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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 29 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 14 h 35 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices. Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales et bienvenue à notre invitée du jour, l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre.

Avant de commencer la réunion, j’aimerais prendre un moment pour rendre hommage à l’honorable Joseph A. Day, qui est décédé cette semaine.

Comme vous le savez, le sénateur Day a représenté le Nouveau-Brunswick au Sénat de 2001 à 2020, mais plus particulièrement, il a présidé ce comité avec beaucoup de brio pendant neuf ans, soit de la première session de la 39e législature au début de la première session de la 42e législature, donc de 2006 à 2015. J’aimerais que nous observions un moment de silence en son honneur.

(Les personnes présentes observent une minute de silence.)

Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.

Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes, qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité des participants, y compris les interprètes. Dans la mesure du possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones. N’utilisez qu’une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment.

Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci à tous de votre coopération.

Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices et ainsi qu’à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca.

Je m’appelle Claude Carignan, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec. Bienvenue, madame la ministre.

Le sénateur Gignac : Bienvenue, madame la ministre. Clément Gignac, du Québec.

Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, division De Lorimier, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Bonjour. Pat Duncan, sénatrice du Yukon.

Le sénateur Loffreda : Madame la ministre Freeland, soyez la bienvenue. Sénateur Loffreda de Montréal, Québec, et fier parrain du projet de loi C-69.

Le sénateur Cardozo : Bienvenue, madame la ministre. Andrew Cardozo, de l’Ontario.

La sénatrice Pate : Bienvenue. Je m’appelle Kim Pate. J’habite ici sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinaabe.

La sénatrice Kingston : Bienvenue. Joan Kingston, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice MacAdam : Bienvenue. Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Ross : Bienvenue. Krista Ross, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Marshall : Je suis Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.

[Français]

Le président : Merci, chers collègues. Nous poursuivons notre étude de la teneur complète du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, qui a été renvoyé à ce comité par le Sénat du Canada, le 9 mai 2024.

Aujourd’hui, nous accueillons l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances. La ministre sera avec nous pour 90 minutes, avec une ou deux petites interruptions pour des votes, mais tentera de rattraper le temps par la suite pour atteindre notre 90 minutes. Merci, madame la ministre, je vous donne la parole. Vous êtes accompagnée de Chris Forbes, sous-ministre, ministère des Finances.

L’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances : Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs, pour votre travail acharné.

Je suis heureuse de me présenter devant vous et les membres du comité pour discuter du projet de loi C-59 et du projet de loi C-69. Ces deux projets de loi font partie intégrante du plan économique de notre gouvernement en vue de bâtir un pays équitable pour chaque génération.

[Traduction]

J’aimerais d’abord évoquer certains éléments cruciaux du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne, qui a été déposé au Parlement le 21 novembre 2023 ainsi que certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023. Ce projet de loi contribuera à améliorer l’offre en matière de logement et d’ainsi faire baisser les coûts de l’immobilier. Il supprimera temporairement la TPS sur les logements locatifs neufs construits pour ou par des coopératives d’habitation. Il s’agit d’une mesure très importante que je suis heureuse de présenter.

Le projet de loi C-59 contribuera à rendre la vie plus abordable pour les Canadiennes et les Canadiens. Tablant sur les changements mis de l’avant aux termes du projet de loi C-56, Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, le projet de loi C-59 modifiera la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence de manière à les rendre plus modernes et plus efficaces et d’ainsi mieux protéger les Canadiennes et les Canadiens.

[Français]

Combinées, ces modifications apporteront des changements générationnels au régime de concurrence du Canada, et grâce à une meilleure concurrence, les consommatrices et consommateurs canadiens auront plus de choix, ce qui aidera à faire baisser les prix.

[Traduction]

Le projet de loi C-59 éliminera également la TPS et la TVH sur les services de psychothérapie et de counselling afin de rendre les soins de santé mentale plus accessibles. Les familles qui adoptent un enfant auront droit à une nouvelle prestation d’assurance-emploi d’adoption leur accordant 15 semaines de prestations partageables pour les aider à accueillir leur nouvel enfant. Pour les femmes travaillant dans des secteurs réglementés par le gouvernement fédéral, il créera un congé payé en cas de fausse couche — ce que je suis très heureuse que nous soyons en mesure de faire.

Pour bâtir une économie plus vigoureuse et plus verte, le projet de loi C-59 inscrira dans la loi le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone et le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres. Ces crédits d’impôt à l’investissement sont conçus pour stimuler l’investissement et créer des emplois au Canada, et ils feront en sorte de placer le Canada dans le peloton de tête pour ce qui est d’attirer les investissements.

Les exigences en matière de main-d’œuvre liées à ces crédits d’impôt à l’investissement assureront que les travailleurs canadiens puissent profiter directement des salaires d’employés syndiqués en vigueur et des possibilités d’apprentissage. Ces dispositions sur la main-d’œuvre constituent en fait une réalisation historique pour les travailleurs de notre pays.

[Français]

Monsieur le président, j’aimerais maintenant vous parler du projet de loi C-69. Le projet de loi C-69 aidera à rendre la propriété plus accessible, surtout pour les milléniaux et la génération Z. Pour y arriver, le projet de loi propose de nouveaux outils non imposables pour aider les jeunes Canadiennes et Canadiens à épargner pour la première mise de fonds. Par exemple, il améliore le régime d’accession à la propriété, qui permet d’utiliser les REER pour faire une mise de fonds. La limite de retrait passera de 35 000 $ à 60 000 $, ce qui permettra aux acheteuses et acheteurs d’économiser plus rapidement pour une mise de fonds, d’avoir une plus petite hypothèque, de payer moins d’intérêt et d’avoir des paiements hypothécaires moins élevés.

[Traduction]

Le projet de loi débloquera également l’offre de logements pour les Canadiennes et les Canadiens en s’attaquant aux locations à court terme qui ne respectent pas les restrictions provinciales ou municipales, et il prolongera de deux ans l’interdiction d’achat de résidences canadiennes par des acheteurs étrangers, parce que les maisons devraient servir aux Canadiennes et aux Canadiens qui cherchent à se loger et non d’actifs spéculatifs pour investisseurs étrangers.

Le projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, renforcera également le filet de sécurité sociale du Canada. Entre autres mesures, il mettra en place un nouveau programme national d’alimentation en milieu scolaire ainsi que l’inscription automatique au Bon d’études canadien afin d’aider un plus grand nombre de familles à faible revenu à investir dans l’éducation postsecondaire de leurs enfants et à en assumer les coûts.

Pour faire baisser le coût de la vie, le projet de loi prévoit en outre des dispositions qui rendront les changements de forfaits Internet et de téléphonie moins coûteux et plus faciles.

[Français]

Pour attirer plus d’investissements et créer plus de bons emplois, le projet de loi mettra en place des crédits d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologie propre et le crédit d’impôt à l’investissement dans l’hydrogène propre. Il prolongera d’un an le crédit d’impôt à l’exploration minérale.

[Traduction]

Enfin, le projet de loi mettra en place notre nouveau programme de garantie de prêts pour les Autochtones, doté d’une enveloppe de 5 milliards de dollars. C’est une mesure d’une grande importance sur le plan historique. Ce programme permettra de débloquer l’accès aux capitaux pour les communautés autochtones, de créer des débouchés économiques et de faire progresser le volet économique de la réconciliation.

Monsieur le président, les projets de loi C-59 et C-69 sont des éléments essentiels de notre plan économique visant à bâtir un Canada qui fonctionne pour toutes les générations, notamment pour les jeunes — un Canada où ils peuvent progresser et où être justement récompensés pour leur travail acharné.

Je vous remercie de votre attention. Je serai ravie de répondre aux questions des sénatrices et sénateurs du comité.

[Français]

Le président : Merci, madame la vice-première ministre.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Bienvenue, madame la ministre, et bienvenue également, monsieur Forbes.

Lorsque je regarde vos documents budgétaires, je constate que vous franchirez d’importantes étapes cette année. Les dépenses gouvernementales vont dépasser le demi-billion de dollars, et le service de la dette publique va dépasser les 50 milliards de dollars, soit 1 milliard de dollars par semaine. Lorsque votre budget sera adopté, vous aurez le pouvoir de dépenser encore et encore, et de porter notre dette à plus de 2 000 milliards de dollars. Je veux parler de l’utilisation de cet argent.

Vous avez dépensé des milliards pour le logement, mais les mises en chantier sont en baisse.

Vous avez dépensé des milliards pour les soins de santé, mais notre système de santé s’est effondré.

Vous avez dépensé des milliards pour la garde d’enfants, mais des milliers de familles n’arrivent pas à trouver de place en garderie.

Vous avez dépensé plus d’argent pour lutter contre l’itinérance, mais le nombre de sans-abri augmente.

Vous avez dépensé des milliards de dollars au cours des neuf dernières années pour faire croître la classe moyenne, mais en fait, après neuf années de dépenses, notre classe moyenne rétrécit.

Notre PIB par habitant est en baisse, signe que notre niveau de vie diminue, et des millions de Canadiens font la queue aux banques alimentaires.

Vous dépensez de l’argent, mais vous n’obtenez pas les résultats escomptés. Vous laissez aux millénaux et aux générations futures une dette écrasante, et vous avez perdu la confiance des Canadiens.

Vous avez indiqué que ce budget est votre plan économique, mais il ne contient rien, madame la ministre, pour alléger la souffrance des Canadiens.

Pourquoi votre budget ne reconnaît-il pas la souffrance qu’éprouve la population canadienne?

Mme Freeland : Sénatrice, je vous remercie de votre question. Je vous remercie de l’attention que vous portez aux documents budgétaires.

Vous avez soulevé de nombreux points. Permettez-moi d’essayer de répondre à quelques-uns d’entre eux.

À un niveau élevé, je dirais qu’il s’agit d’un budget fondé sur l’équité pour toutes les générations. C’est un budget qui vise à accélérer la construction de logements, parce que nous reconnaissons que nous devons le faire.

C’est un budget qui vise à rendre la vie plus abordable, grâce à des mesures comme les soins dentaires, l’assurance-médicaments et un programme national d’alimentation en milieu scolaire.

C’est un budget axé sur la croissance économique, avec des mesures comme le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones et les crédits d’impôt à l’investissement.

Bien que j’accepte volontiers que nous, autour de cette table, puissions avoir des désaccords sur le plan idéologique et peut‑être sur le plan des valeurs, j’aimerais paraphraser Daniel Patrick Moynihan, qui a dit que chacun a droit à ses opinions, mais que les faits sont les faits. Je pense qu’il est important d’être très clair sur un fait : l’approche de notre gouvernement est responsable sur le plan fiscal. Cela ne vient pas de moi, mais des agences de notation qui ont réaffirmé la cote AAA du Canada après le budget.

Je sais que le comité a accueilli le directeur parlementaire du budget, la semaine dernière, je crois. Le directeur parlementaire du budget, qui est un agent indépendant du Parlement, a dit sans équivoque que le Canada a une approche admirablement responsable sur le plan fiscal.

Ce n’est pas une question d’opinion. C’est une question de fait.

La sénatrice Marshall : En quoi une dette de 2 000 milliards de dollars est-elle équitable? Nous ne serons plus là pour la rembourser. Nous la laissons à nos enfants et à nos petits-enfants. Vous ne faites que dépenser. Vous avez perdu le contrôle de vos dépenses. Nous aurons une dette de plus de 2 000 milliards de dollars. C’est ce qu’indique votre budget.

Dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, les personnes âgées disent que le gouvernement les a oubliées. Elles n’ont pas les moyens de payer leur loyer. Elles n’ont pas les moyens de chauffer leur maison. Elles fréquentent les banques alimentaires. Elles n’ont pas les moyens de vivre. Ce n’est pas tout le monde qui a cette perception aussi optimiste de l’économie. Les agences de notation veulent seulement s’assurer de percevoir les intérêts de la dette.

Vous continuez d’augmenter les impôts. Oui, certains seront contents, mais les Canadiens souffrent, les personnes âgées souffrent. Les jeunes n’ont pas les moyens de payer leur hypothèque. Ils n’ont pas les moyens de payer leur loyer. Ils dorment dans leur voiture.

Ensuite, nous voyons un budget de 600 ou 700 pages, et les personnes âgées et les jeunes disent : « Il n’y a rien pour moi dans ce budget. Le gouvernement m’a oublié. »

Mme Freeland : Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice, je suis fortement en désaccord avec presque tout ce que vous avez dit. Concernant la responsabilité budgétaire, les agences de notation font preuve d’une grande prudence dans leurs analyses, et elles ont très clairement indiqué que la situation financière du Canada est responsable sur le plan fiscal. Le directeur parlementaire du budget vous a dit la même chose, mais j’aimerais parler du point que vous avez soulevé au sujet des difficultés que connaissent les Canadiens.

Le Canada et le monde traversent indéniablement une période difficile actuellement. Voilà pourquoi je demanderais aux sénateurs ici présents d’appuyer ces mesures avec empressement. Un programme national d’alimentation en milieu scolaire, par exemple, est attendu depuis longtemps au Canada et pourra être mis en place grâce à ce budget. Cela permettra à 400 000 enfants de plus, partout au pays, d’aller à l’école le ventre plein. J’ose espérer que tous appuieront cette mesure.

La sénatrice Marshall : Je pense, madame la ministre, que vous devriez parler à quelques-unes des deux millions de personnes qui font la queue aux banques alimentaires.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci, madame la ministre. Ma première question porte sur la section 16 de la partie 4, qui prévoit la mise en application législative des composantes principales dans le cadre des services bancaires pour les gens. Votre volonté de faire un système ouvert d’échange se heurte déjà à un problème : les coopératives et autres institutions sous juridiction provinciale devront obtenir la permission des gouvernements provinciaux et accepter d’être régies par deux systèmes de protection des consommateurs. Selon plusieurs, au lieu de simplifier les choses, cela va les compliquer. Pourquoi ne pas avoir adopté une approche plus collaborative? Par exemple, les banques et les coopératives participent déjà au système Interac, cela fonctionne très bien et cela n’empêche pas le gouvernement fédéral de surveiller le système. Ne sommes-nous pas en train de créer un environnement qui serait plus propice aux désaccords constitutionnels, alors qu’il serait possible de les éviter?

Mme Freeland : Je vous remercie pour la question. Je veux vous assurer que pour notre gouvernement — et je dirais pour moi personnellement —, prendre une approche collaborative avec les provinces, dont le Québec, est une priorité. Nous avons des relations très collaboratives avec M. Eric Girard, ministre des Finances du Québec. On travaille vraiment en étroite collaboration. Comme vous le savez, l’approche qu’on a adoptée est une approche optionnelle. C’est juste un premier pas. Je peux vous assurer qu’on collabore activement avec la province de Québec. On va continuer de le faire.

Le Québec est un leader dans les entreprises novatrices au Canada, y compris les entreprises de technologie financière. Quand nous avons parlé de cette approche de système bancaire ouvert, ce sont des entreprises du Québec qui étaient parmi les plus actives en nous disant que c’est important pour le Canada de créer un système, une structure. Je veux vous assurer que c’est juste le premier pas, et on comprend l’importance d’une collaboration avec la province de Québec.

Le sénateur Forest : Le Mouvement Desjardins est un joueur fort important dans le domaine financier au Québec. Il devra avoir l’autorisation du gouvernement du Québec pour participer au système bancaire ouvert. Est-ce que vous avez eu des discussions à ce sujet? Quelle est la position du Québec actuellement pour ce qui est d’autoriser le Mouvement Desjardins à participer au système?

Mme Freeland : Je ne vais pas faire de commentaires sur les relations avec des institutions financières particulières, mais je veux vraiment vous assurer que l’on comprend l’importance de collaborer avec le Québec sur tous les enjeux, mais particulièrement sur cet enjeu. On est en train de consulter la province et les institutions financières de la province.

Le sénateur Forest : Toujours sur les services bancaires pour les gens, la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada est modifiée pour permettre d’élargir le mandat de l’agence, afin d’y inclure la supervision du cadre des services bancaires pour les gens et pour créer un poste de sous‑commissaire principal aux services bancaires pour les gens qui sera responsable de la supervision du cadre. Certains ont remis en question le fait que la responsabilité de superviser le cadre des services bancaires pour les gens soit confiée à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Il semble que la Banque du Canada aurait été un choix plus naturel, puisqu’elle œuvre déjà dans le domaine de l’établissement des normes et qu’elle possède son propre centre de recherche. Quelle est la motivation de créer un nouveau poste de commissaire et de confier à l’agence cette responsabilité?

Mme Freeland : C’est une très bonne question. On a beaucoup discuté de cette structure au ministère des Finances avec plusieurs experts. On a pris du temps. On sait d’un côté qu’on a besoin d’un système, on doit ouvrir notre système, on doit créer des possibilités pour les innovateurs et surtout pour les consommateurs canadiens. On sait qu’on doit aller de l’avant. En même temps, on sait que c’est un moment important et on doit faire les bons choix. Le choix qu’on a fait est de mettre les consommateurs au centre de nos préoccupations. Aujourd’hui, quand tout le monde pense à l’abordabilité, au coût de la vie, pour nous, la chose la plus importante est d’être certain qu’on va servir les Canadiens et Canadiennes. C’est la motivation principale de notre choix.

Le président : Merci, madame la ministre.

Le sénateur Gignac : Merci, madame la ministre. Je vous remercie de vous rendre disponible. On sait que ce sont des semaines assez chargées, donc c’est très apprécié.

Je vais rebondir sur les questions de mon collègue le sénateur Forest, étant donné que le Comité des banques, dont je fais partie, examine la section 16 concernant le nouveau cadre du système bancaire ouvert. Parlons de la gouvernance. Il est vrai que cela a surpris les gens que vous ayez confié le mandat à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, parce que le nouveau sous-commissaire va œuvrer au sein de cette agence de consommation et que l’agence a un pouvoir de sanction financière et de supervision pour protéger les consommateurs. Au Québec, en ce qui concerne la conduite des acteurs financiers, le Québec a aussi des pouvoirs. Pourquoi n’avez-vous pas adopté un autre modèle de gouvernance?

Par exemple, pour les fonds de pension, on a l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada — il y a les provinces et le fédéral. Pourquoi ne pas adopter un autre concept de gouvernance où on aurait créé un conseil d’administration où l’on aurait retrouvé le gouvernement fédéral, le Bureau du surintendant des institutions financières, l’agence de protection des consommateurs, mais aussi l’Autorité des marchés financiers, donc des acteurs fédéraux et provinciaux? Ils sont habitués à collaborer. Là, on a un organisme et le sous‑commissaire relève de vous, ni plus ni moins, mais il n’y a pas de mécanisme de consultation. Êtes-vous ouverte à l’idée d’envisager autre chose sur le plan de la gouvernance?

Mme Freeland : Merci pour la question. J’apprécie énormément que l’on mette l’accent sur cette initiative, parce que je suis d’accord avec vous et le sénateur Forest pour dire que c’est vraiment important pour le Canada.

Je vais vous dire deux choses.

Premièrement, on est ouvert à toutes les idées et à toutes les suggestions, parce que c’est vraiment quelque chose de nouveau pour le Canada et on comprend qu’il est important d’être à l’écoute. C’est pourquoi c’est maintenant une structure optionnelle; on vient tout juste de commencer et on est en train de faire des consultations, y compris avec les provinces, avec les institutions financières et avec les honorables sénateurs.

Deuxièmement, je peux vous assurer que créer cette structure et proposer cela, ce n’est pas le travail d’un jour. On a beaucoup travaillé et plusieurs experts ont beaucoup travaillé pour proposer ce qui a été proposé.

Troisièmement, je suis convaincue que oui, on doit surtout faire des consultations avec les provinces, mais on doit aussi aller de l’avant, parce que ce que j’entends de la part des Canadiens et Canadiennes, des innovateurs et des entrepreneurs, c’est que c’est le moment pour le Canada de créer un tel système.

Le sénateur Gignac : Ma seconde question porte sur un autre sujet qui n’est pas couvert par les projets de loi C-69 et C-59, mais qui était dans votre budget. Je profite de votre présence, car je pense qu’il est dans l’intérêt de tout le monde de le savoir.

Ma question porte sur les changements sur le plan de la taxation des gains en capital. Ce n’est pas contenu dans le projet de loi C-69, mais il y a une échéance, qui est le 25 juin, et un projet de loi nous sera probablement présenté.

En 1987, lorsque Michael Wilson, le ministre des Finances du gouvernement conservateur, avait augmenté le taux d’inclusion de 50 % à 66 %, puis à 75 %, il avait quand même d’abord présenté un livre blanc qui avait été déposé six mois plus tôt. Les gens avaient donc eu la chance de s’ajuster. Comme vous le savez, vendre un immeuble de six ou douze logements, ce n’est pas aussi facile que de vendre une action à la bourse sur le plan du liquide. Cela donne très peu de temps aux gens. Beaucoup de gens trouvent que c’est un court préavis.

Pourquoi avoir choisi le 25 juin? Que dites-vous des critiques de Jack Mintz et d’autres, qui disent que ce sera beaucoup plus que 40 000 personnes qui seront affectées par cette mesure chaque année, parce que ce ne seront pas les mêmes d’année en année? Pour le secteur immobilier, le gouvernement serait-il ouvert à l’idée de reporter la date d’application du 25 juin au 1er janvier, par exemple?

Mme Freeland : Merci pour la question. Je vais commencer avec la constatation que vous avez faite au début de votre question. Le Canada a déjà eu un taux d’inclusion de 75 %, qui est plus élevé que le taux d’inclusion que l’on propose. Évidemment, le Canada a déjà eu un taux d’inclusion de 67 %; c’est le taux d’inclusion que l’on propose. Il est important de constater qu’on a déjà fait cela.

Deuxièmement, je ne suis pas ici pour faire des annonces concernant ce régime — et j’apprécie la question —, mais je peux vous donner quelques réponses. Les éléments clés du changement que l’on propose étaient publiés dans le budget. Comme vous le savez, les éléments clés sont les suivants : premièrement, que les taux d’inclusion soient plus élevés à 67 %; deuxièmement — et c’est différent de ce qui existait quand M. Mulroney était premier ministre —, que ce nouveau taux entrera en vigueur juste après le premier gain de 250 000 $ par personne chaque année. Comme vous l’avez fort justement constaté, en général, quand on annonce des changements sur le plan de la taxation, l’entrée en vigueur des changements se produit le jour du budget. On a décidé de ne pas faire cela cette fois; l’entrée en vigueur sera le 25 juin pour donner du temps aux gens.

Le président : Merci.

Le sénateur Gignac : Est-ce que les détails nous seront soumis bientôt? Vous devez déposer un avis de motion de voies et moyens avant le 25 juin, parce que les fiscalistes le réclament.

Mme Freeland : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Bienvenue, madame la ministre. L’année dernière, à peu près à la même période, vous avez comparu devant ce comité au sujet du projet de loi C-47. J’ai exprimé mes préoccupations quant au recours à des projets de loi omnibus et j’ai cité d’autres comités sénatoriaux qui ont demandé au gouvernement de présenter des projets de loi distincts pour plusieurs sections afin de pouvoir les examiner de façon appropriée et efficace. Le rapport du Comité des finances nationales sur le projet de loi C-47 a été clair :

Le comité exprime son inquiétude à l’égard du recours constant à des projets de loi omnibus. Le projet de loi C-47 fait 430 pages et comporte de nombreux articles qui sont sans rapport avec la politique financière du gouvernement, tels que les amendements au Code criminel et à la Loi électorale du Canada. Ils auraient dû faire l’objet de projets de loi distincts. Cette pratique est inacceptable.

Aujourd’hui, le projet de loi C-69 est une autre mesure législative énorme et complexe qui comporte d’importantes modifications corrélatives, notamment la section 28 de la partie 4, qui modifie la Loi sur l’évaluation d’impact.

Madame la ministre, pourriez-vous répondre aux demandes formulées par notre comité pour limiter le recours aux projets de loi omnibus, que les mesures aient été annoncées dans le budget ou non?

Mme Freeland : Je vous remercie de la question. Je tiens à dire quelque chose de très sincère — je serai toujours sincère, mais le commentaire suivant ne pourrait être plus sincère : je respecte vraiment le travail de ce comité sénatorial. Je sais que tout le monde ici fait ce travail avec sérieux et dans le but de rendre le Canada meilleur. J’apprends beaucoup lors de mes comparutions devant ce comité et dans nos discussions. Je prends votre travail au sérieux et je sais que vous le prenez au sérieux aussi.

Comme vous l’avez laissé entendre dans votre question, sénateur, nous nous sommes assurés que chaque point du projet de loi figure dans le texte du budget, soit dans les chapitres, soit dans l’annexe sur les mesures législatives. Nous reconnaissons l’importance de ce point et c’est ce que nous avons fait.

Simplement à titre comparatif, j’aimerais aussi souligner que le projet de loi C-69 est plus court, par exemple, que le projet de loi C-9 de 2010, la loi d’exécution du budget à l’époque où Stephen Harper était premier ministre.

J’ajouterais qu’à mon avis, quelle que soit notre allégeance politique, nous sommes tous animés d’un sentiment d’urgence par rapport à diverses choses dont le Canada et les Canadiens ont besoin. Pour moi, ce sentiment d’urgence concerne le programme national d’alimentation en milieu scolaire. Il faut l’adopter.

Je suis animée de ce même sentiment d’urgence pour ce qui est des crédits d’impôt à l’investissement, dont deux figuraient dans l’Énoncé économique de l’automne et deux dans la Loi d’exécution du budget. Ces mesures doivent être promulguées. Je parle presque tous les jours à des entreprises — canadiennes ou internationales — qui souhaitent investir au Canada, et qui affirment avoir besoin de savoir avec certitude que cette mesure législative sera adoptée.

Comme vous le savez, l’adoption de projets de loi et leur examen en comité parlementaire, à l’autre endroit, peuvent parfois être très difficiles. Il y a beaucoup d’obstruction...

Le sénateur Smith : Avant que mon temps ne soit écoulé...

Mme Freeland : Pour moi, il est urgent de mettre en place les mesures dont les Canadiens ont besoin.

Le sénateur Smith : Le problème est lié au processus, pas nécessairement aux politiques. Je pense que c’est une considération importante lorsqu’il est question de projets de loi omnibus, car nous ne pouvons pas faire notre travail correctement lorsque nous sommes obligés d’étudier de volumineux documents contenant des mesures qui ne sont pas liées aux programmes. Or, nous voulons faire notre travail le mieux possible. Nous avons besoin de votre aide et de celle du gouvernement; il s’agit de reconnaître que regrouper un tas de choses et inclure des avis dans un projet de loi, mais oublier de les inclure dans un projet de loi subséquent, nuit en fin de compte à notre efficacité. Voilà l’enjeu. Notre travail consiste à veiller à vous faire part de nos préoccupations de manière respectueuse, ce que j’essaie de faire, je crois, pour que nous puissions aller de l’avant et être plus efficaces dans notre travail.

Mme Freeland : Permettez-moi de dire, sénateur, que je suis profondément convaincue que vos préoccupations sont très sincères et que vous les présentez de manière très réfléchie. Je comprends vos préoccupations et je pense qu’elles sont importantes. Sachez que je suis aussi très soucieuse de mettre en place des mesures dont les Canadiens ont besoin de toute urgence, des mesures pour rendre la vie plus abordable pour les Canadiens, comme le programme national d’alimentation en milieu scolaire, et des mesures pour stimuler notre économie, comme le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones.

Le sénateur Loffreda : Madame la ministre, bienvenue au comité. Je vous remercie de votre présence. Je suis honoré d’être le parrain au Sénat du projet de loi d’exécution du budget, qui contient de nombreuses mesures qui aideront les Canadiens. On dit toujours qu’être positif joue un rôle crucial pour aider les bâtisseurs à mieux construire. Ceux qui me connaissent savent que j’essaie d’être positif.

J’aimerais aborder une question qui a suscité des préoccupations. On parle du niveau de la dette. Le directeur parlementaire du budget a comparu ici dans une de nos récentes réunions. Il a déclaré que notre dette est viable pour les 75 prochaines années. Il s’est dit préoccupé parce qu’il ne serait plus là, et son épouse était aussi préoccupée. Vous avez mentionné qu’il s’agit d’un budget générationnel et, blague à part, nous ne serons plus là. Je n’ai pas encore de petits-enfants; j’espère en avoir un jour, et eux, ils seront là.

Selon moi, l’héritage du gouvernement actuel, ce sera le régime de soins dentaires, le programme de garde d’enfants, l’assurance-médicaments et les prestations d’invalidité. Nous devons aujourd’hui bâtir une économie pouvant assurer la viabilité de ces programmes. C’est important. Selon vous, ce budget aidera-t-il notre économie à progresser assez pour maintenir ces programmes à l’avenir?

Vous avez brièvement parlé de certains des programmes qui, selon vous, aideront notre économie à y parvenir, mais vous pourriez en dire davantage sur certains d’entre eux pour les Canadiens et nous tous ici présents, en disant : « Oui, notre économie pourra assurer la viabilité de ces programmes; voici pourquoi, et voici les mesures incluses dans le projet de loi d’exécution du budget qui nous aideront à y parvenir. »

Mme Freeland : Oui, merci beaucoup, sénateur, et merci de votre travail acharné.

Premièrement, je pense que les investissements pour les Canadiens, pour les appuyer et rendre la vie plus abordable, sont aussi des investissements dans l’économie. Notre programme national d’apprentissage et de garde d’enfants est un bon exemple. C’est une politique sociale, certes, mais c’est aussi une politique liée à l’abordabilité. Les frais ont déjà baissé de moitié partout au pays, et nous atteindrons la cible de 10 $ par jour, comme nous l’avons promis. C’est aussi une politique économique; la participation des femmes au marché du travail atteint maintenant un taux sans précédent, ce qui stimule l’économie. Je souligne au passage que ces femmes qui peuvent maintenant travailler sont déjà au Canada; elles ont déjà un foyer.

Je suis d’accord avec vous pour dire que nous faisons des investissements historiques dans les Canadiens. Bon nombre de ces investissements contribuent également à la croissance économique.

Cela dit, en plus d’investir dans les Canadiens et de rendre la vie plus abordable, le budget comporte deux autres piliers, à savoir le logement et la croissance économique. Je vais commencer par le logement, car je pense qu’en plus d’être un besoin social urgent, le logement est absolument essentiel à la croissance de notre économie. Quand je parle à d’importants employeurs de Toronto et de Vancouver, ils me disent : « Il faut construire plus de logements plus rapidement, parce que nous voulons embaucher plus de gens pour notre entreprise, mais ils doivent avoir les moyens d’acheter une maison. » Notre plan visant la construction de quatre millions de logements d’ici 2031 est, sans aucun doute, un investissement dans l’économie canadienne.

Le budget comprend également des investissements considérables dans la capacité économique du Canada. J’ai déjà mentionné les crédits d’impôt à l’investissement; je pense qu’ils sont très importants. La transformation industrielle que nous traversons est d’une ampleur jamais vue depuis la révolution industrielle, et ces crédits d’impôt à l’investissement sont l’instrument dont nous avons besoin pour faire du Canada une véritable superpuissance manufacturière au XXIe siècle.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de ces commentaires. Le directeur parlementaire du budget a indiqué que nous sommes parmi les deux premiers pour ce qui est de la viabilité et de notre solde budgétaire, mais l’économie est importante et, à mon avis, le logement est la clé. Le rêve canadien est bien vivant. Chaque Canadien veut être propriétaire de sa maison.

Il y a plusieurs ordres de gouvernement. Pour ce qui est du gouvernement fédéral, les intentions et les programmes sont là. Au municipal, on constate que la construction de logements n’avance pas. Dans quelle mesure pensez-vous pouvoir travailler avec les administrations provinciales et municipales pour réellement débloquer la construction de logements afin que chaque Canadien puisse vivre son rêve canadien?

Mme Freeland : Je pense que c’est une excellente question, sénateur. Je pense que nous reconnaissons tous qu’en ce qui concerne le logement, il n’existe pas de solution miracle et que personne, dans n’importe quel ordre de gouvernement, ne contrôle tous les leviers. Construire plus de logements plus rapidement exige un effort concerté de tous les ordres de gouvernement, et ils le font. Il faut que nous — les secteurs public et privé — y travaillions tous.

Quelques-unes des mesures du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui me semblent très importantes, notamment l’exonération de la TPS/TVH pour les coopératives. Je pense que c’est vraiment important. Les logements abordables en général et les coopératives en particulier sont d’importants éléments du parc de logements, et je suis heureuse que nous puissions offrir des mesures incitatives à cet égard. De façon plus générale, cependant, je suis très optimiste par rapport au dossier du logement, car il s’opère un profond changement dans ce domaine au Canada. Nous avons beaucoup de choses différentes à faire, mais ce qui compte par-dessus tout, c’est l’offre, l’offre, l’offre.

La sénatrice MacAdam : Le régime fiscal est essentiel à un environnement concurrentiel, à une croissance inclusive et à une société juste. Comptables professionnels agréés du Canada, ou CPA Canada, réclame une grande réforme fiscale. Le dernier examen exhaustif du régime fiscal canada a pris fin en 1967. Comme l’a indiqué CPA Canada, le régime est depuis devenu plus complexe et inefficace avec un ensemble disparate de correctifs, de crédits et d’incitatifs. Alors que de nombreuses mesures fiscales font l’objet d’un examen dans le budget — et tous les budgets —, j’aimerais obtenir vos observations sur une éventuelle grande réforme fiscale globale et savoir si vous seriez d’accord.

Mme Freeland : Je suis heureuse de vous rencontrer, sénatrice, et merci pour la question.

Je pense que nous voudrions tous que l’ensemble des aspects du gouvernement, y compris le régime fiscal, soient les plus simples et les plus conviviaux possible. L’une des choses que je me réjouis de voir dans le projet de loi qui fait l’objet de notre discussion aujourd’hui, c’est l’adhésion dorénavant automatique au Bon d’études canadien. Je pense que c’est très utile. La production automatisée des déclarations de revenus est une chose dont nous ne sommes pas saisis aujourd’hui, mais qui permettrait, comme vous le voulez, de simplifier les choses pour les Canadiens selon moi — nous avons pris des mesures concrètes à cette fin. Le budget comprend un soutien pour faire un autre pas dans cette direction. Je pense que c’est vraiment utile.

De plus, fondamentalement, ce budget rend notre régime fiscal plus juste. Il reconnaît vraiment quelque chose qui interpelle beaucoup de Canadiens, à savoir qu’il n’est pas juste qu’une personne très bien nantie paye des impôts à un taux inférieur à celui d’une infirmière ou d’un électricien. Grâce au changement que nous proposons au taux d’inclusion des gains en capital, nous rendons le système plus juste.

Je pense que lorsque les Canadiens pensent à leur régime fiscal, ils veulent qu’il soit simple et facile à utiliser. Ils veulent qu’il soit juste, et ils veulent qu’il fournisse les recettes dont nous avons besoin pour appuyer certains des programmes sociaux dont nous avons discuté — comme le plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et le programme national d’alimentation en milieu scolaire — et pour construire plus de logements plus rapidement.

La sénatrice MacAdam : Selon le directeur parlementaire du budget, de 2018 à 2022, le revenu des sociétés avant impôts a augmenté de 47 % en passant de 439,9 milliards de dollars en 2018 à 646,5 milliards en 2022.

Comment l’imposition des sociétés canadiennes se compare-t-elle à ce qui se fait à l’échelle internationale pour que nous puissions offrir du point de vue fiscal un marché concurrentiel à la communauté internationale afin d’attirer de nouveaux investissements et de stimuler la croissance de l’économie et de la productivité au pays?

Mme Freeland : Merci de la question. C’est une chose que nous examinons de près au ministère des Finances. En fait, le ministère a une mesure — comme je l’ai constaté dans mes discussions à des endroits comme le Fonds monétaire international, ou le FMI, et à l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou l’OCDE — qui est largement reconnue à l’échelle internationale. Il s’agit du taux effectif marginal d’imposition, ou le TEMI. Je pense que nous avons publié un tableau du TEMI dans le budget.

Ce que ce tableau montre, c’est que le Canada continue d’avoir un TEMI concurrentiel au sein des pays du G7 et à l’OCDE, et lorsque nous faisons une comparaison avec nos plus proches voisins, les États-Unis. Je pense que c’est une question très importante et une chose à laquelle nous accordons beaucoup d’attention.

La sénatrice Kingston : Merci de votre présence parmi nous. Je suis ravie de vous rencontrer. Vous avez mentionné l’assurance-médicaments, tout comme deux ou trois autres personnes avant vous. En passant, merci; je suis infirmière, et j’ai joué un rôle à l’Association des infirmières et des infirmiers du Canada et à la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers pendant de nombreuses années, et c’est donc quelque chose de formidable pour nous. La couverture universelle à payeur unique, comme ce que nous voyons dans le projet de loi C-64, est la bonne chose à faire selon moi et selon beaucoup d’infirmières.

Je vois que le budget prévoit 1,5 milliard de dollars sur cinq ans. Vous avez commencé la première phase. Ce n’est pas tout, mais c’est considérable pour les femmes, par exemple. Quels sont vos plans pour les deux ou trois prochaines années? Quelle est la prochaine étape importante pour faire progresser ce dossier afin que, d’ici cinq ans, nous ayons une assurance-médicaments plus complète?

Mme Freeland : Merci beaucoup, sénatrice. Je vous remercie pour votre travail en tant que sénatrice et en tant qu’infirmière. Hier, j’ai discuté du budget avec un professionnel de la santé, et cette personne m’a beaucoup parlé du traumatisme persistant de la COVID parmi les travailleurs du milieu. Il se trouve que c’était un homme distingué. Il était fier du travail qu’il a fait, mais il a dit que cela a été très difficile pour tout le monde.

En m’adressant à vous, j’aimerais m’adresser à toutes les infirmières et à tous les travailleurs de la santé pour leur dire : merci beaucoup.

Je suis d’accord avec vous. Je suis très heureuse que le budget puisse franchir cette étape importante en ce qui concerne l’assurance-médicaments. Je suis très heureuse de savoir que les contraceptifs sur ordonnance seront gratuits. Dans les discussions qui ont précédé ce choix, un échange que j’ai eu avec une obstétricienne-gynécologue m’a ébranlée. Elle m’a dit que dans sa pratique, elle voit chaque mois une adolescente ou une jeune femme qui est enceinte, mais ne veut pas l’être. Elle est tombée enceinte parce qu’elle ne pouvait pas se permettre de contraceptifs. Elle n’a pas son propre argent et, pour quelque raison, elle ne pense pas pouvoir en parler à ses parents. Pour moi, c’est un drame. C’est un drame pour cette jeune femme et un drame pour notre pays, et je suis heureuse de pouvoir mettre cela derrière nous.

Vous n’avez pas posé de questions sur les soins dentaires, mais je veux les mentionner. Je suppose que c’est il y a seulement une semaine que j’étais à une clinique d’hygiénistes dentaires à Toronto pour parler de la prochaine étape du Régime canadien de soins dentaires. J’ai parlé à une hygiéniste dentaire qui m’a dit que, à l’heure actuelle, des gens qui ne peuvent pas se permettre de soins dentaires se présentent seulement à sa clinique lorsque la douleur est si intense qu’ils ne peuvent plus l’endurer. Elle a dit que la plupart du temps, ils doivent extraire une dent, ce qui cause plus de douleur et fait souffrir la personne. Il est terrible que cela se produise au Canada de nos jours.

Il y a maintenant deux millions de personnes qui ont adhéré au Régime canadien de soins dentaires. Ces deux millions de personnes n’auront pas à souffrir de cette façon, et, pour revenir très rapidement au point du sénateur Loffreda, cela nous permettra également d’économiser de l’argent.

[Français]

Le président : Merci, madame la ministre. Je m’excuse, mais je dois agir à titre de whip du gouvernement et vous dire que nous allons vous permettre d’aller voter. Nous aurons deux minutes avec vous, sénatrice Kingston.

[Traduction]

La sénatrice Kingston : En passant, les soins dentaires sont bons pour la santé cardiovasculaire, mais j’aimerais revenir à l’assurance-médicaments et aux prochaines étapes lorsqu’on regarde les fonds accordés à cette fin sur cinq ans et peut-être plus, j’espère. Envisage-t-on une prochaine étape à ce stade-ci? Quelle est la première chose que vous devriez faire pour rendre le programme plus complet?

Mme Freeland : Sénatrice, permettez-moi de dire que c’est une étape importante selon moi. Je pense que c’est une chose dont les Canadiens devraient être fiers. Je crois vraiment — et je pense la même chose du programme national d’apprentissage préscolaire et de garde d’enfants — que ces programmes, comme l’assurance-maladie, deviendront immédiatement quelque chose que nous verrons tous, en tant que Canadiens, comme une partie de notre patrimoine national et de ce que cela signifie d’être Canadiens. Je suis très heureuse que nous puissions donner suite à cela.

Je prends la responsabilité financière au sérieux, et je pense donc que nous devons procéder une étape à la fois.

La sénatrice Kingston : Merci.

La sénatrice Ross : Merci d’être parmi nous aujourd’hui, madame la ministre. Je suis sénatrice depuis peu de temps et j’ai vraiment été choquée de voir le calendrier et le chevauchement dans l’étude des projets de loi que ce comité reçoit. Le projet de loi C-69 est énorme et comprend de nombreuses mesures non budgétaires.

Pensez-vous que c’est assez de temps pour analyser ce projet de loi? N’oublions pas que notre délai est seulement attribuable au fait que nous nous sommes entendus pour faire une étude préalable du projet de loi. Après aujourd’hui, il semble que nous aurons eu plus de temps que la Chambre des communes pour l’examiner. Nous nous sommes entendus pour tenir d’autres réunions la semaine prochaine afin d’essayer de passer au travers.

J’ai compris dans les observations que vous avez formulées pour répondre au sénateur Smith que vous respectez le travail que nous faisons, mais ce type de processus est très difficile. Nous étudions deux projets de loi d’exécution du budget en même temps. Ce processus ne donne pas l’impression que l’on comprend la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Mme Freeland : Tout d’abord, bienvenue. Ce n’est probablement pas mon rôle de vous souhaiter la bienvenue ici, mais je pourrais peut-être vous souhaiter la bienvenue dans le processus législatif.

Je respecte vraiment le travail de tous les législateurs. Je respecte le travail du Sénat. J’apprends beaucoup de chacune de ces discussions. Mon équipe, les fonctionnaires du ministère des Finances et moi-même apprenons beaucoup des discussions que nous avons avec vos bureaux. Sachez que cela compte beaucoup. Vous portez des choses à notre attention, ce qui nous permet d’apprendre.

Je prends au sérieux votre préoccupation concernant le temps que vous avez pour faire le travail. Je dois trouver un équilibre tout en tenant compte de ce qui est selon moi un moment particulièrement urgent pour le Canada et les Canadiens. C’est un moment clé dans la vie de notre pays, un moment très difficile. Lorsqu’on pense à ce que nous avons traversé pendant la COVID, ainsi qu’à la situation climatique, à la transformation industrielle dans le monde ainsi qu’à l’invasion russe de l’Ukraine et à ses conséquences, on constate que c’est une époque qui présente de grands défis. Nous devons relever ces défis et mettre en place des mesures pour soutenir le Canada et les Canadiens.

La dernière chose que je vais dire, c’est qu’il y a énormément d’obstruction en ce moment aux comités et à la Chambre des communes. Cela ne nous aide pas à mettre en place les mesures dont les Canadiennes et les Canadiens ont besoin de toute urgence. Cela n’aide personne ici à disposer du temps que vous aimeriez avoir pour examiner judicieusement et attentivement des projets de loi. Notre gouvernement serait certainement ravi que cela prenne fin.

La sénatrice Ross : Dans le même ordre d’idées, seriez-vous favorable à une date fixe pour la présentation du budget, ce qui pourrait nous aider à mieux organiser l’étude des documents qui nous sont renvoyés?

Mme Freeland : Nous avons un système parlementaire. Beaucoup de nos processus parlementaires traditionnels sont en place pour une raison. Je respecte beaucoup ces raisons.

Un système parlementaire fonctionne différemment de, disons, un système présidentiel.

Cela dit, je prends au sérieux le point à propos du temps dont le Sénat a besoin pour faire son travail sérieusement. J’aurais probablement dû le dire dans ma déclaration liminaire, mais je suis reconnaissante que tous les membres du Comité aient accepté de faire une étude préalable. Cela vous aide à avoir le temps de vous pencher là-dessus. Je suis heureuse que vous ayez accepté.

La sénatrice Ross : Je vais ajouter une observation. Dans le cadre de l’étude préalable, des changements ont été apportés au projet de loi avant que nous le recevions hier. Nous avons procédé à l’étude préalable d’une mesure législative qui a ensuite été amendée. C’est également un défi.

Mme Freeland : Je vais vous dire une chose, et peut-être plus précisément pour les membres de votre personnel, dont certains sont ici, ainsi que pour les nombreuses personnes qui parlent à vos bureaux : notre gouvernement prend vraiment le Sénat au sérieux. Je ne peux pas parler au nom du premier ministre, mais il a été clair à ce sujet, à savoir qu’il croit vraiment au rôle particulier et important du Sénat dans le système politique canadien.

Le président : Merci, madame la ministre.

La sénatrice Pate : Bienvenue, madame la ministre.

J’ai connu les horreurs de la réforme du droit pénal et de la détermination de la peine attribuables aux projets de loi omnibus d’exécution du budget du gouvernement précédent. Il est particulièrement difficile pour beaucoup d’entre nous de voir maintenant ce gouvernement adopter cette pratique.

Lorsque Allen Rock, qui a été ministre de la Justice, a comparu devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants l’autre jour, il a dit ce qui suit :

Je me rappelle que le parti auquel je me suis jointe sur le plan politique a critiqué le gouvernement précédent qui glissait dans des projets de loi omnibus des dossiers n’ayant rien à voir avec le budget juste pour pouvoir les faire adopter rapidement. En général, ce n’est pas perçu comme une bonne pratique de gouvernance.

Qui plus est, il est alors très difficile de contester les approches utilisées. Je parle plus particulièrement de la détention d’immigrants dans des prisons fédérales et de l’ajout de peines plus sévères pour le vol d’automobiles, soit un modèle qui n’est pas le plus efficace — en fait, c’est plutôt inefficace — pour s’attaquer au problème selon la Cour suprême du Canada, votre propre gouvernement et le ministère de la Justice. En même temps, il est évident qu’il y a des preuves que les constructeurs d’automobiles pourraient rendre des comptes et avoir la responsabilité de s’attaquer aux problèmes de sécurité à l’origine des préoccupations concernant l’augmentation des vols de voitures au pays.

Je suis curieuse de savoir ce qui explique ce choix. Que prévoyez-vous faire pour régler le problème? Il est également évident — non seulement pour moi, mais aussi pour beaucoup de personnes qui ont travaillé longtemps dans ce domaine — que nous risquons de voir plus de personnes racisées être placées en détention à cause de ces dispositions. Elles ne vont pas permettre d’arrêter les têtes dirigeantes du crime organisé qui gagnent ainsi des millions de dollars.

En même temps, nous voyons le genre de recommandations issues de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées et de la Commission de vérité et réconciliation pour des choses comme une meilleure prestation canadienne pour les personnes handicapées que celle prévue dans le budget.

Tout cela va à l’encontre des intentions vraiment louables qui sous-tendent des choses comme l’assurance-médicaments, les soins dentaires et les services de garde qui aident toutes à renverser la vapeur.

Je suis curieuse de savoir si nous verrons bientôt une approche différente et de savoir ce qui explique ce choix. Quelles autres approches stratégiques seront adoptées pour s’attaquer à ces problèmes? Comment pouvons-nous faire en sorte que les résultats très prévisibles de ces dispositions ne se traduisent pas par une plus grande inégalité pour les personnes handicapées, les personnes racisées, ainsi que les réfugiés et les immigrants?

Mme Freeland : Je pensais que d’autres sénateurs avaient soulevé de nombreux points dans leur question, mais c’est peut‑être vous qui allez gagner le prix aujourd’hui. Je vais essayer de répondre sans dépasser le temps à ma disposition.

Tout d’abord, aucun budget ne va accomplir toutes les choses que chaque personne au pays pourrait vouloir.

Cela dit, je crois que c’est un budget qui aide à assurer l’équité pour chaque génération de Canadiens. Il permet aussi de lutter contre la crise du logement, qui est un problème grandement prioritaire dans la vie de nombreux Canadiens, y compris en aidant les locataires, en soutenant le logement abordable et en facilitant la situation des jeunes canadiens qui rêvent d’acheter une propriété.

C’est sans aucun doute un budget qui aura un effet pour rendre la vie des Canadiens plus abordables. Vous avez déjà parlé, sénatrice, de certains de ces éléments, qu’il s’agisse de l’assurance-médicaments, des soins dentaires, d’un programme national d’alimentation en milieu scolaire ou de faire progresser davantage la création d’un système national d’éducation préscolaire et de garde d’enfants — ce sont de grandes choses, et nous y donnons suite.

Comme je l’ai dit en réponse à la question du sénateur Loffreda, il y a des investissements vraiment importants dans la croissance économique, les emplois d’aujourd’hui et de demain, le Programme de garantie des prêts pour les Autochtones et les crédits d’impôt à l’investissement, et aussi du côté de la recherche — nos universités, nos étudiants et nos postdoctorants — et de l’intelligence artificielle, ou IA. Tout cela est fondé par une véritable équité fiscale.

Tous ces éléments réunis sont importants, et je pense, sénatrice, que vous et moi sommes d’accord avec la plupart d’entre eux. Or, notre point de vue est légèrement différent en ce qui concerne le vol de voitures. Je pense qu’il est important que le gouvernement et le pays prennent ces délits au sérieux. J’étais à Brampton il y a une semaine, voire 10 jours, et je me suis entretenue avec des représentants des forces de l’ordre et des conseillers municipaux. Les gens ne se sentent vraiment pas en sécurité dans leur communauté et au volant de leur voiture, ce qui n’est pas acceptable. Soutenir les Canadiens, c’est aussi assurer leur sécurité.

[Français]

Le président : Vous devez voter de nouveau, donc nous allons vous laisser voter.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Je tiens à remercier la ministre d’être ici. J’aimerais m’attarder aux crédits d’impôt qui sont prévus dans le projet de loi C-69, ou à des mesures concrètes, devrais-je dire.

Je tiens à vous remercier d’avoir augmenté, à l’article 26, le crédit d’impôt pour les pompiers volontaires, dont on a grandement besoin. C’est très important pour les volontaires du Yukon et de toutes les régions rurales et éloignées du pays.

Je vous suis également reconnaissante de l’article 34, qui renouvelle le crédit d’impôt pour l’exploration minière. Toutefois, madame la ministre, il y a plus de 30 ans que je parle de ce crédit d’impôt en tant que politicienne, et chaque année, il est renouvelé pour une année. Pourquoi n’est-il pas permanent?

Cela m’amène à une autre question sur le système fiscal. Cette semaine, l’industrie du golf a fait pression sur nombre d’entre nous parce que le crédit d’impôt pour le divertissement permettra d’acheter des billets pour un match de hockey — ne vous méprenez pas, je suis une fervente amatrice de hockey —, mais il ne permet pas de jouer une partie de golf. C’est une anomalie du système. C’est une aberration. Voilà qui vient renforcer les questions et le point de vue de la sénatrice MacAdam. Nous ne cessons de réitérer la nécessité d’une refonte et d’une modernisation du système fiscal. C’est ce que nous disaient les personnes qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales lorsque j’en faisais partie. C’est une demande qui revient toujours. La sénatrice MacAdam a demandé si vous envisagiez de revoir la Loi de l’impôt sur le revenu.

Chers collègues, je vous demanderai votre indulgence plutôt que votre permission. Allez-vous confier cette tâche au Sénat? Nous n’avons pas à nous soucier des électeurs chaque année. Cela aurait dû être fait depuis longtemps. Il faut le faire. Allez‑vous nous donner ce mandat? Je vous prie de répondre aussi aux trois autres questions. Je vous remercie.

Mme Freeland : Comme beaucoup de vos collègues, vous avez posé bon nombre de questions importantes. J’y répondrai à tour de rôle.

Je tiens à vous remercier, sénatrice Duncan, d’avoir mentionné les pompiers volontaires. Dans le cadre de l’élaboration de cette mesure, j’ai passé du temps avec des pompiers volontaires dans les zones rurales de l’Ontario, et j’ai été très impressionnée. Ce sont des gens qui ont un emploi et une famille, et qui consacrent beaucoup de temps à la formation et qui sont disponibles pour s’occuper de leurs voisins. De nombreuses familles étaient présentes. Il y avait un père et son fils qui ont une ferme laitière où ils travaillent ensemble. C’est une des mesures qui ne fait peut-être pas les manchettes, mais qui, pour moi, soutient l’une des meilleures choses au Canada — des gens qui s’engagent à se soutenir les uns les autres et à aider leurs communautés. Je vous remercie de les avoir mentionnés et de me donner l’occasion de les saluer.

Je vous remercie d’avoir parlé également du crédit d’impôt pour l’exploration minière. Nous vivons un moment historique pour le secteur minier au Canada. Les minéraux et les métaux critiques sont si importants pour la transformation industrielle du Canada et du monde. Nos alliés nous disent clairement qu’ils veulent des chaînes d’approvisionnement sûres et qu’ils souhaitent que ces minéraux et métaux critiques proviennent de démocraties comme le Canada. Vous avez mentionné les crédits d’impôt à l’investissement. Je sais que vous êtes au courant que ces crédits d’impôt à l’investissement constituent une trousse complète d’outils d’une valeur de 93 milliards de dollars pour soutenir l’ensemble de cette transformation au Canada, qui commence par les minéraux et les métaux critiques.

J’ai été ravie de voir l’investissement de Honda, qui repose en partie sur le fait que le Canada est probablement le pays le mieux placé au monde pour avoir l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la mine au produit fini. C’est très important. C’est une occasion énorme pour le Yukon, mais aussi pour tout notre pays.

En ce qui concerne l’ensemble de cette chaîne d’approvisionnement, et lorsqu’il s’agit pour le Canada de tirer réellement parti de sa richesse naturelle en minéraux et métaux critiques, je pense que nous disposons désormais des outils dont nous avons besoin pour vraiment briller. Comme je l’ai mentionné, des entreprises m’ont fait part de leur souhait de voir ces crédits d’impôt à l’investissement devenir loi. Je remercie les sénateurs de nous aider à le faire. Cela changera vraiment la donne.

[Français]

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre.

Le sénateur Dalphond : Bienvenue, madame la ministre. Le 6 février dernier, le Sénat a demandé à ce comité d’étudier la pratique qui consiste à inclure des questions non financières dans les projets de loi d’exécution des budgets et énoncés économiques.

[Traduction]

La loi d’exécution du budget qui nous est présentée aujourd’hui est un autre exemple frappant de cette pratique préoccupante. Lorsque je l’examine — ce que je fais toujours, car je ne suis ni un économiste, comme mon collègue le sénateur Gignac, ni un ancien banquier —, je regarde toujours la section intitulée « Mesures diverses », qui est la partie 4 de ce projet de loi.

Mes collègues vous ont déjà posé beaucoup de questions à ce sujet. Je serai plus précis afin que vous ne puissiez pas répondre à cette question de manière générale seulement. Je mettrai l’accent sur une section. Il s’agit de la section 39 sur les postes d’attente qui, si elle est adoptée, permettra de garder un détenu de l’immigration dans un pénitencier fédéral.

Devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, plus tôt cette semaine, l’Association du Barreau canadien, des universitaires, l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, Human Rights Watch, le Conseil canadien pour les réfugiés et l’honorable Allan Rock, ancien ministre libéral et membre du Conseil mondial pour les réfugiés et les migrations, ont tous exhorté les sénateurs à insister pour que cette question fasse l’objet d’un projet de loi distinct.

Êtes-vous prête, madame la ministre, à envisager de retirer cette section du projet de loi, comme Bill Morneau l’a fait lorsqu’il était ministre des Finances en retirant un chapitre qui traitait de la protection des consommateurs à l’égard des banques?

[Français]

Mme Freeland : Merci de la question, monsieur le sénateur. Permettez-moi de répondre en français, car je pense que c’est plus convenable. C’est très important pour moi que la ministre des Finances réponde aux Québécois en français, si vous me le permettez.

La sénatrice Pate et vous avez cité M. Allan Rock. Je veux commencer en disant que j’ai beaucoup de respect pour M. Rock. Avec M. Axworthy, il joue un rôle clé dans notre travail avec les actifs de la Banque centrale de la Russie. Je travaille en étroite collaboration avec lui et je suis triste qu’on ne soit pas d’accord sur ces mesures, mais son opinion et la vôtre sont importantes pour moi. Concernant ces mesures précises, je dois vous dire que c’est une mesure de dernier recours; ce n’est pas une chose que l’on fait souvent, mais en consultation avec les ministres responsables. On est aujourd’hui dans une situation, au Canada et dans le monde, où il y a un enjeu sur lequel on doit avoir les outils requis pour agir, afin d’assurer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes et celle de tous les demandeurs d’asile qui sont ici.

Pour notre gouvernement, en raison de la situation mondiale, on a besoin de ces outils, mais je veux vraiment souligner que c’est une mesure de dernier recours; ce n’est pas une situation qui se produit souvent et on comprend les inquiétudes qui ont été exprimées. Je veux assurer les Canadiennes et les Canadiens qu’on prend cette situation très au sérieux.

Le sénateur Dalphond : S’agit-il d’une loi spéciale qui ne va traiter que de cela et qui va permettre de tenir un débat éclairé sur une question aussi importante, qui touche des questions de droits fondamentaux que le Parti libéral s’est toujours fait un point d’honneur de défendre, y compris le respect de la Charte?

Mme Freeland : C’est une question très importante et je suis d’accord avec vous pour dire que, aujourd’hui plus que jamais, c’est important de souligner l’importance de la Charte pour les Canadiennes et les Canadiens, pour les Québécois et les Québécoises. De plus, je vous ai déjà assuré que c’est vraiment une mesure de dernier recours. Je dois aussi vous avouer qu’en parlant et en travaillant avec les ministres directement responsables, on se rend compte qu’on a besoin de ces outils, sinon la situation serait plus dangereuse pour les autres personnes qui ne présentent pas d’autre risque. On doit séparer les personnes qui présentent un autre risque et ne pas les mettre dans la même situation avec les gens qui ne présentent pas d’autre risque.

Le président : Madame la ministre, vous avez un troisième vote; on vous laisse donc le temps de voter.

C’est mon tour de vous poser quelques questions, madame la ministre. Je me fais le porte-parole de Rock, 65 ans et Rose, 63 ans. Rock est retraité et il gagne 20 000 $ par année; Rose est adjointe administrative et elle gagne 40 000 $ par année. Ils ont acheté un immeuble à revenus dans le quartier Ahuntsic, qui est situé dans la circonscription de votre collègue la ministre Joly. Ils ont appris, lors de votre budget, qu’ils étaient des « ultra-riches ». Que s’est-il passé, madame la ministre, pour que vous qualifiiez d’ultra-riches Rock, 65 ans, qui gagne 20 000 $ par année, et Rose, 63 ans, qui gagne 40 000 $ par année, parce qu’ils sont propriétaires d’un triplex, qui était leur fonds de pension? Est-ce une erreur de marketing, ou vos fonctionnaires se sont-ils trompés dans le calcul des personnes directement touchées par cette mesure de gain en capital?

Mme Freeland : Merci pour la question. Je vais commencer en soulignant ce que le sénateur Forest a lui aussi constaté, soit que le taux d’inclusion pour les gains en capital était à 75 % quand M. Mulroney était premier ministre. On propose donc un taux moins élevé que celui qu’on avait quand le grand conservateur M. Brian Mulroney était premier ministre; c’est très important de le dire.

Deuxièmement, je crois que c’est une question d’équité en ce qui concerne les impôts, soit l’équité entre le taux d’imposition par rapport au travail et le taux d’imposition sur les gains en capital. Vous le savez très bien, mais beaucoup de Canadiens ne le savent pas : on ne parle pas du niveau de taxation, mais d’un taux de taxation qui est juste, et on propose à cet effet un taux de 67 %. Je veux souligner deux autres choses que les Canadiens de la classe moyenne, soit monsieur ou madame Tout-le-Monde, doivent savoir, parce qu’elles sont importantes. C’est que la résidence principale continue d’être...

Le président : Je pense que vous avez bien communiqué vos pensées quand vous avez qualifié ces gens d’« ultra-riches »; c’est cela, le problème.

Mme Freeland : Je le souligne parce que je sais que, pour plusieurs Canadiens, la résidence principale, la maison, c’est vraiment la chose la plus importante dans leur vie et cela n’est pas complètement exclu de la taxation. Deuxièmement, pour chaque individu, chaque année, les premiers 250 000 $ seront inclus juste à 50 %. Pour un couple, cela veut dire que vous pouvez avoir chaque année un gain en capital de 500 000 $, et le niveau reste le même que celui qu’on a maintenant.

Le président : Mon autre question porte sur les frais d’intérêt de la dette, que vous avez évalués dans le budget à 54 milliards de dollars pour 2024-2025 — 54 milliards. M. Trudeau disait : « On va emprunter, les taux d’intérêt sont bas. » Maintenant, on réalise que les taux d’intérêt montent, et donc que le coût de la dette monte — il est de 54 milliards de dollars pour 2024-2025. On a reçu cette semaine le Budget supplémentaire des dépenses (A), le premier. Il indique la hausse du coût de la dette, qui est de 1,9 milliard de dollars, en plus de 1,1 milliard de dollars; on parle donc de 3 milliards de dollars de plus dans le Budget supplémentaire des dépenses (A). Je cite la principale raison : la hausse des taux d’intérêt prévue et les besoins d’emprunt qui grandissent.

Madame la ministre, on vient d’avoir le budget il y a un mois et il y a déjà une erreur, ou un nombre prévu de 3 milliards de dollars qui est expliqué par la hausse des taux d’intérêt. Que s’est-il passé? Aviez-vous prévu une baisse des taux d’intérêt, mais finalement le gouverneur de la Banque du Canada ne les a pas baissés? Comment peut-on faire une erreur ou une mauvaise prédiction de 3 milliards de dollars pour un aussi court délai? N’est-ce pas là l’admission d’une perte de contrôle de la situation?

Mme Freeland : Pas du tout, monsieur le sénateur. J’adore les questions sur la responsabilité fiscale. On n’est pas d’accord sur plusieurs sujets. Par exemple, je pense qu’un programme national de garderie pour la petite enfance est une bonne chose. Les conservateurs ne sont pas d’accord avec moi. Un programme national pour les soins dentaires est une bonne idée. Les conservateurs ne sont pas d’accord. Concernant la responsabilité fiscale, je sais qu’il est difficile pour les conservateurs d’accepter la réalité. La réalité — M. Giroux vous l’a dit, lui qui est indépendant —, c’est que le Canada a une position très responsable financièrement. Les agences de crédit sont d’accord avec nous. Finalement, pour quatre mois, le taux d’inflation est dans la fourchette cible de la Banque du Canada.

Le président : Merci, madame la ministre. Je ne veux pas vous interrompre. Je ne voudrais pas me donner plus de temps.

Mme Freeland : Je m’excuse; c’est ma question favorite, car c’est le point fort de notre gouvernement. Vous pouvez donc continuer de poser ces questions.

Le président : Je suis content de vous avoir fait plaisir.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : J’ai une observation et deux questions.

En tant que sénateurs, une partie de notre rôle consiste à regarder ce qui se passe à long terme. Lorsque j’examine la tendance à long terme de votre gouvernement, il y a eu — il me semble — un programme établi depuis le début, dont vous ne parlez pas, et que j’appellerais un « programme favorisant l’abordabilité ». Vous avez commencé avec l’Allocation canadienne pour enfants en 2016; vous avez augmenté le Régime de pensions du Canada; et il y a le programme national de garde d’enfants. Vous avez parlé du programme national en matière d’alimentation dans les écoles, ainsi que des deux choses que le NPD vous a forcés à faire, comme il le dirait, à savoir les soins dentaires et l’assurance-médicaments.

Une tendance à traiter de l’abordabilité se dessine — il y a les mesures relatives au logement que vous avez mentionnées ici. Le gouvernement les présente en disant : « Voici toutes sortes de mesures. » Je vois une véritable tendance. Avez-vous une raison de ne pas vouloir utiliser un terme concret comme « programme favorisant l’abordabilité »?

En ce qui concerne la prestation pour les personnes handicapées, accepteriez-vous une suggestion de notre part, à savoir un taux plus élevé et une date d’entrée en vigueur plus précoce?

En ce qui concerne la détention, je voudrais revenir sur les points que mon collègue, le sénateur Dalphond, a soulevés. C’est l’un des avantages de l’étude poussée que nous réalisons. Si vous apportez le changement et retirez ce chapitre à la Chambre alors que le projet de loi est encore étudié en comité, c’est plus facile que de faire la modification ici et de le renvoyer. Nous n’aimions pas procéder ainsi, en particulier lorsqu’il est question de budgets.

Je vous informe que l’étude poussée est en fait une bonne occasion d’apporter un tel changement.

Mme Freeland : Il y avait longtemps, sénateur, que l’on ne m’avait pas menacée avec autant de doigté et de politesse. J’admire votre talent. Je plaisante.

Pour revenir au début de votre question, je suis tout à fait d’accord avec vous. Lorsque je résume ce que notre gouvernement cherche à accomplir, et ce que ce budget cherche à accomplir, je dis qu’il s’agit d’un budget dont l’objet est d’assurer l’équité pour chaque génération. Il se concentre sur les points suivants : premièrement, le logement, qui constitue un besoin extrêmement urgent; deuxièmement, l’abordabilité, qui englobe tous les éléments dont vous avez parlé; et troisièmement, les investissements dans la croissance économique et la création d’emplois. Nous voulons accomplir tout cela — quoi qu’en dise notre président —, d’une manière responsable sur le plan financier afin que l’inflation puisse diminuer et que les taux d’intérêt puissent à leur tour baisser.

Par conséquent, comment pouvons-nous nous permettre de faire toutes ces choses formidables tout en étant responsables sur le plan financier? Nous le pouvons grâce à l’équité fiscale. L’abordabilité est certainement l’un de nos trois piliers.

[Français]

Le président : Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de suspendre la séance, mais nous allons prendre un moment pendant que la ministre Freeland vote.

On nous avise que vous avez encore quelques minutes à passer avec nous. Il y a encore quelques questions. Si vous le permettez, on va faire un jeu de questions rapides.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Madame la ministre, j’ai quelques observations en lien avec ce que vous avez dit pendant la réunion.

Vous voulez construire 3,5 millions de logements d’ici 2031, mais je ne pense pas que cela se produira. Je sais qu’il s’agit de votre plan A, mais je vous suggère respectueusement d’avoir un plan B.

Le programme de garde d’enfants — un investissement de 30 milliards de dollars — connaît des difficultés. Certains ont recours aux garderies à 10 $ par jour, mais les listes d’attente sont très longues. Quant aux 250 000 places qui sont censées être créées d’ici le mois de mars 2026, votre propre document indique que seules 50 000 places ont été créées à ce jour. Je pense que les prévisions pour ces deux programmes sont très optimistes.

Mme Freeland : Sénatrice, je respecte votre sérieux et votre attention, mais je dois dire que vos pouvoirs de prédiction ne sont pas parfaits. Je me souviens que lorsque j’étais ici l’année dernière, vous aviez des questions urgentes sur le Fonds de croissance du Canada. C’est quelque chose qui vous préoccupait. Vous pensiez qu’il ne fonctionnerait pas. J’ai pris vos préoccupations au sérieux et je suis donc heureuse d’annoncer aux sénateurs — j’étais ici le 7 juin 2023 et les sénateurs disaient que ce fonds ne fonctionnerait jamais — que l’on a déjà réalisé trois investissements majeurs grâce au Fonds de croissance du Canada. Ce fonds est opérationnel et fait l’envie du monde entier.

[Français]

Le sénateur Forest : Madame la ministre, la section 23 de la partie 4 prolonge l’assurance-emploi pour les travailleurs saisonniers jusqu’au 24 octobre 2026. Comme c’est une situation qui est saisonnière et qui prévaut partout au Canada, pourquoi ne pas l’établir sur une base permanente? La réalité des travailleurs dans les secteurs des pêches, des forêts et de l’agriculture revient d’une année à l’autre.

Mme Freeland : Merci pour la question et merci d’avoir souligné un élément très important du budget. On comprend l’importance d’appuyer les travailleurs saisonniers; c’est pourquoi on l’a fait dans le budget.

Je veux aussi souligner une chose importante et positive pour notre pays. Même avec un taux d’intérêt très élevé, on a un marché du travail très fort au Canada. Nous avons créé 1,3 million d’emplois de plus qu’avant la pandémie.

Le sénateur Gignac : Merci, madame la ministre, et merci pour ce que vous faites et pour le système bancaire ouvert. Il faut aller de l’avant.

Tous les intervenants à qui j’ai parlé ainsi que les témoins qui ont comparu au Comité des banques se sont dits surpris que ce mandat soit confié à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Ils ont été consultés, mais jamais sur la gouvernance. C’est pourtant un élément important. À l’instar de mon collègue, on parle de la section 39, mais pour ce qui est de la section 16, pourquoi ne pas consulter cet été et nous revenir à l’automne avec un document plus complet qui intégrerait une vision sur le plan de la gouvernance, puisque les acteurs n’ont pas été consultés à ce sujet? Ils ont été surpris.

Mme Freeland : Monsieur le sénateur, comme vous le savez, je prends très au sérieux votre expertise en ce qui concerne les institutions financières et les fonds de pension. Je prends votre commentaire au sérieux.

La seule autre remarque que je vais faire, c’est que quand je parle avec les consommateurs, les innovateurs et les entrepreneurs, ils me disent qu’ils veulent qu’on agisse assez vite.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Madame la ministre, l’un des objectifs que vous avez énoncés en 2024 est de réduire la taille de la fonction publique fédérale de 5 000 équivalents temps plein, ou ETP, au cours des prochaines années. En même temps, le budget compte de nombreux domaines de croissance en matière de dépenses et de projets. Comment allez-vous atteindre ou gérer ces deux objectifs concurrents de croissance et de réduction?

Ensuite, le gouvernement fédéral dispose-t-il d’un plan de ressources humaines à long terme pour la fonction publique fédérale? Vous engagez-vous à en élaborer un? Nous ne semblons pas en avoir vu un.

Monsieur Forbes, vous pourriez peut-être nous aider en envoyant une réponse écrite à cette question.

Mme Freeland : Comme je n’ai pas beaucoup de temps, je vais simplement vous remercier d’avoir souligné cet élément. Je tenais à ce qu’il figure dans le budget. Nous sommes partisans d’une fonction publique forte et nous savons qu’elle joue un rôle important.

Nous pensons qu’il est également important de montrer aux Canadiens que nous prenons au sérieux l’efficacité du gouvernement et l’efficacité avec laquelle le gouvernement dépense l’argent pour fournir des services et servir les Canadiens. C’est pourquoi nous avons pris cet engagement. Nous sommes persuadés qu’il est possible d’atteindre ces deux objectifs.

La sénatrice MacAdam : Le budget de 2024 prévoit 2,4 milliards de dollars pour soutenir l’accès à une puissance de calcul et les investissements dans l’infrastructure de calcul du Canada, afin que la communauté canadienne de la recherche et les entreprises d’IA en démarrage et en croissance disposent des ressources dont elles ont besoin pour croître au Canada. Or, le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie a appris qu’une partie du problème auquel le Canada est confronté concerne l’expansion des entreprises en démarrage pour qu’elles soient concurrentielles à l’échelle internationale, car nous n’avons pas de politiques adéquates en place pour soutenir et protéger la propriété intellectuelle novatrice contre les prises de contrôle étrangères.

Le gouvernement envisage-t-il une stratégie pour aider les entreprises en démarrage à se développer afin qu’elles puissent être concurrentielles sur la scène internationale et pour protéger la propriété intellectuelle canadienne?

Mme Freeland : C’est une question importante. Nous avons mis en place plusieurs choses pour soutenir les entreprises canadiennes en démarrage. Il est important de poursuivre nos efforts en ce sens.

En ce moment, nous procédons à l’examen de l’important et excellent Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental, ou RS&DE. Cet examen est très important. Dans ce budget, nous nous engageons à consacrer plus d’argent à ce programme. Je suis d’avis que l’examen de ce programme nous donnera l’occasion de soutenir les innovateurs canadiens et le développement de la propriété intellectuelle canadienne.

La sénatrice Kingston : J’aimerais vous poser des questions au sujet du programme national d’alimentation en milieu scolaire. Comment utilisera-t-on les fonds du budget affectés à ce programme cette année? Que se passera-t-il cette année grâce au lancement du programme national d’alimentation en milieu scolaire? Soit dit en passant, j’adore ce programme.

Mme Freeland : Merci beaucoup. Moi aussi, je l’adore. Depuis que nous en parlons, le fait de rendre visite aux clubs de petits déjeuners et aux organismes qui offrent des repas aux enfants est l’une des choses qui m’ont fermement convaincue que nous avons besoin de ce programme.

Grâce au financement prévu dans le budget, nous nous engageons à fournir des repas à 400 000 enfants de plus. Comme vous le savez très bien, ces repas sont distribués par une magnifique mosaïque d’écoles, de provinces, de municipalités et d’organismes sans but lucratif d’un bout à l’autre du Canada. Notre engagement est d’aller encore plus loin et de soutenir les personnes qui accomplissent déjà ce travail en leur accordant plus d’argent.

La sénatrice Ross : Je vous remercie, madame la ministre. Hier, nous avons rencontré des représentants de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. J’ai notamment posé des questions à propos du choix de Prospérité Canada pour la stratégie de 60 millions de dollars qui vise le programme de protection des consommateurs. On nous a dit que cette décision n’avait pas été prise à la suite d’un appel d’offres ni par l’agence, mais par le cabinet du ministre. Pourriez-vous me donner une idée des critères ou de la diligence raisonnable à laquelle on a eu recours pour faire ce choix, compte tenu des problèmes qui ont touché le choix des organismes de bienfaisance chargés de la mise en œuvre de programmes par le passé?

Mme Freeland : Je vous remercie beaucoup de la question.

Il est très important que nous trouvions des moyens de soutenir les Canadiens à faible revenu et de veiller à ce qu’ils disposent des outils financiers dont ils ont besoin pour s’épanouir. Il est important que nous le fassions aussi rapidement et efficacement que possible. Le gouvernement fédéral reconnaît que l’une des forces du Canada est qu’il y existe de nombreux organismes sans but lucratif qui font déjà de l’excellent travail et qui disposent de bons réseaux.

La sénatrice Pate : Vous pourrez peut-être répondre à mes questions par écrit.

Tout d’abord, je voudrais obtenir une réponse claire à ma question : pourquoi l’incapacité des fabricants d’automobiles à résoudre un problème qu’ils pouvaient résoudre ne fait-elle pas l’objet d’un suivi?

Ensuite — comme on l’a déjà mentionné, et comme je l’ai mentionné —, je me suis rendue dans les centres de détention et les prisons qui pourraient accueillir les 20 à 50 personnes que l’Agence des services frontaliers du Canada, ou l’ASFC, perçoit comme présentant un risque élevé, tout en reconnaissant que seulement 1 % d’entre elles présentent un risque pour la population et que 83 % d’entre elles risquent, pour l’essentiel, de s’enfuir. Voilà le principal enjeu. Plus de 200 lits sont libres dans les nouvelles installations rénovées qui ont été aménagées. Pourquoi réserve-t-on 31 millions de dollars pour 20 à 50 personnes? Il s’agit d’une dépense massive à court terme, car cette mesure est considérée comme provisoire. Quelles sont les autres options et les autres rénovations envisagées? Quels sont les avantages à long terme?

Je vous remercie.

Mme Freeland : Je n’ai pas le temps de répondre à cette question. Je me contenterai de répondre à la question qui porte sur les vols de voitures. Nous reconnaissons que les fabricants d’automobiles ont un rôle à jouer et nous travaillons avec eux en vue de trouver une solution à ce problème.

La sénatrice Duncan : Merci encore, madame la ministre, de votre présence .

La sénatrice MacAdam et moi-même avons posé une question au sujet de l’examen de la Loi de l’impôt sur le revenu. Vous avez dit que vous preniez le travail de ce comité au sérieux. Que pensez-vous de la suggestion selon laquelle le Sénat serait chargé de réformer et d’examiner la Loi de l’impôt sur le revenu? Au risque de passer pour une politicienne de l’opposition, pourrais-je vous demander de répondre par oui, par non, ou par « je prendrai cette question en délibéré »?

Mme Freeland : Je prends ce que vous faites très au sérieux, sénatrice Duncan. Je prends le travail du Sénat très au sérieux.

La question de la politique fiscale est, en quelque sorte, au cœur de tout ce que fait notre gouvernement. Dans mon discours sur le budget, j’ai dit, de façon intentionnelle, que la politique fiscale n’était pas seulement l’affaire des experts. Il s’agit en fait d’un énoncé de valeurs. Je ne suis pas ici pour faire une nouvelle annonce sur l’orientation de notre gouvernement en matière de politique fiscale.

La sénatrice Duncan : Je vous ai posé une question sur la loi elle-même.

Le sénateur Loffreda : Madame la ministre, le système bancaire ouvert semble être une préoccupation. En juin 2019, le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie a publié un rapport exhaustif sur le système bancaire ouvert, qui a été bien accueilli par tous. Comme vous avez pu le constater, c’est dans ses rapports et au sein de ses comités que le Sénat se montre particulièrement efficace.

Nous sommes le dernier pays du G7 à avoir adopté le concept du système bancaire ouvert. Pourquoi ne s’agit-il que d’un cadre? Cela vous donnera-t-il la possibilité de rectifier le tir ou de dissiper nos préoccupations à l’avenir?

Mme Freeland : Je vous remercie de la question, sénateur.

Les questions des sénateurs Gignac et Forest ainsi que la vôtre, prises ensemble, font ressortir le défi qui se pose. D’une part, nous devons agir et agir rapidement. D’autre part, le Canada est un pays très particulier dont la structure politique est complexe, notamment en ce qui concerne la manière dont notre système financier est régi. Nous essayons d’établir un équilibre. La mise en place d’un cadre est une étape importante.

Le système bancaire ouvert doit être plus amplement opérationnel au Canada. Je reconnais également qu’il y a une raison pour laquelle les gens posent des questions à ce sujet. Je suis heureuse de recevoir ces questions et les idées qui les sous-tendent. Je suis ravie d’avoir l’occasion d’entendre ces idées sur la manière d’aller de l’avant.

[Français]

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre. Je vais couper dans mon temps de parole, car on n’a plus de temps. Merci beaucoup de votre générosité. On a étiré cette réunion plus longtemps que prévu. C’est toujours un plaisir de vous accueillir. Ceci conclut notre réunion d’aujourd’hui. On se revoit le 4 juin pour la suite de l’étude du projet de loi C-69.

Mme Freeland : Je remercie tous les sénateurs et le président de leur patience avec les votes.

(La séance est levée.)

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