LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 1er novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allégement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
Le président : Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs, ainsi qu’aux téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent sur sencanada.ca.
Je m’appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je suis le président du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
J’aimerais maintenant demander à mes collègues sénateurs et sénatrices de se présenter, en commençant par la gauche.
Le sénateur Gignac : Clément Gignac, sénateur du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Kim Pate, territoire non cédé des Algonquins anishinabes, en Ontario.
Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, du Québec.
[Français]
La sénatrice Galvez : Sénatrice Rosa Galvez, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.
La sénatrice Duncan : Pat Duncan, du Yukon.
Le sénateur Yussuff : Hassan Yussuff, de l'Ontario.
Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
Le président : Merci, honorables sénateurs et sénatrices.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous reprenons aujourd’hui notre étude de la teneur du projet de loi C-31, Loi concernant les mesures d’allégement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif, que le Sénat du Canada a renvoyé au comité le 20 octobre 2022. Pour nous aider dans cette étude, nous poursuivons avec les témoins suivants. Le Dr Walter Siqueira, doyen et professeur, Université de la Saskatchewan, témoignera par vidéoconférence, à titre personnel; Carolyn Whitzman et Garima Talwar Kapoor, conseillères expertes en politiques, du Réseau national du droit au logement, témoigneront également par vidéoconférence. Bienvenue aux témoins, et merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Français]
Au nom de tous les Canadiens et Canadiennes, je remercie les témoins. Votre témoignage va nous aider à mettre l’accent sur quatre grands principes.
[Traduction]
La transparence, la responsabilisation, la fiabilité et la prévisibilité.
On me dit que le Dr Siqueira va faire des remarques, et il sera suivi de Mme Whitzman et de Mme Kapoor, conseillères expertes du Réseau national du droit au logement. Après les exposés de nos témoins, les sénateurs poseront des questions.
Dr Walter Siqueira, doyen et professeur, Université de la Saskatchewan, à titre personnel : Je tiens à dire que c’est un honneur pour moi, en tant que Canadien, de comparaître devant le Sénat pour partager mon expertise en matière d’éducation dentaire. Comme le président l’a dit, je m’appelle Walter Siqueira, et je suis clinicien en sciences dentaires. À ce titre, je suis titulaire d’un doctorat spécialisé en dentisterie pédiatrique et d’un doctorat spécialisé en biochimie. Je suis le doyen de la Faculté de médecine dentaire de l’Université de la Saskatchewan et professeur titulaire. En plus d’enseigner en tant que professeur et d’assumer la direction académique à titre de doyen, je dirige le laboratoire de recherche en protéomique salivaire de la Faculté de médecine dentaire, et mon programme diagnostique et thérapeutique utilisant la salive est unique au Canada et l’un des rares au monde. Mon travail en laboratoire consiste à utiliser la salive pour des applications de diagnostic des affections buccales et systémiques, ainsi que la salive et la protéomique salivaire pour la prévention des deux maladies chroniques les plus fréquentes au Canada, soit la carie dentaire et la maladie parodontale. Les bailleurs de fonds de ma recherche comprennent les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, le Conseil de recherches médicales du Canada, ou CRM, la Fondation canadienne pour l’innovation, ou FCI, la Saskatchewan Health Research Foundation, ou SHRF, et le Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19, ou GTIC.
J’ai reçu plusieurs distinctions prestigieuses en enseignement et en recherche. Par exemple, je suis membre de l’Académie canadienne des sciences de la santé, l’une des trois académies nationales qui composent le Conseil des académies canadiennes, la plus haute distinction décernée aux universitaires canadiens. À ce jour, seulement 11 dentistes ont été élus membres de l’Académie canadienne des sciences de la santé. Je suis également lauréat du prix Distinguished Scientist Award 2019 de l’International Association for Dental Research, le prix de recherche en santé buccodentaire le plus prestigieux au monde.
Je suis venu ici aujourd’hui pour vous faire part de mon point de vue d’expert sur le projet de loi C-31 et sur la façon dont les facultés de médecine dentaire canadienne sont prêtes à participer à cette initiative cruciale. Au Canada, nous avons 10 facultés de médecine dentaire. Une en Colombie-Britannique, une en Alberta, une en Saskatchewan, une au Manitoba, deux en Ontario, trois au Québec et une en Nouvelle-Écosse. J’aimerais parler de ce que font nos facultés. Nos activités se répartissent entre la formation, les services et la recherche. Pour la formation, les 10 facultés de médecine dentaire forment des dentistes, des spécialistes dentaires, des hygiénistes dentaires, des thérapeutes dentaires, des assistants dentaires et des chercheurs stagiaires en recherche sur la santé buccodentaire, des titulaires de maîtrise, de doctorat et de bourses postdoctorales. Chaque année, nous formons 500 dentistes dans tout le pays, 75 spécialistes dentaires, 75 dentistes généralistes et 200 diplômés en hygiène dentaire. En août 2023, la Faculté de médecine dentaire de l’Université de la Saskatchewan poursuivra un nouveau programme au pays appelé le programme de thérapie dentaire, dans le cadre duquel 21 étudiants obtiendront leur diplôme chaque année. Les programmes de maîtrise et de doctorat des 10 facultés de médecine dentaire produisent également, chaque année, environ 200 diplômés en recherche.
Les facultés de médecine dentaire fournissent un éventail de services. Comme je l’ai dit, elles sont au nombre de 10, et dans ces 10 facultés, nous avons 110 cliniques, 1 500 fauteuils dentaires, 85 000 patients actifs, et nous avons la capacité de recevoir 370 000 visites de patients par année. J’aimerais souligner que pour ces services, contrairement aux écoles de médecine, de sciences infirmières et d’autres écoles de professionnels de la santé qui dispensent une formation, nos installations ne sont pas soutenues par le système public de soins de santé. Nous devons créer et gérer nos propres hôpitaux dentaires et cliniques communautaires. Les fonds proviennent des ministères provinciaux de l’Éducation, de l’université, des frais de scolarité des étudiants, des frais des patients et des dons philanthropiques. De plus, une partie de nos services est liée à la recherche. Nous disposons d’un éventail complet d’éléments fondamentaux de la recherche sur la population et la santé publique liés à la recherche buccodentaire et craniofaciale, y compris l’évaluation des programmes de soins cliniques et de soins dentaires pour les personnes ayant des besoins spéciaux.
J’aimerais maintenant souligner certains des défis que pourrait poser le nouveau programme pour les facultés de médecine dentaire. L’un des défis potentiels que j’ai constatés, en tant que doyen et expert dans ce domaine, ainsi que mes collègues de partout au pays — les autres doyens et professeurs —, c’est que nous servons la même clientèle que le nouveau programme. La plupart de nos patients paient des frais réduits. Essentiellement, les frais qu’exige notre Faculté de médecine dentaire se situent entre 10 et 15 % des prix suggérés par les associations dentaires provinciales.
J’aimerais souligner ceci : pourquoi les gens paieraient-ils ces frais si les soins sont gratuits et offerts dans un cabinet privé? Le traitement prend beaucoup plus de temps lorsqu’il est dispensé dans le cadre de cette formation que dans un cabinet privé. Les facultés de médecine dentaire risquent fort d’avoir beaucoup de difficulté à attirer suffisamment de patients une fois que ce programme sera lancé. Cela compromettra vraiment l’éducation de nos étudiants et la qualité de nos fournisseurs de soins buccodentaires qui serviront la population canadienne. Nous formons environ 500 dentistes par année, en plus des étudiants dans les autres domaines que j’ai mentionnés plus tôt.
J’ai quelques idées sur la façon dont les facultés de médecine dentaire pourraient apporter leur aide à ce nouveau programme. L’une de nos idées concerne la formation et la prestation de services. On nous a donné des ressources dans le cadre du nouveau programme et dans le cadre du système de santé. Nous pourrions élargir nos programmes de formation afin de former des professionnels qui travailleront auprès des gens qui ont de la difficulté à obtenir des soins et, en même temps, fournir ces soins.
Une deuxième idée est d’intégrer les dentistes formés à l’étranger. Comme je l’ai mentionné, dans nos facultés de médecine dentaire, nous formons environ 500 dentistes par année. Ces 500 dentistes obtiennent un permis d’exercice, mais il y a aussi 250 dentistes formés dans d’autres pays qui suivent une formation complémentaire pour exercer au Canada. Les facultés de médecine dentaire pourraient élargir leurs activités pour aider les dentistes formés à l’étranger, tout en aidant à répondre aux besoins des Canadiens et du nouveau programme. J’estime que nous avons à l’heure actuelle plus de 1 000 dentistes, résidents permanents ou canadiens, formés à l’étranger, qui n’ont pas de permis.
J’aimerais également souligner que nous disposons de conseils d’experts. Nous avons les meilleurs experts du pays dans toute une gamme de domaines qui peuvent aider à conseiller le gouvernement au sujet de ce nouveau programme. Par exemple, j’aimerais souligner la recherche. Nous pouvons effectuer des recherches pour évaluer les éléments du programme afin de permettre de les adapter, au besoin, au moment où le programme sera lancé. Pour ce qui est d’assurer rapidement son succès, les facultés de médecine dentaire disposent des ressources, de la structure et de l’expertise nécessaires pour appuyer le nouveau programme.
En tant que doyen de l’une des 10 facultés de médecine dentaire, je dirais que nos facultés pourraient élargir la formation et les services offerts dans le cadre de ce nouveau programme.
Le président : Docteur Siqueira, pouvez-vous conclure, s’il vous plaît, en raison du facteur temps?
Dr Siqueira : Oui. Absolument.
Pour conclure, je suis prêt à répondre à vos questions. Ce dont nous avons besoin, en tant que facultés de médecine dentaire, pour appuyer cette importante initiative — et toutes les écoles dentaires veulent lancer et appuyer cette initiative parce que la bouche fait partie du corps; elle y est étroitement liée —, c’est d’un financement pour fournir des soins dentaires gratuits dans les facultés de médecine dentaire et leurs cliniques communautaires. Nous devons discuter de l’expansion du personnel, des professeurs et du personnel et de l’expansion de notre formation.
Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé et de me permettre de parler au nom de mes collègues et des facultés de médecine dentaire.
Le président : Merci, docteur. Nous allons maintenant entendre Mme Whitzman, qui sera suivie de Mme Kapoor, du Réseau national du droit au logement.
Carolyn Whitzman, conseillère experte en politiques, Réseau national du droit au logement : Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui.
Je suis la conseillère experte pour le projet Housing Assessment Resources Tools, ou HART, et je fournis un soutien expert au Réseau national du droit au logement. HART, qui est financé par le Défi d’offre de logements de la SCHL, élabore des outils fondés sur les droits, comparables, reproductibles et axés sur l’équité pour appuyer une meilleure politique du logement à tous les paliers de gouvernement. Nous avons formulé notre travail en fonction des exigences législatives de la Loi sur la Stratégie nationale sur le logement, de 2019. La loi engage tous les gouvernements du Canada à concrétiser progressivement le droit au logement tel qu’il est reconnu dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle accorde la priorité à ceux qui en ont le plus besoin. Cela signifie que tous les ordres de gouvernement doivent engager le maximum de ressources disponibles et tous les moyens disponibles pour améliorer les résultats en matière de logement et d’itinérance.
Un ménage ayant des besoins impérieux en matière de logement, ou BIL, vit dans un logement inabordable, inhabitable ou surpeuplé. Il devrait dépenser plus de 30 % de son revenu avant impôt pour trouver un logement adéquat dans sa localité.
Notre outil d’évaluation des besoins en matière de logement répartit les BIL en fonction de la catégorie de revenu, de la taille du ménage et de la population prioritaire. Selon le recensement de 2016, près de 1,7 million de ménages au Canada avaient des besoins impérieux en matière de logement. La Stratégie nationale sur le logement vise à réduire ce nombre de 530 000 ménages et à éradiquer l’itinérance chronique en fournissant des logements adéquats à 25 000 personnes et ménages d’ici 2028. À ce rythme, il faudrait plus de 30 ans pour éliminer le déficit, en supposant que la crise du logement ne s’aggrave pas.
Notre analyse du recensement de 2016 montre que 12,4 % des ménages ayant des BIL pouvaient seulement payer moins de 356 $ par mois. Ce sont les personnes et les ménages les plus exposés à l’itinérance.
Dans le recensement de 2021, il y a eu une baisse importante des BIL, surtout chez les locataires, pour la première fois depuis 1991. Le chiffre est passé de 1,7 million à un peu moins de 1,45 million de ménages. Est-ce là l’effet du réinvestissement du gouvernement fédéral dans une politique de logement abordable pour la première fois en 30 ans? Même si nous aimerions bien le croire, Statistique Canada attribue plutôt le mérite de l’incidence positive à la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU. En effet, notre analyse statistique suggère que c’est le cas.
Dans les 13 administrations avec lesquels HART travaille — municipalités, régions et territoires —, les principaux bénéficiaires étaient les ménages à très faible revenu, les plus à risque d’itinérance. Nous sommes donc d’avis que la PCU a été une expérience naturelle extraordinaire. Si la question est: « Que se passe-t-il lorsque nous augmentons les revenus des ménages à faible revenu? » La réponse est que les besoins impérieux en matière de logement et l’itinérance sont réduits.
Le soutien direct du revenu a un effet positif. Un paiement unique de 500 $ est un important remède à court terme à l’inflation et à l’insécurité en matière de logement chez les locataires vivant dans des logements précaires. Cependant, ce n’est qu’un début pour remédier aux violations des droits en matière de logement auxquelles les locataires sont confrontés partout au pays dans un marché du logement extrêmement gonflé, inabordable et financiarisé au Canada. Une approche fondée sur les droits exige des solutions audacieuses et à long terme sous forme de changements systémiques qui s’attaquent aux racines de l’inabordabilité.
Garima Talwar Kapoor, conseillère experte en politique, Réseau national du droit au logement : Mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, bonjour. J’offre des conseils stratégiques au réseau dans le cadre de mon rôle de directrice des politiques pour Maytree, une fondation de bienfaisance qui fait avancer des solutions systémiques à la pauvreté au moyen d’une approche fondée sur les droits de la personne.
Mes observations porteront sur les recommandations visant à améliorer le projet de loi C-31 et, plus précisément, sur la façon de renforcer le paiement unique de 500 $ au titre de l’aide au loyer pour aider à concrétiser progressivement le droit de la personne à un logement adéquat.
Les efforts pour réaliser le droit au logement exigent que les gouvernements tiennent compte de leurs ressources maximales disponibles, notamment les investissements et les mesures législatives. À une époque où l’inflation est élevée, les principes d’une politique sociale fondée sur les droits peuvent sembler contraires à la politique économique. Mais en réalité, ce n’est pas le cas.
Les mesures de lutte contre l’inflation dont vous êtes saisis pourraient être critiquées comme contribuant à d’autres pressions inflationnistes. Mais nous savons que le coût de l’inflation et les politiques connexes visant à réduire les dépenses publiques auront le plus grand impact sur les collectivités qui en ont le plus besoin. La proposition contenue dans le projet de loi C-31 d’offrir une prestation unique de 500 $ pour le loyer tient compte, bien que ce soit temporairement, du fait que les coûts de logement élevés ont une incidence disproportionnée sur les budgets des ménages à revenu faible ou modeste.
Bien que nous nous réjouissions de la mise en place de cette prestation, une approche fondée sur les droits de l’aide au loyer la rendrait permanente, reconnaissant que les locataires à faible revenu, peu importe le contexte inflationniste, présentent des taux plus élevés de besoins impérieux de logement. À cette fin, nous recommandons que des modifications soient apportées au projet de loi C-31 afin que le supplément au loyer réponde mieux aux besoins des personnes vivant dans la pauvreté.
Du point de vue de l’encadrement, cela signifie qu’il ne faut plus qualifier cette aide de supplément à l’Allocation canadienne pour le logement afin d’éviter toute confusion avec les prestations de logement transférables existantes offertes dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement. Cela peut sembler insignifiant, mais il est extrêmement important que les gens comprennent quelles aides ils reçoivent et pourquoi.
Cela signifie en pratique qu’il faudrait :
Faire de la prestation un crédit d’impôt permanent et remboursable en fonction du revenu.
Clarifier la méthode d’évaluation et de versement de cette nouvelle aide afin que tous les locataires à faible revenu admissibles en fassent la demande.
Supprimer le paragraphe 2, qui porte sur les personnes qui vivent dans des logements à locataires multiples, comme les maisons de chambres et les pensions de famille, et permet de prendre en compte seulement 75 %, plutôt que le coût total du logement pour l’admissibilité aux prestations. Cette disposition accentuerait les inégalités entre les personnes à faible revenu qui vivent dans des logements à locataires multiples par rapport aux logements privés. Ce type de logement est souvent le seul logement du marché qui soit abordable pour les personnes vivant dans la pauvreté, et ce calcul supplémentaire est profondément inéquitable.
Supprimer l’obligation pour les demandeurs d’attester qu’ils consacrent 30 % de leur revenu aux frais de logement, puisque le revenu peut être utilisé comme indicateur du besoin et qu’une attestation supplémentaire serait lourde à gérer tant pour les gouvernements que pour les demandeurs.
Veiller à ce qu’il n’y ait pas de récupération dans d’autres formes de soutien du revenu — surtout les programmes d’aide sociale provinciaux et territoriaux — dans les années à venir. Autrement dit, le gouvernement fédéral devrait veiller à ce que les personnes qui reçoivent un soutien du revenu au moyen de ce supplément ponctuel pour le loyer ne voient pas leurs prestations futures réduites.
Le gouvernement fédéral devrait également collaborer avec ses homologues provinciaux et territoriaux pour veiller à ce que les autres politiques connexes, comme le contrôle des loyers, ne nuisent pas à ces mesures de soutien.
Le président : Je remercie les témoins de leurs observations.
J’aimerais demander aux sénateurs et aux témoins dans la salle de bien vouloir éviter de se pencher trop près du microphone, ou alors de retirer leur oreillette. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir une incidence négative sur le personnel du comité dans la salle.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant passer aux questions. Vous disposerez d’un maximum de cinq minutes au premier tour, et de trois minutes au deuxième tour. Par conséquent, veuillez poser vos questions directement. Je demanderais aux témoins de répondre brièvement. La greffière m’informera lorsque le temps sera écoulé. Je donne maintenant la parole à la sénatrice Marshall.
La sénatrice Marshall : Je vais commencer par Mme Whitzman ou Mme Garima Talwar Kapoor, celle des deux qui pourra répondre à la question.
Qui sont exactement vos intervenants? Représentez-vous seulement les personnes qui louent ou représentez-vous aussi les détenteurs de prêts hypothécaires? Je pose la question parce que je sais que les loyers ont augmenté considérablement au cours de la dernière année, mais la hausse des taux d’intérêt a aussi un impact important sur les détenteurs de prêts hypothécaires. Pourriez-vous préciser votre pensée, s’il vous plaît?
Mme Whitzman : Lorsque nous examinons les besoins impérieux en matière de logement, nous incluons tous les coûts, qu’il s’agisse du loyer ou du prêt hypothécaire, ou même du coût des services publics ou de l’énergie, dans les coûts de logement. Dans notre analyse, nous examinons la façon dont les besoins impérieux en matière de logement sont définis dans le recensement, ce qui comprend les propriétaires et les locataires. Nous pourrions ventiler davantage les données parce que nous savons que les locataires sont quatre fois plus susceptibles d’avoir des besoins impérieux en matière de logement. Le fait est qu’il y a des gens pauvres sur le plan du logement, qui possèdent une maison, mais qui n’en ont pas les moyens.
La sénatrice Marshall : Vous les incluriez donc également?
Mme Whitzman : Oui, dans notre analyse.
Madame Kapoor, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Talwar Kapoor : Madame la sénatrice, je pense que votre question concerne aussi les intervenants du réseau et le travail du Réseau national sur le droit au logement.
Plus précisément, notre approche en matière de logement fondée sur les droits est axée sur les personnes qui en ont le plus besoin, celles qui font face à la plus grande précarité en matière de logement. Compte tenu de ce que Mme Whitzman a dit, nous savons, d’après les données, que ce sont les locataires qui ont tendance à être confrontés aux besoins les plus pressants et au taux de besoin le plus élevé. Lorsque nous parlons de notre approche en matière de logement fondée sur les droits, le point de départ fondamental de notre analyse consiste à regarder où les données nous mènent, et donc de centrer notre attention sur les locataires.
La sénatrice Marshall : Mais s’il y a des détenteurs de prêts hypothécaires qui ont eu de la difficulté à acheter une maison — et qui risquent maintenant de la perdre en raison de la hausse des taux d’intérêt, vous n’en êtes pas arrivés au point de les laisser de côté et ils sont inclus dans l’analyse que vous faites?
Mme Whitzman : Non. Nous avons vu aux États-Unis les terribles répercussions des expulsions à grande échelle de propriétaires qui ne pouvaient plus rembourser leur hypothèque. J’ajouterais que la financiarisation, qui est une préoccupation du réseau, commence à toucher les maisons unifamiliales qui sont rachetées pour être louées, ce qui contribue également à la hausse du prix des maisons.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. J’avais sur ma liste de questions les suggestions que vous aimeriez voir dans la mise à jour financière. Mme Talwar Kapoor en a parlé, mais pourriez-vous nous dire si la prestation de 500 $ vous semble adéquate? Il n’y a pas d’échelle mobile, mais avez-vous des remarques à faire à ce sujet? Quand on regarde l’augmentation importante des taux et des hypothèques, 500 $ ne semble pas être beaucoup d’argent. Pourriez-vous nous dire si c’est adéquat et ce que vous souhaiteriez?
Mme Talwar Kapoor : Je pense que cela dépend de la façon dont le supplément au loyer ponctuel de 500 $ sera versé. À Toronto, selon les données de Statistique Canada, un logement d’une chambre à coucher coûte en moyenne environ 1 600 $. Mais au centre-ville de Vancouver ou de Toronto, c’est environ 2 000 $. Cela représente environ 25 % d’un mois de loyer. Cela aura-t-il un impact? Cela aidera-t-il les gens à se sentir soulagés? Je pense, bien sûr, qu’il y aura un petit sentiment de soulagement, mais ce sentiment de soulagement ne durera pas longtemps.
Je pense que le défi ici, sénatrice, c’est que le gouvernement fédéral essaie d’équilibrer ce que nous considérons théoriquement comme des mesures appropriées dans des contextes fortement inflationnistes, tout en répondant aux besoins les plus criants. La façon dont ce supplément au loyer de 500 $ sera mis à l’essai et, par conséquent, administré, est à notre avis presque trop sélective, en ce sens que c’est lourd sur le plan administratif sans être nécessaire pour atteindre la population ciblée. Également, en essayant de parer aux critiques selon lesquelles cela va alimenter l’inflation, cette aide pourrait ne pas correspondre au besoin qui existe réellement. Je pense que le supplément au loyer prévu dans le projet de loi C-31 reflète cet équilibrage.
[Français]
Le sénateur Gignac : Ma première question s’adresse à Mme Whitzman ou sa collègue.
Ma question porte sur l’aide du fédéral en matière de logement. Vous avez mentionné que le montant de 500 $ est un premier pas, mais c’est un petit pas, parce que le versement est non récurrent; c’est uniquement pour une année.
Ne croyez-vous pas qu’étant donné que les provinces, selon moi, sont placées plus près de la population pour venir en aide au logement, il aurait été préférable pour le fédéral de verser un milliard aux provinces que d’établir ce programme? Je suis curieux de connaître votre point de vue à ce sujet.
Un montant de 500 $ est certes bienvenu, mais les revenus ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre, d’une province à l’autre. Par exemple, un montant de 30 000 $ n’a pas la même signification au Nouveau-Brunswick qu’en Ontario, notamment à Toronto. Êtes-vous d’accord avec l’intervention du fédéral dans ce domaine?
[Traduction]
Mme Whitzman : C’est une question complexe en raison de la Constitution. Je dirais que le gouvernement fédéral a l’obligation de défendre les droits des gens, y compris le droit au logement. Nous savons que les provinces et les territoires, d’après les recherches de l’organisme avec lequel ma collègue travaille, ont appliqué des taux trop faibles depuis les années 1990, ce qui a donné des prestations de logement, en particulier, ou des allocations de logement insuffisantes.
Le fait de confier cette responsabilité aux provinces sans aucune exigence quant à l’atteinte du taux de pauvreté n’est peut-être pas une très bonne idée. Si l’on exigeait que cela fasse partie d’un programme plus vaste fondé sur les droits pour sortir les gens de la pauvreté et éliminer l’itinérance et les besoins en matière de logement, ce serait une tout autre affaire.
Avec la PCU, nous avons pu répondre rapidement et efficacement à des besoins criants, et je pense que c’est un modèle à suivre.
Mme Talwar Kapoor : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. Je pense que le modèle que le gouvernement fédéral met en œuvre avec le supplément ponctuel de 500 $ se compare à ce qui existe déjà dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement. Il y a une allocation transférable pour le logement qui fait l’objet de 13 ententes que le gouvernement fédéral a conclues avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin que cette allocation soit offerte aux personnes qui relèvent de leur compétence. Il s’agit d’un programme à frais partagés, les provinces négocient les paramètres de cette allocation transférable pour le logement, et chaque province a son propre programme. Mais cela prend du temps, et je pense que le but de ce que le gouvernement fédéral propose par l’entremise de cette prestation ponctuelle est de verser la prestation plus rapidement à tous les locataires.
Nous savons que, dans le cas de l’allocation transférable pour le logement, par exemple, en Ontario, ce ne sont pas tous les locataires qui la reçoivent. À cause des paramètres du programme — inévitablement à cause de l’enveloppe budgétaire —, il y a des limites quant à savoir qui reçoit cette aide et combien. Les négociations seront très longues, compte tenu des pressions inflationnistes.
Vous avez tout à fait raison de dire que les gouvernements provinciaux sont très près de leur population. Donc, en dehors des investissements financiers, il incombe aux gouvernements des sous-administrations de créer un environnement législatif qui permet de maintenir un loyer abordable, mais ce n’est pas ce que nous voyons actuellement dans des provinces comme l’Ontario.
Le sénateur Gignac : On a fait valoir que tout le monde ne produit pas de déclaration de revenus. Très souvent, un certain pourcentage des pauvres ne produit pas de déclaration d’impôt. Si vous ne produisez pas de déclaration, vous ne recevrez pas d’argent. C’est pourquoi j’ai demandé si les gouvernements provinciaux, qui sont plus près de la population, étaient la meilleure solution. Êtes-vous d’accord avec cette critique et avec le chiffre de 10 %? Au Nunavut, on parle de 25 à 30 % des gens qui ne produisent pas de déclaration d’impôt. Est-ce une préoccupation que vous partagez?
Mme Talwar Kapoor : Absolument. Je pense que la non-production d’une déclaration d’impôt pose un grand défi en ce qui concerne les prestations et les crédits d’impôt. Nous savons que les personnes qui vivent dans la pauvreté la plus profonde sont des adultes célibataires en âge de travailler et que, par conséquent, ce sont elles qui sont les plus nombreuses à ne pas produire de déclaration d’impôt.
Encore une fois, je pense que c’est une question d’équilibre et de compromis. Les prestations liées à l’impôt sont synonymes d’efficacité, de rapidité et de facilité. Cela n’exige pas une lourde administration, mais les gens qui sont plus difficiles à rejoindre sont laissés pour compte.
Je pense que nous avons donc besoin de ces structures qui permettent aux gens de recevoir des prestations même s’ils ne produisent pas de déclaration d’impôt.
Le sénateur Smith : Docteur Siqueira, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que les facultés de médecine dentaire peuvent aider le nouveau programme. Elles peuvent effectuer des recherches pour évaluer le rendement du programme. La question de la collecte de données a été soulevée dans le cadre de notre étude préalable du projet de loi, car cela représente un défi important pour le gouvernement qui doit recueillir des données de bonne qualité pour mesurer le succès du programme. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette recherche et sur la façon dont elle peut aider le programme?
Dr Siqueira : Merci beaucoup de la question. Le défi consiste à déterminer comment mener cette étude. À l’heure actuelle, nous n’avons pas de bonnes données au Canada à ce sujet. Par exemple, le dernier sondage dentaire effectué au pays remonte à plus de 10 ans, alors nous n’avons pas de données récentes sur la santé buccodentaire des Canadiens.
Il s’agit d’une recherche effectuée par des chercheurs et non d’une étude exhaustive à l’échelle du pays.
Ce que je dis, c’est qu’avec un investissement adéquat dans ce domaine, nous avons l’expertise nécessaire pour faire de la gestion de la qualité et conseiller le gouvernement sur ce qui est bon et ce qui ne l’est pas dans ce programme. Comme je l’ai dit, nous avons les meilleurs experts au pays dans les domaines de la santé de la population, de la santé dentaire publique et de la recherche fondée sur des données probantes. Nous aimerions que le gouvernement fasse participer les facultés de médecine dentaire et les chercheurs en santé buccodentaire à cette initiative.
Ce n’est pas seulement en fournissant 290 $ ou 650 $ par enfant que nous réglerons le problème de la santé buccodentaire au Canada. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration, nous nous occupons des deux maladies chroniques les plus courantes au Canada, soit la carie dentaire et les maladies des gencives. Nous devons investir dans la prévention. Ce n’est pas seulement thérapeutique. Ces 290 $ ou 650 $ ne serviront pas à grand-chose en termes de traitement et de thérapeutique. Il faut que nos facultés de médecine dentaire investissent dans la prévention. Ces personnes peuvent utiliser les fonds de recherche pour offrir une bonne qualité de vie aux Canadiens.
Le sénateur Smith : Pensez-vous avoir la possibilité de mobiliser les autres dirigeants comme vous pour inciter le gouvernement à prendre les devants et à commencer à faire des recherches et à recueillir des données adéquates qui pourraient vous aider? Autrement dit, pouvez-vous jouer un rôle de chef de file avec les dirigeants des autres facultés de médecine dentaire du pays pour lancer ce mouvement? Les gouvernements ont tendance à parler beaucoup, mais pas nécessairement à livrer beaucoup.
Dr Siqueira : Absolument, sénateur. Le 2 juin 2002, l’Association des facultés de médecine dentaire du Canada, qui représente les 10 facultés de médecine dentaire, a envoyé une lettre au ministre de la Santé pour souligner que toutes les écoles de médecine dentaire et tous les spécialistes de la recherche buccodentaire et craniofaciale étaient prêts et disposés à participer à la création de données permettant de maximiser l’utilisation des ressources et la qualité de vie des Canadiens.
Oui, nous avons le leadership et les experts au pays qui peuvent fournir ce soutien.
Le sénateur Smith : Merci, docteur.
Le président : Avant de passer au sénateur Boehm, docteur Siqueira, pouvez-vous fournir au comité, par l’entremise de notre greffière, la lettre que vous avez envoyée au ministre de la Santé?
Dr Siqueira : Absolument. Je peux l’envoyer par courriel après la réunion.
Le président : Merci.
Le sénateur Boehm : J’aimerais poursuivre avec le Dr Siqueira dans la même veine que mon collègue, le sénateur Smith.
Docteur Siqueira, il y a environ deux ans, vous avez donné une entrevue à la Saskatchewan Health Research Foundation, et on vous a demandé ce que vous trouviez être l’aspect le plus difficile de votre travail. Vous avez dit que c’était de convaincre les examinateurs que votre recherche est d’une importance vitale pour la population.
Je me demande si, deux ans plus tard, vous êtes du même avis. Si vous avez eu de la difficulté à convaincre vos collègues scientifiques de l’importance de la santé buccodentaire pour la santé globale de la population, comment convaincre les parents canadiens moyens de faire de la santé buccodentaire une priorité pour leurs enfants, surtout ceux qui n’ont pas d’assurance?
Dr Siqueira : Je vous remercie de votre question et d’avoir mentionné mon entrevue d’il y a deux ans.
Oui, je suis tout à fait du même avis. Les dentistes, la médecine dentaire et les professionnels de la santé buccodentaire s’occupent de choses importantes comme les soins dentaires, les maladies parodontales et le cancer de la bouche, qui ont une grande incidence sur la qualité de vie des Canadiens. Cependant, cela n’est pas reconnu par mes pairs dans le domaine dentaire.
Par exemple, au Canada, contrairement à d’autres pays comme les États-Unis, nous n’avons pas de groupe particulier qui appuie la recherche en santé buccodentaire. Lorsque nous demandons des subventions ici, c’est en concurrence avec la recherche sur les maladies cardiaques et le cancer pour la même somme d’argent. Bien sûr, cela intéresse davantage les profanes parce que, comme vous l’avez dit, ils ne comprennent pas l’importance de la santé buccodentaire et son incidence sur la santé globale. Comme je l’ai dit, la maladie des gencives, la maladie parodontale, est la maladie chronique la plus prévalente au Canada et elle peut avoir des répercussions importantes sur la santé systémique en ce qui concerne le diabète et plusieurs autres maladies et problèmes importants.
De plus, nous devons avoir un important volet éducatif. Encore une fois, je voudrais souligner l’aspect préventif et sensibiliser la population au fait que la santé buccodentaire peut contribuer à la qualité de vie sur le plan de la santé mentale et des relations sociales. Ce n’est pas le gouvernement qui le fait, mais les facultés de médecine dentaire essaient de plaider pour avoir plus de poids dans le système de santé.
Le sénateur Boehm : Merci, docteur Siqueira.
J’aimerais maintenant m’adresser à nos témoins du Réseau national du droit au logement. C’est davantage une question stratégique.
La Loi sur la stratégie nationale sur le logement, de 2019, a reconnu légalement qu’un logement adéquat était un droit fondamental de la personne, comme l’affirme le droit international.
Le Réseau national pour le droit au logement croit-il que l’Allocation canadienne pour le logement est en accord avec les droits de la personne en matière de logement? En d’autres termes, est-ce que cela peut aider à combattre l’une des causes profondes de l’inabordabilité et d’autres problèmes pour les locataires, en particulier la financiarisation des logements locatifs construits à cette fin, ou est-ce simplement une lecture d’un système?
Mme Whitzman : Sénateur Boehm, c’est une bonne question.
Le sénateur Boehm : Merci.
Mme Whitzman : Il n’y a pas de solution miracle. Si nous voulons en arriver à un avenir où tous les Canadiens auront un logement abordable adéquat, il faudra à la fois intervenir au niveau de l’offre, notamment grâce à une forte augmentation du nombre de logements sans but lucratif et de logements locatifs privés abordables, et offrir un meilleur soutien du revenu.
Nous considérons ce projet de loi comme un pas dans la bonne direction, mais comme un très petit élément de la solution, en partie parce que, comme vous l’avez mentionné, il s’agit d’une mesure ponctuelle.
Madame Kapoor, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Talwar Kapoor : Sénateur, je crois que votre question faisait également allusion au programme plus vaste de la Stratégie nationale sur le logement, qui prévoit une prestation transférable de 1 milliard de dollars pour le logement, et dont les coûts sont ensuite partagés entre les provinces et les territoires du pays.
En ce qui concerne le soutien du revenu, que ce soit pour le loyer ou pour le coût de la vie en général, les investissements fiscaux dans le soutien du revenu n’ont aucune chance de maintenir leur valeur lorsque les « règles du jeu » plus générales ne suivent pas. Si nous investissons dans le soutien au loyer sans avoir une meilleure maîtrise des mécanismes législatifs qui permettent d’augmenter le loyer d’une année à l’autre beaucoup plus rapidement que les salaires, la valeur des investissements réels du gouvernement dans le soutien du revenu et l’aide au loyer diminue avec le temps.
Nous le voyons de plus en plus dans la pauvreté profonde des personnes qui reçoivent l’aide sociale, en ce sens que nous avons, en réalité, essayé de maintenir les taux de prestations à un bas niveau sans vraiment réfléchir à la valeur des investissements au fil du temps.
Le sénateur Yussuff : Je remercie nos témoins d’être ici ce matin. Je les remercie de leurs efforts et du travail acharné qu’ils accomplissent dans les deux domaines que nous abordons.
Je vais commencer par la prestation pour le logement. Je suppose que le défi consiste à essayer d’offrir cette prestation aux gens qui en ont le plus besoin, et cela rapidement, par l’entremise de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Qui pourrait être exclu de cette possibilité, sachant que la plupart des pauvres ont manifestement besoin d’aide? Cela nous ramène à la question des assistés sociaux, et les données sur l’aide sociale relèvent du gouvernement municipal.
Y a-t-il un moyen d’aider les gens qui méritent tout autant la prestation, mais qui pourraient ne pas y avoir accès parce qu’ils n’ont pas produit de déclaration de revenus? Votre expertise serait utile.
Mme Talwar Kapoor : Merci, sénateur. Dans l’ensemble des programmes d’aide sociale, pour la prestation des services, on déploie des efforts pour accroître la production de déclarations de revenus grâce aux comptoirs d’impôt, par exemple.
Vous avez raison de dire que lorsque nous prenons des mesures par l’entremise du régime fiscal, nous laissons de côté beaucoup de gens qui en ont grandement besoin. Comment convaincre les gouvernements provinciaux et territoriaux d’augmenter les taux d’aide sociale est la grande question sur laquelle nous nous penchons, mais que nous n’avons pas encore réussi à résoudre.
Le pouvoir financier du gouvernement fédéral et sa capacité de rejoindre la plupart des gens dans le besoin, comme nous le voyons dans le cas de l’Allocation canadienne pour enfants, par exemple, ont un effet positif. Cela nous montre le rôle que les mesures de soutien du revenu peuvent jouer dans la réduction de la gravité et de l’incidence de la pauvreté chez les ménages.
De façon plus générale, ce que l’on peut faire actuellement avec le projet de loi C-31 pour les personnes vivant dans une pauvreté extrême, c’est supprimer l’article 2 du projet de loi. Les maisons à locataires multiples, c’est-à-dire les maisons de chambres ou les pensions de famille, sont les derniers logements du marché très abordables, et la majorité de ces locataires reçoivent un soutien du revenu. Le calcul qui est fait dans le projet de loi C-31 en ce qui concerne la prise en compte de seulement 75 % du loyer, au lieu de 100 %, rend plus difficile pour ces locataires d’avoir accès à cette prestation de 500 $.
Pour ce qui est de l’aide sociale à long terme, vous avez tout à fait raison et c’est quelque chose que nous faisons actuellement. J’aimerais également faire valoir que le comité peut faire quelque chose dès maintenant pour aider les personnes qui vivent dans une pauvreté extrême.
Le sénateur Yussuff : Merci beaucoup de votre suggestion.
J’ai une question pour le Dr Siqueira. En ce qui concerne la question de la collecte de données, vous avez dit que les données que nous utilisons datent d’une dizaine d’années et que nous devons reconnaître l’expertise des facultés pour relever ces défis.
En travaillant avec Statistique Canada, sommes-nous en mesure de régler ce problème, en sachant que nous aurons besoin de nouvelles données si les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent à un programme national? Est-ce que l’initiative du gouvernement fédéral nous aiderait à atténuer le problème que nous avons actuellement, avec un retard de 10 ans dans la collecte de données dans le système?
Dr Siqueira : Je vous remercie, sénateur, de votre question. Vous avez tout à fait raison. En effet, les dirigeants des facultés de médecine dentaire ont fait appel à Statistique Canada. De concert avec Statistique Canada, nous avons demandé une subvention fédérale des IRSC. Dix facultés de médecine dentaire ont obtenu cette subvention. Nous planifions une nouvelle enquête nationale sur les soins dentaires, de concert avec Statistique Canada, pour l’an prochain. Cela devait commencer il y a un an, mais malheureusement, parce que la pandémie a frappé, nous avons décidé de reporter le début de cette enquête. Il ne fait aucun doute que ces nouvelles données aideront à éclairer la façon dont le projet de loi C-31 pourrait être utilisé par les Canadiens.
J’aimerais souligner un point pour les sénateurs. En ce qui concerne les 290 $ par année ou 650 $ par enfant par année, nous savons que le coût moyen de la restauration d’une carie dentaire est de plus de 200 $ dans un cabinet privé. Pourquoi le dentiste, le professionnel de la santé buccodentaire et la famille comptent-ils sur notre clinique lorsque le traitement est interrompu? D’après mes 24 années d’expérience dans les facultés de médecine dentaire, ces patients ont habituellement plus d’une carie dentaire; ils en ont de trois à six. Le traitement est interrompu après la restauration d’une carie dentaire, puis on attend l’année suivante. Cela exige un examen approfondi.
L’autre point que j’aimerais souligner pour vous, sénateur, concerne le remboursement et le paiement initial. Encore une fois, si je me fie à mes 24 années d’expérience avec les patients dentaires, ils n’ont pas les ressources nécessaires pour payer d’avance. Il faut aussi en discuter. Merci.
Le président : Merci, docteur.
Je rappelle aux témoins et aux sénateurs que le sénateur Yussuff est le parrain du projet de loi au Sénat.
Le sénateur Loffreda : Merci à nos témoins d’être ici ce matin. Vos exposés étaient très instructifs.
Ma première question s’adresse au Réseau national du droit au logement. Madame Whitzman, vous avez dit que vous préféreriez que le projet de loi C-31 élargisse le programme en ce qui concerne l’allégement du coût de la vie relativement au logement locatif. Vous avez dit que l’impact serait minime dans l’état actuel des choses. Votre objectif est d’éradiquer l’itinérance, et nous avons tous le même objectif. Nous aimerions tous qu’il n’y ait pas d’itinérance au Canada.
Croyez-vous qu’il faut faire davantage sur le plan personnel pour aider les gens, comme le fait le projet de loi C-31, par opposition au soutien communautaire et au logement social, aux centres communautaires et aux refuges?
Je fais référence à une déclaration récente de Gillian Petit, économiste et attachée de recherche à la School of Public Policy, de l’Université de Calgary. Nous sommes nombreux à nous préoccuper du fait qu’une faible proportion des Canadiens à faible revenu, des sans-abri et des assistés sociaux produisent une déclaration de revenus et perçoivent des prestations. Nous avons tous parlé des 10 % de Canadiens inatteignables, mais si nous prenons les travailleurs à faible revenu, je pense que ce pourcentage est beaucoup plus élevé.
J’aimerais vous entendre à ce sujet, madame Whitzman.
Mme Whitzman : Merci, sénateur Loffreda. Je répète que ce ne sont pas les interventions du côté de la demande — comme les prestations pour le logement, l’augmentation des taux d’aide sociale ou le projet de loi C-31 — qui constitueront la solution, et ce ne sera pas non plus la construction rapide de logements abordables, de logements sociaux et de logements de soutien —, qui est tout à fait possible et qui est, en fait, une question de volonté politique. Il faut que ce soit les deux ensemble.
Pour ce qui est de la déclaration de revenus, ma collègue, Garima Kapoor, a laissé entendre qu’il faudrait un soutien juridique, des comptoirs d’impôt pour faciliter la production des déclarations de revenus. Je conviens que plus nous aiderons les gens à profiter de ces prestations, mieux ce sera.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Kapoor. Je pense qu’elle a probablement une meilleure réponse que moi.
Mme Talwar Kapoor : Merci. Nous savons que les déclarations d’impôt des familles avec enfants ont augmenté au fur et à mesure que les prestations se sont améliorées, alors je pense que les incitatifs sont importants. Là où nous voyons le taux le plus élevé de non-production de déclaration, encore une fois, chez les célibataires en âge de travailler ou les adultes célibataires, nous devrions peut-être réfléchir aux incitatifs qui incitent les gens à produire une déclaration de revenus. Si vous êtes une personne à faible revenu qui ne recevra pas beaucoup de prestations, vous êtes moins susceptible de vous sentir obligé de produire une déclaration de revenus, comparativement à une famille avec des enfants qui pourrait être admissible à une prestation, comme l’Allocation canadienne pour enfants.
J’aimerais également suggérer quelque chose de plus novateur que font d’autres pays, c’est-à-dire l’idée de la déclaration de revenus automatisée, et je dirais que le Canada est lent à agir en ce sens. L’ARC a toute l’information dont elle a besoin sur les gens dont les dossiers d’impôt sont simples. Il y a des administrations où la production est plus automatisée, où l’agence fiscale remplit le formulaire, après quoi vous recevez le formulaire pour confirmer que tout vous semble exact. Cela aide à augmenter les taux de déclaration de revenus. Il y a d’autres problèmes liés à la structure des incitatifs, mais je dirais aussi qu’il y a de la place pour l’innovation dans l’approche du Canada à l’égard de la déclaration de revenus et des avantages fiscaux en général.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de ces réponses. Je pense que ce n’est pas seulement une question de déclaration d’impôt. Un grand nombre de sans-abri ont des problèmes plus graves qu’un revenu insuffisant. Pour faire mes plus de 10 000 pas par jour, je marche et je parle à beaucoup d’entre eux. Comme vous l’avez dit, les mesures de soutien financier diminuent avec le temps sous l’effet de l’inflation, de l’augmentation du coût de la vie et d’autres facteurs. Évidemment, une économie plus forte aiderait tout le monde.
Les ressources ne sont pas infinies. Les contribuables ne peuvent pas payer indéfiniment pour les ressources. Ma question porte davantage sur le ciblage. Que devrions-nous cibler à l’avenir? Serait-ce le soutien individuel? Le soutien communautaire? Le logement social est un énorme problème. Il y a les préoccupations concernant l’inflation. Avez-vous d’autres idées à ce sujet? Si l’économie souffre, le problème de la pauvreté s’accentue au lieu de s’atténuer. Telles sont les préoccupations.
Toutefois, si vous investissez dans les centres de soutien communautaire, c’est une autre histoire. Lorsque je parle aux sans-abri — parce que l’objectif est de réduire l’itinérance —, et je parle à bon nombre d’entre eux, même dans ma belle ville. Nous avons d’excellents centres, comme la Mission Old Brewery, et je pourrais en mentionner bien d’autres. Le problème ne se limite pas à une augmentation des revenus. Cela crée parfois d’autres problèmes comme ceux que nous voyons tous en ce moment.
Mme Whitzman : Je suis tout à fait d’accord avec vous, sénateur Loffreda. Le gouvernement précédent avait un programme expérimental appelé At Home/Chez Soi qui a confirmé de façon décisive des milliers d’études internationales montrant que l’approche Logement d’abord fonctionne. Si vous construisez ou fournissez des logements abordables avec des soutiens appropriés, ce sera rentable, et cela a eu un impact énorme sur les sans-abri dans cinq villes participantes, dont Montréal.
Nous avons les preuves. Nous savons ce qui fonctionne. Je dirais qu’un revenu adéquat fait partie de la solution, mais je serais tout à fait d’accord avec vous si vous disiez qu’il n’y a pas de solution de rechange au logement avec services de soutien permanent pour répondre aux besoins. Il faut comprendre que l’itinérance a commencé à augmenter à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Ce n’est pas une coïncidence si elle a commencé à croître au moment où le gouvernement fédéral a commencé à se retirer du logement social et du logement avec services de soutien, et la situation s’est beaucoup aggravée depuis.
C’est un problème systémique. Il faut une réponse systémique. Si vous me demandez si le projet de loi C-31 est une réponse systémique, je répondrai que non. Est-ce que cela aiderait? Oui.
Le président : Merci, madame Whitzman.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse au Dr Siqueira.
Docteur Siqueira, pouvez-vous nous donner plus d’informations sur la différence de coût entre les traitements offerts par l’école de dentisterie et les frais facturés dans une clinique professionnelle?
[Traduction]
Dr Siqueira : Je vous remercie de la question. C’est une question importante au sujet de la différence entre ce que les facultés de médecine dentaire facturent aux patients et ce que les dentistes privés facturent.
Permettez-moi d’expliquer comment le processus d’établissement des frais est déterminé. Chaque province, de concert avec les organismes de réglementation dentaire et leurs associés, crée une liste de prix suggérés pour les soins dentaires. Habituellement, les dentistes dans des cabinets privés acceptent le prix suggéré, ou parfois, ils le dépassent. Dans les facultés dentaires, nous demandons entre 10 % du prix suggéré et 50 % du prix suggéré. Je peux vous donner l’exemple de la Faculté de médecine dentaire de l’Université de la Saskatchewan. Pour les enfants de 0 à 12 ans, nous avons un tarif fixe de 20 $ par visite. Si les soins coûtent 1 000 $, nous les facturons quand même 20 $ pour les enfants de 0 à 12 ans.
Pour d’autres soins, comme l’endodontie ou les traitements ododontiques, qui coûtent plus de 1 000 $, dans notre faculté, nous les facturons 100 $. C’est un rabais important, parce que nous voulons avoir des patients, dans nos 10 facultés de médecine dentaire, pour offrir des services et, en même temps, une éducation de qualité à nos étudiants.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je ne voudrais pas vous emmener sur un terrain glissant, mais comment expliquez-vous que le gouvernement n’ait pas pensé à se tourner vers le monde universitaire — là où c’est possible, bien entendu —, pour mettre en œuvre son programme de soins dentaires?
Les écoles ont besoin des patients pour permettre aux futurs dentistes de compléter leur apprentissage. Si j’ai bien compris, le programme gouvernemental pourrait mettre en péril la formation des futurs dentistes qui sont encore dans les universités. Vous l’avez mentionné : la situation est la même dans toutes les provinces. J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Je pense que c’est un programme qui pourrait aider les universités. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne vous a pas sollicités davantage.
[Traduction]
Dr Siqueira : Merci beaucoup de votre question. Vous avez tout à fait raison. Nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral, à un moment donné, communique avec les 10 facultés de médecine dentaire et travaille avec nous, parce que, comme je l’ai dit, nous avons l’expertise, l’infrastructure et les ressources nécessaires pour lancer rapidement le projet, l’initiative du projet de loi C-31.
Oui, vous avez tout à fait raison de dire que la façon dont nous fonctionnons actuellement créera des défis importants dans les 10 écoles de médecine dentaire, parce que nous n’aurons pas le même nombre de patients. À long terme, cette situation va réduire la qualité des dentistes et des professionnels de la santé buccodentaire au Canada. Cela posera un défi dans les 10 écoles dentaires.
J’espère que le gouvernement aura encore le temps de communiquer avec les facultés de médecine dentaire et de travailler avec nous, parce que, comme je l’ai dit, nous avons l’infrastructure nécessaire pour appuyer ce programme et maximiser la valeur du projet de loi C-31. Dans nos facultés, nous facturons 10 à 15 % des frais suggérés dans n’importe quelle province et n’importe quel territoire.
La sénatrice Bovey : Je remercie nos témoins.
Docteur Siqueira, j’aimerais poursuivre la discussion que vous avez eue avec le sénateur Dagenais. Je suis bien consciente du rôle et de l’importance des facultés de médecine dentaire et des services qu’elles offrent à leur collectivité, et je crois pouvoir dire que vous appuyez ce programme, mais que vous vous préoccupez de ce que cela apportera, à long terme, pour les facultés et la formation des dentistes à l’avenir.
Pouvez-vous nous expliquer à nouveau comment les facultés de médecine dentaire obtiennent leur financement pour soutenir leurs programmes? J’ai ensuite une question complémentaire, parce que je ne comprends pas très bien comment vous percevez l’impact — la perte éventuelle de votre clientèle actuelle au profit des dentistes privés, mais je comprends, si vous la perdez, les répercussions négatives sur votre formation. J’aimerais donc que vous approfondissiez cela un peu plus pour moi.
Dr Siqueira : Merci beaucoup de la question.
Oui, mes collègues et moi-même, au nom de l’AFDC, c’est-à-dire l’Association des facultés dentaires du Canada, avons appuyé cette initiative à 100 %, mais cela ne nous empêche pas de formuler des commentaires sur la façon d’améliorer cette initiative.
Ce qui nous préoccupe le plus, c’est que nous nous disputons la même clientèle que celle que vise le projet de loi C-31 et que cela aura une incidence sur l’éducation de nos étudiants, parce que, selon les règles d’accréditation, les étudiants ont besoin de voir un nombre minimum de procédures pour devenir compétents dans un domaine précis de la dentisterie. C’est l’une de nos principales préoccupations.
En ce qui concerne votre question sur le financement des facultés de médecine dentaire, il vient à la fois des ministères provinciaux de l’Éducation, des fonds des universités, des frais de scolarité et autres des étudiants et des frais facturés aux patients dont j’ai parlé plus tôt, ainsi que des dons philanthropiques.
La sénatrice Bovey : Ai-je raison de dire que les universités obtiennent leur appui des provinces, ce qui explique peut-être pourquoi le gouvernement fédéral ne s’est pas adressé directement aux universités dans le cadre de ce programme? Pour aller plus loin, je connais bien la Faculté de médecine dentaire du Manitoba et le travail qu’elle fait auprès des enfants autochtones du centre-ville, et je sais à quel point c’est important.
Voyez-vous un certain chevauchement entre ce programme et le travail effectué par les divers ministères qui a une incidence positive sur la communauté autochtone?
Dr Siqueira : Merci encore de votre question.
Oui, j’ai vu beaucoup de recoupements ici, en ce qui concerne l’éducation et les soins de santé, comme je l’ai déjà mentionné, avec d’autres professionnels de la santé, les écoles comme celles de médecine et de soins infirmiers. En plus de recevoir des fonds provinciaux pour l’éducation, ces entités reçoivent aussi de l’aide pour les soins de santé parce qu’elles utilisent l’établissement de l’hôpital.
Pour ce qui est du soutien aux Autochtones, oui, j’ai également constaté certains problèmes. C’est une autre préoccupation, en particulier pour la Faculté de médecine dentaire de l’Université de la Saskatchewan, parce que nous ouvrons un programme de thérapie dentaire qui sera axé sur les étudiants et patients autochtones. J’ai vu que cela pouvait créer des difficultés pour obtenir l’appui des gouvernements provinciaux ou fédéral.
La sénatrice Bovey : J’aimerais poser une brève question à Mme Whitzman.
Je salue le travail que vous faites. J’aimerais savoir comment, à votre avis, ce programme aidera à réduire le surpeuplement des logements dans nos collectivités du Nord, où le concept de la location et de la propriété dans certaines collectivités inuites est très différent, et avez-vous travaillé avec elles?
Mme Whitzman : Il est vraiment important d’adopter une approche « pour les Autochtones, par les Autochtones », y compris de reconceptualiser l’idée du surpeuplement, parce que nous savons que les familles autochtones sont souvent une grande famille élargie, et qu’une certaine souplesse s’impose à cet égard. Encore une fois, il ne s’agit pas tant d’une allocation ponctuelle pour le loyer que d’un enjeu systémique plus vaste qui consiste à s’assurer que les logements sont construits par les communautés du Nord, pour elles, et avec elles. Il existe de nombreuses technologies, comme les logements modulaires, qui pourraient faire une énorme différence, mais cela dépasse... je peux difficilement faire le lien avec le projet de loi C-31.
Le président : Merci.
La sénatrice Pate : Je remercie tous les témoins de leur participation.
Comme je travaille dans ce domaine depuis des décennies et que je fais partie du Women’s National Housing and Homelessness Network, ainsi que du UBC Housing Research Collaborative, je sais que vous avez formulé de nombreuses recommandations sur la façon dont nous pourrions régler ces problèmes. J’aimerais revenir à un commentaire que vous avez fait au sujet de l’augmentation du nombre de sans-abri et du retrait des mesures de soutien social et économique à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Si le gouvernement vous avait demandé de recommander ce qui devait figurer dans le projet de loi C-31, qu’auriez-vous recommandé?
Mme Whitzman : Oh! Combien de temps avez-vous? Je pense que notre recommandation aurait été, à tout le moins, de reconnaître les rôles des différents ordres de gouvernement. Donc, même si l’aide au logement est certainement un soutien du revenu et que c’est quelque chose que le gouvernement fédéral peut faire, une grande partie de la lutte contre l’inflation, dont les coûts de logement font partie — probablement la majeure partie — notre recommandation aurait été d’examiner comment réduire l’énorme financiarisation du logement qui se produit actuellement. Elle aurait été d’examiner de près les fiducies de placement immobilier. Elle aurait été de voir comment nous pourrions commencer à accroître le nombre de logements sociaux et de logements avec services de soutien à titre de solution de rechange au logement locatif et à l’accession à la propriété. Elle aurait été de conclure des ententes multilatérales plus solides avec les gouvernements provinciaux et territoriaux incluant des choses comme un soutien du revenu adéquat, et au niveau des administrations municipales, de simplifier les formes d’approbation de la planification, y compris l’examen du zonage, d’envisager de combattre le « pas dans ma cour » au moyen d’une autorisation déléguée et d’un zonage de plein droit.
Les réponses existent déjà. Les données probantes montrent clairement ce qui fonctionne, et si l’on avait mis l’accent sur les façons de s’attaquer à l’inflation du logement au niveau fédéral, on aurait examiné la fiscalité et le financement des infrastructures, ainsi que les ententes avec les autres ordres de gouvernement. Comme je l’ai dit, avec la province, ce serait les droits des locataires en matière de soutien du revenu; avec les municipalités, ce serait les approbations de planification. Il y a aussi l’utilisation de terres appartenant au gouvernement, les réserves foncières, les fiducies foncières, parce que nous savons, grâce à des gouvernements comme la Finlande et la France, qui ont fait un travail extraordinaire pour réduire l’itinérance et accroître le nombre de logements abordables, que les terres sont un élément clé de la question.
Je vous remercie de cette question. Madame Kapoor, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Talwar Kapoor : Non. Merci beaucoup, madame Whitzman. C’était très bien.
La sénatrice Galvez : Merci à nos invités d’aujourd’hui. L’avantage d’être la dernière à poser des questions, c’est que nous avons eu le temps d’entendre toutes les réponses aux questions pertinentes posées par mes collègues, les autres sénateurs. J’aimerais profiter de mon temps de parole pour vous poser des questions plus générales.
Nous voyons que ce projet de loi va dans la bonne direction et, bien sûr, il va être adopté. Cependant, il s’agit en quelque sorte d’une solution de fortune et elle ne suffit pas à régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Les gens à très faible revenu ne produisent pas de déclaration d’impôt. Ils peuvent avoir un casier judiciaire. Ils sont dans la rue, et nous devons les aider. Nous constatons que la PCU a eu un effet positif, alors nous savons qu’elle leur a été utile. Pouvez-vous nous parler encore une fois d’un revenu garanti plus élevé, des services d’alimentation, de santé et de logement, et s’il y aura une solution plus systémique, globale et permanente aux problèmes urgents auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui? Merci.
Mme Whitzman : Je suis désolée, cette question m’était-elle adressée, sénatrice Galvez?
La sénatrice Galvez : Oui, à vous trois, mais vous pouvez commencer, madame Whitzman.
Mme Whitzman : Il est important de se rappeler que le gouvernement fédéral est intervenu de façon beaucoup plus énergique à deux occasions que j’aimerais souligner. L’une d’elles était pendant la Seconde Guerre mondiale, en fait, immédiatement après, lorsqu’une commission d’enquête sur la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, la commission Curtis, a demandé une intervention dans le domaine du logement, en construisant 1,5 million de nouveaux logements pour les soldats de retour au pays. De plus, pendant la Seconde Guerre mondiale, il y a eu un contrôle national des loyers en raison de l’énorme surpeuplement des logements et des loyers abusifs dans les villes.
De même, dans les années 1970, il y a eu un certain nombre d’initiatives, comme le contrôle national des salaires et des prix, qui incluait un contrôle des loyers, et d’énormes investissements dans la construction de logements sociaux à loyer modique et de logements privés à loyer modique. Nous avons des précédents où le gouvernement fédéral a réagi à des crises d’abordabilité au sein de la population. Il n’y a absolument aucune raison pour que 2022 ne soit pas un point d’inflexion semblable. Nous savons que l’itinérance n’a jamais été un problème plus grave au Canada, et nous savons aussi que les besoins impérieux en matière de logement ont persisté de 1991 à aujourd’hui, du moins selon le recensement.
Il est vraiment important de souligner que c’est la première fois qu’on enregistre une baisse des besoins impérieux en matière de logement, surtout chez les groupes à faible revenu. Je tiens ici à me répéter. J’aimerais bien que ce soit grâce à la politique sur le logement, mais ce n’est pas le cas. C’est manifestement grâce au soutien du revenu d’urgence. Nous savons donc qu’il est possible de changer considérablement la vie des Canadiens à faible revenu. Nous savons qu’il est possible de le faire rapidement et nous en avons une expérience récente, à savoir en 2020. J’aimerais que le Sénat du Canada réfléchisse à cette belle expérience et à la capacité du gouvernement fédéral d’apporter des changements en profondeur.
Mme Talwar Kapoor : Merci de votre question, madame la sénatrice. Ma réponse aura deux volets. S’agissant de la PCU, il est important de se rappeler qu’elle a fait office d’assurance-emploi. Ce n’était pas de l’ordre de ce que nous appelons le soutien du revenu dans le monde de la politique sociale, mais plutôt d’une sorte d’assurance-salaire, parce que notre système d’assurance-emploi était trop désuet pour répondre aux besoins qui se sont manifestés au début de la pandémie.
Qui a reçu la PCU? Celle-ci a effectivement réduit considérablement le niveau des besoins impérieux en matière de logement et d’autres mesures de la pauvreté, mais elle n’a pas profité aux personnes qui vivent dans la plus grande pauvreté, parce que celles-ci ne participaient pas au marché du travail. Il faut circonscrire ce que la PCU nous a révélé ou non sur le revenu de subsistance garanti ou le revenu de base.
Cela m’amène au deuxième volet de ma réponse : le revenu de base a un sens. Par définition, il suppose une certaine forme de rationalisation ou de remplacement des mesures de soutien et services existants en remplacement d’un chèque.
Il faut réfléchir à ce que nous proposons et aux personnes concernées quand on parle de revenu de base. Selon notre propre analyse, chez Maytree, de l’analyse du directeur parlementaire du budget sur le coût d’un revenu de base au Canada, les travailleurs à faible revenu se retrouveraient dans une situation encore plus précaire. Et ce serait à cause des décisions et des compromis nécessairement associés à l’instauration d’un revenu de base.
Pour en arriver à un revenu de subsistance garanti pour tous les Canadiens, il faut régler le problème du maillon manquant. Il existe un revenu de base pour les aînés. Il existe un revenu de base pour les familles avec enfants. Mais il y a aussi la population en âge de travailler. Les données de Maytree indiquent que les adultes célibataires en âge de travailler font partie des plus pauvres et des plus démunis de la population. Pour atteindre l’objectif dont vous parlez, je crois que nous avons déjà beaucoup d’éléments d’infrastructure répondant aux besoins de ce groupe intermédiaire. Je me ferai un plaisir d’approfondir cette discussion avec vous.
Le président : Merci, madame Kapoor.
La sénatrice Duncan : Merci beaucoup aux témoins de leurs exposés. J’aimerais faire suite aux questions de la sénatrice Bovey et peut-être d’autres au sujet des services aux Autochtones.
Concernant les prestations de logement, nous avons appris et on nous a dit que ce paiement complémentaire profitera à 1,8 million de locataires au pays. D’après vos recherches, avez-vous une idée de la répartition régionale de ces locataires?
Mme Whitzman : Je vois, madame la sénatrice, que vous êtes du Yukon. Son gouvernement est l’un de ceux avec lesquels nous travaillons directement. Il y a quelques semaines, j’ai eu le plaisir d’assister au Sommet sur le logement 2022 au Yukon, par Zoom.
Statistique Canada n’est pas parfait. Le recensement n’est pas parfait. Je pourrais parler longtemps de quelques ajustements au recensement qui le rendraient un peu plus utile, assurément, quand il s’agit des populations autochtones, l’un des groupes dont vous avez parlé. Mais on pourrait utiliser — et il faut le faire — les données du recensement de façon beaucoup plus consciente dans le cadre de notre politique.
Je remarque que la Stratégie nationale sur le logement s’appuie sur les chiffres du recensement concernant les besoins impérieux en matière de logement, mais qu’ils ne sont pas ventilés par mode d’occupation, par catégorie de revenu ou par population prioritaire. On sait, par exemple, que les familles monoparentales dirigées par une femme sont celles qui risquent le plus d’avoir des besoins impérieux en matière de logement. Les ménages autochtones, de leur côté, sont les plus à risque d’itinérance.
Je pense que les données jouent un rôle de plus en plus important. À mon avis, elles pourraient être un peu reconceptualisées du point de vue de la notion de logement de qualité convenable, qui renvoie à des définitions juridiques précises en vertu du Pacte relatif aux droits sociaux, mais je crois qu’il existe beaucoup de données sur les besoins des locataires dans le Nord, par exemple, que nous n’utilisons pas très bien.
La sénatrice Duncan : Si je comprends bien, il serait préférable de demander aux fonctionnaires de préciser à quoi correspond le chiffre de 1,8 million de dollars et d’indiquer à qui cela profitera, parmi les Canadiens, selon les régions?
Mme Whitzman : Oui, tout à fait. Les données sont là, sénatrice Duncan, et c’est une très bonne question à poser, par exemple, à la Société canadienne d’hypothèques et de logement ou à Statistique Canada. Je connais la réponse, mais il vaudrait probablement mieux leur poser la question.
La sénatrice Duncan : Cela m’amène à ma question sur les relations avec les Autochtones, car leurs communautés sont différentes d’un bout à l’autre du pays. Il y a des Autochtones dans des réserves. D’autres vivent hors réserve. Au Yukon, comme vous l’avez souligné, il y a des Premières Nations autonomes avec qui les relations sont tout à fait différentes.
Avez-vous, dans le cadre de vos recherches, fait une étude distincte permettant de savoir comment le Canada pourrait le mieux aborder la question du logement du point de vue de ses relations avec les Autochtones par l’entremise de Services aux Autochtones Canada? Parce que c’est différent d’une région à l’autre et qu’il n’y a pas de solution universelle.
Mme Whitzman : Je félicite mes collègues de l’Aboriginal Housing Management Association de la Colombie-Britannique, qui collaborent aussi avec le National Right to Housing Network et font partie d’une série de groupes ayant déposé une plainte en matière de droits de la personne auprès de la défenseure fédérale du logement, notamment au sujet des problèmes de logement des femmes autochtones.
L’AHMA, l’Aboriginal Housing Management Association, vient de publier un rapport qui porte spécifiquement sur la Colombie-Britannique, mais qui constitue une excellente recherche fournissant des données sur les mécanismes et sur les coûts et donnant une vue d’ensemble de la politique et qui pourrait facilement devenir un modèle pour la prochaine étape des travaux. Ce qu’il y a de merveilleux dans cette recherche, c’est évidemment qu’elle a été menée et qu’elle se déroule au sein d’une organisation autochtone.
J’estime donc qu’il existe des réponses. Le caucus autochtone de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine a également un bon plan pour l’avenir. Il est de plus en plus décevant de voir le gouvernement actuel parler de réconciliation sans passer de la parole aux actes, qu’il s’agisse de prévoir des structures ou de tenir compte des études autochtones émanant de Premières Nations vivant dans des réserves et hors réserve, de Métis et d’Inuits, qui proposent des solutions à certaines situations de logement vraiment horribles dans les réserves et hors réserve.
La sénatrice Marshall : Ma question s’adresse au Dr Siqueira.
Vous avez parlé des services fournis par les diverses écoles dentaires, et vous avez également parlé du montant du financement qui sera fourni par ce programme dentaire. Il s’agit d’un maximum de 650 $. Vous avez dit entre autres — j’espère que je ne déforme pas vos propos — qu’on n’ira pas loin avec cet argent.
Compte tenu de vos préoccupations concernant l’expérience de ce programme dans les écoles de médecine dentaire, comment le nouveau programme pourrait-il être intégré aux programmes déjà offerts par ces écoles? Il faudrait créer un lien. Comment, d’après vous, pourrait-on le créer?
Dr Siqueira : Merci beaucoup de vos questions, madame la sénatrice.
Je m’inquiète en effet de ce qui est prévu pour les enfants de 0 à 12 ans dans ce projet de loi et de la façon dont cette somme sera versée. Nous nous inquiétons également du fait qu’elle sera versée d’avance, à cause des difficultés de remboursement pour ce groupe de personnes.
D’après ce que j’ai compris — et c’est ce que je viens défendre ici —, nous avons les experts et l’infrastructure — les écoles dentaires — et nous pouvons faire beaucoup plus que simplement fournir le service. Notre mandat primordial est d’instruire les étudiants et de créer la prochaine génération de fournisseurs de soins buccodentaires.
Cela dit, nos écoles dentaires et nos cliniques fonctionnent de façon à ne pas avoir de déficit, mais sans chercher à produire un surplus. La raison en est que, avec d’autres ressources que nous avons circonscrites, si nous mettions fin au soutien aux étudiants et aux universités, nous pourrions vraiment facturer des frais fixes pour les enfants ici, au Collège de dentisterie de l’Université de la Saskatchewan, et mes collègues font la même chose dans les écoles dentaires partout au pays.
J’aimerais que le gouvernement envisage de conclure une entente avec les 10 écoles de médecine dentaire et que nous puissions offrir un service gratuit à ce groupe visé par le projet de loi C-31 et l’étendre à d’autres groupes mal desservis ici, à savoir les Autochtones et les personnes âgées, qui ont grandement besoin de soins dentaires.
Quant à savoir jusqu’où on peut aller avec 650 $, c’est l’une de mes principales préoccupations. Prenons un exemple : disons qu’une personne a quatre caries dentaires et que la réparation de chaque dent coûte 200 $. Comment le dentiste et sa famille décideront-ils en leur âme et conscience de traiter les caries nos 1, 2 et 3 et d’attendre jusqu’à l’an prochain pour traiter la carie no 4?
On parle ici de biologie du corps humain. La carie dentaire continuera de progresser, et cela aura une incidence sur la santé mentale de la personne comme sur sa santé systémique.
Il faut en discuter sérieusement. Pour maximiser cette valeur maintenant, je crois qu’il faut d’abord utiliser les écoles dentaires dont nous parlons. À l’heure actuelle, sans aucun soutien, nous pouvons soigner 370 000 patients par an. Nous sommes donc tout à fait en mesure de doubler ce chiffre si nous avons l’appui du gouvernement fédéral. Ce serait une façon de procéder. Merci.
Le président : Merci, docteur.
Le sénateur Gignac : Ma question s’adresse également au Dr Siqueira. Essayez de ne prendre qu’une minute pour répondre, afin de donner plus de temps à mes collègues.
Vous soulevez une question et une préoccupation importantes, docteur, à savoir que beaucoup de gens — peut-être les pauvres — n’ont pas d’emblée les 300 ou 400 $ à consacrer à ces soins.
Deuxièmement, au sujet du fait que vous n’avez pas été consulté et que le gouvernement provincial n’a pas été consulté avant que le gouvernement fédéral lance cette nouvelle initiative, n’oubliez pas qu’il ne s’agit que d’une mesure provisoire, qui précède l’élaboration d’un programme national public à long terme de soins dentaires.
La question est simple : étant donné que ce projet de loi, ou une partie de ce projet de loi, ne semble pas être bien conçu ou structuré, vous inquiétez-vous de ses répercussions sur votre école dentaire? Serait-il préférable que le gouvernement reporte son adoption de six mois ou d’un an pour avoir le temps de discuter avec les provinces et les écoles dentaires d’un projet de loi mieux structuré plutôt que de donner suite rapidement à celui-ci? En une minute, s’il vous plaît.
Dr Siqueira : Je suis désolé, mais je suis professeur. Je vais essayer de m’en tenir à une minute, mais, en général, les professeurs aiment parler longuement.
Très simplement, la réponse est non, pas du tout. Je pense que c’est un bon début et qu’il faut s’y mettre le plus tôt possible. Parce que les soins dentaires sont une question de santé publique au Canada et qu’aucun gouvernement n’a jamais pris ce genre de mesures. Je suis très heureux de voir que le gouvernement a pris cette initiative.
Ce n’est évidemment pas parfait, mais c’est un bon début. J’espère qu’après cette réunion, le gouvernement et les sénateurs comprendront que les écoles dentaires et les spécialistes, les experts qui œuvrent dans les écoles dentaires et dans l’infrastructure, doivent participer à ce projet. Cela fait une minute.
Le sénateur Gignac : Merci.
Le sénateur Smith : J’aurais une autre question pour le Dr Siqueira. Vous avez dit que les écoles de médecine dentaire peuvent actuellement accueillir entre 300 000 et 350 000 patients. Le programme accroît la demande de services dentaires. Les écoles dentaires seront-elles prêtes à l’absorber, surtout dans les régions rurales et éloignées? Nous n’en avons pas parlé. Pourriez-vous également nous parler de la qualité des services dentaires et des écoles dentaires comparativement aux cliniques privées?
Dr Siqueira : Certainement. Merci. Comme je l’ai déjà dit, nous recevons actuellement entre 350 000 et 370 000 patients par an. Nous pourrions doubler ce chiffre avec les ressources nécessaires.
C’est effectivement une autre préoccupation partagée par toutes les écoles dentaires au sujet des régions rurales et éloignées et le fait que, comme vous le savez, il est très difficile d’attirer des dentistes dans ces collectivités, notamment dans les communautés autochtones.
Je peux vous donner un exemple de la Saskatchewan. Dans le nord de la province, 80 % des soins dentaires sont prodigués par nos cliniques.
Le sénateur Smith : Serait-il possible de créer une 11e école dentaire dans l’un des trois territoires du Nord? Quand cela arrivera-t-il? Parce qu’il est plus difficile pour nous d’avoir un programme national qui couvre la grande majorité de notre population.
Dr Siqueira : Merci beaucoup. Je ne suis pas ici pour préconiser la création d’une autre école dentaire, mais je pense que nous avons besoin d’un plus grand nombre d’écoles dentaires réparties dans tout le pays.
J’aimerais attirer votre attention et celle des sénateurs sur un projet que nous allons lancer en août 2023. Il s’agit du programme des thérapeutes dentaires. Il sera essentiellement... il y aura des salles de classe en ligne, et les cliniques seront des cliniques satellites comptant chacune un très petit nombre d’employés et de professeurs. Cette initiative peut être élargie non seulement ici en Saskatchewan, mais aussi dans les territoires et d’autres régions du pays sans qu’on ait à doubler les ressources.
Le sénateur Yussuff : Compte tenu des contraintes de temps, j’aurais une brève question à poser à la suite de ce qui a été dit tout à l’heure au sujet de l’allocation de logement.
Un amendement apporté au projet de loi fera certainement augmenter l’allocation de logement — pas une augmentation, mais aussi une facturation qui passera de 75 à 90 % des frais de gîte et de couvert. C’est un amendement proposé par le NPD, qui a été ajouté au projet de loi.
Madame Whitzman, je voudrais vous demander si vous voyez cela comme un progrès, compte tenu de certaines de vos remarques tout à l’heure dans votre intervention.
Mme Whitzman : Je pense que c’est ma collègue, Mme Kapoor, qui va vous répondre.
Mme Talwar Kapoor : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Selon notre interprétation du projet de loi, le libellé semble indiquer qu’il serait plus difficile pour les personnes qui vivent dans des logements ou des ménages à plusieurs locataires d’y être admissibles. Donc, par exemple, si un locataire avait un loyer de 400 $ par mois dans un logement privé, le revenu admissible selon les autres lignes directrices de ce supplément au loyer ferait en sorte qu’il devrait avoir un revenu de 1 200 $ pour être admissible. Mais à 75 % de 400 $, cela voudrait dire qu’on tiendrait compte d’une part de 300 $ de ce loyer, ce qui ferait passer le revenu admissible à 900 $.
Peut-être essaie-t-on d’élargir l’admissibilité aux personnes qui vivent dans ces logements très abordables, mais, d’après le texte, il semble en fait que ce soit plus limité et que les locataires qui vivent dans des maisons de chambres ou des pensions devraient avoir un revenu admissible inférieur pour être admissibles à la prestation.
Le sénateur Yussuff : Docteur Siqueira, concernant ce que vous avez dit au sujet de l’accès à vos écoles dentaires, vous ne proposez pas de réserver l’accès aux prestations aux familles canadiennes à faible revenu qui vont dans votre école, n’est-ce pas? Nous voulons évidemment qu’elles aient accès aux soins dentaires et à l’hygiène dentaire partout où elles le peuvent. Je reconnais par ailleurs que les écoles dentaires et les cliniques privées coûtent cher, mais nous voulons nous assurer que les Canadiens aient accès à ces services, peu importe où ils sont offerts.
Dr Siqueira : Absolument, monsieur le sénateur. Je suis ici simplement pour faire valoir que ces 10 écoles dentaires devraient participer à cette grande initiative.
Le sénateur Loffreda : J’aurais une question pour le Dr Siqueira, mais, auparavant, je dois dire que je suis curieux et intéressé et que j’aimerais recevoir un rapport écrit du National Right to Housing Network, dont l’objectif est d’éradiquer l’itinérance, pour qu’il nous fasse part d’idées, de propositions et d’études sur la façon de s’y prendre et sur ce qui aurait été plus efficace que le projet de loi C-31 actuel. Parce que Mme Whitzman a laissé entendre, en réponse à une question de la sénatrice Pate, qu’elle avait beaucoup à offrir. J’aimerais donc, si nous n’abordons pas certains aspects ici, avoir cela par écrit. Merci.
Docteur Siqueira, vous avez dit que le projet de loi C-31 compromettrait l’éducation des étudiants et la qualité des candidats et qu’il mettrait en péril l’intégration des étudiants étrangers. Les universités canadiennes devraient-elles modifier leur stratégie de recrutement du point de vue de l’équilibre entre étudiants canadiens et étudiants étrangers?
Je dis cela parce que je sais — ayant siégé au conseil d’administration d’une grande université canadienne — que les étudiants étrangers représentent une part importante de leur budget. Il paraît aussi que 50 % des diplômés universitaires étrangers ne produisent pas de déclaration de revenus au Canada. Nous ne retenons donc pas 50 % de ces étudiants.
Donc, pour accroître la capacité, ce qui est préoccupant, pour maintenir la qualité du service dont nous bénéficions effectivement et que les Canadiens méritent, croyez-vous que les universités canadiennes devraient modifier cet équilibre?
Dr Siqueira : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Il faudrait en effet approfondir la réflexion à ce sujet, et il serait très difficile de répondre à votre question en une minute.
Je suis également en faveur de la présence d’étudiants étrangers dans les universités, parce que nous devons accroître la diversité, l’inclusion et l’expertise que les étudiants et les universitaires étrangers apportent au Canada.
Le sénateur Loffreda : À votre avis, donc, la solution ne consiste pas à modifier l’équilibre entre étudiants canadiens et étudiants étrangers. Vous conserveriez l’équilibre actuel?
Dr Siqueira : Dans les écoles dentaires, nous avons un nombre minimal d’étudiants étrangers. Pour obtenir un permis de travail au Canada après avoir obtenu son diplôme, il faut être citoyen canadien ou résident permanent. Dans notre école dentaire, nous limitons le nombre d’étudiants étrangers à 10 %. C’est la même chose partout au Canada.
J’ai expliqué dans mon exposé que nous avons des dentistes formés à l’étranger qui ont obtenu leur diplôme à l’extérieur du Canada et qui immigrent au Canada; ils sont maintenant résidents permanents ou citoyens canadiens, mais ils ne peuvent pas travailler comme dentistes au Canada. Ces écoles dentaires peuvent aider ces gens à combler les un ou deux ans de formation qui leur manquent pour pouvoir travailler comme dentistes au Canada. C’est un autre aspect important que j’aimerais faire valoir.
Le sénateur Loffreda : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vais être bref. Je ne voudrais pas vous faire grincer des dents.
Docteur Siqueira, pouvez-vous nous brosser un portrait de la rapidité des soins offerts en milieu universitaire et ceux offerts en clinique privée? Ma question concerne la rapidité des soins et la fréquence des rendez-vous pour un enfant, parce que je pense sincèrement que le gouvernement devrait avoir un minimum de souci d’efficacité dans son projet de loi.
[Traduction]
Dr Siqueira : Merci beaucoup. La qualité des écoles dentaires et des cabinets dentaires privés est absolument la même, parce que tous les dentistes des cabinets dentaires sont diplômés de nos écoles dentaires et que nous avons des normes très élevées.
On peut obtenir un rendez-vous très rapidement. Nos délais d’attente ne sont pas longs, et, si un enfant a besoin d’une consultation aujourd’hui, il pourra l’obtenir dans nos écoles dentaires dès demain. Ce n’est pas un gros problème.
La sénatrice Bovey : J’en suis toujours à la question des soins dentaires, si vous le permettez. Je sais très bien que certains des traitements dont les enfants ont besoin sont mieux administrés dans les hôpitaux et les salles d’urgence.
Pourriez-vous me dire dans quel délai un enfant peut être admis à l’hôpital à partir d’une école dentaire pour ce type de service, qu’il s’agisse d’une chirurgie faciale ou plus, comparativement à une clinique privée? Ce financement facilitera-t-il les choses dans ce genre de situation?
Dr Siqueira : Merci beaucoup de votre question, madame la sénatrice.
Effectivement, vous soulignez un point très important. Certaines interventions pour les enfants ou pour les adultes doivent se faire dans les salles d’opération des hôpitaux, et cela prend un peu plus de temps. Cela ne dépend pas des écoles dentaires, mais du gouvernement provincial, du système de soins de santé et de la disponibilité de rendez-vous. C’est un peu comme un cabinet dentaire privé. Les cabinets dentaires privés n’ont pas de salles d’opération, de sorte que ces interventions doivent passer par le système de soins de santé.
La sénatrice Bovey : Merci.
La sénatrice Pate : J’aimerais revenir à Mme Whitzman et à Mme Kapoor. J’aimerais savoir ce que vous recommanderiez au gouvernement en matière de normes nationales, non seulement dans le cadre de cette initiative, mais aussi dans le cadre des initiatives économiques plus générales dont vous avez parlé.
Deuxièmement, y aurait-il des dispositions susceptibles d’être incluses dans ce projet de loi pour empêcher certaines des mesures de récupération que nous avons pu constater lorsque des provinces ont profité des prestations aux travailleurs et de la prestation d’urgence? Pourrait-on instaurer des mécanismes pour améliorer ce projet de loi?
Mme Whitzman : Ce sont d’excellentes questions, madame la sénatrice. Je vais commencer, puis je passerai la parole à Mme Kapoor.
À mon avis, tout comme il y a des normes nationales applicables aux soins de longue durée et à l’enseignement primaire et secondaire, il devrait y avoir des normes nationales applicables au logement pour éviter la récupération. Il faudrait notamment mieux contrôler les loyers en cette période où les taux d’inoccupation sont très bas. Je ne dis pas qu’il n’est pas nécessaire d’augmenter l’offre de logements locatifs, au contraire.
Il serait honteux de réduire ces prestations sous forme de changements de loyer à court ou à long terme, ce qui peut parfois se produire facilement dans les maisons de chambres sans permis, pour vous donner un exemple précis.
Je vais maintenant laisser la parole à Mme Kapoor, car je sais qu’il ne reste qu’une minute.
Mme Talwar Kapoor : Merci beaucoup, madame Whitzman. Merci de votre question, madame la sénatrice.
Concernant plus précisément le logement, je dirais que le cadre du droit au logement prévoit entre autres normes la sécurité d’occupation, la sûreté, la qualité et l’abordabilité.
De façon plus générale, en matière de politique sociale, je dirais que la façon dont le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux peut s’appuyer sur ce qui se fait par l’entremise du TCS, c’est-à-dire le transfert canadien en matière de santé. Nous savons que les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent respecter les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé s’ils veulent avoir accès au financement des soins de santé.
Selon certaines études non publiées sur l’augmentation nécessaire du Transfert canadien en matière de programmes sociaux ou TCPS pour l’amener au même niveau proportionnel que le TCS quand celui-ci a été lancé en 2008, il faudrait des milliards de dollars de plus en financement du TCPS, non pas pour remplacer le financement du TCS, mais pour garder les mêmes montants proportionnels qu’en 2008. Si cet argent devait être investi, je proposerais que la qualité continue d’être la norme et que les gens ne soient pas à 40 % de la mesure du panier de consommation, ce qui est le cas pour beaucoup de ceux qui reçoivent de l’aide sociale.
Je proposerais aussi d’empêcher la récupération, car les gens sont ce qu’ils sont; ils ne travaillent pas en vase clos dans les différents paliers de gouvernement et ministères. La limitation de la récupération devrait être une autre norme.
Le président : Merci, madame Kapoor.
[Français]
La sénatrice Galvez : Je voudrais poser la même question que j’avais posée lors de la dernière rencontre.
[Traduction]
Professeur Siqueira, compte tenu du coût élevé des traitements dentaires, 650 $ ne couvriront pas grand-chose, selon l’importance des soins nécessaires. Comme vous l’avez déjà expliqué, cela peut couvrir un examen, une radiographie et quelques soins par enfant.
Pouvez-vous nous dire à combien se monte généralement le coût des soins dentaires pour un enfant?
Dr Siqueira : Merci, madame la sénatrice. Il n’est vraiment pas facile de répondre à cette question, parce que cela dépend du traitement. Je peux dire que, entre 290 et 650 $, il n’y a pas assez pour offrir des soins dentaires complets à un enfant, surtout à la clientèle des écoles dentaires. Ces enfants n’arrivent pas avec une seule carie, mais avec trois à cinq caries et avec d’autres problèmes de santé buccodentaire. Il est difficile de vous donner un chiffre. Chaque cas est différent, mais 290 $ ne suffiront pas à couvrir les soins buccodentaires.
La sénatrice Galvez : Merci.
Le président : Il reste quelques minutes avant la levée de la séance, chers collègues. Je vais demander à la sénatrice Duncan et au sénateur Boehm s’ils ont des questions à poser, auquel cas nous inviterons les témoins à envoyer leurs réponses par écrit.
La sénatrice Duncan : Je serai très brève. Ma question s’adresse au Dr Siqueira.
Avez-vous examiné l’annonce récente du gouvernement selon laquelle le processus de facturation pour le crédit de 650 $ serait semblable au processus des services de santé non assurés et à son calendrier de services? Le docteur Siqueira pourrait-il nous faire savoir par écrit si le milieu dentaire a examiné cette gamme de services et s’il a des recommandations à nous faire?
Le sénateur Boehm : Je voudrais revenir sur une question posée par la sénatrice Marshall au tout début de la réunion d’aujourd’hui et demander si, à votre avis, le versement unique de 500 $ aux locataires admissibles n’est guère plus qu’une goutte d’eau dans la mer. Merci.
Le président : Chers collègues, notre temps est écoulé. Merci aux témoins d’être venus nous voir aujourd’hui. Vos témoignages ont été très appréciés et très instructifs. Merci de bien vouloir nous faire parvenir vos réponses écrites d’ici la fin de la journée du mercredi 9 novembre 2022.
Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu demain, mercredi 2 novembre à 18 h 45. Nous poursuivrons notre étude du projet de loi C-31 et entendrons trois ministres, à savoir le ministre Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé, le ministre Ahmed Hussen, ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion et la ministre Diane Lebouthillier, ministre du Revenu national du Canada.
Merci encore à tout le personnel de soutien du comité, présent dans la salle ou dans les coulisses. Je vous remercie de tout ce que vous faites et qui nous permet de faire notre travail de sénateurs.
(La séance est levée.)