelligents, mais je ne pense pas non plus que ce soit une bonne idée que des gens possèdent des crocodiles et des alligators sous nos latitudes.

En raison du préambule, je ne pense pas que nous pourrions ajouter les grands reptiles et probablement les grands félins. Puisque vous êtes la première personne à soulever la question, si je me souviens bien, pouvez-vous nous expliquer pourquoi les grands reptiles devraient être inclus dans ce projet de loi?

M. Veasey : Je pense que ces animaux ont tendance à être achetés par des propriétaires enthousiastes et naïfs qui se retrouvent avec des animaux beaucoup plus gros qu’ils ne l’avaient prévu. Ces animaux présentent des dangers. Nous savons qu’il y a eu des décès récemment au Canada causés par des serpents domestiques. Ce ne sont pas des espèces qui vont nécessairement se plaindre de la même manière que les mammifères, que l’on peut stéréotyper de la même manière. Ils n’expriment pas leurs émotions de la même manière que les mammifères, mais on ne peut certainement pas présumer qu’ils ne connaissent pas la souffrance.

C’est donc pour ces deux raisons, soit une liée à la sécurité et une liée à la santé de ces grands reptiles qui pourraient vivre pendant des années dans des conditions déplorables.

La sénatrice Simons : Je pense qu’on parlait au départ des crocodiliens. Incluriez-vous également les serpents et les tortues?

M. Veasey : Ma préférence personnelle serait d’inclure tout animal sauvage dans un zoo, potentiellement tout animal sauvage non indigène dans un zoo — s’il n’en tenait qu’à moi — et d’avoir une loi sur les licences accordées aux zoos plus générale. Je vois bien que ce n’est pas l’objectif. Il est certain que certains animaux sont plus à risque que d’autres d’avoir des problèmes de bien-être.

La sénatrice Simons : Je ne m’inquiète pas pour ceux qui se trouvent dans les zoos, mais pour ceux qui se trouvent dans les baignoires, les arrière-cours ou les stands d’attraction au bord des routes. C’est ce qui me préoccupe.

Quand je vais à l’Edmonton Valley Zoo, je n’aime pas vraiment voir deux tigres vivre dans un enclos que je considère comme inadéquat, mais je suis moins inquiète pour eux que pour ceux qui pourraient se trouver dans une situation comme Tiger King. Que diriez-vous d’une réglementation visant à faire en sorte que ces animaux — dont certains sont vraiment dangereux — ne se retrouvent pas entre les mains des amateurs enthousiastes?

M. Veasey : Je suis tout à fait d’accord. Je suis originaire du Royaume-Uni, et on y a adopté une loi sur les animaux sauvages dangereux et une loi sur la délivrance de licences aux zoos dans les années 1980 qui font en sorte qu’il est impossible de garder des grands félins en captivité.

L’un des avantages de cette loi est que la notion de bien-être n’est pas définie avec précision. Le document d’orientation évolue au fil du temps afin de rester en phase avec la science, et le document sur les licences accordées aux zoos a une portée plus large et s’applique aux animaux, qu’ils soient montrés au public ou non.

La sénatrice McBean : Madame Jensvold, vous avez dit dans votre déclaration liminaire que vous recommandiez d’avoir une définition claire de la « conservation » et de la « recherche ». À votre avis, quelles sont les lacunes sans cela? Vous pourriez nous parler de ces deux mots l’un après l’autre.

Ensuite, je vais poursuivre avec vous, monsieur Veasey, parce que vous avez suggéré quelque chose de similaire.

Mme Jensvold : Je commencerai par « recherche », car je pense qu’il faudrait définir le type de recherche, s’il s’agit d’une recherche invasive ou non invasive, car avec le libellé actuel, on a l’impression que l’on pourrait utiliser des singes dans la recherche biomédicale ou d’autres types de recherches vraiment invasives.

J’aimerais qu’on précise le type de recherche autorisé et qu’il s’agisse de recherche non invasive et de recherche comportementale.

La sénatrice McBean : L’autre mot était « conservation ».

Mme Jensvold : Je pense vraiment, à mon humble avis, que l’idée d’élever des gorilles et des chimpanzés en captivité au Canada et en Amérique du Nord en pensant qu’on préserverait ainsi l’espèce si elle venait à s’éteindre à l’état sauvage est tout simplement irréaliste. Ce sont des êtres culturels incroyables, et les individus qui vivent en cage dans les zoos et dans les sanctuaires n’ont aucune des aptitudes dont ils auraient besoin pour vivre dans la nature [Difficultés techniques].

Certains sanctuaires en Afrique le font, le plus souvent, avec des orphelins, qui ont donc une certaine expérience de la vie sauvage. On le fait aussi en Indonésie, où les gens passent des années à leur apprendre à vivre en nature.

Dans les années 1970, une guenon a appris la langue des signes américaine et a été renvoyée, enfin, elle n’a pas été renvoyée parce qu’elle n’était pas née dans la nature, mais elle a été envoyée en Afrique. Elle s’appelait Lucy et elle est devenue très déprimée. Elle a cessé d’utiliser la langue des signes et d’interagir avec les autres. Elle était malheureuse. Elle avait été élevée dans une maison et s’était habituée à la vie qu’elle menait. Finalement, elle a été tuée par des braconniers. Pour moi, ce n’est pas réaliste.

Je dirais aussi que le terme semble un peu vague. Je ne suis pas biologiste de la conservation, mais je pense qu’il serait important de bien définir le terme « conservation ». J’ai l’impression qu’il est employé de façon très vague pour dire : « Eh bien, nous faisons l’élevage des animaux, et c’est au nom de la conservation. » Je n’adhère pas entièrement à cette approche, et je pense qu’il faudrait définir ce terme.

La sénatrice McBean : Vous avez qualifié la portée du projet de loi d’étroite. Que pensez-vous du projet de loi?

M. Veasey : L’un des points qui me préoccupent dans ce projet de loi, c’est qu’il semble établir un jeu à somme nulle entre le bien-être animal et la conservation. J’ai l’impression que ce projet de loi a commencé avec des préoccupations au sujet des singes et des éléphants, ce qui est compréhensible, et le milieu des zoos a réagi. C’est comme si les gens disaient : « D’accord, nous allons garder les animaux là-bas parce que vous faites de la conservation, et la loi omettra tout le reste. »

Je suis entièrement d’accord pour dire qu’il faut une démonstration éclatante de l’effet de la conservation, et cet effet peut revêtir une multitude de formes. Il peut s’agir de ressources détournées vers des établissements de conservation. Les animaux sauvages constituent moins de 3 % de la biomasse de mammifères à la surface de la Terre, et je ne pense pas que nous puissions garantir que dans plusieurs générations, nous n’utiliserons pas ces animaux pour restaurer les habitats et les écosystèmes.

Chose certaine, lorsque le cheval de Przewalski et le cerf du Père David ont été amenés en captivité, ce n’était pas aux fins de conservation, mais pour ressusciter ces espèces dans la nature. Je ne prétends pas juger de ce que l’avenir nous réserve ou de ce qui pourrait être possible ou non.

Qu’un animal participe ou non à un programme de conservation, je pense qu’il devrait quand même bénéficier de protections plus strictes du bien-être. Ce ne devrait pas être l’un ou l’autre, et c’est un équilibre qui manque dans ce projet de loi.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à Mme Jensvold, de la Fondation Fauna du Québec. Est-ce que vous êtes à Carignan en ce moment?

[Traduction]

Mme Jensvold : Non.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je veux m’assurer que je m’adresse à la bonne personne. Votre fondation est bien située à Carignan, à côté de la zone résidentielle, près de la Réserve naturelle du Ruisseau-Robert?

[Traduction]

Mme Jensvold : Oui, le sanctuaire est situé [difficultés techniques] il y a beaucoup de développement autour du sanctuaire. Il fait maintenant près de 300 acres, alors nous sommes entourés d’une grande zone tampon. Mais il y a effectivement des quartiers à proximité.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis sur votre site Web. Je comprends que vous avez des singes qui viennent de laboratoires de recherche. Cependant, vous êtes au Québec, dans une région que je connais bien, la région de Carignan — cela n’a aucun rapport avec mon nom.

Sur votre site, vous dites ce qui suit :

Les résidents de Fauna ne quittent jamais le sanctuaire. Fauna est leur domicile permanent. Nous leur fournissons de la nourriture, un abri, des soins médicaux, des interactions sociales ainsi que l’enrichissement dont ils ont besoin pour avoir une vie remplie, être heureux, en santé et enfin libres des souffrances passées.

Comment faites-vous pour atteindre cet objectif avec des singes en captivité, selon votre définition, pour qu’ils réussissent à être épanouis, en santé et heureux? Au Québec, il fait froid.

[Traduction]

Mme Jensvold : Nous admettons que c’est la captivité. Une grande partie de ce que nous faisons vise à essayer d’apporter chaque jour autant de joie et de soleil que possible dans la vie des chimpanzés. Nous leur offrons une panoplie d’activités. Nous examinons ce dont les chimpanzés ont besoin en tant qu’espèce. Nous leur fournissons de la bonne nourriture, et un chef vient leur prépare des repas. Nous leur proposons des activités dans le cadre desquelles ils peuvent utiliser des outils, chercher de la nourriture, colorier, voire souffler des bulles. Certains d’entre eux ont des iPad qu’ils regardent. Parce que les chimpanzés sont des êtres sociaux, l’environnement social constitue l’aspect le plus important de leur vie. Nous nous assurons que les personnes qui prennent soin d’eux, les humains, sont très bien entraînées, connaissent le comportement des chimpanzés et sont pour eux de bons amis. Si vous êtes dans les parages, vous entendrez peut-être les chimpanzés pousser des cris le matin lorsque leurs soignants arrivent. Ce sont des sons de joie et de bonheur.

Les enclos sont très diversifiés. Un grand bâtiment intérieur est divisé en suites d’enclos. Il comprend trois niveaux avec différentes zones où les chimpanzés peuvent se déplacer. Il y a des îles entourées de clôtures électriques et de fossés. Elles ont ouvert hier, car elles sont fermées pendant l’hiver. Il y a aussi des tunnels, des glissoires surélevées. Les chimpanzés peuvent se promener tout autour. Ils y ont accès toute l’année. Ils ont des tapis chauffants, qui sont couverts.

Deux chimpanzés utilisent le langage des signes. Tatou nous fera savoir qu’elle veut sortir, même les jours les plus sombres et les plus froids de janvier. Elle ne sortira peut-être pas longtemps, mais elle sort.

La présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Pate : Je vous remercie beaucoup. Certains d’entre nous se sont posé la question suivante plus tôt : si ce projet de loi est adopté et entre en vigueur, qu’adviendra-t-il des animaux actuellement en captivité? Quelles recommandations feriez-vous, le cas échéant, pour améliorer le projet de loi afin de s’occuper des animaux et savoir comment on en prendra soin à l’avenir?

M. Veasey : Je ne connais pas la composition exacte de la population d’éléphants et de singes au Canada. Ce que je crains, c’est que si le projet de loi entrait en vigueur, ce sera pas mal le statu quo.

En qui concerne les éléphants, je suppose que toutes les installations affirmeraient certainement faire partie d’un programme d’élevage en captivité ou de conservation. Il y a évidemment l’exception de Lucy, mais l’Edmonton Valley Zoo dit que l’animal ne peut pas être déplacé pour des raisons de santé très précises.

Je ne sais pas trop ce qu’il en est des singes. Je suppose que la situation resterait la même, ce qui me semble malheureux, car je pense que si vous cherchez à améliorer le projet de loi, il faut se soucier du bien-être animal et instaurer des normes compatibles avec les plus récentes données scientifiques. Il ne s’agit pas nécessairement de simplement se conformer aux normes d’accréditation régionales parce que je pense que, comme Mme Marino l’a souligné, il y a amplement de preuves que les animaux ne vont pas nécessairement bien dans les zoos agréés. Il faut donc mettre en place un cadre permettant d’instaurer progressivement des normes à mesure que la science progresse.

La sénatrice Pate : Je vous remercie.

Mme Marino : Je pense que l’un des problèmes de nombreux projets de loi de ce genre, ce sont les droits acquis, qui font en sorte que les animaux qui ne sont pas actuellement dans la meilleure situation se retrouvent dans cette situation. Les éléphants devraient être déplacés dans des sanctuaires — c’est évident — tant que cela ne met pas leur vie en danger. Ici encore, je pense que si ce genre de projet de loi pouvait ne pas nécessairement comporter de disposition de droits acquis, ils n’en seraient que meilleurs.

La sénatrice Pate : Merci.

Mme Jensvold : Je pense qu’ils ont tout dit. En ce qui concerne les singes, comme je l’ai indiqué, la Fondation Fauna s’occupe d’une population âgée. Je ne m’attends pas à ce qu’il y ait de chimpanzés dans les cinq à dix prochaines années.

Dans les zoos, avec les objectifs de conservation, les animaux continueront probablement à se reproduire avec les spécimens qui s’y trouvent. Il n’existe pas de sanctuaire de gorilles. Il y a un sanctuaire d’orangs-outans en Floride, mais il faudrait beaucoup d’argent pour déplacer ces singes. Je pense qu’il serait peut-être bon de laisser les primates là où ils sont et d’effectuer de nouvelles évaluations du bien-être, mais j’ignore où iraient ces gorilles et ces orangs-outans.

La présidente : Nous vous remercions beaucoup d’avoir pris le temps de nous parler aujourd’hui et de vous être préparés pour la réunion. Nous vous en sommes reconnaissants.

Mme Marino : Merci.

Mme Jensvold : Merci.

La présidente : Honorables sénateurs, nous reprenons nos travaux pour continuer notre étude du projet de loi S-15. Nous lèverons la séance un plus plus tôt aujourd’hui, car une réunion à huis clos de 5 ou 10 minutes doit avoir lieu après.

Pour notre deuxième groupe de témoins, joignez-vous à moi pour souhaiter la bienvenue à Kaitlyn Mitchell, directrice, Défense des intérêts juridiques, pour Animal Justice; et Angela Fernandez, professeure titulaire à la Faculté de droit et au Département d’histoire de l’Université de Toronto, qui témoigne à titre personnel. Bienvenue. Nous vous demanderons de faire vos exposés, en commençant par vous, madame Mitchell.

Kaitlyn Mitchell, directrice, Défense des intérêts juridiques, Animal Justice :

Merci. À titre de principal organisme spécialisé dans le droit des animaux au Canada, Animal Justice exhorte le comité à soutenir le projet de loi S-15. Comme vous l’avez entendu, les grands singes et les éléphants sont des animaux incroyablement intelligents et sociaux qui ont des besoins physiques, psychologiques et comportementaux complexes. Ils souffrent lorsqu’ils sont placés dans des installations qui ne répondent pas à leurs besoins fondamentaux. Ils ne devraient pas être gardés en captivité simplement pour le divertissement humain.

Peu de règles ou de règlements au Canada imposent des restrictions à la garde en captivité des animaux sauvages. Les zoos non conformes et la possession individuelle d’animaux sauvages prolifèrent en raison de l’ensemble disparate de mesures fédérales et provinciales bancales et incohérentes sur le plan législatif, mais aussi en raison des normes laxistes et de la surveillance seulement partielle de certaines de ces installations par l’industrie. Cette situation menace le bien-être des animaux, la santé et la sécurité du public de même que la conservation des espèces sauvages.

Le projet de loi S-15 prévoit des mesures qui permettraient au Canada de commencer à s’attaquer au problème et à devenir un chef de file mondial en établissant une législation sur la protection des animaux à la fois efficace et fondée sur des données probantes.

Mes remarques porteront essentiellement sur cinq amendements clés qui sont essentiels selon nous pour rendre le projet de loi S-15 vraiment efficace. Ces amendements simples fondés sur des données probantes amélioreraient de façon considérable le sort des animaux.

Tout d’abord, nous vous demandons d’inclure dans le projet de loi S-15 les grands félins tels que les tigres et les lions. Animal Justice s’est associé aux principaux groupes de protection des animaux et à quatre zoos canadiens pour vous demander collectivement d’inclure les grands félins au projet de loi. Cette modification pourrait être apportée par adjonction d’une disposition sur la protection des tigres de type « Tiger King » ou par adjonction du terme « grands félins » aux passages où les éléphants et les grands singes sont mentionnés.

Même si le documentaire à succès Tiger King a été tourné aux États-Unis, les problèmes dont il traite existent également au Canada. On estime à des centaines voire à des milliers le nombre de grands félins et de félins hybrides gardés comme animaux de compagnie ou donnés en spectacle au Canada.

L’été dernier, des employés d’Animal Justice se sont rendus dans des zoos de grande et de petite taille en Ontario. Ils y ont filmé des images à fendre le cœur montrant des lions, des tigres, des guépards et d’autres grands félins en train de dépérir dans des installations non conformes. Le comportement de certains animaux présentait des stéréotypies telles que des va-et-vient répétitifs. Des conditions dangereuses ont été observées dans plusieurs installations. Des lions se trouvaient dans de petites cages aux cloisons relativement basses et dépourvues de toit qui normalement empêche les animaux de s’échapper. Plusieurs de ces installations étaient de petits zoos non accrédités, mais il faut tout de même préciser que plusieurs autres étaient membres d’Aquariums et zoos accrédités du Canada, ou AZAC.

En 2016, des employés d’Animal Justice avaient également capté incognito des images au zoo Papanack, près d’Ottawa, qui montraient des conditions extrêmement troublantes. Ils avaient par exemple filmé une scène où des employés se targuaient d’avoir donné des coups de poing sur le museau d’un lionceau.

Les grands félins devraient être visés dans le cadre établi dans le projet de loi S-15 exigeant que les permis de garde en captivité des animaux soient délivrés seulement pour le bien-être de l’animal ou dans le cadre d’un programme de recherche valide ou d’un programme de conservation visant la protection des espèces sauvages.

Le deuxième amendement que nous vous demandons d’examiner serait l’inclusion d’un mécanisme souvent appelé « disposition de Noé », qui permettrait d’étendre les mesures de protection à d’autres espèces animales lorsque des données scientifiques indiquent que de telles mesures sont justifiées. Cela éviterait de répéter le long processus consistant à présenter et à adopter un projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. En somme, les principaux groupes de protection des animaux et les principaux zoos s’accordent pour dire que l’ajout d’une disposition de Noé serait un bon moyen de renforcer le projet de loi.

Le troisième amendement que nous vous demandons d’étudier serait de resserrer le libellé du projet de loi concernant les permis délivrés pour des programmes de recherche scientifique et de conservation. J’ai beaucoup travaillé sur la mise en œuvre du projet de loi S-203, qui interdit la garde en captivité des baleines et des dauphins au Canada. Le comité a probablement remarqué au cours du processus que bon nombre d’installations qui gardent en captivité des animaux prétendent faire de la recherche très sérieuse même lorsque leurs travaux n’aident pas beaucoup les populations sauvages. Il faut par conséquent que le projet de loi S-15 précise que les permis sont délivrés uniquement pour des recherches menées pour des motifs scientifiques valables qui soutiennent la conservation des populations sauvages. Les principaux zoos au Canada s’entendent encore une fois sur la nécessité d’adopter cet amendement.

Le quatrième amendement demande que la garde en captivité des éléphants soit éliminée progressivement au Canada. Certains programmes sur les grands singes apportent beaucoup aux populations sauvages, mais il en est tout autrement des éléphants en captivité dans les zoos au Canada. Ces animaux ne sont jamais relâchés dans la nature. Leur mise en captivité ne profite pas réellement aux populations sauvages. La grande majorité des scientifiques sont d’avis que les éléphants ne sont pas heureux en confinement. La tendance mondiale est d’éliminer les éléphants en captivité dans les zoos.

Finalement, nous vous demandons de préciser le libellé pour que l’interdiction visant l’utilisation des éléphants, des grands singes, et espérons-le des grands félins, dans des activités de divertissement vise également les promenades à dos d’éléphant et l’utilisation d’animaux comme des tigreaux comme accessoires dans les égoportraits. Ces activités posent un risque pour les animaux vulnérables et envoient entre autres aux enfants le message dangereux que l’exploitation des animaux pour le divertissement est acceptable.

Les éléphants, les grands singes et les grands félins méritent notre respect et notre compassion. Je vous remercie de l’attention que vous portez à ce projet de loi crucial. Je vais répondre avec plaisir à vos questions.

La présidente : Merci. Je cède la parole à Mme Fernandez.

Angela Fernandez, professeure titulaire, Faculté de droit et département d’histoire, Université de Toronto, à titre personnel : Merci. Bonjour, honorables sénateurs. Merci beaucoup de m’avoir invitée. Je m’appelle Angela Fernandez et je suis ici pour présenter un mémoire en appui au projet de loi S-15. Dans ma présentation, je vais essentiellement démontrer que le projet de loi S-15 est un exercice valide des pouvoirs du Parlement au titre de la Loi constitutionnelle, notamment le pouvoir du fédéral en matière de droit pénal en vertu du paragraphe 91(27) et le pouvoir d’adopter des lois sur le commerce international et interprovincial en vertu du paragraphe 91(2).

Vous pouvez suivre ma présentation au moyen de cette feuille si vous l’avez en main. Si des exemplaires vous ont été remis, ce serait formidable.

Pour déterminer la constitutionnalité d’un projet de loi, il faut examiner sa substance même, c’est-à-dire son objet et ses effets sur les lois en vigueur.

La présidente : En avez-vous fait circuler des exemplaires?

Mme Fernandez : Sauf erreur, le greffier a dit que des exemplaires avaient été distribués. Je pense que certaines personnes en ont un en main.

La présidente : Avez-vous des versions dans les deux langues officielles?

Mme Fernandez : Oui. Le document a été traduit.

La présidente : Très bien. Allez-y.

Mme Fernandez : La première étape consiste à déterminer le caractère véritable, ou l’objet principal et les effets du projet de loi. Comme vous le savez, l’objet du projet de loi S-15 est de protéger les animaux, plus précisément les éléphants et les grands singes, contre la cruauté associée à la captivité.

Afin d’établir l’objet du projet de loi, il faut examiner la preuve intrinsèque et la preuve extrinsèque. La preuve intrinsèque provient du préambule du projet de loi, tandis que la preuve extrinsèque est tirée des débats du Sénat et de documents gouvernementaux. En l’occurrence, toutes ces sources confirment que le projet de loi vise principalement la protection des animaux.

En ce qui concerne les effets, dans ce cas-ci, il n’y a pas vraiment de différence entre les effets juridiques — les effets directs de la loi — et les effets pratiques — les effets secondaires de son application. Par conséquent, je n’en parlerai pas longuement. Je vais me contenter de dire que les effets juridiques et pratiques primordiaux de la loi s’harmonisent avec son objectif, qui est de répondre aux préoccupations morales associées à la garde en captivité d’éléphants et de grands singes.

Si vous avez le document, je vous invite à passer à la deuxième étape : la classification. Une fois que le caractère véritable ou l’objet principal du projet de loi a été déterminé — la protection des animaux —, il faut le classer sous l’article 91 ou 92 de la Constitution.

Je vais commencer par le commerce international et interprovincial, à la droite. C’est un peu plus simple. Sur le plan de la compétence fédérale, il ne fait aucun doute que les modifications à la LPEAVSRCII relèvent de la compétence du Parlement en matière de commerce international et interprovincial aux termes du paragraphe 91(2). En réglementant l’importation et l’exportation des éléphants et des grands singes, le projet de loi S-15 s’attaque aux enjeux de la protection des animaux relatifs au commerce.

Ensuite, il faut déterminer si le projet de loi S-15 constitue un exercice valide de la compétence en droit pénal. Il faut se demander si, en plus de prévoir une interdiction et une sanction, ce que fait le projet de loi — il interdit la captivité et il impose une sanction en cas de violation —, la mesure repose sur un objet valide en matière de droit criminel. Une loi repose sur un tel objet si, par son caractère véritable, elle constitue la réponse du Parlement à une menace de préjudice à un intérêt public traditionnellement protégé par le droit criminel, comme la moralité, la sécurité, la paix, la sûreté ou un autre intérêt semblable.

Dans ce contexte-ci, la cruauté envers les animaux est liée à la moralité et, quant à moi, à la sécurité publique. Ce serait certainement vrai si les grands félins étaient ajoutés au projet de loi, mais c’est aussi vrai en ce qui a trait aux éléphants et aux grands singes. Je parle de la sécurité à l’intérieur des installations — au parc African Lion Safari, par exemple, où les animaux sautent sur les véhicules, il pourrait facilement arriver quelque chose —, ainsi que des enjeux de sécurité relatifs à la possibilité que les animaux s’échappent.

Les interdictions et les sanctions prévues dans le projet de loi S-15 auront des répercussions sur les personnes et les organisations possédant des animaux, qui sont considérés comme des biens dans la province en vertu du paragraphe 92(13). Cependant, le fait que les lois pénales fédérales ont une incidence sur la compétence des provinces ne les rend pas invalides. C’est parce que les tribunaux ont statué que des sujets qui, sous un certain aspect et dans un certain but, relèvent de l’article 92, peuvent, sous un autre aspect et dans un autre but, relever de l’article 91. La protection des animaux est une de ces compétences partagées. Ce principe est connu sous le nom de « doctrine du double aspect ».

Ici, le fait que le projet de loi S-15 touche les biens ne peut pas invalider une mesure législative autrement valide sur le plan constitutionnel. Ainsi, si un tribunal décide que la matière de la loi se rapporte au droit criminel — autrement dit, qu’elle concerne principalement le droit criminel —, ses effets accessoires sur la propriété et les droits civils sont sans importance du point de vue constitutionnel.

Pensez-y : la majorité des lois criminelles touchent la propriété. Les armes à feu sont des biens dans la province, tout comme les voitures conduites par un conducteur en état d’ébriété, les drogues illégales saisies et les maisons détruites par un incendie criminel.

Ce facteur n’a pas d’incidence sur la constitutionnalité du projet de loi. Ce qui importe, c’est la caractéristique dominante du projet de loi — en l’occurrence, le lien avec la moralité et la sécurité publique —, plutôt que ses effets accessoires.

La présidente : Je vous remercie. Nous passons maintenant aux questions.

Le sénateur Klyne : J’ai quelques questions pour la représentante d’Animal Justice.

L’Association des zoos et aquariums du Canada, ou l’AZAC, s’oppose au projet de loi S-15. Elle soutient que le statu quo représente l’idéal juridique pour les éléphants et les grands singes au Canada, et que son organisation privée est l’organisme le mieux placé pour se charger de la réglementation relative aux animaux sauvages en captivité au Canada. Qu’en pensez-vous?

Mme Mitchell : Je vous remercie pour la question.

Oui, nous avons entendu ces affirmations, et nous savons qu’elles ont été avancées plusieurs fois devant le comité, comme vous le savez aussi. J’ai quelques remarques à faire. Les normes de l’AZAC sont plutôt vagues, et certaines ne peuvent pas être appliquées. Comme vous l’avez entendu, elles ne sont pas fondées strictement sur la biologie et les besoins des animaux, mais aussi sur des réalités concrètes, par exemple les budgets des zoos et l’espace dont ils disposent.

Par conséquent, nous ne considérons certainement pas les normes de l’AZAC comme un modèle d’excellence. De plus, puisqu’il s’agit d’une organisation privée qui encadre les installations de cette nature, il y a aussi un manque criant de transparence. Nous avons de nombreuses réserves quant à la proposition de maintenir le statu quo dans les installations de l’AZAC ou de reconnaître les normes établies par l’AZAC dans la loi.

Le sénateur Klyne : D’accord, je vous remercie.

J’aimerais que vous nous fournissiez plus de détails sur la « disposition de Noé ». Durant votre déclaration préliminaire, vous avez proposé d’ajouter au projet de loi S-15 une disposition qui faisait partie d’un projet de loi précédent parrainé par l’honorable Murray Sinclair et moi. Cette disposition viserait à créer un pouvoir exécutif en vue de protéger d’autres espèces sauvages en captivité pour des motifs liés au bien-être des animaux et à la sécurité publique. À titre d’exemples, vous avez mentionné les ours, les singes et les reptiles dangereux. Comme vous l’avez dit, on la surnomme la « disposition de Noé » d’après l’arche de Noé. Cette disposition permet d’offrir une protection juridique à d’autres espèces sauvages en captivité.

Pouvez-vous nous dire pourquoi une telle mesure aurait un effet positif au Canada?

Mme Mitchell : Ce serait une mesure extrêmement positive qui permettrait également de faire évoluer la loi parallèlement à la science et aux valeurs sociétales. Comme vous le lirez dans la lettre que nous avons soumise conjointement avec les principaux groupes de protection des animaux et quatre zoos, nous sommes d’avis qu’il est capital d’ajouter ce mécanisme au projet de loi. Ensemble, nous avons même cerné des espèces qui, à nos yeux, devraient être ciblées en priorité à l’avenir. Elles comprennent les ours, toutes les espèces indigènes de grands félins, les primates non humains, les grands serpents constricteurs et les crocodiles, dont il a été question plus tôt.

Concrètement, nous comprenons que pour l’instant, elles ne sont pas incluses dans la mesure législative, mais nous trouvons important d’intégrer au projet de loi une disposition autorisant le gouverneur en conseil ou une autre entité d’ajouter les espèces animales qui ont désespérément besoin de protection.

Le sénateur Klyne : Merci.

Vous avez évoqué la lettre des zoos de Toronto, de Calgary, de Granby et d’Assiniboine, ainsi que de l’Institut Jane Goodall du Canada et d’autres ONG pour le bien-être des animaux. Dans cette lettre, vous proposiez de modifier les dispositions du projet de loi S-15 relatives aux grands félins exotiques, comme les lions et les tigres. En outre, Protection mondiale des animaux Canada estime que plus de 7 000 lions, tigres et léopards, dont vous avez aussi parlé dans votre exposé, appartiennent à des particuliers au Canada.

Pouvez-vous expliquer cette proposition d’amendement? Selon vous, cela aurait-il des avantages à la fois pour le bien-être des animaux et pour la sécurité publique?

Mme Mitchell : J’y vois certainement des avantages sur les plans du bien-être animal et de la sécurité publique. En tant qu’avocate, lorsque j’examine la loi, la façon la plus simple d’inclure des protections pour les grands félins serait simplement d’ajouter les mots « grands félins » là où l’on trouve déjà les mots « éléphants » et « grands singes ». Il pourrait y avoir d’autres façons de procéder.

Cela permettrait de reconnaître qu’il existe des preuves scientifiques claires et probantes que les besoins comportementaux, biologiques et sociaux des grands félins ne peuvent être satisfaits en captivité, en particulier dans les zoos itinérants et les collections privées. Cela aurait une incidence énorme et incroyablement significative pour les animaux. D’un point de vue pratique, cet amendement ne serait pas trop difficile à apporter. Comme je l’ai dit, lorsque Animal Justice a visité les zoos de l’Ontario l’été dernier, nous avons constaté des conditions horribles du point de vue du bien-être des animaux, mais aussi des conditions réellement effrayantes du point de vue de la santé et de la sécurité publiques. Ces deux problèmes doivent être réglés de toute urgence.

La sénatrice Batters : Ma première question est pour la professeure Angela Fernandez. Dans la lettre que vous avez envoyée à notre comité, vous parlez de la validité constitutionnelle du projet de loi S-241, et vous avez affirmé que vos arguments s’appliquaient aussi au projet de loi S-15. Dans la décision relative à la Loi sur la non-discrimination génétique, la juge Karakatsanis, de la Cour suprême du Canada, a déclaré ce qui suit :

Viser une conduite qui fait simplement intervenir des règles morales fondamentales ne constituera pas un objet de droit criminel suffisant; la conduite en question doit menacer ces règles.

Quelles règles morales sont menacées par le fait que des éléphants vivent en captivité au Canada, par exemple à l’African Lion Safari, où les éléphants sont bien traités et ont 200 acres pour se promener? En quoi cela menace-t-il nos règles morales fondamentales?

Mme Fernandez : Dans ce cas précis, la question de morale est intimement liée à la notion de captivité. Nous avons beaucoup parlé — et vous en avez entendu parler ici au comité — du seuil au-delà duquel la captivité devient cruauté. Selon ce que j’ai compris des propos de la Dre Marino, il y a cruauté si la captivité nuit aux comportements des animaux. C’est là qu’intervient la question de moralité, tout simplement.

C’est une norme acceptée, sur le plan constitutionnel, pour le droit pénal. Bien qu’il y ait des situations où l’on peut penser que le lien n’est pas assez étroit, le bien-être des animaux n’en est certainement pas une. Il est reconnu qu’il s’agit d’une question de moralité, qui relève ensuite du pouvoir législatif en matière de droit criminel.

La sénatrice Batters : Précédemment, au sujet de la captivité — je n’ai pas la citation exacte, mais je l’aurai certainement plus tard —, la Dre Marino a dit que la captivité, c’est essentiellement quelqu’un qui fait quelque chose à quelqu’un. C’était extrêmement vague.

Selon vous, l’absence d’une définition ou même d’une limite de taille ou de tout autre critère par rapport à la notion de captivité, dans ce projet de loi, pourrait-elle entraîner de véritables problèmes lorsqu’on introduit de telles dispositions dans le Code criminel?

Mme Fernandez : Je pense que les questions soulevées par rapport aux définitions — par exemple, la question que vous avez soulevée plus tôt quant à savoir s’il convient d’inscrire ou non les catégories de grands singes, et cetera — sont toutes d’excellentes questions à poser, comme l’est l’ajout éventuel d’une définition de « captivité » ou, comme Mme Mitchell le demande, des définitions de « conservation » et de « recherche ». De tels ajouts pourraient probablement améliorer le projet de loi.

D’un point de vue constitutionnel, je ne pense pas que ce soit nécessaire. Ce que vous examinerez, c’est simplement si cela relève du pouvoir du gouvernement. Vous pouvez même penser que c’est une mauvaise idée, comme dans le cas de la référence aux armes à feu. Certains ont notamment indiqué que cela ne fonctionnerait pas ou que ce serait inefficace. Ce n’est pas vraiment pertinent. Si le gouvernement décide de le faire, qu’il le fait et que c’est constitutionnellement autorisé, alors c’est permis. J’examine uniquement cet aspect limité de la chose.

La sénatrice Batters : Exactement : la question très étroite de la constitutionnalité. Du point de vue du droit pénal, vous êtes d’avis que les choses de ce genre pourraient légitimement faire l’objet d’amendements afin de les définir et ainsi améliorer le projet de loi. Est-ce bien cela?

Mme Fernandez : Oui, absolument.

La sénatrice Batters : Je vous remercie.

J’aimerais aussi vous demander, à toutes les deux, de nous donner des exemples récents pour lesquels les restrictions actuelles en matière d’importation d’éléphants et de grands singes se sont avérées insuffisantes, justifiant ainsi l’adoption de nouvelles dispositions législatives dans le cadre du projet de loi S-15.

Je vais commencer par vous, madame Fernandez.

La présidente : Nous n’avons pas beaucoup de temps. Pourriez-vous envoyer la réponse à la question de la sénatrice Batters au greffier, le plus tôt possible et par écrit, s’il vous plaît? Cela dit, vous avez quelques secondes, alors allez-y.

Mme Fernandez : Je n’ai connaissance d’aucun cas. Je m’en remets donc à Mme Mitchell.

La sénatrice Batters : Madame Mitchell, connaissez-vous des exemples?

Mme Mitchell : La plupart de mes expériences avec les permis CITES/LPEAVSRCII sont liés au contexte des renvois. Il y a un problème, à mon avis, car nous continuons d’importer des animaux au Canada, en particulier de grands félins. J’ai des données sur les permis CITES qui remontent à 2004, environ.

Il y a un problème. De grands félins sont importés au Canada à des fins personnelles, ce que nous ne devrions absolument pas faire. Des éléphants sont importés au Canada. L’exemple le plus récent remonte à 2021, je crois, mais il faudrait que je le confirme.

La CITES est un document différent dans lequel on ne pose pas les questions d’ordre général. S’agit-il d’animaux que nous devrions importer au Canada? Se portent-ils bien en captivité? Ces questions ne figurent pas sur la CITES. C’est un système d’autorisation totalement distinct.

La sénatrice Batters : Ma question porte en particulier sur les éléphants et les grands singes, car c’est de cela que traite le projet de loi. Je vous remercie.

Le sénateur Dalphond : Certaines personnes ont remis en question l’utilisation de mots comme « cruauté », « captivité », et cetera. Considérez-vous que ces concepts sont vagues ou qu’ils sont assez bien définis pour être applicables?

J’aimerais attirer votre attention sur l’article 445 du Code criminel, qui traite du fait de faire souffrir inutilement un animal, et sur une disposition semblable qui a été ajoutée pour les dauphins et les baleines, où l’on fait référence à la captivité en tant que concept.

Sommes-nous avant-gardistes, ou suivons-nous simplement les dispositions existantes?

Mme Fernandez : Je dirais qu’il n’y a là aucun problème d’imprécision, mais s’il y en avait, ce serait un problème de longue date. Ces dispositions du Code criminel existent depuis les années 1890, probablement. La notion de cruauté semble très bien comprise.

De même, concernant la notion de captivité, je dirais que c’est une notion bien comprise, étant donné que le projet de loi sur la captivité des baleines et des dauphins était également fondé sur ce principe et que nous sommes dans la continuation de cette ligne de pensée et du précédent établi.

Le sénateur Dalphond : Avez-vous connaissance de poursuites qui ont été engagées en vertu de l’alinéa 445.2(2)a) et qui concernent les cétacés? La disposition se lit comme suit :

(2) Sous réserve des paragraphes (2.1) à (3.1), commet une infraction quiconque, selon le cas :

a) est propriétaire, a la garde ou assure la surveillance d’un cétacé en captivité;

Je crois que des accusations ont été portées contre certains propriétaires de parcs. Prétendaient-ils que le concept de captivité était vague, ou la Couronne perdait-elle des causes en raison du mot « captivité »?

Mme Fernandez : Pas à ma connaissance. Je pense que les affaires auxquelles vous faites référence concernaient Marineland. Mon associée, Krystal-Anne Roussel, et moi-même dirigeons un Animal Law Digest canadien dans lequel nous faisons des mises à jour juridiques. Aucune question de ce genre n’est ressortie lorsque nous avons traité de ces affaires.

Mme Mitchell en sait probablement plus sur ces affaires. Elle veut peut-être intervenir.

Mme Mitchell : Pour une raison quelconque, au début de la question, le son a été coupé. J’espère que je réponds à la bonne question.

Je pense que les cas de Marineland dont nous discutons avaient trait à des accusations en vertu de la nouvelle loi telle qu’amendée par le projet de loi S-203 et portaient sur les spectacles à des fins de divertissement. À l’époque, Marineland — et nous verrons ce qui se passera cette année, si le parc d’attractions ouvre ses portes — organisait ce que l’on appelle des soirées de danse avec les dauphins. Nous avons dit que ces événements semblaient violer la nouvelle loi. Il s’agit manifestement de divertissement. Il y a de la musique forte, des foules qui applaudissent et des dauphins qui font des tours d’adresse. Des accusations ont été portées contre Marineland. En fin de compte, la Couronne a décidé de ne pas donner suite à ces accusations.

Je crois comprendre que l’imprécision n’était pas en cause. La Couronne a déterminé que ce n’était pas dans l’intérêt public — une conclusion à laquelle je ne souscris évidemment pas. Je crois comprendre, encore une fois, qu’il ne s’agit pas tant d’une question d’imprécision que de la décision de la Couronne.

Comme je l’ai dit, je pense qu’une excellente occasion s’offre à nous. Nous pourrions renforcer le libellé sur les divertissements et nous assurer que les soirées dansantes avec des dauphins ou l’équivalent avec d’autres animaux sont pris en compte.

Le sénateur Dalphond : Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à Mme Fernandez. Si vous étiez présente plus tôt, vous avez peut‑être entendu le témoin de la Fondation Fauna expliquer comment des singes pouvaient être en captivité au Canada, dans une zone quand même assez froide, tout en étant épanouis et heureux, disposant de iPads et tout. Il n’y a donc rien qui ressemble à de la cruauté.

Ne trouvez-vous pas que le risque de faire le lien entre « captivité » et « cruauté automatique » risque d’être fatal pour cette partie d’une contestation constitutionnelle?

La Fondation Fauna en est un bel exemple. Ne croyez-vous pas qu’on peut régir les paramètres de détention ou d’épanouissement d’un animal pour éviter d’avoir des éléments de cruauté?

[Traduction]

Mme Fernandez : C’est une excellente question. Merci.

Je n’ai pas visité le sanctuaire Fauna, bien que je l’aie vu dans divers documentaires, notamment. Dans cet exemple, je pense que, puisqu’il s’agit d’animaux rescapés, ils n’avaient nulle part où aller. Ils étaient orphelins ou réfugiés de projets de recherche, par exemple. Au sanctuaire, le personnel s’occupe des animaux de son mieux. C’est un peu ce que fait Mme Marino au Whale Sanctuary Project en Nouvelle-Écosse. On sort les animaux d’un endroit manifestement inapproprié — une piscine à Marineland — et on les transfère dans un endroit plus adapté.

Il est sous-entendu qu’il n’est pas optimal de faire vivre les animaux dans un espace qui n’est pas aussi adapté que leur environnement d’origine. Cette question se pose avec Lucy. L’année dernière, j’ai assisté à la défense de la thèse de doctorat d’un étudiant de l’université. Il expliquait que Lucy ne pourrait jamais rentrer chez elle, car son pays est le Sri Lanka, d’où elle a été emmenée à l’âge de deux ans.

Nous faisons de notre mieux, mais je pense que dans certaines situations, les animaux ne sont pas détenus dans leur intérêt fondamental ou pour leur bien-être. Nous ne faisons pas de notre mieux pour eux; nous les utilisons pour le divertissement ou pour faire des profits.

[Français]

Le sénateur Carignan : Malheureusement, mon temps de parole est limité.

Ma deuxième question s’adresse à Mme Mitchell. Vous avez témoigné au sujet du projet de loi visant à interdire l’exportation des chevaux au Japon, notamment, ou à l’extérieur en disant que c’était cruel. Vous avez fait beaucoup d’entrevues à ce sujet.

Le projet de loi ne modifie pas le Code criminel; il modifie plutôt la Loi sur la santé des animaux.

Ne croyez-vous pas que ce serait un exercice plus approprié de compétence fédérale d’utiliser la Loi sur la santé des animaux ou une certaine partie du projet de loi S-15, qui traite d’un autre projet de loi, plutôt qu’une partie du Code criminel?

[Traduction]

Mme Mitchell : Je pense que les deux projets de loi constituent un exercice valable de la compétence fédérale en vertu de notre Constitution. Ils sont très différents, et c’est pourquoi j’ai un peu de mal à répondre à la question. Nous avons la Loi sur la santé des animaux, bien sûr, et le Code criminel. Nous avons affaire à des projets de loi qui modifieraient deux lois différentes, mais toutes deux s’attaquent à la cruauté et aux souffrances inutiles.

Nous pensons souvent que la cruauté se résume à des cas individuels de maltraitance, comme le fait de battre un animal, mais notre droit pénal a beaucoup évolué. Il reconnaît que l’accent doit être mis sur les souffrances inutiles infligées aux animaux, qu’il s’agisse de l’exportation de chevaux vivants à des fins d’abattage à l’étranger — ce qui constitue de la souffrance, selon moi et la majorité des Canadiens — ou de la captivité d’animaux tels que les grands singes, les éléphants et les grands félins. Ces pratiques causent des souffrances inutiles, et la grande majorité des Canadiens s’y oppose.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Plett : J’ai suivi l’ensemble des débats depuis une autre réunion à laquelle j’assistais, et je suis donc désolé de ne pas avoir été présent. Malheureusement, nous avons un gouvernement qui essaie d’éliminer l’opposition, et c’est ce qui m’a tenu occupé.

Mes questions s’adressent au témoin d’Animal Justice. J’ai deux questions assez précises et je vous demande de répondre assez brièvement.

En regardant la discussion à la télévision, j’ai eu l’impression qu’on adressait pas mal de critiques à Aquariums et zoos accrédités du Canada, ou AZAC, et pas autant à l’Association of Zoos and Aquariums, ou AZA. Diriez-vous que l’AZA est une meilleure organisation qu’AZAC?

Mme Mitchell : Il est certain que les normes de l’AZA sont généralement plus strictes. Je ne veux pas porter gravement atteinte à qui que ce soit à AZAC. J’ai en fait parlé à certains membres du conseil d’administration et je pense que des personnes qui y travaillent essaient sincèrement d’améliorer la situation. Or, l’organisation est extrêmement plus petite. Pour autant que je sache, elle compte moins de deux employés. Comme je l’ai dit, les normes ne sont objectivement pas aussi strictes.

Le sénateur Plett : Je vous remercie de cette réponse très honnête. Comme vous le savez probablement, l’AZA est très favorable aux éléphants et aux grands singes en captivité, tout comme AZAC. Que pensez-vous de cela, à savoir que l’AZA, sur cette question particulière, est en phase avec AZAC?

Mme Mitchell : Sur cette question particulière, comme vous avez pu le constater, je l’espère, Animal Justice travaille en coordination avec les principaux zoos canadiens. Nous faisons de notre mieux pour parvenir à un accord sur de nombreux points. Il sera intéressant de connaître le point de vue de ces zoos sur la captivité des éléphants, mais je crois savoir que les zoos de Toronto, de Calgary, de Granby et du parc Assiniboine, ainsi que les zoos de l’AZA, ne sont pas favorables au maintien de la captivité des éléphants dans leurs installations.

Le sénateur Plett : Je vous remercie. Je comprends. Je suis originaire de Winnipeg et j’ai souvent visité le zoo du parc Assiniboine. Je trouve assez hypocrite qu’on puisse penser que les ours polaires peuvent être gardés en captivité, mais pas les éléphants. Quoi qu’il en soit, il s’agit là d’un problème. Il me semble qu’Animal Justice fait un peu de tri sélectif. Lorsque vous souscrivez aux approches de l’AZA, vous la soutenez; dans d’autres cas, vous ne souscrivez pas à son point de vue. Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour votre réponse.

Vous avez indiqué avoir visité un certain nombre de zoos en Ontario qui se trouvaient dans des conditions déplorables. Ces généralisations me dérangent un peu. Les zoos que vous avez visités et qui se trouvaient dans des conditions déplorables étaient-ils accrédités par l’AZA ou AZAC?

Mme Mitchell : Plusieurs l’étaient, oui.

Le sénateur Plett : Pouvez-vous les nommer?

Mme Mitchell : Oui, bien sûr. Nous avons des images provenant d’un certain nombre de zoos. Je vais vous les transmettre, alors vous n’aurez pas à me croire sur parole. Vous pourrez constater l’état des lieux par vous-même.

Nous avons recueilli des images auprès de nombreux zoos de l’Ontario. Je crois même que nous en avons potentiellement de tous les zoos de la province. Les deux zoos accrédités par l’AZAC pour les grands félins étaient African Lion Safari et Safari Niagara. Nous avons également des images du zoo de Burnaby, du zoo de Papanack, du Greenview Park & Zoo, de Jungle Cat World, de Killman Zoo et de Twin Valley Zoo. Je pourrais continuer, mais, comme je l’ai dit, ces animaux vivent dans des conditions déchirantes. Il y a tant de stéréotypie, de va‑et-vient dans des cages vides et métalliques. C’est vraiment inacceptable.

Le sénateur Plett : Il s’agit donc bien d’une opinion, car j’ai également visité le zoo African Lion Safari et quelques autres zoos, et je pense le contraire.

La présidente : Votre temps est écoulé, sénateur Plett.

Le sénateur Plett : C’est plus une opinion qu’un fait. Merci.

La sénatrice Simons : Ma question s’adresse à Mme Fernandez. Je tiens à vous remercier du tableau, car je ne suis pas une constitutionnaliste. Je le trouve très utile.

Le projet de loi, tel que défini présentement, traite des grands singes et des éléphants. Nous avons entendu un certain nombre de témoins qui ont suggéré d’ajouter toutes sortes d’animaux, des chats exotiques aux dasyures, en passant par les serpents et les tortues. En ce qui concerne les dispositions relatives à la propriété — c’est-à-dire que plus nous éloignons de la mégafaune des zoos accrédités et plus nous nous rapprochons d’animaux qui sont traités comme des animaux de compagnie et des biens — si nous voulions amender le projet de loi, aurions-nous des problèmes constitutionnels si, par exemple, il était question de boas constrictors de compagnie? Je pense que la question que je cherche à poser maladroitement est la suivante : moins les animaux sont charismatiques et intelligents, plus ils deviennent des biens, c’est cela?

Mme Fernandez : C’est une excellente question. Je vous en remercie.

Je comprends ce que vous dites et votre point de vue, mais techniquement, ils ne seraient ni plus ni moins que des biens. Ils seraient toujours des biens. Ce que nous voudrions toujours savoir dans le cadre de l’analyse constitutionnelle, c’est si les effets sur le bien sont accessoires ou non.

Je pense que plus vous vous préoccupez de la moralité et de la sécurité publique, plus cela éclipsera l’impact sur le bien. Vous avez mentionné les boas constrictors et les pythons. Il y a eu le cas de deux petits garçons au Nouveau-Brunswick. Je pense que c’est l’exemple que beaucoup d’entre nous ont en tête lorsqu’il est question de sécurité publique et de comprendre pourquoi c’est si important pour les animaux sauvages en captivité qui ne sont pas censés être dans ces situations. Les gens en font des animaux de compagnie. C’est tout à fait légal, mais si le gouvernement décide que « c’est suffisamment important pour dire aux gens que ce ne sera plus possible de le faire » et si c’est une question de moralité et de sécurité publique, la Constitution lui permet de le faire. Les effets accessoires sur le bien ne sont que cela.

La sénatrice Simons : Vous avez parlé dans votre tableau de la preuve intrinsèque inscrite dans le préambule. Le fait que cette ligne figure dans le préambule me met un peu mal à l’aise, car elle affirme comme un fait scientifique ce que je considère comme une opinion morale, même si j’y suis plutôt sympathique. Cela m’inquiète, parce qu’étant donné que c’est l’en-tête du projet de loi, tout ce qui en découle doit être englobé dans ce cadre. Par exemple, en ce qui concerne les crocodiliens, je ne me soucie pas de la moralité de l’élevage de crocodiles. Je pense que c’est une idée stupide, parce qu’ils mangent des gens.

Que pensez-vous de mon inquiétude quant au fait que le préambule pourrait constituer un obstacle à un amendement ultérieur du projet de loi?

Mme Fernandez : Oui, je vous ai entendu poser cette question à d’autres témoins la semaine dernière, alors j’y ai un peu réfléchi.

Je crains qu’en supprimant cette ligne, vous ne perdiez votre lien non seulement avec la moralité, mais aussi avec le pouvoir fédéral, la compétence fédérale.

La sénatrice Simons : Vous dites que cette ligne est l’un des éléments qui rendent le projet de loi constitutionnel.

Mme Fernandez : C’est très important. Nous avons parlé de tout ce qui pourrait être modifié et précisé. Je ne crois pas que ce soit le cas de cette ligne.

La sénatrice Simons : Merci de votre aide.

La présidente : Merci. Honorables sénateurs, nous avons reçu une invitation du zoo African Lion Safari, que vous avez sous les yeux. J’ai pensé qu’il serait préférable d’en parler à huis clos parce qu’il s’agit d’une question administrative, mais on s’y est opposé, alors nous allons poursuivre en public.

Vous avez tous l’invitation sous les yeux. Nous avons eu une réunion du comité directeur hier, et la majorité a jugé que nous ne devrions pas y aller, mais nous nous sommes entendus pour en discuter ici.

La sénatrice Batters : Je trouve cela important, parce que le zoo African Lion Safari est le principal établissement au Canada qui serait affecté par le projet de loi S-15. La représentante de ce zoo nous a invités à le visiter lors de son témoignage, et chaque membre du comité a maintenant reçu une invitation officielle.

Nous avons eu des discussions avec divers témoins, et ils n’étaient pas tous du même avis. Je pense que ce serait une excellente façon de voir les choses de visu étant donné que nous allons prendre des décisions à propos de ce projet de loi qui aura un impact certain sur cet établissement. Mon collègue, le sénateur Plett, qui est le porte-parole du projet de loi, et le sénateur Carignan ont dit, en interrogeant les témoins, que cela pourrait nous être très utile. Le site est très proche de nos locaux ici, ce qui est plutôt pratique. Ce zoo détient le plus grand troupeau d’éléphants en captivité au Canada, comme l’indique le projet de loi. J’estime que nous devrions voir ce qu’il en est par nous-mêmes avant de prendre une décision quant au projet de loi.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je crois qu’on pourrait aller à cette rencontre et à cette visite des lieux pour deux raisons. Premièrement — et la sénatrice Batters a effleuré le sujet —, cette organisation fait partie de celles qui seront les plus affectées par cette interdiction. Je crois que c’est une question d’équité et de justice naturelle que de s’assurer que les personnes qui ont un point de vue à faire valoir avant qu’on prenne une décision aient toutes les chances possibles de nous éclairer et de faire valoir leur point de vue. Je crois que le fait de le voir en personne est beaucoup plus facile.

Deuxièmement, en me préparant pour la réunion d’aujourd’hui, je lisais des reportages et des témoignages de l’experte d’Animal Justice, dont j’oublie le nom, mais qui a témoigné au sujet du projet de loi qui avait pour but d’interdire l’exportation des chevaux. Un de ses principaux arguments était de dire qu’elle était allée à Winnipeg voir la zone d’exportation où les chevaux étaient détenus et qu’elle avait vu de ses yeux que c’était cruel. Je crois que cela ajoute à la crédibilité et à la connaissance requises pour appuyer ou s’opposer à la disposition que nous étudions. On a rarement fait cela au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, du moins à ma connaissance. On ne l’a pas fait souvent, mais dans les circonstances, je le recommanderais.

[Traduction]

Le sénateur Plett : J’ai une question très rapide, madame la présidente, et j’aimerais ensuite faire des commentaires. Vous avez dit que la majorité du comité directeur avait voté contre l’idée. L’ensemble du comité directeur était-il présent?

La présidente : Le sénateur Prosper n’était pas là, mais le reste d’entre nous étaient présents.

Le sénateur Plett : Merci.

Je veux, en grande partie, faire écho à ce qui a été dit, mais je veux aussi ajouter autre chose. Comme tout le monde le sait, j’ai été porte-parole pour les projets de loi S-203 et S-241, et je suis porte-parole pour ce projet de loi. Je prends mon travail au sérieux, et quand je décide de parrainer un projet de loi ou d’en devenir le porte-parole, je l’étudie du mieux que je peux. Je vais parler aux gens qui seront les plus touchés.

J’ai visité des zoos et des aquariums à Vancouver, à Toronto, à Montréal et à Québec. J’en ai vu beaucoup. Un certain nombre d’accusations ont été portées contre des zoos, et plus particulièrement contre l’African Lion Safari, et Animal Justice vient de dire que ce zoo gardait les animaux dans des conditions déplorables, et tout cela sans preuve. C’est ce qu’on dit, tout simplement.

African Lion Safari a fait tout en son pouvoir pour nous informer. Si ses représentants ont tort, il faut le prouver. Ils nous ont envoyé des vidéos de ce qu’ils font. Je ne sais pas si tout le monde ici les a regardées, mais tous les membres du comité et tous les sénateurs les ont reçues.

Le parc se trouve à cinq heures de route d’ici. Il serait très facile pour le comité de faire un voyage d’une journée, peut-être en nous rendant vers nos lieux de résidence le vendredi; nous pourrions ensuite rentrer à la maison le samedi. Ce ne serait pas très coûteux pour le Sénat.

Les comités sénatoriaux se sont déplacés à maintes reprises. Le Comité des droits de la personne s’est déplacé...

La présidente : Sénateur Plett, nous devons nous arrêter à 13 h 55.

Le sénateur Plett : Donc, en gros, vous n’allez pas entendre de témoignages ou d’arguments jusqu’à ce que vous ayez terminé?

La présidente : Non, je ne veux pas prendre la parole. Je dis simplement que nous sommes tous au courant des déplacements du Comité des droits de la personne. Je me préoccupe du temps qu’il nous reste.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Bien que je comprenne les enjeux associés aux visites, je souligne que nous avons récemment décidé de ne pas nous rendre à l’Établissement de Millhaven dans le cadre de notre étude sur les conséquences de l’isolement des prisonniers. Il me semble que, pour des animaux, nous pourrions obtenir les mêmes renseignements en regardant des vidéos qu’en nous rendant sur place. À mon avis, nous ne devrions pas effectuer ce déplacement.

Le sénateur Klyne : Je pense qu’il serait inapproprié pour le comité de visiter l’African Lion Safari avec l’argent des contribuables, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, notre processus consiste à entendre des témoins experts, comme nous l’avons fait hier et aujourd’hui, puis à prendre une décision en fonction des témoignages. Il est très rare et coûteux que les comités se déplacent pour étudier des projets de loi. Je sais que nous l’avons déjà fait et que d’autres comités ont voyagé, mais je trouve que ce voyage-ci serait un peu hors catégorie.

Deuxièmement, les sénateurs ne sont pas qualifiés pour évaluer le bien-être ou les conditions de captivité des éléphants, alors même si nous y allions, nous... Du moins, je ne serais pas en mesure d’évaluer la situation de façon claire.

Le sénateur Plett : [Difficultés techniques] sur la Colline.

Le sénateur Klyne : Nous n’y verrions probablement pas les pratiques problématiques comme la séparation des familles ou l’utilisation du crochet à éléphant en hiver. À mon avis, ce serait une importante occasion de lobbying pour l’African Lion Safari. Je ne dis pas qu’il ne doit pas faire de promotion. C’est ce qu’il a fait hier. Merci.

La présidente : Sénateur Plett, je vais vous accorder une minute pour terminer votre intervention.

Le sénateur Cotter : Je vais aussi céder mon temps de parole au sénateur Plett pour qu’il termine son intervention.

Le sénateur Plett : Merci. Nous ne sommes pas des scientifiques. C’est l’une des choses que j’allais dire. Or, on nous demande de voter sur un projet de loi. Le parrain du projet de loi n’est même pas allé visiter cette chose qu’il critique.

Nous avons entendu des scientifiques nous dire qu’il existe des preuves scientifiques irréfutables sur le sujet. C’est ce que nous avons entendu de la part des deux camps, mais ce qui est important, surtout, c’est qu’il n’est pas nécessairement question de prendre une décision scientifique ici. Nous prenons une décision sur le bien-être social d’un animal. On a surtout parlé des éléphants... qui sont des êtres sociaux. Nous pouvons prendre une décision en fonction de la valeur sociale d’une question, et non de sa valeur scientifique.

La majorité des témoins qui ont parlé des éléphants ont dit qu’ils étaient des êtres sociaux. Alors, pourquoi ne pas voir s’ils sont heureux et leur poser la question? Il semble qu’ils peuvent nous parler, selon ce que nous avons entendu aujourd’hui. Alors, pourquoi ne pas aller leur demander s’ils sont heureux?

Nous avons dépensé des centaines de milliers de dollars. La sénatrice Pate ne pouvait pas se rendre à Millhaven. Il s’agit d’un seul cas. Elle s’est rendue dans plusieurs établissements avec les comités, notamment dans un qui n’avait pas été autorisé. Le comité des affaires juridiques s’est déplacé lorsque le sénateur Runciman en était le président. Ce n’est pas nouveau.

De toute façon, madame la présidente, la décision a été prise par les membres du comité. « Ne me compliquez pas la vie avec les faits; ma décision est prise. » Je vais en rester là, mais je suis très déçu de voir que nous sommes si fermés à l’idée de prendre le temps d’obtenir toutes les données probantes possibles.

La sénatrice Batters : Comme on l’a dit plus tôt, il y a plusieurs années, lorsque le sénateur Runciman était président du comité, nous nous étions déplacés dans le cadre de notre étude d’un projet de loi sur les contrevenants non criminellement responsables, et avions visité un établissement correctionnel — à Brockville, je crois — afin de voir les conditions d’incarcération dont il était question dans le projet de loi du gouvernement.

En ce qui a trait à l’exemple cité par la sénatrice Pate, la visite n’avait pas eu lieu parce que le comité avait déjà procédé à l’étude article par article et que nous n’avions pas d’autres fonctions.

Le sénateur Klyne : J’ai une question. Quel est le coût du déplacement?

La présidente : Nous devons visiter deux zoos; c’est donc 50 000 $.

Sénateurs, la décision vous revient. Que ceux qui souhaitent visiter le zoo disent « oui ».

Des voix : Oui.

La présidente : Que ceux qui ne souhaitent pas visiter le zoo disent « non ».

Des voix : Non.

La présidente : Je crois que les « non » l’emportent.

Le sénateur Plett : J’aimerais un vote par appel nominal, s’il vous plaît.

La présidente : D’accord. Bien sûr. Qui souhaite visiter le zoo?

Vincent Labrosse, greffier du comité : L’honorable sénatrice Jaffer?

La sénatrice Jaffer : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Carignan, c.p.?

Le sénateur Carignan : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Clement?

La sénatrice Clement : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Cotter?

Le sénateur Cotter : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Klyne?

Le sénateur Klyne : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice McBean?

La sénatrice McBean : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Non.

M. Labrosse : L’honorable sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Oui.

M. Labrosse : L’honorable sénatrice Simons?

La sénatrice Simons : Non.

M. Labrosse : Trois oui, huit non et aucune abstention.

La présidente : La motion est donc rejetée.

Sénateurs, nous poursuivrons notre réunion lorsque nous reviendrons de la pause d’une semaine.

(La séance est levée.)

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