LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 4 juin 2024
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 14 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.
Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes qui sont sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.
Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes, qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris nos amis les interprètes.
Dans la mesure du possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones.
N’utilisez qu’une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées.
Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci à tous de votre coopération.
Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices et à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca.
Je m’appelle Claude Carignan. Je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je vais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec.
Le sénateur Gignac : Bonjour. Clément Gignac, du Québec.
Le sénateur Loffreda : Bonjour. Tony Loffreda, de Montréal, au Québec. Bienvenue.
[Traduction]
La sénatrice Kingston : Bienvenue. Joan Kingston, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Ross : Krista Ross, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur la teneur complète du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, qui a été renvoyé au Comité des finances nationales par ordre du Sénat le 9 mai 2024.
Nous avons donc le plaisir d’accueillir cet après-midi M. David Macdonald, économiste principal, Centre canadien de politiques alternatives, Me Angelo Nikolakakis, associé d’EY avocats, Services de base de fiscalité, Association du Barreau canadien, et M. Mark Weber, membre, Conseil national d’administration, Alliance de la fonction publique du Canada.
Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Je commence par donner la parole à M. Macdonald, qui sera suivi de Me Nikolakakis et de M. Weber. Vous pouvez présenter une courte introduction de cinq à sept minutes, puis on passera aux questions des sénateurs. Merci.
[Traduction]
David Macdonald, économiste principal, Centre canadien de politiques alternatives : Je vous remercie, monsieur le président et distingués membres du comité, de me donner l’occasion de parler du projet de loi C-69. Je voudrais limiter ma déclaration liminaire à quatre domaines clés : le taux d’inclusion des gains en capital, l’impôt minimum mondial, les changements au système d’assurance-emploi et le programme national d’alimentation en milieu scolaire.
En tant que défenseur de longue date de l’augmentation des taux d’inclusion des gains en capital, je suis heureux de constater que nous faisons des progrès à cet égard. De 1988 à 2000, nous avions des taux d’inclusion similaires ou même plus élevés sur les gains en capital. Ces taux plus élevés n’ont pas entraîné l’exclusion de 250 000 $ que nous constatons dans le budget de cette année. Les taux d’imposition des sociétés étaient deux fois plus élevés qu’ils le sont aujourd’hui.
Malgré la crainte que l’investissement diminue en raison de l’augmentation de l’imposition des gains en capital au cours de cette période, l’investissement a en fait doublé au cours de cette période en proportion du PIB, passant de 2,6 % du PIB pour les machines et l’équipement à 4 % d’ici la fin de la décennie, et de 1 % du PIB à plus de 2 % pour la propriété intellectuelle. En fait, les investissements dans les machines et l’équipement en 2000 sont plus élevés qu’aujourd’hui, où ils ne représentent que 3 % du PIB.
Les entreprises n’investissent pas pour profiter de taux d’imposition bas. Elles investissent parce qu’elles pensent pouvoir gagner de l’argent. Les investissements des entreprises suivent le cycle d’affaires. Une économie forte conduit à de forts investissements des entreprises. Les entreprises s’efforcent de tirer parti de la croissance et laissent les comptables comprendre comment réduire les impôts après coup. Un taux d’inclusion plus élevé permet de traiter de la même façon les entreprises de différents secteurs. Les entreprises qui achètent et vendent des actifs n’obtiennent pas de préférence fiscale par rapport aux autres entreprises qui vendent des biens et des services, bien que c’est ce que permet le traitement fiscal différent pour les gains en capital.
À long terme, nous devrions passer à l’inclusion complète. Comme l’a dit la commission Carter, un dollar est un dollar, que vous achetiez ou vendiez des actions ou que vous balayiez des planchers. Cette inclusion complète devrait être accompagnée d’une augmentation inflationniste du prix d’achat d’immobilisations. Les avoirs à plus long terme, comme les chalets familiaux ou les fermes, pourraient obtenir une inclusion très faible, le cas échéant, tandis que les gains en capital à court terme issus de la négociation d’actions, par exemple, seraient à pleine inclusion.
Il est également utile d’examiner la façon dont le produit de l’allégement fiscal sur les gains en capital est utilisé. L’un des principaux moteurs des gains en capital a été l’investissement immobilier dû à des prix hors de contrôle du marché immobilier. En fait, des gains en capital substantiels pour les investisseurs sont réalisés aux dépens de ceux qui cherchent un logement. Le produit d’un taux d’inclusion plus élevé finance l’augmentation du nombre de logements plus abordables. Ceux qui réalisent les gains immobiliers paient en partie des mesures importantes pour limiter les terribles répercussions sur l’abordabilité du logement.
Je suis encouragé de voir le projet de loi qui prévoit l’impôt minimal mondial aller de l’avant. Il s’agit d’un outil important pour lutter contre le transfert des profits du Canada vers des pays sans imposition ou à faible imposition. Il faut s’attaquer à l’épidémie d’entreprises multinationales qui utilisent divers moyens pour éviter de payer leur juste part de l’impôt sur le revenu des sociétés canadiennes tout en comptant sur l’infrastructure, les travailleurs et le système juridique canadiens. L’impôt minimum devrait recueillir près de 3 milliards de dollars à compter de 2026-2027, et il est crucial de s’assurer que les entreprises qui font de l’argent ici paient des impôts ici aussi.
Les changements apportés à l’assurance-emploi dans ce budget sont décevants. Au cours de la dernière année, de nombreux experts de l’assurance-emploi ont été consultés longuement au sujet des améliorations à apporter à la suite de la pandémie et de notre expérience en matière de prestations d’urgence. Malheureusement, peu de choses ont changé fondamentalement, bien que le budget maintient la prolongation limitée des prestations d’assurance-emploi pour les travailleurs saisonniers qui auraient autrement expiré à l’automne. J’encourage les membres à réfléchir à un élément sur lequel nous travaillons : un nouveau volet de l’assurance-emploi qui prévoit des mesures d’intervention d’urgence que le ministre d’Emploi et Développement social Canada pourrait déclencher pour une région géographique donnée. Cela pourrait être déclenché en cas d’évacuations attribuables à des feux de forêt ou à des inondations ou même d’événements à plus grande échelle comme — il ne le faudrait surtout pas — une autre pandémie qui entraîne la fermeture de lieux de travail.
Le déclenchement de ces mesures entraînerait un assouplissement immédiat des règles d’accès à l’assurance-emploi. Il éliminera la période d’attente d’une semaine, réduira les heures nécessaires pour accéder aux prestations et établira un montant plancher pour les prestations.
Nous n’avons toujours pas de réponse institutionnelle aux menaces toujours croissantes liées au climat ou à la santé. Comme on l’a vu pendant la pandémie, les aides financières sont essentielles pour maintenir les travailleurs et les familles à flot en cas d’urgence.
Enfin, je voudrais saluer un pas important vers un programme national d’alimentation en milieu scolaire dans le budget. C’est une chose que nous préconisons depuis longtemps. Avec le budget de 2024, nous assistons maintenant à un afflux d’argent pour concevoir les éléments de base. Idéalement, ce programme serait universel, où tous les enfants reçoivent un déjeuner sain et gratuit à l’école tous les jours, éliminant la stigmatisation que de tels programmes peuvent apporter lorsque seuls quelques élèves en bénéficient.
Comme le prévoit le budget de 2024, ce programme n’est pas universel. Un programme national universel d’alimentation en milieu scolaire coûterait environ 2,5 milliards de dollars par année, bien que les mesures prévues dans le budget de 2024 n’engagent qu’environ 200 millions de dollars par année. C’est néanmoins un important point de départ pour établir les ententes provinciales et territoriales nécessaires à la mise en œuvre d’un programme plus vaste.
Je vous remercie et j’attends avec impatience vos questions.
Me Angelo Nikolakakis, associé d’EY d’avocats, Services de base de fiscalité, Association du Barreau canadien : Honorables sénateurs, je suis avocat spécialisé en droit fiscal. Je suis associé chez EY d’avocats et je compte plus de 30 ans d’expérience dans le domaine. J’ai déjà été président national de la Section du droit fiscal de l’Association du Barreau canadien et coprésident du Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et Comptables professionnels agréés du Canada. Il s’agit d’un organisme consultatif qui aide le ministère des Finances Canada à peaufiner la législation.
Au fil des ans, j’ai participé à de nombreuses consultations et à d’autres initiatives visant à réformer, à établir, à peaufiner et à préserver d’autres domaines de la Loi de l’impôt sur le revenu. Aujourd’hui, je viens vous parler de deux aspects seulement du projet de loi C-69 : le régime d’impôt minimum de remplacement qui est modifié par ce projet de loi et la loi sur l’impôt minimum mondial qui ferait partie de la législation canadienne en vertu de ce projet de loi.
Je vais commencer par dire quelques mots sur l’impôt minimum de remplacement. Il s’agit essentiellement d’un régime fiscal qui vise à modérer la vitesse à laquelle un particulier peut bénéficier de certaines préférences fiscales. L’intention n’est pas de refuser des avantages fiscaux. Ce n’est qu’une limite de vitesse pour ralentir le rythme auquel les contribuables peuvent se prévaloir de déductions fiscales afin de ne pas éliminer tout leur revenu imposable au cours d’une année donnée. C’est un principe très important. L’intention n’est pas non plus d’assujettir à l’impôt un revenu qui n’existe pas, un revenu fictif. C’est un concept important.
Le but est d’imposer le revenu réel, qui est protégé par certains avantages, à un rythme trop rapide. Il n’est pas question de créer des revenus à partir de rien.
Mais il y a un problème avec l’une des dispositions qui est incluse dans le projet de loi C-69, car elle crée et impose un revenu fictif. La disposition en question — je vais vous donner le numéro — se trouve à l’alinéa 127.52(1)j). Elle comporte un certain nombre d’éléments différents et, plus précisément, le sous-alinéa (ii) qui est une disposition qui exclut les frais d’intérêt associés aux revenus de placement, ou je devrais dire la moitié d’entre eux, 50 %, lorsqu’ils entraînent la création de revenus faux, fictifs, fantômes — peu importe comment vous les appelez — qui n’existent pas d’un point de vue économique. Laissez-moi vous donner un exemple.
Vous empruntez à 8 %. Vous réutilisez l’argent à 8 %. Vous avez des dépenses économiques réelles de 8 % par an. Vous avez des revenus réels de 8 % par an. Vous n’avez pas de revenu réel parce que vos dépenses, dépenses réelles, sont égales à vos revenus réels. Cette règle exclurait la moitié de ces dépenses, même si ce sont des dépenses réelles, et créerait un revenu fictif de 4 %. Comment le contribuable est-il censé payer l’impôt? Il ne s’agit pas d’une situation où le contribuable a des frais d’intérêt qui dépassent ses revenus comme une sorte de planification visant à protéger d’autres revenus. C’est juste un impôt pur sur le revenu fictif. Et je pense que c’est un défaut. Je ne pense pas que ce soit intentionnel, et cela va certainement à l’encontre des principes de l’impôt minimum de remplacement.
Ce que nous avons fait pour être transparents avec vous, c’est communiquer ces préoccupations au ministère des Finances Canada, et nous aurons des discussions et ils les étudient. En outre, nous leur avons communiqué une proposition de révision de la règle en question, qui réglerait non seulement ce problème du revenu fictif, mais aussi un problème différent dans cette règle, ce qui la rend inefficace du point de vue de la Couronne.
En d’autres termes, la règle manque la cible qu’elle vise et elle la surpasse en même temps. J’ai transmis une ébauche au ministère des Finances et j’en ai apporté des copies. Je serais heureux que vous envisagiez cela comme une solution aux deux problèmes que je vois dans cette règle : le problème du revenu fictif et le problème de la cible manquée par la règle elle-même.
La dernière chose que je vais dire à propos de la loi sur l’impôt minimum de remplacement, c’est que la disposition en question, l’alinéa 127.52(1)j), pose également problème à certains autres égards. Elle exclut 50 % des déductions pour une liste complète d’éléments que vous pourriez examiner pour constater que ce ne sont pas des crédits d’impôt ultraciblés. Vous vous grattez la tête et demandez, pourquoi ciblons-nous ces mesures? Je peux vous donner quelques exemples.
Il y a la modeste déduction visant les dépenses d’apprenti mécanicien pour les outils. Les dépenses pour les outils ne sont pas une déduction légitime pour un mécanicien? Comment peut-on devenir mécanicien sans outils? Il y a aussi les frais de garde d’enfants, ce qui touche essentiellement des femmes qui essaient de rejoindre la population active au pays, ce qui, je n’ai pas besoin de vous dire, a une incidence sur les finances nationales.
Un autre exemple, que j’ai vu avec stupéfaction, est une déduction pour les personnes handicapées, qui est restreinte par cette règle. Je vais vous la lire. Vous serez surpris.
Si le contribuable est aveugle, le coût d’un lecteur optique ou d’un dispositif semblable, conçu pour permettre aux personnes aveugles de lire un texte imprimé, à condition que le dispositif soit obtenu sur l’ordonnance d’un médecin.
Pourquoi ciblons-nous cela? Pourquoi n’est-ce pas une dépense légitime? Ce n’est pas un type d’avantage fiscal extravagant ou quelque chose comme cela. Il s’agit d’une mesure appropriée du revenu d’une personne aveugle qui est conçue pour tenir compte des besoins spéciaux de ce type de handicap, parmi bien d’autres handicaps qui sont visés par la même règle. J’aurais pensé que vous n’aimeriez pas cela, monsieur Macdonald.
Quoi qu’il en soit, je pense que la meilleure façon de procéder est de retirer cette disposition jusqu’à ce que les parlementaires et les autres intervenants puissent examiner certaines de ces considérations stratégiques, ou il faudrait au moins limiter cette disposition au passage sur le revenu de placement dont j’ai parlé plus tôt, mais la réviser d’une façon qui, comme je vous l’ai dit, règle le problème du revenu fictif, mais aussi, du point de vue de la Couronne, résout un problème qui est une lacune dans la règle.
Passons très rapidement à l’impôt minimum mondial...
[Français]
Le président : Pouvez-vous conclure?
Me Nikolakakis : Très vite, monsieur le président.
[Traduction]
L’impôt minimum mondial est le produit d’une initiative internationale menée par l’OCDE et le groupe plus large de pays connu sous le nom de Cadre inclusif. Très bien. Il a pour but d’obliger les grandes entreprises multinationales à payer un impôt minimum de 15 % sur leur résultat net comptable, ce qui correspond mieux à leur revenu économique réel.
Le président : Monsieur Weber, je vous en prie.
Mark Weber, membre, Conseil national d’administration, Alliance de la fonction publique du Canada : Merci, monsieur le président et distingués membres du comité. Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui devant le Comité sénatorial des finances. Je m’appelle Mark Weber et je suis membre du conseil national d’administration de l’Alliance de la fonction publique du Canada, ou l’AFPC, qui représente 245 000 membres. La plupart des membres de l’AFPC travaillent pour le gouvernement fédéral, mais beaucoup travaillent pour des établissements d’enseignement postsecondaire, des gouvernements territoriaux, des organismes sans but lucratif, des organisations autochtones et certains employeurs privés.
Je suis également le président national du Syndicat des douanes et de l’immigration, une composante de l’AFPC, qui représente plus de 12 000 employés de l’Agence des services frontaliers du Canada, ou l’ASFC, qui comprend 9 000 membres du groupe Services frontaliers qui n’ont plus de contrat depuis deux ans.
Un changement positif qui mérite d’être souligné dans le projet de loi C-69 est le libellé proposé qui précise dans le Code canadien du travail que les employeurs sont responsables de bien identifier les employés au lieu de contourner leurs responsabilités en prétendant qu’ils sont des entrepreneurs. C’est un pas dans la bonne direction pour tous les travailleurs canadiens.
Malheureusement, cet article commet certaines des mêmes erreurs commises par le gouvernement de l’Ontario dans ses modifications à la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario et devrait inclure des normes minimales qui s’appliquent à tous les travailleurs et employeurs, ainsi que des pénalités significatives en cas d’infraction à ces normes. Nous craignons toutefois que le budget et le projet de loi laissent de côté les employés du gouvernement de bien des façons.
Il n’y a pas d’argent pour les dommages causés par Phénix ni pour l’augmentation du financement pour embaucher et maintenir en poste plus de personnel afin de traiter le demi-million de dossiers liés à Phénix, à peu près, qui ne sont toujours pas réglés. Il n’y a pas non plus d’argent pour accroître la capacité de la commission de l’équité salariale, qui accuse énormément de retard et ne respectera certainement pas l’échéance du mois de septembre pour ce qui est de la mise en place de plans d’équité salariale pour tous les milieux de travail sous réglementation fédérale. Ces omissions témoignent d’un manque critique de respect envers les travailleurs du secteur public. D’autres dispositions sont aussi un peu déroutantes, comme la décision du gouvernement de vendre ses immeubles dans le cadre de sa stratégie de logement abordable. Bien que le logement abordable soit certainement positif, il est difficile pour nous de concilier la décision de vendre des bâtiments gouvernementaux avec la directive arbitraire qui ordonne à des employés qui travaillent efficacement à distance depuis plusieurs années de passer soudainement plus de temps dans des bureaux qui sont souvent sur le point d’être vendus. On manque encore de respect envers les travailleurs du secteur public par omission.
Le projet de loi C-69 comprend également deux problèmes que nous devons régler. Tout d’abord, nous avons des questions sur les dispositions qui apporteront des modifications à la Loi sur le système correctionnel afin de loger les détenus de l’immigration dans des établissements correctionnels fédéraux.
À titre d’agent négociateur de l’ASFC, du Service correctionnel du Canada et des travailleurs de l’immigration, l’AFPC doit être consultée au sujet de toute modification de la classification des postes, des lieux de travail et des responsabilités. Qui fournira les différents services aux détenus dans ce nouveau cadre? Comment les emplois interagiront-ils et se chevaucheront-ils? Le gouvernement confirmera-t-il que le service ne sera pas confié à des sous-traitants? Les obligations en matière de sécurité publique ne devraient jamais être refilées au soumissionnaire qui propose le prix le moins élevé, et les sociétés de sécurité privées n’ont aucun rôle à jouer dans ces institutions ou dans d’autres institutions publiques si nous voulons assurer l’intégrité des processus de sécurité publique de nature délicate.
Enfin, le projet de loi propose des modifications à la Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, et nous comprenons, d’après différentes sources, qu’il s’agit de changements administratifs apportés afin que le Conseil du Trésor puisse déplacer de l’argent dans les régimes de retraite des membres dans le cas d’un excédent non autorisé, ou peut-être aussi dans le cas d’une augmentation des prélèvements dans les régimes ou d’une réduction des recettes.
Le gouvernement fédéral ferait bien de se rappeler que tout excédent qui peut être réalisé repose sur les cotisations des employés. Avant de prendre des mesures pour utiliser cet excédent pour les dépenses du gouvernement, il est essentiel de consulter les membres et de corriger les injustices.
L’une de ces injustices est le traitement différent des professions de la sécurité publique. L’AFPC demande depuis longtemps au gouvernement fédéral de fournir aux agents frontaliers et aux pompiers du ministère de la Défense des dispositions en matière de pension équivalentes à celles de leurs pairs et des divisions de la sécurité publique d’autres ministères et gouvernements.
À l’heure actuelle, les agents de l’ASFC, les pompiers du ministère de la Défense et les pompiers de Parcs Canada doivent travailler au moins cinq ans de plus que leurs pairs, ce qui les expose à un risque accru de maladies et de blessures professionnelles et rend le recrutement et le maintien en poste de plus en plus difficiles. Le fait que le gouvernement fédéral continue de refuser de mettre en œuvre des changements législatifs simples qui permettraient de corriger cette injustice est profondément insultant pour nos membres, surtout dans le contexte d’une grève imminente à l’ASFC. Le budget de 2024 est une occasion pour le gouvernement de changer cela.
Nous savons que le président du Conseil du Trésor a reçu nos recommandations sur la façon de procéder à ces changements promis. Je remercie le comité et j’attends avec impatience vos questions.
[Français]
Le président : Je remercie nos témoins.
Nous allons maintenant commencer la période des questions. Chaque sénateur aura cinq minutes, y compris les questions et les réponses.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Je voulais savoir si vous pensez que le fait que le Canada va mettre en œuvre la Loi sur l’impôt minimum mondial aura une incidence sur les entreprises canadiennes? Cette loi les encouragera-t-elle à déménager aux États-Unis? Changera-t-elle les choses en ce qui concerne l’investissement au Canada? Personne n’a répondu à cette question pour nous.
Me Nikolakakis : Elle aura assurément des répercussions. La question est donc : quelles sont les répercussions?
La sénatrice Marshall : Oui.
Me Nikolakakis : Les entreprises vont-elles déménager aux États-Unis? Dans une certaine mesure, les États-Unis ont un régime comparable et ont inventé ce type de régime. Ils ont une règle appelée le régime de GILTI, qui porte sur le revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels. Mais c’est très différent et plus favorable de bien des façons. Je vais vous donner un exemple parce qu’ils ont deux ou trois régimes. C’est plus favorable parce qu’on tient compte du taux d’imposition effectif d’un point de vue plus mondial, tandis que la loi sur l’impôt minimal mondial procède pays par pays.
Si vous payez 10 % dans le pays A et 20 % dans le pays B, et que la moyenne des deux est de 15 %, ce n’est pas suffisant. Vous finissez par payer plus de 15 %, parce que vous payez 20 % dans le pays B et vous devez payer le supplément allant jusqu’à 15 % dans le pays A. Ce n’est pas ainsi que fonctionne le système américain. C’est un mélange, ce qui est plus favorable. Je pense donc que les entreprises qui comparent les deux régimes vont souvent préférer le régime américain à cet égard.
La sénatrice Marshall : D’accord.
Me Nikolakakis : Un autre aspect de leur système s’appelle le revenu incorporel tiré de sources étrangères. Selon cet aspect de leur système, au lieu de déménager à l’étranger, une entreprise américaine peut gagner un revenu incorporel tiré de sources étrangères — un revenu de vente qui comporte une composante incorporelle et divers autres types de revenus à forte valeur ajoutée — directement aux États-Unis et payer essentiellement la moitié du taux. On paie directement ce faible taux d’environ 13 ou 14 %.
Autrement dit, les entreprises multinationales canadiennes doivent surmonter des obstacles pour obtenir le taux concurrentiel international. Les entreprises multinationales américaines peuvent le faire depuis leur propre pays. Et cela a une incidence non seulement sur l’emplacement des activités commerciales et des sociétés mères, mais aussi sur les finances nationales, parce que quelqu’un a dit qu’on allait recueillir 3 milliards de dollars grâce à cette loi. J’en doute, car les entreprises vont arranger leurs affaires pour payer les 15 % à l’étranger au lieu des 26 ou 27 % qu’elles paieraient autrement au Canada. Si elles sont américaines, payer 15 % ici et 15 % là, cela n’a pas d’importance. Par conséquent, vous allez observer une hémorragie de certaines des recettes qui seront versées à des pays étrangers plutôt qu’au Canada, où elles seraient réinvesties, distribuées sous forme de dividendes et payées indirectement en impôts canadiens et dans l’économie canadienne.
Comment cela va-t-il affecter les investissements au Canada? Dans une certaine mesure, parce que, encore une fois, le but est de limiter la concurrence fiscale. Dans la mesure où le gouvernement canadien voudrait offrir certains types d’incitatifs pour attirer les investissements, cela limite cette possibilité.
Maintenant, bien sûr, les fiscalistes sont intelligents. Ils trouvent des moyens de contourner cela. Je ne parle pas des praticiens, mais des gouvernements. Quand on voit les gouvernements accorder des subventions au lieu de certains crédits d’impôt, c’est conçu pour contourner ces restrictions. Peut-être que cela n’a pas vraiment d’effet. C’est juste que vous devez le faire d’une manière différente. C’est pourquoi nous avons vu les ententes de subvention annoncées et les crédits remboursables.
La sénatrice Marshall : Retenez mon nom pour le deuxième tour. J’ai une question d’ordre général.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci à nos témoins d’être avec nous. Ma première question s’adresse à M. Macdonald. La section 23 de la partie 4 vise à maintenir les cinq semaines supplémentaires d’assurance-emploi pour les travailleurs des industries saisonnières, ce qui est une réalité importante dans plusieurs régions du Canada.
Depuis des années, le gouvernement jongle avec cette situation problématique en reconduisant les mesures temporaires d’année en année. C’est comme si notre régime d’assurance-emploi ne pouvait pas s’adapter à cette réalité des travailleurs saisonniers. Avez-vous réfléchi à cette problématique, notamment pour éviter que nos travailleurs saisonniers soient aux prises avec le fameux trou noir, c’est-à-dire la période durant laquelle il n’y a ni assurance-emploi ni autre mesure?
[Traduction]
M. Macdonald : De nombreux changements ayant fait l’objet de discussions la dernière année dans le cadre de la consultation sur l’assurance-emploi auraient pu améliorer l’assurance-emploi compte tenu des leçons tirées de la pandémie ainsi que de l’importance des prestations en espèces, qui aident les travailleurs en cas de pandémie, et des réductions substantielles des heures de travail nécessaires pour obtenir des prestations. Les niveaux de prestations plus élevés ont joué un rôle décisif pendant la pandémie. Aucune de ces prestations n’a survécu pour nous aider dans d’autres domaines, par exemple face aux catastrophes climatiques, comme les inondations et les incendies, lorsque des collectivités entières doivent être évacuées. Aucun changement à l’assurance-emploi ne peut être mis en place immédiatement dans ces circonstances.
Dans d’autres domaines où les emplois sont plus temporaires ou saisonniers et où l’assurance-emploi pourrait être d’une grande aide, ces changements institutionnels n’ont pas été apportés. Ce budget ne prolonge que très peu les programmes existants et, comme vous le dites à juste titre, c’est prolongé année après année. Il est regrettable que le présent budget n’ait pas apporté de changement plus complet au régime d’assurance-emploi. Chose certaine, il y a eu beaucoup de consultations pour apporter ces changements, même s’il n’y a pas eu de changements importants dans ce budget.
[Français]
Le sénateur Forest : Actuellement, il y a une révision de l’ensemble du régime; on le révise depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Comment expliquez-vous le fait qu’on n’arrive pas à adopter une position plus permanente et pérenne pour ces travailleurs?
[Traduction]
M. Macdonald : Il est malheureux que nous n’ayons pas tiré de leçons de la pandémie et que nous n’ayons pas apporté de changements au système d’assurance-emploi pour le rendre plus favorable aux travailleurs et plus accessible; pour que les travailleurs qui occupent un emploi précaire ou saisonnier aient accès à un meilleur système; et pour que nous soyons prêts à intervenir lorsque la prochaine situation d’urgence surviendra et que les travailleurs en auront besoin — parce qu’ils sont évacués, parce qu’il y a des arrêts de travail ou parce que le gouvernement les oblige à arrêter. Ils obtiendraient alors une aide immédiate grâce à un système qui vise à les protéger contre le chômage.
Lorsque les gens ne peuvent pas retourner au travail parce que leur collectivité a été fermée, parce qu’ils ont un emploi saisonnier, et cetera, nous avons besoin de dispositions dans le régime d’assurance-emploi pour faire face à la situation. Malheureusement, ces dispositions n’ont pas été incluses dans le budget.
[Français]
Le sénateur Forest : Maître Nikolakakis, je profite de votre présence pour vous questionner sur un élément qui n’est pas nécessairement dans le projet de loi C-69, soit le rehaussement du taux d’inclusion pour les gains en capital. Le 1er mai, vous avez produit un mémoire sur cette question à l’intention du gouvernement. Essentiellement, vous recommandez qu’on accorde plus de temps aux contribuables pour leur permettre de faire un choix concernant la réalisation des gains en capital. Vous dites que cette souplesse ne réduirait pas les revenus escomptés pour le gouvernement fédéral en 2024-2025. Pouvez-vous expliquer un peu la logique derrière cette conclusion?
Me Nikolakakis : Cette conclusion est basée sur le principe selon lequel le gouvernement veut inciter les gens à créer des gains en capital cette année afin d’être en mesure d’inclure ces recettes fiscales pour la période actuelle. Il y a des controverses autour de cela, mais on veut rester sous la barre de 40 milliards de dollars. C’est le but. Alors, on a donné du temps pour créer une possibilité pour les gens de prendre avantage du taux d’inclusion de 50 % avant que le taux soit à 66 %. Normalement, les changements dans les taux s’appliquent tout de suite, sauf dans des cas exceptionnels. Dans ce cas, on a créé une fenêtre. Cependant, si le but de cette fenêtre est de créer des gains en capital cette année, pourquoi la fenêtre est-elle seulement d’un mois, et non pour toute l’année? Tout tombera dans l’année si on provoque un gain cette année. Donner plus de temps n’est pas une mauvaise idée.
Deuxième chose : si on veut que les gens créent des gains, normalement, il faut des opérations, des transactions. Imaginez quelqu’un qui a un édifice qui est loué. Il veut peut-être le vendre, alors cela vaudra la peine de provoquer le gain cette année. Est-ce qu’il est en mesure d’organiser ses affaires, d’engager un notaire, des avocats, de créer des sociétés, de faire face à de nombreux coûts et complexités afin de créer le gain avant le 25 juin? Cela donnerait plus de temps pour s’organiser de cette façon.
Cependant, un autre point soulevé dans la soumission est le suivant : pourquoi doit-on obliger les gens qui veulent créer des gains à faire des opérations? Pourquoi ne pas donner un choix fiscal, pourquoi ne pas présumer qu’on a aliéné le bien, provoqué le gain, sans des coûts inutiles associés à des opérations qui profiteront à des gens comme moi, qui sont des fiscalistes et des avocats? Ils sont capables de faire le travail? C’est beaucoup de travail et très peu de gains; il y a beaucoup de gains qui seront créés et des milliers de personnes voudront le faire.
Le président : Merci, maître Nikolakakis.
Le sénateur Gignac : J’ai envie de poursuivre sur la discussion que mon collègue a enclenchée, même si cette mesure n’est pas dans le projet de loi C-69, mais vous êtes là et vous avez une expertise, et c’est une mesure très importante dans le budget de 2024. On est toujours en attente des détails. Le 25 juin arrivera rapidement. Vous l’avez bien décrit pour le secteur immobilier : ce n’est pas comme une action que l’on vend à la bourse. Est-ce que le taux d’inclusion et le gain en capital ont déjà été modifiés? Je recule en 1987-1988 avec Michael Wilson; il avait donné un préavis de six mois à ce moment-là plutôt que deux mois. Cela avait été annoncé à l’avance.
Me Nikolakakis : Oui, mais c’est un exemple et il y en a d’autres.
Le sénateur Gignac : Effectivement, et maintenant, on bouge rapidement. En 1994 aussi, Paul Martin a éliminé l’exemption de 100 000 $ pour le gain en capital. C’est comme si on disposait du bien, on paie des taxes sur le bien, mais on ne le vend pas vraiment. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Me Nikolakakis : Il y a des dépenses utiles et inutiles.
Le sénateur Gignac : Oui.
Me Nikolakakis : Obliger les gens à chercher des avocats, à payer des professionnels et à engager des dépenses inutiles, cela n’a pas de bon sens. C’est beaucoup plus logique. On n’est pas là pour contester la décision politique du gouvernement d’augmenter le taux, qui est convenable, ni pour remettre en question la création d’une fenêtre pour donner aux gens la possibilité de décrocher des gains à 50 %. Pourquoi les obliger à payer des coûts inutiles?
Le sénateur Gignac : D’accord. Si j’ai le temps, on reviendra sur le sujet de l’impôt minimum de remplacement. Dans le budget de 2023, ils avaient quand même annoncé des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu qui entrent dans le calcul de l’impôt minimum de remplacement, et ils sont partis faire des consultations. Maintenant, quand je regarde tout cela, on va refuser 50 % pour un éventail de crédits d’impôt, comme vous le disiez dans votre présentation d’ouverture. Est-ce qu’ils ont vraiment fait des consultations avant de décider de faire cela? Vous donnez des exemples qui sont assez frappants, tout de même.
Me Nikolakakis : Il y avait quelques améliorations, mais il y a toujours des problèmes comme ceux que j’avais décrits. C’est injuste de taxer quelqu’un sur des revenus qu’il n’a pas.
Le sénateur Gignac : Par contre, concernant les dons de bienfaisance, le crédit d’impôt sera de 80 %; ce ne sera pas 50 %. On a eu des présentations de certaines fondations du Québec, qui étaient très inquiètes de constater que cela pourrait avoir un impact sur les dons, puisqu’il y a quand même des gens qui ont beaucoup de moyens. Est-ce que ces changements vous rassurent un peu, le fait qu’on aille à 80 % plutôt qu’à 50 %?
Me Nikolakakis : Je ne peux pas vraiment commenter sur les détails techniques de ces changements ni sur cet aspect en particulier. Il est sûr que quand on pénalise les gens qui donnent de l’argent à d’autres personnes, c’est problématique, parce qu’ultimement, cela diminuera le montant que les gens voudront donner. Ce sont des gens qui donnent.
Le sénateur Gignac : Ces organismes vont cogner aux portes du gouvernement, parce qu’ils vont manquer d’argent.
Me Nikolakakis : Mais quelqu’un doit nourrir les personnes qui ont besoin de manger.
Le sénateur Gignac : D’accord.
[Traduction]
Le sénateur Smith : Monsieur Weber, j’ai une question à poser à l’Alliance de la fonction publique du Canada. Le gouvernement a annoncé dans le budget de 2024 des plans visant à réduire de 5 000 la taille de la fonction publique fédérale au cours des prochaines années. Le directeur parlementaire du budget s’est dit préoccupé par le fait que le budget de 2024 et, par conséquent, le projet de loi C-69 comprennent de nombreux nouveaux programmes qui nécessiteront probablement l’embauche de fonctionnaires supplémentaires. Il a du mal à concilier ces objectifs concurrents.
Avez-vous des inquiétudes au sujet de l’absence de plan complet de gestion des ressources humaines dans la fonction publique fédérale de la part du gouvernement?
M. Weber : Il n’y a pas eu de consultation à ce sujet. Nous ne savons pas d’où viennent les compressions. Nous avons des organisations d’employeurs qui manquent incroyablement de personnel. À l’ASFC, il manque entre 2 000 et 3 000 agents dans l’ensemble du pays. Nous avons des points d’entrée qui fonctionnent avec quatre personnes, alors qu’il y a 10 ans, il y en avait 20. Cela vous donne une idée de la mesure dans laquelle nous avons désespérément besoin de personnel. L’idée de perdre un agent est terrifiante. Nous faisons des heures supplémentaires presque illimitées. Pour vous donner une idée, nous représentons 3 % de la fonction publique fédérale et nous faisons 20 % des heures supplémentaires. Nous en sommes probablement le pire exemple, mais il y en a d’autres qui sont dans une situation désespérée. L’idée de perdre des ressources est effrayante.
Le sénateur Smith : Avez-vous des consultants que vous embauchez pour tenter de combler les écarts en matière de travail? Quelle est votre situation à cet égard?
M. Weber : L’écart est comblé par les heures supplémentaires, comme je l’ai dit. Tout le monde y met du sien. Nous avons des points d’entrée avec des feuilles de présence sur lesquelles on écrit le nombre d’heures qu’on peut faire. Nous gardons les gens en poste aussi longtemps qu’ils en sont capables.
Le sénateur Smith : Que faites-vous pour tenter d’influencer le gouvernement afin qu’il s’adapte et vous aide?
M. Weber : Nous rencontrons des députés. Nous essayons d’orienter la discussion dans cette direction. Je pense que nos membres sont souvent nos pires ennemis à cet égard, et nous travaillons ce nombre d’heures extrême et faisons le travail de deux ou trois personnes pour que tout fonctionne.
Pour le public, en général, il n’est pas toujours évident de voir à quel point la situation est désespérée, mais elle l’est.
Le sénateur Smith : L’autre chose que vous avez mentionnée dans vos commentaires, c’est que vous exprimez vos préoccupations quant au manque de financement dans ce projet de loi pour éliminer l’arriéré de paye de Phénix, qui compte encore près d’un demi-million de dossiers. Comme vous l’avez mentionné, il faudra embaucher des employés supplémentaires. Je me demande quel genre de discussions vous avez à ce sujet avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne le processus d’embauche nécessaire pour que les ministères puissent exécuter efficacement des programmes comme celui-ci qui vise à éliminer l’arriéré du système de paye Phénix.
M. Weber : Oui, l’Alliance de la fonction publique du Canada est en train d’avoir ces discussions. Nous cherchons désespérément à obtenir plus de personnel pour composer avec cette situation. Il n’y a pas de période de paye pendant laquelle il n’y a pas de problèmes avec Phénix. Il est difficile de croire que nous en sommes encore là, mais il y a encore un demi-million de dossiers dans l’arriéré. Les conséquences psychologiques que cela représente pour les membres qui ont dû subir cette épreuve — certains ont perdu leur mariage, leur famille et leur maison. Cela a été extrême, au-delà du simple point de vue de l’argent. Cela a été dévastateur.
Le sénateur Smith : Wow. Il me faudra probablement un moment pour digérer tout cela avant d’en entendre plus. Merci beaucoup, monsieur Weber.
La sénatrice Ross : Ma question s’adresse à Me Nikolakakis. Je voudrais en savoir un peu plus sur la loi sur l’impôt minimum mondial. Vous avez parlé du concept des subventions. Les subventions seraient-elles généralement considérées comme des augmentations de revenu ou des baisses d’impôt? Les pays qui déjouent le système ainsi subissent-ils le moindre contrecoup? Se passera-t-il quelque chose?
Me Nikolakakis : Vos deux questions sont excellentes. La réponse à la première est oui. Autrement dit, les subventions sont considérées comme des revenus supplémentaires et non comme une réduction d’impôt. D’un point de vue économique, il y en a six d’un côté et une demi-douzaine de l’autre, mais l’incidence sur les obligations fiscales est complètement différente. D’où mon point sur l’utilisation des subventions et d’autres éléments. Les crédits d’impôt remboursables sont également traités de la même façon que les subventions parce qu’ils sont remboursables; ils sont traités comme s’il s’agissait d’un cadeau. Les crédits non remboursables sont traités d’une façon totalement différente. Ils sont considérés comme une réduction d’impôt. Cela laisse un impact plus important sur votre passif fiscal. Alors, oui. Vous avez exactement raison. Êtes-vous comptable?
La sénatrice Ross : Non.
Me Nikolakakis : Je ne le suis pas non plus, mais nous apprenons tous. C’est la différence de traitement, et c’est la raison pour laquelle les gouvernements du monde entier orientent leurs systèmes dans cette direction plutôt que dans d’autres.
Peut-on faire la moindre chose à ce sujet? Je ne sais pas. Qui va le faire? Tout d’abord, les principaux pays font ce genre de manœuvre de contournement. Ce ne sont pas les mauvais acteurs qui font cela. Le Canada le fait. Les États-Unis ont des régimes de subventions gigantesques, tout comme les pays européens. Ce sont les pays qui se plaignent des impôts peu élevés.
Je considère que c’est un peu circulaire. Vous voulez limiter la concurrence fiscale, d’une part, mais l’approche est à courte vue et ne la limite pas. Nous parlons de politique fiscale, mais nous devrions parler de politique financière, ce qui comprend les impôts et les dépenses. Des deux côtés de la médaille. Nous limitons les impôts, mais pas les dépenses. Il faut tenir compte des deux côtés de la médaille. Nous limitons les impôts, mais pas les dépenses. Cela revient à la même chose.
Je pense que c’est bien intentionné, mais inefficace, et qu’il n’y a pas de véritable mécanisme de contrôle. Si vous allez trop loin dans la conception de certains de ces crédits et qu’ils commencent à sentir vraiment mauvais, alors l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou l’OCDE, et le groupe plus large de pays, connu sous le nom de Cadre inclusif, doivent se prononcer et déterminer si votre système respecte les principes. S’ils disent que vous êtes allé trop loin, il pourrait alors y avoir des conséquences, mais personne n’enverra de cuirassé. Ce n’est pas ainsi que ça fonctionne.
La sénatrice Ross : Je me demande s’il y a des craintes que les pays quittent le programme ou le système, compte tenu de ce genre de scénario. S’il y avait une sorte de mesure punitive ou de punition, il pourrait peut-être quitter le programme, n’est-ce pas?
Me Nikolakakis : Je ne sais pas. Tout d’abord, ce ne sont pas tous les pays qui y ont adhéré. Des pays qui ont dit qu’ils allaient nécessairement le faire vont-ils changer d’avis? Cela dépend d’une gamme complète de facteurs.
Il y a beaucoup de pays pour lesquels il n’est pas avantageux de le faire, alors ils ne le feront pas. Chaque pays est un peu différent, mais certains grands acteurs — lorsqu’on tient du pourcentage de l’économie mondiale qu’ils représentent — n’y sont pas adhéré. Les États-Unis et la Chine ne participent pas. Prenez ces deux-là. La majorité des pays européens y ont adhéré — du moins, en théorie.
Nous participons au système, et c’est très bien. Le Canada croit aux éléments de coordination internationale qui en font partie, et tant mieux pour nous. C’est une bonne chose. Mais je pense toujours que nous pouvons être plus intelligents à ce sujet et adopter des mesures qui encourageraient les multinationales à gagner une partie de ce revenu directement au Canada au taux convenu — 15 % — plutôt que de les pénaliser. Nous pourrions alors augmenter les recettes.
Il y a d’autres aspects de cette loi dont j’allais parler dans mes observations liminaires, et je vais les mentionner très brièvement. Il y a une peine d’emprisonnement prévue dans cette loi. L’article 110 érige en infraction le fait de ne pas se conformer à une disposition de la loi sur l’impôt minimum mondial lorsqu’il n’est pas expressément indiqué qu’il s’agit d’une infraction. Donc, si ce n’est pas autrement une infraction, c’en est maintenant une, et on peut se retrouver en prison pendant un an.
La sénatrice Marshall m’a demandé plus tôt ce que les entreprises pourraient faire. Je ne sais pas. Si vous commencez à créer une infraction pour chaque petite erreur que quelqu’un fait et que vous exposez les administrateurs et les dirigeants à la possibilité d’une peine d’emprisonnement, ils ne trouveront pas cela très accueillant. Ce n’est pas nécessaire. Les infractions qui comprennent une peine d’emprisonnement devraient être claires, précises et non générales. L’article 110 doit être supprimé.
La sénatrice Pate : Ma première question s’adresse à M. Macdonald. Plus de 100 défenseurs et experts en insécurité alimentaire ont exprimé leur déception quant au fait que le gouvernement ait élaboré à plusieurs reprises un programme national d’alimentation en milieu scolaire comme solution à l’insécurité alimentaire, et ils ont fait remarquer que, bien qu’un programme national d’alimentation en milieu scolaire conçu et mis en œuvre efficacement améliorerait la nutrition des élèves et la réussite scolaire, renforcerait les communautés scolaires et appuierait même le développement économique local en agriculture, la lutte contre l’insécurité alimentaire pour les enfants est un problème plus vaste — un revenu inadéquat et précaire auquel il faut s’attaquer à l’aide de mesures de soutien au revenu.
Seriez-vous d’accord avec ces experts en sécurité alimentaire pour dire qu’un soutien efficace au revenu, comme l’augmentation de la Prestation canadienne pour enfants, ou la PCE, pour les personnes à faible revenu est nécessaire parallèlement au programme national d’alimentation en milieu scolaire afin de répondre le mieux possible à l’insécurité alimentaire vécue par les enfants?
M. Macdonald : Je pense que c’est bien dit. Vous avez tout à fait raison. Ce n’est pas un bon programme de sécurité. La sécurité alimentaire réelle est la sécurité du revenu, pour que les gens aient assez d’argent pour acheter de la nourriture pour leurs familles.
La Prestation canadienne pour enfants est un moyen important de régler le problème de l’insécurité, particulièrement chez les familles ayant des enfants. Depuis sa création, elle a entraîné une diminution mesurable de la pauvreté chez les enfants. Nous avons travaillé à notre projet de budget fédéral de remplacement visant à créer un supplément au programme de Prestation canadienne pour enfants qui vise précisément les familles à faible revenu ayant des enfants. Il a un taux de récupération élevé, mais il fournit un supplément substantiel aux enfants à faible revenu pour couvrir les besoins de base comme la nourriture et le loyer, ce qu’ils ne peuvent souvent pas faire malgré le fait que la Prestation canadienne pour enfants est meilleure que les programmes qu’elle a remplacés.
Il s’agit d’un point important quand on pense aux banques alimentaires et à un programme d’alimentation en milieu scolaire. Il ne s’agit pas de programmes de sécurité alimentaire à long terme. Un soutien du revenu adéquat, que ce soit au moyen de la Prestation canadienne pour enfants, de nos programmes pour les aînés, de la Prestation canadienne pour personnes handicapées ou d’autres programmes pour adultes sans enfants, est la solution à la sécurité alimentaire. Ce ne sont pas des ajouts. Il s’agit autrement de mesures provisoires.
La sénatrice Pate : Merci. Monsieur Weber, vous avez mentionné qu’il n’y avait pas eu de consultation concernant la décision de passer un contrat avec Services correctionnels Canada pour loger des détenus d’immigration. Avez-vous présenté des mémoires à l’ASFC au sujet de cette décision? Avez-vous également présenté des mémoires concernant la passation de marchés avec GuardaWorld?
M. Weber : Oui. Dans les discussions que nous avons eues, la difficulté est que, puisque les gouvernements provinciaux ont choisi de se retirer du programme et de ne plus loger ces détenus, cela évolue constamment. L’ASFC nous a dit qu’elle essayait de construire l’avion pendant que nous le pilotons. Qui fait quoi? Qui devrait faire quoi? Où les détenus vont-ils aller? Quel est le niveau de risque des détenus que nous pouvons héberger? Quels sont ceux que nous ne pouvons pas loger? Cela change toutes les semaines. Il a été incroyablement frustrant pour nous d’essayer de comprendre qui fait quoi. En ce qui concerne les gardiens privés, pour être clairs, nous avons toujours dit qu’il ne devrait y avoir aucun gardien privé qui travaille dans ces installations.
Si nous revenons à l’un des premiers décès en détention, à l’affaire Jimenez, on a recommandé entre autres choses que les gardes privés ne travaillent pas dans ces installations. Pourtant, ils sont toujours là et nous sommes toujours incapables d’obtenir la moindre définition de ce qu’ils feront. À l’avenir, nos centres de surveillance de l’Immigration que nous avons actuellement sont expressément conçus pour accueillir des détenus à faible risque. Ce sont des installations de vie à concept plus ouvert. Si l’idée est d’héberger des détenus à risque moyen ou élevé dans l’une de nos installations, cela ne fonctionnera tout simplement pas avec ce que nous avons construit en ce moment. C’est une cible mouvante.
La sénatrice Pate : Vous êtes allé à Surrey, à Laval et à Toronto. Il y a des espaces qui pourraient être fortifiés à l’intérieur de ces zones, et ils ont pas mal de mesures de sécurité. Puisque j’ai travaillé dans les prisons et autour d’elles pendant la majeure partie de ma vie, je sais qu’elles pourraient être fortifiées assez facilement et qu’il y a plus de 200 places libres.
De plus, les études que nous avons pu obtenir montrent que la majorité des gens sont considérés comme à haut risque de fuite et non à haut risque pour la sécurité publique. Est-ce que cela pourrait changer votre point de vue sur les circonstances?
M. Weber : Oui. Là encore, le niveau de risque change tout. Vous avez parlé de 200 places, ce qui signifie que 200 détenus pourraient vivre dans ces installations de vie à concept ouvert.
Dans leur forme actuelle, si vous avez affaire à des personnes à risque élevé — et je sais que le centre de Laval est en train de s’équiper pour ce genre de détenus —, il est question d’un détenu par étage parce que vous ne pouvez pas loger des détenus à risque élevé dans cet environnement. Une fois de plus, les chiffres changent complètement.
La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse à M. Macdonald. Chaque année, votre centre publie un autre budget que celui qui est proposé. Cette année, vous l’avez intitulé Se donner de l’élan : Un budget fédéral pour le présent et pour l’avenir. On y trouve vos idées et vos propositions en matière d’environnement et de changements climatiques, mais aussi un environnement de travail décent pour assurer la sécurité, ce dont ma collègue a parlé, et aussi des idées en matière d’agriculture.
En ce qui a trait à la crise climatique, vous dites que le Canada devrait traiter les changements climatiques comme ce qu’ils sont, à savoir une urgence extrêmement pressante. Vous continuez en disant que nous devrions supprimer toutes les subventions fédérales et l’aide financière à l’industrie des combustibles fossiles.
J’écoutais la discussion sur les subventions et les allégements fiscaux. Je veux vous donner l’occasion de parler davantage de ce qui se passera selon vous si nous ne le faisons pas. Que se passera-t-il si nous ne traitons pas la crise climatique comme une crise et que cela menace nos finances au Canada et notre compétitivité?
M. Macdonald : Je lisais ce matin quelque chose qui tentait de mettre la crise climatique en perspective. Notre plan actuel, c’est-à-dire atteindre la carboneutralité au Canada d’ici 2050 — et nous n’avons pas les éléments en place pour y parvenir —, signifie que les changements climatiques que nous observons déjà empireront jusqu’en 2050, et la mauvaise situation que nous aurons en 2050 se poursuivra pendant une période indéterminée. Ainsi, les incendies de forêt et les inondations que nous avons connus au cours des deux ou trois dernières années, qui sont devenus normaux et courants, vont empirer jusqu’en 2050, moment auquel ils resteront à ce niveau. Cela suppose bien sûr que d’autres pays atteindront la carboneutralité à ce moment-là.
Il s’agit d’une crise terrible qui va continuer à empirer. Nous pensons que la saison des feux de forêt a été mauvaise l’été dernier. D’ici 10 ou 20 ans, nous allons probablement nous en souvenir comme l’un des meilleurs étés pour ce qui est des incendies et des répercussions des grandes vagues de chaleur, qui rendent certaines parties du pays inhabitables pendant une partie de la saison.
C’est pourquoi nous pensons que c’est une urgence. Comme nous le faisons pour l’abordabilité du logement, par exemple, que nous considérons comme une urgence — il en a beaucoup été question dans le dernier budget —, nous croyons que l’urgence climatique mérite toute la rigueur du gouvernement fédéral pour apporter des changements importants.
Au cours des deux années qui ont précédé ce budget, qui portait beaucoup sur le logement, on a mis l’accent sur le climat. Nous avons une taxe climatique. Une grande partie des revenus pourrait être mieux utilisée pour rendre les technologies vertes et les technologies d’amélioration du rendement énergétique beaucoup moins coûteuses pour les ménages, de sorte qu’au lieu de choisir une fournaise au gaz, ils choisiront une thermopompe puisque c’est une technologie qui est fortement subventionnée et qui coûte donc moins cher.
À long terme, nous devons reconnaître que nous devons éliminer progressivement la production pétrolière au Canada. Nous n’avons pas vu le même genre d’investissement dans les sables bitumineux que ce que nous avons vu avant 2015. C’est positif. Nous devons déclarer sans détour que c’est quelque chose que nous devons arrêter. Nous devons veiller à ce que les travailleurs de ces domaines aient migré vers d’autres lieux d’emploi. Nous n’avons pas à le faire demain, mais nous devons nous engager à long terme à cet égard en raison de la crise climatique.
La sénatrice Galvez : Maître Nikolakakis, j’ai parlé récemment avec des membres du G7 et du G20, ainsi qu’avec des membres de la Banque mondiale à Washington. J’ai appris que nos régimes de retraite investissent massivement dans l’énergie verte, les projets verts et les projets durables en Amérique du Sud, en Inde et en Chine. Pourquoi n’investissent-ils pas ici? J’aimerais que vous l’expliquiez en reprenant le raisonnement concernant vos allégements fiscaux et vos subventions. Cela m’a beaucoup éclairé. Merci.
Me Nikolakakis : Leurs politiques d’investissement sont compliquées et je ne suis pas nécessairement la meilleure personne pour répondre à cette question, mais je peux vous faire quelques commentaires, dont l’un est qu’ils investissent ici. Ils n’investissent pas seulement à l’étranger. Premièrement, ils investissent ici.
La sénatrice Galvez : Connaissez-vous la proportion?
Me Nikolakakis : Je ne connais pas les proportions. N’étant pas un expert, je ne sais pas où les fonds de pension investissent. Toutefois, je sais qu’ils investissent ici. Nous travaillons pour des fonds de pension, et ils investissent certainement ici.
Deuxièmement, leur obligation envers leurs retraités est de maximiser la solidité et la liquidité de leurs fonds de pension. Ils ne peuvent être motivés par des considérations politiques. Ils doivent prendre des décisions fondées sur une répartition diversifiée des risques et une répartition des possibilités. Ils prennent des décisions en fonction de cela. Ils investiront donc partout et à long terme.
Existe-t-il des possibilités émergentes dans le monde que les régimes de retraite canadiens recherchent? Oui, il y en a, mais aussi au Canada.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse à M. Weber. Vous représentez le syndicat des travailleurs des agences frontalières. Pouvez-vous nous décrire brièvement comment un agent décide qu’une personne doit aller dans un centre de détention?
[Traduction]
M. Weber : Merci. Je n’ai moi-même jamais travaillé à un centre de surveillance de l’Immigration. Je sais que les décisions pour savoir si quelqu’un est placé dans un centre ou si on opte pour une solution de rechange à la détention sont régulièrement examinées. La plupart des gens ne sont pas détenus; on leur donne des solutions de rechange à la détention. Des processus de surveillance sont en place, ils doivent se présenter à certains moments et ainsi de suite.
Pour ce qui est des personnes que nous détenons dans les centres de surveillance de l’Immigration, comme je l’ai mentionné précédemment, c’est une cible mouvante maintenant que nous voyons un plan visant à loger certaines personnes dans les pénitenciers fédéraux.
Au début, alors que les provinces commençaient à se retirer de cette entente, une par une, nous avons commencé à chercher des moyens de loger ces détenus dans nos centres de surveillance de l’Immigration. De toute évidence, bien souvent, les détenus qui sortaient des installations provinciales étaient des détenus à haut risque que nous ne pouvions pas loger à défaut d’avoir les installations nécessaires. Maintenant, il semble que nombre d’entre eux seront installés dans des établissements fédéraux, mais, encore une fois, c’est une cible mouvante.
L’une de nos grandes préoccupations — encore une fois, du point de vue du risque — est que nous ne voulons pas que le risque soit une cible mouvante. Nous ne voudrions jamais voir une situation où, une semaine, il y a un nombre donné de places, ce qui signifie que c’est très risqué, mais où, la semaine suivante, il y a moins de places, de sorte que nous devons libérer la personne. Il faut faire un certain travail pour savoir exactement qui est logé où et, encore une fois, qui fait quoi. Que fait le service correctionnel? Que faisons-nous? Y a-t-il des agents de sécurité privés sur place?
[Français]
Le sénateur Dalphond : La prochaine question s’adresse à Me Nikolakakis.
Est-ce que je dois comprendre, en écoutant vos explications sur cette imputation d’un revenu fictif, que les règles anti-évitement ne fonctionnent pas?
Me Nikolakakis : C’est l’inverse. Nous sommes taxés sur des revenus fictifs. Ce ne sont pas des dépenses fictives. Oui, dans la planification, il y a des gens qui essaient de déduire des dépenses qui ne représentent pas un vrai coût économique. On pourrait dire que ce sont des dépenses fictives. Il y a des situations où cela est considéré comme abusif, et c’est réglé par la règle générale anti-évitement, mais il y a d’autres situations où, par des mesures incitatives, on permet des déductions plus élevées ou plus rapides que le vrai coût économique.
Par exemple, dans le cas d’un investissement dans des mécanismes de promotion des améliorations aux technologies écologiques, on permet des déductions très rapidement. Pourquoi? Ce n’est pas parce que l’actif va se déprécier tout de suite, mais on accélère le processus.
On ne parle pas de cela. L’exemple que j’ai mentionné n’est pas cela, c’est l’inverse. Les gens sont taxés sur des revenus fictifs qu’ils n’ont pas. Dans mon exemple, tu empruntes à 8 % et tu gagnes 8 %. C’est tout. That’s it, that’s all. Il n’y a pas plus que cela dans l’investissement. Tu es présumé avoir des revenus, mais tu n’en as pas.
Ce qui serait conforme au principe du régime d’impôt minimum, ce serait de ne pas permettre aux gens d’emprunter à un taux de 8 % pour faire 4 %, et d’utiliser l’autre 4 % pour couvrir d’autres revenus qu’ils ont, mais ce n’est pas de cela qu’on parle. L’exemple, c’est que tu gagnes réellement 8 % et que tu paies réellement 8 %, donc tu ne gagnes rien en fin de compte.
Le sénateur Dalphond : Est-ce un changement qui a été annoncé par le ministère précédemment? Est-ce que vous vous attendiez à cela, ou est-ce quelque chose qui vous a pris par surprise?
Me Nikolakakis : Non. Pour moi, cela n’a rien à voir avec le but de la loi. Cela n’est pas nécessaire. Actuellement, il y a d’autres dispositions dans la loi qui empêchent les gens de déduire des coûts d’intérêt sur un montant qui dépasse le revenu qu’ils gagnent avec l’utilisation des fonds. Je peux comprendre cela; c’est normal. On ne veut pas que les investissements deviennent des abris fiscaux, mais cette règle est complètement déconnectée de la présence ou non d’un abri fiscal ou d’un revenu économique et elle impose une taxe. Ce n’est pas logique. Je trouve cela mauvais.
Comme l’un de mes associés me l’a dit l’autre jour, il y a des règles sur les abris fiscaux dans ce régime qui, aux yeux des contribuables, existent pour limiter les déductions. Ce sont de mauvaises règles pour les personnes qui veulent sauver de l’impôt, mais ces mauvais exemples deviennent maintenant des exemples favorables, parce qu’on est mieux traité si l’on investit dans un abri fiscal que si l’on investit dans un investissement qui fait gagner des revenus actuels, réels et courants. C’est le monde à l’envers.
[Traduction]
Le bon est devenu mauvais; le mauvais est devenu bon. Tout est à l’envers.
[Français]
C’est pour cela qu’on propose un changement qui va régler ce problème, mais qui comblera aussi une lacune dans la disposition qui fait en sorte qu’il y a un problème du côté de la Couronne.
Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup.
Le président : Je donne la parole au sénateur Loffreda, qui est le parrain de ce projet de loi.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie tous d’être ici. Je voulais simplement mentionner, monsieur Macdonald, comme vous le savez, que l’inclusion de l’impôt sur les gains en capital ne fait pas partie de cette loi d’exécution du budget. Ce n’est pas le cas. Je peux m’attarder longtemps là-dessus parce que c’est une préoccupation majeure. Je ne souscris peut-être pas à certaines des observations que vous avez faites, mais peut-être pourrons-nous en discuter plus tard, après la réunion du comité.
En ce qui concerne le comité, j’aimerais poser une question au sujet de la loi sur l’impôt minimum mondial. Cette section représente 41 % de l’ensemble du projet de loi. C’est près de 300 pages sur 600 et quelques pages que j’ai mentionnées, que j’ai dans ma mallette ici.
Maître Nikolakakis, j’aimerais que vous terminiez vos observations préliminaires. Je suis sûr qu’elles sont pertinentes et importantes. Je voudrais les entendre.
Vous avez également mentionné les 110 lois qui vous préoccupaient. J’entends encore dire que des multinationales canadiennes partent du pays pour s’installer dans le Sud des États-Unis. La situation va-t-elle s’améliorer pour le Canada? Serons-nous en mesure de garder certaines de ces sociétés au Canada en raison de cette loi sur l’impôt minimum mondial? Le deuxième pilier va-t-il mettre fin aux paradis fiscaux? Donnez-nous simplement vos commentaires.
Notre taux d’imposition peut atteindre 15 % lorsque les multinationales canadiennes évitent l’impôt canadien de 26 %. Quels sont vos commentaires sur tout cela?
Me Nikolakakis : Il y a beaucoup de questions.
Le sénateur Loffreda : Le dernier point et non le moindre, avant de passer à autre chose — il y a beaucoup de questions... Nous pouvons peut-être les garder en tête et obtenir les réponses au deuxième tour.
Est-il temps de passer à une modification plus globale de l’impôt des sociétés et à une réforme de l’impôt sur le revenu au Canada? Devrions-nous examiner certaines de ces questions fiscales et éviter que certaines de nos multinationales se réinstallent au sud de la frontière? J’ai entendu dire qu’il y en avait quelques-unes qui le faisaient, tout comme quelques personnes riches.
Me Nikolakakis : Permettez-moi d’essayer d’aborder tout cela dans l’ordre inverse. Avons-nous besoin d’une réforme plus globale de l’impôt sur le revenu? Oui. Vous obtiendrez un consensus de toutes parts sur cette question.
Par contre, pour ce qui est de ce que nous devons changer et de quelle façon, vous pourriez ne pas obtenir un consensus. Quant à savoir si le système actuel pourrait être amélioré, vous verrez que beaucoup de personnes sont d’accord sur cette question générale, mais c’est difficile.
Ce nouveau régime va-t-il mettre fin aux paradis fiscaux? Non, parce que je préférerais payer 15 % plutôt que 26 %. C’est un simple calcul mathématique. Que voulez-vous dire? N’est-ce pas? Vous allez dans un magasin. La canette de Coke au magasin A coûte 15 cents, alors que dans l’autre, elle coûte 26 cents. À quel endroit allez-vous l’acheter?
Le sénateur Loffreda : Mais il y a un coût de disposition réputée ou…
Me Nikolakakis : Pas pour une nouvelle entreprise. Vous devez vous rappeler…
Le sénateur Loffreda : Pas pour une nouvelle entreprise. Ce n’est pas plus une nouvelle multinationale. Il n’y a pas beaucoup de nouvelles multinationales dans le monde des affaires, n’est-ce pas?
Me Nikolakakis : Oui, il y en a. Chaque jour, il y a une nouvelle entreprise. L’une des choses à laquelle nous devons réfléchir est la façon dont les nouvelles entreprises prennent des décisions sur l’endroit où elles s’établissent. Il y a beaucoup de nouvelles entreprises. En fait, la plupart des plus grandes entreprises du monde de nos jours n’existent — ou, du moins, sont gigantesques — que depuis 20 ans.
Le sénateur Loffreda : Mais elles ne commencent pas avec des milliards de dollars de revenus. C’est ce que j’essaie de dire.
Me Nikolakakis : Non, mais elles prennent de l’expansion.
Le sénateur Loffreda : Elles prennent de l’expansion. Nous sommes d’accord là-dessus. Il faut attirer de nouveaux clients.
Me Nikolakakis : Où commencent-elles leurs activités? Les commencent-elles ici? Ou bien préfèrent-elles commencer à faire des affaires aux États-Unis non seulement à cause de l’impôt des sociétés, mais aussi en raison du régime applicable aux propriétaires, aux employés, aux autres personnes qui participent aux activités de l’entreprise? C’est plus favorable là-bas.
Le sénateur Loffreda : Lorsque nous parlons de nouvelles entreprises qui se développeront pour gagner des milliards de dollars, nous sommes d’accord là-dessus. Il y a de nouvelles entreprises tous les jours. Mais ne sommes-nous pas l’un des pays les plus compétitifs en matière d’imposition des petites et des nouvelles entreprises?
Me Nikolakakis : Pas vraiment.
Le sénateur Loffreda : Non? Je sais qu’il y a des États du Sud qui ne perçoivent pas du tout d’impôt, mais je le dis en général.
Me Nikolakakis : Nous sommes corrects.
Le sénateur Loffreda : Où vous classeriez-nous?
Me Nikolakakis : Nous avons des statistiques de l’OCDE que nous pouvons consulter, et vous obtiendrez une réponse claire selon la question que vous posez. Si vous envisagez un taux d’imposition nominal, c’est une chose. Si vous envisagez un taux d’imposition réel sur les profits du secteur manufacturier, cela en est une autre. Cela dépend du secteur de l’industrie parce qu’il existe des programmes différents pour différents…
Le sénateur Loffreda : Nos taux d’imposition sont faibles…
Me Nikolakakis : Nos taux d’imposition ne sont pas particulièrement bas. Pour les très petites entreprises, oui.
Le sénateur Loffreda : Les très petites entreprises.
Me Nikolakakis : Oui, ou pour les entreprises fortement subventionnées, oui, mais pas en général. Je ne pense pas que nos taux d’imposition soient bas en général. Il n’en faut pas beaucoup pour qu’une entreprise gagne…
Le sénateur Loffreda : Plus de 500 000 $.
Me Nikolakakis : Oui. Une fois que vous avez atteint ce seuil, ce n’est pas très favorable. Si vous comparez le taux aux États-Unis — et il y a eu de bonnes comparaisons ces derniers temps — à celui du Canada pour une entreprise de taille moyenne et un groupe de propriétaires d’entreprises de taille moyenne, vous constaterez qu’il est beaucoup plus élevé ici.
Le sénateur Loffreda : Comment expliqueriez-vous l’investissement direct étranger? Nous étions troisièmes au monde, si vous prenez le dernier trimestre.
Me Nikolakakis : Il faut le regarder sur le long terme. Vous ne pouvez pas simplement regarder le dernier trimestre, et…
Le sénateur Loffreda : Eh bien, c’est toujours une indication, évidemment.
[Français]
Le président : Vous sembliez faire référence à de la documentation ou à des études sur les comparaisons par rapport à la taxation. Est-ce par pays ou cela inclut-il également les États? Au Texas, par exemple, et ailleurs, c’est une autre histoire. Est-ce possible de nous les fournir?
Me Nikolakakis : Oui, ils sont disponibles publiquement pour ce qui est des données et des études faites par l’OCDE. Je peux envoyer les références ainsi qu’une liste de quelques études à Mme Aubé, la greffière, si vous voulez.
Le président : Parfait.
Me Nikolakakis : Elle pourra les distribuer à tout le monde.
Le président : Merci.
[Traduction]
La sénatrice MacAdam : Ma question s’adresse à M. Weber. J’ai lu vos récents commentaires sur les mesures proposées dans le budget concernant le droit à la déconnexion après les heures sans travail. Pourriez-vous d’abord formuler des commentaires sur la situation actuelle en ce qui concerne la communication liée au travail et l’importance de la déconnexion? De plus, pensez-vous que cette mesure va assez loin? Sinon, quelles améliorations proposeriez-vous?
M. Weber : Oui, ce n’est pas mon domaine d’expertise. Je peux dire, en général, que les membres disent que c’est quelque chose qui est très important. Les employeurs attendent également davantage de ce qui semble également être un effectif de plus en plus restreint. Je pense donc qu’il est important que les gens aient l’occasion d’interrompre réellement leur travail.
Une des choses qui va de pair avec cela, évidemment, est le télétravail. C’est une chose que le syndicat cherche à obtenir avec acharnement pour ses membres. Je sais que le Conseil du Trésor a annoncé récemment qu’il y avait une période arbitraire de trois jours par semaine sur le lieu de travail, même dans les cas où cela n’a pratiquement aucun sens. Nous croyons que les gens devraient avoir la capacité de travailler à la maison s’ils sont en mesure de le faire et d’être productifs.
L’un des rares avantages découlant de la COVID et qui a été annoncé par notre employeur, l’ASFC et d’autres employeurs fédéraux, était la productivité de leurs employés à la maison. La productivité a effectivement augmenté dans de nombreux cas lorsque les employés travaillaient à la maison. Maintenant, nous sommes en train de faire marche arrière et de dépenser des millions de dollars pour rénover des immeubles. Le plan consiste apparemment à les vendre pour forcer les employés à retourner sur leur lieu de travail, ce qui est une situation très étrange.
Pour revenir à votre question initiale. Oui, je pense qu’il est très important que les gens puissent se déconnecter quand leurs heures sont terminées.
La sénatrice MacAdam : Pour faire suite à ce qui a été dit, je crois que d’autres pays ont mis en œuvre certaines mesures à cet égard. Je me demande si vous avez de l’information sur la façon dont cette situation…
M. Weber : Je n’en ai pas. Je crois que des recherches ont été effectuées à ce sujet, mais nous pourrions absolument vous fournir l’information, oui.
La sénatrice Kingston : Je vais également poser ma question à M. Weber et, comme pour les questions de la sénatrice MacAdam, elle ne portera pas sur votre secteur, contrairement à beaucoup de questions précédentes, mais plutôt sur vous, en tant que membre du conseil d’administration.
Un document récemment publié, le budget de 2024, promet des investissements dans l’abordabilité, mais des compressions dans la fonction publique sont préoccupantes. Vous avez parlé de mesures qui profiteraient à vos membres et à leurs familles, et vous avez parlé en particulier des jeunes travailleurs, d’investissements majeurs dans le logement, de l’éducation postsecondaire et d’un plan national d’alimentation pour les élèves. Nous savons que les élèves pauvres ne sont pas les seuls à bénéficier d’un programme national d’alimentation. J’aimerais donc que vous parliez de ces choses-là, peut-être plus particulièrement du programme national d’alimentation, mais aussi du logement pour la classe ouvrière, si je puis dire, et de l’éducation postsecondaire. Selon vous, quels éléments du budget améliorent la situation de vos travailleurs et de leurs familles?
M. Weber : Les détails sur tous ces sujets, ce n’est pas ma spécialité. Nous pouvons vous fournir des informations à ce sujet, mais je ne serais pas vraiment en mesure de vous en parler en détail.
La sénatrice Kingston : Si vous le pouviez, ce serait bien, juste pour donner des précisions, plutôt qu’un commentaire général.
M. Weber : Je pense que toutes ces choses sont importantes. Je n’ai participé à aucune étude dans ces domaines. Au-delà de ça, je ne pourrais pas vraiment formuler de commentaires.
La sénatrice Kingston : Monsieur Macdonald, pouvez-vous faire des commentaires sur le programme d’alimentation en milieu scolaire en particulier et dire comment il profite à tous les élèves et pas seulement aux enfants en situation de pauvreté.
M. Macdonald : Certainement, si des enfants vont à l’école sans avoir déjeuné. C’est une réalité au Canada de nos jours, alors que le recours aux banques alimentaires explose, même si les taux de chômage sont faibles. On sait que cela touchera les enfants. Cela devient un obstacle à leur apprentissage à l’école parce qu’ils ont faim. Peut-être qu’ils n’ont pas eu de déjeuner. C’est peut-être le seul repas qu’ils auront ce jour-là.
Cela aide certainement les familles aux moyens limités à cause de l’abordabilité de la nourriture et du logement, mais c’est aussi un avantage pour les élèves et les parents en général qui n’ont plus besoin de préparer de dîner pour l’école, car nous pouvons fournir des dîners nutritifs et copieux à tous les élèves. Il est important que ces programmes ne soient pas stigmatisants, de sorte que seul un certain groupe d’enfants bénéficient des programmes de repas, ce qui dissuaderait ces enfants d’être ceux qui en profitent. Au lieu de cela, ils disent simplement qu’ils ont oublié leur dîner à la maison, et ils ont faim. La stigmatisation est réelle, particulièrement pour les enfants, et c’est un élément important à prendre en compte.
À l’heure actuelle, le programme d’alimentation en milieu scolaire comme le prévoit ce budget est loin d’être assez vaste. Il est environ 10 fois trop petit et représente environ 10 % de ce dont on aurait besoin pour fournir des programmes universels d’alimentation en milieu scolaire à travers le pays. Mais c’est un bon début. C’est certainement quelque chose que nous préconisons depuis un certain temps, et cela nous permettrait de créer ces ententes fédérales, provinciales et territoriales pour rendre possible un programme plus vaste, ce qui n’est pas le cas actuellement.
En ce qui concerne la partie du budget qui porte sur le logement, je crois que nous atteignons l’échelle nécessaire pour commencer à réduire l’abordabilité du logement au Canada. Dans ce budget, il y a eu de fortes augmentations dans les deux principaux fonds, le Fonds pour le logement abordable et le Programme de prêts pour la construction d’appartements. Cependant, il convient de souligner que ces programmes étaient loin d’avoir obtenu le nombre d’inscriptions prévues. Le plus gros fonds, le Programme de prêts pour la construction d’appartements, disposait d’environ un tiers des fonds engagés, et les deux tiers n’étaient pas engagés. Vous pouvez augmenter le plafond, mais cela ne change rien au fait que l’argent n’a pas encore été versé.
C’est un peu décevant lorsqu’on prend certains des programmes qui ont enregistré des taux de participation très élevés, comme l’Initiative pour la création rapide de logements, qui vise à aider des personnes mal logées, pas tant dans des logements abordables que dans des logements avec services de soutien. Il y a eu jusqu’à présent trois séries de périodes d’adhésion qui ont été immédiatement et entièrement surutilisées à chaque fois. Nous n’avons pas constaté une forte augmentation du recours à ce programme, et c’est dommage, car il est très populaire. Certains avaient des propositions qui seraient probablement financées si nous fixions simplement un plafond plus élevé pour le programme. C’est donc dommage. Pour certains programmes, il n’y a pas de limite, et dans d’autres programmes comme ces programmes de subventions, l’argent est immédiatement versé. Il y a tellement de demandes, et cela renvoie à la question de l’itinérance ou des personnes qui sont sur le point de devenir sans-abri, et nous ne pouvons pas fournir ces soutiens.
Il était intéressant de voir le nouveau fonds canadien de protection des loyers. Il s’agit d’un fonds dans lequel vous donnez aux fournisseurs de logements à but non lucratif la possibilité d’effectuer une surenchère par rapport aux fournisseurs à but lucratif pour les parcs de logements existants. Lorsqu’il y a un nouvel immeuble d’appartements sur le marché, les organisations à but non lucratif disposent désormais d’un peu d’argent supplémentaire pour faire une meilleure offre que les organisations à but lucratif. On espère ainsi maintenir les loyers plus bas. Il s’agit d’un programme relativement modeste, qui se chiffre à seulement 1,5 milliard de dollars. Je soupçonne que ce sera comme l’Initiative pour la création rapide de logements et qu’il sera immédiatement surutilisé. C’est un bon programme. C’est une bonne initiative de déplacer davantage de logements vers le secteur à but non lucratif et de réduire les augmentations de loyer.
Mais, comme c’est un peu le thème de ces programmes de logement, il y a un plafond strict. Il sera atteint presque immédiatement, ce qui est dommage, car cela pourrait faire beaucoup de bien.
La sénatrice Kingston : Je n’ai peut-être pas assez de temps, mais si je peux intervenir au deuxième tour, j’aimerais vous parler de la sous-utilisation de ces autres programmes et de ce qui pourrait l’expliquer.
[Français]
Le président : Ma première question concerne l’exemption d’impôt pour les transporteurs maritimes internationaux. J’aimerais entendre Me Nikolakakis et M. Macdonald à ce sujet.
On nous fournit des notes d’information avec des questions et des réponses. J’ai presque pitié des pauvres armateurs; c’est comme si on ne les taxait pas parce qu’ils ne gagnent pas d’argent, et le coût en capital est cher. Dans d’autres pays, comme à Singapour, ils ne sont pas taxés. C’est comme si on disait qu’on ne taxe pas les entreprises au Canada parce qu’au Texas, elles ne sont pas taxées. J’ai de la difficulté avec ce raisonnement, qui ne me convainc pas. Que pensez-vous de l’équité fiscale et de l’idée d’exclure l’impôt minimum pour les entreprises canadiennes qui font du transport maritime international?
Me Nikolakakis : Est-ce que la question s’adresse à M. Macdonald ou à moi?
Le président : La question s’adresse à vous deux.
[Traduction]
M. Macdonald : Ce n’est pas quelque chose que j’ai étudié en détail.
[Français]
Me Nikolakakis : C’est la politique actuelle qui date de nombreuses années, non seulement au Canada, mais également dans d’autres pays, comme vous l’avez mentionné.
La politique actuelle est animée par le fait que les coûts de transport sont subis par tous les consommateurs, en fin de compte.
Il y a des gens qui pensent que ce sont les sociétés qui paient des impôts; ce n’est pas le cas, ce sont les consommateurs.
Le président : Ce raisonnement peut s’appliquer à tout, on pourrait ne pas taxer Canadian Tire également.
Me Nikolakakis : Je sais; je vais y arriver, je voulais simplement établir la base. Ce qu’on voit dans le projet de loi C-69, ce n’est pas une nouvelle politique, c’est une ancienne politique. Le but des changements apportés à la Loi sur les impôts, c’est de poursuivre la politique fiscale actuelle, mais d’une façon qui est mieux coordonnée avec la Loi de l’impôt minimum mondial. C’est une mesure de coordination, pas une mesure de changement de la politique fiscale.
Pour ce qui est des commentaires sur l’équité fiscale en général, il y a l’équité et il y a aussi la concurrence. En ce qui concerne l’équité, il y a l’équité apparente et l’équité substantive. La Loi sur les impôts, ce n’est pas seulement un instrument de politique fiscale; c’est aussi un instrument de politique industrielle ou un outil permettant de faire avancer d’autres politiques sociales.
Pour ce qui est du transport et de cette mesure, je pense qu’une chose très importante, c’est la sécurité des infrastructures critiques; avant la pandémie, les gens n’avaient pas assez de respect pour cette question, mais c’est très important d’avoir le contrôle de ses infrastructures critiques.
Le président : Je comprends.
Me Nikolakakis : Pour le Canada, c’est très important non seulement d’avoir des emplois associés à cette industrie, mais aussi d’avoir un contrôle canadien.
Le président : Je comprends, mais je veux me limiter dans mon temps.
Ma seconde question concerne l’exemption d’impôt minimum pour les individus. On donne une exemption jusqu’à 173 000 $; avant c’était 40 000 $. On dit qu’on a indexé le montant, mais si je le fais, cela donnerait 98 000 $. Donc, c’est quand même un montant de 80 000 $ de plus qui n’est pas taxé conformément à l’impôt minimum de 20 %. On parle quand même de 16 000 $. Est-ce un cadeau que l’on fait aux riches?
Me Nikolakakis : Je n’ai pas compris la question.
Le président : Le fait que l’on monte l’exemption à 173 000 $ avant de payer l’impôt minimum, c’est quand même quelque chose d’assez important comme remise ou exemption pour les personnes à salaire élevé qui essaient d’en profiter.
Me Nikolakakis : Dans le développement de la politique fiscale, il y a de la politique.
Le président : Je comprends. On impose des gains en capital aux ultra-riches, entre guillemets, mais il me semble qu’on en échappe quelques-uns.
Me Nikolakakis : Oui, et on attrape beaucoup de gens qui ne sont pas des ultra-riches en même temps. C’est un peu ça, le problème. Ce que je peux vous conseiller... Vous êtes des sénateurs, vous n’avez pas d’élections à gagner, alors essayez, autant que possible, d’être guidés par la politique fiscale.
Le président : Merci. Nous passons maintenant à la deuxième ronde de questions.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Je pense que je vais poser une question à M. Weber parce qu’il représente beaucoup de membres de la fonction publique. Nous voyons beaucoup de hauts fonctionnaires ici à cette réunion de comité, mais vous avez aussi beaucoup de membres qui ne gagnent pas plus de 100 000 $ par an.
Avez-vous une idée de l’incidence de la crise de l’abordabilité sur vos membres qui ne touchent pas des niveaux de salaire plus élevés? Parce que je m’attendrais à ce que certains d’entre eux soient obligés de se rendre dans les banques alimentaires. Ils cherchent des services de garde d’enfants et doivent maintenant retourner au bureau trois jours par semaine. Pouvez-vous nous donner un aperçu de cela, car je sais que le grand public est peu sensible à cela? Pouvez-vous nous dresser un portrait global de vos membres, si vous avez de l’information?
M. Weber : Oui, l’effet est énorme pour nos membres qui se situent au bas de l’échelle de ce que nous gagnons. Oui, certains vont dans des banques alimentaires.
Je pense que le télétravail, en particulier, comme vous l’avez mentionné, était très avantageux pour eux. Il y a là de grandes économies. Ils ne se rendent plus au travail. Ils ne conduisent pas. C’est mieux pour l’environnement, la consommation de carburant. On économise énormément en travaillant à la maison, et ces petites sommes, lorsqu’on gagne si peu d’argent, changent grandement la vie des gens en ce qui a trait à la conciliation travail-famille et à la possibilité de garder les enfants à la maison. Il y a d’énormes avantages. Encore une fois, nous nous livrons à cet exercice qui consiste à forcer les gens à revenir au bureau sans raison particulière.
J’ai l’impression que la principale motivation pour essayer de forcer les gens à retourner travailler au bureau revient souvent à dire : « Je ne peux pas travailler à la maison, alors pourquoi pourrais-tu le faire? » J’entends beaucoup cela.
Avant de faire un travail syndical, j’étais agent des services frontaliers. J’ai travaillé à un point d’entrée, l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto. Je comprends que je ne pourrai jamais faire ce travail à la maison. Je ne veux pas que des voyageurs viennent chez moi. Je comprends, n’est-ce pas? Évidemment, je ne peux pas faire cela, mais je ne veux pas retirer quelque chose qui constitue un avantage et qui est bon pour les autres membres qui pourraient en profiter.
La société devrait prendre les bonnes choses, les favoriser et les développer. C’était quelque chose de bon et de positif. Cela a permis aux gens d’économiser beaucoup d’argent. La productivité a augmenté. Je ne peux pas souscrire à la mentalité qui consiste à dire : « Je ne peux pas travailler à la maison, alors pourquoi pourrais-tu le faire? »
Socialement, où serions-nous si c’était le cas? « Chérie, les gens d’en face ont une roue. Nous n’avons pas de roue, alors tu ferais mieux de casser la leur. Alors personne ne pourra en avoir une ».
Nous devons prendre les bonnes choses et les développer. Nous ne pouvons pas être réductionnistes de cette façon, je pense.
La sénatrice Marshall : On a annoncé la suppression de 5 000 postes, et nous entendons dire que cela se fera par attrition. J’ai aussi travaillé dans la fonction publique à Terre-Neuve-et-Labrador, et quand il y a des rumeurs ou qu’on sait qu’il y aura des compressions, cela se répand dans tout le système.
Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont cela touche les employés?
Là encore, je ne pense pas au sous-ministre ou au sous-ministre adjoint. Je pense à la moitié inférieure de la fonction publique.
M. Weber : C’est généralement là que les compressions finissent par arriver, n’est-ce pas? Les postes de sous-ministres et autres sont généralement toujours pourvus. Le nombre de postes de cadre supérieur n’est généralement jamais réduit. Ce sont toujours les gens que vous décrivez et qui se situent au bas de l’échelle qui sont touchés. Je veux bien reconnaître que c’est par attrition. Les gens ne seront pas licenciés. En fin de compte, cela signifie qu’il y aura moins de personnes pour travailler dans des ministères qui manquent déjà de personnel. C’est le résultat final.
Le manque de véritable consultation ou d’idée sur l’endroit où ces compressions vont avoir lieu crée également un environnement de travail stressant. On peut vous dire que personne ne sera licencié et que cela se fera par attrition. Les fonctionnaires fédéraux travaillent dur pour fournir des services dans des circonstances difficiles, pour lesquels il y a déjà une pénurie de personnel. Cela a un effet énorme lorsque vous faites des annonces comme celles-là.
[Français]
Le président : Merci.
Le sénateur Forest : Ma question s’adresse à M. Weber. La section 22 de la partie 4 vise à encadrer le droit à la déconnexion pour les employés régis par le Code canadien du travail. Avez-vous été consulté à ce sujet? Êtes-vous satisfait des mesures qui encadrent ce droit à la déconnexion?
[Traduction]
M. Weber : Je n’ai pas connaissance de la consultation. Je suppose et crois que nous avons été consultés. Je n’ai pas été consulté personnellement, mais je crois bien que nous avons été consultés à l’AFPC.
Quant à savoir si la mesure va assez loin, c’est une étape positive. Il doit également y avoir de véritables mécanismes d’application. Il doit y avoir des conséquences et des sanctions en cas de violation. Dans l’état actuel des choses, il s’agit de quelque chose qui ne devrait pas être fait; et si c’est fait, je suppose que vous dites à la personne de ne pas recommencer, n’est-ce pas?
Le sénateur Gignac : Ma question s’adresse à M. Weber.
Il y a 10 ans, la taille du gouvernement fédéral, qui excluait les services de la dette — donc les dépenses de programmes —, représentait environ 13 % du PIB; maintenant, elle représente 16 % du PIB et nous sommes en situation de déficit.
Le Comité des finances nationales a reçu le rapport de l’Institut Fraser, qui mentionnait ceci :
[...] l’augmentation de la rémunération et de la taille de la fonction publique fédérale n’a pas permis de donner un meilleur accès aux programmes et aux services gouvernementaux et n’a pas donné de résultats économiques tangibles pour les Canadiens.
Je sais que vous représentez près de 250 000 personnes qui travaillent fort. Je n’en doute pas. Merci à la fonction publique. Mais qu’est-ce qui ne va pas? On nous a dit ici que nous créons toujours de nouveaux programmes, que nous en faisons toujours plus. Il y a des gens qui estiment que nous n’en avons pas pour notre argent, si l’on peut dire, et que nous n’offrons pas suffisamment de services.
Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions, avec une vue d’ensemble, et essayer d’être non partisan? Les Libéraux, les conservateurs, ils ont... est-ce une question de gouvernance? Est-ce parce que le Conseil du Trésor n’examine pas les programmes, ne pose pas suffisamment de questions et ne réaffecte pas les ressources? Je vous prie de répondre en une minute ou deux.
M. Weber : C’est une question importante qui mérite qu’on s’y attarde une minute ou deux. Je ferai de mon mieux.
Dans l’ensemble, vous avez affaire à une bureaucratie importante. Évidemment, ce sont de grandes organisations. Je pourrais mentionner deux ou trois choses.
La sous-traitance a été un gros problème. On a vu ce qui s’est passé avec Phénix, ArriveCAN. En général, nous comptons sur le secteur privé pour régler les problèmes de la fonction publique fédérale lorsque l’expertise peut être trouvée à l’interne.
Je pense que vous avez, dans de nombreux services fédéraux, un nombre démesuré de gestionnaires. Je pourrais vous parler plus particulièrement de ma petite armée de gestionnaires qui se promènent ici et là, qui ne font pas grand-chose, et d’agents réellement au front qui contrôlent les voyageurs, avec des files interminables. Cela a augmenté sans cesse au fil des ans.
En ce qui concerne la façon de régler les choses au sein de la fonction publique fédérale par rapport à la prestation de services, adressez-vous aux personnes qui offrent les services. Cela ne semble particulièrement jamais se produire. La personne au comptoir qui fait le travail qu’elle a à faire pour les Canadiens n’est jamais consultée sur la meilleure façon de faire ce travail.
Vous avez des bureaucrates qui viennent d’autres ministères, qui ne connaissent pas le travail ou qui font appel à des organismes externes pour consulter et amènent l’industrie privée à essayer, encore une fois, de résoudre nos problèmes et de proposer des solutions. Les solutions se trouvent parmi nos membres, ou parmi les personnes qui font le travail chaque jour. Ils pourraient vous dire exactement comment mieux fournir les services, de manière plus efficace et économique. Ils sont là. Ils sont simplement une ressource qui n’est pas utilisée.
Le sénateur Gignac : Le gestionnaire, le sous-ministre et le sous-ministre adjoint, tout comme le secteur privé, peuvent-ils être touchés par une rémunération variable en fonction de l’obtention ou non des résultats? Ils ont quelque chose chaque année. Mais c’est tous les deux ou trois ans que nous avons les résultats ministériels, n’est-ce pas?
M. Weber : D’accord.
Le sénateur Gignac : Souvent, nous constatons que ce ministère n’a atteint que 30 ou 40 % de son objectif. L’objectif serait fixé par eux, soit dit en passant.
M. Weber : D’accord.
Le sénateur Gignac : Je ne sais pas. S’agit-il d’une chose pour laquelle nous devons innover et penser à la responsabilité du sous-ministre et du sous-ministre adjoint?
M. Weber : La rétroaction ascendante est essentielle pour cela. Encore une fois, il faut s’adresser aux personnes qui font le travail. Elles connaissent exactement les services qui sont offerts et la meilleure façon de les fournir. Faites-les participer également à l’établissement de ces points de référence.
Ce qui ne se fait précisément pas, c’est une évaluation du rendement de la haute direction lorsqu’on parle des primes et ainsi de suite. C’est le gestionnaire qui détermine qui reçoit la prime, qui fixe le point de référence.
Comme vous l’avez mentionné, c’est un système qui ne peut jamais se réparer par lui-même, à mon avis.
Le sénateur Smith : Monsieur Macdonald, je veux revenir en arrière et vous poser une question.
En avril, votre organisation a publié un rapport sur l’évolution de notre régime fiscal. Il note que le régime fiscal global est devenu moins progressif depuis 2004. Vous étiez satisfait des différentes mesures fiscales qui se trouvent dans le projet de loi, telles que l’impôt minimum mondial et le taux d’inclusion des gains en capital.
Selon les mesures fiscales que vous voyez dans le projet de loi, avez-vous l’impression que des progrès sont réalisés pour le rendre plus progressif? Cela m’amène à la deuxième partie de la question.
M. Macdonald : Oui. Cette étude était basée sur l’impôt sur le revenu des particuliers. L’impôt minimum mondial pourrait avoir des répercussions à cet égard, mais ce ne sera probablement pas le cas.
Chose certaine, pour les personnes qui réalisent plus de 250 000 $ de gains en capital, il y aurait des impôts supplémentaires à payer. Je ne suis pas certain. Nous n’avons pas recalculé tous ces chiffres, car cela inclut toute l’assiette fiscale, des taxes foncières aux taxes à la consommation, la TPS et la TVP, et ainsi de suite.
Cela changerait certainement la situation, dans une certaine mesure, probablement dans la tranche supérieure de 1 %.
Le sénateur Smith : Pensez-vous que nous avons besoin d’une refonte de notre régime fiscal global pour le rendre plus simple? Est-ce une attente réaliste?
M. Macdonald : Je suis toujours nerveux à l’idée de modifier complètement le régime fiscal. Les sociétés et les particuliers ont certainement de nombreuses façons d’éviter de payer des impôts. Il existe toutes sortes de moyens légaux et quasi légaux de payer moins d’impôts qu’un employé salarié qui n’a aucun choix; son salaire est saisi à la source, il paye les impôts et il n’y a pas vraiment de choix.
Plus vous devenez riche, plus vous avez de choix, et plus vous pouvez embaucher des personnes pour élaborer des structures complexes afin d’éviter l’impôt.
Ce que je crains si on repart à zéro, c’est que la création d’un nouveau système crée alors toute une série de nouvelles façons potentielles pour les gens qui en ont les moyens d’éviter de payer leur juste part.
Je suis plutôt d’avis que nous devrions modifier le régime fiscal tel qu’il existe. Il y a des changements importants que nous pouvons apporter au sein du régime actuel.
Avant ce dernier budget, il y a eu beaucoup de débats à propos de l’impôt sur la fortune, un sujet qui, selon moi, mérite davantage d’attention.
Cela étant dit, il s’agit d’un tout nouvel impôt, d’une toute nouvelle assiette fiscale. Si vous souhaitez mieux imposer les personnes les plus riches, le taux d’inclusion des gains en capital est un moyen plus rapide d’y parvenir étant donné que nous comprenons comment cela fonctionne. Il est plus facile de changer l’une des variables.
Je suis toujours nerveux à l’idée de repartir à zéro en matière d’impôts. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour rendre le régime fiscal plus équitable en utilisant le système que nous avons actuellement, à l’aide de nouvelles tranches d’imposition supérieures, par exemple.
Le sénateur Smith : Des changements progressifs.
Le gouvernement cherche à renforcer les lois contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme au moyen de la section 34 dans la partie 4 du projet de loi.
Savez-vous si nous en faisons assez pour réduire le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et l’évitement fiscal?
M. Macdonald : Oui. En ce qui concerne l’impôt minimum mondial, ou l’évitement fiscal en général, le passage à la propriété effective et la publication du nom des propriétaires des sociétés constituent un pas important dans cette direction.
Nous devons aussi nous rappeler qu’à l’échelle internationale, ce qui se passe souvent, c’est que ce n’est pas le Canada par rapport aux États-Unis en ce qui concerne le traitement fiscal; c’est plutôt le Canada par rapport aux Bahamas, où ce ne sont pas des taux d’imposition de 27 % par rapport à 26 %, mais plutôt un taux d’imposition de 26 % par rapport à zéro. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’atteindre 15 %, ce qui est certainement beaucoup moins élevé que le taux d’imposition actuel à l’échelle nationale au Canada, selon la province dans laquelle vous vous trouvez.
Cela a été un problème persistant pour les multinationales, car elles utilisent régulièrement ce type de structures fiscales pour éviter de payer leur juste part d’impôts au Canada. Une entreprise qui mène ses activités au Canada ne peut tout simplement pas faire cela. Nous avons un bon régime au Canada où il faut payer la moitié de son revenu d’entreprise dans la province où se trouve l’effectif salarié, et payer l’autre moitié en fonction de l’endroit où se font les ventes. Donc, si vous avez votre usine au Québec et que vos ventes se font en Ontario, vous ne pouvez pas simplement déclarer vos bénéfices d’entreprise en Alberta parce que le taux d’imposition est plus bas. Vous pouvez le faire à l’échelle internationale, cependant, si vous avez la bonne structure.
Le problème fondamental en matière d’équité est que nous devons veiller à ce que les multinationales n’aient pas un énorme avantage sur les entreprises nationales qui doivent mener leurs activités et payer des taux réglementaires au Canada. Les sociétés internationales ne le font pas, et nous devons nous assurer qu’elles peuvent lutter à armes égales pour nos [difficultés techniques]
Le sénateur Smith : Merci.
La sénatrice Pate : Ma question s’adresse à M. Macdonald. Nous avons entendu aujourd’hui le représentant de l’Association du Barreau canadien et d’autres personnes dire que les suggestions en ce qui concerne la nouvelle approche de — j’essaie de trouver le nom ici... Je m’excuse.
M. Macdonald : [Difficultés techniques]
La sénatrice Pate : Oui, merci. Ils ont dit que les approches sont davantage de nature à ralentir les paiements. Ce matin, le ministère des Finances du Canada nous a toutefois dit que c’est censé fonctionner davantage comme une initiative de remboursement anticipé. Monsieur Macdonald, je suis curieuse de savoir comment vous percevez cette approche en ce qui concerne l’objectif et l’effet potentiel.
M. Macdonald : C’est honnêtement quelque chose que je n’ai pas étudié en détail. Je connais certainement davantage l’aspect international.
La sénatrice Pate : Pouvez-vous répondre, maître Nikolakakis?
Me Nikolakakis : C’est la même chose. Je pense que vous l’appeliez un paiement anticipé ou un ralentissement des déductions, des dépenses et des incitatifs, c’est un peu la même chose, car il ne faut pas oublier qu’en fin de compte, l’objectif n’est pas d’augmenter les impôts. Nous avons ces programmes incitatifs parce que nous pensons que nous voulons encourager les gens à investir dans une chose donnée. On leur accorde donc la déduction. Que vous leur accordiez la moitié de la déduction cette année et l’autre moitié l’an prochain, vous allez tout de même leur accorder cette déduction en vertu de ce régime. C’est le principe. C’est juste que vous ne pouvez pas tout accumuler cette année et ne rien payer. Si vous n’avez rien payé cette année, eh bien, vous paierez davantage l’année prochaine, et en ce sens, c’est un paiement anticipé pour vous forcer à payer cette année une partie que vous n’auriez pas payée autrement et une autre l’année prochaine. C’est un peu du pareil au même que vous l’appeliez un paiement anticipé ou une décélération.
La sénatrice Pate : Certains des efforts sont qualifiés de tentatives visant à créer une plus grande équité fiscale. Quelles propositions feriez-vous pour créer davantage d’équité fiscale?
Me Nikolakakis : En vertu de cette loi ou en vertu de…
La sénatrice Pate : Juste en général.
Me Nikolakakis : Je ne veux pas dire quelque chose de ridicule comme « l’équité est une question de perception », parce que c’est trop général. Je pense qu’il faut vraiment réfléchir à la situation dans son ensemble et à la contribution globale que les gens apportent à la société. L’impôt est une forme de contribution, mais il existe de nombreuses autres formes de contribution que les gens apportent à la société. Par exemple, j’ai mentionné précédemment les frais de garde d’enfants lorsque je passais en revue les éléments qui sont restreints en vertu de l’impôt minimum de remplacement. Eh bien, je ne sais pas; je pense que d’avoir un enfant est une très bonne contribution. C’est la contribution ultime. C’est la vie elle-même.
Donc, en reconnaissant les coûts encourus par un parent dans ce contexte, on pourrait dire que c’était une préférence fiscale; ce n’est pas juste. Cela dépend de la façon dont vous définissez l’équité. Si vous la définissez comme une fonction qui consiste à adapter vos lois fiscales de manière à ce qu’elles soient assez sophistiquées, sensibles et nuancées pour tenir compte des besoins particuliers de différents groupes — qu’il s’agisse de besoins personnels ou de considérations d’investissement —, alors je pense que vous parvenez à l’équité. D’autres parleraient d’un taux uniforme; tout le monde paye le même taux. Alors, adoptons un taux d’imposition fixe pour que tout le monde paye 30 %, point final. C’est simple, mais est-ce juste?
La sénatrice Galvez : Je vais donner mon temps à la sénatrice Ross.
La sénatrice Ross : Merci. Mes questions, encore une fois, sont pour vous, maître Nikolakakis. J’en ai trois rapides. À votre avis, dans quelle mesure le pilier 2 sera-t-il souple à long terme pour répondre aux stratégies mises en œuvre par les multinationales? Deuxièmement, pour ce qui est de la conformité, des coûts et de la complexité, si vous notiez cela sur une échelle de 1 à 10 — 1 signifie que c’est bon marché et facile à respecter et 10 signifie que c’est horriblement cher et difficile —, où classeriez-vous cela? Troisièmement, combien y a-t-il de multinationales canadiennes qui valent au moins 1 milliard de dollars?
Me Nikolakakis : Il y a beaucoup d’idées fausses selon lesquelles ces multinationales font à peu près n’importe quoi, et c’est la source de l’évitement fiscal, de l’évasion fiscale. Je pense que c’est une perspective blasée. Si vous regardez le tout premier rapport du gouvernement du Canada sur l’écart fiscal, vous constaterez que la plupart des évasions fiscales sont dues à l’économie souterraine, et l’économie souterraine est principalement constituée de personnes qui travaillent au noir. Alors, ces théories et ces mythes sont, à mon avis, des théories et des mythes. Ils sont pratiques et servent de base à un certain discours politique, mais je ne pense pas qu’ils reflètent vraiment la réalité.
Les multinationales ont des obligations envers leurs actionnaires et leurs employés, et elles essaieront de minimiser les coûts. La fiscalité est un coût. Très franchement, j’ai passé ma carrière à éviter les impôts étrangers et non les impôts canadiens dans le cadre de mon travail.
La raison pour laquelle j’ai dit qu’il fallait considérer l’ensemble de la situation dans ma réponse précédente est la suivante : à quoi cela sert-il? Vous voulez payer des impôts à l’étranger. Oh, excellente idée. C’est moins d’argent qui revient au Canada, qui finit par se retrouver dans les fonds de pension canadiens, qui finit entre les mains des retraités canadiens ou qui est réinvesti et qui crée d’autres résultats positifs au Canada.
Alors, est-ce que je pense que les multinationales vont cesser de se comporter de la sorte? Non. Elles continueront à essayer de maximiser leur rendement après impôt, et je pense que c’est tout à fait normal et acceptable et qu’il faut les encourager à le faire.
La question est maintenant de savoir comment les autres pays vont continuer à concurrencer le Canada. Je pense qu’il est difficile de prédire comment tout cela va fonctionner. C’était votre deuxième question : est-ce que c’est ce qu’on va commencer à voir? Je pense, encore une fois, que l’on voit déjà des pays — et il ne s’agit pas d’entreprises... Ce sont des pays, y compris le Canada, qui essaient de contourner le problème par des programmes de subventions.
La sénatrice Ross : Donc, qu’en est-il sur une échelle de 1 à 10?
Me Nikolakakis : Parlez-vous de la complexité?
La sénatrice Ross : Et du coût.
Me Nikolakakis : Vingt. Rien de comparable à ce que vous avez pu voir auparavant. Une autre idée fausse est que les grandes entreprises disposent de ressources illimitées et qu’elles peuvent assumer n’importe quel coût. Je pense qu’il s’agit là encore d’une idée fausse, car ce n’est pas une question de coût. Il s’agit d’avoir des personnes capables de faire le travail. Je travaille beaucoup avec des multinationales, et je sais qu’elles manquent toutes de personnel. Vous n’êtes pas le seul, monsieur Weber.
Le personnel a du mal à faire face à la charge de travail. Une grande partie de ce travail nécessite des investissements importants dans les technologies de l’information, pour lesquels les budgets ne sont pas disponibles. C’est le même problème. Je sais. Il ne s’agit pas d’un problème entre le secteur privé et le secteur public. Et lorsqu’on impose ce degré de conformité démesuré à un grand nombre de multinationales qui payent déjà 15 %, cela devient pour elles un coût supplémentaire. Et pour le pays, encore une fois, les gens pensent : « Oh, ce n’est pas le pays qui assume le coût. » Je suis désolé, mais lorsque les multinationales canadiennes assument les coûts, ce sont les Canadiens qui les assument indirectement. Nous jetons de l’argent par la fenêtre et n’augmentons pas les recettes parce que certaines d’entre elles payent déjà 15 % ou continueront à payer 15 % à l’étranger.
Le sénateur Loffreda : Il s’agit d’une discussion intéressante sur l’impôt minimum mondial. Je reconnais que c’est très compliqué. Il y a plus de 300 pages.
Vous avez des doutes sur les prévisions de recettes que cela produira et générera. D’après les données historiques, nous avions plus de 220 multinationales canadiennes qui atteignent le seuil de revenus pour la région du Grand Toronto, en 2019, et plus de 2 400 multinationales non canadiennes qui menaient des activités au Canada ont également atteint le seuil en 2019.
Je pense que cela met un frein à la course vers le bas dans la concurrence entre les pays en matière d’impôt sur les sociétés. Il est regrettable que les accords du deuxième pilier n’offrent pas de flexibilité aux pays pour mettre en œuvre un taux d’imposition minimum plus élevé, car, comme vous l’avez dit, le choix entre 15 et 26 %…
Me Nikolakakis : En effet. Oui.
Le sénateur Loffreda : En effet. Les notes que j’ai indiquent que cela ne permet pas…
Me Nikolakakis : En effet.
Le sénateur Loffreda : En effet. D’accord. Par conséquent, pourquoi opter pour 15 % et non 26 % lorsqu’elles évitent le taux 26 %?
La question est la suivante : devons-nous participer ou faire comme les États-Unis? Le Congrès américain n’a pas encore adopté le pilier 2. Est-ce que cela fonctionnera si les États-Unis ne participent pas?
Par ailleurs, un certain nombre de pays ont des taux d’imposition des sociétés historiquement bas ou inexistants et prennent des mesures pour mettre en place une imposition des sociétés. Je crois que c’est un pas dans la bonne direction. Nous oublions que pour éviter l’impôt au Canada, il y a un coût lié aux dispositions présumées et au déménagement à l’extérieur du Canada. Certes, de nouvelles entreprises voient le jour tous les jours, mais elles ne démarrent pas avec un chiffre d’affaires de 1 milliard de dollars. Mais si vous devez transférer vos activités à l’étranger, cela a un coût. Il y a des dispositions présumées. Il y a un coût lié aux gains en capital.
Me Nikolakakis : Pas toujours. Il faut être clair dans ses exemples. Il est important de comprendre les différences entre les exemples. Il y a de nouvelles entreprises — c’est une chose — et il y a aussi les acquisitions d’entreprises. De nombreuses multinationales réalisent des acquisitions de plusieurs milliards de dollars.
Je travaille sur ces transactions. Une multinationale canadienne voudra acheter une entité étrangère qui coûte 10 milliards de dollars. Dans ce contexte, la multinationale canadienne ne bénéficie d’aucune disposition et la question est donc de savoir comment ce sera structuré. Vous allez essayer de structurer cela de façon à obtenir le meilleur résultat fiscal dans tous les pays. Il serait irrationnel de ne pas le faire. Pourquoi feriez-vous cela? Vous seriez négligent si vous ne le faisiez pas de cette façon.
Le sénateur Loffreda : Je comprends.
Me Nikolakakis : Est-ce un pas dans la bonne direction? Je ne sais pas. Nous prétendons maintenant, en tant que groupe de pays — l’OCDE et le cadre inclusif plus large — nous tenir la main et dire que nous allons coordonner notre politique fiscale afin d’avoir un minimum. Il ne s’agit pas d’un chiffre maximum. C’est pourquoi j’ai dit qu’il est possible d’aller au-delà de 15 %. Mais est-ce vraiment ce qui se passe? Je ne sais pas si c’est vraiment ce qui se passe.
C’est un pas dans la bonne direction d’un certain point de vue, si l’on se fie à ce qui est apparent. S’agit-il d’un pas dans la bonne direction sur le fond, et cela compromet-il la capacité des pays, y compris le Canada, à utiliser la politique fiscale comme outil pour attirer les investissements ou pour investir dans l’infrastructure sociale ou d’autres types d’infrastructure que nous pourrions vouloir subventionner? Non, parce qu’il est possible de subventionner directement plutôt que d’utiliser des crédits d’impôt. En ce sens, il s’agit d’une mascarade. Pourquoi donnons-nous 40 milliards de dollars pour subventionner trois usines de batteries? Je ne dis pas que c’est une bonne ou une mauvaise idée. Ce que je vous dis, c’est que le comportement est tout à fait différent lorsque vous procédez de cette façon et lorsque vous procédez à une réduction normale du taux d’imposition, comme vous l’avez dit plus tôt, sénatrice Ross.
Le président : Merci, maître Nikolakakis.
La sénatrice Kingston : J’aimerais revenir à M. Macdonald et poser la question que j’ai déjà posée. Pourquoi ces plafonds ne sont-ils pas respectés dans le cadre de ces autres programmes, à l’exception des initiatives de logement très approfondies concernant l’abordabilité?
M. Macdonald : Cela s’explique en partie par le fait que l’Initiative pour la création rapide de logements, par exemple, est entièrement financée par des subventions et des contributions. C’est de l’argent qui sort. C’est comptabilisé différemment dans le budget fédéral en tant que transferts, dollar pour dollar, contrairement aux programmes beaucoup plus importants qui sont en grande partie des programmes de prêts. Du point de vue du gouvernement fédéral, ils ne sont pas sans coût, mais leur coût est considérablement plus faible ou il s’agit d’un écart sur le taux d’intérêt plus une provision pour pertes sur prêts d’une certaine nature. Vous pouvez dire qu’il s’agit d’un programme de 55 milliards de dollars, mais il n’apparaîtra pas de cette façon dans le budget. Il apparaîtra comme un programme de 500 millions ou de 1 milliard de dollars, ou quelque chose comme ça.
De manière plus générale, les personnes qui travaillent dans le secteur de l’immobilier nous répètent sans cesse qu’il faut énormément de temps à la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, pour approuver les nouvelles demandes de prêts ou de subventions. Ces programmes de prêts et de subventions sont terriblement restrictifs en ce qui a trait à la façon de les utiliser et ils sont extrêmement compliqués. Si vous souhaitez acheter un immeuble ou en construire un nouveau en tant que fournisseur à but non lucratif, vous devez souvent faire le pont entre les prêts fédéraux, provinciaux et parfois municipaux et le prêt d’une banque pour monter le projet. Il y a des conférences où les gens échangent des histoires sur le fait qu’un programme donné n’était pas censé aller avec un autre programme, mais que si on remplit un certain formulaire, on peut combiner les deux, et que si on parle à une certaine personne, on peut y arriver. Il ne s’agit pas d’une utilisation accélérée des fonds fédéraux et provinciaux pour résoudre une crise critique.
L’un des problèmes des programmes de prêts, c’est que la banque sait que les grands fournisseurs de logements ont des capitaux propres dans 20, 30 ou 50 autres immeubles de la ville. Elle vous prêtera des millions de dollars demain, et vous pourrez vous lancer dans une sorte d’achat d’un immeuble et dépenser ce million de dollars. Si vous obteniez ce prêt par l’entremise de la SCHL, il faudrait attendre neuf mois avant que la demande soit approuvée, et au cours de cette période, l’immeuble aurait été acheté et vendu plusieurs fois. S’il y a une chose que nous avons entendue en ce qui concerne le logement, c’est que la SCHL est beaucoup trop lente, qu’elle n’est pas assez rapide pour faire correctement face à la crise du logement et atteindre ces plafonds.
L’autre chose qui mérite d’être soulignée, c’est qu’il faut éventuellement modifier ces programmes pour en faciliter l’accès jusqu’à ce que l’on atteigne les plafonds. Les entreprises ont détesté le programme de subventions salariales qui a été mis en place au milieu de la pandémie, tel qu’il a été initialement proposé. Elles ne voulaient pas l’utiliser, car c’était trop compliqué pour elles, mais il est devenu de plus en plus simple jusqu’à ce qu’il soit incroyablement facile d’accès et que tout le monde et ses proches, toutes les grandes et petites entreprises, accèdent à ce programme. La même chose devrait se produire avec ces programmes de logement. Ce n’est pas le cas, et la vitesse à laquelle ils sont exécutés est beaucoup trop lente.
La sénatrice Marshall : Ma question s’adresse à Me Nikolakakis. Avez-vous des commentaires à faire sur la politique fiscale et sur la situation actuelle? Vous travaillez dans ce secteur depuis longtemps. Pensez-vous que la plupart des échappatoires ont été éliminées au cours des 20 dernières années? Les choses sont-elles plus complexes ou moins complexes maintenant, et est-ce que tout le monde paye sa juste part aujourd’hui par rapport à il y a 20 ans? Où en sommes-nous? Car d’après ce que nous entendons à toutes les réunions que nous consacrons à la politique fiscale, les choses semblent devenir de plus en plus complexes. Comment voyez-vous la situation?
Me Nikolakakis : Je dirai deux choses. Il est certain que les choses deviennent beaucoup plus complexes, qu’il s’agisse des règles, des exigences administratives, de dépôt et de rapport ou de toutes ces choses. Cela devient également un peu toxique, et c’est pourquoi j’ai mentionné la règle à l’article 110. Vous ne pouvez pas mettre les gens en prison ou les menacer de prison simplement parce qu’ils ont commis une erreur. Il ne s’agit pas d’une conduite coupable. Ils ont fait une erreur, contrairement à la fraude intentionnelle. Il existe des règles pour la fraude. Vous allez en prison. C’est déjà le cas, alors pourquoi avons-nous besoin de cette règle? C’est en quelque sorte de l’intimidation, et je n’aime pas cela. La complexité et la charge administrative accrue et irréaliste constituent un véritable problème, qui ne cesse de s’aggraver.
D’un autre côté, j’ai toujours pensé que le Canada disposait d’un département de politique fiscale très sophistiqué. Les départements de politique fiscale et de législation fiscale du ministère des Finances du Canada savent ce qu’ils font. Ils sont vraiment très bons. Lorsqu’ils ont le temps de bien réfléchir — ce qui n’a pas été le cas dernièrement parce que 10 nouvelles choses différentes leur sont imposées en même temps —, ils font généralement un excellent travail. Ils travaillent très dur et leur tâche est très difficile. Je n’essaie pas d’obtenir des faveurs. Pendant 30 années, j’ai travaillé avec ce ministère à diverses occasions.
Lorsqu’il est question d’échappatoires et de leur élimination ainsi que de la réforme fiscale nationale et internationale, le Canada est un véritable chef de file. Nous avons des règles contre l’utilisation de sociétés étrangères depuis les années 1970. Les États-Unis ont adopté les leurs dans les années 1960.
La sénatrice Marshall : Pensez-vous que l’application de la loi par l’Agence du revenu du Canada est aussi bonne qu’elle devrait l’être? Un simple « oui » ou « non » suffirait, car le président me regarde.
Me Nikolakakis : Je pense que les choses peuvent toujours être améliorées, mais il faut le faire intelligemment.
La sénatrice Marshall : Merci.
[Français]
Le président : Cela conclut nos séances d’aujourd’hui. Merci. Je rappelle aux témoins qui ont pris des engagements de nous envoyer les informations avant le 11 juin; c’est un peu plus court que d’habitude, étant donné qu’on approche de la fin.
Avant de terminer, je rappelle aux sénateurs et aux sénatrices que notre prochaine réunion aura lieu demain, le 5 juin, à 14 h 30 pour continuer notre étude sur la teneur complète du projet de loi C-69.
Avant de clore la réunion, j’aimerais remercier non seulement les témoins, mais aussi tout le personnel de soutien de notre comité, nos traducteurs, nos pages et les autres. Merci énormément.
(La séance est levée.)