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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


Ottawa, le mardi 31 mai 2022.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), par vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-18, Loi portant exécution de certaines dispositions de la mise à jour économique et budgétaire déposée au Parlement le 14 décembre 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures; ainsi que pour étudier la teneur complète du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais vous apporter quelques précisions au sujet d’un éventuel vote avant lequel le timbre pourrait retentir pendant une heure. Je signale à la vice-première ministre et ministre des Finances que notre ordre du jour pourrait changer un peu à cause d’un vote au Sénat et peut-être aussi à la Chambre. Par conséquent, nous allons suspendre la séance et ensuite reprendre la réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous allons plus précisément suspendre la séance 15 minutes avant la fin du timbre d’une heure pour pouvoir aller voter au Sénat. Nous reviendrons ensuite le plus rapidement possible pour poursuivre la séance. La greffière suivra très rigoureusement les procédures.

Honorables sénateurs, mesdames et messieurs les témoins, il est important de mettre votre microphone en sourdine en tout temps, à moins d’avoir été nommé par la présidence.

[Français]

Si vous éprouvez des difficultés techniques, notamment en matière d’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière et nous nous efforcerons de résoudre le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez contacter le Centre de service de la DSI en utilisant le numéro d’assistance technique qui vous a été fourni.

[Traduction]

L’utilisation de plateformes en ligne ne garantit pas la confidentialité des discours ou l’absence d’écoute. Ainsi, lors de la conduite des réunions de comités, tous les participants doivent être conscients de ces contraintes et limiter la divulgation éventuelle d’informations sensibles, privées et privilégiées du Sénat. Les participants doivent savoir qu’ils doivent participer dans une zone privée et être attentifs à leur environnement.

[Français]

Honorables sénateurs, nous allons maintenant commencer la partie officielle de notre réunion. Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices et à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent sur le site Web du Sénat.

Dans quelques minutes, j’aurai l’occasion de présenter la ministre des Finances et vice-première ministre du Canada.

[Traduction]

Je m’appelle Percy Mockler. Je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant vous présenter les membres du comité qui participent à la réunion: le sénateur Boehm, le sénateur Dagenais, la sénatrice Duncan, le sénateur Forest, la sénatrice Gerba, le sénateur Gignac, le sénateur Loffreda, la sénatrice Marshall, la sénatrice Pate, le sénateur Richards et la sénatrice Moncion.

Cet après-midi, honorables sénateurs, nous continuerons notre étude du projet de loi C-8, Loi portant exécution de certaines dispositions de la mise à jour économique et budgétaire déposée au Parlement le 14 décembre 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures, qui a été renvoyé au comité le 10 mai 2022, par le Sénat du Canada.

[Français]

Notre étude porte aussi sur la teneur complète du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures, qui a été renvoyé à ce comité par le Sénat du Canada le 4 mai 2022.

Honorables sénateurs, Canadiens et Canadiennes, nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances du Canada.

[Traduction]

La ministre Freeland sera avec nous pendant 90 minutes pour parler des projets de loi C-8 et C-19. Les fonctionnaires demeureront ensuite avec nous pendant encore 30 minutes pour continuer de répondre aux questions.

[Français]

Madame la ministre, en tant que président du Comité permanent des finances nationales, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le comité aujourd’hui. Je tiens également à vous remercier publiquement de notre récente discussion au téléphone sur le travail du Comité des finances nationales, car vous avez été très généreuse de votre temps. Nous reconnaissons sincèrement que vous avez un programme très mouvementé, et nous vous remercions de votre présence.

[Traduction]

Dans la pièce et virtuellement, la ministre est accompagnée de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, mais aussi de fonctionnaires d’autres ministères qui les aideront à répondre aux questions.

Pour le compte rendu, je leur demanderais de se présenter si jamais ils sont invités à répondre à une question.

[Français]

Bienvenue à chacun d’entre vous et particulièrement à vous, madame la ministre, merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Madame la vice-première ministre et ministre des Finances, on m’a dit que vous souhaitez faire des observations pour la gouverne du comité. Je vous en prie.

[Français]

L’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances : Je vous remercie, monsieur le président, de l’invitation et de la présentation.

Avant de commencer, puis-je vous demander la permission de prendre 30 secondes pour voter? Il y a un vote qui se tient actuellement à la Chambre des communes; je peux voter de manière virtuelle, si vous me permettez de le faire, et cela prendra 30 secondes avant de commencer.

Le président : Absolument, la permission vous est accordée, madame.

Mme Freeland : Merci, monsieur le président.

Le président : Pour votre allocution d’ouverture, nous vous donnons la parole.

Mme Freeland : Merci de m’avoir invitée à prendre la parole au sujet des projets de loi C-8 et C-19.

Le budget que j’ai déposé le mois dernier et la Loi d’exécution du budget qui a suivi ont été publiés dans le contexte de la relance remarquable et rapide de l’économie canadienne après la récession causée par la COVID-19. Cependant, il nous reste encore des défis à relever. L’inflation que l’on observe presque partout sur la planète fait grimper les prix des aliments et de l’énergie au Canada et partout dans le monde. C’est pourquoi les investissements proposés dans le budget de 2022 et dans le projet de loi C-19 visent à faire croître notre économie et à rendre la vie plus abordable pour les Canadiennes et les Canadiens. De plus, il s’appuie sur les mesures prévues dans le projet de loi C-8. Ces mesures apporteront un soutien important aux Canadiens et aux entreprises canadiennes et elles veilleront à ce que nous soyons prêts à faire face à de prochaines vagues.

[Traduction]

Je vais commencer par brièvement souligner des mesures clés du projet de loi C-18. Il prévoit l’élargissement du crédit d’impôt pour fournitures scolaires d’éducateur admissible, ce qui permettra de donner directement de l’argent aux enseignants peu de temps après la sanction royale. Il élargira aussi la déduction pour les habitants de régions éloignées, ce qui procurera une certitude aux habitants du Nord qui ont fait leur déclaration de revenus.

En investissant jusqu’à 100 millions de dollars par l’entremise du Fonds pour une rentrée scolaire sécuritaire, le projet de loi C-8 améliorera la ventilation dans les salles de classe et rendra les écoles plus sécuritaires pour nos enfants. Le projet de loi procurera aussi aux provinces et aux territoires les tests rapides dont ils pourraient avoir besoin pour faire face à de nouvelles vagues de COVID-19.

Je sais que le temps est compté, monsieur le président, et si vous le permettez, je vais mentionner brièvement certaines mesures clés du projet de loi C-19 que, je l’espère, les sénateurs vont appuyer. Le projet de loi C-19 va imposer une interdiction de deux ans visant les investisseurs étrangers dans le marché immobilier canadien et il s’assurera que toutes les cessions de contrats de vente relatives aux habitations résidentielles nouvellement construites ou ayant fait l’objet de rénovations majeures soient des fournitures taxables aux fins de la TPS et de la TVH. Il multipliera aussi par deux la limite annuelle du crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire, qui passera à 20 000 $, pour que les travaux de rénovation, comme l’ajout de rampes d’accès pour fauteuils roulants, soient plus abordables pour les aînés et les personnes handicapées.

Le projet de loi créera une déduction pour mobilité de la main-d’œuvre visant les personnes de métier afin d’offrir un allégement fiscal pour les déplacements admissibles et les dépenses de réinstallation temporaire. C’est une mesure importante alors que nous faisons face à des pénuries de main-d’œuvre partout au pays.

Le projet de loi C-19 permettra au gouvernement d’accorder 10 jours de congé de maladie payés dans le secteur privé sous réglementation fédérale d’ici la fin de l’année. Il remettra plus régulièrement de l’argent dans les poches des Canadiens en transformant les paiements de l’Incitatif à agir pour le climat en paiements trimestriels. Il établira aussi une taxe de luxe sur les jets privés, les yachts et les voitures de luxe.

[Français]

Le projet de loi C-19 aidera les provinces et les territoires à rattraper les retards accumulés en matière de chirurgie avec un supplément de 2 milliards de dollars au Transfert canadien en matière de santé. Il va fournir jusqu’à 750 millions de dollars pour aider les municipalités à combler les déficits en matière de transport en commun causés par la pandémie. Il va accélérer la mise en place d’un registre public des sociétés constituées en vertu d’une loi fédérale avant la fin de 2023.

[Traduction]

Le projet de loi C-19 fera aussi du Canada le premier pays du G7 à autoriser le gouvernement à saisir et à aliéner des biens détenus par des personnes et des entités sanctionnées. C’est particulièrement important compte tenu de la guerre en Ukraine et du coût très élevé de la reconstruction que nous envisageons déjà. J’aimerais particulièrement remercier la sénatrice Omidvar de son travail acharné et de sa perspicacité lorsqu’elle a défendu des mesures similaires dans son projet de loi, le projet de loi S-217.

Le projet de loi C-19 contient des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada pour augmenter les ressources accordées au Sénat et aux sénateurs, une mesure particulièrement pertinente pour votre comité.

Enfin, les sénateurs ont soulevé un problème dans la Loi d’exécution du budget de 2021, qui a mené a un renvoi incohérent à un article de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Ce problème, que vous avez soulevé, est corrigé dans le projet de loi C-19. Je remercie le Sénat de l’avoir remarqué.

[Français]

Monsieur le président, il s’agit là de quelques exemples de la façon dont les projets de loi C-8 et C-19 contribueront concrètement à améliorer la vie des Canadiens et des Canadiennes.

J’espère que tous les sénateurs qui sont ici appuieront son adoption rapidement. Je vous remercie, et c’est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

Le président : Merci, madame la ministre.

[Traduction]

Merci beaucoup pour votre déclaration. Votre présence parmi nous aujourd’hui nous permet de vraiment nous concentrer sur les quatre grands principes de la devise du comité des finances : la transparence, la reddition de comptes, la fiabilité et la prévisibilité. Nous vous sommes reconnaissants d’être parmi nous.

Nous allons maintenant passer aux questions. Je mentionne pour les sénateurs qu’ils auront un maximum de cinq minutes chacun pour le premier tour et un maximum de deux minutes pour le deuxième. Veuillez donc poser vos questions sans détour. Je demanderais aux témoins de répondre de manière concise. La greffière me fera signe en levant la main lorsque le temps est écoulé.

La sénatrice Marshall : Madame la ministre, merci d’être ici aujourd’hui. Je voulais vous poser des questions concernant la provenance des recettes. Je regarde le projet de loi C-8 et le projet de loi C-19, et j’y vois la taxe sur les résidences inutilisées et la taxe de luxe. Il est donc évident que vous voulez accroître les recettes.

Je vois ensuite une autre promesse de création d’un registre de propriété effective. D’après ce que j’ai lu, ce sera probablement utile pour la question de l’évasion fiscale et aussi pour permettre au gouvernement d’avoir accès à des millions, voire à des milliards de dollars. Malheureusement, on nous promet le registre de propriété effective depuis de nombreuses années. Je suis revenue six années en arrière, jusqu’en 2017, et c’était déjà une promesse à l’époque. Nous semblons tout simplement incapables de le mettre en place. Chaque année, on nous présente une petite variante de ce que nous avions l’année précédente.

Je vous ai posé une question à ce sujet l’année dernière. L’année ciblée était 2025, mais vous n’aviez accordé que 2 millions de dollars en financement, ce qui n’était pas assez. L’année dernière, la date de mise en œuvre est passée à 2023, mais je ne vois aucun financement dans le budget à cette fin. On nous promet donc quelque chose de différent chaque année. À ce stade-ci, je ne m’attends pas vraiment à ce que le nouveau système soit mis en place d’ici 2023.

En outre, le projet est maintenant divisé en deux phases. J’en arrive à ma question: pour quelle raison n’arrivons-nous pas à mettre en place le registre de propriété effective? On nous le promet depuis des années. Nous avons une variante différente tous les ans, mais nous n’avons toujours pas vu de résultat final.

Mme Freeland : Merci beaucoup de poser la question, madame la sénatrice. Je m’en réjouis vraiment parce que j’ai moi-même ardemment défendu la mise en place d’un registre de la propriété effective transparent et entièrement consultable. C’est important, comme vous le dites, au moment de percevoir des recettes. C’est aussi très important pour lutter contre la corruption, et je pense que la guerre des Russes en Ukraine a vraiment souligné la valeur de cette mesure. C’est une chose que je défends totalement.

Je suis heureuse, madame la sénatrice, que vous ayez mentionné que le budget déposé le mois dernier révèle plus d’ambition en vue de créer un registre de la propriété effective au Canada. Comme vous l’avez dit, nous avons fait passer la date à 2023. Je suis ravie d’entendre des sénateurs aborder la question. Il est très important de le faire, et c’est une chose à laquelle le gouvernement s’est fermement engagé.

C’est difficile compte tenu des relations fédérales-provinciales au Canada et des différents champs de compétence, mais c’est une chose à laquelle le gouvernement s’est fermement engagé. C’est important en ce qui a trait à la transparence. C’est important dans la lutte internationale contre la corruption. C’est la raison pour laquelle, dans le budget déposé le mois dernier, j’ai devancé la date pour que ce soit fait plus rapidement.

La sénatrice Marshall : Je conviens comme vous que le faire d’ici 2023 révèle une plus grande ambition, mais j’aimerais voir de meilleurs résultats. Nous attendons depuis un bon moment, mais je doute fort que ce soit mis en place en 2023. J’espère, madame la ministre, que vous me donnerez tort.

Ma prochaine question porte sur la situation financière au Canada. Il y a dorénavant plusieurs économistes qui prédisent une récession. Lorsque l’inflation accélérait, beaucoup de personnes disaient que c’était transitoire, y compris la Banque du Canada. Bien entendu, on entend maintenant dire qu’il n’y aura pas de récession, mais c’est néanmoins ce que des économistes prédisent.

Je veux vous entendre ainsi que vos collaborateurs au ministère des Finances sur le genre de travail préparatoire que vous faites en prévision d’une éventuelle récession.

Mme Freeland : Tout d’abord, permettez-moi de signaler, madame la sénatrice, que le Canada est extrêmement bien placé en cette période d’instabilité économique. C’est une bonne journée aujourd’hui pour le mentionner parce que les chiffres du PIB de notre premier trimestre viennent de paraître, et le PIB du Canada pour le premier trimestre est de 3,1 %.

Je signale que c’est le plus haut taux de croissance du G7. Le Canada se situait à 3,1 %; la France à -0,8 %; l’Allemagne, à 0,9 %; l’Italie, à 0,5 %; le Japon, à -1 %; le Royaume-Uni, à 3 %; et les États-Unis, à -1,5 %.

Il est important pour nous de ne pas oublier que nous partons à ce stade-ci dans une position vraiment forte face à l’instabilité économique. C’est une position de force non seulement pour ce qui est de la croissance économique, mais aussi en ce qui concerne notre position budgétaire. Comme le savent les sénateurs, après le dépôt du budget en avril, S&P Global, l’agence de notation, a réaffirmé la cote AAA du Canada, une cote assortie de perspectives économiques stables.

La sénatrice Marshall : Eh bien, malgré votre optimisme, le pays s’endette davantage, tout comme les Canadiens. S’il y a des vulnérabilités dans le système, l’endettement des ménages canadiens en fait partie. Êtes-vous le moindrement préoccupée par l’endettement croissant des ménages canadiens? Qui est le groupe le plus vulnérable selon vous?

Mme Freeland : Madame la sénatrice, pour ce qui est de l’endettement des ménages canadiens, je regarde d’abord et avant tout l’emploi. Je pense que nous pouvons tous nous entendre pour dire que ce qui est le plus important pour la grande majorité des Canadiens, c’est avoir un emploi. C’est le paramètre sur lequel notre gouvernement s’est concentré lorsque la récession causée par la COVID a frappé. Nous étions grandement préoccupés par la perte de 3 millions d’emplois au Canada, et c’est la raison pour laquelle nous avons mis sans relâche l’accent sur une forte reprise stimulée par la création d’emplois. C’est pourquoi, madame la sénatrice, je suis heureuse de vous faire part d’une excellente nouvelle : le Canada a récupéré 115 % des emplois perdus à cause de la pandémie comparativement à 95 % aux États-Unis.

La sénatrice Marshall : Mais les Canadiens sont encore aux prises avec une inflation très forte. Que contient le budget pour les Canadiens et les personnes les plus touchées par l’inflation, c’est-à-dire les personnes à faible revenu? Le gouvernement est intervenu pendant la pandémie pour aider les gens. Que fait-il pour aider les gens qui souffrent des effets d’un taux d’inflation qui atteint presque 7 %?

Mme Freeland : À propos de l’inflation, je suis heureuse de me faire poser la question, car je pense qu’il est important que les Canadiens et votre comité sénatorial comprennent la situation des Canadiens dans un contexte mondial et sachent que l’inflation est vraiment un phénomène planétaire. Permettez-moi encore une fois de vous donner des chiffres. Le plus récent taux d’inflation au Canada était de 6,8 %. C’est moins élevé qu’aux États-Unis, à 8,3 %; qu’en Allemagne, à 8,7 %; qu’au Royaume-Uni, à 9 %; et que dans la zone euro, où la moyenne est de 8,1 %.

Je conviens qu’il est important que le gouvernement continue d’aider les Canadiens par rapport au coût de la vie, et le budget comprend des mesures à cet effet. Je vois que le sénateur Mockler veut que je conclue, et je vais donc n’en mentionner que deux rapidement. Il y a le programme de soins dentaires et le versement de 500 $ aux Canadiens qui ont de la difficulté à trouver un logement abordable.

[Français]

Le sénateur Gignac : Merci, madame la ministre, d’être avec nous aujourd’hui. Ma première question, à titre de parrain du projet de loi C-8, porte sur la taxe annuelle de 1 % qui sera appliquée sur les logements inutilisés. On l’a entendu souvent pendant les débats qui ont eu lieu au comité de la Chambre des communes : il y a une sensibilité en matière constitutionnelle en ce qui a trait à cette imposition dans une sphère de compétences qui est habituellement réservée aux gouvernements locaux. Pourriez-vous nous dire quel genre de consultations ont eu lieu entre votre ministère et les différents acteurs, et y aura-t-il une concertation avec les provinces et les villes pour s’assurer qu’il n’y a pas de dédoublement de la taxation pour lutter contre la spéculation immobilière?

Mme Freeland : Merci, monsieur le sénateur, de votre travail, de nos conversations et de votre question. Comme vous le savez très bien, notre gouvernement a fait campagne sur cette question et il est maintenant important pour nous de remplir notre engagement envers les Canadiens et les Canadiennes, surtout aujourd’hui, alors que l’enjeu de logement continue d’être une préoccupation centrale des Canadiens et des Canadiennes. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il est très important de faire attention aux champs de compétence, et je veux vous assurer que notre gouvernement n’a pas l’intention de s’en servir comme base pour s’immiscer dans les champs de compétence des provinces. C’est pourquoi la taxe ne vise que certains types de marchés et de propriétés qui sont les plus préoccupants pour la stabilité financière du Canada et pour l’abordabilité du logement, qui est un enjeu économique très important pour tout le pays.

Le sénateur Gignac : Ma seconde question concerne le budget prévu dans le projet de loi C-19. Je vous félicite d’avoir présenté de nouveau des projections financières sur cinq ans. C’était difficile de prévoir à plus long terme pendant la pandémie, mais vous avez recommencé à le faire et même le directeur parlementaire du budget l’a souligné. Dans ce défi de transition énergétique, le Canada aura besoin d’importants capitaux et d’investissements pour réussir cette transition vers une économie à faibles émissions de carbone. J’ai moi-même affirmé que même les caisses de retraite devront prêter main-forte. Qu’y a-t-il dans ce budget, de façon très concrète, pour lutter contre les changements climatiques? Comment encourager les investissements nationaux? Quel est le rôle du secteur privé, des gouvernements et des caisses de retraite à cet effet?

Mme Freeland : Merci infiniment pour cette question très importante, monsieur le sénateur. J’ai lu avec beaucoup d’attention l’entrevue que vous avez donnée à David Parkinson, du Globe and Mail à ce sujet. Si vous me le permettez, je vais vous citer en anglais, parce que l’entrevue était en anglais —

[Traduction]

Vous avez donc dit que les gouvernements fédéral et provinciaux doivent discuter avec les gestionnaires de fonds de pension de ce que les décideurs doivent faire pour créer des conditions gagnantes pour que les fonds s’intéressent davantage aux investissements canadiens.

[Français]

Je pense que vous avez posé une question et soulevé un enjeu très important. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que pour la transition verte, le gouvernement fédéral doit faire des choses pour assurer une transition verte, mais c’est impossible pour le gouvernement de le faire seul. Nous avons besoin d’investissements de la part du secteur privé. Dans le budget, nous proposons un fonds de croissance canadien pour attirer des investissements, mais la question du rôle du secteur privé sur le plan des fonds est très importante.

Vous vous rappellerez sans doute que, dans notre programme visant à créer un système universel de garderies partout au Canada, nous nous sommes inspirés de l’exemple du Québec. Je pense que c’est très important de regarder ce que fait chaque province, y compris le Québec, bien sûr. Vous savez qu’au ministère des Finances, on sait très bien comment les fonds du Québec sont utilisés à cause de l’expertise des gens qui travaillent ici. Je pense que le gouvernement fédéral s’est peut-être inspiré des pratiques du Québec à cet effet.

Le sénateur Gignac : Merci.

Le sénateur Forest : Merci, madame la ministre, d’être avec nous. C’est toujours intéressant de vous entendre sur les questions qui nous préoccupent. Avant de poser mes questions sur les projets de loi C-8 et C-19, j’aimerais revenir sur quelque chose qui est en amont et qui est très important, soit le projet de loi C-208, que nous avons adopté en juin 2021, pour faciliter les transferts intergénérationnels des petites PME. C’est un projet de loi important, particulièrement pour le milieu agricole, qui a été salué de toutes parts. Je m’attendais à ce que votre gouvernement profite du projet de loi de mise en œuvre du budget pour apporter les correctifs que vous estimez nécessaires.

Malheureusement, tout ce qui a été annoncé dans le budget de 2022 est un processus de consultation. C’est un peu décevant.

Quand vous engagez-vous à déposer les modifications législatives requises pour régler ce problème? En attendant, un agriculteur ou un père de famille qui veut transférer sa ferme à sa fille ne peut pas bénéficier des assouplissements prévus conformément au projet de loi C-208.

Mme Freeland : Merci pour la question. Je suis d’accord avec vous pour dire que les transferts intergénérationnels sont un enjeu important. Je suis très contente que nous ayons maintenant un système pour les encourager.

En ce qui concerne les améliorations dont nous avons parlé, je pense qu’il est très important pour nous d’être certains que ces améliorations font l’objet de consultations et que toutes les personnes impliquées sont d’accord sur le fait que ces améliorations sont nécessaires. Pour cette raison, il est très important selon moi de le faire correctement en menant des consultations, et c’est ce que nous ferons.

Le sénateur Forest : Dans votre esprit, on peut envisager un délai de combien de temps? Au prochain budget ou au 1er janvier 2023? Avez-vous une perspective à donner à ces gens?

Mme Freeland : Je dirais le plus vite possible.

Le sénateur Forest : Nous sommes d’accord.

Vous aviez promis une taxe sur les biens de luxe pendant la campagne électorale; le projet de loi C-19 met effectivement cette promesse en œuvre. Nous sommes d’accord pour dire que les mieux nantis doivent être mis à contribution.

Cependant, on a beaucoup de contacts avec des représentants du secteur industriel et ils s’inquiètent que la taxe puisse avoir des impacts majeurs sur les carnets de commandes de 500 millions à 1 milliard de dollars et sur le plan des emplois.

Est-ce qu’on a mesuré les impacts éventuels que pourrait avoir cette taxe pour ce qui est de l’employabilité et du chiffre d’affaires? Je pense particulièrement à l’aéronautique, où le Québec a un créneau d’excellence important. Est-ce qu’on a fait des prévisions quant aux gains que l’on pourrait obtenir grâce à cette taxe? Est-ce que le fruit l’emporte sur la peine, ou est-ce l’inverse?

Mme Freeland : Merci pour la question. Je veux dire trois choses.

Premièrement, à haut niveau, je suis d’accord avec vous pour dire que cette taxe est une bonne idée. Je le sais en tant que politicienne parce que, durant la campagne électorale, j’ai parlé avec beaucoup de Canadiens. Je dois vous dire que pour monsieur et madame Tout-le-Monde, quand on pense à la situation de la COVID et aux grandes dépenses qui étaient si nécessaires, cela a beaucoup de sens de dire que quelqu’un qui peut se permettre d’acheter un avion ou une voiture à un prix supérieur à 100 000 $ ou un bateau à un prix supérieur à 250 000 $ peut se permettre de contribuer un peu plus.

Je souligne que c’est une bonne chose que des gens au Canada puissent se permettre d’acheter de tels biens. Cependant, comme société, nous sommes d’accord pour dire qu’il est sensé de demander à ces gens de contribuer un peu plus. C’est de haut niveau.

Deuxièmement, je vous assure que je suis d’accord avec vous pour dire que le secteur aérospatial est très important pour le Québec et le Canada. C’est vraiment un centre d’excellence pour nous comme pays. Quand on parle de l’impact économique de ce secteur, ce n’est pas seulement pour les emplois qui se trouvent directement dans le secteur, mais cela a un grand effet. Je pense que la pandémie de COVID-19 a montré qu’il était important d’avoir chez nous des manufacturiers, des ingénieurs, et cetera. Je suis avec vous en ce qui concerne l’importance d’appuyer le secteur aérospatial.

Troisièmement, je sais que les gens de ce secteur posent des questions. On parle beaucoup avec le secteur de l’aérospatiale. Je suis convaincue que le secteur continuera d’être très fort au Canada, même après la mise en œuvre de ces taxes.

Le sénateur Forest : Merci, madame la ministre.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Merci d’être ici, madame la ministre. J’allais vous poser une question sur la taxe de luxe, mais je vais plutôt en poser une autre.

Je me suis toujours intéressé à cela parce que mon grand-père a été un patient de Banting et Best. Il est mort du diabète longtemps avant ma naissance. Hier, je me suis rendu compte que le comité des finances de la Chambre des communes a adopté à l’unanimité un amendement au projet de loi C-19, qui a été proposé par mon compatriote de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, Jake Stewart, afin d’élargir l’admissibilité à un crédit d’impôt pour personnes handicapées. Grâce à cet amendement, 300 000 Canadiens atteints de diabète de type 1 y auront automatiquement droit sans devoir recourir à un processus déroutant et arbitraire pour prouver qu’ils ont besoin d’un traitement vital 14 heures par semaine à cause d’une maladie incurable qui les oblige à prendre de l’insuline 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Le gouvernement soutient-il l’amendement adopté à l’unanimité par le comité pour aider immédiatement les Canadiens atteints de diabète de type 1, madame la ministre?

Mme Freeland : Tout d’abord, sénateur, je vous remercie — et je m’excuse d’aborder ainsi votre vie privée — d’avoir raconté cette histoire familiale remarquable. J’aimerais beaucoup savoir à un moment donné si votre famille se souvient de rencontres avec Banting et Best. C’est vraiment remarquable.

Pour ce qui est de l’amendement, c’est une chose que nous examinons de très près. Je pense qu’une question importante a été portée à notre attention, mais j’aimerais également dire que nous discutons minutieusement avec les fonctionnaires et d’autres ministères pour être certains de comprendre parfaitement les conséquences.

Mais je tiens à dire que c’est une question très importante qui touche de nombreux Canadiens. Je pense que toute personne qui éprouve de la compassion sera consciente de l’importance de la question que vous avez soulevée.

Le sénateur Richards : Bien. Je vous remercie pour ces observations. J’ai une brève question complémentaire. C’est plutôt complexe, et si je pouvais obtenir une réponse écrite par un membre de votre personnel, je serais tout aussi satisfait que si vous répondez.

Il est question du dosage en fonction de la quantité d’exercice pour soigner le diabète juvénile. Ce n’est pas très clair selon la fondation de recherche. Comment l’Agence du revenu du Canada envisageait-elle d’indiquer aux médecins et aux diabétiques la façon d’interpréter les activités liées au respect d’un régime ou d’un programme d’exercices qui sont directement reliées à la détermination du dosage du médicament, et qu’est-ce que cela signifie?

Vous semblez perplexe. Je le suis aussi. Un de vos collaborateurs pourrait peut-être répondre et le préciser pour moi et, par conséquent, pour notre comité. Vous n’avez pas à le faire maintenant. Vous pourriez répondre d’ici une semaine ou deux.

Mme Freeland : Je vais admettre, sénateur, que je ne suis pas du tout experte en médecine et certainement pas pour ce qui est du dosage de l’insuline, par exemple pour le diabète juvénile.

Je vous remercie de soulever la question. Je vais certainement l’aborder auprès de mes collaborateurs et de l’Agence du revenu du Canada.

Le sénateur Richards : Merci, madame la ministre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, madame la ministre. La poussée actuelle de l’inflation peut être analysée de bien des façons. Les Canadiens sont en train de perdre leur pouvoir d’achat, car les salaires ne suivent pas la hausse des prix à la consommation. Pour certains, cela pourrait même aller jusqu’à perdre leur maison, pour ceux qui ont réussi à en acheter une.

Lorsque je vois dans le budget 31 milliards de dollars de nouvelles dépenses sur une période de cinq ans, je vous avoue que je trouve que cela manque un peu de sérieux. Vous projetez de nouvelles dépenses sur une période de cinq ans, alors qu’au mois de mars vous n’étiez pas en mesure de prévoir quelle serait la situation en avril ni la situation que vivent actuellement les consommateurs canadiens. Comment faites-vous pour utiliser dans votre discours les mots « fiscalité responsable », alors que votre gouvernement n’a pas de plan en vue de réduire le déficit?

Actuellement, votre gouvernement se finance grâce à la hausse des taxes sur les produits à la consommation.

Mme Freeland : Merci de cette question, sénateur.

Avec beaucoup de respect pour vous et pour le comité, je dois dire que je ne suis pas d’accord. Je pense qu’il est important de ne pas parler de votre point de vue ou de mon point de vue, mais du point de vue des experts indépendants. Je vais citer des experts qui sont peut-être les experts les plus respectés sur cette question de responsabilité fiscale, soit ceux de S&P Global.

Quelques jours après la présentation de notre budget, S&P Global a, encore une fois, confirmé que le Canada a une cote AAA. C’est le plus haut niveau possible. Je veux aussi souligner que notre pays présente le ratio dette/PIB le plus bas et le déficit le plus bas de tous les pays du G7.

La position fiscale canadienne est très, très forte; ce n’est pas mon point de vue personnel, mais bien l’opinion des économistes et des experts dont le travail est de décider quel pays a une position responsable en ce qui a trait à la fiscalité.

Le sénateur Dagenais : Permettez-moi, madame la ministre, de dire que, avec une inflation actuellement prévue à 6,8 %, les indicateurs sont alignés pour que la Banque du Canada augmente son taux directeur. Est-ce qu’on va assister à une nouvelle série d’improvisations fiscales, comme pendant la pandémie? Avez-vous un plan pour soutenir les familles?

Mme Freeland : Encore une fois, sénateur, je pense qu’il est très important de se rappeler que nous avons vécu deux années de pandémie, ainsi qu’une récession qui s’est avérée la plus difficile que le Canada a vécu depuis la Grande Dépression. Dans le monde entier, dans tous les pays industrialisés, on constate actuellement un niveau d’inflation très élevé.

Comme vous le savez très bien, la situation du Canada est meilleure que la situation des pays comparables. L’inflation au Canada est de 6,8 %; aux États-Unis, elle est de 8,3 %; au Royaume-Uni, de 9 %; en Allemagne, de 8,7 %. Cela signifie deux choses : premièrement, que des facteurs extérieurs internationaux causent de l’inflation; deuxièmement, que la situation du Canada en matière de fiscalité et pour ce qui est de son niveau d’inflation est vraiment une des meilleures au monde.

Le sénateur Dagenais : Je vous dirais que nous sommes les moins pires des pires, mais merci beaucoup, madame la ministre.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Merci de vous être jointe à nous, madame la ministre. Il faut féliciter le gouvernement pour ses initiatives en matière de services de garde d’enfants et de soins dentaires et pour sa volonté de ne laisser personne pour compte. Cependant, le budget ne s’attaque pas autant à la réduction de la pauvreté que ce que beaucoup d’entre nous auraient voulu voir, après avoir été, sans aucun doute, inspirés par ce que nous avons entendu avant le dépôt du budget. Je suis donc curieuse de savoir quelles autres mesures seront envisagées pour sortir d’autres personnes de la pauvreté.

Je reconnais que depuis 2015, 435 000 enfants sont sortis de la pauvreté et qu’un travail de réduction de la pauvreté partout dans le monde a été fait avec le Fonds monétaire international. Nous ne voyons toutefois pas d’efforts dans ces mesures pour sortir plus de 100 000 personnes de la pauvreté malgré le fait que nous parlons de 3,5 millions de personnes laissées pour compte seulement pendant la pandémie.

Compte tenu du rapport du procureur général publié hier, quelles autres mesures de soutien au revenu et d’abordabilité du logement le gouvernement a-t-il l’intention de prendre pour les personnes qui sont encore laissées pour compte?

Mme Freeland : Bien. C’est une question très importante, sénateur. Permettez-moi de faire quelques observations.

Tout d’abord, vous avez raison de dire que la réduction de la pauvreté et le soutien des plus vulnérables sont des choses sur lesquelles le gouvernement se concentre depuis le premier jour. Bien entendu, nous n’avons pas fini le travail, mais je pense qu’il est important de reconnaître le progrès lorsqu’il y en a parce que c’est ainsi que nous continuons de faire la bonne chose.

Je veux saisir l’occasion pour souligner que l’Allocation canadienne pour enfants, qui est indexée à l’inflation, a permis de sortir presque 300 000 enfants canadiens de la pauvreté. Le Supplément de revenu garanti, qui est également indexé à l’inflation, a quant à lui aidé plus de 900 000 aînés.

Lorsque nous avons formé le gouvernement, il y avait plus de 5,1 millions de Canadiens qui vivaient dans la pauvreté. Les chiffres les plus récents sur la pauvreté remontent malheureusement à 2019, mais ils montrent que le nombre de Canadiens pauvres est passé à moins de 3,8 millions de dollars. C’est encore beaucoup trop, mais les progrès sont réels. C’est mon premier point.

Mon deuxième point porte sur les mesures importantes dans le budget qui ont été annoncées en 2021, mais qui entrent en vigueur aujourd’hui, pour aider les Canadiens les plus vulnérables. Oui, il y a l’éducation préscolaire et les services de garde. Il y a aussi la hausse de 10 % de la Sécurité de la vieillesse ainsi que l’Allocation canadienne pour les travailleurs, dont nous devrions parler beaucoup plus, car elle aide des millions de Canadiens à faible revenu — les personnes qui ont selon moi le plus besoin d’aide aujourd’hui. Le budget prévoit également un paiement de 500 $ pour les Canadiens qui ont de la difficulté à se trouver un endroit où vivre, et le programme de soins dentaires améliorera beaucoup les choses.

Je tiens également à souligner qu’un grand nombre des principaux paiements sont indexés à l’inflation.

Permettez-moi d’ajouter une dernière chose, car je vous vois consulter vos feuilles et vous avez peut-être une autre question. Je vais mentionner rapidement deux autres choses pour soutenir les plus vulnérables. Il y a premièrement les emplois. Je pense que l’un des plus grands drames que quelqu’un peut vivre est la perte d’un emploi dans une économie où il est très difficile d’en trouver un autre. Le taux de chômage qui se situe à 5,2 %, soit au point le plus bas depuis que l’on compile des statistiques comparables, aide vraiment les Canadiens vulnérables. Nous l’avons vu dans l’augmentation de salaire de 3,8 % au cours du premier trimestre cette année.

Enfin, pour aider les Canadiens vulnérables, je crois qu’il est utile d’avoir une approche financièrement responsable, comme nous l’avons fait pour le budget d’avril et comme l’a confirmé la cote de crédit AAA de S&P, car les Canadiens vulnérables ont besoin d’un gouvernement qui gère les finances publiques de façon responsable et qui peut maîtriser l’inflation.

Merci, madame la sénatrice.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup pour ces observations. Je suis toutefois également curieuse de savoir ce que vous envisagez de faire pour les personnes qui ne peuvent pas travailler. Chose certaine, vous vous occupez des personnes qui travaillent, dont bon nombre sont de petits salariés, comme vous l’avez indiqué.

Pour ce qui est du logement, l’intention derrière les décisions stratégiques prioritaires sur l’abordabilité est certainement louable, mais on estime que les aspects auxquels vous allez vous attaquer ne vont pas améliorer la situation pour beaucoup de monde et ne créeront pas assez de logements pour les personnes qui sont sans abri ou qui ont de la difficulté à se loger. Je me demande quelles autres mesures de soutien vous envisagez d’élaborer pour les personnes les plus marginalisées et s’il y a des plans, plus particulièrement dans le cadre des négociations que des provinces comme l’Île-du-Prince-Édouard tentent de mener sur le revenu minimum garanti et d’autres questions, pour participer à ce genre de négociations dans le cadre des relations entre le fédéral, les provinces et les territoires.

Mme Freeland : Je vais dire quelques mots sur le logement. Je vois que le sénateur Mockler veut que j’arrête de parler. Est-ce bien le cas?

Le président : Dans 30 secondes.

Mme Freeland : Très rapidement, à propos du logement, je pense qu’il est important que nous soyons honnêtes les uns envers les autres et avec les Canadiens en reconnaissant qu’il n’y a pas de solution miracle au problème de l’abordabilité. C’est vraiment un problème grave et compliqué, et ce ne serait pas rendre service aux Canadiens que d’affirmer que nous allons prendre une mesure qui réglera tout une fois pour toutes, d’un seul coup. Le travail dans ce dossier doit se poursuivre année après année.

Je fais remarquer que le logement est un des éléments clés du budget que nous avons déposé en avril. Dans l’ensemble, le budget affecte près de 9 milliards de dollars dans une série de mesures visant à accroître l’abordabilité et à augmenter, ce qui revêt une importance cruciale, l’offre de logements au Canada. Je pense que c’est au cœur du problème.

Le président : Merci, madame la sénatrice, madame la ministre.

Le sénateur Boehm : Madame la ministre, je suis heureux de vous compter parmi nous aujourd’hui. Je veux aller au-delà de la loi d’exécution du budget et poser des questions sur le budget de 2022. Le Canada compte parmi les nombreux pays ayant adhéré au Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’Organisation de coopération et de développement économiques et du G20. En octobre 2021, ils se sont entendus sur un plan à deux piliers de réforme fiscale internationale. Je suis certain que vous étiez là. Le premier pilier est la réaffectation des droits d’imposition, et le deuxième, sur lequel je veux mettre l’accent, est l’établissement d’un taux d’imposition global minimum. Bien entendu, le deuxième pilier ferait en sorte que les grandes entités internationales seraient assujetties à un taux d’imposition réel minimum de 15 % de leurs profits dans chaque pays où elles mènent des activités. Ce cadre est maintenant presque terminé. Des pays ont signé — dont le Canada — et prennent actuellement des mesures à l’échelle nationale. Dans le budget, il est proposé de mettre en œuvre le deuxième pilier au cours de la prochaine année au moyen d’un taux d’imposition complémentaire nationale minimum. Des consultations publiques doivent également être amorcées.

Madame la ministre, ce cadre est un excellent exemple du bon travail qui peut être fait multilatéralement lorsque des pays collaborent. Nous sommes submergés de messages de Canadiens inquiets qui ne sont pas convaincus que les institutions internationales aident vraiment notre cause — ou à vrai dire, la cause mondiale. On perçoit aussi un effet sur notre souveraineté et notre capacité à agir chez nous sur le plan politique. Je me demande ce que vous en pensez. Comment pouvons-nous faire approuver ces démarches par les Canadiens au moment de procéder?

Mme Freeland : Merci beaucoup de poser la question, sénateur. J’ai pensé à vous la dernière fois que j’ai rencontré les ministres des Finances du G7 pour parler de cette question, car ce n’était pas la semaine dernière, mais celle d’avant en Allemagne, un pays que vous connaissez extrêmement bien.

Je pense que la convention fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques est une des réalisations les plus importantes des dernières décennies. Elle montre que nous pouvons travailler ensemble à la modernisation de l’architecture financière internationale pour l’adapter à l’économie du XXIe siècle, et elle montre que nous pouvons parvenir à une entente globale dans un dossier clé. C’est une question importante, et c’est vraiment énorme.

Les Canadiens ont bien raison de demander si c’est dans l’intérêt national, si c’est pour eux. Sénateur, je suis parfaitement convaincue que c’est une excellente convention pour le Canada, et il y a deux raisons à cela.

Premièrement, pour ce qui est du deuxième pilier — le taux d’imposition global minimum —, le fait est que des pays se sont engagés dans une course de nivellement par le bas de l’imposition en espérant attirer ainsi de grandes entreprises, ou au moins leurs sièges sociaux. Le Canada, comme nous venons tout juste d’en parler, est un pays qui croit en l’utilité d’un filet de sécurité sociale. Cela signifie que nous devons augmenter les recettes. Par conséquent, dans un monde où la course à la plus faible imposition n’a aucune limite, le Canada ne va pas prospérer. C’est une des deux raisons pour lesquelles c’est une très bonne chose pour le Canada.

La deuxième raison se rapporte au premier pilier. Le premier pilier tient compte du fait que le monde n’est plus exclusivement fait d’économies traditionnelles. L’économie numérique, comme nous le savons tous, est extrêmement importante de nos jours dans l’économie mondiale, mais le système fiscal international n’est pas conçu de manière à en tenir compte, ce qui nuit aussi au Canada et aux Canadiens. Le premier pilier en fait beaucoup pour s’attaquer au problème. En plus d’être un triomphe du multilatéralisme, c’est une très bonne affaire pour le Canada puisque nous contribuons ainsi à régler deux iniquités que la mondialisation a imposées à l’économie canadienne.

Le sénateur Boehm : Merci beaucoup, monsieur le ministre.

La sénatrice Duncan : Merci, madame la ministre, de comparaître devant nous aujourd’hui. Je veux aussi mettre l’accent sur une partie du budget de 2022, mais sur un enjeu pangouvernemental.

Dans le budget de 2022, on s’engage à affecter 25 millions de dollars sur deux ans au projet pilote de fonds d’équité en matière de produits d’hygiène féminine afin que les personnes dans le besoin puissent obtenir ces produits. Le projet est dirigé par la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, Marci Ien. Au Yukon, un projet du Conseil des Premières Nations du Yukon et du gouvernement du Yukon pour distribuer gratuitement ce genre de produits à la population a été annoncé le 4 mai. Services aux Autochtones Canada et le gouvernement du Yukon offrent un financement. Je suis très favorable aux relations de gouvernement à gouvernement et à cette initiative pour offrir gratuitement des produits d’hygiène féminine. Je suis toutefois préoccupée par le chevauchement du financement et par la dynamique d’un ministère qui ne sait pas ce qu’un autre ministère finance ou quel projet un gouvernement territorial ou provincial a entrepris.

Madame la ministre, vous avez fait allusion il y a quelques instants à la gestion responsable des finances publiques. En votre qualité de ministre des Finances, comment faites-vous pour éviter un éventuel chevauchement du financement? Comment assurez-vous la coordination de la prestation parmi les ministères dans votre approche pangouvernementale?

Mme Freeland : Sénatrice, je vous remercie pour votre excellente question prudente et réfléchie. L’une des façons de procéder, de toute évidence, consiste à écouter très attentivement lorsque des sénateurs posent des questions intelligentes.

Je veux également vous remercier d’aborder la question de l’équité en matière de produits d’hygiène féminine. C’est une cause en laquelle je crois vraiment en tant que mère d’adolescentes, plus particulièrement.

C’est parfois très difficile pour des femmes et des filles partout au pays. Quand j’étais ministre des Affaires étrangères, j’ai coanimé avec Frederica Mogherini une réunion de toutes les femmes ministres des Affaires étrangères du monde. Avant la réunion, j’ai rencontré un groupe d’élèves du secondaire à Toronto pour leur demander leur avis à propos des dossiers que les femmes ministres des Affaires étrangères devraient aborder. La principale question soulevée par ces jeunes femmes était l’équité en matière d’hygiène féminine. Elles ont dit à quel point il était gênant d’avoir ses règles à l’école et de ne pas avoir de tampon ou de serviette. Nous avons toutes été de jeunes femmes au secondaire à un moment donné — eh bien, pas tout le monde ici, mais vous comprenez. C’est une question importante. Je suis heureuse que vous l’ayez soulevée et j’étais heureuse de l’inscrire dans le budget.

Pour ce qui est de veiller à ce que tous les ministères communiquent entre eux, vous l’avez bien dit. Dans ce cas-ci, sénatrice, je ne pense pas que le Canada est déjà arrivé au point où nous en faisons trop pour l’équité en matière d’hygiène féminine. Je crois que nous avons encore du chemin à faire avant d’en arriver là.

La sénatrice Duncan : Merci, madame la ministre. Je ne pense pas que vous ayez vraiment répondu à la question. Je vais la reformuler.

En tant que ministre des Finances, vous assurez-vous que les fonds accordés pour régler des problèmes se rendent jusqu’à la communauté destinataire désignée? Dans le cas de Services aux Autochtones Canada, notre comité à maintes reprises remarqué que les indicateurs de rendement du ministère ne sont pas assez détaillés et concrets. Au ministère des Services aux Autochtones, 22,7 % des employés s’occupent de programmes de services internes comparativement à 16 % dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Le ministère prévoyait dépenser 12,8 milliards de dollars et employer 5 958 équivalents temps plein, mais il a plutôt dépensé 16,4 milliards de dollars et employé plus de 6 000 équivalents temps plein. J’ai entendu la communauté autochtone dire que soumettre continuellement des demandes de financement laisse à désirer comme moyen de tirer parti des programmes et services offerts.

Compte tenu de ces chiffres et sans véritables indicateurs de rendement, comment pouvez-vous, en tant que ministre des Finances, assurer aux Canadiens que l’argent qui est affecté à une politique économique féministe ou qui doit permettre de donner suite aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation se rend vraiment aux personnes à qui il est destiné?

Mme Freeland : Sénatrice, c’est une très bonne question, et une bonne question en ce qui a trait aux ressources importantes que le gouvernement affecte à la réconciliation et aux efforts déployés pour que les Autochtones reçoivent le même niveau de services que les non-Autochtones. En fait, c’est une très bonne question pour tout le travail accompli par le gouvernement.

Je crois que nous devons travailler plus fort tous les jours pour offrir les services plus efficacement, y compris de façon rentable. J’ai passé la majorité de ma vie à travailler dans le secteur privé et je pense que c’est une approche que le gouvernement doit également adopter.

Dans le budget déposé le mois dernier, vous avez sans doute remarqué un plan pour examiner minutieusement les dépenses gouvernementales, notamment la prestation des programmes. Nous tenons absolument à le faire et nous l’avons ajouté au cadre budgétaire.

Le sénateur Loffreda : Merci d’être parmi nous aujourd’hui, madame la ministre.

Ma question concerne le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Un article du projet de loi C-19 porte sur ce crédit d’impôt et élargit davantage la liste des fonctions mentales admissibles pour y avoir droit. Je pense que c’est une excellente nouvelle et j’appuie l’initiative. Cependant, je pense que les personnes handicapées se seraient peut-être attendues à ce que le gouvernement présente une nouvelle mouture du projet de loi qu’il a déposé en juin dernier relativement à la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Mais plutôt que de déposer à nouveau le projet de loi, le gouvernement échange actuellement avec les provinces et les territoires au sujet du concept et de la mise en œuvre de la prestation canadienne attendue.

Pouvez-vous faire le point sur ces discussions pour notre comité? Le gouvernement finira-t-il par remplir son engagement et créer une prestation pour personnes handicapées?

Mme Freeland : Merci beaucoup de poser la question, sénateur. Ma collègue, la ministre Carla Qualtrough, est fermement déterminée à faire avancer le dossier. Elle tient à cette prestation et à cette mesure législative. Je veux vous assurer qu’elle poursuivra son travail dans ce dossier pour le faire avancer concrètement et substantiellement.

Le sénateur Loffreda : Ai-je le temps de poser une autre question?

Le président : Tout à fait.

Le sénateur Loffreda : Notre comité des banques a entrepris l’examen de la section 16 de la partie 5 du projet de loi C-19, qui porte sur la prolongation de 20 ans du droit d’auteur. D’après ce que j’ai compris, nous sommes le seul pays du G7 sans protection générale de 70 ans après le décès de l’auteur. Pendant notre réunion, nous avons entendu différents témoins ayant un large éventail d’opinions, et il n’y a évidemment aucun consensus là-dessus.

Pouvez-vous nous faire part du raisonnement du gouvernement qui n’exige pas que les détenteurs de droits enregistrent, à leur discrétion, leurs droits d’auteur pour pouvoir bénéficier de la protection supplémentaire de 20 années pour plutôt la prolonger automatiquement? Comme vous le savez, le comité de l’industrie de la Chambre des communes a publié un rapport sur la question. Il était d’avis que l’enregistrement obligatoire allait atténuer certains désavantages de la prolongation, promouvoir l’enregistrement des droits d’auteur et accroître la transparence globale dans le régime de droit d’auteur. Les témoins qui ont comparu devant notre comité nous ont certainement donné beaucoup de matière à réflexion à ce sujet.

Mme Freeland : Merci beaucoup pour la question, sénateur. Le droit d’auteur est un enjeu économique très important. C’est un droit très important. Aux points que vous avez soulevés, j’ajouterais qu’une considération importante pour le Canada à cet égard est notre relation commerciale et nos négociations commerciales avec les États-Unis, qui ont une influence considérable dans ce dossier.

Le sénateur Loffreda : J’aimerais tourner notre attention vers la partie 6 du projet de loi C-8. Le Parlement a adopté le projet de loi C-10 en mars, ce qui a permis au ministre Duclos de verser jusqu’à 2,5 milliards de dollars pour le dépistage de la COVID-19. Le projet de loi C-8 demande également 1,72 milliard de dollars dans le même but.

Ces fonds supplémentaires, compte tenu d’où nous en sommes dans la pandémie, sont-ils encore nécessaires? Les provinces et les territoires comptent-ils encore sur cet argent pour dépister la COVID? Si nous adoptons le projet de loi, le ministre de la Santé tiendra-t-il compte des paiements aux provinces ou réévaluera-t-il le montant de chaque transfert?

Mme Freeland : Merci de poser la question, sénateur. Je suis absolument convaincue que c’est un élément vraiment important dans les mesures que nous mettons de l’avant. Lorsqu’on parle — et je suis certaine que tous les sénateurs ici le font, en personne et virtuellement — avec des experts en santé publique, on constate que beaucoup de personnes mettent en garde contre d’autres vagues de COVID, surtout à l’automne, et rappellent également que même si le variant Omicron est très transmissible, il n’est pas très virulent.

Nous ne devrions pas exclure la possibilité d’autres vagues et de vagues qui pourraient s’avérer plus difficiles que celle du variant Omicron. Pour cette raison, je suis très favorable au soutien supplémentaire pour le dépistage rapide que nous accordons dans ce projet de loi.

Sénateur, je serais ravie d’avoir tort et de constater que la COVID est bel et bien derrière nous.

Cependant, s’il y a une chose que nous savons maintenant après deux années de pandémie, c’est qu’il vaut mieux faire preuve de prudence et être prêts à faire face à ce que l’automne nous réserve.

Le sénateur Loffreda : Merci.

[Français]

La sénatrice Moncion : Bienvenue, madame la ministre. Je suis contente de pouvoir vous poser des questions directement.

Ma première question touche la section 30 de la partie 5 en ce qui a trait au registre public de renseignement sur la propriété effective pour les sociétés régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Je n’étais pas présente au début de la réunion, mais je pense que la sénatrice Marshall vous a posé une question à cet effet. Je suis allée vérifier si c’était la même et ça ne l’était pas.

Vous avez devancé l’entrée en vigueur de ces dispositions à l’année 2023 et je vous en félicite. J’aimerais parler des prochaines étapes. Pourriez-vous nous indiquer le travail qui se fait à ce sujet avec les provinces et les dispositions qui sont étudiées afin de connaître la propriété effective pour les sociétés qui sont enregistrées au nom de firmes d’avocat?

Mme Freeland : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Je vais commencer en vous remerciant pour votre travail sur ce projet de loi. Merci beaucoup.

En ce qui concerne le registre, vous avez raison : la sénatrice Marshall a déjà posé une question sur cet enjeu. Je veux vous assurer que l’idée d’avoir un tel registre ouvert est un projet personnel pour moi. Je pense que c’est très important pour nous. C’est important sur le plan économique, mais c’est tout aussi important en ce qui concerne la corruption mondiale, pour protéger le Canada de cette corruption mondiale. C’est pour cette raison que, dans le budget en avril, on a dit qu’on allait le faire plus rapidement que ce qu’on avait promis auparavant. Cependant, vous avez raison de dire que ce ne sera pas facile. Il y a des questions de compétences provinciales et fédérales et ce sera complexe.

C’est une bonne chose que deux sénatrices aient soulevé cet enjeu. J’espère que vos questions et votre intérêt m’aideront, ainsi que le ministre François-Philippe Champagne, avec qui je travaille en étroite collaboration. Nous allons travailler avec les provinces pour nous assurer que ce travail sera fait d’ici 2023.

La sénatrice Moncion : Et pour les firmes d’avocats?

Mme Freeland : On parle vraiment d’un registre transparent. Il est nécessaire de permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de savoir qui est vraiment le propriétaire. On ne veut pas savoir qui travaille pour le propriétaire, mais qui est vraiment le propriétaire.

La sénatrice Moncion : Merci beaucoup. Est-ce que j’ai encore du temps, monsieur le président?

Le président : Vous avez encore deux minutes, madame la sénatrice.

La sénatrice Moncion : Ma deuxième question porte sur la section 7 de la partie 5 de la Loi d’exécution du budget, qui parle de certains emprunts extraordinaires qui ont été contractés en vertu de l’alinéa 46.1c) entre le 23 mars 2021 et le 6 mai 2021. Cette disposition vise à ce que ces montants soient inclus dans le montant maximal prévu conformément à la Loi autorisant certains emprunts, et à ce que ces emprunts soient déclarés comme dette ordinaire dans le total, afin qu’ils soient intégrés au montant de la dette totale, et ce, dans le but d’assurer une plus grande transparence sur l’état de la dette du gouvernement et la reddition de comptes au Parlement pour ce qui est du montant total.

Pourriez-vous nous indiquer comment cette grande transparence sera assurée? Comment pourra-t-on suivre l’évolution des emprunts spécifiques à la COVID-19 ou aux mesures mises en place à ce moment-là, si vous l’intégrez à la dette globale et que tout cela est géré à partir de la dette globale? Comment pourra-t-on être informé de la diminution de cette dette?

Mme Freeland : C’est une bonne question, madame la sénatrice. Je vais vous donner trois réponses.

Premièrement, nous avons l’obligation légale, juridique et fiduciaire d’être transparents avec les Canadiens, la Chambre des communes et le Sénat en ce qui concerne toute la dette du gouvernement. La dette peut croître seulement avec la permission de la Chambre et du Sénat et par décision des deux Chambres, et nous devons être transparents pour ce qui est des montants. C’est la première chose.

Deuxièmement, nous devons — et nous le faisons, d’ailleurs — publier les résultats après la fin de chaque année fiscale. Le budget est une chose, comme vous le savez très bien, que l’on fait d’avance. Nous pensons que ce seront nos dépenses et nos revenus : c’est notre plan. Cependant, quand l’année est finie, nous devons publier les résultats. Je veux partager une petite chose. La bonne nouvelle, c’est qu’avec toute cette expérience imprévisible avec la COVID, on a prévu des dépenses plus grandes que celles qu’on a dépensées en réalité, et on a prévu des revenus moindres que ceux qu’on a obtenus. On a vu cela vendredi dernier quand on a publié les résultats pour 2021 et 2022. On a publié la bonne nouvelle selon laquelle le déficit sera de 95,6 milliards de dollars. On avait prévu dans le budget que le déficit serait de 113,8 milliards de dollars. C’est donc beaucoup mieux.

Le président : Merci. Je n’ai aucun doute dans mon esprit comme président, madame la ministre, que vous pouvez faire d’autres commentaires. Le comité est également ouvert à la possibilité d’obtenir des réponses écrites. Je vais vous en parler dans quelques minutes.

La sénatrice Gerba : Merci, madame la ministre, pour votre précieux temps. C’est vraiment très apprécié.

Vous avez fait allusion plus tôt à l’importance de l’économie numérique dans l’économie mondiale. Ma question concerne l’industrie de la cryptomonnaie et les pièces stables.

Le projet de loi C-19 demande à votre ministère de procéder à un examen quinquennal de ce secteur en vue d’examiner la robustesse du cadre réglementaire pour assurer l’intégrité du système financier, promouvoir une concurrence loyale et protéger à la fois les finances des Canadiens et notre sécurité nationale, entre autres.

Madame la ministre, compte tenu de la volatilité actuelle du marché des actifs numériques et de la récente perte de plus de 50 % de sa valeur à l’échelle mondiale, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les mesures spécifiques que votre ministère entend mettre en place pour protéger les investisseurs canadiens non expérimentés à court terme?

Mme Freeland : Madame la sénatrice, c’est une excellente question; merci beaucoup. C’est un enjeu très actuel, donc je vous remercie beaucoup pour la question.

Je suis d’accord avec vous pour dire que l’une des forces de notre pays, c’est que nous avons un secteur financier très stable et très bien réglementé. Quand on parle à des investisseurs à l’étranger, on entend dire que c’est l’un des avantages de faire des investissements au Canada.

J’ai parlé plus tôt de S&P Global et de leur décision de confirmer la cote triple A du Canada. S&P a souligné que nous avons un système financier et un système banquier très stable et très bien réglementé. Je pense que même avec l’évolution des formes de paiement, y compris la création des cryptomonnaies, c’est très important pour le Canada de continuer la tradition et de conserver un système financier dans lequel les gens et l’économie nationale sont protégés par les règles et les institutions. Nous avons pris un engagement en ce sens dans le budget.

La sénatrice Gerba : D’accord.

Y a-t-il des mesures spécifiques qui seront mises en place pour protéger nos citoyens canadiens par rapport à cette industrie?

Mme Freeland : Bien sûr que oui. Nous avons besoin de mesures spécifiques dans tout le système de réglementation. C’est une question très sérieuse et c’est pour cette raison que nous avons dit que nous ferions une analyse et une consultation. Je ne vais pas annoncer aujourd’hui ce que nous allons faire. Toutefois, je veux vous assurer que je prends cet enjeu très au sérieux. Je suis d’accord avec vous pour dire que nous devons agir, et nous le ferons.

La sénatrice Gerba : Merci.

Le président : Madame la ministre, avant de lever la séance, je pense que vous pourriez probablement compléter certaines de vos réponses par écrit. Si vous et vos fonctionnaires voulez ajouter certains éléments pour donner plus de précisions, est-ce que vous pourriez nous envoyer vos réponses par écrit?

Mme Freeland : Premièrement, monsieur le sénateur, merci de m’avoir donné l’occasion d’avoir cette conversation et merci de m’avoir permis de voter au début de la séance. Je pense que vous, sénateurs, devez également voter aujourd’hui.

En ce qui concerne les questions qui ont été posées, j’ai essayé d’y répondre le mieux possible, mais comme vous le savez, cinq minutes, ce n’est pas suffisant pour donner une réponse complète sur tous les enjeux. Je vais faire le suivi avec mes fonctionnaires et mon équipe.

Le président : Merci, madame la ministre.

[Traduction]

Honorables sénateurs, avant de lever la séance, je vais donner à la ministre l’occasion de conclure ses observations pendant deux ou trois minutes, si elle le souhaite.

Mesdames et messieurs les sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu le jeudi 2 juin, à 11 h 30, heure de l’Est, pour poursuivre notre étude de la teneur du projet de loi C-19.

[Français]

Cela dit, avez-vous des commentaires à faire avant que nous levions la séance, madame la ministre?

Mme Freeland : J’aimerais peut-être ajouter quelques mots.

[Traduction]

Je vais conclure en remerciant chacun de vous pour votre travail acharné et vos questions réfléchies. Votre travail est vraiment important. Il est important pour moi. Il l’est aussi pour les Canadiens. Dans mes observations liminaires, j’ai mentionné une modification que nous avons apportée en nous appuyant sur une observation faite par des sénateurs. Je vous remercie donc d’entrer dans les détails. Merci aussi pour les questions que vous avez soulevées, comme la propriété effective, à laquelle vous êtes revenus souvent, le point concernant la cryptomonnaie et le point sur les deux piliers de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Il est important pour moi et les Canadiens d’entendre vos préoccupations, qui vont sans aucun doute grandement orienter mon équipe et moi-même.

[Français]

Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante de vos travaux.

[Traduction]

Le président : Avant de conclure, madame la vice-première ministre et ministre des Finances, je mentionne que les réponses écrites doivent être transmises à la greffière avant la fin de la journée le lundi 6 juin 2022, afin que nous puissions respecter notre échéancier pour le dépôt de nos rapports.

Je déclare la séance levée. Merci.

(La séance est levée.)

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