LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 2 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui à 10 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices ainsi qu’à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca.
[Français]
Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant faire un tour de table et demander à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Forest : Éric Forest, sénateur du Québec, division du Golfe.
[Traduction]
La sénatrice Galvez : Sénatrice Rosa Galvez, du Québec.
[Français]
Le sénateur Gignac : Clément Gignac, du Québec.
Le sénateur Shugart : Ian Shugart, de l’Ontario.
Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, du Québec. Bonjour et bienvenue.
[Traduction]
La sénatrice Duncan : Pat Duncan, sénatrice du Yukon.
Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.
La sénatrice Pate : Kim Pate. Je vis ici même, sur le territoire non cédé et non abandonné des Algonquins anishinabes.
[Français]
Le sénateur Carignan : Bonjour. Claude Carignan, du Québec.
Le sénateur Smith : Larry Smith, de Hudson, au Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je veux profiter de l’occasion pour souhaiter la bienvenue à un sénateur qui se joint à notre comité ce matin. Bienvenue au sénateur Shugart à titre de nouveau membre du comité des finances nationales. Il remplacera la sénatrice Bovey pour le Groupe progressiste du Sénat.
[Français]
Sénateur Shugart, merci d’avoir choisi le Comité sénatorial permanent des finances nationales pour apporter votre contribution pour les Canadiens et les Canadiennes.
Aujourd’hui, nous commençons l’étude de la teneur complète du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.
[Traduction]
Nous avons le plaisir d’accueillir M. Yves Giroux, directeur parlementaire du budget. M. Giroux est accompagné de Mme Xiaoyi Yan, directrice, Analyse des budgets.
[Français]
Lorsqu’on demande à M. Giroux de venir témoigner devant notre comité, il accepte toujours; monsieur Giroux, nous vous offrons nos plus sincères félicitations, à vous et à votre équipe, et nous vous remercions d’être présents chaque fois que nous vous le demandons. C’est sans aucun doute toujours aussi enrichissant de vous recevoir, monsieur Giroux, car vos témoignages nous aident à mettre l’accent sur nos quatre grands principes : la transparence, la responsabilité, la fiabilité et la prévisibilité.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre les observations préliminaires de M. Giroux qui seront suivies des questions des sénateurs. Monsieur Giroux, à vous la parole.
Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui. Nous sommes heureux d’être ici pour parler du projet de loi C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023, et de notre analyse du budget de cette année, que nous avons publiée le 13 avril dernier dans le rapport intitulé Budget de 2023 : enjeux pour les parlementaires.
Je suis accompagné aujourd’hui de Mme Xiaoyi Yan, directrice de l’analyse budgétaire.
Conformément au mandat du directeur parlementaire du budget défini par la loi de fournir des analyses indépendantes et non partisanes afin d’aider les parlementaires à remplir leur rôle constitutionnel, qui consiste à demander des comptes au gouvernement, notre rapport sur le budget de 2023 fait ressortir les faits saillants de celui-ci afin d’aider les parlementaires dans leurs délibérations budgétaires.
En matière de financement et de nouvelles mesures budgétaires, en raison des révisions apportées aux perspectives économiques du secteur privé et de l’évolution de la situation financière dans le budget de 2023, les perspectives du gouvernement concernant le solde budgétaire de 2022-2023 à 2027-2028 sont inférieures de 26,1 milliards de dollars par rapport à l’Énoncé économique de l’automne de 2022. Il s’agit de la première fois depuis le budget de 2021 où le gouvernement revoit à la baisse ses perspectives pour le solde budgétaire avant d’inclure les nouvelles mesures.
Après avoir effectué cette révision à la baisse, le gouvernement a annoncé de nouvelles dépenses de l’ordre de 69,7 milliards de dollars, qui sont en partie financées par des mesures d’augmentation des recettes de 14 milliards de dollars et des mesures de réduction des dépenses de 12,8 milliards de dollars. Cela signifie donc que, sur une base nette, les nouvelles mesures réduisent le solde budgétaire de 42,9 milliards de dollars de 2022-2023 à 2027-2028.
[Français]
Le budget de 2023 réaffirme l’engagement du gouvernement à l’égard de sa cible budgétaire, soit la réduction de la dette fédérale en tant que proportion de l’économie à moyen terme. À la lumière des perspectives dans le budget de 2023, le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB devrait augmenter temporairement et demeurer au-dessus de son niveau de 2022-2023 pendant deux ans, avant de baisser graduellement à moyen terme.
En ce qui concerne les examens des dépenses par le gouvernement, bien que le budget de 2023 annonce le lancement d’examens de l’efficacité des programmes au sein du gouvernement et propose de réduire les dépenses liées à des postes tels que les services de consultation, les services professionnels et les déplacements, il ne présente aucune évaluation de l’efficacité des programmes que le gouvernement avait annoncée dans le budget de l’an dernier, et qu’il devait réaliser dans le cadre de son examen exhaustif des politiques stratégiques.
En outre, le budget de 2023 prévoit de nouvelles mesures « non annoncées » de 798 millions de dollars, sur une base nette, de 2022-2023 à 2027-2028. En valeur absolue, par contre, il s’agit de décisions relatives aux recettes ou aux dépenses de plus de 12 milliards de dollars sur lesquelles aucun détail précis n’est donné.
À cause de ce manque de transparence, il est difficile pour les parlementaires et le public d’examiner scrupuleusement les plans de dépenses du gouvernement et de rapprocher les montants provisionnés précédemment et leur annonce.
Enfin, l’harmonisation de l’information financière et le moment où elle est présentée continuent d’être une source de défis. Le budget de 2023 a été déposé un mois après le plan de dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses de 2023-2024, ce qui signifie que ce dernier ne contient pas les dépenses supplémentaires de 9,8 milliards de dollars pour les mesures budgétaires.
Xiaoyi et moi serons heureux de répondre à toutes vos questions sur notre analyse du budget ou sur les autres travaux réalisés par mon bureau.
Merci.
Le président : Merci, monsieur Giroux.
[Traduction]
Honorables sénateurs, vous aurez droit à cinq minutes chacun pour le premier tour de questions. Je souligne également que le sénateur Carignan remplace la sénatrice Marshall ce matin.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur l’efficacité gouvernementale, notamment sur le télétravail.
Nous savons que, ces dernières heures, une entente est intervenue en ce qui concerne la politique de télétravail. Le président du syndicat a déclaré que l’entente renforce la protection en matière de travail à distance, crée des milieux plus sûrs et ainsi de suite. La présidente du Conseil du Trésor dit que ces accords sont équitables, compétitifs, raisonnables et apportent de la stabilité aux fonctionnaires et aux Canadiens.
Pourtant, il y a quelques mois seulement, j’ai demandé au gouvernement combien il y avait de fonctionnaires en télétravail par ministère, par province et par municipalité au 1er avril 2020, au 1er avril 2021 et au 1er avril 2022. Je suis tombé de ma chaise quand j’ai lu la réponse : le gouvernement ne consigne pas la proportion ni le nombre de fonctionnaires fédéraux en télétravail! J’ai du mal à voir comment le gouvernement, dans un effort d’efficience, peut conclure une entente de télétravail sans savoir combien de fonctionnaires sont en télétravail et à quels endroits ils sont. Vous êtes-vous déjà penché là-dessus, et que pensez-vous de cette partie en matière d’efficience?
M. Giroux : C’est une question qui est ressortie à quelques reprises au cours des dernières années. Au début de la pandémie, on a posé la question sur le nombre de fonctionnaires qui avaient recours aux congés spéciaux de type « 699 », donc le congé accordé pour des raisons discrétionnaires.
À l’époque, on avait été étonné de voir que le gouvernement ne recueillait pas ces renseignements et qu’il a décidé de le faire, probablement à la suite de nos questions à cet égard. Pour ce qui est du télétravail, nous n’avons pas envoyé de requête de renseignements officielle au gouvernement ou au ministère, mais nous avons posé des questions de façon informelle au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et à plusieurs ministères. On nous a donné la même réponse que vous avez entendue, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de données exhaustives dans l’ensemble de la fonction publique sur la proportion des fonctionnaires qui font du télétravail. On a entendu des déclarations publiques de quelques ministres qui ont indiqué qu’il n’y avait pas d’études qui indiquaient, prouvaient ou infirmaient le fait que les fonctionnaires seraient plus ou moins productifs en télétravail plutôt qu’en présentiel. Il semble y avoir un grand manque d’information à cet effet.
Le sénateur Carignan : Ma prochaine question porte sur l’allègement fiscal, le remboursement pour l’épicerie prévu dans le projet de loi C-47. Il y avait un remboursement identique prévu dans le projet de loi C-30 qui parlait d’allègement fiscal ciblé. On donne le même montant, de la même façon, mais on l’appelle un « remboursement pour l’épicerie ». Je comprends qu’il y a du marketing, mais est-ce qu’on n’est pas en train de se concentrer plus sur le marketing que sur la décision en tant que telle ou sur l’effet de la décision? On s’entend que cette somme peut être utilisée pour tout, y compris l’épicerie, mais aussi pour beaucoup d’autres choses, comme un voyage dans le Sud?
M. Giroux : Il est clair que les chèques sont envoyés aux gens en fonction de leur revenu et de leur situation familiale. Ce n’est pas lié à des dépenses précises. C’est un supplément au crédit pour la TPS que reçoivent les Canadiens et les Canadiennes à faible ou moyen revenu. Il n’y a pas de lien direct avec les dépenses pour l’épicerie. Il se peut que certains jeunes adultes qui habitent avec leurs parents le reçoivent, alors qu’ils ne paient pas les dépenses d’épicerie. Cela pourrait être le cas dans mon ménage à la maison. Il n’y a pas de lien direct avec l’épicerie et comme vous le mentionnez, c’est une question de présentation et de communication. C’est une aide pour les gens à faible et moyen revenu.
Le sénateur Carignan : N’y a-t-il pas un risque, étant donné que l’argent peut servir à n’importe quoi, que cela vienne plutôt nourrir l’inflation?
M. Giroux : Il est clair que lorsqu’on injecte 2,4 milliards de dollars dans l’économie, il y a un effet inflationniste. Cela dit, dans une économie de plus de 2 000 milliards de dollars, une injection ponctuelle de 2,4 milliards de dollars ne fera pas une différence notable sur l’inflation, mais il est clair que cela augmente les pressions inflationnistes, même si c’est de façon très marginale.
Le sénateur Carignan : D’autant plus que certains produits peuvent être ciblés avec ces fonds, donc on peut augmenter le coût de produits de consommation plus ciblés.
M. Giroux : C’est possible, selon l’endroit où l’argent est dépensé.
Le sénateur Forest : Merci d’être ici, monsieur Giroux et madame Yan. C’est toujours intéressant d’échanger avec vous. Ma première question concerne les droits d’accise sur l’alcool. Quand cela avait été présenté en 2017, nous étions plusieurs à indiquer que c’était, selon nous, une première d’avoir une augmentation automatique au coût de la vie. La mesure visait des microbrasseries et des microdistilleries qui font partie de l’offre touristique du Canada. À l’heure actuelle, le Canada a déjà les taxes sur l’alcool les plus élevées parmi les pays du G7. A-t-on évalué les coûts et les bénéfices de cette mesure? On la modifie dans le projet de loi C-47, car si on l’avait appliquée telle quelle, il y aurait une augmentation de l’indice du coût de la vie à la hauteur de 6 %. Cependant, nous limitons cette augmentation à 2 %, donc on modifie les règles.
Est-ce que cela a évolué? À l’heure actuelle, particulièrement dans l’ensemble du Canada, il y a beaucoup de microbrasseries et de microdistilleries qui sont fragilisées et qui ont des difficultés importantes. Il est clair que comme consommateurs, dans la situation où l’on est... Par exemple, si on veut s’acheter une bouteille de gin Beefeater, elle coûte 28 $, et si on veut s’acheter une bouteille de Gin St. Laurent, il faudra débourser 48 $. Il faut donc avoir la conviction que l’on aide notre économie locale et dans le contexte économique actuel, ce sont des décisions qui ne sont pas faciles pour tous les Canadiens et les Canadiennes. Est-ce qu’une indexation automatique suppose que l’on ne tient pas compte des conditions du marché? Les restaurateurs, les microbrasseurs et les distilleries ont des défis importants. Est-ce que la perte de profits ou les coûts sont plus importants que les avantages, selon l’évaluation qu’on aurait pu faire?
M. Giroux : C’est une question à laquelle je n’ai pas de réponse définitive. On ne s’est pas penché sur l’impact de l’indexation de la taxe d’accise sur l’alcool. Le fait de mettre une indexation dans la Loi sur la taxe d’accise simplifie les choses pour le gouvernement. La taxe augmente de pair avec l’inflation. Cela permet de laisser aller les choses et de faire en sorte que les revenus augmentent avec la taille de l’économie, mais comme vous l’avez dit, il peut y avoir des effets inattendus lorsque l’inflation dépasse la cible de 2 % prévue ou attendue, qui était la norme depuis des décennies au Canada; cela a eu des effets imprévus.
Cela dit, l’inflation — ou l’augmentation de la taxe d’accise sur l’alcool de 6 % plutôt que 2 % — aurait fait une différence de quelques sous par bouteille, par verre de bière ou par verre de vin. Ce n’est donc pas une différence notable lorsque la consommation coûte plusieurs dollars. Toute augmentation de prix peut avoir un impact négatif sur la consommation, mais malheureusement, notre bureau n’a pas fait d’étude à ce sujet.
Le sénateur Forest : Y a-t-il d’autres produits de consommation qui sont visés par une augmentation automatique à l’indice des prix à la consommation (IPC)?
M. Giroux : De mémoire, je sais que le Québec a eu des surprises avec l’indexation des tarifs d’hydro-électricité, ce qui a fait en sorte que le gouvernement du Québec a changé d’idée sur l’indexation des tarifs résidentiels. À part cela, il y a probablement d’autres types de produits qui sont indexés, mais de mémoire, il n’y en a pas qui me viennent à l’esprit.
Le sénateur Forest : En ce qui a trait aux soins dentaires, selon les explications de La Presse, la section 29 de la partie 4 du projet de loi C-47 concerne le renforcement des mesures qui permettront de déterminer l’admissibilité au nouveau programme de soins dentaires. Par le passé, vous avez critiqué le laxisme du programme, qui a été mis sur pied à la hâte. Est-ce que le resserrement des mesures de contrôle contenues dans le projet de loi C-47 vous rassure? Si je comprends bien, ce projet de loi vise surtout à mieux contrôler les gens qui seront admissibles, mais dans les faits, on n’améliore pas vraiment les mesures de contrôle pour savoir si la dépense a été affectée et si le remboursement n’est pas plus élevé que la dépense engagée.
M. Giroux : En ce qui concerne le programme de soins dentaires et le projet de loi C-47, rien ne me rassure en ce qui concerne le contrôle. On y voit principalement des dispositions qui permettent à des ministères de s’échanger des renseignements. Le ministère de la Santé et l’Agence du revenu du Canada pourront s’échanger des renseignements, notamment sur le fait que certaines personnes jouissent déjà d’une assurance dentaire. Il y a des pénalités qui sont prévues en cas de refus de partager ces renseignements, mais il n’y a aucun détail sur l’administration du programme.
Enfin, mon bureau a demandé des détails sur l’administration du programme pour aller au-delà de ce qui est mentionné dans le budget et ce qui se trouve dans le projet de loi C-47. On nous a répondu qu’il n’y a aucun détail disponible, parce que le programme est couvert par les délibérations du Cabinet.
Ce sont des secrets du Cabinet. En ce moment, on n’a aucun renseignement sur les détails ou sur l’administration du programme tel qu’il a été décrit dans le budget et dans le projet de loi C-47. Je n’ai aucun renseignement de plus.
Le président : Merci.
Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. C’est toujours un plaisir de vous retrouver, monsieur Giroux. Je suis curieux de connaître votre opinion.
On a une économie qui tourne à plein régime. L’inflation est le problème no 1 des Canadiens. On a un budget qui prévoit 43 milliards de dollars de nouvelles mesures nettes, en plus d’un crédit d’impôt pour un rabais d’épicerie.
Le budget est-il approprié? Aurait-il été préférable de rester dans l’austérité pour éviter d’alimenter davantage l’inflation? Qualifieriez-vous ce budget d’expansionniste ou non?
M. Giroux : C’est difficile de répondre à votre question sans m’attirer des problèmes. Cela dépend des objectifs du gouvernement en matière de politiques. Il y a la maîtrise de l’inflation et des finances publiques, mais il y a aussi des aspects sociaux importants, comme l’allègement du fardeau de l’inflation pour certains secteurs. Je vais faire abstraction de ces débats de politiques.
Je vais répondre à votre question plus directement. On a un gouvernement qui va dépenser au-delà de 400 milliards de dollars, et ce montant avoisinera les 500 milliards de dollars au cours des prochaines années. Or, avant le début de la pandémie, ces dépenses tournaient autour de 300 milliards de dollars.
Évidemment, l’économie a pris de l’expansion. La population canadienne s’est aussi accrue, mais si on compare la situation avant la pandémie par rapport à la situation actuelle, il est clair que le gouvernement est plus interventionniste dans l’économie. Il dépense plus et il taxe un peu plus. C’est un budget « expansionniste », si l’on veut utiliser cette définition. Le fait que le gouvernement dépense plus qu’avant la pandémie impose assurément des pressions additionnelles sur l’inflation, ce qui rend le travail de la Banque du Canada un peu plus difficile. La banque l’a elle-même mentionné dans son Rapport sur la politique monétaire, qui a été déposé il y a quelques semaines.
Le sénateur Gignac : Ma deuxième question porte sur le concept de l’ancrage budgétaire. La ministre des Finances l’a mentionné l’automne dernier. On parle toujours de la volonté du gouvernement de réduire la dette par rapport au produit intérieur brut. Toutefois, je remarque que la dette va augmenter cette année; pourtant, nous ne sommes pas en récession, à ce que je sache.
Le président le sait très bien : les finances publiques du Canada sont parmi les plus enviables des pays du G7, notamment en ce qui a trait au ratio de l’endettement, qui est le plus faible.
Quel niveau de confiance accordez-vous à l’égard de la réduction de la dette par rapport au produit intérieur brut? Il y a de nouvelles dépenses. L’économie pourrait ralentir au cours des deux ou trois prochaines années.
Le ratio de l’endettement, qui était de l’ordre de 30 % avant la pandémie, a atteint 43 à 45 %. Cette année, ce ratio reste au-delà de 40 % et continue d’augmenter. À l’horizon des prévisions pour les trois à cinq prochaines années, croyez-vous que le ratio de l’endettement va tomber sous les 40 %? Quel est votre niveau de confort à cet égard?
M. Giroux : Votre question est pleine de nuances. La réponse doit donc être pleine de nuances.
Si on regarde l’historique des dernières années, le gouvernement était très enclin à mentionner le ratio du service de la dette, soit la proportion des impôts, des taxes et des revenus du gouvernement qui sont alloués au paiement des intérêts. Au fur et à mesure que la dette a augmenté et que les taux d’intérêt ont augmenté, le gouvernement s’est distancé de cet ancrage budgétaire pour mettre davantage l’accent sur un ratio dette-PIB qui va en déclinant. Par contre, ce que l’on voit au fil des ans et au fur et à mesure que le gouvernement annonce de nouvelles mesures pour les dépenses, c’est que le ratio dette-PIB descend, mais moins vite, ou alors il augmente, comme vous l’avez mentionné. Il augmente pendant une année, puis il redescend légèrement et il faudra deux ans avant qu’il revienne au niveau précédent. Cela prendra deux ans avant qu’il revienne au niveau ex ante.
Cela dit, au fur et à mesure que le gouvernement présente de nouvelles mesures ou met en œuvre son plan de politiques, son programme, le ratio dette-PIB ne baisse pas autant que ce qu’on pensait au cours des années précédentes. Le gouvernement s’en tient toujours à son ancrage budgétaire, le ratio dette-PIB qui descend, mais il n’a pas d’intérêt ou d’appétit pour une baisse abrupte de ce ratio. Le gouvernement semble à l’aise avec un ratio dette-PIB qui descend, mais la pente descendante n’a pas à être très abrupte pour le gouvernement.
[Traduction]
Le sénateur Smith : Bonjour, monsieur Giroux.
Ma question va un peu dans le sens de celle posée au départ par le sénateur Gignac concernant la nécessité que les politiques budgétaires et monétaires soient harmonisées, surtout lorsqu’on vit une crise inflationniste comme celle que nous connaissons actuellement.
Il y a deux semaines, le gouverneur de la Banque du Canada a dû répondre à des questions à ce sujet devant notre comité des banques, du commerce et de l’économie. Même s’il a bien précisé que ce n’était pas à lui de dicter une politique budgétaire ni même de donner des conseils en la matière, il a pris la peine de noter qu’un gouvernement qui dépense trop intensifie les pressions inflationnistes et rend nécessaires des politiques monétaires plus vigoureuses.
À la lumière de votre analyse des dépenses du gouvernement fédéral annoncées dans le budget de 2023 et dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, estimez-vous que les politiques budgétaires du gouvernement sont harmonisées avec les politiques monétaires de la Banque du Canada?
M. Giroux : Selon moi, les politiques budgétaires du gouvernement compliquent la tâche de la Banque du Canada qui arriverait un peu plus facilement à juguler l’inflation si, par exemple, le gouvernement limitait davantage ses dépenses ou adoptait une politique budgétaire dont les effets seraient moindres sur les finances publiques. Comme je le disais dans mes observations préliminaires, cette hausse des dépenses — et je reconnais que le gouvernement a des objectifs d’intérêt public tout à fait justifiés et que ces décisions relèvent entièrement de sa compétence — a pour conséquence de compliquer légèrement la tâche de la Banque du Canada dans sa lutte contre l’inflation.
Le sénateur Smith : Dans le contexte d’une crise inflationniste comme celle que nous vivons, le gouverneur a fait valoir le conseil donné par le Fonds monétaire international, ou FMI, qui invite les gouvernements à s’assurer que les dépenses additionnelles sont temporaires et ciblées de manière à aider les gens les plus vulnérables, soient ceux qui sont disproportionnellement affectés par l’inflation. Estimez-vous que le gouvernement fédéral a respecté cette consigne dans son budget de 2023? Sinon, quels sont les aspects problématiques sur lesquels il conviendrait de s’attarder?
M. Giroux : Le gouvernement a mis en place plusieurs mesures de nature temporaire, comme le remboursement pour l’épicerie prévu en supplément du crédit pour la TPS, que nous avons déjà mentionné, mais il a aussi instauré des programmes permanents comme le régime de soins dentaires. Les dépenses gouvernementales sont donc constituées d’une combinaison de mesures temporaires et permanentes. Comme je l’indiquais tout à l’heure, le gouvernement effectue ces dépenses pour des motifs d’intérêt public, mais elles ont tout de même pour conséquence de pousser l’inflation à la hausse.
Le sénateur Smith : Merci, monsieur Giroux.
[Français]
Le sénateur Dagenais : C’est toujours un plaisir de vous rencontrer, monsieur Giroux.
J’aimerais revenir à l’entente avec les 120 000 employés de la fonction publique. Actuellement, on sait qu’il y aurait une entente pour accorder un contrat de quatre ans à 12 %, je crois. On parle d’un montant forfaitaire de 2 000 $. Ce qui m’agace un peu, c’est la lettre d’entente sur le télétravail. J’espère que le gouvernement sait qu’une lettre d’entente fait toujours partie de la convention collective. Habituellement, on les retrouve dans les annexes A, B ou C. Je suis bien placé pour le savoir, puisque j’ai déjà négocié quelques contrats.
Comment peut-on évaluer le coût de cette lettre d’entente pour le télétravail? Va-t-on arriver encore avec une dépense surprise, de sorte qu’il faudra étudier le budget dans un plan A, B ou C? Évidemment, cela entraînera des coûts.
J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
M. Giroux : C’est une question intéressante, parce que je fais moi-même face à des demandes de télétravail comme employeur. Nous devons tous nous adapter en tant qu’employeurs. Y aura-t-il des coûts? Il y en aura probablement si les gens continuent de faire du télétravail. L’équipement doit être dédoublé. Il faut de l’équipement pour la maison et de l’équipement pour les lieux physiques de travail habituels, surtout si les gens travaillent de façon hybride. Ils travaillent quelques jours par semaine à la maison tout en se présentant au bureau les autres jours.
Il pourrait aussi y avoir des économies, par exemple, si le gouvernement continue ce qu’il a commencé à faire, soit de réduire son empreinte — et donc ses besoins en immobilier — pour réduire l’espace à bureau qu’il occupe. Je crois que la mesure la plus importante, ce sont les différences de productivité. Les employés sont-ils plus productifs ou moins productifs à la maison? Ils ne bénéficient pas des interactions avec leurs collègues, toutes les interactions que l’on a dans un lieu de travail. Ce serait une chose très intéressante à étudier. À ma connaissance, cela n’a pas été fait par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, ni par le gouvernement, ni par mon bureau. On n’a pas tous les détails qui seraient exigés pour mener une telle étude, notamment sur la productivité.
Le sénateur Dagenais : Je vais vous amener sur un autre sujet. Le gouvernement a annoncé notamment une aide de 13 milliards de dollars pour l’implantation d’une usine de batteries en Ontario. Pouvez-vous nous indiquer où se situe un tel investissement dans les dépenses du gouvernement? On nous dit que c’est positif pour l’économie du pays. Quels impacts pouvez-vous anticiper pour ce qui est de cette aide à une seule entreprise privée?
M. Giroux : C’est une question intéressante. D’ailleurs, j’ai reçu une demande du chef de l’opposition à la Chambre des communes pour justement étudier l’impact de cette aide, son impact sur les finances publiques, sur l’économie et sur la création d’emplois. On va procéder à cette étude une fois qu’on aura obtenu les renseignements du gouvernement. Cependant, l’impact que je peux voir, ce sont des demandes semblables de la part d’autres entreprises qui voudront implanter des usines ou des lieux de production ou qui menaceront potentiellement de quitter le Canada s’ils ne reçoivent pas une aide comme celle-là. Avec 13 milliards de dollars pour une usine qui prévoit d’employer 3 000 personnes, c’est une aide qui revient très chère par employé. Je comprends qu’il peut y avoir des implications stratégiques pour accorder un tel soutien, mais c’est quelque chose que l’on va considérer lorsqu’on aura les renseignements et qu’on publiera notre rapport.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Giroux.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je joins ma voix à celles de mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue et pour vous remercier de toutes ces précisions que vous nous donnez, de concert avec votre équipe.
Vous nous avez déjà dit à maintes reprises qu’il vous est parfois difficile d’obtenir de l’information du gouvernement. Vous avez aussi mentionné que l’on pouvait invoquer le « secret du Cabinet », ce qui vous a notamment empêché d’avoir des données suffisantes pour pouvoir évaluer le régime de soins dentaires. Il semble malgré tout que l’on envisage l’imposition de pénalités. Comment est-il possible d’établir un tel mécanisme sans connaître la teneur du régime. J’aimerais bien savoir ce que vous en pensez.
Je me réjouis vraiment de voir que l’on s’attaque aux prêts sur salaire, mais j’ai l’impression que cette mesure ne sera guère utile pour bien des gens à faible revenu qui n’ont pas d’autre façon d’obtenir du crédit étant donné toutes ces entreprises sans scrupule qui semblent faire la transition vers les prêts à tempérament assorti d’un taux d’intérêt élevé en abandonnant le marché des prêts sur salaire. J’aimerais bien entendre vos idées sur les solutions que nous pourrions apporter ou sur les recommandations que nous pourrions adresser au gouvernement pour qu’il fasse le nécessaire.
J’aurai une autre question pour vous s’il me reste du temps. Merci.
M. Giroux : Je vais d’abord répondre à votre question sur le régime de soins dentaires. Il me semble un peu inhabituel de trouver des dispositions sur l’échange de renseignements, et notamment des pénalités pour défaut de transmettre l’information à l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, ou à Santé Canada, alors même que l’on n’a pas de détails sur le régime de soins dentaires lui-même, hormis ce qui a été déjà diffusé à ce sujet, y compris le fait que c’est un programme reposant sur la présentation de demandes. Je trouve un brin préoccupant que le gouvernement inclue ces dispositions dans un projet de loi omnibus d’exécution du budget sans avoir communiqué, à vous comme à l’ensemble des Canadiens, de plus amples détails sur la teneur du régime de soins dentaires, y compris le fournisseur de services qui sera retenu. Le budget mentionne qu’il pourrait s’agir d’un fournisseur externe apportant son soutien à Santé Canada. Il règne une grande incertitude quant à l’administration du régime, aux détails de son fonctionnement et à ses critères d’admissibilité. Même lorsque nous demandons de l’information, on invoque le secret du Cabinet. Il est un peu étrange qu’il y ait des dispositions pour l’échange de renseignements aux fins de l’administration d’un régime, alors que celui-ci est encore considéré comme un secret du Cabinet. C’est une situation inhabituelle qui, selon moi, aurait dû être tirée au clair avant le dépôt de la Loi d’exécution du budget.
Pour ce qui est des prêts sur salaire, ma réponse sera beaucoup plus brève. Comme je n’ai pas fait un examen approfondi de cette question, je ne peux malheureusement pas vous donner plus de précisions à ce sujet. Je me demandais si Mme Yan ne pourrait pas vous en dire davantage, mais tout indique que ce n’est pas le cas. Nous sommes désolés. Nous pourrons vous fournir une réponse ultérieurement.
La sénatrice Pate : Merci.
J’ai noté que le remboursement pour l’épicerie prévu en supplément du crédit pour la TPS dans le projet de loi C-47 figurait déjà dans le projet de loi C-46. Je me demandais si vous y voyez un risque de paiement en double. Quelles mesures suggéreriez-vous pour nous assurer que ce n’est pas le cas malgré la présence de cette disposition dans les deux projets de loi?
M. Giroux : C’est une excellente remarque.
Sauf erreur, le projet de loi C-46 a été déposé pour accélérer l’adoption du crédit supplémentaire pour la TPS. Il prévoyait également un supplément de 2 milliards de dollars à verser aux provinces au titre du Transfert canadien en matière de santé, ou TCS. Comme ces dispositions figurent également dans le projet de loi C-47, il y a effectivement un risque de paiement en double dans les deux cas, mais ce risque est moindre avec le crédit supplémentaire pour la TPS. Pour ce qui est du supplément de 2 milliards de dollars au titre du TCS, le projet de loi autorise la ministre des Finances à verser ces sommes aux provinces. Je pense qu’il y a un risque que la ministre se retrouve dans une position où il lui serait possible de verser 4 milliards de dollars à toutes les provinces ou seulement à certaines d’entre elles, car elle serait habilitée à faire comme bon lui semble à ce chapitre.
On pourrait régler facilement la situation en retirant ces dispositions du projet de loi C-47, étant donné qu’elles figurent déjà dans le projet de loi C-46. La solution la plus simple serait donc d’adopter un amendement visant à supprimer ces dispositions dans le projet de loi C-47. Je crois que les représentants du ministère des Finances ont dû répondre à des questions à ce sujet cette semaine ou la semaine dernière devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, et ne semblaient pas voir d’issue possible ou de solution à cette situation. Je crois pourtant qu’il est bien évident qu’un amendement au projet de loi C-47 permettrait de régler le tout.
[Français]
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup, monsieur Giroux et madame Yan, de votre présence.
J’ai deux questions : une question générale et une plus spécifique.
[Traduction]
Lors d’un voyage récent à Washington, j’ai eu l’occasion de discuter avec les représentants du Groupe de la Banque mondiale, du FMI, des banques de développement multilatérales, de la Banque asiatique de développement et de la Banque interaméricaine de développement. Nous avons parlé de l’utilisation du PIB. Nous avons tous convenu que ce fut longtemps un indicateur très précieux qui nous a guidés dans l’élaboration de nos politiques budgétaires, mais que nous sommes désormais de plus en plus conscients de ses nombreuses lacunes et limites. Le PIB ne tient pas compte des transactions effectuées hors marché. Il ne permet pas non plus de témoigner adéquatement de l’ampleur des inégalités de revenu, des pressions inflationnistes, et des coûts pour la santé humaine et l’environnement ainsi que des facteurs externes négatifs. Malgré toutes ses défaillances, nous continuons à nous en servir. Croyez-vous que votre bureau va en venir à utiliser un autre instrument de mesure en complément au PIB?
M. Giroux : C’est une bonne question.
Dans notre travail d’économistes et de comptables, nous aimons utiliser des éléments qui sont facilement quantifiables. Malgré les qualités et les défauts que nous lui connaissons, nous continuons à avoir recours au PIB parce que c’est un indicateur quantifiable. Il peut être mesuré et permet facilement des comparaisons avec les autres pays. Vous avez toutefois raison de dire qu’il ne nous fournit pas un portrait très complet et précis du bien-être général d’une population. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines organisations internationales ont mis au point des indices de bien-être qui tiennent compte des taux de criminalité, des inégalités et de la richesse d’un pays.
Pour répondre brièvement à votre question, je vous dirais que ce n’est pas quelque chose que nous planifions de faire à court terme, car l’évaluation du bien-être général comporte elle aussi ses lacunes. Étant donné la nature de notre mandat, nous mettons généralement l’accent sur des éléments qui sont mesurables et auxquels on peut associer un montant d’argent. Il nous est toutefois arrivé dans certains cas de prendre en considération d’autres indicateurs de rendement, notamment lorsque nous devons évaluer la performance de certains ministères. Nous sommes tout à fait ouverts à cette idée, mais ce n’est pas quelque chose que nous prévoyons faire à court terme.
La sénatrice Galvez : Merci.
Ma prochaine question porte sur les dispositions législatives visant la création d’une nouvelle société d’État, la Corporation d’innovation du Canada. On trouve dans la plateforme électorale du Parti libéral un engagement à « terminer et appliquer un objectif climatique pour s’assurer que les considérations en matière d’adaptation et d’atténuation climatiques sont intégrées à la prise de décisions du gouvernement fédéral. » Entrevoyez-vous des conséquences du fait que cette nouvelle société d’État ne permettra pas de donner suite aux engagements pris dans la plateforme libérale? Anticipez-vous un écart entre ce que prévoient certaines lois — par exemple, la carboneutralité d’ici 2050 et la réduction des émissions — et ce que cette nouvelle société d’État sera en mesure d’accomplir?
M. Giroux : Nous n’avons pas mené d’étude détaillée à ce sujet. Il est bien certain que les sociétés d’État présentent des avantages, mais aussi des inconvénients. Comme il ne s’agit pas de ministères, elles ne relèvent pas toujours directement d’un ministre. Je ne suis pas un spécialiste du fonctionnement de l’appareil gouvernemental, et je ne me suis pas intéressé à cette société en particulier.
L’un de vos collègues, le sénateur Shugart, serait sans doute bien mieux placé que moi pour vous parler des répercussions sur l’appareil gouvernemental et de ces différents enjeux, mais je suis conscient qu’il n’est pas ici aujourd’hui à titre de témoin.
Le sénateur Shugart : Je vous remercie.
Le président : Le sénateur Shugart aura des questions pour nos témoins, mais il est bien certain que le directeur parlementaire du budget pourrait nous transmettre ultérieurement une réponse à celle qui vient d’être posée.
Le sénateur Boehm : Monsieur Giroux, madame Yan, je vous souhaite la bienvenue à notre séance d’aujourd’hui.
Dans votre récent rapport intitulé Budget de 2023 : enjeux pour les parlementaires, vous affirmez ce qui suit :
Dans le budget de 2023, le gouvernement a cerné de nouvelles mesures « non annoncées » de 798 millions de dollars, sur une base nette, de 2022-2023 à 2027-2028. En valeur absolue, il s’agit de décisions relatives aux recettes ou aux dépenses de plus de 12 milliards de dollars sur lesquelles aucun détail précis n’est donné.
Monsieur Giroux, vous vous souviendrez peut-être que je vous ai posé des questions concernant la transparence et les dépenses non justifiées lors de votre comparution du 22 novembre relativement à l’Énoncé économique de l’automne. Je vous ai expressément interrogé sur l’absence de détails concernant les dépenses associées aux nouvelles mesures se chiffrant à 14,2 milliards de dollars. Vous nous aviez alors dit que c’était la première fois depuis 2016 que des dépenses aussi imposantes étaient proposées sans que l’on fournisse de détails précis à ce sujet. Vous avez ajouté que ce n’était rien de nouveau et que l’on pouvait observer la même chose depuis des années sous la direction de différents gouvernements.
Vous avez aussi indiqué que ce manque de transparence fait en sorte qu’il devient beaucoup plus difficile pour les parlementaires et pour les Canadiens de passer au peigne fin les dépenses gouvernementales. À titre de parlementaires, et de sénateurs tout particulièrement, il n’est pas rare que l’on nous presse d’effectuer à la hâte un examen des dépenses gouvernementales, notamment dans le cadre des budgets des dépenses. La rapidité avec laquelle les résultats sont communiqués est donc aussi une source de préoccupation.
Monsieur Giroux, je sais que vos pouvoirs sont limités, mais pouvez-vous nous dire quelles solutions vous pourriez nous recommander pour venir à bout de ces problèmes? Pensez-vous que le gouvernement désire vraiment accroître la transparence de son processus budgétaire et la célérité avec laquelle les résultats sont dévoilés?
M. Giroux : Je vais d’abord répondre à votre seconde question concernant cette éventuelle volonté de mieux respecter les délais et de produire des rapports plus transparents. Je pense que cette volonté n’existe probablement pas, sans quoi nous aurions déjà pu observer des améliorations marquées au cours des dernières années. Comme plusieurs d’entre vous, à titre de parlementaires, et moi-même avons soulevé la question, nous aurions dû déjà constater des progrès considérables. La volonté en ce sens n’existe probablement pas dans la même mesure où nous le souhaiterions tous.
Je reviens à votre première question concernant ces chiffres qui sont fournis. Le montant net de près de 800 millions de dollars — pour un total brut de 12 milliards de dollars — est très inhabituel du fait qu’il regroupe une grande quantité d’entrées et de sorties d’argent. Cela porte à croire que l’on a amplement recours à une réaffectation des fonds. Il peut y avoir d’une part des compressions ou des montants réservés pour certaines initiatives que l’on ne juge plus nécessaires, ce que l’on comptabilise comme des passifs. D’autre part, des dépenses sont prévues dans certains domaines. Comme nous ne sommes pas dans le secret des dieux, nous n’avons aucune idée de la teneur de ces compressions et de ces dépenses additionnelles, ce qui fait que l’absence de détails est fort préoccupante.
Le sénateur Boehm : Merci.
Je voulais aussi vous poser une question concernant la réduction de 15 % des dépenses pour les services de consultation, les services professionnels et les déplacements. Je suis certes convaincu que des déplacements sont nécessaires, dans la limite du raisonnable, au bon fonctionnement du gouvernement, et qu’une plateforme comme Zoom ne peut pas toujours remplacer les interactions en personne. À votre avis, est-ce que cette diminution d’environ 15 % pour ces postes budgétaires est davantage un exercice de démagogie ou de relations publiques, surtout dans le contexte de la controverse liée au recours à des experts-conseils, ou si cela permet des économies véritables? Vous indiquez dans votre rapport que le gouvernement n’a pas démontré dans son budget de 2023 de quelle façon il adapte ses dépenses et ses opérations à une nouvelle réalité postpandémie. J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’impact que pourra avoir cette réduction de 15 %, si impact il y a, et des mesures que le gouvernement devrait prendre afin de s’adapter pleinement à cette réalité postpandémie.
M. Giroux : Il s’agit d’une autre question fort intéressante.
Une grande portion des quelque 20 milliards de dollars que le gouvernement dépense en services d’experts-conseils est effectivement très nécessaire. Par exemple, je ne crois pas que les fonctionnaires pourraient facilement remplacer les experts-conseils pour les services de santé prodigués dans les communautés inuites et de Premières Nations; ces dépenses sont donc très rentables. De même, pour la technologie de l’information, je ne pense pas que la fonction publique détienne toute la capacité nécessaire pour fournir l’intégralité des services offerts au sein de l’organisation afin de concevoir de nouveaux systèmes.
Selon moi, la réduction de 15 % dans les dépenses pourra être réalisée en faisant appel à moins d’experts-conseils dans certains domaines, notamment en gestion. Je crois que la fonction publique compte une grande expertise qui pourrait être exploitée plus efficacement, d’autant plus que sa taille a crû au cours des dernières années. Je crois que la réduction de 15 % est réaliste. Sera-t-il facile d’atteindre cette cible? La réponse dépendra des domaines où le gouvernement décidera de diminuer son recours aux experts-conseils.
La sénatrice Duncan : Je remercie M. Giroux et Mme Yan d’être parmi nous aujourd’hui. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence.
Selon mon expérience limitée, les lettres d’appels émises par les ministres des Finances pour les budgets renferment des instructions destinées aux ministères afin qu’ils trouvent des fonds au sein de leurs organisations. Mon collègue, le sénateur Shugart, serait peut-être mieux placé pour répondre à cette question. Si de telles instructions sont émises par le ministre des Finances lorsque les lettres d’appel pour le budget sont envoyées, êtes-vous au fait de leur contenu? Les discours sur le budget n’en font pas mention, mais, si de telles instructions existent, en êtes-vous informés?
M. Giroux : Non.
La sénatrice Duncan : Merci.
J’aimerais revenir sur les voyages, parce que c’est un poste budgétaire où on peut facilement réaliser des économies. Malheureusement, les voyages à l’extérieur d’Ottawa peuvent changer la perspective des fonctionnaires quant à l’efficacité et la prestation de leurs programmes. Ils peuvent alors acquérir une bien meilleure perspective. Par conséquent, la diminution des voyages peut avoir un effet direct sur l’efficacité des programmes.
Je mentionnerai qu’un article du Hill Time paru en février, avant le dépôt du budget, abordait l’examen de la politique stratégique. On y cite David Zussman :
Il est très difficile de mesurer l’efficacité d’une organisation et de démêler quels facteurs distinguent les organisations au bon rendement des organisations peu efficaces.
Avez-vous des suggestions quant à l’allocation de ressources et les activités où le gouvernement pourrait épargner de l’argent pour cet examen stratégique? Avez-vous des suggestions sur la façon de mener cet examen?
M. Giroux : Un certain nombre d’examens stratégiques ou d’examens portant d’autres noms ont été menés au Canada et à l’étranger. Des recherches assez nombreuses suggèrent quelles caractéristiques clés sous-tendent la réussite d’un examen stratégique ou d’un examen des dépenses. L’une d’entre elles est de se fixer des objectifs clairs quant aux résultats escomptés. Par exemple, vous concentrez-vous sur un nombre, des sommes, un nombre de personnes? Il existe un ensemble de critères avec lesquels je ne veux pas vous embêter, mais ils sont bien connus, et je serai heureux de vous fournir de plus amples détails, tout de suite ou à l’écrit.
La sénatrice Duncan : Les avez-vous fournis, ou vous a-t-on demandé de les fournir au gouvernement? Faudrait-il tenir compte de perspectives canadiennes uniques?
M. Giroux : Personne au sein du gouvernement ne m’a demandé de fournir des conseils, des perspectives ou toute autre aide au sujet des examens stratégiques.
Je dirais que deux éléments propres au contexte canadien devraient être pris en considération : le fait que nous formions une fédération composée de dix provinces et de trois territoires, et le fait que nous comptions trois communautés principales : les anglophones, les francophones et les Premières Nations. Je crois que ces caractéristiques font du contexte canadien un contexte unique.
La sénatrice Duncan : Merci.
Le sénateur Loffreda : Merci, monsieur Giroux, d’être parmi nous ce matin.
En tant que parrain de la Loi d’exécution du budget, je veux préciser que le gouvernement a l’intention d’amender le projet de loi C-47 à la Chambre des communes pour retirer les dispositions sur le remboursement pour l’épicerie et les transferts de 2 milliards de dollars aux provinces et aux territoires. Comme vous l’avez relevé, monsieur Giroux, le projet de loi C-46 sera probablement adopté plus rapidement. On nous dit que les dispositions seront retirées pendant l’examen article par article au comité de la Chambre. Je voulais simplement clarifier ce point, qui est important.
Je crois que nous avons abordé tous les éléments macroéconomiques. J’avais de nombreuses questions sur les éléments macroéconomiques et la situation du budget, mais, comme vous le savez, il y a toujours des éléments du budget qui ne se retrouvent pas dans la Loi d’exécution du budget. Les coûts associés à la Loi d’exécution du budget sont assez insignifiants une fois qu’on soustrait ce que je viens de mentionner.
Vous avez mentionné que, avant la pandémie de COVID-19, les dépenses du gouvernement atteignaient près de 300 milliards de dollars. Après la pandémie, ces dépenses s’élèvent maintenant à 500 milliards de dollars. Dans quelle mesure l’augmentation est-elle attribuable à l’inflation plutôt qu’aux programmes et dépenses supplémentaires? Si on considère que la nouvelle norme des dépenses s’élèvera, en raison de l’inflation, à 500 milliards de dollars... Comme je l’ai dit, en tant qu’ancien banquier, je m’intéresse toujours, non pas au niveau de la dette, mais au service de la dette, à la durée pendant laquelle la dette restera au même niveau et à l’incidence sur le service de la dette à long terme. Je serais heureux de connaître vos commentaires sur toutes ces questions.
M. Giroux : Je ne connais pas sur le bout des doigts la proportion des 500 milliards de dollars ou des 300 milliards de dollars qui est attribuable à l’inflation. Je peux toutefois affirmer que, dans l’étude des dépenses du gouvernement, il faut tenir compte de l’inflation, mais aussi de la croissance démographique, qui est un important facteur. Il faut non seulement en tenir compte, mais je dirais que l’inflation et la croissance de la population justifient bien souvent des augmentations des dépenses gouvernementales.
Je ne connais pas les chiffres par cœur, mais je dirais qu’une grande portion de l’augmentation des dépenses gouvernementales est attribuable à l’inflation — qui s’est chiffrée à 6 % en 2022, sauf erreur de ma part, et à 2 % pendant quelques années —, mais aussi à la croissance de la population qui a atteint 1 % l’an dernier seulement. Il s’agit d’un facteur qui influence considérablement l’augmentation des dépenses du gouvernement.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de cette réponse. Il est toujours primordial de regarder les deux côtés.
M. Giroux : Tout à fait.
Le sénateur Loffreda : La croissance de la population générera plus de recettes, et c’est pourquoi le service de la dette est si crucial. C’est une mesure clé. En tant qu’ancien banquier, j’ai toujours accordé plus d’importance au service de la dette qu’à tout autre ratio.
Nous parlons de la lutte contre l’inflation, mais j’aimerais savoir combien de mesures dans la Loi d’exécution du budget pourraient réellement la contrer. J’aimerais entendre vos commentaires sur une mesure en particulier : la disposition dans le projet de loi qui double la déduction pour les outillages des gens de métier. La proposition consiste à faire passer de 500 à 1 000 $, à partir de 2023, la déduction maximale pour les outillages des gens de métier. Je sais que vous êtes quelque peu au courant de la reconnaissance fiscale particulière accordée aux gens de métier. Je me rappelle que vous avez publié un rapport en 2022 sur la Loi d’exécution du budget de l’an dernier et sur la déduction pour la mobilité des personnes de métier et apprentis liés par contrat. Croyez-vous qu’il s’agit d’une bonne mesure? Aura-t-elle un effet considérable sur le budget global du gouvernement?
En appuyant les gens de métier, nous appuyons indirectement ou directement notre chaîne d’approvisionnement. Devrions-nous nous doter de davantage de mesures pour appuyer la chaîne d’approvisionnement? Selon votre expérience, cet appui se traduira-t-il par une inflation moindre ou des prix plus faibles pour les consommateurs? Cette déduction pourrait-elle contribuer à réduire l’inflation, et devrions-nous créer plus de mesures similaires?
M. Giroux : Ce sont là d’excellents points.
Lorsque j’ai parlé des effets des dépenses du gouvernement, je pensais à l’échelle macroéconomique. Plus un gouvernement dépense des fonds, plus — naturellement — il injecte de l’argent dans l’économie, ce qui accroît les pressions inflationnistes. Cela dit, tout ce qui augmente l’offre dans l’économie a l’effet contraire. Si on présente des mesures, dans un budget ou ailleurs, qui font augmenter l’offre de main-d’œuvre ou de produits très recherchés — comme les gens de métier spécialisés, par exemple, qui deviendront plus nombreux si on met en œuvre des mesures comme celle que vous avez mentionnée —, on peut espérer, en principe et en pratique, que l’augmentation de l’offre de ces professions très recherchées réduira les pressions inflationnistes. Par conséquent, des mesures comme celle que vous relevez devraient contribuer — quoique modestement — à réduire les pressions inflationnistes en augmentant l’offre de personnes, ou d’employés, qui sont très recherchés.
[Français]
Le sénateur Shugart : Je remercie nos témoins.
[Traduction]
J’ai deux questions quant à l’orientation globale du budget.
Avez-vous une idée des risques qui pourraient le plus influencer l’atteinte des objectifs du budget? Je pense aux dépenses, tant du côté de l’utilisation des fonds publics que du côté des recettes. Je ne pense pas tant aux objectifs et résultats des programmes. Nous y reviendrons une autre fois. Par exemple, nous connaissons maintenant l’entente avec les syndicats de la fonction publique, mais, jusqu’à hier, les montants ne pouvaient être prédits, alors ils ne sont pas reflétés dans les sommes du budget. Il s’agit de dépenses considérables. Quels sont les risques principaux que vous avez cernés et qui nuiront à l’atteinte des objectifs dans le budget?
M. Giroux : Vous avez mentionné un risque, qui s’est maintenant concrétisé. Il y aura des répercussions sur le reste de la fonction publique, puisque cette entente avec l’Alliance de la Fonction publique du Canada, ou AFPC, régit environ 120 000 employés sur près de 400 000. Cette entente avec l’AFPC donnera sûrement lieu à des augmentations salariales ailleurs dans la fonction publique. D’autres groupes formuleront probablement les mêmes demandes ou arriveront au même règlement salarial avec le gouvernement. C’est un risque.
À l’échelle macroéconomique, le logement continue de représenter un obstacle pour l’atteinte des cibles budgétaires du gouvernement. Ainsi, le logement et le fait qu’il pourrait y avoir de grandes répercussions ailleurs que sur le logement en raison des taux d’intérêt croissants constituent des risques. Cette conjoncture pourrait provoquer un ralentissement économique beaucoup plus marqué et rendre les cibles budgétaires beaucoup plus difficiles à atteindre pour le gouvernement. Nos alliés pourraient aussi intensifier leurs pressions pour que nous augmentions nos dépenses militaires, surtout si la guerre en Ukraine se poursuit et si l’étau se resserre autour des pays de l’OTAN et des alliés pour fournir plus d’appui à l’Ukraine. Voilà certains des risques que j’entrevois, en plus d’une crise financière qui pourrait éclater chez un de nos principaux partenaires commerciaux. Quelques banques américaines ont connu des difficultés, mais il est toujours possible qu’une crise financière sévisse dans un pays et provoque un effet domino. Certains marchés émergents sont accablés par l’inflation élevée. Ce sont là des risques pour l’atteinte des cibles budgétaires par le Canada et le gouvernement.
Le sénateur Shugart : Vous relevez des risques très généraux, ou à très grande échelle. Je recommande que votre bureau se penche aussi sur des risques à plus petite échelle pouvant miner le plan de dépenses du gouvernement.
M. Giroux : Oui.
Le sénateur Shugart : Je crois que le comité s’intéresserait à ce type de risques.
Je peux revenir sur un thème abordé par la sénatrice Duncan par rapport à la réduction des dépenses du gouvernement. Il s’agit de la capacité de votre bureau à surveiller ce qui se passe réellement au sein du gouvernement. Je pense ici encore à la taille de la fonction publique, une des réalités qui a connu une forte croissance après la pandémie. Bien entendu, cette croissance est aussi liée à l’entente et fera boule de neige. Avez-vous accès aux renseignements des ministères qui indiquent les domaines où ils ciblent des réductions de dépenses et qui vous indiqueraient la probabilité que la taille de la fonction publique rétrécisse?
M. Giroux : J’aimerais préciser que j’ai mal compris votre question lorsque vous avez parlé de « risques »; j’ai cru que vous parliez de risques macroéconomiques. Si on se limite à l’échelon canadien, je dirais que certains des risques résident dans l’élargissement continu de la fonction publique pour la prestation des programmes et le manque de progrès dans les exercices de réduction des dépenses que le gouvernement a mentionnés à de nombreuses reprises.
Nous avons accès aux renseignements sur les dépenses gouvernementales sur une base mensuelle. Nous communiquons efficacement avec le ministère des Finances et la receveuse générale au sujet des recettes entrantes et des dépenses sortantes. Or, nous ne saisissons pas bien le progrès, ou l’absence de progrès, quant aux exercices de réduction des dépenses puisque nous avons en général peu de détails sur ces exercices. C’est un enjeu qui nous intéresse fortement, mais le manque d’information que je constate jusqu’à présent représente, selon moi, un risque considérable pour l’atteinte, ou pas, des cibles budgétaires du gouvernement.
[Français]
Le président : M. Giroux a toujours fait preuve de flexibilité pour nous accorder une deuxième ronde de questions.
[Traduction]
Monsieur Giroux, me permettez-vous d’offrir la possibilité aux sénateurs qui aimeraient poser une question chacun dans une deuxième série de les formuler? Vous pourriez répondre par écrit. Je crois que votre témoignage de ce matin, à Mme Yan et vous, est très pertinent. Convenez-vous de nous envoyer les réponses par écrit?
M. Giroux : Si je n’ai pas à ouvrir la bouche, je serai heureux d’écouter, de prendre des notes et de répondre par écrit.
[Français]
Le sénateur Carignan : Merci, monsieur Giroux, d’accepter les questions supplémentaires.
On a parlé de la transparence du gouvernement. N’y a-t-il pas également une mauvaise évaluation de l’impact des décisions que l’on prend ou des mesures que l’on met en place? Je vous donne l’exemple de l’interdiction d’achat de propriétés par des immigrants. Nous accueillons 500 000 immigrants par année. On a créé une pression sur le logement locatif alors qu’on était déjà en pénurie. L’effet pervers est le fait que les gens à plus faible revenu sont ceux qui subissent une augmentation substantielle de leur loyer.
Parlons de la taxe sur les produits de luxe. Éric Martel, PDG de Bombardier, donnait une entrevue à l’émission RDI Économie. Le journaliste lui a demandé combien avait rapporté la taxe, avec les ventes d’aéronefs. Il a répondu qu’elle n’a rien rapporté, car on n’en a pas vendu. Les gens achètent auprès des compétiteurs. À cause de la taxe, l’entreprise perd des ventes.
Voilà un autre bel exemple où l’on veut réaliser un gain d’entreprise sur une propriété résidentielle vendue en moins de 365 jours. Les gens n’auront qu’à la vendre en 367 jours plutôt qu’en 365 jours. Si on veut générer une perte de revenu d’entreprise, on optera pour le meilleur des deux mondes en jouant avec les règles.
Ne trouvez-vous pas que le gouvernement fait du marketing éclair plutôt que des analyses ciblées de mesures économiques en évaluant bien leur efficience?
Le sénateur Forest : Merci de faire des heures supplémentaires avec nous. On suit le ratio de la dette par rapport au PIB. Pourriez-vous nous donner une idée de l’évolution du poids de la dette sur le budget au cours des cinq dernières années, en matière de pourcentage? Nous savons que la pandémie a pu être un facteur.
Le sénateur Gignac : Dans le budget de 2022, on a annoncé un nouveau régime de soins dentaires, que l’on évalue à environ 6 ou 7 milliards de dollars. Un an plus tard, dans le budget de 2023, nous n’avons toujours pas les détails de ce régime. Toutefois, on estime le coût à 13 milliards de dollars, dont 4,4 milliards de dollars récurrents par année.
Avez-vous l’intention de faire une étude là-dessus? Sauf erreur, je crois que vous avez fait une étude sur la prestation de soins dentaires en 2022. Avez-vous l’intention de vous pencher là-dessus? Pour faire suite à la question du sénateur Shugart, je crois que c’est un élément de risque très important, d’autant plus que l’ordre professionnel des dentistes est de compétence provinciale et que le gouvernement fédéral n’a aucune expérience dans ce domaine.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je vous remercie des réponses écrites que vous avez fournies. J’ai remarqué hier que nous avons reçu des réponses aux questions posées la dernière fois, ce qui est extrêmement utile. Merci.
Ma question porte à nouveau sur le remboursement de la TPS et de la TVH, qu’on a rebaptisé le remboursement pour l’épicerie. Je suis curieuse de savoir quelles mesures pourraient être prises pour également remédier au mercantilisme des entreprises qui est au cœur de bien des problèmes, aux yeux de bon nombre d’entre nous.
La sénatrice Galvez : Toujours au sujet des risques, pouvez-vous chiffrer les risques liés au coût de la vie et au climat — y compris les événements climatiques extrêmes particulièrement coûteux et le fait de ne pas s’adapter aux changements climatiques ou de ne pas les atténuer? Je vous en serais reconnaissante. Merci.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Giroux, vous avez mentionné que les prix abordables des logements constituent un risque économique majeur. Comme vous le savez, la partie 1(c) du projet de loi étend la règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels aux cessions de contrat de vente, ce qu’on appelle communément la « taxe anti-opérations immobilières de vente-achat. » La règle vise à garantir que les profits des reventes précipitées de biens immobiliers soient imposés comme un revenu d’entreprise. Dans le projet de loi C-47, le gouvernement étend la règle aux profits générés par la vente d’un droit à acheter une propriété résidentielle. Selon ce que j’en comprends, cette mesure aura un effet minime sur les finances du gouvernement. Je sais aussi que vous avez publié par le passé un document sur la taxe sur les reventes précipitées. Maintenez-vous toujours l’analyse et les commentaires que vous avez faits à l’époque? Avez-vous une opinion sur cette nouvelle mesure? L’accueillez-vous favorablement? Globalement, croyez-vous que la règle sur les reventes précipitées atteint l’objectif de remédier aux prix des logements qui, comme vous l’avez mentionné, sont toujours au cœur d’une crise?
Le président : Merci, sénateur Loffreda. Il ne fait aucun doute que vos commentaires contenaient plus d’une question.
Avant de lever la séance, j’aimerais savoir si vous avez un mot de la fin, monsieur Giroux.
M. Giroux : Comme toujours, ce fut un plaisir de comparaître à ce comité. Je vais faire de mon mieux pour répondre aux questions, mais certaines réponses ne seront peut-être pas très claires ou pourraient s’avérer difficiles à fournir.
Le président : Merci.
Monsieur Giroux, nous aimerions vous rappeler, aux témoins et à vous, de bien vouloir soumettre vos réponses écrites à la greffière d’ici, si possible, la fin de la journée du mardi 16 mai 2023.
Avant de lever la séance, j’aimerais informer les sénateurs que notre prochaine réunion se tiendra demain, le mercredi 3 mai, à 18 h 45, afin de poursuivre notre étude sur le budget principal des dépenses. Nous recevrons la ministre Fortier, la présidente du Conseil du Trésor du Canada.
(La séance est levée.)