LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 6 décembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 8 h 33 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur du projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et sénatrices, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent sur sencanada.ca. J’aimerais souligner en particulier la présence du sénateur Cardozo, qui se joint à nous ce matin. Sénateur Cardozo, bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Je m’appelle Percy Mockler et je suis sénateur du Nouveau-Brunswick.
[Français]
Je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant faire un tour de table et demander à mes collègues de se présenter.
[Traduction]
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate et je viens d’ici, sur le territoire non cédé et non abandonné des Algonquins anishinabes.
[Français]
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le sénateur Gignac : Clément Gignac, sénateur du Québec.
Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, sénateur du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, sénatrice du Manitoba.
La sénatrice Duncan : Pat Duncan, du Yukon.
Le sénateur Cardozo : Sénateur Cardozo, de l’Ontario.
Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : Nous poursuivons notre étude de la teneur du projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022, que le Sénat du Canada nous a renvoyé le 17 novembre 2022.
[Français]
Nous avons plusieurs organisations avec nous ce matin pour nous aider à conclure notre étude sur le projet de loi C-32. Nous accueillons M. Bruce MacDonald, président et chef de la direction, Imagine Canada.
[Traduction]
Nous accueillons aussi par vidéoconférence M. Benjamin Dachis, vice-président associé, Affaires publiques de l’Institut C.D. Howe; M. Gil McGowan, président de l’Alberta Federation of Labour.
[Français]
De l’Alliance canadienne des associations étudiantes, nous accueillons Christian Fotang, président, et Mackenzy Metcalfe, directrice générale.
[Traduction]
Nous accueillons aussi par vidéoconférence M. Darren Hannah, qui est vice-président, Services bancaires aux particuliers et aux entreprises, à l’Association des banquiers canadiens, et M. Lance Lochner, économiste à l’Université Western Ontario, qui comparaît à titre personnel.
Bienvenue à tous et merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous allons maintenant entendre les déclarations préliminaires, qui seront de cinq minutes chacune. Nous entendrons dans l’ordre M. MacDonald, d’Imagine Canada, M. Dachis, de l’Institut C.D. Howe, M. McGowan, de l’Alberta Federation of Labour, M. Fotang, de l’Alliance canadienne des associations étudiantes, M. Hannah, de l’Association des banquiers canadiens, et enfin M. Lochner.
Monsieur MacDonald, vous avez la parole.
Bruce MacDonald, président et chef de la direction, Imagine Canada : Merci, monsieur le président et distingués membres du comité, de me donner l’occasion de parler du projet de loi C-32.
Si je suis ici aujourd’hui, c’est en raison des changements apportés au contingent des versements et de leurs effets sur le secteur caritatif. Dans l’ensemble, Imagine Canada appuie l’esprit de l’Énoncé économique de l’automne 2022.
Imagine Canada est le porte-parole du secteur caritatif et à but non lucratif. Vous vous rappelez peut-être que j’ai témoigné devant votre comité en juin au sujet de la première Loi d’exécution du budget.
Imagine Canada a collaboré avec des partenaires et des intervenants pour évaluer le projet de loi C-32, depuis ses aspects techniques jusqu’à ses répercussions possibles sur nos membres et d’autres organisations du secteur.
Plusieurs facteurs clés sont mis en évidence et traités dans ce projet de loi, et certaines nuances restent à expliquer. Nous espérons que l’Agence du revenu du Canada continuera de définir et d’expliquer d’autres éléments qui en font partie et l’interprétation qu’on leur donnera au niveau administratif.
Pour Imagine Canada, il demeure impératif que l’objet de ces modifications législatives demeure le même, à savoir un plus grand investissement dans les œuvres de bienfaisance et les organismes à but non lucratif, qui continuent d’innover pour répondre à une demande croissante de services.
Je suis ici d’abord pour réaffirmer devant une instance de haut niveau l’objet de ce projet de loi, expliquer pourquoi ces changements sont importants, et proposer qu’on y inscrive l’engagement ferme de revoir ce contingent à intervalles réguliers.
En second lieu, je vais expliquer en quoi le moment choisi pour présenter ce projet de loi est d’une importance cruciale, mais qu’il doit aussi laisser de la place aux « crises de croissance » et permettre d’élaborer des définitions communes pendant la transition vers ce nouveau seuil.
Au Canada, les organismes de bienfaisance enregistrés sont tenus de consacrer chaque année un certain pourcentage de leurs actifs à des programmes caritatifs ou à des subventions à d’autres organismes de bienfaisance. Ce contingent touche principalement les fondations, mais aussi les bénéficiaires de subventions, les bénéficiaires de dons et, maintenant, à la suite de changements apportés aux règles de direction et de contrôle, les bénéficiaires de « versements admissibles ».
Ces changements touchent un bassin d’actifs considérable, le total des actifs des fondations ayant triplé de 2008 à 2019, passant de 39,5 à 116 milliards de dollars.
Même les estimations les plus prudentes montrent que la hausse du contingent des versements à 5 % débloquera environ 200 millions de dollars de nouvelles dépenses, comparativement au montant total du financement investi sous le seuil actuel de 3,5 %.
La hausse du contingent pourrait permettre d’acheminer davantage de fonds vers des collectivités mal desservies et sous‑financées qui reçoivent depuis toujours beaucoup moins de financement de la part des fondations. Cette hausse en soi ne permettra pas aux organisations qui desservent des collectivités sous-représentées d’atteindre leur potentiel, qui dépendra de la combinaison de ce changement avec les changements correspondants aux règles sur les partenariats de bienfaisance ainsi qu’aux règles sur « la direction et le contrôle ».
Nos collègues de Fondations philanthropiques Canada, ou FPC, approuvent cette hausse du contingent des versements et y voient une mesure propre à renforcer le secteur. Imagine Canada collabore souvent avec FPC lorsque les fondations de bienfaisance sont visées par des règlements et des mesures législatives.
En ce qui concerne le contingent des versements, FPC insiste pour que ce régime fasse l’objet d’examens réguliers selon une formule fondée sur des données qui tient compte de l’évolution des conditions du marché, comme l’inflation. Il faut effectuer des examens à intervalles de cinq ans pour bien comprendre les répercussions de ce changement sur les organismes bénéficiaires et les fondations qui les subventionnent.
Imagine Canada et FPC joignent leurs voix pour demander au Comité permanent des finances nationales d’ajouter à ce projet de loi une disposition prévoyant un examen régulier du contingent des versements.
Enfin, j’aimerais aborder quelques raisons contextuelles pour expliquer la pertinence actuelle de ce projet de loi.
Il y a deux facteurs clés pour lesquels il est important de l’adopter rapidement. Au moment où le secteur caritatif entre dans sa période la plus occupée de l’année, nous entendons des prévisions inquiétantes au sujet des dons aux organismes du secteur qui comptent sur ces contributions pour accomplir leur important travail. En plus de la hausse de l’inflation et des craintes d’une éventuelle récession, les organismes ont du mal à absorber la hausse continue de la demande de services dans leurs collectivités. L’apport de nouveaux investissements à la suite d’une modification du contingent des versements serait bienvenu pour les dirigeants d’organismes à travers le pays qui se serrent la ceinture ou qui, dans le pire des cas, ferment boutique. Ce serait une bonne nouvelle pour 2023.
Pas plus tard que la semaine dernière, l’ARC a publié à des fins de consultation les lignes directrices sur les versements admissibles, qui permettraient dès le début de 2023 de nouveaux partenariats entre organismes de bienfaisance et donataires non admissibles.
La mise en commun de ces deux changements importants — un contingent des versements plus élevé et de meilleures règles sur les partenariats de bienfaisance — est de nature à transformer profondément la façon dont sont financés les organismes communautaires, en particulier ceux qui desservent des collectivités sous-représentées.
Pour ces deux raisons, Imagine Canada exhorte le comité à faire diligence afin que l’incidence du projet de loi C-32 se fasse sentir le plus tôt possible dans le secteur caritatif.
En conclusion, nous sommes heureux de voir le contingent des versements inclus dans le projet de loi, et nous recommandons au Comité permanent des finances nationales d’y inclure aussi des dispositions pour qu’il fasse l’objet d’un examen aux cinq ans.
Merci.
Le président : Merci, monsieur MacDonald.
Je vais maintenant donner la parole à M. Benjamin Dachis, de l’Institut C.D. Howe, qui sera suivi de M. McGowan.
Benjamin Dachis, vice-président associé, Affaires publiques, Institut C.D. Howe : Merci beaucoup, honorables sénateurs et monsieur le président, de m’avoir invité à prendre la parole devant vous ce matin. J’ai beaucoup de respect pour le travail du comité.
L’Institut C.D. Howe est le plus important institut à but non lucratif de recherche en politiques économiques au Canada. Sa mission consiste à rehausser le niveau de vie en favorisant des politiques publiques économiquement saines.
Je vais commencer aujourd’hui par les crédits d’impôt sur le revenu des particuliers que nous voyons dans le projet de loi et qui risquent d’avoir des conséquences inattendues, puis nous aborderons certains changements néfastes en matière d’impôt des sociétés.
Premièrement, en ce qui concerne les dispositions concernant le Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété et le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, ces deux mesures vont stimuler la demande et, si l’offre ne suit pas la cadence, elles auront pour conséquence inattendue de faire grimper le prix des maisons. Ce genre de politiques ne profite qu’aux gens comme moi qui sont déjà propriétaires, et non aux bénéficiaires visés, c’est-à-dire les acheteurs d’une première maison.
Le Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété est le seul abri fiscal qui exempterait entièrement et pour toujours le revenu de l’impôt. Nous devons garder cela à l’esprit. Les particuliers pourront gagner jusqu’à 40 000 $ sans payer un sou d’impôt. Pour une personne qui a un taux d’imposition marginal de 40 %, ce qui n’est pas inhabituel pour une famille, c’est l’équivalent d’une subvention gouvernementale de 16 000 $ pour l’achat d’une première maison. C’est 32 000 $ pour un couple.
La seule autre disposition fiscale que mes collègues et moi connaissons qui exempte entièrement le revenu de l’impôt est la prime de grève.
J’en viens maintenant aux mesures fiscales dommageables pour les entreprises. Premièrement, en ce qui concerne la création du dividende pour la relance du Canada, mes collègues Bill Robson et Jeremy Kronick en ont long à dire sur les dommages éventuels de cet impôt, que je vais résumer ici. La prospérité de certaines entreprises pendant la pandémie a mis beaucoup de gens en colère, mais la colère est rarement bonne conseillère. Ces impôts ciblés feront beaucoup de tort.
Les gouvernements peuvent imposer les sociétés, mais les impôts qu’elles paient viennent des gens eux-mêmes, les propriétaires, les employés et les clients de l’entreprise. Le montant que chacun paie dépend de la facilité avec laquelle chacun peut changer ses biens propres, son emploi ou ses achats. Les capitaux circulent assez librement entre les secteurs et par‑delà les frontières pour que les propriétaires soient les moins touchés. Les employés changent d’emploi moins facilement, mais, surtout dans un marché en pénurie de main-d’œuvre, ils sont relativement bien protégés contre une hausse d’impôt. Il reste les clients, pour qui il est beaucoup plus malaisé de changer d’institution financière ou d’acheter autre chose. C’est le groupe qui sera le plus durement touché par une hausse d’impôt.
Certaines habitudes nocives peuvent justifier des taxes ou des taux d’imposition spéciaux pour les combattre ou aider à payer pour les dommages qu’elles causent. C’est pourquoi nous taxons le tabagisme, l’alcool et la pollution. Mais qu’en est-il des comptes de chèques, des CPG et de l’assurance-vie?
La COVID-19 fait augmenter la demande d’assurance-maladie et d’assurance-invalidité. Des impôts plus élevés rendront ces services moins accessibles au Canada, puisque les investisseurs et les entrepreneurs cherchent des activités et des endroits où les impôts sont moins élevés.
Le fait que ces impôts soient si étroitement ciblés crée de l’incertitude non seulement chez les propriétaires, les employés et les clients des banques et des assureurs, mais aussi chez d’autres entreprises qui craignent d’être la prochaine cible. Cette taxe ciblée constitue un dangereux précédent.
La façon la moins dommageable de financer les services gouvernementaux est d’imposer des taxes qui sont neutres, qui reposent sur une large assiette fiscale et qui ont des taux peu élevés. Comme le font valoir mes collègues Jeremy Kronick et Alex Laurin à l’Institut C.D. Howe, lorsque nous pensons à une fiscalité optimale pour assurer l’équité, réduire au minimum les distorsions et procurer à l’État les recettes auxquelles nous nous attendons, nous pensons généralement à des taxes à valeur ajoutée d’application universelle, comme la TPS. Nous pourrons peut-être approfondir le rôle de la TPS durant la période des questions.
Enfin, le projet de loi contient une disposition qui modifie le calcul du revenu consécutivement à l’adoption d’une nouvelle norme comptable internationale pour les contrats d’assurance. Je pourrai en parler plus en détail pendant la période des questions; je sais que le temps me presse. Dans le budget de 2022, on estimait que cette mesure augmenterait les recettes du gouvernement fédéral de 2,3 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Il s’agit en fait d’une taxe déguisée qui est imposée aux assureurs et aux acheteurs de polices d’assurance à long terme.
Il y a d’autres dispositions dans le projet de loi, comme le contingent des versements, dont M. MacDonald a si bien parlé, et les changements à la fiscalité des petites entreprises, dont je pourrai parler pendant la période de questions.
Permettez-moi de conclure par une simple réflexion. Nous trouvons tous que le régime fiscal est trop complexe et nous voulons tous qu’il soit simplifié. Pourtant, le projet de loi C-32, comme tous ses prédécesseurs venus de tous les partis au cours des dernières années, ne fait que le compliquer davantage.
Merci beaucoup. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci. Monsieur McGowan, vous avez la parole.
Gil McGowan, président, Alberta Federation of Labour : Merci, monsieur le président et distingués membres du comité, et bonjour.
L’Alberta Federation of Labour, ou AFL, est le plus important groupe de défense des travailleurs en Alberta, puisqu’il représente plus de 170 000 travailleurs albertains affiliés à 28 syndicats des secteurs public et privé.
Pour ce qui est de la gestion de la transition énergétique en cours, nos membres ont dit très clairement qu’ils ne veulent pas de cadeaux ni d’aide sociale; ils veulent des emplois. Ils ne veulent pas de beaux discours; ils veulent un plan. C’est pourquoi notre fédération a récemment collaboré avec d’autres grands syndicats de l’industrie et de la construction à l’élaboration d’un plan industriel ambitieux pour la transformation économique et la création d’emplois que nous appelons Skate to Where the Puck is Going.
Le document qui en traite s’inspire de la sagesse de deux personnages emblématiques de l’Alberta, le premier étant Wayne Gretzky, qui a dit qu’on gagne quand on patine vers le point où se dirige la rondelle et pas en fonction de là où elle vient, et le deuxième étant l’ancien premier ministre de l’Alberta, Peter Lougheed, qui n’a jamais hésité à utiliser la politique industrielle du gouvernement pour créer l’industrie des sables bitumineux de l’Alberta et notre industrie pétrochimique.
Quiconque connaît un tant soit peu l’Alberta sait que ces deux industries ont été les principaux moteurs de notre prospérité au cours des 40 dernières années, mais la plupart des gens ne savent pas qu’aucune d’elles n’existeraient, du moins pas dans leur forme actuelle, si ce n’avait été de la politique industrielle du gouvernement qui comprenait non seulement des incitatifs fiscaux, mais aussi des règlements dans l’intérêt public et la propriété publique pure et simple.
Face à la transition énergétique mondiale en cours, la Fédération du travail de l’Alberta et le mouvement syndical de l’Alberta estiment que nous avons besoin d’une politique industrielle à la Lougheed, actualisée pour le XXIe siècle.
Cela dit, nous sommes très satisfaits de ce que nous voyons dans l’énoncé économique de l’automne. Nous aimons les crédits d’impôt à l’investissement pour les technologies propres et l’hydrogène. Nous aimons l’idée du Fonds canadien de croissance. Nous aimons le Centre de formation pour les emplois durables et le Secrétariat des emplois durables, ainsi que le nouveau volet des emplois durables du Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical. Nous aimons tout cela, mais nous avons quelques observations, préoccupations, questions et suggestions à exprimer.
Notre première observation est que tout cela va dans la bonne direction, mais ne correspond toujours pas à une politique industrielle. Quand, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Institut C.D. Howe a décidé de faire du Canada une puissance industrielle, il ne s’est pas contenté de distribuer des incitatifs fiscaux et d’espérer que tout irait pour le mieux. Il a profilé une vision et utilisé les fonds publics et les sociétés d’État pour la réaliser.
Ce fut la même chose avec Peter Lougheed qui a soutenu les sables bitumineux et les produits pétrochimiques en Alberta. Il a établi une vision de la transformation industrielle et l’a poursuivie, et les incitatifs fiscaux n’étaient pas son principal outil. Il a plutôt fait en sorte que cela se produise grâce à une combinaison d’investissements publics dans l’innovation, à la réglementation dans l’intérêt public, à la création de sociétés d’État pour appuyer sa vision et à des partenariats de capitaux propres avec le secteur privé.
Cela nous amène à nous demander pourquoi la vision de la politique industrielle décrite dans ce projet de loi est si étriquée. Pourquoi se limite-t-elle essentiellement à des mesures fiscales et à des garanties de prêts? Pourquoi n’envisageons-nous pas des options de propriété publique et d’actions de type Lougheed et C.D. Howe? En ce qui concerne le fonds de croissance, pourquoi confions-nous toute la prise de décisions à un groupe d’investisseurs de l’industrie? À tout le moins, pourquoi n’envisageons-nous pas une structure de gouvernance bicamérale pour le fonds de croissance, qui comprendrait un conseil des intervenants chargé d’établir la vision et l’orientation dans l’intérêt public et un conseil d’experts distinct chargé de la mise en œuvre?
Nous avons d’autres questions et préoccupations au sujet de l’énoncé économique de l’automne, mais je n’en mentionnerai que deux. Nous sommes très heureux de voir que des conditions de travail sont rattachées au crédit d’impôt pour l’investissement dans les technologies propres, mais alors pourquoi ne pas s’être engagé à imposer des conditions semblables au crédit d’impôt pour l’hydrogène et à d’autres crédits d’impôt? Nous sommes également préoccupés par l’engagement explicite à l’égard du microcrédit et du centre de formation en emplois durables. Quant à nous, c’est comme la question du porc dans les collèges privés et ce n’est dans l’intérêt ni des travailleurs ni de l’économie.
Dans l’ensemble, l’énoncé économique de l’automne est un très bon début, mais il pèche par manque d’imagination et d’ambition. Au lieu de donner dans un néo-libéralisme pantouflard, nous devons renouer avec une politique industrielle revigorée et la meilleure façon d’y parvenir consiste à nous remémorer les Peter Lougheed et Institut C.D. Howe d’autrefois. Merci beaucoup.
Le président : Merci. Je vais donner la parole à Christian Fotang, qui sera suivi de Darren Hannah. Monsieur Fotang, vous avez la parole.
Christian Fotang, président, Alliance canadienne des associations étudiantes : Merci, monsieur le président. Bonjour, honorables sénateurs, et merci de m’accueillir aujourd’hui. Je m’appelle Christian Fotang et je représente l’Alliance canadienne des associations étudiantes, communément appelée ACAE. Je suis également vice-président des Affaires extérieures de la University of Alberta Students’ Union.
Je suis accompagné de Mackenzy Metcalfe, directrice générale de l’ACAE, qui m’aidera à répondre à vos questions.
Je suis honoré d’être ici pour parler de l’importance et de l’incidence du projet de loi C-32 pour tous les étudiants d’hier, d’aujourd’hui et de demain. L’ACAE représente 275 000 étudiants et, avec nos partenaires de l’Union étudiante du Québec, nous nous exprimons au nom de plus de 365 000 étudiants de partout au Canada.
Nous écoutons attentivement ce que disent les étudiants d’un bout à l’autre du pays et nous défendons leurs intérêts. La grande majorité d’entre eux nous disent qu’ils appuient la suppression des intérêts sur les prêts d’études canadiens proposée dans le projet de loi C-32.
L’élimination des intérêts fédéraux sur les prêts étudiants est une demande de longue date des étudiants, puisqu’elle remonte à 2016. Nous avons été ravis de voir que la dispense temporaire est entrée en vigueur au début de la pandémie, le 30 mars 2020, mais de nombreux étudiants craignaient qu’elle ne soit que temporaire.
Ainsi, lorsque l’énoncé économique de l’automne a été présenté en novembre, les étudiants ont été enthousiasmés, et à juste titre, de constater que le gouvernement fédéral renonçait définitivement aux intérêts sur les prêts. Pourquoi? Parce qu’avant le projet de loi C-32, les intérêts s’accumulaient sur leurs prêts, et, pendant que les diplômés entamaient leur parcours souvent chaotique d’entrée sur le marché du travail, ils avaient de la difficulté à payer leur loyer et à rembourser leurs prêts étudiants.
Les étudiants ont souvent besoin d’un peu de temps pour véritablement prendre pied dans leur carrière avant de gagner un revenu suffisant pour pouvoir commencer à rembourser leurs prêts. Des programmes comme le Programme d’aide au remboursement existent pour aider les étudiants à rembourser leurs prêts, mais la suppression des intérêts pour tous les emprunteurs fédéraux est une étape importante sur la voie d’une politique de remboursement équitable pour tous les étudiants.
D’un autre côté, nombre d’éléments de l’énoncé économique de l’automne n’ont pas été inclus dans le projet de loi C-32, comme le financement par l’entremise du programme Emplois d’été Canada et le financement par l’entremise de la Stratégie emploi et compétences jeunesse. L’ACAE tient à souligner que ces investissements sont également bien accueillis par les étudiants.
En conclusion, si cet investissement va tout de suite aider de nombreux anciens étudiants, on ne saurait surestimer l’incidence que cette politique aura sur les étudiants actuels et futurs, car tous les emprunteurs actuels du Programme canadien de prêts aux étudiants devront éventuellement rembourser leurs prêts et chacun d’eux bénéficiera d’un prêt sans intérêt. Nous serons heureux de répondre à vos questions, sénateurs. Merci.
Le président : Je vais maintenant donner la parole à M. Darren Hannah, qui sera suivi de M. Lochner. Monsieur Hannah, vous avez la parole.
Darren Hannah, vice-président, Services bancaires aux particuliers et aux entreprises, Association des banquiers canadiens : Bonjour. Je m’appelle Darren Hannah, je suis le vice-président des services bancaires aux particuliers et aux entreprises de l’Association des banquiers canadiens. L’Association des banquiers canadiens est la voix de plus de 60 banques canadiennes et étrangères qui mènent des activités au Canada et de leurs près de 300 000 employés au pays.
L’ABC préconise l’adoption de politiques publiques favorisant le maintien d’un système bancaire solide et dynamique, capable d’aider les Canadiens à atteindre leurs objectifs financiers et à rehausser le niveau de leur mieux-être financier. Nos banques membres, tant canadiennes qu’étrangères, jouent un rôle pivot dans l’économie canadienne. En effet, le secteur bancaire : compte pour environ 4 % du PIB du Canada; il a versé plus de 13,5 milliards en impôts à tous les paliers de gouvernement en 2021; il a accordé 1,5 billion de dollars en crédit à des entreprises canadiennes, et il a joué un rôle central auprès des particuliers et des entreprises pour les aider à traverser la pandémie. Les banques affichent un long historique de contributions à la réalisation des priorités du Canada et représentent une force positive qui pousse vers une économie solide, inclusive et durable.
Je comparais devant vous aujourd’hui afin de vous exposer notre point de vue sur le projet de loi C-32, un projet de loi qui comporte de nombreuses dispositions. Je vais axer mes remarques sur la partie 1 qui modifie la Loi de l’impôt sur le revenu pour mettre en œuvre l’impôt sur les institutions financières et les dividendes pour la relance du Canada, et qui introduit le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété.
D’abord, je vais aborder la question de l’impôt sur les institutions financières et les dividendes pour la relance du Canada.
Le concept de base est simple : globalement, un régime fiscal doit tendre vers la neutralité pour que les décisions se fondent uniquement sur le mérite économique.
Un tel régime incorpore des taux relativement faibles et uniformes, et s’assortit d’une large assiette et d’une application égale et proportionnée, ce qui permet aux marchés de canaliser les investissements vers leur meilleur usage. En outre, un régime neutre favorise la croissance et l’innovation en permettant aux investisseurs, aux épargnants et aux employés de faire des choix motivés par le meilleur rendement sur leur capital, leur main‑d’œuvre ou leurs connaissances, plutôt que par des considérations fiscales.
Lorsqu’il n’est pas neutre, un régime fiscal crée des tensions, envoie le mauvais message au sujet de l’investissement au Canada, et cause une hausse des coûts du crédit pour toutes les entreprises.
L’impôt sur les institutions financières et le dividende pour la relance du Canada sont incompatibles avec le principe de la neutralité fiscale. Sur le plan international, les investisseurs prennent note de l’impôt sur les institutions financières et les dividendes, ce qui les amène à remettre en question l’engagement du Canada à créer un environnement économique favorisant les investissements.
Sur le plan national, l’impôt sur les institutions financières et les dividendes se répercuteront négativement sur les millions d’épargnants qui détiennent des actions dans les banques et sur les 300 000 personnes qui travaillent dans ce secteur.
Alors qu’il progresse sur la voie de la reprise post-pandémie, le Canada a besoin d’une croissance durable et non inflationniste et les banques ont un rôle fondamental à jouer sur ce plan. Forcer les banques à payer des milliards de dollars en impôt pourrait amener une réduction encore plus grande de leur capacité à prêter. Une reprise économique vigoureuse a besoin de banques solides qui accordent du crédit aux entreprises — stimulant ainsi la productivité —, qui créent des emplois pour les travailleurs canadiens et qui maintiennent une économie bourdonnante d’activités. Le gouvernement fédéral doit comprendre les profondes répercussions qu’aura une taxe spéciale imposée exclusivement au secteur bancaire.
Le gouvernement devrait donc annuler l’impôt sur les institutions financières et sur les dividendes, et réaffirmer son attachement au principe de la neutralité fiscale. À tout le moins, il doit s’engager à fixer une date d’expiration claire pour l’impôt sur les institutions financières afin que les investisseurs et les travailleurs du secteur bancaire sachent que le Canada est déterminé à attirer des investissements et à maintenir des banques solides, garantes d’une croissance économique durable.
J’aimerais parler à présent du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété.
L’ABC est favorable à la création du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété. Pour des millions de Canadiennes et de Canadiens, épargner en vue de s’acheter un logement est une composante essentielle de la planification financière personnelle. Leur offrir un outil additionnel pour leur permettre d’y arriver est un pas positif.
Toutefois, nous émettons des réserves quant au calendrier de mise en œuvre encastré dans la législation, qui est exceptionnellement caustique et qui pourra gratuitement compliquer le lancement du compte que des millions de personnes attendent.
Ayant travaillé au développement du Compte d’épargne libre d’impôt il y a plus de 10 ans, je sais très bien ce qu’il en coûte. Celui-ci aussi a été conçu et lancé dans un très court délai, sans avoir prévu assez de temps pour bien informer les consommateurs des caractéristiques du compte et des règles qui le régissent. De même, l’intervalle de temps entre la date de confirmation des spécifications finales et la date de lancement du produit était trop court pour favoriser un flux de données fluide entre les institutions financières et l’Agence du Revenu du Canada. Le fâcheux résultat en a été l’envoi d’avis par l’ARC à 70 000 contribuables pour contributions excessives ou pour refus d’enregistrement en raison de renseignements incohérents ou manquants, ce qui a inutilement suscité de l’anxiété chez des milliers de personnes.
Nous cherchons tous à éviter la répétition de ce scénario, mais vu la complexité et la nouveauté du produit, avoir le 1er avril 2023 comme date d’entrée en vigueur est extrêmement serré. Nous demandons donc que la date du 1er avril soit reculée jusqu’à la fin de 2023 afin de donner au secteur bancaire et à l’Agence de revenu du Canada le temps nécessaire à l’établissement d’un processus de mise en œuvre qui soit homogène.
Je vous remercie pour l’attention que vous apporterez à nos recommandations et serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci. Pour conclure ces déclarations préliminaires, je vais céder la parole à M. Lance Lochner, économiste à l’Université Western Ontario.
Lance Lochner, économiste, University of Western Ontario, à titre personnel : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de m’avoir invité ici aujourd’hui. Je m’occupe depuis longtemps des questions liées au financement de l’enseignement universitaire. Je vais donc vous esquisser les principaux problèmes qui se présenteront, selon moi, dans toute politique visant à modifier les modalités des prêts aux étudiants et, surtout, à supprimer le paiement des intérêts sur ces prêts.
N’oublions pas que l’objectif premier des prêts que le gouvernement accorde aux étudiants est de les aider à financer des investissements efficaces qu’il effectue dans l’éducation. Les prêts étudiants constituent d’excellents instruments politiques pour améliorer l’efficience économique et pour favoriser la croissance de l’économie. Ils ne sont cependant pas conçus de manière à éviter les inégalités. Ils pourraient contribuer à fournir une forme d’assurance contre les risques du marché du travail s’ils s’accompagnaient de programmes d’aide au remboursement bien conçus.
Quel rôle joue le paiement des intérêts sur les prêts étudiants? D’abord et avant tout, ils procurent au gouvernement un rendement financier pour couvrir les coûts d’option de ces fonds. Après tout, les prêts ne sont pas des subventions.
Deuxièmement, avec les frais de scolarité, les taux d’intérêt soulignent aux étudiants emprunteurs ce que coûtent leurs investissements en éducation. Il ne vaut probablement pas la peine d’investir dans des programmes ou dans des établissements qui ne donnent pas un rendement d’assez bonne qualité pour couvrir ces coûts. Bien sûr, les étudiants sont toujours libres de poursuivre leurs intérêts par amour ou par passion, mais qu’ils le fassent à leurs propres frais, je dirais.
Si l’on pense aux futurs étudiants, quelles seraient les conséquences de la suppression du paiement des intérêts? Eh bien, cela indiquerait de toute évidence aux étudiants emprunteurs que leurs prêts sont en réalité des subventions. Les étudiants qui emprunteront le plus recevront la subvention la plus élevée. Je ne comprends pas du tout pourquoi on voudrait accorder des subventions supplémentaires à ces emprunteurs en particulier.
En même temps, la suppression du paiement des intérêts ne fournirait pas de ressources supplémentaires aux étudiants pendant qu’ils sont aux études — ce qui est l’objectif principal des prêts aux étudiants. Pour ce qui est du financement, la suppression du paiement des intérêts ferait sûrement concurrence à l’aide fournie pendant les périodes d’inscription. Si l’on veut subventionner l’enseignement supérieur, il semble plus direct et plus efficace de le faire simplement en versant des subventions et des bourses ainsi que par le financement de base que le gouvernement verse aux collèges et aux universités.
Enfin, en supprimant le paiement des intérêts sur les prêts étudiants, on incitera les étudiants à faire des emprunts supplémentaires et à retarder leurs remboursements. En effet, cette politique est susceptible d’encourager les étudiants qui n’ont absolument pas besoin de fonds pendant leurs études à emprunter quand même ou à retarder leurs remboursements. Après tout, ils peuvent même générer des revenus en empruntant et en réinvestissant cet argent à la banque dans des actifs à risque ou sans risque. En encourageant l’emprunt, cette politique pourrait même les précipiter dans l’endettement.
Enfin, en encourageant les emprunts, il est presque certain que ces prêts aux étudiants coûteront au gouvernement plus cher — beaucoup plus cher, à mon avis —, que ne le suggèrent les estimations actuelles.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Je remercie tous les témoins pour leurs commentaires et pour leurs déclarations.
Honorables sénateurs, veuillez noter que M. Bruce MacDonald, d’Imagine Canada, doit partir à 10 heures. Donc jusqu’à 10 heures, vous pourrez lui poser vos questions directement.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant passer aux questions. Vous disposez d’un maximum de cinq minutes pour le premier tour de questions et d’un maximum de trois minutes pour le deuxième tour.
La sénatrice Marshall : Ma première question est pour M. Hannah, de l’Association des banquiers canadiens. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des impôts supplémentaires qui sont imposés aux banques. L’impôt sur les bénéfices passera déjà de 50 milliards de dollars qu’il était en 2019-2020 à 91 milliards de dollars cette année, selon les estimations. C’est une augmentation d’environ 82 %. Je suppose que les impôts supplémentaires qui seront imposés aux banques sont inclus dans ce pourcentage.
Dans votre déclaration préliminaire, monsieur Hannah, je pense que vous vouliez des précisions sur les impôts, mais lorsque j’ai lu l’Énoncé économique de l’automne 2022, à mon avis, l’impôt supplémentaire de 1,5 % imposé aux banques sera permanent. Je ne crois pas qu’il y ait une date limite. Et le dividende pour la relance du Canada est un dividende ponctuel de 15 % étalé sur cinq ans, mais il est possible qu’il soit prolongé. J’aimerais savoir ce que vous pensez des effets à long terme qu’auront ces impôts.
J’aimerais aussi que vous nous parliez de l’impression générale — je ne sais pas si les gens se font une idée fausse à ce sujet — que les actions des banques sont détenues par des gens riches. Je ne pense pas que ce soit exact. Peut-être pourriez-vous nous donner des éclaircissements à ce sujet. J’ai cru comprendre qu’une bonne partie des fonds de pension des Canadiens de la classe moyenne sont investis dans des banques. Beaucoup de gens qui ont un compte d’épargne libre d’impôt détiennent aussi des actions bancaires. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.
L’autre idée fausse est celle du gouvernement, qui semble penser que les grandes sociétés disposent d’une source d’argent illimitée à laquelle il peut accéder en leur imposant des impôts. Pouvez-vous répondre à tout cela? Si vous avez le temps, vous pourriez peut-être nous dire ce que vous pensez du rachat d’actions, car cela m’intéresserait également. Merci.
M. Hannah : Votre question contient de nombreux éléments. Je vais essayer d’y répondre dans l’ordre.
En ce qui concerne la structure de l’impôt, vous avez raison. Le dividende pour la relance du Canada proposé est un impôt unique versé sur cinq ans. L’impôt des institutions financières est maintenu indéfiniment. Nous n’aimons ni l’un ni l’autre. Nous pensons que les deux devraient être reconsidérés, mais comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, l’impôt des institutions financières devrait au moins être temporisé au bout de cinq ans pour assurer aux investisseurs et aux employés que le gouvernement s’engage à adopter une stratégie de croissance et à améliorer la productivité. C’est le premier point.
Le deuxième point concerne les effets de ces impôts. Oui, nos membres ont certainement entendu des investisseurs dire qu’ils les remarquent et qu’ils se demandent dans quelle mesure le Canada s’efforce d’établir un régime fiscal solide et axé sur la croissance.
Quant à savoir qui détient les actions des banques, vous avez tout à fait raison. Des millions de Canadiens, directement ou indirectement, détiennent des actions de banques. Ils les détiennent par l’entremise de leur fonds de pension. Ils les détiennent aussi par l’entremise de pratiquement tous les fonds communs de placement de premier ordre qu’ils possèdent, de tous les fonds communs axés sur l’indice ou de tous les fonds négociés en bourse sur un indice canadien. Cette propriété est très étendue. Elle touche pratiquement tous les Canadiens qui ont des investissements de quelque nature que ce soit.
La sénatrice Marshall : Avez-vous des commentaires sur le rachat d’actions? J’ai lu des articles à ce sujet et j’aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Hannah : De notre point de vue, il vaut mieux laisser les cadres et les investisseurs décider de ces questions. Ces décisions leur appartiennent. Ils sont mieux placés pour décider de la meilleure façon de déployer leurs capitaux et de gérer les bénéfices non répartis. Nous ne croyons pas que l’imposition de mesures fiscales soit une très bonne idée.
La sénatrice Marshall : Monsieur Dachis, de l’Institut C.D. Howe, avez-vous des commentaires à faire au sujet du Fonds de croissance du Canada, le fonds de 15 milliards de dollars que le gouvernement est en train de créer?
M. Dachis : Je n’ai qu’une opinion générale. Nous devons déterminer avec soin dans quelle mesure le gouvernement ou les acteurs politiques sélectionneront les bénéficiaires.
Il n’est pas mauvais de créer un fonds général visant un vaste éventail de priorités, mais pour le gérer, il faut établir des règles claires. Il faut établir un processus indépendant pour déterminer qui seront les bénéficiaires de ces fonds. Je m’inquiète de l’influence que le lobbying et d’autres enjeux pourront exercer sur la décision définitive.
La sénatrice Marshall : Nous le saurons quand cela arrivera. Merci.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma question s’adresse à M. Dachis.
[Traduction]
Vous avez parlé de la Norme internationale d’information financière 17 et du fait qu’elle rapporterait 2,3 milliards de dollars en impôts cachés aux assureurs. Pourriez-vous expliquer cela, s’il vous plaît?
M. Dachis : Les nouvelles règles ne sont pas entièrement conformes à la nouvelle norme comptable internationale. Elles introduisent une exception selon laquelle les bénéfices non acquis des contrats d’assurance relatifs aux services qui restent à fournir — la nouvelle réserve conforme à la norme comptable internationale, la marge contractuelle de service — devra être incluse dans le revenu imposable. Donc on imposera désormais l’impôt sur une marge de profit qui ne se matérialisera peut-être jamais, malgré l’objectif de la nouvelle norme comptable.
La sénatrice Moncion : Merci. D’où viendra l’argent? Nous savons que toute entreprise qui a des actions préfère maintenir ses dividendes à leur niveau actuel, alors d’où viendra l’argent?
M. Dachis : C’est le même principe que celui des impôts des institutions financières dont nous avons parlé. Les sociétés ne sont en fait que des instruments de transfert d’argent. Quand on y pense vraiment, elles prennent de l’argent des clients pour le distribuer à leurs propriétaires et à leurs employés, qui finissent par payer l’impôt, quel qu’il soit — qu’il s’agisse du dividende de recouvrement ou de cette nouvelle règle d’imposition et de normes comptables. C’est en fait toute une question d’élasticité, comme diraient les économistes. Les gens ont-ils assez de souplesse pour passer d’un service à un autre? Les investisseurs de ces compagnies d’assurances peuvent-ils transférer leur argent d’un produit d’assurance moins taxé au Canada à un autre produit ailleurs dans le monde? Les gens agissent vite, lorsque l’impôt des entreprises augmente.
Dans le secteur de l’assurance au Canada, on se demandera s’il y a beaucoup de concurrence. S’il n’y a pas énormément de concurrence dans le secteur de l’assurance, du moins du côté des clients, ce sont eux qui finiront par payer cet impôt.
La sénatrice Moncion : Ma prochaine question s’adresse à M. Hannah. Est-ce que le principe que M. Dachis vient de décrire s’applique aussi aux banques?
M. Hannah : Excusez-moi, de quel principe parlez-vous?
La sénatrice Moncion : De celui qui vient d’être décrit, selon lequel les coûts sont retransmis aux clients.
M. Hannah : Je pense que ce que M. Dachis a dit est en grande partie exact, à savoir que toute société, qu’il s’agisse d’une banque, d’un fabricant ou autre est, en réalité, une entente. C’est une entente juridique qui décrit la relation entre les clients, les investisseurs, les employés et les fournisseurs. Donc tous ces intervenants sont touchés par ce qui augmente ou modifie un coût.
La sénatrice Moncion : C’est une manière originale d’imposer de l’impôt aux clients, mais par l’intermédiaire des banques et des compagnies d’assurances, si je comprends bien?
M. Hannah : Était-ce une question?
La sénatrice Moncion : Oui. Est-ce une façon originale ou créative de le faire?
M. Hannah : En fait vous me demandez si l’impôt perçu des banques aura une incidence indirecte sur les clients. Oui, bien sûr. Tous ces intervenants seront touchés. Cet impôt touchera les clients, les investisseurs et les employés.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Français]
Le sénateur Gignac : Ma question s’adresse au représentant de l’Association des banquiers canadiens, M. Darren Hannah.
J’ai travaillé dans le secteur des institutions financières pendant plusieurs années, donc je comprends un peu ce qui se passe dans le secteur et l’impact que cela peut avoir sur l’augmentation du fardeau fiscal.
Ma question est la suivante : est-ce que, pendant la pandémie, les interventions du gouvernement fédéral ont permis au secteur bancaire de sauver plusieurs millions de dollars, dans le sens où le Canada n’aura pas expérimenté une récession sévère, grâce à l’intervention de la Banque du Canada, puis à l’assouplissement quantitatif? L’intervention du gouvernement fédéral durant la pandémie a-t-elle été bénéfique pour le secteur bancaire?
[Traduction]
M. Hannah : Le gouvernement est intervenu pour relancer l’économie. Il a veillé à ce que nous disposions continuellement des liquidités sur le marché et à ce que les marchés financiers fonctionnent efficacement. Il a également aidé les particuliers et les entreprises à faire face à la perturbation soudaine causée par les fermetures dues à la pandémie de la COVID-19.
Je dirai aussi, avec beaucoup de fierté, que le secteur bancaire lui-même a contribué à aider les Canadiens à surmonter cette période difficile. Les banques ont accordé plus de 800 000 reports de versements hypothécaires ainsi que près de 1,3 million de paiements de cartes de crédit, de marges de crédit personnelles, de prêts personnels et de prêts automobiles. Elles ont renoncé à 117 millions de dollars en frais bancaires et accordé 49 milliards de dollars de crédit supplémentaire à leurs clients commerciaux. Je suis vraiment fier de cela.
Le sénateur Gignac : Corrigez-moi si je me trompe, mais je pense que le Bureau du surintendant des institutions financières a encore une fois modifié les règles qui permettaient aux banques d’agir avec plus de souplesse afin d’avoir de nouveaux...
M. Hannah : Vous avez mentionné le Bureau du surintendant des institutions financières. Je crois que vous faites allusion au fait qu’il a temporairement réduit certaines de ses exigences en matière de capital afin de faire de la place à des prêts supplémentaires, et c’est vrai. C’est une bonne chose. Mais en fin de compte, ce sont les institutions qui fournissent le crédit et le prêt. En ce sens, l’organisme de réglementation a fait ce qu’il devait faire, et les institutions aussi.
Le sénateur Gignac : Pour conclure, et avant de m’adresser à M. Dachis, je voudrais que vous m’expliquiez une chose. Vous suggérez que l’on n’impose pas cet impôt au secteur bancaire. Alors quelle solution suggérez-vous? Augmenter la TPS? Pourriez-vous me donner une indication claire?
M. Hannah : Il faudrait en discuter avec le ministère des Finances. L’objectif fondamental est d’établir un régime fiscal à la fois faible et neutre, avec une assiette large. Donc, en fin de compte, de notre point de vue, il n’est pas constructif de cibler des secteurs particuliers à des fins fiscales. Il faut imposer, si vous voulez, sur une base plus large et à un niveau plus bas.
Le sénateur Gignac : Je vais maintenant m’adresser à M. Dachis, de l’Institut C.D. Howe. Si j’ai bien compris, vous interprétez le fait qu’un projet de loi comme le C-32 crée un biais, et vous proposez un régime fiscal neutre. Cela se rapprocherait plus d’une augmentation de la TPS que de la mesure prévue dans le projet de loi C-32. Est-ce bien ce que vous proposez?
M. Dachis : Oui. Nous pouvons examiner plus en détail la TPS dans le secteur financier. Il faut revenir à la mise en œuvre de la TPS il y a des décennies, lorsqu’à l’époque, il était très difficile d’appliquer la TPS dans le secteur financier. En effet, on se heurte à de grands obstacles dans ce domaine. Je sais qu’il ne me reste qu’une minute. Nous pourrions peut-être réserver cela pour le deuxième tour.
Le sénateur Gignac : Merci.
Le sénateur Smith : J’ai une question pour M. Dachis. En passant, pendant la pause, monsieur Dachis, nous avons vu à l’écran ici une merveilleuse photo de vous avec votre bébé.
Vous avez souligné les nombreux changements fiscaux qui, selon vous, feront augmenter le prix des maisons et nuiront aussi aux entreprises. Vous préconisez des politiques fiscales générales, qui seraient neutres. Le régime fiscal du Canada est-il concurrentiel par rapport à celui d’autres pays? Que recommanderiez-vous que le gouvernement fasse pour simplifier le régime fiscal?
M. Dachis : Tout d’abord, merci beaucoup d’avoir mentionné ma fille. J’ai pris cette photo au plus fort de la pandémie. Je refuse de la retirer pendant mes appels Zoom. Je devrai le faire à un moment donné. C’est tellement sympathique de la voir ici.
Non, le régime fiscal canadien n’est pas particulièrement concurrentiel. Regardons quelques exemples précis et la façon dont nous mesurons les résultats. Les économistes mesurent la compétitivité de notre régime fiscal par le taux effectif marginal d’imposition. En parlant de certains impôts imposés aux entreprises, nous pensons souvent à l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Le gouvernement fédéral a fait de très bons efforts, surtout dans les années 1990 et 2000, pour réduire l’impôt sur les bénéfices des sociétés. C’était un excellent début.
Cependant, les provinces ne nous aident pas. Elles ne nous aident pas à plusieurs égards. Premièrement, elles imposent les bénéfices des sociétés, et deuxièmement, elles tirent un impôt furtif sur le capital, qui est l’impôt foncier provincial. Les impôts fonciers provinciaux sont extrêmement élevés pour les entreprises — beaucoup plus élevés, parfois six fois plus, qu’une propriété résidentielle de même valeur dans une même ville. Et n’oublions pas les impôts fonciers municipaux. Tout cela cause beaucoup d’obstacles à la compétitivité. Voilà pour votre première question sur la compétitivité.
Votre prochaine question porte sur la simplification. Je vous répondrai que notre régime fiscal n’est pas simple. Nous devrons y apporter de nombreuses améliorations, mais la toute première sera de cesser d’y ajouter des impôts et des crédits d’impôt plus compliqués. Par exemple, le crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles, que d’après ce projet de loi, nous considérons comme un crédit d’impôt à l’investissement domiciliaire, est un autre exemple d’ajout d’un crédit d’impôt ultraciblé. L’impôt devient de plus en plus compliqué, et les gens ont bien de la peine à comprendre à combien s’élève leur impôt global. Ces ajouts nous éloignent encore plus de l’objectif que nous visons tous, ou du moins que beaucoup d’entre nous désirent, qui est de remplir une déclaration de revenus tellement simple que l’on pourrait presque la remplir automatiquement. Tous ces ajouts compliquent le régime fiscal et nous éloignent de plus en plus de l’objectif global.
Le sénateur Smith : En pensant au système dont vous venez de parler, quels sont, selon vous, ses deux plus grands problèmes? Vous en avez mentionné plusieurs. Pourriez-vous en nommer deux que nous devrions corriger pour améliorer le système?
M. Dachis : C’est une question complexe. Pouvez-vous me donner 30 secondes pour y réfléchir? Il y a beaucoup d’allégements fiscaux pour les particuliers.
Je commencerais par mener un examen public exhaustif. Il faut établir un processus, parce que l’on ne devrait pas choisir la direction à prendre en se basant sur l’opinion d’une seule personne. Il faudra un processus. Chacun de ces crédits d’impôt vise un groupe d’intervenants qui tiennent à le conserver, des entreprises ou des particuliers qui entraveront, sur le plan politique, toute tentative de se débarrasser de quoi que ce soit. Je commencerais par établir un processus de consultations publiques qui donnera au gouvernement une idée de ce qui l’attend.
Ensuite, je procéderais à une analyse coût-bénéfice pour déterminer à quoi servent vraiment ces crédits d’impôt et quels objectifs ils visent. Bon nombre de ces crédits d’impôt n’atteignent probablement plus leur objectif. Il y a probablement des façons plus efficaces, que ce soit par une intervention directe du gouvernement ou en les éliminant complètement, d’atteindre les objectifs stratégiques implicites ou explicites de certains de ces crédits d’impôt.
Le sénateur Smith : Merci.
La sénatrice Bovey : Je remercie tous nos témoins. Les sujets que vous abordez sont extrêmement complexes.
Je vais poser une question à M. MacDonald d’Imagine Canada, qui est un organisme à but non lucratif. Les 200 millions de dollars que vous prévoyez générer en augmentant le contingent des versements sont certainement bienvenus. Le sénateur Mockler et moi avons organisé un événement la semaine dernière pour Banques alimentaires Canada, et je peux vous dire que les besoins augmentent. Le rôle des organismes bénéficiaires dans la société civile s’accroît. Je comprends que la capacité des donateurs diminue à l’heure actuelle à cause des prévisions financières.
À votre avis, quelle a été l’incidence du financement de contrepartie périodique des fonds de dotation à des organismes, comme celui de mardi dernier, Mardi je donne? Si vous estimez que cette incidence a été importante, et comme certains organismes du secteur de la bienfaisance ont reçu des programmes de fonds de dotation de contrepartie et d’autres non, pensez-vous que nous devrions égaliser ces initiatives?
M. MacDonald : Vous parlez de « contrepartie ». Qui donne en contrepartie?
La sénatrice Bovey : Par exemple, quand les gens font un don à la Winnipeg Foundation — je viens du Manitoba —, d’autres donateurs versent le même montant. Dans certains cas, le gouvernement fédéral a égalé, dans une certaine mesure, une partie des fonds accordés aux fondations des arts de la scène, mais pas aux musées. Ce type de don semble avoir eu lieu un peu n’importe comment ces dernières années. Devrions-nous uniformiser ces types de dons?
M. MacDonald : Je n’ai pas ces données à portée de main, mais elles indiquent que lorsque d’autres personnes voient qu’il y a un versement de contrepartie ou une forme d’incitatif, cela stimule la motivation des donateurs. Nous le voyons souvent lors de crises humanitaires internationales ou des catastrophes qui surviennent ici, au Canada. En effet, dans bien des cas, le gouvernement fédéral ou provincial peut intervenir pour égaler les dons afin de soutenir une crise particulière. C’est une forte motivation pour les Canadiens, qui sont plutôt généreux, et c’est une bonne chose d’utiliser cet instrument pour encourager les donateurs.
La sénatrice Bovey : Ma question est peut-être facile, mais certaines entreprises du secteur des arts décernent des prix à des organismes, comme le prix Edmund C. Bovey — je n’ai aucun lien de parenté avec celui-ci —, le prix Peter Herrndorf pour le leadership artistique, le prix Arnold Edinborough, etc. Pensez‑vous que l’octroi de ces bourses à des entreprises ou à des gens d’affaires qui font des dons pour les arts dans d’autres secteurs de la bienfaisance est aussi un incitatif constructif?
M. MacDonald : C’est possible, mais ce n’est pas vraiment une priorité. Si nous regardons ce qui s’est passé depuis le début de la pandémie — nous mesurons cela depuis le début de la pandémie de la COVID-19 —, la demande de services de la part des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif a monté en flèche. Nous pensions qu’elle se stabiliserait, et l’inflation a frappé. Les prix d’excellence et la reconnaissance sont louables, mais il nous faut des instruments comme le contingent des versements pour aider les organismes à répondre à cette demande croissante.
La sénatrice Bovey : Je suis tout à fait d’accord. La demande augmente et les besoins sont grands.
J’aimerais maintenant poser une question au sujet des étudiants. J’ai enseigné dans plusieurs universités et j’ai présidé deux conseils d’administration d’universités dans deux provinces différentes. La semaine dernière, on nous a souligné l’importance de l’éducation. Un de nos témoins a parlé de la nécessité d’augmenter le nombre de titulaires de doctorat. C’est le cas, et en effet, du moins pour les étudiants et les professeurs de l’Université Western. Il semble important d’aider les étudiants à atteindre ces objectifs pour que notre société progresse. J’ai cependant été un peu inquiète — et j’ai peut-être mal perçu la situation, alors corrigez-moi si je me trompe — des conséquences que l’on crée en percevant certains programmes comme étant plus importants que d’autres. Je sais très bien que certains programmes coûtent plus cher et n’attirent peut-être pas autant d’étudiants que les autres. Ces dernières années, certaines de ces solutions ont été éliminées, et l’Université Laurentienne est l’un des établissements qui en a subi les conséquences les plus désastreuses.
Pourquoi pensez-vous que les prêts-subventions augmenteraient les emprunts, alors que les frais des étudiants augmentent avec la hausse des prix des loyers, de la nourriture, des services de garde et de tout le reste? Pensez-vous aussi que les règles du jeu sont très différentes d’une province à l’autre? Certaines provinces donnent des fonds de recherche et sont donc admissibles à des fonds de contrepartie du gouvernement fédéral, et d’autres ne le font pas.
Je voudrais creuser un peu plus la question des désavantages de l’élimination de la suppression du paiement des intérêts des prêts universitaires.
M. Lochner : Est-ce une question?
La sénatrice Bovey : Oui. J’aimerais votre opinion du point de vue des étudiants, s’il vous plaît.
M. Lochner : Bien sûr. Le fait que le coût de la vie augmente est une raison de plus pour laquelle les étudiants seront forcés d’emprunter davantage, quels que soient les taux d’intérêt. L’argument selon lequel les taux d’intérêt stimulent les emprunts comporte deux volets. En réduisant le taux d’intérêt, on génère naturellement plus d’emprunts. Les emprunts sont moins coûteux, alors plus de gens empruntent. Je tiens non pas à abaisser les taux d’intérêt, mais à les ramener sous les taux de rendement que l’on obtiendrait en plaçant cet argent dans un compte bancaire. En abaissant le taux d’intérêt à zéro, on incitera les étudiants à emprunter le plus possible, à placer cet argent à la banque pendant cinq ans, puis à rembourser le prêt comme il se doit. Cependant, pendant ces cinq ans, le gouvernement paie le taux d’intérêt sur ce prêt, même si l’étudiant n’a pas à le verser. Cela m’inquiète un peu. C’est un important transfert de ressources qui ne rapporte rien à qui que ce soit.
Ma réticence à éliminer les taux d’intérêt ne concerne pas l’aide aux étudiants. En fait, je crains qu’une telle situation ne soit qu’une distraction qui nous écarte des meilleures façons de financer l’enseignement supérieur. On peut accorder des bourses aux étudiants à faible revenu ou élargir le programme d’aide au remboursement. Cela aiderait les étudiants à rembourser leurs prêts même quand ils traversent une période difficile.
Le président : Merci, monsieur Lochner.
Nous aimerions également entendre l’Alliance canadienne des associations étudiantes. Avez-vous des commentaires, monsieur Fotang?
Mackenzy Metcalfe, directrice générale, Alliance canadienne des associations étudiantes : Oui, merci. Je m’appelle Mackenzy. Je n’ai pas encore parlé, mais j’aimerais vous faire part de notre point de vue.
Nous sommes certainement en faveur de la suppression du paiement des intérêts sur les prêts aux étudiants canadiens. Nous tenons à souligner que tous les Canadiens et tous les étudiants ne sont pas admissibles à ce programme. Il cible les étudiants à faible et à moyen revenu. Les familles qui gagnent en moyenne plus de 120 000 $ par année ne sont pas admissibles à ce programme.
Nous voulions également souligner que plusieurs provinces ont déjà supprimé le paiement des intérêts. Le Manitoba l’a fait en 2014, la Colombie-Britannique en 2019. Terre-Neuve-et-Labrador, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse l’ont aussi supprimé. À la suite de ces suppressions, ces provinces n’ont pas constaté d’augmentation substantielle des emprunts d’étudiants pour suivre des programmes provinciaux, qui sont également liés aux programmes fédéraux.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Duncan : Merci à tous nos témoins d’être venus aujourd’hui. J’aimerais revenir sur la discussion du sénateur Smith et d’autres personnes au sujet de l’examen exhaustif du régime fiscal. M. Dachis et d’autres ont parlé du risque de compliquer plus encore le régime fiscal.
Bien que M. Dachis ait suggéré que les intervenants examinent leurs crédits d’impôt et que l’on mène des analyses coûts‑bénéfices, en quoi un examen complet du régime fiscal avantagerait-il les travailleurs pauvres ou ceux qui ne gagnent pas un revenu élevé?
M. Dachis : Est-ce que cette question m’est destinée?
La sénatrice Duncan : Oui.
M. Dachis : Nous avons constaté une chose dans le cas de l’impôt sur le revenu au Canada : bien souvent, les travailleurs pauvres sont assujettis aux taux d’imposition les plus élevés. Qu’est-ce que j’entends par là? La semaine dernière, nous avons publié une étude qui estime, pour un certain nombre de Canadiens, ce que nous appelons le taux effectif marginal d’imposition. C’est une estimation non seulement du montant d’impôt supplémentaire que les gens paient lorsqu’ils touchent un dollar de revenu de plus, disons, en acceptant un quart de travail supplémentaire, un autre emploi ou un plus grand nombre d’heures, mais aussi du montant des prestations qu’ils y perdent.
Nous constatons que de nombreux Canadiens dont le revenu se situe entre 40 000 et 50 000 $ subissent le taux d’imposition réel le plus élevé, par exemple parce qu’ils perdent l’Allocation canadienne pour enfants ou l’Allocation canadienne pour les travailleurs. C’est donc ce genre de récupération qui nuit vraiment à beaucoup de Canadiens qui ont un revenu relativement faible. C’est ce que nous devrions cibler.
Je pourrais vous décrire un certain nombre d’approches stratégiques, comme ce que le Québec appelle un bouclier fiscal. Il existe d’autres approches, comme le calcul de la moyenne de l’impôt à payer d’une année à l’autre. Je vais m’arrêter ici pour le moment.
La sénatrice Duncan : Ma question était la suivante : quelle recommandation feriez-vous au comité si l’on effectuait un examen complet du régime fiscal?
Je vous ai entendu suggérer un examen par les intervenants et la normalisation des crédits d’impôt, mais je vous entends aussi dire que nous avons besoin d’une refonte, d’un examen complet de cette énorme loi appelée la Loi de l’impôt sur le revenu.
M. Dachis : Il y a deux approches très différentes que l’on pourrait y appliquer. L’une consiste à essayer de cibler quelques programmes qui, vous le savez, sont problématiques. Prenons par exemple le crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental. On cible un crédit, et beaucoup de gens se renverront la balle à ce sujet, mais c’est une approche possible.
L’autre approche consiste à s’attaquer à tout.
La sénatrice Duncan : Monsieur Dachis, je comprends cela, mais...
Monsieur le président, est-ce que mon temps est écoulé?
Le président : Si vous avez une autre question, posez-la.
La sénatrice Duncan : Merci.
Je voudrais que l’organisme Imagine Canada se prononce également à ce sujet, parce qu’il a demandé que nous présentions une recommandation à l’ARC au sujet de l’examen quinquennal de la hausse du contingent des versements que nous recommandons dans notre rapport. Avez-vous d’autres recommandations à présenter à l’ARC?
M. MacDonald : En ce qui concerne ce projet de loi en particulier, non, c’est ce que nous recommanderions. Nous nous attendons à ce que les directives de l’ARC soient précisées dans d’autres domaines, mais on le ferait en interprétant la loi.
La sénatrice Duncan : Avez-vous une recommandation précise à formuler pour que l’interprétation soit donnée en temps opportun, ou le comité devrait-il recommander autre chose?
M. MacDonald : Non, pour l’instant, nous nous en tiendrons à la recommandation d’un examen quinquennal.
La sénatrice Duncan : Merci.
Le sénateur Loffreda : Merci à tous nos témoins d’être venus ce matin.
Ma question s’adresse à l’Association des banquiers canadiens. Le dividende pour la relance du Canada ainsi que l’impôt supplémentaire sur les banques et sur les groupes d’assurance-vie auront-ils une incidence sur les activités de nos banques et sur leurs relations avec les clients? Que pensez-vous des répercussions à long terme de cette mesure sur le secteur bancaire canadien, sur ses clients et sur sa compétitivité mondiale?
M. Hannah : Permettez-moi de répéter les quelques points que j’ai déjà soulevés, car je crois qu’ils s’appliquent tous à cette question.
Tout d’abord, les actionnaires, qui sont tous des Canadiens ordinaires, les clients, qui sont tous des Canadiens ordinaires, et les quelque 300 000 employés qui paient cet impôt, en ressentent les effets. Tous sont touchés parce que cet impôt a une incidence sur les institutions.
Deuxièmement, il a une incidence sur la façon dont la communauté internationale et la communauté des investisseurs perçoivent le Canada comme un choix pour les investissements. Nous avons déjà reçu des commentaires de nos membres. Des investisseurs leur posent déjà des questions à ce sujet. Cela nous amène à nous demander dans quelle mesure le Canada est déterminé à devenir une économie productive axée sur la croissance et tournée vers l’avenir.
Quelle était la dernière partie de la question?
Le sénateur Loffreda : Elle portait sur les répercussions qu’a cet impôt sur les clients et sur la compétitivité mondiale du pays.
M. Hannah : C’est sûr.
Les banques canadiennes travaillent partout dans le monde et sur le marché international. Ce nouvel impôt aura une incidence sur la capacité des banques canadiennes à soutenir la concurrence sur les marchés étrangers.
Le sénateur Loffreda : Qu’en est-il de nos taux d’imposition globaux face à nos partenaires commerciaux? J’aimerais que vous nous disiez où, selon vous, se situe notre taux d’imposition des banques canadiennes par rapport à ceux des concurrents de l’industrie dans le monde.
M. Hannah : C’est très malheureux. Pendant un certain temps, nous étions très concurrentiels sur le plan fiscal, mais cet avantage s’est effrité au fil du temps. Par conséquent, si vous regardez où se situe le Canada dans la liste de l’impôt des sociétés, nous ne sommes pas aussi concurrentiels que nous pourrions ou devrions l’être par rapport à beaucoup d’autres pays, particulièrement ceux de l’Europe continentale et de la Scandinavie. Un certain nombre de pays ont pris des mesures très fermes pour demeurer concurrentiels sur le plan fiscal.
Le sénateur Loffreda : Vous avez mentionné des chiffres impressionnants. Vous représentez 60 banques et 300 000 employés. Nous savons tous que le secteur bancaire canadien a des répercussions importantes et qu’il contribue énormément à l’économie canadienne, soit 4 % du PIB, ou 13,5 milliards de dollars en impôts et 1,5 billion de dollars en crédit aux entreprises canadiennes. J’ai pris ces chiffres en note pendant votre déclaration préliminaire.
Pensez-vous que cet impôt bloquera la croissance de ces chiffres?
M. Hannah : Oui, cela va certainement ralentir la croissance, parce que l’on tire ce qui serait autrement du capital utilisé pour favoriser la croissance de l’entreprise, des innovations et de nouvelles technologies, pour le réinjecter dans les recettes publiques.
N’oubliez pas que les banques investissent beaucoup dans l’avenir grâce aux progrès de la technologie. Elles ont investi plus de 100 milliards de dollars dans la technologie au cours de ces 10 dernières années, et elles devront investir encore plus à l’avenir. En fin de compte, cet investissement servira les intérêts du Canada et des Canadiens.
Le sénateur Loffreda : Vous avez insisté sur le fait que l’on devrait fixer une date d’échéance à cet impôt.
M. Hannah : C’est exact. Nous préférerions qu’il ne soit pas créé du tout, mais l’impôt des institutions financières devrait au moins être temporisé au bout de cinq ans pour assurer aux investisseurs et aux employés que le gouvernement s’engage à établir un régime fiscal productif axé sur la croissance.
Le sénateur Loffreda : Si je comprends bien, vous dites que cela préoccupe l’industrie.
M. Hannah : Tout à fait.
Le sénateur Loffreda : Merci.
Ma prochaine question s’adresse aux représentants de l’Institut C.D. Howe. Vous avez parlé de l’imposition des petites entreprises, mais vous n’avez pas eu le temps de le faire en détail. Les petites entreprises bénéficient d’un taux d’imposition fédéral réduit de 9 % sur la première tranche de 500 000 $ de leur revenu imposable, comparativement au taux d’imposition fédéral général des sociétés, qui s’élève à 15 %. Le budget de 2022 a proposé d’éliminer l’accès à la déduction accordée aux petites entreprises de façon plus graduelle. Il sera complètement éliminé lorsque le capital imposable que la société privée sous contrôle canadien utilise au Canada, combiné à celui de toute société qui lui est associée, atteindra 50 millions de dollars, et non plus 15 millions de dollars.
Cette mesure du projet de loi C-32 coûtera 660 millions de dollars au gouvernement et touchera 8 000 sociétés privées sous contrôle canadien.
Vous vouliez en dire davantage sur cette mesure. Vos commentaires seront bienvenus. Pensez-vous que cela aidera les petites entreprises du Canada, qui emploient de nombreux Canadiens et qui sont très importantes pour notre économie?
M. Dachis : Bien sûr. C’est une évolution positive du projet de loi et du régime fiscal canadien. Nous avons constaté par le passé que les petites entreprises canadiennes ont tendance à se regrouper, surtout au seuil de revenu auquel elles passent d’un niveau d’imposition inférieur à un niveau d’imposition plus élevé. Elles le font en grande partie dans le cadre de leur planification fiscale. Nous voulons éviter ce genre d’obstacles dans notre régime fiscal. L’augmentation du seuil à partir duquel les entreprises peuvent profiter du taux inférieur encouragera leur croissance d’un seuil de capital inférieur à un seuil plus élevé.
De nouveau, on se demande alors pourquoi nous avons ces différences. Si nous voulons encourager l’investissement, nous devrions songer à réduire l’impôt sur le revenu des sociétés et, dans la mesure où nous sommes préoccupés par un régime d’impôt sur le revenu progressif où les riches paient plus que les gens à faible revenu, devinez quoi? Les sociétés sont des véhicules de transfert d’argent. Si ces sociétés transfèrent de l’argent à des personnes à revenu élevé au moyen de gains en capital, de rachats d’actions, alors le régime d’impôt sur le revenu des particuliers est un véhicule dans lequel nous devrions établir cette imposition.
Le sénateur Loffreda : Merci beaucoup.
La sénatrice Pate : Je remercie nos témoins. Je suis tentée de parler du piètre rendement de nos banques, et j’ai un point de vue très différent à ce sujet, tout comme certains de mes collègues qui sont mieux informés que moi.
J’aimerais m’adresser à M. Lochner. Au début de votre intervention, vous avez dit que les prêts aux étudiants ne règlent pas les inégalités. Dans un tout autre ordre d’idées, comme on vient de mentionner la Scandinavie, j’aimerais beaucoup connaître votre point de vue — et peut-être celui de l’Alliance canadienne des associations étudiantes — sur une meilleure façon de s’attaquer à l’inégalité et au manque d’accès à l’enseignement postsecondaire auquel font face les Canadiens les moins favorisés. Que feriez-vous pour améliorer cette situation? Nous pouvons commencer par M. Lochner, puis entendre les étudiants.
S’il me reste du temps — je vais déjà énoncer ma question —, monsieur Dachis, vous avez parlé d’un régime fiscal automatisé. Pendant la pandémie, nous avons vu que grâce à la prévoyance d’une certaine personne à l’ARC il y a plus de 10 ans, une automatisation avait été mise au point. Son initiative a permis le déploiement des prestations pendant la pandémie, ce qui n’aurait pas été possible autrement. S’il me reste du temps, j’aimerais que vous nous donniez des précisions à ce sujet, s’il vous plaît.
Si nous pouvions d’abord écouter la réponse de M. Lochner, puis celle de la fédération étudiante, ce serait formidable. Merci.
M. Lochner : Je vous remercie de votre question. Je ne veux pas dire que les prêts aux étudiants ne contribuent pas à réduire les inégalités; ils ont un rôle à jouer et peuvent être utiles. Je ne crois toutefois pas que ce soit l’instrument le plus solide. De façon plus générale, nous savons que même les subventions à l’enseignement supérieur ne sont pas de grands vecteurs de l’égalité parce que la plupart des étudiants dans nos universités viennent de milieux à revenu élevé. Il suffit de regarder ce qui se passe en Amérique latine, où l’enseignement universitaire est gratuit et où la plus grande partie de l’argent va aux étudiants dans la tranche supérieure de la répartition des revenus.
Cela ne veut pas dire que les prêts et les subventions ne peuvent pas être utiles. En particulier, ils peuvent être utiles à ceux qui sont prêts à aller à l’université, mais qui n’en ont pas nécessairement les moyens. J’ai l’intime conviction qu’ils jouent un rôle essentiel.
Ce qui me préoccupe, c’est que l’élimination des intérêts sur les prêts étudiants n’est pas une politique très efficace pour répondre à ces besoins. Cela coûtera de l’argent, sans l’ombre d’un doute. Si vous supprimez soudainement les paiements d’intérêt qui font partie des revenus, la pertinence de l’instrument n’est plus du tout la même.
À mon avis, il vaudrait mieux utiliser les revenus pour offrir plus de bourses aux étudiants qui en ont le plus besoin, augmenter le plafond des prêts étudiants afin de permettre à ceux qui ne peuvent toujours pas emprunter suffisamment de le faire davantage ou rajuster les remboursements fondés sur le revenu dans le cadre du Programme d’aide au remboursement et s’assurer que le financement est destiné à ceux qui en bénéficient le plus. Je ne pense vraiment pas que les médecins, les avocats et les étudiants à la maîtrise en administration des affaires aient vraiment besoin qu’on élimine leurs paiements d’intérêts. Il y a d’autres étudiants qui ont grandement besoin d’aide financière. Une approche plus ciblée qui en tiendrait compte serait plus efficace.
Le président : Pouvons-nous entendre l’Alliance étudiante, s’il vous plaît?
M. Fotang : Une chose qu’il faut souligner, c’est que la suppression des paiements d’intérêt est un outil qui permet d’améliorer et d’accroître l’abordabilité pour bon nombre de ces étudiants, surtout, comme je l’ai dit, les nouveaux diplômés qui doivent s’établir et faire progresser leur carrière. Nous sommes toutefois d’accord avec M. Lochner pour dire qu’il faut accroître l’équité et l’accès en doublant les bourses. L’Alliance canadienne des associations étudiantes, l’ACAE était à Ottawa, sur la Colline, il y a quelques semaines, pour rencontrer bon nombre d’entre vous et des députés, et souligner la nécessité de doubler de façon permanente les bourses canadiennes pour étudiants, reconnaissant que c’est un moyen d’aider les étudiants qui en ont le plus besoin. C’est un programme d’aide fondé sur le revenu et mesuré, et ceux qui en ont le plus besoin doivent y être admissibles.
Sur notre campus et, j’en suis sûr, sur d’autres campus partout au pays, nous entendons la même histoire des étudiants de première génération, des étudiants issus de milieux à faible revenu, à savoir que lorsque ces bourses ont été doublées, cela a permis à bon nombre d’entre eux de réussir leur semestre. Cela permet de ne pas avoir à se soucier de travailler plus et de se concentrer plutôt sur les cours sans s’endetter davantage.
Nous pouvons avoir les deux. Nous reconnaissons que nous devons appuyer les étudiants qui veulent se lancer dans le monde réel et qui travaillent à s’établir, mais nous pouvons aussi aider les étudiants en doublant la bourse et en la rendant permanente.
La sénatrice Pate : J’ai posé une question à M. Dachis. S’il avait le temps d’y répondre, ce serait bien.
M. Dachis : Il y a là deux questions. Il y a d’abord la déclaration automatique des revenus et les avantages et les inconvénients de cette mesure, et il y a ensuite le régime fiscal pendant la pandémie. À laquelle aimeriez-vous que je réponde d’abord?
La sénatrice Pate : Parlez-nous de la déclaration automatique des revenus et des raisons pour lesquelles vous recommandez que nous adoptions ce processus.
M. Dachis : Ce serait une mesure formidable, mais le régime fiscal actuel est truffé d’un trop grand nombre de crédits ciblés. Si nous essayons de mettre en œuvre des mesures comme un crédit d’impôt pour frais de scolarité — le sénateur Smith m’a demandé plus tôt quels crédits d’impôt je voudrais éliminer en premier, et celui-là serait parmi les premiers. Nous pourrons peut-être en discuter plus tard. Je suis certain que cela incitera certaines personnes à se lancer dans la discussion. Ces différents types de crédits d’impôt seront très difficiles à harmoniser ou à intégrer dans un système automatisé.
La sénatrice Galvez : Ma première question s’adresse à M. Hannah, de l’Association des banquiers canadiens, puis j’aurai une petite question pour M. McGowan, de l’Alberta Federation of Labour.
L’énoncé économique de l’automne n’est que le prolongement d’un signal de renforcement indiquant que nous sommes dans une transition énergétique et que nous nous dirigeons vers une économie sobre en carbone. Des éléments comme l’élimination progressive des actions accréditives pour les activités pétrolières, gazières et houillères, un crédit d’impôt pour l’exploration minière de 30 % et la prolongation de la déduction pour amortissement pour l’énergie propre figurent tous dans l’Énoncé économique de l’automne 2022. Nous savons que les banques jouent un rôle essentiel dans ces transitions parce qu’elles fournissent non seulement des prêts, mais aussi des placements et des conseils financiers.
Nous devons suivre l’exemple de notre partenaire d’affaires et voisin, les États-Unis, avec la Securities and Exchange Commission et l’Inflation Reduction Act.
Pouvez-vous expliquer ce que fait l’Association des banquiers canadiens au sujet de la double réalité? Que faites-vous pour réduire le risque de transition? De plus, que faites-vous pour empêcher l’écoblanchiment dans le secteur bancaire? Merci.
M. Hannah : Écoutez, pour un certain nombre de ces mesures, je pourrai vous répondre plus tard par écrit. Elles ne faisaient pas vraiment partie de ce dont je suis venu vous parler aujourd’hui, mais je pense que vous abordez un point très important sur lequel j’aimerais revenir, et c’est le défi que nous aurons à relever à l’avenir.
Un rapport publié récemment par la Banque Royale du Canada indique qu’il nous faudra environ 2 billions de dollars pour assurer une transition efficace. À notre avis, cela exige beaucoup d’investissements. L’investissement est très important, mais pour que cet investissement se fasse, du point de vue d’une institution financière, nous pensons qu’il est très important que le gouvernement ait une stratégie axée sur la croissance, une économie qui suit l’investissement. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes si préoccupés par les mesures fiscales qui sont prévues ici. Nous pensons que cela décourage le genre d’investissement dont nous avons besoin pour nous permettre d’avancer et gérer cette transition tout en favorisant cette migration.
La sénatrice Galvez : Vous avez dit que vous ne pouviez pas compléter la réponse parce que vous n’étiez pas prêt à répondre à ces questions. Pourriez-vous faire parvenir par écrit à la greffière le reste de vos réponses?
M. Hannah : Oui. Nous ferons un suivi.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Monsieur McGowan, j’ai beaucoup aimé ce que vous avez dit au sujet de la transition équitable, et de vos attentes.
En Alberta, c’est très bien ce qu’ils font avec le boom de l’énergie renouvelable. De nouveaux projets génèrent 3,75 milliards de dollars pour l’énergie éolienne et solaire et créent 4 500 nouveaux emplois propres. C’est fantastique. Il faut dire que les sociétés pétrolières ont réalisé des profits astronomiques de 174 milliards de dollars en 2021 seulement.
Vous dites qu’il faut moderniser la politique industrielle. Vous pourriez peut-être nous dire dans quelle mesure le secteur du pétrole et du gaz réinvestit ses revenus, dans le cadre de la transition équitable, dans la formation des travailleurs et si ce réinvestissement est suffisant. Merci.
M. McGowan : Je vous remercie de la question. L’une des raisons pour lesquelles j’étais enthousiaste à l’idée de participer à cette réunion, c’est que la politique industrielle visant à orienter l’économie canadienne vers un avenir plus vert était un élément central du discours prononcé par la ministre, et c’est aussi un élément central du document et de la mesure législative dont vous discutez aujourd’hui.
Vous m’avez demandé précisément si, de mon point de vue, en tant que représentant des travailleurs de l’Alberta, l’industrie pétrolière et gazière fait sa part. La réponse courte est non, pas encore. C’est l’une des raisons pour lesquelles, en tant qu’organisation représentant les travailleurs de l’Alberta, nous réclamons une politique industrielle solide et dirigée par le gouvernement, parce que, d’après notre expérience, nous ne pouvons pas nous en remettre au marché. Nous ne pouvons pas nous en remettre à l’industrie. En l’espèce, leurs intérêts ne correspondent pas entièrement à ceux du public.
Je tiens à préciser que l’industrie pétrolière et gazière, en particulier l’industrie des sables bitumineux, a été le principal moteur de l’activité économique et de la création d’emplois dans notre province pendant la majeure partie des 20 dernières années, mais que les énormes bénéfices dont elle profite actuellement ne sont pas réinvestis dans l’économie. Le prix du pétrole est très élevé. Il y a cinq grandes sociétés d’exploitation des sables bitumineux qui sont responsables d’environ 85 % de notre production. Elles affichent toutes des bénéfices records. La majeure partie de cet argent sert en fait à rembourser la dette et elle revient aux actionnaires sous forme de rachats d’actions et de dividendes, dans une proportion d’environ 75 %. La plupart de ces investisseurs ne sont même pas en Alberta.
Même si les bénéfices sont très élevés, cela ne se traduit pas par un autre boom de l’emploi en ce moment. C’est ce qui nous inquiète. Nous pensons que les grandes sociétés pétrolières de notre province ont dit très clairement qu’elles voient venir la fin des années de vaches grasses, et elles se concentrent sur la maximisation des profits plutôt que sur le réinvestissement. Si nous les laissons faire, il est clair qu’elles ne montreront pas la voie vers une transition verte. À notre avis, c’est là que le gouvernement doit intervenir.
Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous devons tirer les leçons des années Lougheed. Si nous l’avons formulée ainsi, c’est parce que, dans les années 1970, lorsque Peter Lougheed était premier ministre, nous étions à la croisée des chemins. Nous manquions de pétrole et de gaz classiques. Il s’est demandé quelle était la prochaine étape pour notre économie, et sa réponse a pris la forme des sables bitumineux et des produits pétrochimiques, mais l’industrie pétrolière de l’époque n’allait pas dans cette direction. Elle n’avait pas tendance à aller dans cette direction; elle était plutôt complaisante.
C’est là où nous en sommes actuellement. C’est pourquoi nous pensons que nous avons besoin d’une politique industrielle robuste inspirée de ce que M. Lougheed a fait dans les années 1970, mais mise à jour pour le XXIe siècle, qui nous ouvre de nouvelles possibilités.
J’ai mentionné ce grand plan industriel sur lequel nous avons collaboré avec nos syndicats industriels. Je le mets à la disposition de la greffière pour que vous puissiez l’examiner. Il s’agit d’un document de 90 pages qui décrit sept voies différentes qui présentent, selon nous, d’énormes possibilités d’investissement et de création d’emplois en Alberta.
Pour que le changement se produise, un changement de l’ampleur nécessaire, comme la ministre Freeland l’a dit dans son discours, nous parlons d’une révolution industrielle sur une échelle de temps beaucoup plus courte. Nous ne pouvons tout simplement pas attendre que le marché décide.
Le président : Merci, monsieur McGowan.
Le sénateur Cardozo : Merci à nos témoins. Pendant notre courte pause, nous avons dit que vous formez ensemble un groupe fascinant d’intervenants qui représentent divers intérêts que nous devons aborder dans ce projet de loi.
Ma question s’adresse à M. Dachis et, dans une certaine mesure, elle fait suite aux commentaires de M. McGowan. Elle concerne le Fonds de croissance du Canada.
D’une part, les gens disent que le gouvernement ne devrait pas choisir les gagnants et les perdants. D’autre part, les gens disent qu’il ne faut pas répartir tout l’argent, et qu’il faut être stratégique, ce qui nous semble être une façon de choisir les gagnants.
Que pensez-vous du Fonds de croissance du Canada et que conseillez-vous au gouvernement sur la façon d’agir de façon stratégique? N’oubliez pas la question soulevée par M. McGowan au sujet d’une politique industrielle.
M. Dachis : Tout d’abord, il est tout à fait entendu qu’il faut établir des priorités, mais les priorités devraient être assez générales. Par exemple, le gouvernement a une priorité claire. En tant que société, nous avons clairement comme priorité la transition vers une énergie propre. Je ne pense pas que beaucoup de gens s’y opposeront.
Si nous réservons des fonds de placement à cette fin, nous devrions les consacrer à ce domaine prioritaire et laisser, dans la mesure du possible, l’exécution de cette tâche à un groupe indépendant de personnes nommées qui seront en mesure de s’acquitter de leurs fonctions dans le respect d’indicateurs de rendement clés, ou IRC, prioritaires de haut niveau, par exemple s’ils nous en donnent le plus pour notre argent à long terme, s’ils offrent le plus de réductions pour les coûts les plus bas.
Dans le cadre de ces IRC de haut niveau, laissez l’organisme, le conseil d’administration ou le fonds de dotation — peu importe la forme que vous lui donnez pour qu’il prenne des décisions quotidiennes sans lien de dépendance avec le gouvernement — chercher, trouver et financer les technologies les plus performantes et les moins coûteuses, plutôt que de laisser le gouvernement décider, et dire « Eh bien, il y a trop d’investissements en Alberta. Nous devons donner un peu d’aide au Manitoba ou à la Colombie-Britannique. » C’est à ce moment-là que la classe politique commence à intervenir et à prendre de mauvaises décisions.
Le sénateur Cardozo : Merci. J’aimerais savoir ce qu’en pense M. Hannah, au sujet de la façon dont le Fonds de croissance du Canada devrait être ciblé.
M. Hannah : Une partie de ce qu’il faut essayer de faire, selon moi, c’est de tirer parti de l’expertise du secteur privé dans ce domaine pour aider à canaliser les investissements vers les secteurs les plus utilisés. C’est là que vous pouvez commencer à envisager des outils comme les fonds de contrepartie et d’autres éléments déclencheurs qui donneront un certain signal de l’endroit où le marché semble estimer que se trouve la meilleure utilisation et où nous pensons que les débouchés et les possibilités de croissance sont les plus grands.
Cela contribue à régler le problème qui vous préoccupe, sénateur, à savoir que le gouvernement doit choisir les gagnants. Ensuite, on reçoit des signaux de l’ensemble de l’économie et du secteur privé au sujet de l’utilisation optimale.
Le sénateur Cardozo : Monsieur MacDonald, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la situation du secteur en ce qui concerne les dons faits au cours des trois dernières années dans le contexte de la COVID-19, et ce que vous prévoyez pour les deux prochaines années, compte tenu de l’augmentation du taux d’inflation?
Je crois qu’il est parti, n’est-ce pas?
Le président : Monsieur MacDonald, oui.
Le sénateur Cardozo : J’aurai ensuite une autre question pour l’Alliance canadienne des associations étudiantes. Pourriez‑vous nous parler du programme qui est mis en place en ce qui concerne les prêts sans intérêt? Quel rôle joue-t-il pour les nouveaux étudiants ou les étudiants qui songent à aller à l’université ou au collège? Est-ce qu’il fait une différence pour les étudiants à faible et à moyen revenu? Est-ce qu’il fait une différence importante dans leur réflexion sur l’opportunité de poursuivre des études postsecondaires?
Mme Metcalfe : Nous étions tenus de dire que cet investissement est bien accueilli par les étudiants d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Même si les intérêts sont supprimés sur les prêts étudiants, cela aide certes les gens qui sont actuellement en train de rembourser leur prêt. Cela signifie également que tous ceux qui empruntent actuellement ou qui emprunteront par l’entremise du Programme canadien d’aide financière aux étudiants auront également l’avantage de ne pas avoir d’intérêts sur ces prêts.
Le président : Merci.
J’ai une question. Je vais commencer par l’Alliance canadienne des associations étudiantes. Pouvez-vous nous donner une idée de ce qu’il en coûte à l’heure actuelle pour faire un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat et pour obtenir des prêts et des bourses?
Mme Metcalfe : En moyenne, les étudiants de premier cycle ont une dette de 28 000 $ et les étudiants des collèges ont une dette d’environ 15 000 $. Il en va de même pour les étudiants de deuxième cycle, ce qui représente une dette supplémentaire de 28 000 $ en moyenne. Environ 80 % de tous les prêts étudiants sont consentis dans le cadre du Programme canadien d’aide financière aux étudiants.
Le président : Étant fils d’une mère célibataire et ayant grandi avec l’aide sociale, j’ai bénéficié de prêts étudiants sous le régime de l’égalité des chances à l’époque où ce régime a commencé dans les années 1970, sous forme de prêts et de bourses. Lorsque je regarde ce que j’ai dû rembourser, le total a dû grimper à environ 15 000 $ en dollars du début des années 1970. J’ai obtenu un baccalauréat et une maîtrise en administration des affaires. Si je regarde le coût en dollars d’aujourd’hui, il serait d’environ 100 000 $ pour terminer ma maîtrise en administration des affaires.
Cela dit, ma question s’adresse à M. Lochner. Compte tenu de votre professionnalisme et du recul avec lequel vous avez témoigné, que devrait faire le gouvernement en premier selon vous pour aider les étudiants qui poursuivent des études postsecondaires? Pouvez-vous être plus précis et nous dire comment il peut aider les étudiants issus des familles les plus vulnérables?
M. Lochner : Bien sûr. Premièrement, le Canada fait du très bon travail à cet égard, comparativement à de nombreux autres pays, notamment les États-Unis. Si vous prenez, par exemple, les taux de fréquentation de 10 établissements d’enseignement postsecondaire, et si vous mettez l’accent, disons, sur les niveaux de réussite des élèves à l’adolescence, vous constaterez que ces différences dans les taux de fréquentation d’un établissement d’enseignement postsecondaire sont en fait très faibles en comparant les différentes tranches de revenu. C’est un phénomène que vous ne verriez pas si vous regardiez ce qui se passe aux États-Unis, par exemple.
Je pense que c’est la preuve que l’aide financière offerte aux étudiants et les frais de scolarité relativement bas au Canada — on se plaint qu’ils sont élevés, mais ils sont bas par rapport au coût de l’éducation — sont de l’ordre de 6 000 $ ou 7 000 $ par année.
Je pense donc que le gouvernement fait un assez bon travail pour ce qui est de fournir des ressources dès le départ aux étudiants au moyen de prêts et de bourses pour les aider à financer leurs études. Je suis toutefois certain qu’il existe certaines lacunes, car il y a toujours de la place à l’amélioration.
Au Canada, le plus gros problème, c’est la façon dont nous récupérons les fonds lorsque les étudiants obtiennent leur diplôme ou ne l’obtiennent pas et entrent sur le marché du travail. Comment récupérer une partie des fonds que nous prêtons sans nuire aux étudiants qui ont du mal à joindre les deux bouts sur le marché du travail?
Je ne pense pas que la réduction des taux d’intérêt soit la bonne réponse à cette question. Ce serait utile, mais il y a d’autres façons de procéder, comme l’aide au remboursement, qui permet de réduire les exigences de paiement pour les personnes à faible revenu ou qui ont du mal à joindre les deux bouts et de percevoir les paiements auprès de ceux qui se débrouillent mieux sur le marché du travail.
Le fait de ne pas récupérer les fonds signifie qu’il y a moins d’argent à distribuer aux étudiants qui en ont besoin, que ce soit au début de leurs études ou après celles-ci, s’ils ont besoin d’une pause dans leurs paiements.
C’est, en gros, mon opinion.
Le président : L’Alliance canadienne des associations étudiantes — avez-vous des commentaires?
Mme Metcalfe : J’aimerais ajouter que nous sommes tout à fait d’accord pour dire que le gouvernement et le Programme canadien d’aide financière aux étudiants peuvent et devraient soutenir les étudiants de multiples façons. Nous sommes très heureux de voir les récents investissements dans le programme d’aide au remboursement, en ce qui concerne l’augmentation du montant qu’un étudiant devrait gagner avant de devoir rembourser, ainsi que les bourses aux étudiants. Ce sont deux très bonnes options.
Nous sommes également fortement en faveur de la suppression des intérêts sur les prêts étudiants du Canada. Il est important de savoir que les étudiants seront forcés de rembourser ces prêts parce qu’ils peuvent quand même se retrouver en défaut de paiement s’ils ne font pas de paiements.
Le président : Merci.
Honorables sénateurs, nous allons passer au deuxième tour.
La sénatrice Marshall : J’ai quelques questions complémentaires pour l’Alberta Federation of Labour. Certaines d’entre elles font suite aux questions de la sénatrice Galvez.
Premièrement, pouvez-vous nous donner une idée — je sais que votre site Web indique que vous êtes comme un conglomérat; vous représentez un certain nombre de syndicats et d’associations — du nombre de travailleurs qui relèvent de votre organisation? Quel pourcentage de la main-d’œuvre cela représente-t-il en Alberta?
M. McGowan : Nous sommes la plus importante organisation-cadre syndicale de l’Alberta. Nous comptons 28 syndicats qui, à leur tour, représentent environ 175 000 travailleurs des secteurs public et privé. En pourcentage de la population active, qui compte 2,5 millions de personnes, il vous faudrait faire le calcul.
La sénatrice Marshall : D’accord. C’est utile. Merci.
Vous avez abordé beaucoup de sujets dans votre déclaration préliminaire, mais il y a un aspect qui ne figure pas dans le projet de loi — il en est question dans la mise à jour financière — et il s’agit des changements apportés à la politique qui couvre l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Si vous êtes au courant, avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. McGowan : Oui. D’après ce que je comprends, ce qui est proposé, c’est que l’Allocation canadienne pour les travailleurs, qui avait déjà été instaurée pendant la pandémie, sera non seulement maintenue, mais payée automatiquement sur une base trimestrielle, je crois.
La sénatrice Marshall : Oui, dans l’année suivante. Même si la personne n’y a pas droit, elle reçoit presque un cadeau d’une année supplémentaire.
M. McGowan : Exact.
Nous sommes très favorables à l’Allocation canadienne pour les travailleurs et aux changements proposés parce que nous reconnaissons que c’est ce groupe de travailleurs à faible revenu qui éprouve le plus de difficultés dans le contexte actuel de forte inflation et de coût de la vie élevé.
Heureusement, la majorité de nos membres sont syndiqués, de sorte qu’ils bénéficient d’ententes négociées collectivement, et la plupart d’entre eux gagnent suffisamment pour ne pas être admissibles à cette allocation. Cependant, quelques-uns de nos syndicats qui représentent des gens qui travaillent dans des secteurs moins bien rémunérés, surtout dans le commerce de détail et l’hôtellerie. Par exemple, nous comptons des syndicats qui représentent les gens qui travaillent dans les épiceries et dans les entrepôts. Malheureusement, il y a aussi beaucoup de gens qui travaillent dans les établissements de soins de longue durée et qui sont très peu payés. Ces travailleurs seraient admissibles à l’allocation. Cela fait une énorme différence dans leur capacité de payer les factures. C’est particulièrement vrai avec un taux d’inflation aussi élevé.
Nous sommes tout à fait d’accord pour que les gens puissent y avoir accès plus rapidement. C’est un petit montant pour beaucoup de gens qui gagnent beaucoup plus, mais pour les gens qui se situent à ce seuil, c’est la différence entre nourrir sa famille ou payer le loyer. C’est une mesure que nous préconisons vraiment.
La sénatrice Marshall : Pensez-vous qu’elle va régler les iniquités du système où quelqu’un qui y a droit une année se retrouve dans une fourchette salariale plus élevée l’année suivante, la même qu’un collègue, mais le collègue ne reçoit pas l’allocation? L’employé la recevra pour une année de plus, même si, techniquement, en vertu de la politique actuelle, il n’y a pas droit. On s’est demandé si cela n’introduirait pas une iniquité dans le système.
M. McGowan : Il ne fait aucun doute que chaque fois que vous avez des prestations et des programmes fondés sur le revenu, le seuil pose problème, n’est-ce pas? S’il y a des gens qui gagnent un peu plus, ils perdent la prestation. Cela a des répercussions non seulement sur les personnes, mais aussi sur les milieux de travail, comme vous le dites. Toutefois, la solution ne consiste pas à éliminer la prestation, car beaucoup de gens comptent sur elle.
Le président : Merci.
La sénatrice Marshall : Mon temps est-il écoulé?
Le président : Oui, sénatrice.
La sénatrice Moncion : Ma question s’adresse à M. Dachis. Vous avez dit que le compte d’épargne libre d’impôt, ou CELI, pour l’acquisition de propriétés entraînerait une augmentation du coût du logement. Pourriez-vous expliquer votre affirmation?
M. Dachis : Bien sûr. C’est relativement simple. Supposons que le problème soit l’offre, c’est-à-dire le manque de logements. C’est là où en sont les économistes à l’heure actuelle, c’est-à-dire que le manque de nouveaux logements est fondamentalement à l’origine de notre incapacité à loger les gens. S’il n’y a que 10 logements pour un groupe de 11 personnes qui veulent en acheter, et que nous donnons à ces 11 personnes un revenu supplémentaire, une subvention, elles vont toutes se faire concurrence pour ces maisons, de sorte qu’une d’entre elles ne pourra pas l’obtenir. Donc, ils vont tous embarquer dans une surenchère, et le prix de ce logement augmentera en fonction du supplément que ces personnes auront tous reçu. Si nous n’augmentons pas l’offre, ce genre de programmes de subventions ne résoudra pas vraiment le problème.
La sénatrice Moncion : Vous ne voyez pas plutôt cela comme un incitatif, pour les gens qui ne peuvent pas acquérir de propriété à l’heure actuelle, de mettre de l’argent de côté pour en acquérir une? À l’heure actuelle, l’offre de logements n’est pas nécessairement un problème, parce qu’il y a tellement de logements disponibles. C’était un problème pendant la pandémie, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je vois cela davantage comme un incitatif à mettre de l’argent de côté plutôt qu’une mesure qui ferait augmenter le prix des logements. J’aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Dachis : Je ne suis pas d’accord pour dire que l’offre est suffisante. Il n’y en a pas assez, surtout en Ontario. En Ontario, nous sommes loin d’avoir construit suffisamment de logements pour accueillir l’augmentation importante de la population à laquelle nous nous attendons. C’est un problème qui dure depuis plus d’une décennie. Nous avons énormément d’immigrants, ce qui est une excellente chose pour améliorer le dynamisme de la société canadienne, mais nous ne construisons pas suffisamment de logements pour les loger convenablement.
Lorsqu’il manque de logements, les programmes de ce genre ne règlent pas le problème fondamental et finissent par accroître le pouvoir d’achat des gens. Ce pouvoir d’achat est reflété — encore une fois, cela nous ramène à l’élasticité dont j’ai parlé au sujet du secteur bancaire. C’est la question fondamentale dans ce contexte. La façon dont tout cela fonctionne ne dépend pas de la personne qui paie, qui en profite ou qui reçoit le chèque au départ. Tout cela finit par être payé par les gens qui ont le moins d’options ailleurs.
Le président : Merci.
Le sénateur Gignac : Pour revenir à ma discussion précédente avec M. Hannah de l’Association des banquiers canadiens, j’ai essayé de faire un rapprochement avec ce que vous disiez au sujet des données du marché. Mme Freeland a déposé un budget le 7 avril et a annoncé cette surprenante taxe ponctuelle de 15 % imposée aux banques. Fait intéressant et surprenant, le lendemain, la plupart des actions des banques et même des compagnies d’assurances ont augmenté.
Si cette taxe ponctuelle de 15 % qui doit rapporter des revenus de 2 milliards de dollars est si catastrophique pour les fonds de pension et les investisseurs canadiens, pouvez-vous expliquer pourquoi le marché n’a pas réagi de la façon dont vous l’avez mentionné? Il semble que les investisseurs ne se soucient pas de cette taxe, puisque le cours des actions augmente.
M. Hannah : Permettez-moi de répondre de deux façons. Premièrement, bien que l’annonce ait été faite à ce moment-là, en pratique, la taxe en soi doit encore faire l’objet d’un processus. La loi doit être élaborée. Nous devons avoir des discussions comme celle-ci, et la loi doit être évaluée ou révisée, comme c’est le cas actuellement. Si vous êtes un investisseur, vous allez attendre de voir le résultat final afin d’avoir des renseignements exacts pour prendre votre décision.
Deuxièmement, pour beaucoup d’investisseurs, surtout s’il s’agit d’investisseurs internationaux, ce genre de mesures ne trouve pas toujours écho au départ. Ces investisseurs ne suivent pas nécessairement les nouvelles canadiennes au jour le jour. Il leur faut un certain temps pour examiner, digérer et évaluer la situation et pour qu’ils agissent en conséquence. La réaction dont vous parlez n’est pas immédiate.
Troisièmement, d’autres facteurs entrent en ligne de compte. C’est un facteur important dans les décisions d’investissement, mais ce n’est pas le seul. Tous ces facteurs jouent un rôle. Je comprends ce que vous dites, mais je ne pense pas que ce soit vraiment une preuve de la façon dont les investisseurs voient les choses.
Le sénateur Gignac : J’ai travaillé 35 ans dans ce secteur, à gérer de l’argent et à suivre les finances publiques. Vous nous avez dit que cette fois-ci, contrairement au passé, le marché avait pris beaucoup plus de temps pour réagir à ces taxes. Les gens qui travaillent à Wall Street et à Bay Street, par exemple les avocats, travaillent tout le temps. Les investisseurs connaissent rapidement les changements et intègrent rapidement les ajouts. Mais cette fois-ci, ils ont pris plus de temps. Le marché a peut‑être supposé qu’il y aurait un amendement au projet de loi, mais je suis surpris que cette fois-ci, le marché semble avoir réagi différemment que par le passé. Si l’on vérifie la réaction, on a l’impression que ce n’est pas le cas.
Vous pourriez peut-être nous envoyer votre réponse par écrit au sujet des répercussions. Du point de vue d’un investisseur, il semble que ce ne soit pas vraiment une catastrophe. Lorsque vous examinez le rendement de nombreuses banques depuis le début de l’année, vous constatez que la Banque Royale du Canada n’a reculé que de 2,4 % depuis le début de l’année, la BMO, de 6,5 % pendant la même période et la TD, de moins de 10 %. Beaucoup d’actions bancaires ont diminué dans une moins grande mesure que le marché depuis le début de l’année. J’essaie simplement de comprendre.
Encore une fois, comme le temps est limité, vous pouvez peut‑être nous envoyer des commentaires écrits si vous voulez ajouter quelque chose à cette réponse. Merci.
M. Hannah : Sénateur, ce n’est pas une catastrophe; c’est un signal.
Le président : Monsieur Hannah, pouvez-vous répondre à cette question en une minute?
M. Hannah : Oui. Comme je l’ai dit, sénateur, c’est un signal aux investisseurs, aux épargnants et aux Canadiens qui travaillent dans les institutions. Le fait que la taxe imposée aux institutions financières ne soit pas éliminée graduellement envoie également un signal. À notre avis, il faut être en mesure d’envoyer des signaux clairs au marché pour dire que le Canada est intéressé par un régime fiscal productif et axé sur la croissance. Or, ce n’est pas ce que nous constatons dans ce cas.
Le sénateur Smith : J’ai une question pour M. Dachis, de l’Institut C.D. Howe, qui fait suite à la question de la sénatrice Moncion. Vous avez fait valoir qu’au lieu de mettre l’accent sur la demande dans l’équation du logement, le gouvernement devrait se concentrer davantage sur l’offre afin de stabiliser les prix des logements. Sur quels aspects le gouvernement fédéral doit-il se concentrer pour aider à accroître l’offre de logements parce que je ne pense pas que le gouvernement soit en mesure de construire des logements?
M. Dachis : C’est exact, et c’est un point très important. Même les politiques fédérales les mieux intentionnées, lorsqu’il s’agit d’essayer d’accroître l’offre — et je suis d’accord pour dire qu’il faut mettre l’accent sur l’offre plutôt que sur la demande —, sont toujours difficiles à mettre en œuvre. Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces, et ce sera un programme de subventions. Tout programme de subventions ou de transferts entre deux ordres de gouvernement devient automatiquement politique. Lorsque le gouvernement essaie de rattacher des fonds à une mesure, l’autre ordre de gouvernement essaie de négocier des fonds pour autre chose. Lorsque le gouvernement fédéral essaie de débloquer des fonds pour accroître l’offre, la situation se complique dès qu’il annonce ce genre de programmes. Je conseille au gouvernement fédéral de se retirer. Utilisez votre pouvoir de persuasion pour encourager les provinces et les municipalités — qui sont les créatures des provinces — à accroître l’offre de logements.
Le sénateur Smith : Je m’adresse à l’Alliance canadienne des associations étudiantes, l’ACAE. Vous pourriez peut-être m’aider en répondant à cette question. Évidemment, le gouvernement doit faire plus pour les étudiants, mais vous avez noté que les frais sont disproportionnellement plus élevés pour les étudiants de deuxième cycle qui ont moins accès à l’aide financière que pour les étudiants de premier cycle. Recueille-t-on des données sur le nombre d’étudiants au Canada qui éprouvent des difficultés financières? Y a-t-il des données qui donnent à penser que les coûts plus élevés des études découragent les jeunes Canadiens de faire des études supérieures?
Mme Metcalfe : Si vous voulez des chiffres précis, je peux certainement vous les fournir, à vous et au comité, ultérieurement, mais je peux d’abord parler de certaines des difficultés auxquelles font face les étudiants diplômés. À l’heure actuelle, les étudiants diplômés ne sont pas admissibles aux bourses du Programme canadien d’aide financière aux étudiants. C’est l’une des demandes que l’ACAE a formulée dans le cadre de la Semaine d’action sur la Colline le mois dernier. Nos étudiants diplômés nous l’ont dit également. À l’heure actuelle, le Canada se classe au 28e rang des pays de l’OCDE pour ce qui est des diplômés. Nous constatons une grande perte de talents pour les meilleurs chercheurs du Canada. Ils veulent étudier et innover au Canada, mais il n’y a tout simplement pas de bourses et de financement pour leur permettre de le faire, et ils vont à l’étranger, où ils peuvent mener leurs recherches avec plus d’argent et de soutien.
Je suis désolée, pouvez-vous me rappeler la deuxième partie de votre question? Elle était vraiment longue.
Le sénateur Smith : Je me demandais simplement s’il y avait des chiffres au sujet du nombre de personnes qui essaient d’accéder à des études supérieures ou à des diplômes d’études postsecondaires à un niveau supérieur. Avez-vous des statistiques à ce sujet?
Mme Metcalfe : Oui. L’an dernier, plus de 500 000 étudiants ont eu recours au Programme canadien de prêts aux étudiants et ont emprunté de l’argent au gouvernement canadien. Nous pourrons vous fournir d’autres chiffres plus tard, si cela vous convient.
Le sénateur Smith : Si vous pouviez nous donner le nombre d’étudiants de premier cycle par rapport à ceux qui obtiennent un MBA ou un doctorat, et ainsi de suite, il serait utile de voir ces chiffres.
Le sénateur Loffreda : Ma question s’adresse à l’Institut C.D. Howe, et peut-être que M. Lochner pourra également y répondre. Il y a deux types d’inflation, à mon avis. Il y a l’inflation qui touche les pauvres, et il y a celle qui touche les riches. Les opinions divergent quant à l’incidence du projet de loi C-32 sur l’inflation. Nous avons entendu des points de vue différents ce matin. L’appui prévu dans le projet de loi C-32 vise principalement ceux qui en ont le plus besoin.
L’Institut C.D. Howe a parlé du crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation et le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété, mais avec l’augmentation des taux d’intérêt, les prix des maisons diminuent au Canada. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet?
M. Dachis : Bien sûr. Lorsque le prix des maisons baisse, cela reflète en partie les taux d’intérêt très bas que nous avons connus pendant la pandémie et avant. Il est important d’examiner les ratios du service de la dette, et pas nécessairement le prix d’achat. La question est de savoir combien de dettes les gens peuvent assumer et payer de façon continue. Au cours des dernières années, cela n’a pas beaucoup changé. Les prix ont augmenté en flèche, et l’effet le plus important de cette augmentation des prix a touché la capacité des acheteurs de faire une mise de fonds.
Au fil du temps, parce que ces gens étaient confrontés à des taux d’intérêt plus bas, leur dette réelle, en combinaison des intérêts et du capital qu’ils devaient rembourser, n’a pas vraiment changé beaucoup. Nous allons commencer à voir un changement majeur à cet égard à mesure que les prix plus élevés que les gens paient commencent à se refléter dans les paiements hypothécaires mensuels plus élevés. Ils ont payé un coût initial très élevé, mais leurs paiements hypothécaires se rétablissent maintenant à des taux plus élevés. Nous allons commencer à voir de graves problèmes d’abordabilité. Ce sont les versements hypothécaires mensuels qui sont les plus durement touchés. C’est ce qui devrait vraiment nous préoccuper à l’avenir.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Lochner, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Lochner : C’est un peu en dehors de mon domaine d’expertise, mais en tant qu’économiste, j’ai une compréhension générale de ces questions. Il est vrai qu’avec des prêts hypothécaires sur cinq ans au Canada, chaque année, environ 20 % des détenteurs de prêts hypothécaires doivent refinancer. Étant donné que les taux d’intérêt sont élevés, cela aura certainement une incidence importante sur le prix des logements et sur la disponibilité de logements abordables, beaucoup plus que, disons, dans un pays comme les États-Unis, où seulement un titulaire de prêt hypothécaire sur 30 refinance son prêt chaque année en raison de durées plus longues.
En ce qui concerne l’incidence de l’inflation sur les personnes à faible revenu par rapport aux personnes à revenu élevé, nous avons constaté une forte augmentation des prix des aliments et du carburant. Ces augmentations touchent le bas de l’échelle de répartition des revenus plus durement que le haut de l’échelle. Le marché du logement a une incidence globale et ses difficultés touchent tout le monde. Je n’ai pas grand-chose à ajouter.
Le sénateur Loffreda : Merci.
La sénatrice Bovey : Encore une fois, je vous remercie tous. Monsieur Lochner, j’ai une question pour vous. Je conviens avec vous qu’il y a diverses façons d’aider les étudiants. Dans notre discussion, l’idée des subventions de recherche a été soulevée. C’est une façon très importante pour les professeurs d’embaucher des étudiants et de les faire participer à leur travail et à leurs passions futures.
Je sais aussi, comme vous, que le gouvernement fédéral accorde des subventions de recherche directement aux universités. Dans certains cas, les provinces sont tenues d’offrir des programmes de contrepartie. Je sais, en tant qu’ex-présidente du conseil d’administration de l’Université du Manitoba, par exemple, que le Manitoba n’était pas admissible à certaines subventions de recherche fédérales, parce que la province n’offrait pas ce genre de subvention.
Quelle serait votre recommandation? J’aimerais vraiment savoir ce que vous pensez de la façon dont le gouvernement fédéral pourrait rééquilibrer les choses pour que toutes les provinces, et non seulement quelques-unes, aient un accès égal à tous les fonds de recherche.
M. Lochner : Eh bien, vous me demandez de sortir de mon domaine de compétences...
La sénatrice Bovey : Je pense que cela fait partie de vos compétences.
M. Lochner : J’aime éviter autant que possible les politiques administratives pour ne pas devenir moi-même administrateur.
À mon avis, les subventions de recherche devraient être accordées de façon généralisée par l’entremise d’organismes comme le CRSH, le CRSNG, et cetera, et je ne vois pas d’argument solide pour établir un lien entre cette aide et ce que les provinces décident de faire. Je pense que l’aide devrait être accordée en fonction du mérite et de la qualité de la recherche effectuée et, éventuellement, de la valeur que ce financement représente pour les étudiants dans les établissements.
Je pense que, pour demeurer concurrentiel à l’échelle internationale, le Canada doit probablement augmenter son financement de la recherche ou le financement de base des universités. C’est ce que je pense. À l’heure actuelle, nos revenus vont diminuer de 5 % en dollars réels pour l’année prochaine seulement, parce que les budgets sont très serrés en Ontario. C’est différent du financement de la recherche, mais les deux vont de pair.
La sénatrice Bovey : J’examinais la question du point de vue des étudiants et des avantages à long terme du travail pour le Canada lui-même.
La sénatrice Pate : Il est tentant de donner suite à cela, comme vous l’avez si bien dit, monsieur le président, le nombre que nous sommes autour de cette table —, il y en a quelques-uns parmi nous qui n’auraient pas fait d’études postsecondaires, si ce n’était des prêts étudiants et de ces mesures de soutien.
Mais je vais revenir à M. Dachis. Plus tôt cette année, l’ARC a fait remarquer que « [...] certains contribuables entreprennent à maintes reprises une planification fiscale abusive », et que :
[...] l’ARC est d’avis que la formulation actuelle de la RGAE n’a pas un effet suffisamment dissuasif à l’égard de la planification fiscale abusive.
J’aimerais savoir quelles mesures, selon vous, devraient être ajoutées pour renforcer la règle générale anti-évitement, et quelles autres mesures devraient être prises dans l’ensemble pour mieux vérifier, détecter et réévaluer de façon réaliste les arrangements de planification fiscale abusive.
M. Dachis : Bonne question. Je n’ai pas cela sous la main, mais je peux vous faire parvenir plus tard par écrit une partie du travail que l’Institut C.D. Howe a fait à ce sujet.
La sénatrice Pate : Ce serait formidable. Merci beaucoup.
La sénatrice Galvez : J’aimerais poursuivre ma conversation avec M. McGowan.
Comme je l’ai mentionné, en Alberta, il y a un essor continu dans le domaine de l’énergie renouvelable et la création de 4 500 emplois propres, ce qui rend les autres provinces très jalouses de la façon dont l’Alberta s’y prend. Vous parlez de la nécessité de moderniser la politique industrielle, mais j’aimerais vous demander ce que vous pensez de la question de la transition équitable. Comment la définissez-vous et qu’aimeriez-vous voir dans une éventuelle stratégie de transition équitable, parce que le gouvernement en a fait l’annonce? Nous avons peut-être encore le temps d’exercer une influence. Quels sont les principes et les stratégies, les mesures que vous aimeriez voir dans une politique de transition équitable?
M. McGowan : Merci beaucoup de la question. C’est une chose à laquelle nous, en Alberta, réfléchissons depuis longtemps parce que nous avons vu cette transition venir il y a plus d’une décennie, et ce n’est même pas théorique pour nous. L’élimination progressive des centrales au charbon a entraîné la perte d’environ 3 000 emplois chez nos membres. Collectivement, nous avons négocié ce qui, à mon avis, demeure le seul accord de transition équitable à l’échelle du secteur pour n’importe quel groupe de travailleurs. Cela comprenait des choses comme la transition vers la retraite, le supplément de revenu pour l’assurance-emploi, les allocations de réinstallation — tout cela financé par un fonds de transition équitable que le gouvernement provincial précédent a créé après avoir négocié avec nous.
Il y a donc un plan directeur. Mais ayant cette expérience, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, il est formidable d’avoir des politiques d’adaptation au marché du travail pour aider les travailleurs qui perdent leur emploi, mais en réalité, ce que nos membres du secteur du charbon nous ont dit, et ce que nos membres du secteur pétrolier et gazier nous disent aussi, c’est qu’ils ne veulent pas de politiques d’adaptation au marché du travail. Ces mesures sont nécessaires, mais insuffisantes. Ce qu’ils veulent vraiment, c’est un emploi.
Pour nous, la transition équitable est une expression que nous essayons d’éviter parce qu’elle fait peur à beaucoup de travailleurs et les empêche d’avoir des conversations, parce qu’ils veulent un emploi. Ils ne veulent pas faire la transition. Pour nous, la transition équitable doit aller au-delà des politiques d’adaptation au marché du travail. Il faut une transformation économique qui mènera à une activité économique, à des investissements et à la création d’emplois. C’est notre première mise en garde au sujet de la transition équitable.
Dans le même ordre d’idées, si nous voulons une transformation économique, il nous faut une politique industrielle axée sur la création d’emplois, et cela suppose un investissement actif du gouvernement. Cela veut dire mettre des sommes importantes sur la table. Comme nous le disons dans notre plan directeur, que je vais remettre à la greffière du comité, c’est la raison pour laquelle nous pensons que nous avons besoin d’une politique industrielle de type Lougheed qui n’évite pas des choses comme l’investissement du secteur public et même la participation au capital et la création de sociétés d’État. Pour nous, la meilleure transition équitable est une politique industrielle qui mène à la création d’emplois.
J’ajouterais que les travailleurs doivent être à la table. Il n’y a pas de transition équitable sans la voix des travailleurs, car c’est de cela que nous parlons. Nous parlons d’une transition du marché du travail actuel vers un nouveau marché, et les travailleurs doivent être à la table pour en parler.
La dernière chose que je dirai, c’est qu’il y a une dimension politique à cette discussion, et elle doit être reconnue. Chaque fois que vous parlez d’une transition, surtout d’une transition aussi importante et rapide que celle que nous devons envisager, cela se produit dans un environnement politique. Les politiques que nous mettons en œuvre doivent recevoir l’appui du public. Si elles ne l’ont pas, nous ne faisons aucun progrès. C’est ce qui explique que nous avons besoin de la participation des travailleurs. S’ils ont peur, s’ils sont anxieux, s’ils deviennent résistants, s’ils ne voient aucun espoir dans la transition, ils résisteront, et tous les beaux discours sur la réduction des émissions, la transition et les emplois verts, cela n’arrivera pas, parce que les pouvoirs publics et les gouvernements perdront leur approbation politique.
Voilà pourquoi nous avons vraiment besoin d’un plan, d’investissements, de création d’emplois, sinon nous perdrons cette occasion de faire la transition. Le changement rend nos membres — et n’importe quel travailleur, franchement — anxieux, mais ce qui nous rend encore plus anxieux, c’est de ne pas avoir de plan pour le changement.
Le président : Merci.
M. McGowan : J’espère que cela vous aide.
Le sénateur Cardozo : J’ai deux brèves questions. L’une s’adresse à l’Alliance canadienne des associations étudiantes. Lorsque nous parlons d’études postsecondaires, nous avons tendance à mettre davantage l’accent sur les études universitaires. Je me demande si vous avez une idée quant à la nécessité d’accorder des prêts sans intérêt aux étudiants des collèges par rapport aux étudiants des universités. Savez-vous s’il y a un plus grand besoin d’étudiants de niveau collégial, ou avez-vous des chiffres comparatifs?
Mme Metcalfe : Je peux parler un peu de la différence entre les prêts accordés à ces étudiants lorsqu’ils terminent leurs études universitaires. Comme je l’ai déjà mentionné, en moyenne, un étudiant qui a un baccalauréat a environ 28 000 $ en prêts, mais un étudiant qui a terminé ses études collégiales a environ 15 000 $ en prêts, et ce, pour une multitude de raisons. Les programmes collégiaux sont habituellement un peu plus courts, et les baccalauréats universitaires sont évidemment un peu plus longs. Ce programme est absolument nécessaire. Il y a actuellement une pénurie d’étudiants et de gens dans les métiers spécialisés, et c’est une chose dont les étudiants doivent faire partie.
De toute évidence, nous avons besoin d’un plus grand nombre d’étudiants pour pourvoir les postes nécessaires à la transition vers une économie verte et pour atteindre bon nombre des objectifs liés à la construction de maisons et à d’autres projets et programmes envisagés par le gouvernement. Les étudiants des collèges que nous représentons nous ont dit qu’ils étaient aussi en faveur de cela.
La seule chose que je n’ai pas encore eu l’occasion de mentionner, c’est que même si nous sommes vraiment en faveur de la suppression des intérêts sur les prêts d’études canadiens, il est important que les provinces qui ne participent pas à ce programme, notamment le Québec, reçoivent des fonds de transfert pour qu’elles puissent augmenter l’aide financière aux étudiants de la province.
Le sénateur Cardozo : Merci.
Monsieur McGowan, une brève question sur la politique industrielle et le Fonds de croissance du Canada.
Pourriez-vous nous dire brièvement quels secteurs précis de l’Alberta en profiteraient le plus? Vous avez parlé de bâtir l’économie verte dans la province. Avez-vous une idée des sous‑secteurs de l’économie verte qui profiteraient le plus du Fonds de croissance du Canada et sur lesquels le gouvernement devrait se concentrer?
M. McGowan : Oui, je vous renvoie à notre rapport intitulé Skate to Where the Puck is Going. Nous abordons cette question et nous désignons ce que nous appelons sept missions, qui sont essentiellement les voies qui, selon nous, offrent le plus de possibilités. Nous sommes d’accord avec le milieu des affaires sur bon nombre d’entre elles. L’hydrogène en est une. Construire notre réseau électrique pour en tripler la taille en est une autre. Ce serait un énorme projet d’infrastructure qui aiderait l’industrie et l’économie et qui créerait toutes sortes d’emplois pour les travailleurs albertains.
L’une des voies que nous avons cernées et qui, à mon avis, est particulièrement propre à l’Alberta, c’est notre suggestion de faire passer l’économie des sables bitumineux axée sur la production de matières premières pour produire des carburants à la production de matières premières pour fabriquer des matériaux. Nous avons de très grandes quantités de bitume dans les sables bitumineux. C’est en fait plus utile si nous l’utilisons pour créer des matériaux comme la fibre de carbone. Nous avons les technologies, mais on ne parle pas d’une industrie importante. C’est donc une occasion à saisir.
J’ai remis le rapport à la greffière, alors je vous encourage à jeter un coup d’œil aux sept voies que nous avons cernées. La chose sur laquelle je veux insister au sujet du fonds de croissance, et j’y ai fait allusion en passant dans ma déclaration préliminaire, concerne la gouvernance. Nous suggérons qu’au lieu de simplement créer un organisme indépendant dirigé par des conseillers en placement, nous ayons une structure bicamérale où nous avons un conseil des parties prenantes au sommet qui aidera à donner une orientation, puis un conseil opérationnel qui s’occuperait des placements.
Nous avons en fait une structure bicamérale comme celle-là pour nos grands régimes de retraite en Alberta. J’ai agi à titre de président de ce que nous appelons le conseil de parrainage pour établir la politique générale, puis nous avons eu un conseil des opérations. Ce genre de structure bicamérale pourrait contribuer à la réalisation d’un objectif public conforme au genre de politique industrielle dont nous parlons, tout en faisant appel à l’expertise des investisseurs.
Le président : Je remercie les témoins de leur participation; elle a été très instructive et utile. Vos témoignages aideront certainement les Canadiens et aideront les membres du Comité des finances à examiner les quatre grands principes que nous partageons tous, soit la transparence, la reddition de comptes, la fiabilité et la prévisibilité.
Avant de lever la séance, honorables sénateurs, j’aimerais rappeler aux témoins de bien vouloir faire parvenir les réponses écrites à la greffière d’ici la fin de la journée du vendredi 9 décembre 2022. La date limite est très rapprochée, car nous arrivons à la fin de notre étude. Les témoins sont-ils d’accord? Merci.
J’aimerais également vous informer, honorables sénateurs, que notre prochaine réunion aura lieu cet après-midi, de 15 heures à 17 heures, pour poursuivre notre étude du projet de loi C-32, dans la salle où nous nous trouvons en ce moment. Avant de terminer, j’aimerais remercier toute l’équipe de soutien du comité, ceux et celles qui sont à l’avant de la salle ainsi que ceux et celles qui sont en coulisse et que l’on ne voit pas. Je vous remercie tous de votre travail acharné, qui contribue énormément au succès de notre travail de sénateurs.
Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)