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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 26 octobre 2022

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur du projet de loi C-31, Loi concernant les mesures d’aide au coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs au Comité sénatorial permanent des finances nationales, ainsi qu’aux téléspectateurs de partout au Canada qui nous regardent sur sencanada.ca.

[Français]

Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

J’aimerais faire un tour de table et demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, de Montréal, Québec.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Kim Pate, du territoire non cédé du people algonquin anishinabe, ici à Ottawa.

[Français]

Le sénateur Gignac : Clément Gignac, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.

La sénatrice Duncan : Pat Duncan, du Yukon.

Le sénateur Yussuff : Hassan Yussuff, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Smith : Larry Smith, en direct de Hudson, au Québec.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

Le président : Merci, honorables sénateurs et sénatrices.

[Traduction]

Aujourd’hui, nous reprenons notre étude de la teneur du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif, qui a été renvoyé au comité par le Sénat du Canada le 20 octobre 2022.

Nous accueillons aujourd’hui des représentants de l’Association dentaire canadienne et de l’Association canadienne des hygiénistes dentaires.

[Français]

L’Association dentaire canadienne est représentée par la Dre Lynn Tomkins, présidente, et le Dr Aaron Burry, directeur général.

[Traduction]

De l’Association canadienne des hygiénistes dentaires, nous accueillons Ondina Love, cheffe de la direction, et Sylvie Martel, directrice de la pratique de l’hygiène dentaire.

Bienvenue à tous et merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité sénatorial des finances nationales.

[Français]

Votre témoignage nous aidera à mettre l’accent sur quatre grands principes fondamentaux : la transparence, la responsabilité, la fiabilité et la prévisibilité.

[Traduction]

Je crois que la Dre Lynn Tomkins va faire une déclaration préliminaire, qui sera suivie des observations de Mme Love. Docteure Tomkins, la parole est à vous.

[Français]

Dre Lynn Tomkins, présidente, Association dentaire canadienne : Bonsoir aux sénateurs et aux sénatrices ainsi qu’aux autres témoins.

[Traduction]

Pour commencer, je tiens à souligner que je me joins à vous aujourd’hui depuis le territoire traditionnel des nations huronne-wendat, haudenosaunee, anishinabe et mississauga de Credit.

Je vous remercie d’avoir invité l’Association dentaire canadienne à l’une de vos premières séances d’étude du projet de loi C-31, qui mettrait en œuvre le régime d’assurance dentaire du Canada. J’ai également eu le plaisir de rencontrer en personne de nombreux sénateurs au cours de la dernière semaine, et j’ai hâte de poursuivre le dialogue avec vous au cours des semaines et des mois à venir.

À l’ADC, nous savons que la santé buccodentaire est un élément essentiel de la santé globale, et nous croyons que les Canadiens ont droit à une bonne santé buccodentaire. C’est pourquoi nous appuyons pleinement les efforts déployés par tous les ordres de gouvernement pour améliorer la santé buccodentaire des Canadiens et améliorer leur accès aux soins dentaires. Une mauvaise santé buccodentaire pèse sur d’autres secteurs du système de santé, que ce soit en raison des visites à l’hôpital pour des urgences dentaires ou de la gestion des répercussions à long terme d’une mauvaise santé buccodentaire sur les maladies systémiques. C’est particulièrement le cas pour les enfants, car une bonne santé buccodentaire pendant l’enfance sert de fondement au reste de la vie d’une personne.

Malheureusement, malgré les progrès réalisés au cours des dernières décennies, la carie dentaire demeure la maladie chronique infantile la plus courante, mais évitable, au Canada. C’est la raison la plus fréquente pour laquelle les enfants canadiens subissent des chirurgies d’un jour et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles les enfants manquent l’école. Au-delà du risque de douleur et d’infection, la carie dentaire peut avoir une incidence sur l’alimentation, le sommeil et la croissance, ainsi que le développement de l’élocution, la perte de dents et la malocclusion, et accroître le besoin de soins dentaires tout au long de la vie.

Ayant exercé en cabinet privé pendant 35 ans, et je peux témoigner que rien n’est plus déchirant que de voir un enfant arriver avec une carie dentaire grave. Cela exige souvent un traitement sous anesthésie générale dans un établissement chirurgical, ce qui peut entraîner de longs temps d’attente. En plus des répercussions sur la santé de l’enfant, cette expérience peut entraîner une peur et une anxiété durables à l’égard des soins dentaires. Par conséquent, il est important de veiller à ce que les parents canadiens puissent avoir accès à des soins dentaires pour leurs enfants dans les mois suivant l’éruption de la première dent. La détection précoce de la susceptibilité à la carie dentaire et l’exposition à de bonnes habitudes d’hygiène buccale et à des soins préventifs peuvent faire toute la différence pour la bouche d’une personne.

Même si le Canada se compare avantageusement à de nombreux autres pays, trop de gens, notamment des enfants, ne reçoivent toujours pas les soins dentaires dont ils ont besoin. Chaque année, plus de 6 millions de Canadiens évitent de consulter un dentiste, principalement en raison du coût, surtout dans le cas des familles à faible revenu. Bien que chaque province et territoire du Canada dispose d’un programme financé par l’État pour les enfants, ces programmes varient d’une administration à l’autre et laissent des lacunes importantes. Nous avons donc accueilli favorablement l’engagement pris par le gouvernement, plus tôt cette année, d’investir de façon importante et continue dans les soins dentaires.

L’ADC approuve également l’approche graduelle du gouvernement à l’égard de cette initiative. Cela lui donnera le temps de consulter et de collaborer avec tous les intervenants pertinents sur une solution à long terme qui constituera une approche éclairée, ciblée, complète et efficace pour améliorer l’accès aux soins dentaires. Cela comprend la poursuite de la collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux sur les interactions entre les propositions fédérales et les programmes dentaires existants.

L’ACD est également satisfaite de l’étroite collaboration dont ont fait preuve jusqu’à présent le ministre Duclos et Santé Canada, et nous avons hâte de travailler avec eux à l’élaboration de leur approche à long terme. Au cours des prochains mois, le gouvernement, l’ADC et d’autres organismes de santé buccodentaire devront travailler ensemble pour promouvoir la Prestation dentaire canadienne et sensibiliser les familles à l’importance d’utiliser cette prestation pour répondre aux besoins de santé buccodentaire de leurs enfants. Les dentistes et les autres fournisseurs de soins buccodentaires de première ligne seront les principaux points de contact avec les patients à mesure que cette prestation et les propositions futures seront mises en œuvre. Dans le mémoire que nous avons présenté récemment au Comité des finances de la Chambre des communes, nous avons recommandé que le gouvernement accorde une aide financière aux organismes de santé buccodentaire au cours des prochaines années pour des activités comme la sensibilisation du public, l’éducation des patients et le soutien des membres.

Enfin, j’aimerais souligner très brièvement quelques autres points que l’ACD a recommandé d’aborder dans le contexte de l’amélioration de l’accès aux soins dentaires et de l’amélioration de la santé buccodentaire des Canadiens. Il s’agit d’améliorer le programme des SSNA et les résultats en matière de santé buccodentaire chez les Autochtones; de mieux soutenir la collecte de données sur la santé buccodentaire et la recherche en incluant régulièrement la santé buccodentaire dans les enquêtes fédérales sur la santé; de faire progresser la stratégie en matière de saine alimentation, et de promouvoir la fluoruration de l’eau dans les collectivités; et de s’attaquer aux pénuries continues de personnel des cabinets dentaires et aux autres problèmes de main-d’œuvre.

Merci encore de nous avoir invités à témoigner aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, avec le chef de la direction de l’ACD, le Dr Aaron Burry.

Ondina Love, Cheffe de la direction, Association canadienne des hygiénistes dentaires : Bonsoir, monsieur le président et membres du comité. Je tiens à souligner que je me joins à vous ce soir depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Au nom de l’ACHD et de ses membres, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à participer à la réunion de votre comité ce soir. L’ACHD est la voix nationale collective de plus de 30 000 hygiénistes dentaires au Canada, représentant directement 22 000 membres. Les hygiénistes dentaires constituent le sixième groupe en importance de professionnels de la santé réglementés au pays.

La partie 1 du projet de loi C-31 édicte la Loi sur la prestation dentaire. Cette loi valide et règle de nombreux problèmes concernant l’abordabilité et l’accès aux soins de santé buccodentaire au Canada. Les hygiénistes dentaires ont clairement entendu que la prestation d’un soutien direct aux populations vulnérables dans le cadre d’un modèle national aura un impact positif important sur la santé buccodentaire et globale des Canadiens. La carie dentaire est la maladie buccodentaire la plus répandue dans le monde et elle peut être prévenue, comme l’a mentionné la Dre Tomkins. Cette loi reconnaît la nécessité d’accorder une prestation dentaire provisoire à environ un demi-million d’enfants, ce qui constitue une excellente première étape pour réduire le fardeau des maladies buccodentaires et des affections buccodentaires au Canada.

L’ACHD réclame depuis longtemps un meilleur accès aux services de santé buccodentaire préventifs pour les Canadiens. Cette première étape de la prestation dentaire canadienne est bien accueillie par les hygiénistes dentaires, qui voient de leurs propres yeux les effets d’une mauvaise santé buccodentaire sur les enfants. Malheureusement, l’insécurité financière influe sur la façon dont les personnes qui n’ont pas d’assurance dentaire accordent la priorité à leurs besoins en matière de santé buccodentaire. Avec un revenu disponible limité, de nombreuses personnes renoncent à des services de santé buccodentaire préventifs réguliers, ce qui augmente leur risque de maladies buccodentaires. Il est essentiel de s’attaquer au problème de l’accès aux soins pour les groupes à faible revenu, car c’est cette population qui porte la plus grande partie du fardeau des maladies buccodentaires au Canada.

En tant que fournisseurs de soins primaires, les hygiénistes dentaires comprennent l’importance de la santé buccodentaire pour la santé générale et le bien-être. Des études ont montré qu’une mauvaise santé buccodentaire est associée à des problèmes de santé systémiques graves. Il s’agit notamment du diabète, des maladies respiratoires et cardiovasculaires ainsi que des résultats indésirables de la grossesse. Les hygiénistes dentaires conseillent également leurs clients sur les risques associés au tabagisme, à la consommation d’alcool et de substances et à la consommation de sucre, qui peuvent tous contribuer à l’incidence de la carie dentaire, de la maladie parodontale — gingivite et parodontite — et de nombreuses maladies systémiques.

La recherche a démontré que les visites chez un dentiste ou un hygiéniste dentaire pendant la petite enfance sont efficaces pour réduire le besoin de traitements réparateurs, comme les obturations, plus tard dans la vie. Ces visites offrent également des possibilités d’éducation ciblée en santé buccodentaire, comme de la formation sur les bonnes pratiques d’hygiène buccodentaire et des discussions sur l’importance d’une alimentation saine pour la santé buccodentaire et la santé en général. Pour ces raisons, les hygiénistes dentaires croient que la priorité absolue du nouveau programme fédéral de soins dentaires doit être la promotion de la santé buccodentaire et la prévention des maladies. Un autre programme financé par l’État qui met l’accent uniquement sur les traitements dentaires ne sera pas suffisant pour obtenir de meilleurs résultats à long terme en matière de santé buccodentaire.

Étant donné que la prestation des services de santé buccodentaire est assurée par une variété de cliniciens, l’inclusion des hygiénistes dentaires dans la définition des prestataires de services dentaires dans le projet de loi constitue une étape positive dans l’élargissement de l’accès aux soins buccodentaires. À une époque où les ressources humaines en soins de santé font face à de nombreux défis, en faisant appel à la contribution de l’ensemble du personnel de santé buccodentaire, on ouvre la voie au progrès et au succès.

Les hygiénistes dentaires offrent des moyens novateurs d’améliorer l’accès aux soins lorsqu’ils exercent dans divers milieux, comme des cliniques autonomes, des cliniques communautaires, des garderies, des écoles et des cliniques mobiles. Une de nos membres qui exerce en Colombie-Britannique nous a fait part de son point de vue sur la façon dont les cliniques d’hygiène dentaire mobiles, qui offrent leurs services directement aux enfants, aident les familles en éliminant l’obligation pour les parents de s’absenter du travail pour amener leur enfant à un rendez-vous.

Le projet de loi C-31 cadre également avec le rapport publié récemment en 2022 par le Conseil consultatif national sur la pauvreté, qui encourage le gouvernement du Canada à mettre en œuvre, le plus tôt possible, le Programme national de soins dentaires pour les Canadiens à faible revenu.

Comme toujours, l’Association canadienne des hygiénistes dentaires recherche une politique publique qui soit avantageuse pour la pratique de l’hygiène dentaire et la santé générale des Canadiens. Nous nous réjouissons à l’idée de poursuivre notre collaboration avec le gouvernement fédéral alors que vous travaillez à l’élaboration d’un programme complet de soins de santé buccodentaire dont la mise en œuvre complète aura lieu au cours des prochaines années.

Merci beaucoup de votre attention. Sylvie Martel, directrice des pratiques d’hygiène dentaire de l’ACHD, et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup de votre participation, ce soir.

Avant de passer aux questions, je demanderais aux sénateurs et aux témoins dans la salle de ne pas se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela évitera les bruits indésirables qui pourraient nuire au personnel du comité.

[Français]

Sur ce, nous allons passer à la période des questions. J’aimerais rappeler aux sénateurs qu’ils disposent de cinq minutes pour le premier tour de parole.

[Traduction]

Au deuxième tour, vous aurez trois minutes chacun. La greffière m’informera lorsque le temps sera écoulé.

J’aimerais également souligner que la sénatrice Lankin est en ligne et qu’elle suit les discussions et la réunion de ce soir. Bienvenue, sénatrice Lankin.

[Français]

J’aimerais donner la parole au sénateur Gignac, qui est le premier sur la liste pour poser des questions sur le projet de loi C-31.

[Traduction]

Le sénateur Gignac : Je remercie les témoins de s’être mis à notre disposition ce soir.

Ma question s’adresse aux deux associations. Y a-t-il suffisamment de capacité dans le système à l’heure actuelle pour accepter tous les nouveaux Canadiens admissibles en vertu de ce nouveau projet de loi? Aurez-vous de la difficulté, sur le plan des ressources humaines, à satisfaire ces personnes nouvellement admissibles? Nous pouvons commencer par la Dre Tomkins, qui sera suivie de Mme Love.

Dre Tomkins : Merci beaucoup.

Nous avons des préoccupations au sujet du personnel de soutien que nous avons au cabinet. Au cabinet du dentiste, les assistants dentaires sont souvent les personnes que vous voyez en premier, qui vous installent et qui s’occupent de vous. C’est un emploi très spécialisé exigeant une formation poussée. Il y a une pénurie d’assistants dentaires au Canada, qui existait avant la COVID-19 et qui a été exacerbée depuis. À tout moment, au Canada, un cabinet dentaire sur trois cherche à recruter du personnel. C’est assez préoccupant.

Il n’y a pas de pénurie de dentistes. Nous avons un problème de répartition. Nous aimerions qu’un plus grand nombre de jeunes dentistes aillent dans les régions éloignées et rurales, surtout dans le Nord, et je sais qu’au Nouveau-Brunswick, on aimerait aussi voir plus de dentistes. Tout ce que nous pourrions faire pour inciter les nouveaux diplômés et les dentistes à envisager de déménager dans ces régions, notamment l’exonération des prêts d’étude, serait une bonne chose.

Nous allons nous occuper de l’afflux de nouveaux patients. Comme nous avons fait face à la COVID-19, nous pensons pouvoir faire face à n’importe quoi, mais il y a un problème en ce qui concerne le personnel de soutien dentaire.

Mme Love : Il y a au Canada 30 000 hygiénistes dentaires, dont environ 1 300 exercent leur profession indépendamment d’un dentiste. Ils travaillent dans divers milieux, comme des cliniques mobiles. Ils travaillent dans les garderies, les écoles, la santé publique et la recherche, dans divers milieux.

Dans certaines régions, par exemple à Terre-Neuve, les hygiénistes dentaires travaillent quatre jours par semaine, du lundi au jeudi, dans un cabinet dentaire traditionnel, puis ils se rendent, le vendredi, dans des collectivités éloignées et fournissent des services de façon indépendante. Cela améliore l’accès aux soins pour certains de ces programmes.

Comme l’a dit la Dre Tomkins, il y a des problèmes de répartition. L’ACHD préconise depuis un certain nombre d’années, de concert avec EDSC, l’élargissement du programme d’exonération des prêts d’études afin d’y inclure les hygiénistes dentaires et les dentistes. Le gouvernement a annoncé qu’il élargira le programme au-delà des médecins et des infirmières cette année, et nous espérons qu’il inclura les professionnels de la santé buccodentaire, car cela profitera aux étudiants et les encouragera à travailler dans les collectivités rurales et éloignées.

Le sénateur Gignac : Merci.

[Français]

Ai-je encore du temps pour poser une deuxième question? Merci.

Il y a certaines provinces, comme le Québec, qui ont déjà un régime dentaire gratuit accessible pour les enfants âgés de 9 ans et moins. À la lumière du taux d’assiduité, voyez-vous des pourcentages... Quelles seraient les conséquences dans les provinces qui n’ont pas ce régime, à la lumière de l’expérience du Québec? Est-ce qu’il y a une augmentation importante de la clientèle pour les enfants de 10 ans et moins?

Je voudrais mesurer les conséquences, à la lumière de notre expérience au Québec. Peut-être que la Dre Tomkins pourrait répondre à la question?

[Traduction]

Dre Tomkins : Dans l’ensemble du pays, il y a divers régimes, d’une administration à l’autre, qui offrent certains types de programmes de garde d’enfants et de soins dentaires. Il y a tellement de différences d’une administration à l’autre. C’est ce qui rend la discussion entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux si importante pour que tout plan fédéral ne nuise pas aux programmes provinciaux existants.

Au Québec, les enfants de 9 à 12 ans pourraient être couverts par ce programme, et ensuite jusqu’à l’âge de 18 ans à mesure que la phase deux sera mise en œuvre.

Pour ce qui est des statistiques, je vais demander au Dr Aaron Burry s’il peut nous donner des chiffres précis à ce sujet.

Dr Aaron Burry, directeur général, Association dentaire canadienne : L’utilisation des programmes variera d’une province à l’autre. Il n’est pas rare de voir des taux d’utilisation de l’ordre de 30 à 40 %. Il y en a d’autres qui sont beaucoup plus élevés. Cela dépend de la durée du programme, de son étendue, etc. Il y a des variations d’un bout à l’autre du pays. Cela dépend aussi de choses comme la simplicité de l’inscription au programme ou si c’est automatique. Dans certaines provinces, par exemple à l’Île-du-Prince-Édouard, c’est automatique pour chaque enfant, et il y a un taux d’utilisation élevé lié à cela parce que c’est le programme qui couvre tous les enfants de la province.

Le sénateur Gignac : Merci.

Le sénateur Smith : Madame Martel, je vais vous adresser cette question, et les autres témoins pourront aussi y répondre.

Votre organisation a commandé un sondage cette année, et elle a constaté que 56 % des Canadiens de 60 ans et plus n’ont pas d’assurance dentaire. Vous avez noté que les professionnels de la santé ont établi un lien entre une bouche en bonne santé et un corps en bonne santé. Pour faire suite à certaines des discussions que nous avons eues lors de réunions précédentes, j’aimerais vous demander si vous pourriez nous éclairer sur les économies que pourrait faire le secteur des soins de santé si le gouvernement mettait en œuvre un programme de soins dentaires. Avez-vous des chiffres ou des données que vous pourriez nous communiquer à ce sujet? Évidemment, les deux associations ont probablement accès à ce genre d’information. Il serait utile que vous nous donniez des idées.

Sylvie Martel, directrice de la pratique de l’hygiène dentaire, Association canadienne des hygiénistes dentaires : Lorsque nous avons commandé ce document, il était évident qu’il y avait très peu de programmes au Canada qui se penchaient sur la santé buccodentaire chez les aînés, et l’une des constatations est que le montant de la couverture pour la santé buccodentaire au Canada est très limité pour les aînés, et que s’il y a en a une, le seuil ou les critères d’admissibilité sont si bas que seul un très petit pourcentage des aînés admissibles peuvent participer à certains programmes. Par exemple, en Ontario, où le seuil est très bas, seuls quelques aînés peuvent participer. Pour ce qui est des données, nous n’avons pas fait un examen plus poussé nous permettant de vous fournir les pourcentages d’utilisation. À l’heure actuelle, nous savons que nos aînés ne sont pas pris en charge.

Vous avez fait allusion au fait qu’en termes d’économies de coûts, lorsque nous examinons le lien entre la bouche et le reste du corps, nous pouvons avoir un impact sur le contrôle du diabète et l’incidence du diabète, ainsi que sur les accidents vasculaires cérébraux et les maladies cardiovasculaires et pulmonaires. À long terme, sans avoir les pourcentages de réduction des coûts, si les gens peuvent avoir accès à des soins buccodentaires et maintenir une bonne santé buccodentaire, cela a certainement un impact sur les maladies en général.

Le sénateur Smith : Serait-il préférable de vous poser cette question en ce qui concerne les jeunes? Est-ce sur eux que vous centrez votre attention? L’autre question qui me vient à l’esprit est la suivante: qu’en est-il des régions éloignées et des territoires du Nord et du Nord du Canada?

Mme Martel : Pourriez-vous répéter la première partie de votre question? Désolée.

Le sénateur Smith : J’essaie de savoir quel type de recherche ou d’information vous avez. Si vous aviez de l’information sur les gens de 60 ans et plus, quel genre de données avez-vous sur les jeunes? Les avez-vous pour les enfants de 1 à 15 ans ou de 1 à 20 ans? L’autre chose que je voulais savoir, c’est quel type d’information vous avez sur le nord en ce qui concerne la participation à la santé buccodentaire. Quelle comparaison faites-vous entre le Nord et le Sud du Canada?

Mme Martel : Je vais demander à Mme Love de répondre à cette question. Elle pourra vous répondre de façon plus approfondie que moi.

Mme Love : Si vous voulez réaliser des économies, l’une des principales économies mesurables concerne les visites dentaires d’urgence. En Ontario, le coût estimatif de ces visites pour le système de santé varie de 16 à 30 millions de dollars par année. Entre 2011 et 2015, il y a eu une moyenne annuelle de près de 28 000 visites aux urgences de l’Alberta pour des raisons dentaires, ce qui a coûté jusqu’à 6,2 millions de dollars par année au système. La Colombie-Britannique a également connu une forte utilisation des visites à l’urgence pour des raisons dentaires, ce qui lui a coûté 1,54 million de dollars.

Non seulement ces visites évitables coûtent cher à notre système de soins de santé, mais les salles d’urgence ne sont pas le bon endroit où les gens peuvent obtenir des soins buccodentaires appropriés. Par exemple, 70 % des patients en salle d’urgence pour des problèmes de santé buccodentaire étaient des adultes qui travaillaient, et 98 % d’entre eux ont été vus et ont obtenu leur congé dans un délai de deux heures en raison de la nature non urgente de ces problèmes et parce qu’ils n’ont pas reçu de traitement. On estime que 1 visite sur 100 à l’urgence concerne des plaintes d’ordre dentaire, principalement de la part d’adultes à faible revenu qui n’ont pas accès à un fournisseur de soins buccodentaires.

Le sénateur Smith : Avez-vous un chiffre national pour toutes les provinces en ce qui concerne les visites à l’urgence?

Mme Love : Je n’ai pas de chiffre national. Nous avons essayé d’examiner la question, mais nous n’avons que des données provinciales. Le Bureau du dentiste en chef du Canada vient de publier un rapport cette semaine qui contient beaucoup de données sur le programme de santé publique et sur son utilisation. Ce rapport a été publié il y a quelques jours.

Dre Tomkins : Votre question est extrêmement importante, et elle met vraiment en évidence ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin de plus de bonnes données à long terme sur la situation exacte de la santé buccodentaire. Si l’on prend l’exemple de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé, la composante dentaire vient juste d’être de nouveau incluse cette année, mais elle n’a pas fait l’objet d’un sondage depuis 2008. Si le gouvernement envisage de mettre sur pied un programme de santé buccodentaire qui donnera des résultats mesurables, nous avons besoin de bonnes données et d’une bonne collecte de données. J’en ai parlé dans mon exposé. Nous avons besoin d’un appui pour obtenir de bonnes données parce que, d’une certaine façon, nous n’avons pas ce genre de données exhaustives. Si vous pouviez plaider en notre faveur à ce sujet, nous vous en serions reconnaissants. Ce serait formidable.

Dr Burry : Très rapidement, j’aimerais ajouter deux choses. Je pense que la principale répercussion sur notre système de soins de santé — et on en a parlé— serait le retrait de ces cas de la salle d’urgence. Cela n’aide en rien les urgentologues. Ils n’ont pas l’équipement nécessaire. Ces cas sont mieux traités par les dentistes. En Ontario, les coûts sont de 500 $ à 700 $ par patient, et les patients ne peuvent obtenir qu’une ordonnance pour des analgésiques.

L’autre groupe qui a été mentionné, et qui est vraiment important, ce sont les enfants de 0 à 12 ans. Ceux qui n’ont pas de soins dentaires peuvent se retrouver avec des problèmes importants, souvent vus dans la salle d’opération d’un hôpital. C’est une façon très coûteuse de fournir des soins dentaires de base, alors il faut faire beaucoup de prévention. Pendant plus de 25 ans, j’ai travaillé dans ce domaine pour essayer de réduire le nombre d’enfants qui entrent en salle d’opération ainsi que l’impact et le fardeau sur le système de santé.

La sénatrice Pate : Merci à tous les témoins. Je vous remercie tout particulièrement d’avoir décrit de façon très claire et convaincante l’incidence des soins dentaires sur la santé et les risques en ce qui concerne les soins de longue durée.

L’une des questions qui me préoccupent, c’est la suffisance du montant prévu par la loi. Un montant de 650 $ par année suffira-t-il à couvrir le genre de services et de mesures de soutien que vous considérez comme des mesures préventives idéales? Docteur Burry, vous venez de dire qu’il s’agit essentiellement du coût d’une visite à l’urgence. Quels problèmes voyez-vous? À votre avis, quelles interventions dentaires ne seront pas couvertes en raison d’un financement insuffisant?

Dre Tomkins : Premièrement, nous sommes contents que les enfants à faible revenu bénéficient d’une prestation pour aller chez le dentiste, et c’est donc une bonne chose. Il s’agit d’un programme provisoire. Nous croyons savoir qu’il prendra fin en juin 2024, ce qui donne deux années civiles. Théoriquement, cela donne jusqu’à 1 300 $ par enfant. Le montant d’argent proposé par enfant variera beaucoup, selon la situation de l’enfant et son âge.

Si nous pouvons faire venir de très jeunes enfants — nous préconisons que les parents amènent leur enfant chez le dentiste dans les six mois suivant l’éruption de la première dent pour la susceptibilité à la maladie, l’évaluation et le counselling des parents. Cela mettra l’enfant sur la bonne voie.

Si vous prenez un autre enfant qui arrive à l’âge de quatre ans avec quelques caries, il y aura un examen, des radiographies, le diagnostic du dentiste, peut-être un nettoyage des dents, des conseils en hygiène buccale donnés par l’hygiéniste dentaire de l’équipe, et peut-être quelques obturations. Cela pourrait aussi comprendre l’équivalent pour les dents de bébé des traitements de canal dont les dents ont parfois besoin lorsqu’il y a des caries. Comme ce sont de très petites dents, les caries n’ont pas besoin d’être très grosses pour affecter le nerf.

Les soins seront limités. Pour certains enfants, ce sera plus que suffisant, et pour d’autres, cela ne suffira pas. C’est une chose à considérer. Tout programme à long terme doit être davantage axé sur les besoins afin que les enfants qui nécessitent plus de soins en reçoivent plus, et que ceux qui n’en ont pas autant besoin n’utilisent pas autant le système.

Mme Love : Hier, nous avons eu une séance d’information technique avec l’ARC et Santé Canada au sujet de ce programme. Nous avons été heureux d’apprendre qu’il s’ajoutera aux programmes provinciaux. C’est une bonne nouvelle. Cela ne nuira pas aux programmes actuellement en place. Chacune des provinces offre un programme quelconque. Cela ne fera qu’améliorer la capacité de prendre soin de ces enfants. C’était une très bonne nouvelle pour nous hier.

La sénatrice Pate : Pour ce qui est d’un programme axé sur les besoins, avez-vous un modèle que vous pourriez recommander et que nous pourrions examiner en ce qui concerne le libellé?

Dre Tomkins : Les provinces de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve — et, en fait, je crois que les Territoires du Nord-Ouest aussi, ou est-ce le Yukon — viennent de signer des ententes avec leurs gouvernements provinciaux pour des programmes destinés aux enfants qui sont jugés meilleurs. Il n’y a pas de programme idéal. Certains ne couvrent pas certaines choses, alors ce programme aura peut-être la capacité de compléter les autres. Nous n’avions pas entendu dire qu’il pourrait s’ajouter aux programmes existants. Il faudrait que nous nous penchions là-dessus.

Je vais laisser le Dr Burry parler des programmes internationaux qui ont un très bon effet.

Dr Burry : Pour ce qui est du financement des soins dentaires, c’est un premier pas dans la bonne direction. À l’échelle internationale, nous pouvons examiner ce que divers gouvernements y consacrent. Au Canada, environ 6 % des dépenses totales proviennent du gouvernement. D’autres pays travaillent à cela depuis beaucoup plus longtemps. Ils ont commencé à élaborer leurs programmes après la Seconde Guerre mondiale, ce qui fait plus de 70 ans de développement. On pense souvent à des pays comme l’Allemagne, la Suède, etc., et même le Royaume-Uni. Ils assument jusqu’à 40 % du coût total, qui est couvert par les dépenses gouvernementales. Il s’agit d’un premier pas vers une meilleure couverture pour les Canadiens. Encore une fois, dans les pays où les systèmes couvrent tous les résidents et citoyens, c’est le niveau de financement gouvernemental qui a cours actuellement dans ces divers pays. Les États-Unis ont commencé à prendre des mesures dans ce domaine vers 2010. Elles étaient les mêmes qu’au Canada, et elles sont passées à environ 12 % de financement gouvernemental total grâce à des choses comme l’Obamacare, ainsi qu’une stratégie beaucoup plus vaste en matière de santé buccodentaire.

C’est un autre aspect dont nous avons parlé à l’Association dentaire canadienne, pour qu’on ne se contente pas de dépenser de l’argent pour les soins. Nous devons vraiment envisager une stratégie de santé buccodentaire plus vaste pour le pays, comme d’autres pays l’ont fait, afin d’améliorer notre santé globale.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins de leur présence.

Permettez-moi de commencer par les questions les plus fondamentales. De toute évidence, les gens que nous ciblons ici sont les familles pauvres et l’accès de leurs enfants à des soins dentaires. Selon votre expérience au sein de vos associations, quelle a été la difficulté pour les familles pauvres d’avoir accès à des soins dentaires, sachant que le revenu pose un énorme défi et que les gens dépensent plus d’argent pour les soins dentaires? Quelle a été l’expérience de vos associations en ce qui concerne l’accès des familles pauvres à ce programme?

Je vais me citer en exemple. J’ai eu la chance, depuis l’âge de 18 ans, d’avoir accès à des soins dentaires dans le cadre des régimes offerts par l’employeur auxquels j’ai participé, mais je sais que ce n’est pas la norme. Maintenant que je suis sénateur, j’ai encore accès à ce genre de régimes parce que cela vient avec l’emploi. Je sais que pour beaucoup trop de familles canadiennes, ce n’est pas la norme.

Qui sont la majorité des gens qui accèdent à vos services par l’entremise de vos associations? Est-ce financé par une assurance ou est-ce payé par la famille en fonction de sa capacité d’aider ses enfants alors qu’elle se trouve dans une situation difficile?

Dre Tomkins : Dans l’ensemble, les patients et les familles qui ont accès plus fréquemment à des soins dentaires font partie du groupe dit assuré, qui représente les deux tiers des Canadiens couverts par un régime quelconque. Nous savons que les Canadiens accordent de l’importance aux prestations de santé offertes par l’employeur. C’est une chose que nous ne voudrions pas voir être perturbée par quelque programme que ce soit. Si les employeurs commençaient à abandonner leur régime parce qu’il y a un nouveau régime fédéral, cela pourrait être préoccupant.

Dans mon cabinet, j’ai vu des enfants de tous les milieux socioéconomiques. Le fait d’être un Néo-Canadien peut constituer un obstacle, car la langue peut également être un frein. Les finances constituent certainement un obstacle. Parfois, cela dépend de l’éducation et de l’orientation des parents, et de leur connaissance de l’importance des visites précoces chez le dentiste. Certains estiment que les dents de lait ne sont pas très importantes. Nous préférons les considérer comme des dents primaires et le fondement d’une bonne santé buccodentaire.

Je pense que cela fait partie de ce que nous voudrions voir dans n’importe quel programme. Nous avons demandé de l’aide pour informer tous les parents, en particulier les parents d’enfants qui sont admissibles à ce programme, de l’importance d’amener un enfant chez le dentiste très tôt. N’attendez pas qu’ils aient 5 ou 6 ans. Amenez-les quand ils ont de 12 à 18 mois pour qu’on puisse les voir. Je pense que l’éducation et la sensibilisation sont des éléments très importants.

Dans le cadre de ce programme provisoire, l’aspect financier est en quelque sorte réglé, alors c’est maintenant une question d’éducation et de sensibilisation. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que l’éducation et la prévention sont la clé.

Le président : Madame Love, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Love : Parmi nos membres, nous avons un certain nombre d’hygiénistes dentaires qui ont de nombreuses façons novatrices de rejoindre les gens. Nous avons mis sur pied un groupe de travail chargé de nous conseiller sur cette prestation nationale de soins dentaires, avec des hygiénistes dentaires de toutes les provinces et de tous les territoires du pays qui travaillent dans le domaine de la santé publique et avec ces programmes financés par le gouvernement fédéral. Nous entendons parler des hygiénistes dentaires qui se rendent dans des garderies et qui découvrent que seulement 2 enfants sur 12 bénéficient d’une assurance dentaire financée par l’employeur. Ils aident les 10 autres enfants et leur famille à s’inscrire aux programmes provinciaux offerts. Comme l’a dit la Dre Tomkins, c’est parfois les prestataires de soins de santé qui les aident à comprendre quels programmes sont offerts et qui les inscrivent pour qu’ils puissent y avoir accès.

Madame Martel, vous avez probablement d’autres renseignements du fait de votre participation à ce groupe de travail.

Mme Martel : Oui, et comme l’a dit la Dre Tomkins, la sensibilisation est importante, mais l’éducation du public l’est aussi. Comme Mme Love l’a dit, il y a beaucoup de parents qui ne savent pas qu’ils peuvent avoir accès à certaines prestations dans le cadre de différents programmes partout au pays.

Je pense que ce qui est important ici, c’est que tous les enfants ne sont pas traités sur un pied d’égalité, non seulement en ce qui concerne le fardeau financier, mais aussi l’accès aux soins à proximité, l’accès à des professionnels de la santé en sachant quels sont ceux qu’ils peuvent voir régulièrement. Cela a un impact culturel, ainsi qu’un impact financier, mais il faut aussi donner accès aux professionnels de la santé de façon à ne pas alourdir le fardeau des parents qui doivent amener leurs enfants pour des soins.

Le sénateur Yussuff : De plus, comme vous l’avez indiqué, ce programme s’adresse aux jeunes de 12 ans et moins. Certains programmes provinciaux ne permettent pas aux enfants de 12 ans d’avoir accès à des soins dentaires. Savons-nous quelles sont les lacunes au niveau des provinces et combien d’enfants pourraient être couverts par ce programme? Vous avez maintenant un seuil qui est difficile pour la plupart des programmes provinciaux. Plus important encore, selon les données que vous avez fournies, environ 500 000 enfants seront touchés par cette mesure.

En tant que père de famille, j’ai la chance que ma fille n’a jamais eu à se demander si on allait prendre soin de ses dents, ou si elle pourrait avoir des broches orthodontiques à un jeune âge. Très souvent, les enfants grandissent dans un monde où les broches orthodontiques ne sont même pas envisagées, en raison de leur coût. Bien sûr, cela a une incidence sur l’esthétique des dents des enfants et aussi sur la façon dont ils se perçoivent.

En ce qui concerne l’écart qui existe et la façon dont nous pouvons nous occuper de certains de ces enfants, une autre phase de ce programme viendra à un moment donné, en collaboration avec les provinces. À un moment donné, nous devrons déterminer quelles sont les lacunes que nous devons combler parce que les enfants sont aux prises avec cette réalité. Pour les parents qui ont la chance de disposer de ces ressources pour leurs enfants, c’est très bien, mais un trop grand nombre de Canadiens n’y ont pas accès et doivent composer avec cette réalité jour après jour.

Mme Love : C’est une excellente question que j’ai posée lors de la séance d’information technique d’hier, en ce qui concerne l’accès, à savoir quel montant le gouvernement fédéral avait prévu pour ce programme. On estimait qu’à l’heure actuelle, 500 000 enfants n’avaient pas accès aux soins dentaires. On a parlé, en fait, de 600 000 à 700 000 enfants de moins de 12 ans, mais on espérait que 500 000 y auraient accès. On a précisé que le gouvernement disposerait d’un budget suffisant si plus de 500 000 enfants accédaient à ces services. C’est la réponse qui m’a été donnée hier.

Dr Burry : L’un des autres éléments clés, c’est qu’il y aura des différences d’une province à l’autre. Il y aura des régions du pays, où le programme provincial est déjà relativement adéquat, qui ne demanderont pas la prestation fédérale. Dans la plupart des cas, elles n’en auront pas besoin.

Dans des endroits comme l’Ontario, il y a un seuil financier. Cela aura pour effet de l’augmenter. Il y aura des familles, comme bon nombre des familles d’agriculteurs que je vois dans l’Est de l’Ontario, qui ne seront pas admissibles en fonction du niveau de revenu, mais qui le seront en fonction du résultat financier, ce qui leur permettra d’emmener leurs quatre à six enfants chez le dentiste. Je pense que c’est ce groupe que vise le gouvernement fédéral. Nous avons soulevé cette question dès le début.

Nous voulons éviter qu’il y ait beaucoup de dédoublement et de chevauchement entre les programmes. Cela souligne de nouveau la nécessité de revenir en arrière et d’assurer une meilleure coordination entre les provinces et le gouvernement fédéral en ce qui concerne les prestations afin de maximiser ce qui se passe réellement et de commencer à remédier à certaines des lacunes de certains programmes provinciaux.

Le président : Merci. Madame Martel, vous avez levé la main. Voulez-vous faire une remarque?

Mme Martel : Pour compléter la réponse à la question posée au sujet du programme québécois qui couvre les enfants jusqu’à l’âge de 9 ans, ce programme ne couvre aucune visite de prévention pour les enfants de 0 à 9 ans et, bien sûr, il ne les couvre pas non plus pour les enfants de 10 ans et plus, à moins que les parents ne bénéficient d’un programme d’aide sociale, pour avoir accès à n’importe quel type de prestations. Le programme sera donc utilisé, au Québec, pour les enfants qui veulent des services de prévention, comme le nettoyage ou la consultation d’un hygiéniste dentaire. Avec la modification de la loi au Québec, où les hygiénistes dentaires peuvent offrir des services directement aux clients sans la supervision d’un dentiste, il y a maintenant un grand nombre d’hygiénistes dentaires qui offrent des services directement au client. Au Québec, les hygiénistes dentaires offrent des services de prévention pour les enfants de 0 à 9 ans, mais aussi pour les enfants de plus de 9 ans.

La sénatrice Galvez : Ma première question s’adresse à la Dre Tomkins. Nous avons une collègue, au Sénat, qui est dentiste. Elle est autochtone et elle exerce dans des communautés autochtones du Nord du Manitoba. Je lui ai demandé de me suggérer une question : compte tenu du coût élevé des soins dentaires, 650 $ ne suffiront pas à couvrir une grande partie des frais, selon l’importance des restaurations nécessaires. Cela peut couvrir un examen, une radiographie et peut-être quelques restaurations selon la taille, et par enfant. Pour assurer la prestation de soins adéquats, compte tenu des besoins du patient, quel serait, selon vous, un montant plus réaliste? Pouvez-vous me donner le coût annuel des soins dentaires par enfant?

Dre Tomkins : Les besoins des enfants varient énormément. C’est une très bonne question, mais il est très difficile d’y répondre parce que, comme je l’ai dit plus tôt, certains enfants n’auront besoin que de très peu de soins et d’autres, de beaucoup plus. Si vous avez un enfant dont les 20 dents de lait sont cariées et qui doit être traité à l’hôpital, ce montant sera loin du compte. Cela pourrait permettre à un dentiste de mettre, en attendant, un peu de fluorure de diamine d’argent sur certaines des plus grosses caries. C’est une excellente question, et je vais demander au Dr Burry s’il a des statistiques à ce sujet. Je pense que personne n’a jamais calculé le coût moyen par enfant parce qu’il y a tellement de variations.

Dr Burry : Il y a une différence entre ce qu’il en coûte au programme et ce qu’il en coûte pour traiter un enfant. Il y a en fait deux coûts. Si vous avez un enfant, par exemple, qui est traité à l’hôpital, vous avez le coût des soins dentaires, et dans le cas d’un enfant, cela peut aller de 2 000 $ à 5 000 $; et il y a ensuite le coût du système de soins de santé. Le ministre Duclos s’est, disons, basé sur le nombre d’utilisations totales, pour des soins dentaires, des services de chirurgie et d’urgence, et ce chiffre est d’environ 2 milliards de dollars à l’échelle du pays.

Quand on regarde ces fourchettes, on voit que nous dépensons beaucoup d’argent pour les personnes qui sont traitées à l’hôpital pour des problèmes de carie dentaire très graves. Cela ouvre toutes sortes de possibilités de faire les choses autrement plutôt que dans le système de soins de santé. Il y a toute une fourchette, et 650 $ pour un enfant dont la santé est relativement bonne, comme l’a indiqué la Dre McCallum, est probablement un montant suffisant, mais encore une fois, c’est la raison pour laquelle nous disons que c’est une bonne mesure provisoire pour au moins amener les gens au cabinet dentaire. Cela donne également l’occasion au gouvernement de voir combien de personnes vont utiliser le programme et d’essayer de concevoir quelque chose qui répondra mieux aux besoins de ceux qui chercheront à obtenir des soins dans le cadre du programme.

La sénatrice Galvez : Au cas où vous pourriez faire des estimations au cours des prochains jours, j’aimerais beaucoup que vous fassiez parvenir ces renseignements à la greffière du comité.

Dr Burry : Nous serons heureux de le faire.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup.

Ma question fait suite à celle de mon collègue, le sénateur Gignac, et porte non pas sur la capacité comme telle, mais plutôt sur la compétence. Nous parlons des soins dentaires pour les enfants. J’ai trois enfants que j’ai dû emmener chez le dentiste, et c’était toujours un drame. Nous avons vu tellement d’hygiénistes et de dentistes avant de tomber sur la personne qui avait la patience et la compétence nécessaires pour soigner des enfants. Sinon, d’après mon expérience et celle d’autres personnes, le dentiste suggère d’endormir le bébé ou l’enfant pour faire toutes les réparations nécessaires, mais les parents n’aiment pas cela. Pour ce qui est de la capacité et de la compétence, je sais que les dentistes sont généralement à l’aise avec les adultes, mais quel est le pourcentage de dentistes et d’hygiénistes qui s’occupent d’enfants de cet âge? Si on doit anesthésier l’enfant dans les régions du Nord, comment s’y prend-on?

Dre Tomkins : À l’école de médecine dentaire, nous recevons une formation en dentisterie pédiatrique. Une fois que nous avons notre diplôme et que nous commençons à pratiquer, nous développons une affinité pour certains domaines, et certains d’entre nous décident de se spécialiser en dentisterie pédiatrique. Je vais justement m’adresser à un groupe demain. Le Dr Burry pourra vous donner le nombre exact de dentistes pédiatriques au pays. En général, ils soignent surtout des patients qui ont beaucoup de caries. J’ai parlé de jeunes patients qui ont besoin de beaucoup de soins dentaires et que nous devons parfois traiter dans une salle d’opération, ce qui risque de leur laisser un mauvais souvenir de leur expérience chez le dentiste.

J’ai constaté en pratique que si je pouvais voir les enfants le plus tôt possible pour comprendre et surveiller leur état dentaire jusqu’à l’âge de 6 ou 7 ans, lorsque ces enfants ont besoin d’un traitement dentaire, ils l’acceptent très bien, sachant qu’ils seront traités avec gentillesse et respect. Cette méthode donne un résultat positif. Chez les très jeunes enfants, il n’y a pas d’autre solution que de les traiter avec une sorte de sédation. Sinon, l’enfant deviendra vraiment phobique s’il doit endurer six ou huit rendez-vous où l’on restaure deux ou trois obturations d’un coup. Cela ne laisse vraiment pas de bons souvenirs à un très petit enfant.

Docteur Burry, combien comptons-nous de dentistes pédiatriques au Canada?

Dr Burry : Nous allons vérifier et vous envoyer le nombre exact de dentistes pédiatriques.

Notre autre grand problème — que nous avons souligné à l’Association dentaire canadienne — est l’urgent besoin d’accroître le nombre de centres de chirurgie partout au pays, pour qu’il n’y ait plus besoin d’effectuer ces traitements à l’hôpital. Certaines régions du pays ont maintenant des centres avec services d’anesthésie qui permettent d’effectuer rapidement les traitements dentaires hors de l’hôpital. Malheureusement, notre système de santé n’a pas accru le nombre de services de dentisterie pédiatrique depuis les années 1990. Nous devons travailler avec les mêmes capacités. Maintenant, dans les années 2020, ce manque de services allonge considérablement les listes d’attente. Certaines collectivités ont essayé de pallier cela en ajoutant des salles d’opération, mais dans la plupart des cas, ce sont les centres de chirurgie qui les utilisent. Nous avons demandé au gouvernement d’investir dans ce genre d’installations afin que nous puissions effectuer ces traitements hors des hôpitaux.

Mme Love : Je voulais répondre à votre question concernant les gens du Nord. Le gouvernement fédéral dépense chaque année plus de 450 millions de dollars pour transporter des gens des régions du Nord qui ont besoin de soins dentaires d’urgence. Depuis environ sept ans, l’Association canadienne des hygiénistes dentaires a conclu un contrat avec le gouvernement du Nunavut, et nous envoyons des hygiénistes dentaires par avion dans 17 communautés éloignées pour donner des services de prévention aux enfants de la naissance à 12 ans. Nous faisons cela dans le cadre de l’Initiative en santé buccodentaire pour les enfants, qui est très efficace. Nous avons dû interrompre ce service pendant la pandémie de la COVID-19, mais au cours des semaines qui viennent, nous enverrons à nouveau un hygiéniste dentaire pour assurer des soins préventifs, ce qui évitera bien des frais de déplacement pour des chirurgies.

Le sénateur Boehm : Je remercie nos témoins d’avoir répondu avec tant d’éloquence aux questions qui leur ont été posées.

Mes collègues ont déjà posé la plupart des questions que j’avais, mais j’aimerais revenir sur celle des niveaux de dotation. Dre Tomkins en a parlé dans sa déclaration préliminaire. Les niveaux de dotation ont-ils baissé pendant la pandémie de la COVID-19? Dans l’affirmative, sont-ils plus ou moins revenus aux niveaux d’avant la pandémie?

Dre Tomkins : Vous désirez savoir s’ils sont revenus aux niveaux d’avant la pandémie? Non. J’ai mentionné que chaque jour, un cabinet dentaire sur trois cherche à embaucher quelqu’un. Nous faisons face à une pénurie critique. Nous avons perdu des membres du personnel pendant la pandémie de la COVID-19. Ces personnes ont quitté la dentisterie. Elles ne sont pas mortes, elles ne sont pas décédées, mais nous les avons perdues parce que leur travail était devenu extrêmement stressant. Au début de la pandémie, les dentistes ont dû fermer leurs cliniques pendant quelque temps, puis ils ont réouvert.

Pour ce qui est des exigences, nous appliquions déjà des exigences plutôt strictes en matière de prévention et de contrôle des infections. Évidemment que la pandémie les a rendues beaucoup plus strictes. Je ne sais pas si vous êtes allé chez votre dentiste, mais nous avons tous l’air d’être des astronautes ou d’être sur le point de faire de la chirurgie cérébrale, parce que nous sommes couverts de blouses, de masques, d’écrans faciaux et autres. Nous avons dû installer des bandes et des cloisons dans nos cabinets dentaires. Cela a mis beaucoup de pression sur le personnel de première ligne, surtout sur les assistants dentaires, qui sont responsables de tout installer, de tout détruire, de tout stériliser. Cela a créé beaucoup de pression dans nos lieux de travail.

Je dois dire que je suis très fière de la façon dont notre profession a réagi. Au Canada, il n’y a pas eu un seul cas de transmission de la COVID-19 d’un patient à un médecin, d’un médecin à un patient, d’un clinicien à un patient. Toutes les petites transmissions ont eu malheureusement lieu à la salle à manger. Les gens se sont peut-être un peu relâchés. Mais en milieu clinique, il n’y a pas eu de transmission.

Nous avons entrepris un projet avec l’Association canadienne des assistants dentaires. Nous avons demandé une subvention pour encourager un plus grand nombre de personnes à envisager une carrière d’assistant dentaire et pour les assistants à rester dans la profession. Cela comprend également des possibilités d’apprentissage à distance pour la partie théorique. L’apprentissage clinique doit évidemment se faire en présentiel. Nous cherchons des façons créatives d’encourager un plus grand nombre de personnes et de nouveaux Canadiens à s’engager dans le domaine des soins dentaires.

Le sénateur Boehm : Je voulais justement parler de cela avec vous. Nous accueillons environ 400 000 nouveaux arrivants chaque année. Certains d’entre eux auront besoin de soins dentaires et seront probablement visés par ce programme d’une façon ou d’une autre. Je pense en particulier aux réfugiés. Il y a aussi la reconnaissance des titres de compétence étrangers. Je sais qu’elle relève des provinces, mais elle pourrait certainement créer d’un bassin de dentistes et d’hygiénistes. J’aimerais que chacun de vous me donne son point de vue à ce sujet.

Dre Tomkins : Au Canada, les dentistes formés à l’étranger ont deux voies possibles pour entrer dans la profession. L’une est de subir la série d’examens du Bureau national d’examen dentaire du Canada. Le Bureau évalue d’abord les titres de compétence et obtient la confirmation que les candidats détiennent bel et bien un diplôme du pays d’où ils viennent. Il y a ensuite une série d’examens théoriques sur le contenu et les connaissances, puis des examens cliniques. Tout dentiste qui arrive au Canada et qui possède le niveau de compétence des diplômés d’écoles dentaires canadiennes réussira cet examen.

L’autre voie est le programme que toutes nos écoles dentaires offrent aux dentistes formés à l’étranger. Après avoir présenté leur candidature, les dentistes entrent au milieu de la deuxième année de médecine dentaire. Ils commencent les années cliniques de la troisième et de la quatrième année avec nos étudiants et ils obtiennent ainsi leur diplôme universitaire.

Nous recevons ainsi chaque année environ 500 dentistes de l’étranger en plus des 500 qui se diplôment du programme spécial de l’école de l’Université de Toronto.

La plupart des dentistes qui viennent d’autres pays désirent parfois travailler comme assistants dentaires pendant une brève période, mais leur but est de pratiquer la dentisterie. Le processus d’assistant dentaire est beaucoup plus court. Dans le cas des gens qui veulent acquérir une compétence particulière afin d’entrer sur le marché du travail, nous pouvons les sensibiliser au fait que la profession d’assistant dentaire est attrayante et que ce domaine a un grand besoin de personnel.

Le sénateur Boehm : Quelqu’un aurait-il des observations du point de vue des hygiénistes?

Mme Martel : Merci. Le processus est à peu près le même pour les hygiénistes dentaires formés à l’étranger. En vertu de la Fédération des organismes de réglementation d’hygiène dentaire du Canada, le demandeur présente sa candidature, et son curriculum et son expérience sont évalués en fonction des compétences nationales canadiennes. S’ils sont admissibles ou équivalents aux programmes canadiens, les candidats doivent suivre le programme national de certification au Canada, qui est exigé dans toutes les provinces du Canada, sauf au Québec, pour exercer et obtenir un permis d’exercice en hygiène dentaire. Le problème, c’est que les compétences requises varient considérablement. Dans certains pays d’Europe, par exemple, la profession d’hygiéniste dentaire n’existe pas, mais les candidats peuvent suivre un certain processus pour faire évaluer leurs titres de compétences et entrer dans la profession.

En ce qui concerne les ressources humaines, nous avons mené un sondage en 2019 — et nous le ferons à nouveau l’année prochaine — qui a révélé qu’environ 18 % des hygiénistes dentaires prévoient quitter la profession au cours de ces deux prochaines années, et qu’un hygiéniste sur quatre envisage de quitter la profession au cours de ces cinq prochaines années. Est-ce à cause de la COVID? En 2019, la COVID ne sévissait pas encore. C’est très difficile à dire, mais tous les programmes d’enseignement de l’hygiène dentaire au Canada reçoivent plus de demandes qu’ils ne peuvent accepter d’étudiants. Nous n’avons pas perdu de diplômés en hygiène dentaire. Cependant, les résultats du sondage de 2019 indiquent que le pourcentage d’hygiénistes dentaires qui envisageaient de quitter la profession au cours des cinq prochaines années était plus élevé.

Dr Burry : Il n’existe pas de normes internationales pour les assistants dentaires. Nous avons parlé de l’hygiène et de la dentisterie, qui sont régies par des normes internationales, et ces professionnels sont bien formés. Ceux qui viennent au Canada doivent presque recommencer à zéro, parce que le système canadien a des normes parmi les plus élevées au monde. La Dre Tomkins a mentionné qu’il est difficile de comprendre les méthodes quotidiennes de stérilisation au Canada, car elles sont très différentes de ce qui se fait ailleurs. Elles sont très techniques et complexes. Nos assistants dentaires prennent aussi des radiographies, ce qui ne se fait pas dans beaucoup d’autres pays. Les nouveaux assistants ne peuvent pas prendre de radiographies dès leur premier jour à la clinique. Ils doivent pour cela suivre une longue formation.

Le président : Docteur Burry, cela explique pourquoi nous sommes les meilleurs au monde.

La sénatrice Duncan : Je remercie tout particulièrement nos témoins d’être venus comparaître devant nous ce soir.

La Dre Tomkins a mentionné l’amélioration des services de santé non assurés, les SSNA. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que le directeur parlementaire du budget a comparu devant notre comité et nous a dit que ce programme, même s’il n’en est qu’à l’étape de la conception initiale, s’inspire des SSNA. Ma question s’adresse en fait aux hygiénistes dentaires, et ma question sera peut-être un peu spécialisée. Le code des frais des SSNA, qui sert de modèle à ce programme, prévoit une certaine quantité de services de nettoyages et de services d’hygiène dentaire. Ces codes de frais sont-ils suffisants pour fournir les soins de santé buccodentaire que les hygiénistes dentaires peuvent fournir, en particulier à un nouveau patient et à un jeune patient? Je rentre peut-être un peu trop dans les détails, mais devrions-nous améliorer les codes de frais des SSNA? Avez-vous d’autres suggestions?

Mme Love : Merci beaucoup pour cette question.

Je dois souligner que nous avons accueilli plus de 100 hygiénistes dentaires au Yukon il y a trois semaines pour un sommet, qui s’est tenu à guichets fermés. Nous y avons entendu un exposé du Bureau du dentiste en chef. Nous avons discuté des SSNA et des problèmes liés à ce programme. L’un des avantages de ce nouveau type de programme de stagiaires est que l’argent peut servir à d’autres fins que les prestations habituelles. C’est ce qu’on nous a dit hier pendant la séance d’information technique. Le programme des SSNA s’est amélioré, mais il y a encore beaucoup de place à l’amélioration. Par exemple, il limite le nombre d’unités de détartrage auxquels les enfants sont admissibles.

Le plus grand problème est le fait que bien souvent, les services sont fournis très loin des communautés où les enfants résident. S’ils ont besoin d’autres services, il faut faire quatre heures d’auto pour les ramener dans leur communauté, demander une exemption et refaire ce long trajet pour les ramener à leur nouveau rendez-vous. Vu le prix de l’essence et l’état de l’économie actuelle, cela rend la vie très difficile pour les familles. Le programme des SSNA présente encore des problèmes de logistique et de niveau de remboursement des services d’hygiène dentaire, mais il s’est bien amélioré au cours de ces dernières années.

Mme Martel connaît probablement mieux ce programme que moi, alors elle pourra compléter ma réponse.

Mme Martel : Vous avez bien décrit la situation. À mon avis, c’est plutôt un problème de logistique. Le processus de prédétermination est assez long et, comme Mme Love l’a dit, il faut absolument réexaminer la logistique du programme ainsi que la couverture des services de prévention. Comme vous l’avez mentionné, cette couverture est très limitée. Il serait bon de la réexaminer, même si l’on a déjà établi une prédétermination pour le client. Nous savons qu’habituellement, l’état dentaire des clients ne change pas d’un an à l’autre. On pourra peut-être établir une disposition au cas où cette prédétermination augmentait et que le nombre d’unités de services offerts expirait dans les deux ou trois ans qui suivent, au lieu de devoir effectuer la détermination chaque année dans un délai de 12 mois.

La sénatrice Duncan : Au cours de ce sommet à Whitehorse, avez-vous également discuté du fait que les trois territoires du Nord offrent des services dentaires dans les écoles? Au Nunavut, jusqu’à la 7e année — et, bien sûr, il n’y a pas de seuil de revenu —, on offre aux élèves des services d’hygiène et de soins dentaires. Il en est de même aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Il est vrai qu’il y a une pénurie de personnel, mais on n’a pas fixé de seuil de revenu. Ces services sont gratuits. A-t-on demandé comment ces services, les SSNA et ce nouveau programme s’y intégreront? Les gens devront-ils soumettre des documents aux SSNA ou à l’ARC? Comment ces programmes seront-ils reliés?

Le long processus d’approbation dont vous avez parlé m’inquiète. Avez-vous des recommandations que nous pourrions transmettre au gouvernement?

Mme Love : La séance d’information technique a eu lieu hier. Au sommet du Yukon, le Dr Hanley avait présenté un exposé et rencontré nos hygiénistes dentaires, alors nous lui sommes reconnaissants d’être venu à cette séance technique. Des représentants de tous les territoires y étaient également présents. Je pense que la question la plus importante qu’ils ont soulevée était celle des frais de déplacement. Il faut absolument coordonner les soins de santé primaires. Lorsque des médecins ou des infirmières se rendent dans les communautés, ils devraient être accompagnés d’hygiénistes dentaires ou de dentistes afin d’appliquer une approche d’équipe de soins dans ces communautés. Souvent ce n’est pas le cas, et les participants ont souligné l’urgence de régler ces graves problèmes.

Le sénateur Loffreda : Merci à nos témoins d’être venus ce soir.

J’aimerais commencer par poser une question à la Dre Tomkins, présidente de l’Association dentaire canadienne, et d’autres témoins pourront peut-être compléter sa réponse. Je suis heureux de vous revoir, docteure Tomkins, et je vous souhaite la bienvenue à notre comité.

Nous avons discuté d’un grand nombre d’enjeux. Je voudrais maintenant parler un peu plus de la nature temporaire du programme. Il s’agit d’un programme dentaire provisoire qui prendra fin en juin 2024. Mais qu’arrivera-t-il si nous éliminons ce programme au bout de deux ans? Quelles répercussions cela aura-t-il sur la santé de nos enfants, surtout ceux de familles à faible revenu et de familles dans le besoin? Utilisent-elles ces services de soins dentaires? Qu’adviendra-t-il de leur état de santé si elles ne reçoivent plus ces services?

En outre, si ce programme devient permanent et que nous l’étendons, dans quelle mesure incitera-t-il les entreprises à cesser d’assurer leurs employés puisque le gouvernement le fait lui-même? Ce serait une mauvaise excuse. Si le programme couvre certains éléments entièrement ou partiellement, les entreprises décideront-elles de réduire leurs dépenses pour mieux assumer leurs responsabilités fiscales? Est-ce que cela risque de se produire?

Dre Tomkins : Je vous remercie pour ces questions.

Tout d’abord, le fait qu’il s’agisse d’un programme temporaire qui se terminera en juin 2024, d’une sorte de compte de dépenses en santé, puisque c’est ainsi que nous le considérons, il nous donnera le temps d’examiner toutes les questions similaires à celles que vous posez.

J’espère que nous pourrons prévoir qu’à l’avenir, lorsque nous passerons à la phase suivante du programme, le groupe des enfants de la naissance à 12 ans sera intégré à un programme plus solide axé sur les besoins, un programme qui ressemblera plutôt à un régime d’assurance privée. Je pense que lorsque le régime temporaire, ou la prestation de soins dentaires du Canada — cette idée que les gens remplissent un formulaire à l’ARC, puis reçoivent un chèque à dépenser chez le dentiste — prendra fin, nous envisagerons d’intégrer ce groupe dans le régime plus vaste, quelle que soit la forme qu’il prendra. En effet, d’ici à la fin de 2023, on cherchera à établir un programme pour les jeunes de 12 à 18 ans ainsi que pour les personnes handicapées et pour les aînés. Le programme intérimaire actuel — nous sommes heureux que le ministre établisse cela par étapes et afin d’examiner les répercussions à long terme — sera intégré au nouveau programme, quel qu’il soit, un programme pour les enfants de la naissance à 18 ans. Du moins, c’est ce que j’espère. Je ne pense donc pas que le programme intérimaire sera supprimé. Il va simplement devenir un programme différent.

La deuxième question que vous m’avez posée est excellente, car c’est l’une des préoccupations qui ont été soulevées lors des tables rondes que nous avons tenues cet été auprès des dentistes de tout le pays. Ils ont tous soulevé la même inquiétude, à savoir que s’il existe un programme gouvernemental très solide et que les critères d’admissibilité sont tels qu’il inclut les familles qui gagnent entre 70 000 et 90 000 $ par année, ce programme couvrira un grand nombre de familles. Il est donc bien possible que les employeurs décident que, puisque le gouvernement offre cette prestation, ils n’auront plus à l’offrir eux-mêmes, surtout pendant la période de forte inflation et de taux d’intérêt élevés. Cette conjoncture économique met beaucoup de pression sur les entreprises et sur leurs résultats financiers. Par exemple, aux États-Unis, lors de la mise en vigueur d’Obamacare, le gouvernement a adopté une loi réparatrice pour que les employeurs continuent d’inclure l’assurance médicale dans leurs avantages sociaux. Je crois que d’autres pays ont fait la même chose. Cette préoccupation a été soulevée. Comme les deux tiers des Canadiens ont actuellement un plan quelconque, nous ne voudrions pas que les employeurs cessent de l’offrir. Nous en discuterons plus en profondeur. Comment allons-nous inciter les employeurs à continuer de verser des prestations à leurs employés? Nous savons que les entreprises manquent de personnel, alors cette prestation pourra servir à attirer du personnel. Nous espérons que le gouvernement cherchera des moyens de promouvoir, de protéger et d’inciter les employeurs à maintenir leurs régimes d’assurance.

Le sénateur Loffreda : Est-ce que d’autres témoins voudraient ajouter quelque chose?

Mme Love : Je suis d’accord avec la Dre Tomkins. Le programme actuel doit évoluer en un nouveau programme, parce qu’à l’heure actuelle, il est lié à l’Allocation canadienne pour enfants. Lorsque nous ouvrirons l’accès à ce programme aux moins de 18 ans ainsi qu’aux aînés, il est bien évident que les aînés ne seront pas admissibles à l’Allocation canadienne pour enfants. Ce programme est destiné à évoluer. Il nous donne l’occasion, comme l’a dit la Dre Tomkins, de collaborer pour concevoir le meilleur programme possible pour les Canadiens afin d’améliorer leur santé buccodentaire.

La crainte que les employeurs cessent de fournir un régime d’assurance est tout à fait réelle. Je pense que le gouvernement devra soit les inciter à maintenir leurs prestations dentaires, soit les dissuader de les éliminer en leur imposant des amendes et des pénalités élevées.

Dr Burry : Nous réclamons depuis assez longtemps une stratégie en matière de santé buccodentaire pour que le pays se concentre vraiment sur ces Canadiens. Comme les résultats des enquêtes de 2008 l’ont démontré, 20 % de la population canadienne fait face à des difficultés. Nous croyons que ces chiffres ne se sont pas améliorés. Cependant, tant que nous ne mènerons pas de sondages portant sur ce problème, nous ne saurons pas vraiment où se situe le Canada en matière de santé buccodentaire par rapport à d’autres pays.

Le sénateur Loffreda : Merci beaucoup.

Nous avons parlé des données, et la Dre Tomkins a souligné que nous manquons de données. Nous pourrions peut-être entendre d’autres observations à ce sujet. Comment pourrons-nous vraiment mesurer le succès de ce programme? Si nous ne pouvons pas le faire, comment savoir si les prestations parviennent aux bonnes personnes, si les gens s’en prévalent et si nous faisons ce qu’il faut?

Dre Tomkins : Je suis d’accord avec vous. Nous devons fournir des soins dentaires aux enfants qui n’y ont pas accès. Comment savoir s’ils les reçoivent? Nous l’apprendrons surtout en écoutant nos membres. Nous allons certainement le demander à nos membres, mais les dentistes eux-mêmes n’ont aucun moyen de savoir si les gens qui se présentent à leur clinique ont accès à cette prestation à moins que les clients ne téléphonent d’abord au bureau pour le dire. En général, les gens prennent rendez-vous, puis ils paient leur traitement en liquide, alors il n’y a pas moyen de le savoir. Nous voulons aider le mieux possible, mais les dentistes ne peuvent pas demander à chaque patient s’il a accès à la prestation dentaire. En un sens, il serait discriminatoire d’interroger les gens pour obtenir cette information. La seule façon de le savoir sera d’entendre ce que nous diront nos membres. Les associations dentaires provinciales et territoriales pourront nous dire s’il leur semble qu’un plus grand nombre de patients sont couverts par ce programme. Nous n’aurons vraiment pas moyen de mesurer cela.

Dr Burry : Certaines provinces prennent de bonnes mesures. Certaines surveillent bien la situation des écoliers, par exemple. Nous en avons entendu parler dans le Nord. On le fait certainement en Ontario. Il faudra examiner les mesures que ces provinces effectuent.

Cela nous ramène de nouveau à l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé. Cette enquête permet de faire avancer les choses, d’établir des objectifs nationaux pour relever l’image du pays. Les pays scandinaves le font depuis les années 1960. Ils se font ainsi une idée claire de l’état de la santé buccodentaire de leur population. D’autres pays d’Europe le font aussi. Le Canada ne s’y est pas consacré et l’a mis en veilleuse pendant longtemps.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à la Dre Tomkins. On ne peut pas contester le besoin et la nécessité pour les enfants d’avoir accès à des soins d’hygiène dentaire. Cependant, ma préoccupation en ce qui concerne le projet de loi C-31 que l’on a présenté est le manque d’information et de règles pour contrôler les coûts.

Je ne suis pas seul à le dire : le directeur parlementaire du budget a d’ailleurs fait part de ses préoccupations ici même hier. Étant donné que j’ai personnellement de l’expérience dans la gestion d’un programme d’assurance dentaire collectif, j’ai été témoin d’abus dans les factures de certains professionnels. La facture était plus élevée pour un patient couvert par une assurance comparativement à une autre facture payée avec les propres moyens du patient. Est-ce normal? Je ne crois pas. Je faisais d’ailleurs parfois venir un dentiste-conseil pour vérifier la facturation et il me disait : « Monsieur Dagenais, ceci est une surfacturation et ce n’est pas le tarif qui devrait être établi pour un certain travail. »

Pour éviter ce genre de situation, est-ce que vous croyez qu’on devrait travailler à la création d’une charte de tarifs pour les services qui seront rendus afin d’éviter des abus? Je l’ai vécu pendant huit ans. Quand on demande le prix à un dentiste, ils nous posent souvent la question : « Avez-vous une assurance? » Si la réponse est oui, ce n’est pas le même prix. J’aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

Dre Tomkins : Écoutez, j’estime que je devrais défendre l’intégrité de ma profession en ce sens que les honoraires que nous facturons à nos patients sont les mêmes, qu’ils soient assurés ou non. Chaque province et territoire a un guide de tarification fondé sur des données économiques, sur le coût des traitements et autres.

Pour ce qui est de savoir si le Bureau du directeur parlementaire du budget et le gouvernement trouvent ce programme rentable et si les fonds sont utilisés à bon escient, il faudra poser cette excellente question à l’ARC pour savoir comment l’Agence pense surveiller où ira l’argent de ce programme.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je ne veux pas m’étendre sur le sujet, mais j’ai eu moi-même à intervenir dans certains dossiers avec des dentistes.

Selon votre expérience sur la santé buccale des enfants, dans quelle proportion les enfants vont-ils avoir besoin de soins qui vont dépasser le montant établi de 650 $? Avez-vous étudié cela? S’il y a des travaux majeurs à faire, 650 $, ce n’est pas beaucoup, entre vous et moi. Comment avez-vous évalué la proportion des enfants qui auront besoin des soins dépassant le montant de 650 $?

[Traduction]

Dre Tomkins : À l’heure actuelle, il n’y a pas vraiment de mécanisme de suivi, sauf, comme je l’ai dit, les rapports anecdotiques des dentistes et de nos membres. Sans eux, nous n’aurions aucun moyen de le savoir. Lorsqu’un parent amène son enfant pour un traitement, il peut dire qu’il ne peut pas dépenser plus de 650 $. S’il le dit à la réceptionniste, le dentiste ne le saura pas. C’est une excellente question. Il n’existe pas de mécanisme permettant de surveiller si l’argent est dépensé là où il devrait l’être. Je peux seulement vous dire qu’en 35 ans de dentisterie pédiatrique, j’ai remarqué que les parents tiennent à ce que leurs enfants reçoivent les meilleurs soins possible. Je trouve ce programme extraordinaire pour les enfants qui ne reçoivent pas de soins dentaires parce que leurs parents n’ont pas les moyens de les payer.

Mme Love : J’allais simplement préciser que lors de la séance d’information technique d’hier, on a précisé qu’il y aura deux périodes de prestations pour ce programme provisoire. Au cours de la première période de prestations, si les dépenses sont supérieures à 650 $, les parents peuvent demander une prestation supplémentaire pour la deuxième période de prestations. Ce faisant, ils peuvent demander la nouvelle prestation pour une dépense engagée au cours de la première période de prestations. Cela répond justement à cette préoccupation. Essentiellement, ils pourraient recevoir jusqu’à 1 300 $ pour une visite. Cela a été précisé hier lors de la séance d’information technique.

[Français]

Mme Martel : Je crois qu’il est très difficile de déterminer un chiffre équitable pour tout le monde. Comme on l’a dit plus tôt, chaque jeune arrivera avec ses besoins particuliers. Les coûts du programme, pendant les premières années de mise en œuvre, seront probablement beaucoup plus élevés, parce qu’on parle d’une catégorie de jeunes qui n’ont pas accès en ce moment à des soins buccodentaires payés par le biais de différents programmes publics. L’administration du programme pendant les premières années risque de coûter beaucoup plus cher jusqu’à ce qu’on parvienne à régulariser la santé buccale de ces jeunes. Comme le Dr Burry le disait, la somme de 650 $ peut être suffisante pour certains jeunes et totalement insuffisante pour d’autres. En fin de compte, il est difficile de déterminer un montant différent qui pourra satisfaire les besoins de tous.

Le sénateur Dagenais : Je pense que la Dre Tomkins a fait la remarque suivante : l’enfant se présente dans le bureau du dentiste. On lui dit : « Il y a du travail à faire et je vais en faire pour 650 $. Tu reviendras l’année suivante et tu auras droit à un autre 650 $ pour terminer le travail. » Est-ce que j’ai bien compris?

[Traduction]

Dre Tomkins : Me posez-vous cette question?

Le sénateur Dagenais : Oui.

Dre Tomkins : Normalement, le parent amène l’enfant, qui subit un examen et des radiographies. Le dentiste fait un diagnostic et établit un plan de traitement. Si le parent dit qu’il ne pourra payer qu’un certain montant cette année et un autre montant l’année suivante, le bureau du dentiste établit un calendrier de rendez-vous en traitant d’abord les problèmes les plus urgents et le reste plus tard. Nous sommes habitués à cette façon de faire, parce que les patients, qu’ils aient une assurance ou non, veulent savoir combien le traitement leur coûtera.

Le président : Honorables sénateurs, nous avons le temps pour un deuxième tour de trois minutes par sénateur, ce qui comprend les réponses des témoins.

Le sénateur Gignac : Pour faire écho à la question posée par le sénateur Loffreda, je m’inquiète de la réaction des employeurs au cours d’une période qui s’annonce difficile pour l’économie canadienne en raison de l’inflation et de la récession. Dans une approche de réduction des coûts, ils décideront de sortir progressivement du régime privé. Avez-vous suggéré que le gouvernement adopte des sanctions ou des règlements pour s’assurer que les employeurs ne décident pas de sortir progressivement du régime privé afin de contrôler les coûts? Cela pourrait coûter très cher aux contribuables canadiens si les entreprises canadiennes décidaient soudainement d’annuler ou de mettre fin à leur programme actuel.

Dre Tomkins : C’est une excellente question, et c’est clairement une préoccupation. Vous avez mis le doigt sur le nœud du problème.

Par exemple, les régimes de soins de santé parrainés par l’employeur ne sont pas assujettis à l’impôt fédéral sur le revenu ou sur le revenu des sociétés. C’est une chose pour laquelle nous nous sommes battus. À un moment donné, on a laissé entendre qu’ils devraient peut-être être assujettis à l’impôt comme prestations et nous avons fait du lobbying auprès du gouvernement fédéral pour que les prestations ne soient pas taxées. Voilà une manière de s’assurer que les employeurs continuent de verser des prestations. Je ne sais pas quels leviers politiques le gouvernement peut utiliser, mais il a été question d’inciter les employeurs à maintenir leurs plans ou de les dissuader de les abandonner, et nous aimerions que le gouvernement explore cette voie, en s’inspirant de ce qui a été fait dans d’autres administrations, y compris la loi réparatrice qui a été adoptée aux États-Unis — l’Obamacare, ou Affordable Care Act.

C’est une grande préoccupation, car les critères d’admissibilité de 70 000 à 90 000 $ pourraient en théorie s’appliquer à 70 % des familles canadiennes et dans les petites villes qui n’ont qu’un ou deux employeurs, cela pourrait s’appliquer à toute la ville. C’est un risque, et nous demandons au gouvernement de faire ce qu’il peut. Nous préférons que les employeurs soient incités à conserver leurs régimes.

Le sénateur Gignac : Je pense que nous aurons une bonne question à poser à la ministre lorsqu’elle viendra témoigner.

Le sénateur Smith : Merci aux témoins. Vous répondez très bien aux questions.

J’aimerais poursuivre en vous posant une question qui fait suite à celle du sénateur Loffreda au sujet des données. Vous le savez peut-être déjà, mais le directeur parlementaire du budget, dans son calcul des coûts du programme, a utilisé l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2007 pour estimer la participation à ce nouveau programme. En étudiant la question, je me suis dit que je devais interroger les témoins de ce soir au sujet de la collecte de données. Votre secteur fonctionne-t-il à une échelle individuelle ou régionale? S’agit-il d’entreprises avec trois ou quatre dentistes qui travaillent dans un petit cabinet, ou ces petites structures sont-elles en train d’évoluer pour devenir des cabinets plus importants?

Pour ce qui est du type de données dont vous avez besoin pour comprendre le programme, si celui-ci s’achève fin 2023, est-ce qu’il vaut la peine que vous fassiez la collecte et l’analyse des données? Pouvez-vous vous en servir comme levier pour amener le gouvernement à prendre un engagement à plus long terme afin que vous puissiez prendre plus de temps pour faire le genre de recherche dont vous avez besoin, surtout compte tenu de la taille du Canada et des enjeux dans le Nord et dans le reste du pays? Pensez-vous qu’il soit raisonnable de se focaliser — et peut-être que vous le faites déjà, alors pardonnez mon ignorance si je me trompe. Y aura-t-il suffisamment de recherche ou de collecte de données et un plan sera-t-il créé pour intégrer ces données à l’évolution de votre industrie, ou le faites-vous déjà?

Dre Tomkins : Nous faisons des sondages au sein de l’Association dentaire canadienne, mais nous ne recueillons pas de données sur la fréquence à partir des cabinets dentaires. Les renseignements dont nous disposons sont fondés sur la transmission des demandes de règlement pour lesquelles nous avons de bonnes données, et cela ne comprend que les patients assurés. Nous avons de l’information à ce sujet. Nous devons faire très attention à la façon dont nous utilisons les données parce que cela relève de la Loi sur la protection des renseignements personnels et ainsi de suite.

Pour ce qui est de ce programme provisoire, il n’existe pas vraiment de mécanisme efficace pour recueillir ces données. Nous avons 16 000 cabinets dentaires au pays. Nous aimons nous rendre utiles, mais il n’y a pas de façon pratique de savoir, en interrogeant ces cabinets, combien de patients exactement ont accès à ce programme.

Pour revenir à la situation dans son ensemble, le volet bucco-dentaire de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé a été réalisé en 2007 et sera réalisé à nouveau cette année. Nous aimerions qu’il le soit tous les trois ans pour contribuer la collecte régulière de données, ainsi nous aurions des renseignements plus solides sur les besoins des Canadiens de l’ensemble du pays. Au fil du temps, nous pouvions prévoir les tendances. Si nous voulons un programme gouvernemental qui subventionnera les soins dentaires pour quelque 6 millions de Canadiens, nous avons absolument besoin de données pour voir si nous obtenons les résultats escomptés en matière de santé bucco-dentaire et si l’argent est utilisé à bon escient. Nous préconisons une meilleure collecte de données et une meilleure recherche sur la santé bucco-dentaire.

Le sénateur Smith : Vous avez mentionné des pays comme l’Allemagne et d’autres dont les programmes de soins dentaires sont bien en avance sur les nôtres. Votre association est-elle en contact avec ces pays pour connaître les méthodes qu’ils utilisent et qui pourraient être introduites chez nous? Qui est en avance sur qui? Qui peut apprendre de qui? Serait-il utile d’avoir un échange d’information entre les pays, selon leur degré de sophistication?

Dre Tomkins : Nous avons des contacts par l’entremise de la Fédération dentaire internationale avec d’autres pays comme l’Australie, les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et ainsi de suite. Le Dr Burry est en contact assez fréquent avec ses homologues de ces autres pays. Je m’en remets à lui pour ce qui est de savoir quel genre de données ils recueillent et si nous pouvons les utiliser. Le Canada est un pays unique à bien des égards. Sa population est extrêmement diversifiée, ce qui la distingue de bien d’autres pays, et c’est un très vaste pays.

Dr Burry : L’un des principaux avantages de certains de nos partenaires à l’extérieur du Canada, c’est qu’ils n’ont pas toutes nos compétences provinciales. Ils ont habituellement un programme national, un organisme national de réglementation dentaire et une collecte de données nationale. Dans bien des cas, la dentisterie fait déjà partie de leur système de soins de santé, ce qui est bien en avance sur le Canada. La principale chose que nous pouvons apprendre au début, c’est comment ils financent les soins dentaires. Ils font souvent partie du financement global des soins de santé et sont assurés par ces prestations nationales. Mais dans ces pays, l’engagement du gouvernement est beaucoup plus élevé qu’au Canada en ce qui concerne les dépenses de santé, et en particulier les dépenses de soins dentaires. Ici, c’est 6 % en regard des 34 ou 40 % que d’autres pays investissent. Ils n’ont pas commencé à le faire hier. Ils y travaillent depuis beaucoup plus longtemps. Le Canada ne fait que commencer ce cheminement.

Le sénateur Smith : Docteur, vous me rendez nerveux parce que je dois aller chez le dentiste vendredi. Merci.

[Français]

La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse aux représentants des deux associations.

[Traduction]

J’ai lu votre rapport et je constate qu’il y a des choses que vous auriez aimé voir figurer dans ce projet de loi, mais elles n’y sont pas. Je ne sais pas si vous savez que, comme sénateurs, on ne peut pas augmenter ou diminuer le montant. Nous ne pouvons pas transférer de l’argent dans le projet de loi, mais nous pouvons faire des observations. C’est l’occasion pour vous de nous dire comment le programme peut être amélioré et ce que nous devons examiner pour que le comité puisse mentionner certaines de ces observations dans son rapport. C’est l’occasion pour vous d’avoir votre mot à dire sur les lacunes ou de faire des recommandations au gouvernement.

Dre Tomkins : Je vais répondre à cette question et je laisserai ensuite la parole au Dr Burry.

Le rapport What We Heard est essentiellement composé de l’apport direct des dentistes. Nous n’avons pas modifié leurs témoignages, mais nous les avons compilés. C’est ce que nous disent nos membres et les membres des associations dentaires provinciales et territoriales. C’est en quelque sorte la vérité pure et simple qui nous revient. L’Association dentaire canadienne travaille assidûment à un document d’orientation qui vise à trouver une solution à long terme pour un système de soins de santé bucco-dentaire. Lorsque ce document sera disponible, il sera rendu public et largement diffusé. Nous serons ravis de vous le transmettre.

Pour ce qui est du programme actuel, nous n’avons pas mieux. Nous ferons de notre mieux et nous utiliserons la mesure provisoire pour nous donner un peu de temps pour trouver une solution plus idéale et à plus long terme.

Dr Burry : Ce serait un bon point de départ pour un programme provisoire. Il a pris la bonne direction. Il a évité certains des pièges que les dentistes ont relevés dans ce rapport, en particulier de ne pas ajouter beaucoup d’administration supplémentaire pour l’instant. Je pense que la deuxième étape sera un processus beaucoup plus difficile.

Nous parlons aussi, à l’heure actuelle, d’enfants âgés de 0 à 12 ans. Partout au pays, les provinces et les dentistes ont beaucoup d’expérience dans le traitement de ce groupe d’âge. Les programmes existent dans ce domaine depuis les années 1960. Certains se sont améliorés; d’autres se sont dégradés.

Il sera essentiel de discuter des besoins de deux groupes en particulier : les personnes handicapées et les personnes âgées. Il n’y a pas beaucoup d’information sur les programmes à ce sujet. Nous avons entendu tout à l’heure que de nombreuses personnes, lorsqu’elles ont cessé de travailler, ont perdu leurs prestations, et beaucoup ont cessé de se rendre chez le dentiste. Il y a beaucoup de besoins non comblés chez les personnes âgées de 65 à 80 ans. Il y a des besoins différents, mais guère de bons renseignements sur les programmes, et c’est le cas presque partout dans le monde à l’heure actuelle. Nous nous dirigeons vers l’inconnu. C’est le genre de situation où nous avançons prudemment et cherchons la meilleure façon de répondre aux besoins en santé bucco-dentaire de ces groupes.

Dre Tomkins : Pour compliquer les choses, à l’heure actuelle, bon nombre de Canadiens handicapés couverts par un programme d’invalidité en perdent le bénéfice lorsqu’ils atteignent 65 ans. Nous aurons un sous-groupe d’aînés handicapés âgés, et ils auront des besoins très spécifiques à combler.

Le sénateur Yussuff : Il s’agit d’un nouveau programme, et il faudra déployer beaucoup d’efforts pour faire comprendre aux Canadiens qu’il existe et qu’ils doivent en profiter. Nos citoyens n’ont pas tous le même niveau et les mêmes connaissances, alors le plus grand défi sera l’éducation et la sensibilisation des familles qui ont besoin d’accéder au programme. En réfléchissant à ce défi, on prend conscience que les gens que nous aimerions voir accéder à ce programme pourraient ne jamais en bénéficier parce qu’ils ignorent son existence.

Comment pouvons-nous travailler ensemble, en reconnaissant l’importance de votre association, sa portée et sa capacité, pour nous assurer que l’éducation et la promotion se feront d’une manière qui donnera aux familles qui ont besoin d’avoir accès à ce programme la possibilité de présenter une demande? Il faut présenter une demande dans le cadre du programme. Cela exige un certain degré de sophistication. Les familles ne sont pas égales. Elles n’ont pas toutes accès à Internet. Nous savons aussi, d’après d’autres données, que, même si l’Allocation canadienne pour enfants est assez généreuse et qu’elle est destinée à aider les familles pauvres, un nombre important de familles pauvres n’y ont pas accès. Comment pouvons-nous nous assurer que ces fonds sont versés à ceux qui en ont besoin?

En général, mon dentiste envoie sa facture directement à ma compagnie d’assurances, et je suis remboursé. De toute évidence, le gouvernement fédéral a besoin que les familles présentent une demande pour pouvoir les rembourser directement. Y a-t-il un système qui permet aux dentistes d’être remboursés directement, s’ils acceptent ce fonctionnement, afin que les familles n’aient pas à faire une demande?

Mon dernier point concerne le programme provincial. Lorsque l’Île-du-Prince-Édouard a mis en place son programme, et peut-être que votre association pourrait nous en dire davantage à ce sujet, dans quelle mesure l’assurance privée a-t-elle perturbé la couverture? C’est un exemple concret que nous connaissons. C’est un programme relativement nouveau pour le pays, mais il a changé la vie de nombreuses familles et de nombreux enfants dans cette province. A-t-on constaté une diminution de l’assurance privée à l’Île-du-Prince-Édouard lorsque ce programme a été mis en place?

Cette question s’adresse à tous les témoins. Je vous encourage à nous faire part de vos connaissances.

Dre Tomkins : Je vais commencer par la première question que vous avez posée. J’ai posé la question directement au ministre de la Santé, et nous avons demandé au comité que le gouvernement appuie notre organisation et d’autres organisations de santé bucco-dentaire — l’Association canadienne des hygiénistes dentaires ferait également partie de cette demande, me semble-t-il — afin que nous puissions informer nos membres, les dentistes et les autres fournisseurs de soins de santé sur la façon d’aider les patients à accéder au programme. Il pourrait arriver que les patients ou les personnes qui pensent être admissibles au programme téléphonent au cabinet dentaire et demandent au personnel du cabinet dentaire de les guider sur le site Web de l’ARC. Comme je l’ai déjà dit, nous manquons de personnel dans les cabinets dentaires, et nous allons maintenant ajouter à la charge de travail administrative. Nous avons demandé si nous pouvions obtenir l’appui du gouvernement fédéral pour ce qui est de la diffusion des messages et si le gouvernement lui-même pouvait envoyer des messages directement aux personnes qui pourront avoir accès au programme.

Il y avait une question entre les deux, que j’ai oubliée, mais la dernière question portait sur ce qui s’est passé à l’Île-du-Prince-Édouard lorsque le programme pour enfants a été mis en place et sur ce qui est arrivé aux régimes de soins de santé parrainés par l’employeur. Je ne connais pas la réponse à cette question. Le Dr Burry pourra peut-être nous aider.

Dr Burry : Ce programme n’en est qu’à ses débuts, mais à l’Île-du-Prince-Édouard, on a notamment mis en place l’évaluation du revenu. La province a commencé par adopter une position plus universelle puis est revenue à davantage d’examens des ressources. D’après ce que nous savons, le constat qui est fait sur l’île est que les personnes qui en bénéficient n’ont pas d’assurance et n’ont pas d’avantages sociaux. L’Île-du-Prince-Édouard a adopté une bonne approche privée-publique qui a donné les résultats qu’elle espérait. C’est pourquoi on nous dit principalement que tout le monde y gagne, que le gouvernement y gagne, que les employeurs y gagnent et que les dentistes et les patients, en particulier, y gagnent.

Mme Love : Je suis d’accord avec la Dre Tomkins sur la première question. Pour ce qui est de la deuxième question, l’ARC a confirmé hier que le fournisseur de soins dentaires — le dentiste ou l’hygiéniste dentaire — ne peut pas être remboursé directement. La somme doit être versée au parent de l’enfant.

Le sénateur Yussuff : Je comprends l’espoir d’une parfaite intégration entre le programme provincial et le programme fédéral, mais notre fédération n’a jamais fonctionné de cette façon. Même si je partage votre enthousiasme, comment pouvons-nous mieux défendre cette cause? C’est aussi une question politique — sans dénigrer mes collègues provinciaux —, mais comment pouvons-nous travailler pour maintenir la pression? Je pense que ce qui se passe au niveau fédéral et au niveau provincial peut être parfaitement complémentaire et œuvrer au bien commun du pays. Comment pouvons-nous faire cela? Soit dit en passant, votre organisation n’est pas sans influence. Comment pouvons-nous le faire avec l’espoir de véritablement combler cet écart? Il y a une prochaine étape, et les deux ordres de gouvernement doivent s’en occuper sérieusement.

Mme Love : C’est une excellente question. C’est la raison pour laquelle l’ACHD est un fervent partisan de l’élaboration d’un plan national, de sorte que, si les provinces décidaient de fournir les services au niveau provincial, elles recevraient un transfert fédéral, sur le même modèle que les 11 millions de dollars qui ont été consacrés à la santé mentale et aux soins à domicile. Il faudrait une entente selon laquelle les provinces doivent se conformer à certains critères pour recevoir les fonds, pour entreprendre le programme fédéral, avec l’appui de toutes les organisations dentaires pour déterminer à quoi ressemblera le programme et pour s’assurer qu’il fonctionne. Ensuite, si les provinces décident qu’elles veulent des fonds pour administrer le régime au niveau provincial, pour garantir la prestation des services selon les normes nationales, le gouvernement fédéral effectuera un transfert assorti de conditions.

Dre Tomkins : Si nous voulons que le gouvernement fédéral transfère quoi que ce soit aux provinces, il doit le faire sous certaines conditions pour que l’argent aille là où il doit aller, et il doit y avoir une norme nationale. C’est pourquoi, depuis le début, nous encourageons le gouvernement fédéral à communiquer étroitement avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, et nous sommes heureux de voir que cela semble être le cas. Je pense que cela fera partie du dialogue continu. C’est une question politique, alors je laisserai les politiciens s’en occuper.

Le président : Merci, sénateur Yussuff. Nous allons nous en tenir au mandat de notre comité.

La sénatrice Duncan : Mes questions portaient également sur les relations fédérales-provinciales, mais auparavant, j’aimerais revenir aux Services de santé non assurés. Vous avez parlé des améliorations apportées aux Services de santé non assurés. Nous avons commencé à parler d’un domaine précis. Pourriez-vous adresser par écrit au comité la liste des améliorations nécessaires selon vous. Est-ce que ce serait possible? Je suis certaine que le président vous donnera une date.

En ce qui concerne le transfert d’argent fédéral-provincial, il y a des problèmes de réglementation. Y a-t-il des problèmes dans la mise en œuvre de ce programme liés à des règlements et des permis différents entre les provinces et les territoires? Par exemple, est-il possible que certains hygiénistes dentaires ne soient pas agréés de la même façon dans différentes régions du pays? Il se peut que vous souhaitiez répondre à cette question par écrit également pour gagner du temps.

Mme Love : Merci beaucoup. Je dirai brièvement que de nombreux programmes provinciaux ont fait l’objet de discussions ce soir, et le problème de certains d’entre eux, c’est qu’ils ne remboursent pas les hygiénistes dentaires sauf s’ils travaillent sous la supervision directe d’un dentiste. Les hygiénistes dentaires qui travaillent dans des cabinets mobiles ou de façon indépendante dans la collectivité ne peuvent pas être remboursés par ces programmes provinciaux, ce qui constitue un obstacle à l’accès aux soins. Il faut régler ce genre de choses dans le cadre des ententes fédérales-provinciales.

La sénatrice Duncan : Si c’était une recommandation à notre intention, nous pourrions peut-être la suggérer.

Le sénateur Loffreda : Ma question, et je crois qu’elle est importante, porte à nouveau sur la collecte de données, qui est essentielle. Les témoins pourraient-ils nous dire ce qu’il faut faire pour améliorer la collecte de données? S’agit-il d’une amélioration de l’enquête sur la santé publique, ou ont-ils d’autres suggestions à faire?

Pendant que vous réfléchissez à la réponse à cette importante question, permettez-moi de revenir à la question du risque de déplacement que j’ai soulevée. Pour ce qui est d’encourager ou de pénaliser les entreprises qui abandonnent des régimes, je pense que nous devrions nous concentrer sur des incitatifs. Il n’est pas réaliste de pénaliser les sociétés qui abandonnent des régimes. Même Mark Carney nous a dit l’autre soir que la responsabilité financière est impérative pour le gouvernement, et que nous sommes dans une ère de réduction des coûts. Selon mon expérience d’entreprise et ce que j’ai vu dans le monde des affaires avant ma nomination au Sénat — et c’était à une époque de croissance économique sans fin —, les sociétés réduisaient les régimes de retraite, les faisant passer d’un régime à prestations déterminées à un régime à cotisations déterminées. J’ai vu les prestations dentaires passer d’un nettoyage aux six mois à un nettoyage aux neuf mois. Les sociétés faisaient des profits record. J’ai siégé à quelques conseils d’administration, et nous en avons été témoins, malheureusement. Je pense que le risque de déplacement est une question importante. Il ne faut donc pas oublier que nous devons inciter, non pas pénaliser.

Maintenant que vous avez réfléchi à l’importante question que j’ai posée, nous pourrons peut-être obtenir des réponses.

Dre Tomkins : Tout d’abord, nous aimerions que le volet santé bucco-dentaire de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé revienne plus fréquemment. Idéalement, tous les trois ans. Cela devrait se faire régulièrement. C’est notre priorité, parce que c’est désintéressé. Cela repose sur le gouvernement. Il s’agit de recueillir des données réelles que tout le monde peut utiliser. Notre principal objectif serait d’inclure le volet santé bucco-dentaire de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé beaucoup plus fréquemment que ce n’est le cas à l’heure actuelle.

Dr Burry : Ensuite, lorsque sera fait l’examen de l’étape suivante, vous aurez également la possibilité de recueillir beaucoup plus de données dont vous aurez besoin concernant le programme — comment il fonctionne, qui en bénéficie. C’est ce qu’il faudrait faire à l’étape suivante.

Pour ce qui est de votre autre question, il faudrait certainement faire des études pour comprendre ces systèmes et leur financement. Au bout du compte, ce qui fait que cela fonctionne différemment dans d’autres pays, surtout si vous prenez l’exemple de l’Allemagne, c’est qu’il existe dans ce pays un régime national qui fonctionne avec tous les employeurs. Le gouvernement en fait partie, mais les employeurs de ces pays offrent les mêmes avantages ou de meilleurs avantages. C’est ainsi qu’ils peuvent se retirer de divers régimes nationaux. Encore une fois, il existe un certain nombre de modèles différents. Le gouvernement a choisi celui-ci pour l’instant, mais il y aura peut-être d’autres choses à l’avenir, alors voyez cela comme le début d’un cheminement, et non la fin.

Dre Tomkins : Nous avons mené un sondage auprès de la population canadienne. Environ 78 % des Canadiens, lorsqu’on leur a demandé s’ils étaient en faveur d’un programme national de soins dentaires financé par le gouvernement, ont répondu par l’affirmative. Mais lorsqu’on leur posait la question dans l’hypothèse que cela aurait une incidence sur leurs prestations dentaires actuelles, le soutien diminuait de moitié. Moins de 40 % sont en faveur d’un tel programme si cela a une incidence sur leurs prestations dentaires. Vous avez parlé d’un risque réel qui pourrait inquiéter les deux tiers des Canadiens. Si nous mettons en place un programme national ou un programme financé par le gouvernement fédéral et administré par les provinces, quel qu’il soit, il pourrait finir par retirer aux Canadiens des prestations qui leur tiennent à cœur et qui les ont maintenus en bonne santé pendant toutes ces années.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à Mme Martel.

Madame Martel, oublions le programme d’assurance du gouvernement et parlons des coûts actuels pour les parents qui consultent un dentiste avec leurs enfants, et qui sont prêts à payer.

Pouvez-vous nous parler des coûts moyens annuels pour un enfant qui n’a pas de problème particulier? En peu de mots, qu’est-ce qu’un parent peut obtenir comme service pour 650 $?

Mme Martel : Pour un enfant qui n’est pas nécessairement à risque élevé pour la carie ou pour les maladies parodontales, on parle surtout de prévention. Il y a un à deux examens annuels avec un nettoyage et des applications de fluorure. Il y a suffisamment de preuves que les applications de fluorure deux fois par année en moyenne aident à prévenir la carie dentaire. On fait de l’enseignement par rapport au régime alimentaire, par rapport aux pratiques à la maison et à l’enlèvement de la plaque.

Pour quelqu’un qui n’a pas besoin de restauration — et qui a donc une bouche relativement en santé —, 650 $ suffiront amplement pour couvrir les deux visites, et il restera probablement 200 $ environ pour des soins supplémentaires en fonction de ce que le dentiste a trouvé.

Le problème, c’est quand on a des personnes qui ont beaucoup de caries. La carie, très souvent, c’est un peu le concept des 80/20. C’est 20 % de la population vulnérable qui a 80 % du taux de caries, et c’est pour cette population que le montant de 650 $ ne sera pas suffisant.

Par contre, si on a un programme qui commence tôt, pour les enfants très jeunes, on peut espérer que l’avenir donnera des résultats beaucoup plus bénéfiques, où les enfants auront moins de caries, et qu’on pourra les mener à l’âge adulte sans avoir à faire de l’obturation, juste en faisant de la prévention.

Le sénateur Dagenais : Je veux revenir sur une remarque du sénateur Loffreda. La plupart des assureurs recommandent de faire un nettoyage des dents aux neuf mois. Quand on se présente chez le dentiste, ces derniers nous recommandent fortement de le faire aux six mois.

Quelle est la meilleure solution? Est-ce parce que cela revient moins cher à la compagnie d’assurance de le faire aux six mois? Cela fait tout de même une différence pour le régime dentaire, n’est-ce pas?

Mme Martel : Les plans de traitement devraient être faits en fonction des besoins de chaque patient. Certaines personnes doivent venir aux deux à trois mois; d’autres personnes, aux quatre mois, aux six mois, aux neuf mois. Pour une certaine clientèle, une fois par année, c’est suffisant. Le plan de traitement devrait toujours être fait non pas en fonction de la couverture du régime d’assurance dentaire, mais des besoins du patient.

Dr Burry : Je suis d’accord avec cela.

Le sénateur Dagenais : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Il y a tellement de questions qui ont été posées et auxquelles on a répondu. Merci.

Avant de conclure, j’aimerais vous donner la possibilité de nous faire part de vos dernières suggestions. Je m’intéresse particulièrement à la question des normes nationales et à la façon dont nous encourageons les administrations à participer et dont nous encourageons ce genre d’initiatives plutôt que de les décourager. Toute recommandation finale serait la bienvenue.

Dre Tomkins : Nous avons ce programme provisoire à l’heure actuelle. Cela nous donne donc un peu de temps pour parler du long terme et du genre de stratégie en matière de santé bucco-dentaire dont nous avons besoin pour que ces 6 ou 7 millions de Canadiens se rendent chez le dentiste afin d’obtenir des soins bucco-dentaires de qualité ou chez l’hygiéniste dentaire pour bénéficier d’une santé bucco-dentaire optimale.

Notre position, en réalité, est que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent participer à un dialogue constructif appuyé par de l’information de notre part sur ce que nous considérons comme les éléments des soins dentaires essentiels. C’est une chose à laquelle nous travaillons à l’Association dentaire canadienne et, en plus du document d’orientation que nous publierons avant la fin de l’année, cela permettra certainement de se faire une très bonne idée.

Les témoins de ce soir ont parlé de la diversité de la population. Certaines personnes n’ont peut-être besoin de consulter un dentiste qu’une fois par an. Certains doivent se présenter tous les trois mois et subir un détartrage avec un hygiéniste dentaire et se faire examiner par le dentiste. Je ne pense pas que nous devrions considérer les régimes d’assurance privés comme la norme en matière de soins. Ce sont des prestations qui ont été achetées à un prix particulier pour aider les patients à compenser le coût de leurs propres soins dentaires. Nous devons travailler avec des données solides, ce qui fera partie de la discussion à laquelle nous participerons à l’avenir.

Dr Burry : Encore une fois, il s’agit d’une première étape. Vous assistez aux premières étapes. À long terme, nous devons comprendre l’état de santé bucco-dentaire des Canadiens, le bon fonctionnement de ces programmes et les discussions entre les provinces et le gouvernement fédéral en vue de créer un système intégré pour les Canadiens.

C’est l’une des choses qui inquiètent nos membres dentistes, d’autres programmes qui viennent s’ajouter à l’existant et qui créent de la confusion. Ils redoutent aussi d’avoir à coordonner les choses entre les secteurs. Il y a de bonnes choses à court terme, comme les 650 $ qui peuvent servir à couvrir les dépenses personnelles. Pour ceux qui bénéficient de programmes provinciaux, cela ne couvre pas ce service supplémentaire. C’est une bonne approche, mais, encore une fois, nous devons mieux intégrer ce qui se passe à l’échelle provinciale, surtout lorsque les patients se déplacent d’une province à l’autre, de sorte qu’ils ne reçoivent pas tous ces niveaux différents de prestations. Nos systèmes ont été conçus en grande partie à des époques révolues, et cela nous ramènerait à ces normes nationales selon lesquelles un programme conçu dans les années 1970 pourrait devoir évoluer.

Le président : Pour conclure sur cette question, madame Love, s’il vous plaît.

Mme Love : Nous sommes tout à fait d’accord. Il existe de nombreux programmes fédéraux de soins dentaires et d’hygiène dentaire au Canada par l’entremise du programme des SSNA, d’Anciens Combattants Canada, de la GRC, du Service correctionnel du Canada. Nous voulons établir une norme sur laquelle nous pouvons tous nous entendre et qui serait la plus avantageuse pour les Canadiens et qui serait financièrement responsable vis-à-vis des Canadiens. Une fois que nous aurons établi cette norme nationale, si, à l’avenir, les provinces acceptent de signer, nous pourrons négocier des accords de transfert pour que les provinces administrent ces programmes. Entretemps, il serait avantageux d’avoir une norme nationale et un programme national.

[Français]

Le président : Merci à nos témoins d’avoir comparu aujourd’hui.

[Traduction]

Merci aux témoins, c’était éclairant. Vous avez sans aucun doute fourni des connaissances et de l’information et vous nous avez permis de mieux comprendre le projet de loi C-31. J’aimerais rappeler aux témoins de soumettre leurs réponses écrites à la greffière du comité au plus tard le mercredi 2 novembre 2022. Sommes-nous d’accord là-dessus? Merci.

J’aimerais profiter de l’occasion, avant de clore officiellement la séance, au nom de tous les sénateurs du Comité des finances nationales, pour remercier toute l’équipe de soutien de ce comité, ceux qui sont à l’avant de la salle ainsi que ceux qui sont en coulisse et qui ne sont pas visibles. Merci à tous pour votre travail qui contribue énormément à la réussite de notre travail de sénateurs.

Honorables sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu le mardi 1er novembre 2022, à 9 heures, pour poursuivre notre étude de la teneur du projet de loi C-31.

(La séance est levée.)

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