LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 22 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 8 h 46 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur du projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs ainsi qu’aux téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent sur sencanada.ca.
[Français]
Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant faire un tour de table et demander à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Gignac : Clément Gignac, du Québec
Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, sénatrice du Manitoba.
La sénatrice Duncan : Pat Duncan, sénatrice du Yukon.
La sénatrice Pate : Kim Pate, depuis les magnifiques rives du Kitchissippi, sur le territoire non cédé et non soumis du peuple algonquin anishinabe.
[Français]
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : Merci, honorables sénateurs et sénatrices.
Ce matin, nous entamons notre étude de la teneur du projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022, renvoyé au comité le 17 novembre 2022 par le Sénat du Canada.
[Français]
Nous avons le plaisir, encore ce matin, d’accueillir M. Yves Giroux, directeur parlementaire du budget. À vous et à votre équipe, au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je vous remercie beaucoup d’avoir encore une fois accepté notre invitation — comme toujours —, afin de montrer aux Canadiens et Canadiennes la transparence, la reddition de comptes, la prévisibilité et la fiabilité des budgets.
[Traduction]
Il est accompagné de Mme Kristina Grinshpoon, directrice, Analyse financière. Bienvenue à vous deux et merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il est toujours très instructif, monsieur Giroux, de vous accueillir, vous et votre équipe. Votre témoignage nous aide toujours, au nom de tous les Canadiens, à nous concentrer sur les grands principes de transparence, de responsabilité, de fiabilité et de prévisibilité.
[Français]
Nous allons maintenant vous céder la parole pour que vous puissiez faire vos commentaires; ensuite, les sénateurs vous poseront des questions. Monsieur Giroux, la parole est à vous.
[Traduction]
Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, merci de l’invitation de comparaître aujourd’hui devant vous. Nous sommes ravis d’être ici pour discuter de notre analyse du projet de loi C-32, la loi d’exécution de l’Énoncé économique de l’automne, que nous avons publiée dans notre rapport intitulé Énoncé économique de l’automne 2022 — Enjeux pour les parlementaires le 15 novembre 2022.
Je suis accompagné aujourd’hui de Kristina Grinshpoon, directrice de l’analyse financière.
En vertu du mandat législatif du DPB visant à fournir des analyses indépendantes et impartiales afin d’aider les parlementaires à remplir leur rôle constitutionnel consistant à demander des comptes au gouvernement, notre rapport sur l’énoncé économique de l’automne met en lumière des enjeux clés visant à aider les parlementaires dans leurs délibérations budgétaires.
En ce qui concerne le financement et les nouvelles mesures budgétaires, les révisions apportées aux perspectives économiques du secteur privé et à l’évolution budgétaire dans l’énoncé économique de l’automne procurent une nouvelle marge de manœuvre financière de 81,2 milliards de dollars, ce qui permet de financer 52,2 milliards de dollars en nouvelles mesures nettes de 2022-2023 à 2027-2028. Il convient de souligner la bonification de 4 milliards de dollars apportée par le gouvernement à l’Allocation canadienne pour travailleurs, qui permettra de verser automatiquement des paiements anticipés aux particuliers qui étaient admissibles à l’allocation au cours de l’année d’imposition précédente. Le coût substantiel de cette mesure est en grande partie attribuable à la décision stratégique du gouvernement de ne pas recouvrer ces paiements anticipés lorsque les revenus des bénéficiaires augmentent et que ces derniers ne sont plus admissibles aux prestations, ou qu’ils y sont à un niveau inférieur. Le fait de ne pas exiger le remboursement des prestations fédérales pour les particuliers non admissibles constitue un écart marqué par rapport au régime fédéral d’imposition et de transferts actuel.
[Français]
En outre, le gouvernement a annoncé 14,2 milliards de dollars en nouvelles mesures sans fournir de détails sur ces dépenses qui représentent 27 % de l’ensemble des nouvelles mesures de l’Énoncé économique de l’automne 2022, soit environ 52 milliards de dollars. Ce manque de transparence pose des défis pour les parlementaires et les membres du public au cours de l’examen des plans de dépenses du gouvernement.
La ponctualité des rapports financiers continue également de poser des défis. Cette année, les Comptes publics du Canada ont été déposés le 27 octobre, soit sept mois après la clôture de l’exercice. Le Canada ne respecte toujours pas la norme de pratique avancée des lignes directrices du Fonds monétaire international en matière de rapports financiers, où il est recommandé aux gouvernements de publier leurs états financiers annuels dans un délai de six mois. Les parlementaires voudront peut-être demander au gouvernement de publier les Comptes publics et les rapports sur les résultats ministériels, qui n’ont pas encore été publiés, dans un délai maximum de six mois suivant la clôture de l’exercice.
Enfin, le gouvernement a souligné qu’il avait dépassé sa première cible d’examen des dépenses de 3 milliards de dollars en réalisant des économies de 3,8 milliards de dollars grâce à des dépenses moins élevées que prévu pour certaines mesures de soutien liées à la COVID-19 au cours de l’exercice de 2021-2022 précédent. Toutefois, la source de ces économies n’est pas conforme à l’intention et au calendrier annoncés dans le budget de 2022. L’Énoncé économique de l’automne 2022 n’a fourni aucune explication à cet égard.
Cela remet en question la crédibilité de la révision stratégique des politiques, qui doit être lancée et qui est censée générer des économies de 6 milliards de dollars d’ici 2026-2027 et de 3 milliards de dollars par an.
Kristina et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions sur notre analyse de l’Énoncé économique de l’automne 2022 ou sur tout autre aspect du travail du Bureau du directeur parlementaire du budget.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Giroux.
[Traduction]
Honorables sénateurs et sénatrices, nous allons maintenant passer aux questions. J’aimerais vous dire que vous aurez un maximum de cinq minutes chacun pour un seul tour de questions. Nous avons un autre groupe de témoins qui comparaît à 10 heures; par conséquent, veuillez poser vos questions directement aux témoins, qui sont priés de répondre de manière concise. La greffière m’avertira lorsque le temps sera écoulé.
La sénatrice Marshall : Merci, monsieur Giroux, à vous et votre personnel, d’être ici ce matin, et merci pour tous les excellents rapports que vous produisez.
Ma première question porte sur les dépenses liées aux Autochtones; elles sont mentionnées à l’annexe 1 de l’énoncé économique de l’automne. Y a-t-il un moyen de faire le suivi de ce financement lorsque vous regardez le budget des dépenses pour les deux ministères relatifs aux Autochtones? Il y a beaucoup de revendications et différents types de traités. La liste n’en finit pas.
Y a-t-il un moyen pour les parlementaires de suivre cet argent? Certaines des sommes sont assez élevées : 20 milliards de dollars, 5 milliards de dollars. Elles apparaissent comme des postes assez importants. Existe-t-il un moyen d’en faire le suivi?
M. Giroux : C’est une bonne question, parce que nous avons parfois du mal à suivre l’argent nous-mêmes, étant donné que le rapprochement entre le budget, l’énoncé économique de l’automne, le Budget principal des dépenses, le Budget supplémentaire des dépenses et les plans ministériels est un exercice difficile et complexe. La meilleure façon de s’assurer que vous pouvez suivre ces dépenses est probablement de demander aux représentants ministériels — le sous-ministre et ses représentants — de comparaître devant le comité afin de vous présenter un rapprochement clair et de fournir des réponses à vos questions précises.
La sénatrice Marshall : Dans votre rapport, vous parlez des 5,7 milliards de dollars et des 8,5 milliards de dollars. Vous les remettez en question en ce qui concerne la transparence budgétaire. Est-ce un problème lorsque vous examinez d’autres documents financiers? Je sais que dans le Budget des dépenses du Conseil du Trésor, ou c’était peut-être dans le Budget supplémentaire des dépenses, il est question d’un « fonds de prévoyance ». S’agit-il d’un problème lié simplement à l’énoncé économique de l’automne ou est-ce plus répandu que cela?
M. Giroux : Je dirais que c’est plus répandu que cela; ce n’est pas juste propre à l’énoncé économique de l’automne. Chaque fois qu’il y a un budget, un énoncé économique ou tout autre document gouvernemental, il n’y a pas une pleine transparence, surtout lorsqu’il s’agit de passifs éventuels ou de fonds mis de côté pour des décisions de dépenses futures. Nous nous retrouvons donc avec, d’une part, cette ligne qui apparaît — les passifs éventuels — ou des pressions relatives aux décisions à venir.
Mais lorsque les fonds liés à ces marchés réservés sont annoncés, il est rare que le gouvernement nous fournisse ce lien. Il est rare qu’il dise que le financement a été prévu dans une ligne particulière, le marché réservé pour les décisions à venir ou les pressions qui sont connues, ce qui nous laisse avec le problème de trouver la source exacte des fonds. Le gouvernement dira souvent que cela a été prévu dans le budget — le budget de 2021 ou le budget de 2022 — mais il n’est pas toujours évident exactement de quelle ligne il s’agit.
La sénatrice Marshall : Pour revenir à un problème que nous avons vu l’année dernière, est-il possible d’utiliser les fonds comme double financement; est-ce un risque?
M. Giroux : C’est toujours un risque lorsque nous ne connaissons pas la source exacte des fonds, mais je ne dirais pas que cela entraîne un quelconque détournement de fonds. C’est plutôt une question de transparence et de savoir quelle ligne...
La sénatrice Marshall : J’essaie de suivre.
M. Giroux : Oui.
La sénatrice Marshall : D’accord.
Ma prochaine question porte sur l’impôt sur les rachats d’actions. Avez-vous travaillé en ce sens? Il semble que le gouvernement ait augmenté l’impôt sur les sociétés pour les encourager à investir, ce qui semble contre-productif. Vous êtes‑vous penchés sur ce domaine? Par exemple, pourquoi 2 % et non pas 1 %?
M. Giroux : Il vaudrait probablement mieux poser à la ministre elle-même la question de savoir pourquoi 2 % plutôt que 1 %.
Nous avons cherché à estimer le revenu généré par une telle mesure. Je ne suis pas sûr si nous pourrons fournir une estimation précise, parce qu’il est difficile d’avoir des données fiables sur les rachats d’actions, en particulier sur le comportement des sociétés après l’entrée en vigueur de l’impôt. Nous soupçonnons qu’il y aura beaucoup de rachats d’actions anticipés avant l’entrée en vigueur de la disposition, de sorte que moins de rachats d’actions seront soumis à la taxe.
La sénatrice Marshall : Savez-vous si le gouvernement a fixé un objectif quant au niveau d’investissement qu’il aimerait voir à la suite de l’imposition de cette taxe?
M. Giroux : Non, je ne suis au courant d’aucun objectif précis. En fait, je serais surpris s’il y en avait un. Je soupçonne personnellement qu’il s’agit probablement de faire une déclaration d’intentions plutôt que d’avoir un objectif précis à l’esprit.
La sénatrice Marshall : Monsieur Giroux, j’ai un problème avec tous ces programmes que le gouvernement finance pour aider les gens à composer avec l’inflation. Une somme d’argent est distribuée pour le remboursement de la TPS; une somme d’argent est distribuée pour autre chose; différents groupes sont touchés. Y a-t-il un moyen d’évaluer qui reçoit ces fonds? S’agit-il toujours des mêmes groupes ou est-ce que c’est plus réparti que cela? Y a-t-il un moyen de déterminer s’il y a des groupes de personnes qui sont dans le besoin et qui ne reçoivent rien ou ne reçoivent qu’un montant très minime? J’examine la question d’un point de vue global, par opposition aux programmes individuels.
M. Giroux : C’est une question intéressante. Étant donné que la plupart de ces programmes qui fournissent une mesure d’allégement de l’inflation s’adressent à ceux qui se trouvent au bas de l’échelle des revenus, je pense que plusieurs de ces bénéficiaires reçoivent plus qu’un type d’avantages. Par exemple, en raison du seuil de revenu, le montant de 500 $ pour le loyer sera probablement remis aux personnes mêmes qui bénéficieront du doublement du crédit pour la TPS. Il y aura probablement beaucoup de recoupements entre ces avantages, étant donné qu’ils sont concentrés à un niveau de revenu inférieur au seuil du crédit pour la TPS.
La sénatrice Marshall : Y a-t-il un moyen d’évaluer cela?
M. Giroux : Oui, c’est certainement possible. Si le comité nous demande de le faire, nous pourrions certainement l’examiner.
La sénatrice Marshall : Merci.
[Français]
La sénatrice Moncion : Bienvenue, monsieur et madame. C’est toujours un plaisir de vous voir. Ma question touche la page 8 de votre document. Vous mentionnez ceci :
Il convient de souligner la bonification de 4 milliards de dollars apportée par le gouvernement à l’Allocation canadienne pour travailleurs [...]
À la dernière phrase, vous dites ce qui suit :
Le fait de ne pas exiger le remboursement des prestations fédérales pour les particuliers non admissibles constitue un écart marqué par rapport au régime fédéral d’imposition et de transferts actuel.
Pourriez-vous expliquer cette variance et la mesure?
M. Giroux : La mesure qui n’est pas explicite dans la mise à jour économique vise à fournir à l’avance l’Allocation canadienne pour travailleurs en se basant sur ce qui est connu du profil de revenu des travailleurs. Si un travailleur ou une travailleuse se qualifie pour l’Allocation canadienne pour travailleurs, le gouvernement propose de lui verser à l’avance une plus grande proportion de l’allocation pour l’année en cours.
Normalement, dans les prestations fiscales, une fois que la personne fournit sa déclaration de revenus, si son revenu dépasse les seuils qui la rendraient inadmissible, le gouvernement récupérerait une partie ou la totalité des montants versés en trop. Ce n’est pas quelque chose qui est hors de l’ordinaire ou du jamais-vu de verser certaines prestations à l’avance dans le régime fiscal.
Ce qui est du jamais-vu, c’est de laisser les gens profiter de ces montants s’ils n’étaient pas admissibles, par exemple parce qu’ils ont gagné un montant qui dépasse les seuils. Cela peut donner lieu à des situations où quelqu’un passe d’un revenu de 20 000 $, et est donc admissible à l’Allocation canadienne pour travailleurs, et se retrouve avec une meilleure année et gagne 50 000 $ ou 70 000 $. On peut imaginer toutes sortes de scénarios plus élevés que cela, mais le gouvernement considère que vous avez eu quelques centaines de dollars de prestations, auxquelles vous n’aviez pas droit normalement, mais on vous laisse ces montants.
C’est ce que disait la phrase. C’est un départ significatif comparativement à ce qu’on voit dans le régime fiscal et cela explique pourquoi tout cela coûte 4 milliards de dollars sur cinq ou six ans, ce qui n’était malheureusement pas mentionné explicitement dans la mise à jour de l’automne. La mise à jour de l’automne parlait du versement anticipé de l’Allocation canadienne pour travailleurs et indiquait un coût, mais ne mentionnait nulle part que le gouvernement n’allait pas essayer de récupérer ces montants pour ceux et celles qui gagnent au‑delà du seuil maximum de revenu.
La sénatrice Moncion : Vous dites que c’est du jamais-vu?
M. Giroux : À ma connaissance, c’est du jamais-vu dans le régime fiscal. Cela a peut-être été fait dans certains cas pour les prestations liées à la COVID-19, où le gouvernement a modifié les règles après l’introduction des prestations pour éviter des situations malheureuses, mais dans le régime fiscal dans son ensemble, oui, c’est du jamais-vu.
La sénatrice Moncion : Merci. La deuxième question touche la page 11; c’est la dernière phrase où vous dites ceci :
De plus, le gouvernement a prévu un financement supplémentaire de 2,25 milliards de dollars sur six ans pour assurer une prestation de services plus efficace, plutôt que de réduire les dépenses en examinant l’efficacité de ses opérations.
J’aime beaucoup cette phrase, parce qu’on semble oublier de faire une réingénierie des opérations à un moment donné. Cependant, je voudrais comprendre. Dans le contexte de votre rapport, vous laissez entendre que le gouvernement investit plus d’argent et fait moins de travail pour modifier les opérations. Pensez-vous que ce sont des économies réelles?
M. Giroux : Ce que je voulais dire par cette phrase, c’est que le gouvernement fait face à des retards dans le traitement de plusieurs types de services. Par exemple, on a vu la catastrophe des passeports, on a vu les retards dans les aéroports, on voit aussi les retards dans le traitement des demandes d’immigration, de la Sécurité de la vieillesse, de l’assurance-emploi; il semble y avoir des problèmes généralisés, sans parler de l’accès à l’information.
Plutôt que de considérer de réajuster la prestation de services ou la façon de livrer ces services, le gouvernement semble plus disposé à accroître les ressources sans procéder à des examens de productivité, tout cela alors qu’on se fait dire, depuis presque deux ans, que la fonction publique est plus efficace avec le télétravail ou le mode de travail hybride. Je voulais attirer l’attention sur le fait qu’il semble y avoir quelque chose qui ne fonctionne pas entre ce que l’on nous dit et la réalité.
La sénatrice Moncion : Merci beaucoup. C’est une excellente explication et cela aurait été intéressant de le voir écrit comme cela. Je comprends qu’il y a des choses qu’on ne peut pas toujours écrire. C’est dommage, j’avais d’autres questions.
Le sénateur Gignac : Bienvenue encore une fois à notre comité, monsieur Giroux. Votre présence est toujours appréciée. J’aime bien le titre de votre document, Énoncé économique de l’automne 2022 : Enjeux pour les parlementaires; on va en avoir pour notre argent en étudiant le projet de loi C-32. J’ai trois questions en cinq minutes. La première, c’est que c’est une marge de manœuvre assez incroyable qui s’est dégagée depuis le budget du printemps dernier. On parle peut-être de 82 milliards de dollars de marge de manœuvre financière qui s’est tout à coup pointée et qui laisse croire que l’inflation a été une source intéressante pour le gouvernement. Pouvez-vous expliquer un peu d’où vient cette marge de manœuvre financière? Est-ce que c’est seulement parce qu’on a sous-estimé l’inflation du côté du gouvernement?
M. Giroux : On estime que c’est environ la moitié qui provient de l’inflation, l’inflation étant plus élevée que prévu. L’autre moitié de cette marge de manœuvre considérable vient du fait que la croissance économique a aussi été plus forte que ce que l’on prévoyait. C’est une combinaison d’une inflation plus élevée que prévu et d’un rebond de l’économie plus vigoureux qu’on l’avait anticipé il y a plusieurs mois.
Le sénateur Gignac : Ma seconde question est la suivante : vous dites que, dans ces 81 milliards de dollars de marge de manœuvre, le gouvernement a utilisé finalement 52 milliards de dollars en nouvelles mesures, et vous soulignez qu’il y a près de 40 % de ces nouvelles mesures qui sont de nature hors cycle. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire par « hors cycle »?
M. Giroux : On utilise cette expression couramment en matière de planification budgétaire. Le gouvernement a une grande occasion chaque année de faire des annonces ou de prendre des décisions de financement pour divers programmes ou des décisions fiscales concernant les impôts; c’est le budget. Il y a aussi une deuxième occasion, qui est la mise à jour économique de l’automne qui, traditionnellement, était uniquement une mise à jour sur la situation économique et budgétaire, mais elle a évolué au fil des ans pour devenir un autre événement pendant lequel les gouvernements peuvent faire des annonces en matière de dépenses ou d’impôts.
Ce sont les deux moments forts dans l’année où les gouvernements font des annonces. Quand on parle des annonces ou des décisions hors cycle, il s’agit de décisions prises en dehors de ces deux événements. Par exemple, le gouvernement a déposé un budget en avril, mais en mai, en juin, en juillet et en août, il a continué de prendre des décisions et de dépenser des fonds. Il a aussi publié une liste que l’on croit exhaustive à la fin de la mise à jour économique de toutes les décisions qui ont été prises et pour lesquelles il n’y avait pas de fonds qui avaient été mis de côté lors du budget. C’est ce qu’on entend par « décisions hors cycle ».
Le sénateur Gignac : [Difficultés techniques] niveau des bonifications des crédits d’impôt, par exemple. Bref, le gouvernement a 80 milliards de dollars de marge de manœuvre de plus qu’au printemps dernier et au-delà de 50 milliards de dollars ont été utilisés, dont 20 milliards de dollars qui ont servi entre le printemps et l’Énoncé économique de l’automne de 2022. Merci pour vos explications.
Voici ma troisième question : vous êtes un peu critique sur différents volets. C’est votre travail de nous éclairer et nous vous en remercions. Quand le gouvernement déclare qu’il a déjà atteint sa première cible de réduction des dépenses de 3 milliards de dollars, il parle d’une économie de 3,8 milliards de dollars, mais vous indiquez que ce n’est pas tout à fait la même définition qui avait été utilisée dans le budget du printemps dernier. Pouvez-vous préciser davantage? Ont-ils vraiment économisé ou est-ce lié au fait que la COVID-19 a coûté moins cher que ce à quoi l’on s’attendait?
M. Giroux : C’est lié au fait que la COVID-19 a coûté moins cher que ce à quoi l’on s’attendait. Il ne s’agit pas de vraies économies. Dans le budget de 2022, le gouvernement s’était engagé à réduire ses dépenses en 2023-2024; c’était en avril 2022. L’année financière était déjà terminée, donc, en novembre, le gouvernement a regardé ce qui s’était passé dans l’année qui s’était déjà écoulée et il s’est rendu compte qu’il avait dépensé un peu moins que prévu pour la pandémie de COVID-19. Le gouvernement s’est donc dit : « C’est déjà arrivé, donc on va prendre le crédit pour ne pas avoir à faire l’examen des dépenses qu’on avait promis de faire il y a quelques mois pour l’année 2023-2024. » Le gouvernement s’est basé sur ce qui s’est produit par le passé pour éviter de faire une réduction des dépenses qui avait été promise pour l’année prochaine.
Le sénateur Gignac : Merci. Je crois qu’on aura de bonnes questions à poser si on a la visite de madame la ministre.
Le président : On verra sûrement la ministre, oui.
[Traduction]
Le sénateur Smith : J’aimerais revenir sur certaines des questions relatives à la rapidité avec laquelle vous recevez l’information par rapport au gouvernement qui la diffuse à temps. Dans votre analyse de l’énoncé économique de l’automne, vous avez noté une différence importante dans les soldes budgétaires entre les projections du gouvernement et celles de votre bureau pour 2027-2028. De 2022-2023 à 2027-2028, votre bureau indique que les dépenses supplémentaires dans l’énoncé économique de l’automne rendraient les déficits budgétaires projetés par le DPB supérieurs de 4,3 milliards de dollars, en moyenne, aux perspectives du gouvernement. Pouvez-vous vous prononcer à ce sujet et nous aider à comprendre pourquoi il y aurait une telle divergence entre les projections de votre bureau et celles du gouvernement?
Je reconnais que votre travail consiste à surveiller ce qui se passe au gouvernement. Le gouvernement a-t-il accès à des renseignements auxquels votre bureau n’a pas accès? Le gouvernement prévoit un excédent budgétaire de 4,5 milliards de dollars en 2027-2028, alors que votre bureau prévoit un déficit de 11,7 milliards de dollars. J’essaie de comprendre. Y a-t-il un problème de communication? Est-ce qu’il retient des renseignements? Cela fait-il partie de la façon dont le gouvernement fonctionne? Y a-t-il quelque chose à faire pour changer cette attitude comportementale?
M. Giroux : Je ne pense pas que ce soit quelque chose que le gouvernement cache. C’est probablement lié aux différences dans les hypothèses concernant la croissance future. Mme Grinshpoon, qui est experte en analyse financière, sera probablement en mesure de répondre de façon plus détaillée que moi.
Kristina Grinshpoon, directrice, Analyse financière, Bureau du directeur parlementaire du budget : Comme M. Giroux l’a mentionné, ce n’est pas lié au fait que le gouvernement retient certains renseignements. Une grande partie est liée aux hypothèses sur les revenus : le gouvernement suppose des rendements fiscaux plus élevés. Au cours des dernières années, il a été en mesure de percevoir beaucoup d’argent — principalement auprès des entreprises — alors que nous ne reportons pas autant de ces rendements plus élevés sur les années à venir.
Une autre partie du problème est liée aux renseignements qu’il avait et que nous n’avions pas vraiment. Les Comptes publics disposaient de renseignements concernant l’impôt sur le revenu des particuliers, et celui-ci a été beaucoup plus élevé que ce que nous avions prévu. Il avait également des dépenses un peu plus élevées que les nôtres. Nous avons des dépenses plus faibles que lui, principalement liées à la réévaluation de certains avoirs de retraite. Nous n’avions pas accès à ces renseignements. Voilà donc les différences entre nos projections et les siennes.
Ici, nous essayons de mettre en évidence la comparaison des perspectives financières. Si nous devions comparer nos perspectives, d’où viendraient les différences? Je considérerais le solde budgétaire rajusté non pas nécessairement comme notre projection révisée, mais plutôt comme un moyen de comparer les deux perspectives et de tirer des conclusions sur l’origine des différences.
Le sénateur Smith : Je ne veux pas être critique, mais se pourrait-il que le gouvernement essaie d’utiliser des tampons ou des délais pour améliorer sa position en ce qui concerne les prévisions qu’il fait? Est-ce une pensée irréaliste? Je me demande simplement ce que vous pensez.
Mme Grinshpoon : Il a ses propres modèles internes quant à la façon exacte dont il prend des décisions concernant le montant du revenu à reporter. C’est son propre jugement personnel et professionnel. Selon notre jugement professionnel, nous n’aurions pas reporté autant que lui.
Le sénateur Smith : Est-ce qu’il discute parfois des différences entre vos projections et les siennes? Y a-t-il des réunions?
Mme Grinshpoon : Il y a des réunions, mais elles sont plus générales et très conceptuelles. Nous n’avons pas accès à sa modélisation particulière.
La sénatrice Bovey : Merci à vous deux d’être ici. Je dois admettre que c’est la première fois que je participe à ce processus en tant que membre du comité, alors je saute droit dans le vif du sujet.
J’aimerais jeter un coup d’œil sur tout ce que vous avez présenté en matière de changement climatique. Comme mes collègues le savent, je reviens tout juste de la COP27, où la grande question internationale était de mettre fin au soutien pour le pétrole et le gaz ou d’éliminer complètement le pétrole et le gaz. Ma question est donc double. J’aimerais connaître les répercussions des crédits d’impôt proposés pour les technologies propres et l’hydrogène propre ainsi que de la proposition consistant à mettre fin au soutien fédéral pour le pétrole et le gaz dans tout le pays, ce qui, si je l’ai bien compris, devrait se produire en 2023. Je pense que cela a été proposé en 2009 dans le cadre de l’engagement du G20. Je ne comprends pas très bien la définition d’une subvention inefficace aux combustibles fossiles. Quel est le lien avec toutes les subventions aux combustibles? Lesquelles seront réellement supprimées l’année prochaine, et comment cela s’articule-t-il avec les crédits d’investissement pour les énergies propres?
M. Giroux : Il y a beaucoup à décortiquer dans votre question, sénatrice Bovey. Vous dites que vous allez dans le vif du sujet, et vous faites la même chose avec moi avec votre question.
Nous n’avons pas examiné l’incidence du crédit pour les technologies propres et l’hydrogène. Bien sûr, on peut penser que l’octroi de crédits d’impôt accélérera l’adoption de ces technologies, mais cela dépend du coût initial de ces technologies. Cependant, ils devraient donner un petit coup de pouce à ces technologies, probablement plus pour les technologies propres que pour l’hydrogène, car l’hydrogène est encore beaucoup plus cher que les combustibles fossiles comparables. C’est probablement tout ce que je peux dire sur le crédit pour les technologies propres.
Lorsqu’il s’agit de mettre fin au soutien pour le pétrole et le gaz, il y a un problème de définition en ce qui concerne le soutien gouvernemental du pétrole et du gaz. Parlons-nous des crédits d’impôt et des subventions qui sont purement ou uniquement disponibles pour le secteur du pétrole et du gaz ou plus généralement de tous les crédits d’impôt qui sont offerts aux entreprises, de manière générale, y compris celles qui œuvrent dans le secteur pétrolier et gazier? Voilà un débat qui peut se poursuivre indéfiniment.
Cela dit, nous avons essayé d’estimer le coût de la suppression des crédits d’impôt propres au secteur pétrolier et gazier. Je n’ai pas les chiffres en tête, mais il est certain que cela contribuera, toutes choses étant égales par ailleurs, à rendre ce secteur légèrement moins concurrentiel et moins susceptible de prospérer.
Au-delà de cela, il est très difficile de déterminer les conséquences particulières que la fin des crédits d’impôt propres au pétrole et au gaz aura sur le secteur, car elles dépendent beaucoup plus du prix global du pétrole et du gaz que des crédits d’impôt eux-mêmes.
La sénatrice Bovey : Est-ce quelque chose que vous allez surveiller dans l’avenir?
M. Giroux : Selon l’intérêt des parlementaires, c’est certainement quelque chose que nous pouvons surveiller dans l’avenir.
La sénatrice Duncan : Merci, monsieur Giroux et madame Grinshpoon, de votre présence ici aujourd’hui. Je vous en suis très reconnaissante.
Il y a deux thèmes que j’aimerais approfondir. Monsieur Giroux, dans votre rapport, vous dites : « [...] ne sont pas attribuables à un examen particulier des plans de dépenses », sans fournir de détails précis sur les dépenses. Dans l’énoncé économique de l’automne, il y a l’expression « plus prudent dans ses actions ».
Le comité a eu du mal à obtenir les plans sur les résultats ministériels, comme vous l’avez également souligné plus tôt. Avez-vous des commentaires ou avez-vous été invité à fournir au gouvernement des conseils sur le rôle du directeur parlementaire du budget dans tout type d’examen des programmes?
M. Giroux : Je peux clairement dire « non ». Le gouvernement demande très rarement, voire jamais, l’avis du directeur parlementaire du budget sur tout ce qu’il fait, alors c’est un « non » clair et net sur ce point.
La sénatrice Duncan : Je vais vous demander cette information.
J’aimerais également faire un suivi du point de vue régional, un point que j’ai tendance à soulever constamment. Il y a des mesures précises dans le document que nous avons devant nous, comme le crédit d’impôt pour l’exploration minière, et votre rapport fait aussi référence aux taux de chômage d’un bout à l’autre du pays. Les taux de chômage d’un bout à l’autre du pays sont incroyablement différents, et le crédit d’impôt pour l’exploration minière, par exemple, contribue vraiment à changer les choses pour le territoire du Yukon et notre taux d’emploi.
Le directeur parlementaire du budget a-t-il la possibilité d’examiner des mesures particulières dans une optique régionale?
M. Giroux : La question de savoir si nous pourrions le faire est quelque chose que nous devrions examiner. Je pense que nous pourrions probablement le faire, mais cela dépendrait de l’obtention de renseignements importants de la part du gouvernement du Canada et de ministères particuliers. Lorsqu’il s’agit d’examiner le crédit d’impôt pour l’exploration minière, ou le CIEM, par exemple, il nous faudrait des renseignements de RNCan quant à l’emplacement des projets et des mines actives.
C’est un exemple. Nous avons besoin d’obtenir beaucoup plus de renseignements que ce que nous avons demandé jusqu’à présent. C’est quelque chose que nous pourrions faire; cependant, cela comporterait un certain niveau d’incertitude.
La sénatrice Duncan : À part le crédit d’impôt pour l’exploration minière, qu’en est-il des autres mesures particulières comme l’allégement fiscal pour les Canadiens dont parlait la sénatrice Marshall? Pourriez-vous appliquer une optique régionale à cela aussi?
M. Giroux : Nous pourrions probablement le faire. Les différences régionales ne seraient pas marquées, je suppose. Étant donné que l’allégement pour l’inflation et toutes ces mesures s’appliquent généralement de façon uniforme dans tout le pays, il y aurait des différences régionales dans la mesure où il y a des variations de revenu dans tout le pays.
Mais nous pourrions probablement jeter un coup d’œil à cela, si le comité le souhaite.
La sénatrice Duncan : Et à l’efficacité, alors, de cet allégement. Merci.
La sénatrice Pate : Merci, monsieur Giroux et madame Grinshpoon, d’être venus. Votre travail est incroyablement précieux pour nous tous, et nous vous remercions de tous vos rapports.
J’aimerais revenir sur le fait que le gouvernement a décrit, en particulier, l’aide aux étudiants et l’aide au logement comme étant destinées à certaines des personnes les plus vulnérables au Canada; pourtant, la lecture de votre rapport et celui de la vérificatrice générale révèle une image légèrement — voire très — différente. Je suis curieuse de savoir comment vous pensez que les mesures présentées dans le cadre du projet de loi C-32 pourraient changer les choses ou beaucoup changer les choses pour les populations vulnérables qui dépendent de l’aide au logement.
Puis, pour les étudiants, le calcul montre que ce n’est pas un grand allégement. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme, le taux était de 18 %, mais en ce moment, l’allégement des taux d’intérêt n’est pas négligeable pour certains, mais il est minime pour d’autres. On a dit que c’est quelque chose qui aidera les gens à s’instruire, mais d’après ce que j’ai compris, à moins que les frais de scolarité ne soient touchés et que d’autres problèmes d’accès à l’éducation ne le soient, cela n’augmentera pas l’accès pour certains des groupes les plus vulnérables particulièrement dans des régions comme le Québec ou les Territoires du Nord‑Ouest, où l’accès à ces programmes de prêts est limité.
Pourriez-vous nous en dire plus sur les répercussions que cela pourrait avoir sur les populations les plus vulnérables, le cas échéant? Quelles sont les mesures, si on vous a demandé conseil — je pense connaître la réponse à cette question — mais si on vous a demandé conseil, quels conseils donneriez-vous au gouvernement sur la meilleure façon de régler ces problèmes?
M. Giroux : Je vais probablement parler de l’aide financière aux étudiants et de l’allégement ou de l’exemption des intérêts sur les prêts étudiants.
Il existe actuellement plusieurs programmes qui offrent un allégement aux anciens étudiants ou à ceux qui ont récemment obtenu leur diplôme et qui se retrouvent dans une situation financière difficile qui leur permet d’éviter le remboursement de leur prêt. Il existe déjà un éventail de programmes dans le cadre de leur programme d’aide au remboursement qui offre une aide aux anciens étudiants ou aux nouveaux diplômés et un allégement pour ceux qui ont un faible revenu.
L’annonce du gouvernement d’éliminer les intérêts sur les prêts étudiants profitera probablement, du moins en bonne partie, à ceux qui ont un bon emploi, car ceux qui se trouvent au bas de l’échelle des revenus bénéficient déjà des prêts étudiants. En fait, lorsque nous avons pris connaissance de cette annonce dans l’énoncé économique de l’automne, nous nous sommes demandé combien d’étudiants continueront de payer des intérêts, car il existe déjà de nombreux programmes qui offrent un allégement de cette nature.
Donc, l’annonce faite dans l’énoncé économique de l’automne est probablement une bonne chose pour les étudiants également, je dirais, peu importe leur revenu. Elle profitera aux personnes qui se retrouvent avec de bons emplois. Nous fournirons notre propre estimation des coûts à cet égard dans les semaines à venir.
En ce qui concerne le logement, je n’ai pas examiné en détail les mesures particulières dans le budget ou dans l’énoncé économique de l’automne, mais nous avons publié quelques rapports au fil des ans sur le logement. Nous constatons que la définition de « logement abordable » ne correspond pas toujours à ce que nous considérons normalement comme tel. Par exemple, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, utilise souvent le loyer médian et tout ce qui est inférieur à celui‑ci comme étant abordable, alors que nous savons que le loyer médian peut être assez cher, surtout à Vancouver et à Toronto.
La sénatrice Pate : Êtes-vous à l’aise de passer à la prochaine étape et de donner des conseils au gouvernement pour aider les populations les plus vulnérables et marginalisées dans ces deux domaines?
M. Giroux : Ce n’est probablement pas quelque chose que je suis à l’aise de faire, mais si le gouvernement demandait des conseils, c’est quelque chose que nous ferions. Mais cela ne fait clairement pas partie de mon mandat.
Le sénateur Boehm : Merci beaucoup d’être avec nous. Je m’excuse d’arriver en retard, et je comprends que certains éléments de ce que je vais demander ont peut-être été demandés plus tôt par la sénatrice Marshall. La sénatrice Marshall et moi avons souvent la même opinion sur des questions comme la transparence financière et la production en temps opportun de rapports.
En ce qui concerne la transparence, votre rapport indique que le gouvernement a annoncé 14,2 milliards de dollars en nouvelles mesures sans fournir de détails sur ces dépenses. Donc, 27 % des dépenses sur les nouvelles mesures décrites dans l’énoncé ne sont fondamentalement pas comptabilisées, et les 14,2 milliards de dollars sont le plus grand montant annoncé sans détails particuliers depuis 2016; c’est ce que je comprends.
Historiquement, s’agit-il d’un problème de longue date? Il s’agit du montant non détaillé le plus élevé depuis 2016, mais estimez-vous qu’il s’agit d’incidents isolés? Le manque de transparence à ce niveau fait-il partie d’une tendance? Comment recommanderiez-vous au gouvernement d’atteindre l’objectif présumé de transparence financière totale?
M. Giroux : C’est un aspect intéressant. Ce n’est pas un cas unique, et ce n’est pas la première fois que nous voyons cela. De fait, c’est le cas depuis plusieurs années maintenant. Le chiffre assez précis semble indiquer que le gouvernement a déjà une très bonne idée des éléments particuliers qui seront financés par ce poste budgétaire.
Il n’est pas facile de répondre à cette question parce que, d’une part, le gouvernement a une assez bonne idée de ce qu’il veut faire avec cet argent, mais, d’autre part, il n’est pas encore prêt à en faire l’annonce.
À tout le moins, je pense que lorsque le gouvernement fera des annonces publiques sur ces éléments qui sont enfouis dans cette ligne, il devrait clairement les relier à cette ligne précise afin que vous, en tant que parlementaires, sachiez où ils ont été financés dans l’énoncé économique de l’automne ou dans le budget. Vous pourrez alors voir plus clairement d’où vient l’argent, au lieu de vous faire dire qu’il a été financé dans l’Énoncé de l’automne ou dans le budget de 2022.
Le sénateur Boehm : Votre rapport dit aussi que le Canada continue de manquer à la norme de pratique avancée des directives du FMI en matière de rapports financiers, qui recommande aux gouvernements de publier leurs états financiers annuels dans un délai de six mois. Une fois de plus, s’agit-il d’une tendance plus récente? Est-ce un problème de longue date? Je ne suis pas sûr de ce qui peut en rendre compte. J’aimerais vous demander : d’après les sondages que vous avez sans doute effectués à l’échelle mondiale, plus précisément parmi les partenaires du G7, font-ils un meilleur travail que le Canada à cet égard? Pourquoi ce délai de six mois est-il si important? Hormis le fait que les parlementaires demandent au gouvernement de respecter ce délai, comme vous venez de le dire, que peut-on faire d’autre pour l’assurer?
M. Giroux : Je dirais qu’il s’agit d’une tendance inquiétante que nous avons observée assez récemment. Il semble y avoir un certain degré de nonchalance à présenter tardivement les comptes publics et à fournir les rapports sur les résultats ministériels en retard, comme s’il n’était pas vraiment important de les fournir quand l’exercice est très avancé. Autrement dit, il vous est demandé, à vous les parlementaires — en fait, plus que demandé, on vous presse de le faire —, de voter sur les crédits avant même d’avoir la moindre idée des résultats de l’année précédente, non seulement dans les comptes publics mais également dans les Rapports sur les résultats ministériels. Voilà pourquoi, selon moi, cela devient un problème. Parce que nous ne savons pas où l’exercice qui s’est terminé nous a menés au chapitre des dépenses totales. Nous ne savons pas non plus comment les ministères ont dépensé et comment ils s’en sont tirés pour l’exercice qui a pris fin en mars. En même temps, le gouvernement dit que nous devons obtenir ce financement rapidement, sinon les programmes s’arrêteront brutalement. Voilà pourquoi c’est un problème.
Pour ce qui est des autres pays, je sais qu’ils font un bien meilleur travail pour présenter ces résultats précis de fin d’exercice dans un délai plus rapide, mais différents pays ont aussi des systèmes de comptabilité et de gouvernance différents. Il est probablement préférable de comparer le gouvernement fédéral aux autres gouvernements en examinant les systèmes de rapports provinciaux ou les délais de production des rapports provinciaux. Les gouvernements provinciaux, en général, accomplissent un bien meilleur travail. J’entends souvent l’argument selon lequel les provinces sont plus petites. Or, si vous administrez un réseau de santé et un système d’éducation, cela représente beaucoup d’éléments constitutifs et ce n’est pas nécessairement plus simple parce que les montants globaux sont plus petits.
Le sénateur Boehm : Merci beaucoup.
Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, le sénateur Loffreda est le parrain du projet de loi C-32.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie, monsieur Giroux et madame Grinshpoon, de votre présence ce matin. Le gouvernement doit préserver une certaine puissance de feu sur le plan budgétaire à l’approche de ce qui, selon de nombreuses personnes, sera une légère récession en 2023. Nous savons tous que les prévisions sont importantes, alors je vais remettre en question certains de vos chiffres ici. Fait plus important encore, ma question tient aux effets du projet de loi C-32 sur l’inflation puisqu’il y aura beaucoup d’arguments. J’ai remarqué certains rapports disant que c’est vert, mais ce n’est pas léger. Cependant, j’estime qu’il existe une certaine responsabilité budgétaire. Je suis satisfait de ce que je vois, mais j’aimerais poser des questions parce que les finances du gouvernement en seront affectées.
En observant votre tableau 1-1, les perspectives économiques, il y a trois chiffres que je remarque. La croissance du PIB réel en 2023 est de 0,7 %. Vos chiffres sont très semblables à ceux de l’énoncé économique de l’automne. Vos chiffres sont de 1,2 % tandis que ceux de l’énoncé économique de l’automne sont de 0,7 %. Certains experts prévoient un taux aussi bas que 0,2 %. J’ai vu un scénario économique négatif de moins 1 % pour l’année prochaine; ce qui pourrait faire déraper les finances publiques si cela se produit. Je suis donc un peu inquiet.
Quant à l’inflation, elle pourrait chuter de façon draconienne de 8,3 % en 2022 à 1,9 % en 2023. Par le passé, il y a toujours eu un lien étroit entre l’inflation et le chômage. Nous le savons tous. J’ai quelques chiffres que je peux partager avec vous si le temps le permet. Avec les récessions passées, ce pourcentage est incroyablement élevé. Nous sommes tous conscients que nous avons des ressources limitées, et nous prévoyons un faible taux de chômage. Toutefois, certains experts, en dépit de ces ressources limitées, rendent ce lien beaucoup plus fort. Nous avons entendu dernièrement dans nos comités des banques que le fait de réduire l’inflation augmente toujours le chômage. Certains avancent un ratio de deux pour un, soit que chaque réduction de 1 % de l’inflation entraîne une hausse de 2 % du chômage. À mon avis, ce ne sera pas le cas, en raison des ressources limitées.
Ma préoccupation est que je suppose, d’après vos prévisions, que vous avez conclu que le projet de loi C-32 n’influera pas sur l’inflation. Pourrais-je avoir vos commentaires à ce sujet? Pensez-vous vraiment que ces projections, après ce que nous avons vu récemment et ce que nous observons actuellement, sont toujours réalistes, étant donné les nombreuses projections que j’ai vues et qui prévoient une croissance nulle ou négative pour l’année prochaine?
M. Giroux : Je vous remercie, sénateur. Pour revenir au dernier aspect de votre question, nous croyons toujours que nos perspectives économiques et financières d’octobre représentent le scénario le plus probable, qui prévoit une croissance très modeste, voire nulle, au dernier trimestre de cette année et au début de 2023, mais une croissance totale d’environ 1,2 % pour toute l’année 2023, avec une nette diminution de l’inflation en 2023 et les années suivantes.
Cela repose sur la supposition que la banque et les grandes banques centrales ne vont pas trop resserrer leur politique monétaire. Pour le Canada, cela voudrait dire que le taux de la Banque du Canada serait d’environ 4 %, sans être beaucoup plus élevé. Cependant, si les banques centrales partout dans le monde, pour une quelconque raison, dépassaient de façon importante ce que nous estimons nécessaire — par exemple, au Canada cela voudrait dire environ 5 % — alors nous pourrions entrer en récession.
Nous croyons encore qu’un ralentissement en 2023 est probable. Les récents chiffres de Statistique Canada, notamment en ce qui concerne les emplois tirés de l’Enquête sur la population active, semblent confirmer notre point de vue.
Cela dit, vous avez également posé une question concernant le lien entre l’inflation et le chômage. Un ratio de deux pour un pourrait être possible dans des circonstances normales, mais ce que nous observons au chapitre de l’inflation est que ce n’est pas complètement national; c’est dû en grande partie à des facteurs externes tels que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la guerre en Europe. Alors comme vous l’avez mentionné — et je suis d’accord avec vous — je ne crois pas qu’il soit nécessaire de voir un ratio deux pour un entre l’inflation et le chômage.
Nous avons examiné l’impact sur l’inflation des mesures annoncées par la vice-première ministre en septembre, et nous avons conclu qu’il y aura un impact minime sur l’inflation; je pense qu’il s’agit d’une augmentation de 0,01 % d’inflation résultant de ces mesures : le crédit pour la TPS, la prestation pour le logement et la prestation de soins dentaires.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie. Je suis satisfait, et, comme nous l’avons mentionné, peut-être que l’impact sur l’inflation, nous l’espérons, ne se concrétisera pas avec l’énoncé économique de l’automne et le projet de loi C-32. Il faut espérer que les hausses des taux d’intérêt cesseront et que l’économie se redressera.
J’aimerais revenir sur la question des délais liés aux rapports financiers, puisque, selon mon expérience, il a toujours été très important d’avoir des états financiers en temps opportun. Vous avez mentionné que nous devrions questionner le gouvernement à cet égard. Le sénateur Boehm a soulevé la question.
Je remarque une note à la page 11, que je vais citer :
En moyenne, au cours de la dernière décennie, les Comptes publics ont été déposés plus de deux mois après la conclusion de l’audit du vérificateur général.
Pourquoi est-ce que cela dure depuis si longtemps? Le fait de présenter des rapports tardivement n’entraîne-t-il pas de conséquences? Dans un sens, la perception que nous avons de la communauté internationale et de tout ce qui concerne les rapports tardifs... pourquoi le gouvernement présente-t-il les rapports tardivement? Pourquoi cela dure-t-il depuis si longtemps? Existe-t-il une solution, d’après votre expérience, à l’avenir?
M. Giroux : Selon moi, si cela dure depuis aussi longtemps, c’est simplement parce qu’il peut le faire. C’est la seule raison valide que je perçois. Existe-t-il une solution? Je pense qu’il s’agit d’un délai prévu par la loi pour le dépôt des comptes publics et j’ajouterais également des Rapports sur les résultats ministériels. Les ministères savent — et peuvent le prédire — que l’année suivante, à partir du 31 mars 2023 — ou 2024 ou 2025 — ils devront faire un rapport de leurs activités. Le gouvernement devra faire rapport de sa situation financière. Donc, si les ministères n’ont pas d’échéance, ils n’ont pas tendance à être très pressés.
Il n’y a rien de mieux qu’une échéance pour concentrer les esprits. Imposer une échéance au gouvernement permettrait probablement de concentrer les grands esprits du Conseil du Trésor et de la fonction publique qui doivent travailler sur les Comptes publics et les Rapports sur les résultats ministériels. Sans date limite, pourquoi se presser?
Le sénateur Loffreda : Il n’y a pas de conséquences sur le plan international ni de perception dans le monde économique. S’ils le font depuis plus d’une décennie, je présume que ces conséquences sont minimes, et que le délai serait plus ou moins opportun pour les parlementaires et notre étude de...
M. Giroux : Oui, vous voulez sans doute savoir s’il existe une conséquence financière; est-ce que les marchés punissent le gouvernement du Canada de présenter ses rapports financiers tardivement? Non. Il pourrait y avoir des conséquences si les rapports étaient trafiqués ou si les livres étaient arrangés d’une manière peu orthodoxe, mais puisque les Comptes publics sont appropriés et qu’ils sont bons, il n’y a pas de conséquences. Il y a des conséquences pour les parlementaires et le public au chapitre de la rapidité et du fait de les priver d’informations très utiles, mais il n’y a pas de conséquences financières.
Le sénateur Loffreda : Simplement pour compléter cette réflexion et continuer dans la même veine que le sénateur Boehm, sur le plan international, savez-vous si d’autres pays font de même? Sommes-nous les seuls?
M. Giroux : Je ne crois pas qu’il n’y a que nous, mais je n’ai pas effectué une étude exhaustive concernant la rapidité des autres pays.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.
Le président : En fin de semaine, je suis entré dans un McDonald’s. On m’a posé une question, et j’ai dit que je poserais la question cette semaine. Je crois que j’ai l’occasion de vous la poser aujourd’hui, monsieur Giroux.
[Français]
La question était la suivante : parmi les travailleurs qui occupent un emploi au bas de l’échelle des revenus... Il y avait quatre personnes à la table et la question était celle-ci : parmi les travailleurs qui occupent un emploi au bas de l’échelle des revenus au Canada, quel pourcentage de ces gens recevra l’aide financière proposée dans le projet de loi C-32?
M. Giroux : Il faudrait que je vérifie le seuil précis à partir duquel des familles ou des personnes seules cessent de recevoir le crédit pour la TPS. En ce qui concerne l’Allocation canadienne pour les travailleurs, je sais que, dans la majorité des provinces, le seuil à partir duquel le montant commence à diminuer se situe en deçà de 23 000 $, donc à 22 900 $.
Pour ce qui est du crédit pour la TPS, je ne connais pas le montant exact, mais je crois qu’il se situe autour de 30 000 $. Il faudrait que j’examine les chiffres pour être en mesure de répondre à cette question.
Le président : Est-ce que vous pourriez examiner les chiffres et nous faire parvenir la réponse écrite par le biais de notre greffière, s’il vous plaît?
M. Giroux : Bien sûr.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Monsieur Giroux, Mme Grinshpoon et vous avez tous deux parlé de l’augmentation des recettes fiscales. Je suis particulièrement intéressée par l’impôt des sociétés, qui a connu une augmentation importante. Pouvez-vous nous dire pourquoi il y a eu une augmentation importante? Y a‑t‑il eu un changement de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, ou est-ce simplement une augmentation de la rentabilité?
Aussi, quels sont les secteurs du monde des affaires qui contribuent à cette hausse? Je m’intéresse particulièrement au secteur du pétrole et du gaz.
Kristina Grinshpoon, directrice, Analyse financière, Bureau du directeur parlementaire du budget : C’est une excellente question.
Pour ce qui est de la rentabilité des sociétés, la forte hausse de l’impôt sur le revenu provient de l’augmentation des profits. Elle vient de deux secteurs en fait. Donc, dans les Comptes publics de 2020-2021, vous avez constaté un grand bond dans la rentabilité des sociétés, et une grande partie de cela provenait du secteur financier, mais en 2021-2022, cela vient aussi du secteur du pétrole et du gaz.
Les profits sont également plus élevés dans tous les secteurs. Ils ne sont pas seulement concentrés dans ces deux secteurs, mais ceux-ci contribuent grandement à la raison pour laquelle la rentabilité des sociétés est plus élevée.
La sénatrice Marshall : Votre analyse est-elle assez détaillée pour que vous soyez en mesure de voir, par exemple, si elle passait de 58 milliards de dollars à 78 milliards de dollars... pourriez-vous isoler et remarquer que 5 milliards de dollars proviennent du secteur des services financiers, 5 milliards de dollars provenant d’ailleurs? Votre analyse est-elle aussi détaillée ou est-elle plus générale?
Mme Grinshpoon : Pour les perspectives historiques, nous utilisons les données de Statistique Canada. Le ministère publie des données sur la rentabilité des sociétés par secteur; donc nous utilisons ces données précisément, qui détaillent chaque secteur et les profits dans ce secteur.
Toutefois, en ce qui concerne la projection et des choses à venir, nous procédons de façon globale.
La sénatrice Marshall : Alors Statistique Canada a cette information?
Mme Grinshpoon : Oui.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie.
La sénatrice Moncion : Mes questions ont déjà été posées, alors je laisse la parole à quelqu’un d’autre.
[Français]
Le sénateur Gignac : Comme j’ai dit plus tôt, dans votre document intitulé Énoncé économique de l’automne : Enjeux pour les parlementaires, je vois effectivement quelques enjeux. Vous avez mentionné qu’il y avait 21 milliards de dollars d’annonces hors cycle, c’est-à-dire des annonces qui ont été faites entre le budget du printemps dernier et l’Énoncé économique de l’automne 2022.
Or, dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, on fait la liste des mesures stratégiques qui ont été prises depuis le budget de 2022 du printemps jusqu’à l’énoncé économique du début de novembre. Il y en a justement pour 21 milliards de dollars, dont 7 milliards pour l’année en cours.
Par contre, je remarque que le montant de 1,2 milliard de dollars représente l’indemnisation accordée sur le plan de la gestion de l’offre, mais cette annonce a été faite 10 jours après l’énoncé économique. Pourtant, on l’a inclus dans les mesures qui auraient été annoncées entre le printemps dernier et le 3 novembre. Je ne m’oppose pas à cette mesure, car je suis fils de producteur laitier, chers collègues, et je pense que les agriculteurs mériteraient d’être indemnisés pour les pertes subies en raison de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique.
Comment pouvons-nous nous y retrouver comme parlementaires? Par exemple, dans la liste des mesures qui sont prises depuis le budget jusqu’à l’énoncé économique, la petite note no 6 à la page 77 de l’énoncé indique que le détail des mesures sera annoncé dans les semaines qui suivent. Je ne m’y retrouve plus. Est-ce la première fois que vous voyez ce genre de choses? Quel est le critère utilisé pour dire que cela a été annoncé avant? J’ai fait des recherches, mais je n’ai rien trouvé à cet effet avant la mi-novembre, au moment de l’annonce, soit 10 jours après l’énoncé économique.
M. Giroux : Monsieur le sénateur, c’est normal que vous ayez de la difficulté à vous y retrouver, parce que c’est très difficile, même pour des gens comme nous et que c’est notre travail de le faire. Malheureusement, je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle c’est fait de cette façon, à part peut-être parce que c’est pratique de le faire de cette façon-là. Pour des décisions de communication ou de stratégie, c’est sans doute vrai. C’est une bonne question à poser aux fonctionnaires du ministère des Finances du Canada.
Le sénateur Gignac : On parle quand même de 1,2 milliard de dollars et je n’ai pas une ligne dans l’énoncé économique du début de novembre. Il n’y avait rien à cet effet auparavant. Très rapidement, est-ce que cela arrive souvent? Je n’ai pas vu cela souvent pendant les décennies où j’ai moi-même couvert les finances publiques comme analyste. Cette mesure de 1,2 milliard de dollars, c’est quand même considérable.
M. Giroux : En général, on le voit pour de petites mesures, pour des éléments pour lesquels l’intérêt est très localisé ou pour un groupe particulier. Pour des montants aussi importants, malheureusement, ce n’est pas rare. On le voit malheureusement un peu trop souvent. On ne devrait pas voir cela, mais malheureusement, ce sont des choses qui arrivent pour des montants aussi élevés.
Le sénateur Gignac : Merci.
Le sénateur Boehm : Ma question a déjà été posée.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je crois que vous connaissez le genre de domaines qui m’intéressent habituellement au sein de votre service. J’aimerais avoir une description plus générale. Vous nous avez donné quelques idées de choses à demander aux fonctionnaires du ministère.
Quant à ces estimations précises, y a-t-il d’autres questions que vous nous proposez de poser lors de nos rencontres avec les fonctionnaires du ministère à l’avenir, qui nous permettraient de comprendre et aussi peut-être de vous fournir des informations supplémentaires?
M. Giroux : Je pense que les problèmes ont surtout été mentionnés dans la note elle-même. J’ajouterais sans doute la question de la rapidité du Rapport sur les résultats ministériels, ou RRM. À mon avis, c’est quelque chose qui vous aiderait à comprendre clairement le rendement de divers ministères, et vous permettrait de vous concentrer sur les domaines qui vous intéressent particulièrement de manière individuelle, en tant que parlementaires.
De plus, qui sont les retardataires, les ministères qui n’ont pas soumis leur Rapport sur les résultats ministériels? Je sais que certains ministères prennent la chose moins au sérieux que d’autres. Des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor nous ont affirmé hier, lors d’un témoignage devant un comité de la Chambre que certains ministères n’ont toujours pas fourni leurs Rapports sur les résultats ministériels, alors il serait intéressant d’obtenir une réponse à cette question. Poser la question est une chose, obtenir la réponse est bien différent, je le comprends.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup.
La sénatrice Duncan : Il est fait mention de la rapidité des résultats, et je m’intéresse en outre à ces mesures de résultat ainsi qu’aux mentions que nous constatons dans les lettres de mandat et de la part des fonctionnaires concernant une approche pangouvernementale.
Je me demande s’il y a des domaines qui ont été mis au jour, des questions que vous voudriez proposer en ce qui concerne les mesures de rendement, mais également, y a-t-il des chevauchements qui ont été portés à votre attention?
M. Giroux : Voilà sans doute une question à laquelle j’ai besoin de réfléchir afin de vous offrir une réponse intelligente et intéressante parce qu’il peut y avoir beaucoup de domaines.
Une chose qui me vient à l’esprit, c’est la révision stratégique des politiques qui est mentionnée dans l’énoncé économique de l’automne et dans le budget. L’expérience de la dernière révision laisse penser que le gouvernement pourrait ne pas chercher avec beaucoup de sérieux à trouver réellement les économies et à revoir ses façons de faire pour générer de véritables économies.
La sénatrice Duncan : S’il ne fait pas preuve de sérieux, alors y a-t-il des propositions que vous pourriez avoir sur la manière dont il pourrait s’y attacher plus sérieusement?
M. Giroux : Oui, j’aurais des propositions à ce sujet.
La sénatrice Duncan : Merci.
Le sénateur Smith : Vous avez accompli un excellent travail en nous fournissant ces informations, monsieur Giroux et madame Grinshpoon. Je me rappelle toujours les années où j’ai commencé à siéger au Comité des finances et à travailler avec la sénatrice Marshall. La pauvre sénatrice Marshall s’intéresse à cette question de transparence depuis aussi longtemps que je la connais, et je la connais depuis passablement longtemps. Nous étions jeunes quand nous avons commencé à poser ces questions. Nous sommes toujours jeunes dans notre esprit.
Pour revenir à la question de transparence, la page 10 est assez frappante quand on l’examine. D’abord, le gouvernement a annoncé 14,2 milliards de dollars en nouvelles mesures sans fournir de détails précis. Ensuite, le gouvernement a quantifié les décisions de dépenses non annoncées qui pourraient se rapporter soit à des dépenses prévues confidentielles, soit à des provisions pour des décisions anticipées du Cabinet. Le gouvernement prévoit 8,5 milliards de dollars de dépenses supplémentaires pour la période de 2022-2023 à 2027-2028 en tant que disposition pour pressions à court terme prévues.
Pourriez-vous m’aider à comprendre ce qui constituerait des pressions à court terme d’une façon plus évocatrice et plus crédible pour que des gens simples comme moi puissent comprendre?
M. Giroux : Lorsque j’étais dans la fonction publique, les pressions à court terme faisaient souvent référence à des infrastructures exigeant des réparations urgentes, alors il pourrait s’agir d’un parc national où un bâtiment hébergeant des visiteurs qui a besoin de réparations. Il pourrait aussi s’agir d’aéroports qui avaient besoin de réparations. Il est difficile sans avoir de détails spécifiques dans l’énoncé économique de l’automne d’établir ce que le gouvernement entend par « pressions à court terme prévues ». Il pourrait s’agir de ce que nous appelons l’intégrité des programmes, comme les exemples que je viens de fournir, ou il pourrait s’agir d’autres types de pressions, comme la prestation d’indemnisations à des groupes particuliers.
Il est très difficile de fournir des exemples de ce que le gouvernement entend par pressions à court terme sans savoir de quoi il s’agit. Il pourrait s’agir de pressions liées à la santé et à la sécurité au travail ou de pressions financières. Il n’y a vraiment aucun moyen de le savoir.
Le sénateur Smith : Si vous pouviez nous donner trois recommandations qui pourraient nous aider à composer avec les différents ministères en matière de finances — il s’agit de quelque chose que nous avons fait il y a environ quatre ou cinq ans. Nous avons commencé par dire : si vous ne nous envoyez pas des décisions, alors ne nous envoyez pas des gens qui nous fournissent de beaux aperçus et de beaux chiffres; donnez-nous au moins des gens qui peuvent prendre certaines décisions. Cela a fonctionné pendant un certain temps, et je pense que c’était une situation bénéfique pour nous.
Y a-t-il autre chose que nous puissions faire pour tenter, non pas d’extraire, mais d’obtenir des renseignements d’une manière — je ne vais pas dire plus volontaire ou moins contrôlée — que pouvons-nous accomplir en tant que comité? Avez-vous quelques idées à nous donner pour nous aider à obtenir de meilleures informations plus rapidement?
M. Giroux : Je crois qu’en votre qualité de parlementaires, vous pourriez certainement demander une ventilation par ministère de ces pressions à court terme, des dépenses prévues ou des provisions pour les décisions anticipées du Cabinet. Si le gouvernement n’est pas disposé à dévoiler complètement les futures décisions du Cabinet, ce qui est compréhensible, il pourrait au moins divulguer les ministères — ou, à tout le moins, les domaines — dans lesquels il prévoit de dépenser d’importantes sommes d’argent en particulier lorsqu’il est question de pressions de dépenses à court terme.
Je ne relève aucune raison évidente qui empêcherait le gouvernement de vous donner, en tant que parlementaires, une ventilation par ministère.
Le sénateur Smith : Si vous pouviez simplement nous donner deux ou trois propositions par écrit afin que nous puissions en discuter entre nous quand des personnes provenant de différents ministères financiers viennent nous présenter leur travail, je crois que cela pourrait être utile.
Le président : Avez-vous des commentaires, monsieur Giroux?
M. Giroux : Nous serions ravis de vous fournir quelques propositions — oui, par écrit.
Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, cela nous amène à la fin de notre discussion avec le premier groupe de témoins. Monsieur Giroux, comme toujours, cela a été très instructif et éclairant. Avant que nous ne passions au deuxième groupe de témoins, j’aimerais rappeler à M. Giroux de bien vouloir soumettre les réponses écrites à la greffière avant la fin de la journée le mardi 29 novembre 2022, puisque nous avons un délai à respecter pour faire rapport au Sénat.
Mesdames et messieurs, nous poursuivrons maintenant avec notre deuxième groupe de témoins.
Des fonctionnaires du ministère des Finances du Canada sont parmi nous aujourd’hui afin de nous parler uniquement de la première partie du projet de loi C-32. Veuillez garder cela à l’esprit au moment de poser vos questions. D’autres fonctionnaires du ministère des Finances et d’autres ministères seront avec nous plus tard aujourd’hui pour discuter des autres parties du projet de loi C-32.
On me dit que Lindsay Gwyer, directrice générale, Législation, Division de la législation de l’impôt, fera des déclarations préliminaires et sera ensuite soutenue par ses collègues pendant la période de questions.
[Français]
Bienvenue à vous tous et merci, par l’intermédiaire de Mme Gwyer, d’avoir accepté notre invitation de témoigner devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le projet de loi C-32.
[Traduction]
Avant de commencer, j’aimerais demander à tous les autres témoins que je n’ai pas nommés de bien vouloir se présenter si jamais ils doivent prendre la parole. Merci d’avance.
Avant de donner la parole à Mme Gwyer, j’aimerais informer les sénateurs que ses remarques préliminaires seront plus longues que les cinq minutes habituelles. Elle disposera d’environ 15 minutes, car, comme nous le savons, la partie 1 de ce projet de loi comprend plus de 20 mesures liées à l’impôt sur le revenu.
Madame Gwyer, la parole est à vous.
Lindsay Gwyer, directrice générale, Législation, Division de la législation de l’impôt, ministère des Finances Canada : Je vous remercie, monsieur le président, et merci de nous recevoir aujourd’hui. Comme vous l’avez mentionné, la partie 1 du projet de loi comprend 21 mesures. Elles sont toutes des mesures relatives à l’impôt sur le revenu, bien qu’il y ait quelques modifications connexes à d’autres lois.
Toutes les mesures figurant dans la partie 1 du projet de loi ont été annoncées dans le budget de 2022 ou plus tôt. Certaines ont été annoncées dans le budget de 2021, et quelques-unes ont été annoncées à d’autres moments, plus tôt. Je vais passer en revue toutes les mesures et donner un bref aperçu de chacune d’entre elles, et ensuite nous serons, bien sûr, ravis de fournir davantage de détails durant la période de questions de la réunion.
Je présenterai les mesures dans l’ordre où elles apparaissent dans le résumé figurant au début du projet de loi.
La première mesure est une mesure anti-revente précipitée. Les personnes qui vendent un bien immobilier résidentiel dans l’année qui suit leur acquisition seraient réputées exploiter une entreprise. En conséquence, elles ne bénéficieraient pas de l’exemption pour résidence principale ou du taux d’inclusion des gains en capital de 50 %. Il y aurait des exceptions pour les situations où le bien immobilier est vendu en raison de certaines circonstances de la vie.
La prochaine mesure est la création d’un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété. Il s’agit d’un nouveau compte libre d’impôt, qui a été annoncé dans le budget de 2022. Il permettrait aux personnes de cotiser jusqu’à 8 000 $ par année pour l’achat d’une première propriété. Les cotisations maximales seraient de 40 000 $. Les cotisations au régime seraient déductibles, comme dans le cas d’un REER, et les retraits du régime seraient non imposables, tant qu’ils sont effectués pour l’achat d’une habitation admissible.
La mesure suivante, la mesure (c), concerne l’élimination progressive des actions accréditives pour les secteurs du pétrole, du gaz et des combustibles fossiles. Cet amendement vise à éliminer progressivement les actions accréditives. Il empêcherait l’émission d’actions accréditives pour les dépenses engagées dans le cadre des activités des secteurs du pétrole, du gaz et des combustibles fossiles. La mesure s’appliquerait aux conventions d’actions accréditives conclues à partir du 31 mars 2023.
La mesure suivante concerne également les actions accréditives. Il s’agit de la création d’un crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques. Ce nouveau crédit a lui aussi été annoncé dans le budget de 2022 et il s’agit d’un crédit qui pourrait être versé à des personnes par l’émission d’actions accréditives. Il est très similaire au crédit d’impôt pour l’exploration minière existant, sauf qu’il prévoit un taux de crédit de 30 %, au lieu du taux de 15 %, et qu’il s’appliquerait à la place du crédit d’impôt pour l’exploration minière, ce qui fait qu’une personne ne pourrait pas demander les deux crédits. Le nouveau crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques serait disponible pour les coûts d’exploration de certains minéraux critiques qui sont énumérés dans la loi et le budget. En général, il est question de minéraux qui soutiennent la création de technologies propres.
La prochaine mesure a aussi été annoncée dans le budget de 2022. Il s’agit de la création du dividende pour la relance au Canada, ou DRC. Cette mesure créerait un impôt supplémentaire ponctuel de 15 % pour les groupes de banques et d’assureurs-vie. L’impôt serait payable sur la moyenne des revenus imposables de 2020 et 2021. Il y aurait une exemption de 1 milliard de dollars, qui devrait être répartie entre les membres d’un groupe concerné. Cet impôt serait payable sur cinq ans, à partir de 2022.
La mesure suivante est étroitement liée. Il s’agit de l’impôt supplémentaire pour les banques et assureurs-vie, qui a aussi été annoncé dans le budget de 2022. La mesure mettrait en œuvre un impôt supplémentaire de 1,5 % du revenu imposable des banques et des assureurs-vie supérieur à 100 millions de dollars. Encore une fois, cette exemption de 100 millions de dollars devrait être répartie entre les membres du groupe. Ce nouvel impôt commencerait à s’appliquer aux années d’imposition se terminant après le 7 avril 2022. Pour la première année d’imposition qui se termine après le 7 avril 2022, l’impôt serait calculé au prorata, de sorte qu’il ne s’appliquerait qu’à la partie de l’année d’imposition prenant fin après le 7 avril 2022.
Ensuite, la mesure (g) traite des exigences en matière de déclaration pour les fiducies. Elle modifierait les exigences en matière de déclaration pour les fiducies de deux façons. Premièrement, elle élargirait le critère visant à établir si une fiducie est tenue de produire une déclaration de revenus. Certaines fiducies qui, auparavant, n’avaient pas de revenus et n’étaient pas tenues de produire des déclarations de revenus, seraient désormais obligées de le faire. En outre, la loi créerait une obligation de déclarer la propriété effective. Certaines fiducies seraient tenues de fournir à l’Agence du revenu du Canada, l’ARC, des renseignements sur l’identité de leurs bénéficiaires, de leurs constituants ou des personnes qui contrôlent la fiducie.
Ensuite, la mesure (h) concerne les fiducies de fonds communs de placement qui sont négociées en bourse, généralement appelées fonds négociés en bourse, ou FNB. Cette mesure limiterait la capacité d’un FNB d’allouer des gains en capital excessifs aux détenteurs d’unités rachetées. Cette mesure vise à empêcher le report inapproprié de l’impôt par l’attribution excessive de gains en capital.
On retrouve ensuite la mesure (i) concernant la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés, mais elle implique des modifications de la Loi de l’impôt sur le revenu. La Loi de l’impôt sur le revenu comprend actuellement une règle qui exige qu’une personne non résidente vendant un bien immobilier canadien obtienne un certificat de décharge de l’ARC avant la vente, dans lequel il est précisé qu’aucun impôt n’est dû ou ne serait dû à la suite de la vente par la personne non résidente. Si cette dernière n’obtient pas ce certificat de décharge, l’acheteur est tenu de retenir l’impôt canadien sur le prix de vente. Ces règles déjà en vigueur seraient modifiées de manière à ce que l’ARC puisse refuser la délivrance de ce certificat dans les cas de non-respect de la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés.
Puis, la mesure (j) change le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation. Cela a été annoncé dans le budget de 2022. Le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation est actuellement un crédit de 5 000 $ offert aux personnes qui achètent une première habitation. Il est calculé à un taux de 15 %. Le crédit serait doublé, passant de 5 000 $ à 10 000 $, et serait toujours calculé à un taux de 15 %. Il s’appliquerait aux achats d’habitation effectués à compter de 2002.
La mesure qui suit est un changement apporté au crédit d’impôt pour frais médicaux. La définition des frais médicaux visés par le crédit d’impôt pour frais médicaux serait élargie pour permettre les dépenses liées à la maternité de substitution et à l’obtention de sperme, d’ovules ou d’embryons.
La mesure (l) représente un autre crédit d’impôt qui a été annoncé dans le budget de 2022. Il s’agit du crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles. Ces amendements créeraient un nouveau crédit d’impôt qui s’appliquerait aux dépenses engagées au moment de créer une unité secondaire légale au sein d’une habitation afin de permettre à une personne âgée ou à un adulte handicapé de vivre avec un membre de sa famille. Il s’agirait d’un crédit remboursable de 15 %, qui s’appliquerait jusqu’à 50 000 $ de dépenses admissibles engagées pour créer cette unité secondaire légale, et le crédit s’appliquerait à partir de 2023.
La mesure (m) est une modification du taux d’élimination progressive de la déduction accordée aux petites entreprises. La déduction accordée aux petites entreprises est une réduction de taux sur la première tranche de 500 000 $ de revenus provenant d’une entreprise exploitée activement par une société privée sous contrôle canadien. Il y a des règles qui peuvent réduire progressivement la disponibilité de cette déduction de 500 000 $. L’une de ces éliminations progressives tient au fait que la société dispose d’un certain montant de capital imposable utilisé au Canada. Selon les règles en vigueur, si la société privée sous contrôle canadien a un capital imposable utilisé au Canada de 10 millions de dollars, la déduction accordée aux petites entreprises commence à être éliminée progressivement. Elle est entièrement éliminée lorsque le capital imposable atteint 15 millions de dollars. Cette mesure modifierait cette tranche d’élimination progressive afin de l’augmenter. La déduction commencerait toujours à 10 millions de dollars de capital imposable, mais elle se terminerait à 50 millions de dollars de capital imposable. Le taux d’élimination progressive serait beaucoup plus faible, ce qui permettrait à un plus grand nombre de sociétés privées sous contrôle canadien d’être admissibles à la déduction accordée aux petites entreprises, et cela augmenterait le montant de la déduction pour les sociétés qui sont actuellement dans la tranche d’élimination progressive existante.
Ensuite, la mesure (n) concerne un changement des normes internationales d’information financière 17, ou IFRS 17. Il s’agit d’une modification des normes d’information financière qui a une incidence sur les assureurs. Un certain nombre de modifications techniques sont apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu afin que l’on puisse s’assurer, tout en tenant compte de ces changements dans les normes de rapport, que le moment du paiement de l’impôt en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu continue de coïncider de manière appropriée avec le moment où les profits sont perçus par les assureurs.
La mesure suivante est (o). Elle vise les organismes de bienfaisance enregistrés et le contingent des versements que ces organismes doivent actuellement respecter. Il existe des règles qui obligent un organisme de bienfaisance à dépenser un pourcentage de ses actifs qui ne servent pas directement à des activités de bienfaisance ou à son administration, ce qui correspond généralement à des actifs d’investissement.
Cette mesure changerait le contingent des versements, qui est présentement de 3,5 %. Elle le modifierait pour qu’il s’applique de manière graduelle, de sorte que pour tous les actifs visés par le contingent des versements, généralement les actifs d’investissement, le taux serait de 5 % pour les actifs dépassant 1 million de dollars.
La prochaine mesure est (p). Elle traite de la règle générale anti-évitement, appelée généralement la RGAE. C’est une règle qui permet à l’Agence du revenu du Canada de déterminer le montant d’un attribut fiscal dans les situations où un avantage fiscal a été obtenu par une opération d’évitement qui abuse de la Loi de l’impôt sur le revenu.
La règle générale anti-évitement serait modifiée afin de permettre à l’ARC de l’appliquer dans les situations où il existe des attributs fiscaux qui découlent d’une opération abusive, mais que ceux-ci n’ont pas encore été utilisés. Cette mesure est une réponse à une décision de la Cour d’appel de 2018 qui a établi que les exigences pour respecter la règle générale anti-évitement ne pouvaient pas être respectées si les attributs fiscaux n’ont pas encore été utilisés. Cela rectifie les conséquences de cette décision et permettra à l’ARC d’appliquer la règle générale anti‑évitement de la même manière qu’elle l’était avant cette décision de 2018.
La prochaine mesure concerne l’évitement fiscal. Il existe une règle en vigueur dans le cadre de la Loi de l’impôt sur le revenu qui empêche une personne de se soustraire à ses obligations fiscales en transférant ses actifs à une personne avec qui elle a un lien pour un montant inférieur à la juste valeur marchande. Par exemple, dans le contexte d’une société, cette règle s’appliquerait afin d’empêcher que des actifs soient soustraits de la société afin de faire échouer cette obligation fiscale et de la rendre irrécouvrable par l’ARC.
Des modifications sont effectuées pour renforcer cette règle. Elles visent à tenir compte d’une affaire judiciaire et de certaines mesures de planification très précises, complexes et agressives qui sont utilisées par certaines personnes comme moyen d’éviter la règle actuelle. Des modifications correspondantes seraient aussi apportées à la règle similaire qui existe dans la Loi sur la taxe d’accise, la Loi de 2001 sur l’accise et la partie 1 de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
La mesure suivante, la mesure (r) porte sur les placements enregistrés. Il s’agit d’une mesure du budget de 2021 qui changerait les règles de calcul de l’impôt à payer pour un placement enregistré qui détient un bien qui n’est pas un placement admissible.
La mesure (s) a trait aux coupons d’intérêts détachés, qui est un arrangement effectué par des personnes non résidentes qui prêtent de l’argent à des sociétés canadiennes ayant un lien de dépendance. Ils se livrent à cette pratique qui consiste parfois à transférer le droit de recevoir les paiements d’intérêts à une autre partie qui est imposée à un taux inférieur de retenue d’impôt. Il s’agit d’une technique utilisée en vue d’essayer de réduire ou d’éliminer la retenue d’impôt canadienne sur ces paiements d’intérêts qui seraient autrement soumis à la retenue d’impôt canadienne.
Certaines modifications techniques sont apportées en vue de régler cette planification et de recalculer efficacement la retenue d’impôt afin que l’on puisse s’assurer que ces arrangements de démembrement des coupons d’intérêts ne permettent pas d’éviter l’impôt canadien.
La mesure qui suit est (t). Elle concerne les prérogatives en matière d’audit de l’ARC. Elle modifierait la Loi de l’impôt sur le revenu afin de changer les prérogatives en matière d’audit de l’ARC pour lui permettre d’exiger que les gens répondent à toutes les questions raisonnables et fournissent toute l’aide raisonnable concernant l’application et l’exécution de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ces amendements sont en outre apportés en réponse à une décision judiciaire.
Les modifications correspondantes seraient également apportées à des règles similaires dans la Loi sur la taxe d’accise, la Loi de 2001 sur l’accise, la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien et la partie 1 de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
Pour finir, la dernière mesure de la partie 1 porte sur les thermopompes à air. La Loi de l’impôt sur le revenu prévoit un certain nombre de mesures incitatives pour les technologies vertes. Des modifications seraient effectuées pour permettre aux thermopompes à air de bénéficier de certaines de ces mêmes modifications. Plus particulièrement, les règles de déduction pour amortissement qui s’appliquent à certaines de ces technologies vertes seraient modifiées de manière à inclure les thermopompes à air. La réduction de taux pour les fabricants de technologies à zéro émission actuelle serait également élargie pour permettre aux fabricants de thermopompes à air de bénéficier de cette réduction de taux.
Monsieur le président, voilà toutes les mesures de la partie 1. Plusieurs de mes collègues et moi-même serons ravis de répondre à vos questions.
[Français]
Le président : Merci beaucoup pour ces informations, madame Gwyer.
[Traduction]
Maintenant, nous allons passer à la période de questions. J’aimerais souligner aux sénateurs que vous disposez chacun de cinq minutes au maximum pour la première série de questions. Je vous demande donc de poser vos questions directement, et aux témoins, de répondre de façon succincte. La greffière m’avisera quand le temps est écoulé.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie, madame Gwyer. C’était vraiment une excellente présentation.
Quand j’examine tous ces changements apportés à la Loi de l’impôt sur le revenu, certains d’entre eux entraîneront une augmentation des revenus pour le gouvernement, tandis que d’autres augmenteront le coût pour le gouvernement.
Pouvez-vous me dire, en ce qui concerne les changements qui vont augmenter les recettes, quel est l’impact total sur les recettes de ces mesures?
Mme Gwyer : Sur une base nette, compte tenu des mesures qui donnent lieu à des coûts et ensuite des mesures qui génèrent des recettes, l’impact total du projet de loi sur six ans correspond à des revenus nets fondés sur une comptabilité d’exercice d’un peu moins de 4,2 milliards de dollars.
La sénatrice Marshall : Il s’agit du chiffre net, mais je serais intéressée par les deux chiffres que vous déduisez pour arriver à 4,2 milliards de dollars. Je voudrais savoir exactement à quel point le gouvernement augmente les recettes fiscales.
Mme Gwyer : Bien sûr. Je n’ai pas ces deux chiffres devant moi. Je consulte seulement un tableau qui les contient tous, mais nous pourrions vous fournir un tableau qui montre...
La sénatrice Marshall : Alors, vous pourriez fournir ces deux chiffres?
Bon nombre de ces mesures ont été incluses dans le budget de 2022, si bien que les recettes et les coûts sont exposés dans le document du budget. Pourquoi ne figureraient-ils pas également dans l’énoncé économique afin que les parlementaires ne doivent pas parcourir plusieurs documents pour tenter de comprendre ce qui se passe?
Mme Gwyer : Quant à savoir pourquoi ils sont présentés dans des documents distincts, je n’ai pas la réponse à cette question, mais il s’agit de quelque chose que nous pouvons envisager.
La sénatrice Marshall : Pourriez-vous ramener cela? Je pense que cela nous serait très utile l’année prochaine. Vous avez la liste des mesures annoncées précédemment à la page 81, nous devons alterner entre plusieurs documents. J’aimerais que ces mesures soient élaborées et que des montants en dollars leur soient attribués dans ce document.
Ma dernière question est la suivante : vous avez dit qu’il s’agit d’un revenu net supplémentaire de 4,2 milliards de dollars pour le gouvernement, mais je m’intéresse à la dette avec laquelle le gouvernement se retrouvera à la suite, je présume, de toutes ses dépenses. J’examine le Rapport sur la gestion de la dette. Nous avons connu les deux stratégies de l’année dernière. Nous avons maintenant une stratégie dans le budget de 2022 et une autre dans l’énoncé économique de l’automne, mais nous ne disposons même pas du Rapport sur la gestion de la dette de l’année dernière. Quand allons-nous pouvoir le consulter... quand le gouvernement va-t-il publier le Rapport sur la gestion de la dette pour 2021-2022?
Mme Gwyer : Je n’ai pas la réponse à cette question, sénatrice Marshall. Cela ne relève pas de mon domaine de compétence.
La sénatrice Marshall : Quelqu’un peut-il nous aider?
Mme Gwyer : Je ne pense pas. Chacun est un expert en la matière.
La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous revenir avec cette information? Nous attendons pour voir.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma première question concerne la partie 1f), qui parle d’augmenter le taux d’imposition du revenu d’entreprise des banques et des compagnies d’assurance. Pourquoi la taxe supplémentaire proposée pour les banques et les compagnies d’assurance est-elle permanente plutôt que temporaire? Pourquoi vise-t-on seulement les banques et les compagnies d’assurance lorsqu’on sait que ce coût est refilé aux consommateurs?
Pascale Dugré-Sasseville, directrice, Fiscalité des institutions financières, ministère des Finances Canada : Merci pour votre question, sénatrice. Comme vous le voyez, ces nouvelles taxes comportent deux parties. Il y a d’abord le dividende pour la relance au Canada, qui est un impôt ponctuel payable sur cinq ans. L’autre est l’impôt additionnel, qui est une mesure permanente. Ce sont vraiment deux mesures distinctes.
Vous avez demandé pourquoi on visait ce secteur et votre question est pertinente pour ces deux mesures. C’est un secteur qui est considéré par le gouvernement comme ayant bien réussi et, par conséquent, il peut contribuer aux efforts en vue de la reprise économique de l’économie canadienne.
La sénatrice Moncion : Ces coûts sont malgré tout refilés aux consommateurs. Les frais de service sont facturés à leurs clients par les institutions financières. Il en va de même pour ce qui est des compagnies d’assurance. C’est donc une façon un peu déguisée d’aller chercher ces revenus.
Pourquoi ne vise-t-on que ces deux types d’entreprises, alors que la même tarification pourrait s’appliquer à plusieurs autres?
Max Baylor, directeur général, Division de l’impôt des entreprises, ministère des Finances Canada : Je m’appelle Max Baylor. Je travaille avec Lindsay Gwyer et Pascale Dugré-Sasseville à la Division de l’impôt des entreprises. Vous demandez pourquoi on cible les institutions financières. Comme le disait ma collègue, c’est un secteur qui a très bien réussi pendant la pandémie et dont la reprise a été plus rapide que les autres secteurs. Il est aussi question de mettre les choses en perspective pour ce qui est du soutien qui a été apporté aux individus et aux entreprises pour les aider à redresser leur bilan financier. C’est un peu la raison pour laquelle on vise ce secteur, car sa situation est assez unique.
La sénatrice Moncion : Je comprends, mais le secteur du pétrole a fait aussi des affaires d’or et il n’est pas touché par cette mesure.
Ma prochaine question concerne la somme de 8 000 $ par année pour ceux qui veulent faire l’acquisition d’une maison. Prenons l’exemple d’un couple où un conjoint travaille et l’autre ne travaille pas, mais s’occupe des enfants à la maison. Le crédit d’impôt est-il disponible pour les deux personnes? Ce montant de 8 000 $ peut-il être utilisé par les deux personnes? Parlerait‑on alors de 16 000 $ par famille, pour un total de 40 000 $ par personne? Ou alors, le crédit ne s’applique-t-il qu’aux personnes qui travaillent? Parle-t-on d’un total de 80 000 $ ou de 40 000 $ pour un couple où l’un des deux conjoints ne travaille pas?
Yves Poirier, directeur, Développement économique, ministère des Finances Canada : Merci pour la question. Je suis Yves Poirier, directeur, Développement économique, à la Direction de la politique de l’impôt.
Pour répondre à la question, effectivement, chaque individu peut avoir son compte d’épargne libre d’impôt, ou CELIAPP, pour acheter une première propriété, pourvu qu’il réponde aux autres conditions, notamment qu’il n’ait pas possédé une habitation dans laquelle il résidait au cours des quatre dernières années. Donc, chacun aurait droit à 8 000 $.
De plus, certaines règles d’attribution sont suspendues en vertu du projet de loi. Selon l’approche générale du système fiscal, quand un époux fait don d’une propriété à un autre époux, des règles d’attribution s’appliquent normalement et font en sorte que le revenu sur cette propriété est attribué à l’époux original. Dans le cas du CELIAPP, ces règles d’attribution ne s’appliqueront pas. Il serait alors possible pour un des deux conjoints de faire don de certains fonds à l’autre conjoint pour qu’il puisse contribuer à son propre CELIAPP. Dans tous les cas, chaque individu aurait son propre CELIAPP avec ses propres limites, qui doivent se conformer aux différentes règles pour se qualifier au programme.
Le sénateur Gignac : Je remercie Mme Gwyer et ses collègues d’être avec nous ce matin. Dans ses propos d’ouverture, Mme Gwyer a fait allusion au fait qu’il y aurait des exceptions. Je parle de la règle contre la revente précipitée, c’est‑à‑dire de quelqu’un qui disposerait de sa propriété à l’intérieur de 12 mois. Si je comprends bien, dans un tel cas, la vente serait taxée comme un revenu d’entreprise. Vous parlez d’exceptions. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces exceptions?
M. Poirier : Merci, encore une fois, pour la question. Les exceptions se retrouvent dans la législation et seront sujettes à interprétation par l’Agence du revenu. Ces exceptions incluent le décès du contribuable ou d’une personne lui étant liée et l’ajout à un ménage — par exemple, si une personne âgée veut déménager et se joindre à un autre ménage, comme celui de l’un de ses enfants. Il y aurait les cas de rupture de mariage ou de conjoints de fait. Il y aurait aussi les cas ayant trait à la sécurité, par exemple si une personne fait face à des enjeux de sécurité. Il y a les cas de maladie, les cas de déménagement pour le travail — par exemple, si on a un nouvel emploi dans une autre ville et qu’on doit déménager. Il y a les cas où il y a destruction de la propriété ou encore une perte d’emploi.
En gros, c’est la liste que contient la législation. Encore une fois, dans tous ces cas, une interprétation devra être faite par l’Agence du revenu, qui devra déterminer si une personne se qualifie pour une exception.
Le sénateur Gignac : Merci. Depuis que cette annonce a été faite dans le dernier budget, le monde a changé. Les taux d’intérêt ont considérablement augmenté. À l’époque, la mesure visait à éviter la spéculation. Toutefois, les prix de l’immobilier sont en train de changer.
Dans le cas d’une vente forcée dans les 12 mois qui suivent, soit à cause d’un changement d’emploi ou de ville, pourquoi n’y a-t-il pas un traitement symétrique? Pourquoi la perte subie par la personne qui doit vendre sa maison précipitamment dans les 12 prochains mois — on constate un volume de transactions à la baisse et il y a beaucoup moins d’acheteurs — ne serait-elle pas déductible à titre de revenu d’entreprise? Votre intention était de taxer le profit à titre de revenu d’entreprise plutôt qu’à titre de gain en capital. Autrement dit, est-ce symétrique, ou alors, la perte qui pourrait être envisagée ne sera pas déductible?
M. Poirier : Effectivement, la règle s’applique seulement aux profits qui sont faits lors d’un flip. Les entreprises qui font couramment des flips, donc des achats et des ventes précipitées, sont traitées comme des entreprises. Ces entreprises sont taxées sur leurs gains et peuvent déduire leurs pertes de leurs gains quand elles font cela couramment. Ici, l’enjeu qui avait été identifié par le gouvernement, c’est que des gens qui sont dans ce domaine et font des flips, même si ce n’est peut-être pas fréquemment, peuvent contourner les règles en faisant passer cela pour autre chose que les revenus d’une entreprise. Le problème qui avait été identifié était vraiment sur le plan des gains, et c’est ce à quoi s’attaque cette règle. Pour ce qui est des pertes, dans le cas de quelqu’un qui vend sa maison, qui n’est pas vraiment dans ce genre d’entreprise et qui ne le fait qu’une seule fois, il s’agit bien de sa maison, et pas d’une entreprise. Ces gains ne sont pas imposables, de façon générale, à cause de l’exemption pour la résidence principale. Ces pertes ne seraient pas déductibles.
Le sénateur Gignac : D’accord, je comprends, merci. J’ai une petite question rapide. Je change de sujet. J’aimerais aborder la question de l’élimination des actions accréditives pour les activités pétrolières et gazières. Combien de sociétés pétrolières ou gazières comptent sur les actions accréditives comme source de financement? Est-ce majeur ou mineur? Avez-vous des chiffres que vous êtes prêt à partager avec nous?
M. Baylor : En ce qui a trait aux actions accréditives pour les activités pétrolières, gazières et du charbon, si vous regardez les chiffres, vous constaterez que le revenu généré par l’élimination de cette mesure est relativement mineur. La raison est que, au cours des dernières années, on a vu une baisse assez progressive et une tendance vers une moins grande utilisation de ce genre de transaction. Pour répondre à votre question, essentiellement, du point de vue des chiffres, pour ce qui est des émetteurs, on parle d’environ 30 émetteurs pour ce genre de véhicule qui pourraient être affectés. Une centaine d’investisseurs environ seraient affectés par cela chaque année.
Le sénateur Gignac : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Smith : J’aimerais revenir sur la question du sénateur Gignac concernant la revente précipitée de maisons au cours de la première année d’achat.
Pour mettre en œuvre ce changement, le gouvernement devrait recueillir diverses données, y compris les dates d’achat et de vente et le prix auquel l’unité a été achetée et vendue, afin de déterminer si la vente répond aux critères. Quel type de normes de déclaration sera mis en place pour que l’on puisse s’assurer que le gouvernement impose les taxes appropriées sur ces types de ventes?
M. Poirier : Merci de la question. Certaines déclarations sont déjà exigées lors de la vente d’une propriété, y compris quand elle peut être admissible à l’exemption pour résidence principale. En raison de cette mesure, ce serait à la discrétion de l’ARC, mais il est possible qu’il y ait des déclarations supplémentaires à fournir en raison de cette mesure.
Cependant, je noterai que, en général...
Le sénateur Smith : Je suis désolé de vous interrompre, mais vous avez dit « à la discrétion de l’ARC ». N’y aurait-il pas un ensemble de règles et de lignes directrices qui seraient inclusives de manière à ce qu’une diversité de situations soit examinée? Vous laissez entendre que l’ARC le déterminera, mais cela signifie qu’elle a des pouvoirs uniques pour faire tout ce qu’elle veut.
N’y aura-t-il pas une sorte de description complète des règles à suivre? C’est ce que je voudrais vraiment savoir.
M. Poirier : Rien dans la loi ne décrit exactement ce que l’on doit recueillir. Il revient à l’ARC d’administrer le système fiscal et de décider des informations dont elle a besoin à cette fin.
Le sénateur Smith : D’accord. Je trouve un peu étrange que cela puisse être une bonne occasion pour le gouvernement de gérer une situation concernant l’intégrité de l’achat, et c’est le rêve des jeunes Canadiens d’être propriétaire. Je suis un peu étonné qu’il n’y ait pas une description plus détaillée des règles formelles.
Y aura-t-il des règles formelles, ou cette décision sera-t-elle à la discrétion de l’ARC?
M. Poirier : Non, la loi prévoit des règles formelles. Il est de coutume que l’ARC publie des lignes directrices pour s’assurer que les Canadiens comprennent ce que prévoit la loi et qu’ils puissent l’interpréter.
Le sénateur Smith : La loi prévoirait-elle des exceptions pour exempter les personnes se trouvant dans des situations exceptionnelles, ou le changement s’appliquerait-il à tout le monde? Par exemple, quand on perd son emploi ou que la personne décède. Ces changements seraient-ils simplement acceptés par tout le monde, ou feraient-ils partie d’un groupe d’exceptions qui seraient énoncées dans la loi?
M. Poirier : Oui, les exceptions sont prévues dans la loi. L’ARC publie généralement des informations pour s’assurer que les Canadiens comprennent la loi. Elle le fait généralement sur son site Web. Généralement, elle énumère les exceptions.
C’est ce à quoi je m’attendrais concernant ce qui pourrait être considéré comme une exception.
La sénatrice Pate : Je remercie tous les témoins de comparaître. Ma question porte sur le logement et sur les avantages des prêts étudiants.
Comme vous le savez sans doute, selon l’Ubyssey, la période de remboursement typique pour les étudiants qui passent par le programme canadien d’aide financière aux étudiants est aujourd’hui de 9 à 15 ans. De plus, on sait que les taux — les problèmes d’accessibilité aux logements abordables —... la RBC a publié un rapport en juin au sujet des tendances en matière de logement et d’abordabilité. Elle a révélé que le marché actuel était « [...] au niveau le plus bas au chapitre de l’abordabilité, depuis le début des années 1990 ».
Ces deux éléments combinés s’ajoutent à l’augmentation actuelle du coût des denrées alimentaires et des autres produits de première nécessité.
Je suis curieuse de savoir comment vous voyez ces avantages aider les jeunes Canadiens. Surtout, quels jeunes Canadiens vont-ils aider? En particulier, j’aimerais avoir une répartition par région, mais aussi des données démographiques, pour savoir qui sont les personnes qui pourraient bénéficier de ces initiatives.
Mme Gwyer : Sénatrice Pate, en ce qui concerne la première partie de votre question sur les prêts étudiants, cela figure à la partie 4 du projet de loi. Des personnes sont présentes, ici, cet après-midi, pour en parler. Il n’y a personne ici pour parler de cette partie de la question.
En ce qui concerne les mesures liées au logement, monsieur Poirier, je ne sais pas si vous disposez de ce type d’information que vous pourriez fournir. Sinon, nous pouvons voir quel type d’information nous pouvons fournir concernant les personnes que les mesures liées au logement pourraient toucher.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Ce serait extrêmement utile si vous aviez l’information, parce que je suppose que vous avez fait ces estimations de coûts en fonction de l’idée que vous vous faisiez des personnes à qui vous alliez fournir des ressources.
Mme Gwyer : Oui, c’est exact. Monsieur Poirier, je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter. Sinon, nous vous reviendrons avec ce dont nous disposons.
M. Poirier : Nous pouvons vous transmettre l’information.
La sénatrice Pate : Merci.
Le sénateur Boehm : Je poursuis dans la même veine que les deux sénateurs qui m’ont précédé pour ce qui est des questions sur le logement. Le comité a récemment étudié le projet de loi C-31. De nombreuses choses y figurent à propos des logements locatifs. Nous avons entendu parler de la crise du manque d’abordabilité pour les locataires dans tout le pays, et le gouvernement a estimé dans le budget de 2022 qu’il manque au Canada 200 000 logements. C’est là où je veux en venir en posant ces questions.
Comment le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété proposé dans le projet de loi C-32, qui vise essentiellement à accroître la demande de logements et à améliorer l’abordabilité du logement pour les Canadiens, pourrait-il combler l’écart des 200 000 logements? De plus, selon le ministère des Finances, combien de temps faudrait-il pour combler l’écart des 200 000 logements? Je crois comprendre qu’il s’agit d’une prévision.
Étant donné que cela augmenterait légèrement la demande de logements, de quelle manière le fait de doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation rendrait le logement plus abordable pour les acheteurs d’une première habitation?
J’imagine qu’il y a ici un autre aspect également, et c’est l’uniformité du supplément. Cet aspect a été précédemment discuté au sein de notre comité. La valeur est différente à Toronto et à Vancouver par rapport au Canada atlantique, par exemple, ou dans d’autres endroits moins chers pour les locataires. Compte tenu de la réalité des prix de l’immobilier qui sont très disparates dans tout le pays, pourquoi le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation dans la déclaration est-il appliqué de manière uniforme? Le gouvernement adopte-t-il une approche universelle à ce chapitre? Pourquoi les mesures relatives au logement ne tiennent-elles pas compte du fait que le logement est loué ou acheté?
Je crois que cette série de questions est, malheureusement, adressée à M. Poirier.
M. Poirier : La question de savoir pourquoi le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation est un montant fixe est une très bonne question. L’objectif du crédit d’impôt est d’aider à atténuer certains des frais de clôture associés à l’achat d’une propriété. Dans une certaine mesure, ces frais ne correspondent pas toujours à la valeur du bien immobilier. Les rendre variables selon la région ajouterait certainement de la complexité à la loi. C’est un choix stratégique qui a été fait par le gouvernement d’en faire un montant fixe, ce qui le rend plus facile à gérer pour tout le monde.
En ce qui concerne les autres mesures, concernant les locataires, je pense que c’est plutôt une question pour le gouvernement. Certainement, ce que l’on a fait ici, c’est fournir plus de soutien aux personnes qui voudraient acheter une maison. Des mesures comme le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété pourraient offrir quelques avantages aux locataires, car, si quelqu’un ouvre un compte d’épargne pour l’achat d’une première propriété et qu’il n’en achète pas, il ne sera pas pénalisé. Il peut transférer le montant libre d’impôt à un compte REER, par exemple. Il y a donc cette possibilité. Évidemment, le montant exigé pour une mise de fonds pourrait varier selon la valeur de la propriété achetée, ce qui signifie probablement que davantage d’épargne est versée dans le compte d’épargne pour l’achat d’une première propriété.
J’ai eu du mal à entendre la question au début, en raison des difficultés techniques. Je ne sais pas si j’ai répondu à toutes les questions. Si ce n’est pas le cas, je m’en excuse.
Le sénateur Boehm : J’ai commencé par la question de l’écart. Comment cela comblera-t-il l’écart des 200 000 logements? Je me rends compte que j’ai demandé une prévision et ce n’est peut-être pas la question la plus juste. Mais je voulais en effet souligner qu’il y a non seulement des disparités régionales, mais aussi des disparités urbaines au sein des régions.
Je peux comprendre qu’il soit difficile de rajuster les montants entre toutes les régions, mais si l’on fait une prévision pour savoir comment résoudre les crises du logement et du marché locatif que nous traversons, je pense qu’il convient de mener un peu plus de recherche sur le sujet... ou du moins des recherches que les parlementaires pourraient consulter.
M. Poirier : Oui, c’est noté.
Le président : C’est noté?
M. Poirier : Oui.
Le sénateur Boehm : Il y a déjà là une question, mais c’était également une petite observation, et c’est par cela que j’avais commencé. Je pense que si on le note au fur et à mesure, c’est un point important.
M. Poirier : Merci.
La sénatrice Duncan : Je remercie tous les témoins qui ont comparu. Si vous me le permettez, j’aimerais aborder la question du crédit d’impôt pour l’exploration minière. Tout d’abord, ce crédit d’impôt particulier, le CIEM, existe depuis très longtemps. Je crois que cela fait plus de 25 ans. Les parlementaires disposent-ils d’un document qui examine l’efficacité du crédit d’impôt pour l’exploration minière? J’aimerais commencer par cela.
Mme Gwyer : Monsieur Baylor, monsieur Rogerson, je ne sais pas si vous avez connaissance d’un document quelconque. Sinon, nous pouvons voir ce dont nous disposons.
Oliver Rogerson, directeur, Division de l’impôt des entreprises, ministère des Finances Canada : Pas à ma connaissance.
La sénatrice Duncan : Merci. Je peux vous assurer, en tant qu’ancienne ministre des Finances, que le crédit d’impôt est extrêmement important pour les Canadiens et pour l’industrie, et c’est un programme très efficace.
Cette mesure budgétaire ou mesure fiscale double ce crédit d’impôt, si vous cherchez des minéraux stratégiques énoncés dans le document. Ressources naturelles Canada disposera d’une carte régionale des endroits où se trouvent actuellement ces minéraux. Ma crainte, c’est que, en doublant le crédit d’impôt pour des minéraux stratégiques, il pourrait y avoir une conséquence imprévue dans certaines régions où il n’y a peut‑être pas ces minéraux. Le crédit d’impôt accru poussera l’industrie de l’exploration vers certaines régions et réduira ses contributions économiques dans d’autres régions. Cette analyse a-t-elle été effectuée au moment de la mise en œuvre de ce crédit d’impôt?
Mme Gwyer : Monsieur Baylor, monsieur Rogerson, pourriez-vous en parler?
M. Rogerson : Je m’appelle Oliver Rogerson, je travaille à la Division de l’impôt des entreprises.
Au moment d’élaborer la liste des minéraux critiques qui seraient inclus dans le crédit d’impôt, nous avons discuté avec Ressources naturelles Canada de la liste des minéraux critiques que le ministère a précédemment élaborée pour le Canada. À partir de cette liste, nous avons reçu des informations sur les minéraux qui sont le plus susceptibles d’être trouvés au Canada en quantité suffisante pour permettre l’exploration minière. Cette mesure soutient uniquement l’exploration. Il s’agit des gisements minéraux qui pourraient être exploités ou extraits à un moment donné, à l’avenir.
Nous avons cherché à savoir ce que l’on pouvait trouver au Canada, et Ressources naturelles Canada connaît certainement les régions où il est le plus probable de trouver certains minéraux. Les minéraux que cette mesure soutient sont ceux qui sont particulièrement utilisés dans le développement ou la production de technologies propres, comme des batteries et les aimants permanents pour les véhicules à émission zéro. Puisque ce sont les minéraux nécessaires, ce sont les minéraux qui ont été inclus dans la liste.
La sénatrice Duncan : Merci.
Oui, je comprends à quoi servent les minéraux, mais cette carte régionale a-t-elle été appliquée au moment d’élaborer ce crédit d’impôt? On pouvait voir qu’il y avait une véritable disparité régionale dans l’industrie de l’exploration et une conséquence imprévue de l’industrie de l’exploration entre les régions, ce qui aurait des conséquences économiques pour la province ou le territoire en question. C’était ma question.
M. Rogerson : Merci de la question.
La mesure vise en fait à soutenir l’exploration de minéraux spécifiques. Il ne s’agit pas d’une mesure de développement régional. Donc, partout où les minéraux peuvent être trouvés, l’exploration de ces derniers sera soutenue.
La sénatrice Duncan : Je comprends cela, mais si vous avez appliqué l’information de Ressources naturelles Canada, vous savez où cette mesure fiscale est susceptible d’être efficace. Étant donné qu’elle double le crédit d’impôt ordinaire pour l’exploration, je demande si une des conséquences imprévues est qu’il y aura une disparité régionale. Cela figure-t-il dans vos informations?
M. Rogerson : Non, je n’ai pas d’information à ce sujet pour le moment.
La sénatrice Duncan : Merci.
La sénatrice Bovey : J’aimerais remercier les témoins.
Mes questions concernent la mesure (o) énoncée dans le résumé du projet de loi, à savoir le nouveau taux de contingent des versements progressif pour les organismes de bienfaisance. Je sais que le gouvernement a mené des consultations l’année dernière sur cette question et qu’un certain nombre de problèmes importants ont été soulevés.
J’ai un certain nombre de questions. D’abord, pouvez-vous me dire ce que vous entendez par « organismes de bienfaisance dans nos collectivités »? Parlez-vous des grandes fondations dans les villes, comme la Vancouver Foundation ou la Winnipeg Foundation, ou incluez-vous dans cette catégorie les fonds de dotation au sein d’organismes à but non lucratif spécifiques, comme les organismes artistiques et d’autres organismes à but non lucratif?
Quand j’aurai la réponse à cette question, je poserai d’autres questions.
Blaine Langdon, directeur, Organismes de bienfaisance, ministère des Finances Canada : Merci de la question.
Pour répondre à votre question, je décrirai peut-être la façon dont fonctionne généralement le contingent des versements, et cela vous permettra peut-être de savoir clairement les personnes qu’il touche. Le contingent de versements est le montant minimum qu’un organisme doit consacrer chaque année à des programmes de bienfaisance ou à des subventions à d’autres organismes. Il repose sur le pourcentage de ses placements.
Cela touchera essentiellement les fondations, les fondations privées et les fondations publiques, comme la Vancouver Foundation, l’un des exemples que vous avez donnés, mais également tout un ensemble d’autres fondations au Canada. Il aurait tendance à avoir moins de répercussions sur les organisations opérationnelles, comme les groupes artistiques. Même si le contingent de versements s’appliquerait à tous les fonds de dotation qu’ils détiennent, ces organismes dépensent déjà la plus grande partie de l’argent qu’ils perçoivent : ils atteignent donc facilement leur contingent de versements. Cela aurait généralement plus de répercussions sur les fondations que sur les organismes opérationnels.
La sénatrice Bovey : Dans la même veine, les organismes recueillent des fonds pour leurs activités. Ils recueillent également de l’argent pour leurs fonds de dotation, lesquels, au fil des ans, étaient considérés comme des fondations, avec des règles relatives à ce qu’ils peuvent dépenser de leurs fonds de dotation. C’est une partie de ma question.
Il y a un an, lors des consultations, combien et quels types d’organismes ont participé aux consultations du ministère des Finances, et quelle a été l’étendue des réponses? Ce changement dans le contingent de versements repose-t-il sur les consultations que vous avez tenues il y a un an?
Je passerai ensuite à autre chose après les réponses à ces questions. Mais je pense que, au chapitre du fonctionnement, vous devez comprendre qu’il y a une différence entre le fonctionnement d’une organisation et celui de ses fondations, et certaines organisations ont des fondations très riches.
M. Langdon : Je peux peut-être éclaircir la première partie. Si l’on prend un organisme artistique, et qu’il a de l’argent en banque et des investissements, il y aurait une obligation de contingent de versements sur ces montants; il y aurait une obligation de versements de 3,5 % ou 5 % selon la valeur de ces investissements. Cet organisme devrait consacrer un montant équivalent à des activités de bienfaisance. Généralement, dans le cas d’un organisme opérationnel, qu’il s’agisse d’un groupe artistique ou d’un hôpital, il atteindrait déjà le contingent de versements.
Dans la mesure où cela s’applique, par exemple, à une fondation parallèle, il y aurait également une obligation de versements pour cette fondation. Ce sont les organismes qui, en général, seraient tenus de dépenser davantage pour leurs programmes.
En ce qui concerne la seconde partie de votre question, les consultations que nous avons menées se sont déroulées en grande partie pendant l’été 2021. C’était essentiellement en ligne. Nous avions prévu de collaborer de manière plus proactive, mais en raison des élections, nous avons dû prendre un peu de recul.
Nous avons reçu une centaine de ce que j’appellerais des mémoires uniques d’une diversité d’organisations, de fondations, d’organismes-cadres du secteur de la bienfaisance, de fiscalistes, et cetera. La plupart des mémoires étaient assez exhaustifs, et nous avons largement fondé notre analyse sur ces documents. Nous avons également reçu un certain nombre de ce que nous appelons des lettres de style réponse écrite. Nous avons également reçu plus de 100 de ces lettres, il y en avait donc près de 200 au total.
De manière générale, nous avons examiné les données des formulaires T3010 déposées par les organismes de bienfaisance pour la déclaration annuelle. Nous avons analysé les déclarations d’investissement des fondations et des organismes de bienfaisance au cours de la dernière décennie, voire avant. Nous fondons nos recommandations sur cette analyse. Bien sûr, comme je l’ai dit, nous avons également pris en considération les mémoires des organismes de bienfaisance, des fondations et des organisations cadres. Ils ont absolument fait partie intégrante de notre analyse.
La sénatrice Bovey : Le secteur caritatif peut connaître une augmentation de 1 ou 2 milliards de dollars chaque année en conséquence. Sur quoi reposaient les données?
M. Langdon : Je pense que le chiffre de 1 milliard de dollars provient de l’annonce du budget de 2021. Quand nous avons examiné de plus près ces chiffres, nous avons dû les revoir à la baisse. Nous estimons actuellement que l’augmentation des dépenses de bienfaisance serait d’environ 400 millions de dollars chaque année, selon le taux proposé. Cela concerne les fondations qui dépensent actuellement à un taux de 3,5 % ou moins, et qui devraient augmenter leurs dépenses à 5 % pour respecter le nouveau contingent de versements.
Comme je l’ai dit, cela repose essentiellement sur les déclarations annuelles des organismes de bienfaisance.
Le président : À titre de président, je vous demande, madame Gwyer, si vous pouvez faire un suivi, s’il y a des choses à ajouter à la dernière question de la sénatrice Bovey. Veuillez faire un suivi par écrit.
Mme Gwyer : S’il y a quelque chose à ajouter, nous pouvons faire un suivi.
Le président : Le parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda, posera la dernière question.
Le sénateur Loffreda : Merci à vous, madame Gwyer, et à tous les témoins, d’être ici ce matin. La réponse écrite ne sera peut-être pas nécessaire, car je ferai le suivi maintenant. D’après mon expérience et les échanges que j’ai eus avec de nombreux mécènes, la mesure au point (o), énoncée dans le résumé, qui introduit un nouveau taux de contingent de versements progressif pour les organismes de bienfaisance enregistrés est très bien accueillie... elle passe de 3,5 à 5 % pour les actifs qui s’élèvent à plus de 1 million de dollars.
La sénatrice Bovey a abordé de nombreux points. Comme elle l’a mentionné, on a mené des consultations sur l’augmentation des dépenses des organismes de bienfaisance dans nos collectivités, lesquelles sont des consultations très pertinentes. De nombreuses questions importantes ont été soulevées et débattues.
Vous avez en effet mentionné que, dans le budget de 2021, nous parlions d’environ 1 à 2 milliards de dollars par an. Vous avez dit que c’est aujourd’hui 400 millions de dollars par an. D’après vos consultations et les documents dont vous pouvez disposer, pourquoi le pourcentage n’est-il pas plus élevé, compte tenu de ses répercussions importantes sur ceux qui dépendent de ses services et sur l’économie dans son ensemble? Pourquoi le taux en pourcentage du Canada est-il si bas?
M. Langdon : Merci de votre question. Simplement pour donner une idée aux représentants du ministère des Finances, évidemment, nous avons effectué notre analyse et formulé des recommandations au gouvernement. Le gouvernement est évidemment le décideur, et il a choisi le taux auquel il souhaitait fixer le contingent de versements. Je peux parler de certains des chiffres et de l’analyse en question.
Comme nous l’avons mentionné dans notre document de consultation sur le contingent de versements, nous cherchions à trouver le juste équilibre entre la garantie d’un niveau de financement approprié pour les organismes de bienfaisance et la garantie de la durabilité à long terme du financement du secteur caritatif. Une partie de ce travail consiste à s’assurer que les fondations, qui sont essentiellement la source de financement des organismes de bienfaisance, sont en mesure de fournir du financement à long terme.
Lorsque nous avons bel et bien examiné les chiffres, nous avons estimé que les fondations recevaient des intérêts et des revenus de placement à hauteur d’environ 5 % par an. Cela s’élève à environ 7 %, quand on inclut le rendement total ou les gains découlant des investissements. Bien sûr, les fondations font des dons et des subventions à d’autres organismes à partir de ces fonds. Elles assument également des dépenses administratives connexes.
En ce qui concerne la durabilité à long terme du financement, et pour éviter que les organismes aient à puiser indûment dans le capital, nous estimons que 5 % serait un taux approprié. Au-delà de ce taux, les fondations commencent à devoir puiser dans le capital, ce qui entraîne à long terme une diminution potentielle du financement du secteur de bienfaisance.
Pour répondre à la dernière partie de votre question, si je puis me permettre, concernant le taux de 5 % fixé, ici, au Canada, il n’y a pas beaucoup de pays comparables, qui ont un taux de dépense pour les organismes de bienfaisance. Le meilleur exemple serait les États-Unis. Leur taux est également de 5 %, mais ils y incluent les frais de gestion et les frais d’administration, donc, en réalité, à 5 %, nos dépenses sont un peu plus élevées que les leurs.
Le sénateur Loffreda : Le taux n’était-il pas de 9 % il y a quelques années?
M. Langdon : Je m’excuse, 9 %...
Le sénateur Loffreda : Le contingent de versements?
M. Langdon : Non. Le contingent de versements le plus élevé au Canada était de 5 % dans les années 1970, et il se situait entre 3,5 et 4,5 % au cours des dernières décennies.
Le sénateur Loffreda : Il n’y a donc jamais eu de discussion sur la possibilité de le ramener à 9 ou à 10 % ou de l’augmenter? Je comprends qu’il s’agit d’une décision politique du gouvernement, mais je m’intéresse à votre consultation et à ce que vous auriez recommandé.
M. Langdon : Encore une fois, je pense que notre rôle est de conseiller le gouvernement. Nous avons présenté une série d’options et les répercussions économiques qui en auraient résulté. Évidemment, augmenter le taux à 7 ou à 10 % augmentera les dépenses à court terme, mais cela pourrait avoir un effet négatif sur la capacité des fondations de financer les programmes de bienfaisance sur le long terme. Cela affecterait particulièrement les organismes qui ne sollicitent pas de nouveaux dons. Un grand nombre de fondations s’appuient sur les fonds de dotation pour financer les programmes de bienfaisance.
Le président : Merci, sénateur Loffreda. Madame Gwyer, merci beaucoup de comparaître aujourd’hui avec votre équipe.
Avant de lever la séance, j’aimerais rappeler aux témoins par votre intermédiaire, madame Gwyer, que les réponses écrites doivent être transmises à la greffière avant la fin de la journée du mardi 9 novembre 2022. Sommes-nous d’accord?
Mme Gwyer : Oui. D’accord.
Le président : Merci. J’aimerais informer mesdames et messieurs les sénateurs que notre prochaine séance se tiendra cet après-midi, de 15 heures à 17 heures, dans cette salle, W-120.
Avant de conclure, mesdames et messieurs les sénateurs, au nom de tous les sénateurs, j’aimerais remercier l’ensemble de l’équipe de soutien de notre comité, ceux qui sont à l’avant de la salle ainsi que ceux qui sont dans les coulisses et qu’on ne voit pas. Je vous remercie de tout le travail que vous effectuez, qui contribue énormément à la réussite de notre travail, en tant que sénatrices et sénateurs pour tous les Canadiens.
Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)