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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 7 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 15 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs, ainsi qu’aux téléspectateurs qui, dans tout le pays, nous regardent sur sencanada.ca.

[Français]

Mon nom est Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je demanderais maintenant à mes collègues de se présenter.

Le sénateur Gignac : Bonjour. Bienvenue, madame la ministre. Clément Gignac, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Bienvenue à notre comité. Tony Loffreda, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Duncan : Bonjour. Bienvenue, madame la ministre et tout le monde, à notre comité. Sénatrice Pat Duncan, du Yukon.

[Français]

La sénatrice Moncion : Bonjour, madame la ministre. Bienvenue. Lucie Moncion, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Bonjour. Sénatrice Rosa Galvez, du Québec. Soyez les bienvenus.

Le sénateur Cardozo : Sénateur Andrew Cardozo, de l’Ontario.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice Petten : Iris Petten, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice MacAdam : Bonjour. Jane MacAdam, de l’Île‑du-Prince-Édouard.

[Français]

La sénatrice Gerba : Bienvenue, madame la ministre. Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Bienvenue, madame la ministre, à vous et à vos collaborateurs. Kim Pate, et je vis ici, sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

La sénatrice Marshall : Bienvenue, madame la ministre. Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Smith : Bienvenue, madame la ministre. Larry Smith, du Québec.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, madame la ministre. Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, nous poursuivons aujourd’hui l’étude de la teneur complète du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

[Français]

Nous avons aujourd’hui le plaisir d’accueillir l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances. La ministre Freeland sera avec nous pour une durée de 75 minutes afin de discuter de la teneur du projet de loi C-47.

[Traduction]

Ensuite, les représentants de différents ministères resteront avec nous pendant 45 minutes supplémentaires pour aider à répondre à des questions relatives, notamment, à la partie 4 du projet de loi.

Madame la ministre, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. J’ai été informé que vous avez des observations préliminaires.

[Français]

L’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, ministre des Finances : Honorables sénateurs, merci de votre invitation et bonjour.

[Traduction]

Je suis accompagnée de vaillants fonctionnaires du ministère des Finances du Canada. Miodrag Jovanovic est chargé de la politique de l’impôt et, avec son équipe, il est plus particulièrement chargé de nouvelles tâches difficiles qui consistent à mettre en place les crédits d’impôt qui accompagneront notre politique industrielle verte, qui est une nouveauté au Canada. Je tiens à vous remercier publiquement, monsieur Jovanovic, ainsi que votre équipe. Merci de votre présence.

À côté de moi se trouve Nick Leswick. M. Leswick dirige Finances Canada, et je lui suis très reconnaissante de son travail rigoureux et de ses conseils, comme toujours.

À ses côtés se trouve Julien Brazeau, qui dirige aussi Finances Canada. Merci de votre présence.

[Français]

Monsieur le président, tout d’abord, je tiens à dire que je vais devoir voter un certain nombre de fois au cours de ma présence ici aujourd’hui, et je vous remercie de votre patience. Je m’en excuse. On va le faire très rapidement.

Je suis heureuse de me présenter devant vous et les membres du comité pour discuter de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023.

Quelque 907 000 Canadiens de plus ont un emploi aujourd’hui qu’avant la pandémie, et à seulement 5 %, notre taux de chômage est près de son creux historique.

Le Canada a connu la plus forte croissance économique parmi les pays du G7 au cours de l’année 2022. Notre produit intérieur brut (PIB) réel a augmenté de 3,1 % au cours du premier trimestre de cette année — le taux le plus élevé du G7 — et le Canada a à la fois le plus faible ratio de déficit au PIB et le plus faible ratio de la dette nette au PIB au sein du G7.

[Traduction]

J’expliquerai pourquoi il est si important que, forts de cette assise économique solide, nous travaillons de concert à l’adoption de ce projet de loi.

Dans ce projet de loi, nous nous attaquons à la revente rapide de maisons en taxant pleinement les cessions de contrat de vente parce que les Canadiens devraient pouvoir se loger, au lieu que ces maisons servent à spéculer.

Pour protéger les Canadiens, nous nous attaquons aussi aux pratiques de prêt abusives en faisant passer le taux d’intérêt criminel de 47 % à 35 %. Nous plafonnons les prêts sur salaire à pas plus de 14 $ par 100 $ empruntés.

Nous protégeons les droits des passagers aériens en responsabilisant davantage les compagnies aériennes en cas de retards, d’annulations et de pertes de bagages, et en veillant à ce qu’elles dédommagent équitablement les Canadiens en cas de retards qui n’échappent pas à leur contrôle.

Nous modernisons la surveillance du secteur financier afin de garantir que nos institutions financières agissent en faisant preuve d’intégrité et qu’elles soient protégées contre les menaces d’ingérence étrangère.

Pour aider à rendre les études plus accessibles pour les étudiants de tout le Canada, nous augmentons les limites de retrait des régimes enregistrés d’épargne-études, qui passent de 5 000 $ à 8 000 $ pour les étudiants à plein temps et de 2 500 $ à 4 000 $ pour les étudiants à temps partiel.

[Français]

Pour soutenir les gens de métier qualifiés qui bâtissent notre économie propre et contribuent à doubler le nombre de nouveaux logements, nous doublons la déduction pour dépenses d’outillage des gens de métier. Cette déduction passera de 500 à 1 000 $, ce qui les aidera à investir dans les outils dont ils ont besoin.

Nous élargissons la portée de l’Allocation canadienne pour les travailleurs afin qu’elle vienne en aide à 4,2 millions de nos travailleurs les moins bien rémunérés et, souvent, les plus essentiels. Nous veillerons aussi à ce que les paiements de cette allocation soient versés tous les trimestres afin qu’une plus grande partie de l’argent qu’ils ont gagné leur soit remise plus rapidement.

[Traduction]

Afin d’aider plus de Canadiens à faible revenu à recevoir les prestations et les aides auxquelles ils ont droit, nous triplons pratiquement le nombre de Canadiens qui peuvent produire automatiquement leur déclaration de revenus. L’an prochain, l’Agence du revenu du Canada essaiera, dans le cadre d’un projet pilote, un nouveau système de production automatique de déclarations destiné aux Canadiens vulnérables.

Je tiens à dire ceci aux sénateurs : une conversation que j’ai eue avec vous tous la dernière fois que j’étais ici nous a encouragés à nous intéresser à la production automatique de déclarations comme moyen de faire en sorte que des personnes reçoivent les prestations auxquelles elles ont droit. Je vous remercie de nous y avoir incités.

Nous appuyons la mise en œuvre du nouveau régime canadien de soins dentaires dont bénéficieront jusqu’à 9 millions de Canadiens d’ici 2025 — et cela veut dire qu’on ne pourra plus dire combien quelqu’un gagne, ou combien ses parents gagnent, à son sourire.

Monsieur le président, ce ne sont que quelques-unes des mesures prévues par la loi d’exécution du budget pour mettre en œuvre notre plan pour soutenir les Canadiens d’un bout à l’autre du pays. J’espère sincèrement que les membres du comité appuieront également ces mesures.

[Français]

Merci beaucoup. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre, pour vos remarques liminaires.

[Traduction]

Nous pouvons donc étudier le projet de loi C-47 et satisfaire à nos grands principes de transparence, de responsabilité, de fiabilité et de prévisibilité. Nous allons passer aux questions. Honorables sénatrices et sénateurs, vous aurez au maximum six minutes chacun au premier tour de table. Par conséquent, posez directement vos questions. Je demanderai aux témoins de répondre de manière concise. La greffière m’informera quand le temps de parole sera écoulé.

Étant donné le temps dont nous disposons, j’aimerais aussi, en qualité de président, faire une demande spéciale à la ministre et aux sénateurs : honorables sénatrices et sénateurs, afin que vous puissiez poser au moins une question, veuillez être succincts dans vos questions à la ministre. Et, madame la ministre, je vous saurai gré de répondre également de manière succincte.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie, madame la ministre, ainsi que vos collaborateurs, de votre présence aujourd’hui.

J’aimerais parler de l’annonce faite ce matin au sujet de la Banque du Canada. Elle a porté le taux directeur à 4,75 %. Cette année, d’après le budget, l’intérêt de la dette publique s’élève à 43,9 milliards de dollars. Le chiffre a-t-il été révisé depuis? J’aimerais savoir à combien l’intérêt de la dette publique va passer après l’annonce de ce matin. J’ai juste besoin d’un chiffre.

Mme Freeland : Il n’y a pas encore de chiffre révisé, mais nous y travaillons.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous vous engager à ce que vos collaborateurs communiquent ce chiffre au comité une fois que vous aurez fait vos calculs?

Dans le budget, vous soulignez les frais d’intérêt sur les cinq ou six prochaines années. Nous les suivons donc. J’aimerais savoir quelle sera l’incidence sur chaque année financière mentionnée dans le budget.

Mme Freeland : Je vous promets que nous tiendrons les Canadiens et le comité régulièrement informés de l’évolution de la situation économique, et nous le ferons assurément dans l’énoncé économique de l’automne.

Beaucoup de facteurs interviennent en ce moment. Ainsi, la croissance du PIB était supérieure aux prévisions au premier trimestre. Nous fournissons à intervalles réguliers des chiffres mis à jour et nous continuerons de le faire.

La sénatrice Marshall : C’est donc non, vous ne nous donnez pas ce chiffre.

Voici la deuxième question : les Canadiens éprouvent vraiment des difficultés en ce moment. Il suffit de voir le nombre de personnes qui font la queue devant les banques alimentaires, qui sont débordées. Les Canadiens ont du mal à payer leurs hypothèques. Cette hausse de taux d’intérêt n’augure donc rien de bon pour la suite.

Le gouverneur de la Banque du Canada et l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, ainsi que de nombreux économistes, disent que le gouvernement est au moins en partie responsable de l’inflation actuelle.

Les dépenses publiques ne cessent d’augmenter. Dans tous les documents financiers que nous examinons, les chiffres sont de plus en plus élevés. Nous examinons l’énoncé économique de l’automne, nous voyons les chiffres. Ensuite, nous voyons vos chiffres dans le budget, et ils sont encore plus élevés.

Quand allez-vous maîtriser les dépenses?

Mme Freeland : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice.

Puisque vous mentionniez les gouverneurs — au pluriel —, y compris l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, je citerai Stephen Poloz, qui est l’ancien gouverneur de la Banque du Canada nommé par Stephen Harper. Après que nous avons déposé notre budget, il a déclaré ceci à son sujet :

[...] on peut dire qu’il dynamise le côté offre de l’économie [...] ce n’est pas vraiment une relance budgétaire, mais plutôt une politique désinflationniste destinée à augmenter la capacité économique.

Il dit ensuite :

[...] il est même possible que le budget de 2023 améliore les chances d’atterrissage en douceur de l’économie, en modérant la demande et en stimulant l’offre.

Pour ce qui est de la situation financière plus généralement, il me semble important de préciser aux sénateurs et aux Canadiens que le Canada est très responsable sur le plan budgétaire. Après que j’ai déposé le budget, S&P Global Ratings a maintenu notre cote AAA et, aujourd’hui, le Canada affiche le plus faible déficit du G7 et le plus faible ratio de la dette au PIB du G7 — plus faible que celui d’autres pays du G7 qui ont aussi une cote AAA, comme l’Allemagne et les États-Unis.

La sénatrice Marshall : Cependant, madame la ministre, vous vous montrez très sélective dans vos ratios. Vous mentionnez toujours les mêmes ratios positifs. Vous disiez même dans votre propre budget...

Mme Freeland : Madame la sénatrice, je suis désolée. Je dois faire une pause rapide pour voter, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. Peut-être que le président vous autorisera à reposer votre question.

La sénatrice Marshall : Votre budget de l’an dernier disait que l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, prévoyait que le Canada aurait le plus faible taux de croissance du PIB par habitant des pays membres de l’OCDE, soit 29 ou 30 pays environ.

Le président : Honorable sénatrice, la ministre doit voter, et nous avons accepté, quand elle est arrivée, de lui permettre de voter.

Êtes-vous prête, madame la ministre?

Mme Freeland : Oui, et je suis désolée, madame la sénatrice.

Le président : Sénatrice Marshall, vous n’avez perdu aucune minute.

La sénatrice Marshall : Je disais que vous mentionnez toujours les mêmes ratios optimistes. Sur les 29 pays de l’OCDE, le Canada se classe au 11e rang pour ce qui est du ratio net de la dette au PIB. Même votre propre budget dit que l’OCDE prévoit que le Canada aura la plus faible croissance du PIB par habitant des pays membres de l’OCDE.

Les Canadiens ne sont pas optimistes, madame la ministre, et l’économie connaît des problèmes. Les dépenses publiques augmentent ou, du moins, contribuent à l’inflation et le gouvernement doit réduire ses dépenses. Chaque fois que nous examinons un document financier du gouvernement, les dépenses augmentent. Prenons l’énoncé économique de l’automne et le budget, elles augmentent — je ne sais pas — de quelque 60 milliards de dollars. Prenons ensuite le Budget supplémentaire des dépenses. Eh bien, cette année, il est beaucoup plus élevé que l’an dernier.

L’an dernier, le Budget supplémentaire des dépenses s’élevait à 397 milliards de dollars; cette année, il passe à 432 milliards. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) s’élevait à 9 milliards de dollars l’an dernier, et cette année, il passe à 21 milliards.

Vous ne maîtrisez pratiquement plus les dépenses. Elles ne cessent d’augmenter. Tous les chiffres montent — aucun ne redescend.

Mme Freeland : Je vous remercie, madame la sénatrice et, respectueusement, je ne suis pas d’accord.

En réalité, l’économie canadienne est très dynamique en ce moment. Le PIB a augmenté de 3,1 % au premier trimestre. C’est la meilleure performance du G7.

Je suis contente, madame la sénatrice, que vous ayez cité l’OCDE parce que l’OCDE a publié aujourd’hui de nouveaux chiffres et une révision à la hausse de ses prévisions concernant le PIB du Canada. Elle prévoit maintenant qu’en 2023-2024, le Canada enregistrera, en moyenne, la plus forte croissance du G7. Ce sont de très bons chiffres.

Pour ce qui est des dépenses, madame la sénatrice, encore une fois, respectueusement, nos dépenses diminuent tous les ans. Le déficit en 2021-2022, qui était une année de COVID, s’établissait à 3,6 % du PIB. Il est prévu qu’il s’établisse à 1,5 % du PIB en 2022-2023, à 1,4 % du PIB en 2023-2024 et à 1,2 % du PIB en 2024-2025.

Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame la sénatrice, que nous devons concilier la compassion et les investissements dans l’économie canadienne et responsabilité budgétaire.

Le président : Je vous remercie, madame la ministre.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue, madame la ministre, et merci pour les efforts que vous faites pour favoriser une reprise durable et inclusive au Canada.

Ma première question porte sur une mesure fiscale technique qui se trouve aux articles 114 à 116 du projet de loi et qui modifie de façon rétroactive la Loi sur la taxe d’accise. Je fais référence ici aux services de compensation des cartes de crédit qui seront dorénavant taxables malgré le fait que le ministère des Finances ait perdu devant la Cour d’appel fédérale en janvier 2021.

Dans les faits, votre ministère a attendu 26 mois avant de se manifester. Il a laissé l’Agence du revenu du Canada rembourser des institutions financières qui réclamaient la TPS et y va maintenant avec une mesure rétroactive.

Madame la ministre, tous les témoins que nous avons entendus ont affirmé que le fait d’attendre 26 mois après avoir perdu une cause, c’était du jamais-vu, et surtout un dangereux précédent selon l’Association du Barreau canadien.

Quelle est votre réaction à la suite de ce commentaire?

Mme Freeland : Je vous remercie de votre question. Je suis d’accord avec vous pour dire que c’est une question technique et qu’elle est importante pour plusieurs intervenants. Mes fonctionnaires et moi-même avons beaucoup discuté avec le secteur bancaire. Notre position comprend deux éléments distincts.

Premièrement, la législation que le gouvernement va introduire n’est pas nouvelle. C’est l’approche qu’on a eue dès le premier moment de l’introduction de cette taxe et c’était l’approche qui était prise pour la période de 1991 à 2021. Alors, c’est l’approche historique du Canada, il n’y a rien de nouveau.

Deuxièmement, c’est l’approche prise par les pays qui ont un système comparable au nôtre. En ce qui concerne votre question du temps qui a passé, je pense que c’est une question juste et bonne. Notre législation se veut une réaction à la décision de la Cour d’appel fédérale et on a répondu à ses demandes, qui sont justes, et je veux souligner que cette décision est arrivée en pleine pandémie, quand tout le pays traversait une crise historique.

Le sénateur Gignac : Merci. J’aimerais continuer la conversation que vous avez eue avec la sénatrice Marshall. J’aimerais profiter de votre présence ici au comité pour connaître un peu votre réaction à la suite de la décision de la Banque du Canada.

Ne craignez-vous pas que la volonté de la Banque du Canada de retourner à tout prix à une cible de 2 % puisse plonger l’économie en récession et compromettre vos efforts pour cette reprise durable? Est-ce qu’on ne devrait pas vivre une récession pour que la Banque du Canada amène l’inflation à 2 %? Quel est votre niveau de confiance quant à la résilience de l’économie canadienne?

Mme Freeland : C’est une question très importante et très complexe. Je vais commencer par l’élément politique de votre question. Je pense que, surtout aujourd’hui, c’est très important pour moi, en tant que ministre des Finances du Canada, en tant que ministre qui représente un parti politique, de respecter l’indépendance de la Banque du Canada.

Comme vous le savez très bien, il y a aujourd’hui des gens qui posent des questions concernant l’indépendance de la Banque du Canada, et je pense que c’est dangereux pour notre pays. C’est dangereux pour nos institutions démocratiques, c’est aussi dangereux pour les choses comme la cote de crédit AAA du Canada, qui est basée sur nos institutions fortes et indépendantes et le respect de tous les partis. C’est ma réponse principale.

En général, en ce qui concerne la question macroéconomique que vous avez posée, je pense que l’économie canadienne est forte et résiliente. Je pense que c’est bien possible pour nous de se trouver dans une situation dans laquelle l’économie reste forte et l’inflation demeure au niveau normal et stable. On n’a pas de garanties, mais je pense que c’est bien possible.

Quand je regarde tous les pays du monde, je ne peux pas nommer un pays qui est mieux positionné que le Canada pour arriver à un résultat aussi bon.

La sénatrice Moncion : J’aimerais revenir sur les articles 114 à 116. Comment expliquez-vous que cette approche va à l’encontre des principes de stabilité du droit et de la primauté du droit?

Mme Freeland : Merci pour la question. Comme je l’ai expliqué au sénateur Gignac, notre approche est fondée sur trois principes. Premièrement, on préserve l’approche historique, l’approche que le Canada a eue dès le moment de l’entrée en vigueur de cette loi. Deuxièmement, notre approche est absolument la même que prennent les autres pays qui ont un système comparable au nôtre. C’est la deuxième preuve que c’est la bonne approche. Troisièmement — et je pense que le sénateur Gignac et vous posez une question juste —, de notre côté, on ne prend pas l’initiative, on répond à une décision juridique.

Comme législateur, on prend notre responsabilité qui est de répondre à la décision de la cour. Je pense que c’est important et correct de se rappeler que cette décision est arrivée en pleine pandémie, quand le pays devait traiter de graves questions.

J’ajouterais que je comprends que les institutions financières qui vont payer ces taxes préféreraient ne pas les payer. Je comprends cela et c’est normal, et elles ont le droit de s’adresser aux sénateurs, aux ministres et à d’autres intervenants. Toutefois, au bout du compte, notre approche est juste sur le plan historique et le Canada a besoin d’une base de revenu forte pour aider les gens.

La sénatrice Moncion : Je voudrais faire un commentaire avant de poser ma deuxième question. L’inquiétude des institutions financières, c’était l’effet rétroactif de la mesure et non pas l’effet proactif, ou ce qui s’en vient. Elles n’avaient pas de problème à payer à partir d’aujourd’hui pour l’avenir, mais elles en ont un en ce qui a trait à l’effet rétroactif et au fait que cela retourne à 1991.

[Traduction]

La semaine dernière, nous avons entendu les inquiétudes de la Digital Asset Mining Coalition, plus particulièrement de M. Daniel Brock, avocat et conseiller politique de la coalition. Il nous a fait part des préoccupations de l’industrie par rapport à la proposition financière relative à l’extraction de cryptoactifs. Plus précisément, certains craignent que les changements qu’il est proposé d’apporter à la TPS nuisent au potentiel de croissance de cette industrie. Un amendement a été proposé au Comité des finances nationales de l’autre Chambre pour clarifier une exception à la règle. L’amendement a été rejeté par six voix contre cinq. La coalition ne veut pas que le comité examine de nouveau l’amendement. Cependant, M. Brock cherche des éclaircissements de la part du ministère des Finances sur l’application des nouvelles règles de la TPS et sur la définition du partage des paiements de cryptoactifs. Avez-vous des commentaires à ce sujet et pouvez-vous apporter des précisions à l’industrie?

Mme Freeland : Je vous remercie de nouveau de la question, et merci aussi à vous et au sénateur Gignac du travail très minutieux et de l’étude que vous menez, y compris sur les aspects techniques du projet de loi.

Ce sujet m’est, comme à vous, familier, et il en est de même du ministère, et je tiens à vous assurer que les fonctionnaires du ministère des Finances connaissent ces mémoires et que nous avons rencontré les parties intéressées. Nous sommes tout à fait au courant de leurs préoccupations. Le projet de loi vise, en fait, à répondre aux demandes des professionnels et des mineurs de cryptoactifs qui souhaitent qu’il y ait des règles législatives précises afin de savoir exactement comment la TPS et la TVH s’appliquent au minage de cryptoactifs. C’est pour cela en premier que nous agissons.

Je peux également vous assurer ceci : le ministère des Finances ne cesse d’assurer aux entreprises de services informatiques et à leurs représentants que les mesures proposées ne compromettront pas les crédits d’impôt sur les intrants auxquels ces entreprises peuvent avoir droit en cas d’application ordinaire des règles de la TPS et de la TVH lorsqu’elles vendent des services informatiques à un prix fixe — et qu’elles ne perçoivent pas une partie des récompenses du minage comme les exploitants des bassins de minage. Encore une fois, je tiens à vous assurer que nous avons parlé avec les parties intéressées et que le projet de loi a été modifié afin de tenir compte de certaines des préoccupations qui nous ont été soumises.

La sénatrice Pate : Je vous remercie de nouveau, madame la ministre. Vous savez que la majorité des Canadiens estiment que la fiscalité est injuste et que les inégalités se sont creusées pendant la pandémie, et qu’environ 89 % des Canadiens souhaitent que les Canadiens les plus riches paient un impôt sur la fortune de 1 % dans le cadre de notre relance postpandémique. Le gouvernement s’étant engagé notamment à renforcer l’équité fiscale, à sortir tous les Canadiens de la pauvreté et à maintenir des formes de revenu minimum garanti — comme l’Allocation canadienne pour enfants, le Supplément de revenu garanti pour les aînés et bientôt, nous l’espérons, la prestation canadienne pour les personnes handicapées —, qu’a fait votre ministère des propositions prébudgétaires qui lui ont été présentées en ce qui concerne la création d’un revenu de subsistance garanti fiscalement neutre pour tous les Canadiens à faible revenu âgés de 18 à 64 ans, ce qui supposerait de mettre en œuvre certains crédits d’impôt existants, de s’occuper de certains crédits d’impôt existants et d’appliquer des mesures favorisant une plus grande équité fiscale?

Mme Freeland : Je vous remercie, sénatrice Pate, de tout votre travail. Je vous remercie de votre question. Vous y incluez beaucoup de choses. Vous avez parlé d’équité fiscale et aussi d’un revenu de base universel, ou d’un revenu de subsistance.

En ce qui concerne l’équité fiscale, il me semble approprié que vous posiez cette question après celles que m’a posées l’autre groupe. Je dirai que le gouvernement croit fermement que chacun doit payer sa juste part. Nous pensons que nous devons faire des investissements au Canada — j’espère que nous aurons l’occasion de parler de la politique industrielle verte qui comprend des investissements très importants — et que nous devons maintenir notre régime d’aide sociale. Un des principaux piliers du budget est un énorme investissement dans notre système de santé. Je pense que nous y sommes tous favorables — je l’espère —, mais c’est coûteux, parce que 200 milliards de dollars, c’est beaucoup d’argent, et il nous faut une solide assiette fiscale pour financer cet investissement. Je crois que le gouvernement a pris de vraies mesures pour garantir l’équité fiscale et une solide assiette fiscale. J’attire l’attention sur la taxe sur les produits de luxe, et je souligne que des mesures importantes sont prises dans le budget pour supprimer des échappatoires fiscales. M. Jovanovic et son équipe m’ont fait remarquer un domaine dans lequel nous travaillons beaucoup, celui de l’impôt minimum de remplacement pour les contribuables à revenu élevé. Ce travail se fait.

Quant à la question relative à un revenu de base universel, je vous entends, et beaucoup de concitoyens dans ma propre circonscription, ainsi que beaucoup de députés de mon caucus, m’en parlent souvent. Je suis fière du travail accompli par le gouvernement pour faire reculer la pauvreté, notamment parmi les aînés et les familles avec enfants. Mais je comprends que vous disiez qu’il reste à faire. De mon point de vue, il faut concilier l’effort constant pour faire reculer la pauvreté et réduire les inégalités de revenus et la responsabilité financière, sur laquelle d’autres sénateurs insistent aussi. À mon sens, mon travail consiste à trouver le juste équilibre.

La sénatrice Pate : C’est précisément pourquoi le Réseau canadien pour le revenu garanti vous a soumis — lors d’une de vos consultations prébudgétaires — une proposition de revenu de subsistance garanti fiscalement neutre. Nous n’avons vu, à ce jour, aucune réponse à ce type de proposition. Cette semaine, nous nous penchons sur les résultats de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, dont une des recommandations était de s’occuper de certaines des personnes les plus marginalisées. On dirait que le gouvernement se dirige peu à peu vers ce type de revenu de subsistance garanti — pas le revenu de base universel, mais un modèle subordonné au revenu. Que faudra-t-il pour passer à l’étape suivante?

Mme Freeland : Sénatrice, si vous le permettez, je crois que le gouvernement et vous êtes parfaitement d’accord pour dire que nous devons poursuivre sans relâche nos efforts de lutte contre la pauvreté, et c’est là-dessus que je vais mettre l’accent. Nous devons nous efforcer d’offrir des possibilités à tous les Canadiens. Vous et moi ne sommes peut-être pas d’accord sur le temps nécessaire pour atteindre cet objectif. Je sais que vous entendez ce que disent les autres sénateurs, dont certains insistent sur la responsabilité financière dans l’équation. J’y suis très attentive aussi. Nous vivons une période économique très turbulente et incertaine. Pour moi, il est très important aussi d’assurer la solidité et la résilience du bilan financier du gouvernement.

Je soulignerai un dernier point : je pense que pour l’immense majorité des Canadiens, la chose qui détermine le plus s’ils ont une bonne qualité de vie ou pas, c’est le fait d’avoir un emploi. Quand la COVID est arrivée, ce qui m’a anéantie, c’est que trois millions de personnes ont perdu leur emploi. Cela m’inquiétait terriblement, et je craignais que nous perdions une génération de jeunes Canadiens. Nous n’avons cessé et ne cessons de nous concentrer, pendant la COVID et maintenant, sur les emplois et les possibilités pour les Canadiens. Je ne veux pas dire que tout est parfait au Canada. Je sais que beaucoup de gens sont en difficulté. Je sais que les taux d’intérêt augmentent. Je sais que beaucoup de gens l’ont appris ce matin et se demandent comment ils vont faire pour rembourser leur prêt hypothécaire. Pour moi, toutefois, le fait qu’il y ait 900 000 emplois de plus qu’avant la pandémie est une chance pour les Canadiens.

Le sénateur Smith : Madame la ministre, j’ai quelques réserves à propos du recours aux projets de loi omnibus. Je comprends que ce n’est pas nouveau et que le gouvernement n’est pas le premier à en user, mais c’est préoccupant. Plusieurs propositions du projet de loi C-47 devraient faire l’objet de projets de loi distincts. Par exemple, le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie s’est déclaré préoccupé par l’inclusion dans un projet de loi omnibus d’une mesure législative visant à créer la Loi sur la Corporation d’innovation du Canada. Deuxièmement, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dans son rapport sur la section 39 de la partie 4 du projet de loi, se déclare préoccupé par la modification de la Loi électorale du Canada dans un projet de loi omnibus et il souligne que ces changements devraient être présentés dans un projet de loi séparé afin d’avoir plus de temps pour les étudier. Troisièmement, le même comité se déclare préoccupé par la sous-section B de la section 3 de la partie 4 du projet de loi qui modifie le Code criminel en ce qui a trait aux actifs numériques et, là encore, il souligne que les modifications aux lois pénales devraient faire l’objet de projets de loi distincts.

Madame la ministre, pouvez-vous répondre aux préoccupations que nombre d’entre nous à ce comité ont de voir tout entassé ou regroupé dans un projet de loi omnibus, car cela ne nous laisse pas suffisamment de temps pour l’analyser convenablement?

Le président : Sénateur Smith, avant que vous obteniez la réponse, nous allons laisser la ministre voter une autre fois.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

Mme Freeland : Honorables sénatrices et sénateurs, je vous remercie de votre patience. Je vous en sais gré. Je sais que la présidence veille à ce que cette interruption ne soit pas soustraite de votre temps.

Sénateur Smith, je vous remercie de la question, elle est importante. Je partage de manière générale votre point de vue sur l’importance du travail des législateurs, et les législateurs sont là pour faire le travail d’examen législatif — le travail du Sénat est très important. En ce qui concerne la production automatisée des déclarations des revenus, j’ai mentionné qu’il s’agit d’une préoccupation soulevée lors de mon dernier passage, que je vous ai tous écoutés et que je vais donc dans cette direction. Je respecte le travail des sénateurs. Je sais que vous le traitez tous sérieusement. Ce n’est pas un jeu partisan pour vous. Donc, merci beaucoup.

Je dirai que chaque mesure qui figure dans la loi d’exécution du budget figure dans le budget. Il n’y a pas de tentative de brouillage — c’était important pour nous. Nous avons été très clairs à ce sujet, mais manifestement, nos jugements diffèrent quelque peu. Notre point de vue est — et était — que nous sommes clairs, ouverts et transparents sur les mesures figurant dans le budget et, par conséquent, dans la loi d’exécution du budget.

Je suis désolée — c’est la fumée. C’est terrible ce qui se passe en ce moment au Canada avec les feux de forêt.

En tout cas, nous avons veillé à ce que toute mesure prévue dans la loi d’exécution du budget figure dans le budget pour les raisons de transparence que vous mentionniez. Pour reprendre un de vos exemples, la corporation d’innovation du Canada est proposée depuis quelque temps par le ministère des Finances en collaboration avec l’industrie. Nous sommes clairs à son sujet dans le budget, et dans plusieurs budgets. Je pense qu’elle a légitimement sa place dans la loi d’exécution du budget. Je pense que tout le monde conviendra que la productivité est un enjeu important au Canada, et il s’agit d’un organisme conçu pour relever directement ce défi.

Le sénateur Smith : Si je peux ajouter un petit point — en affaires, la devise est d’être concis et d’aller à l’essentiel afin de pouvoir prendre des décisions. Je pense que lorsqu’on se retrouve avec des projets de loi omnibus — parce que nous en avons vu au fil des ans, non seulement avec ce gouvernement, mais aussi avec d’autres —, il est difficile d’arriver à une analyse de qualité. Nous sommes des spécialistes du contrôle de la qualité, en quelque sorte. Parlons simplement : nous avons d’excellentes personnes avec d’excellentes qualifications qui prennent ce travail au sérieux, et quand un projet de loi est aussi volumineux — soyons honnêtes, il s’agit probablement d’un des plus gros projets de loi que nous ayons vus —, il devient difficile de faire notre travail dans les temps impartis. Vous vous rappelez quand tout était urgent pendant la pandémie. Il fallait foncer. Et notre groupe en était conscient. Cela dit, comment pensez-vous que cela puisse être mesuré et conçu différemment à l’avenir?

Mme Freeland : Sénateur, j’étais journaliste. Il m’est donc impossible de ne pas être d’accord avec vous que les choses devraient être aussi simples, aussi claires et aussi succinctes que possible. Nous devrions tous tendre vers cela à l’écrit. Je suis certainement d’accord avec vous que ce n’est pas toujours le point fort de l’administration.

Je suis entourée de collaborateurs qui sont admirablement clairs, simples, directs et concis. En ce qui concerne l’urgence, je comprends votre point de vue sur la pandémie — le mien est, en ce moment et dans ce budget, que nous étions aussi pressés par le temps en tant que pays. Il se présentait une occasion comme il ne s’en présente qu’une fois par génération et nous devions la saisir. Comme l’a dit le président Biden pendant sa visite, la transformation industrielle verte du monde est un point d’inflexion qui se produit une fois toutes les cinq ou six générations. Le Canada devait être de la partie. C’est ce que nous avons fait dans ce budget. Il contient beaucoup de nouvelles mesures. J’en suis heureuse parce que, autrement, nous aurions risqué de laisser passer cette occasion et le Canada risquait de prendre du retard pendant une génération.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, madame la ministre. Madame la ministre, pas plus tard que ce matin, j’ai eu des conversations avec l’Association des chemins de fer du Canada. Je vous dirais que ses représentants sont particulièrement choqués et déçus. Ils veulent s’opposer aux dispositions de votre budget sur l’interconnexion. Ils estiment que sur ce plan, le projet de loi C-47 est discriminatoire à leur endroit et favorise l’incursion des compagnies ferroviaires américaines dans leur champ d’activité.

Je vous transmets leur message tout en vous demandant de nous expliquer pourquoi votre gouvernement n’est pas capable d’adopter une position plus équitable pour les transporteurs ferroviaires du Canada. Qu’est-ce qui vous oblige à favoriser les Américains?

Mme Freeland : Merci de votre question. C’est aussi un enjeu qu’on a considéré. Au ministère, on a parlé avec plusieurs intervenants. Pour nous, la priorité pour résoudre cet enjeu était les chaînes d’approvisionnement. Notre inquiétude tournait autour des problèmes que les chaînes d’approvisionnement ont créés dans l’économie canadienne.

Nous avons déjà discuté de la question de l’inflation. On a déjà discuté des problèmes économiques créés par la COVID-19. Notre cible, notre priorité était de prendre des décisions de mise en œuvre, des mesures qui vont améliorer les chaînes d’approvisionnement dans notre pays.

Le sénateur Dagenais : Vous comprendrez que cela a des conséquences sur les transporteurs ferroviaires canadiens. Est-ce que vous accepteriez que l’on supprime du projet de loi C-47 les dispositions sur l’interconnexion, la section 22? Accepteriez‑vous des modifications à cette mesure pour qu’elle soit limitée aux déplacements ferroviaires au Canada?

Mme Freeland : Je veux souligner deux autres choses. C’est un projet pilote qui est limité dans le temps et géographiquement. On va voir les résultats de ce projet pilote et prendre les décisions en s’appuyant sur les données.

Le sénateur Dagenais : Dans un autre ordre d’idées, votre budget a beau contenir des dispositions qui font que des groupes de Canadiens reçoivent un peu d’aide du gouvernement, je vous dirais tout de même qu’en raison des augmentations du prix de l’épicerie, de l’essence, des taux hypothécaires, du logement, des maisons, etc., c’est difficile.

Est-ce que vous reconnaissez que les familles moyennes — souvent, votre gouvernement a mentionné que vous aimez courtiser les familles moyennes — ne peuvent plus s’adapter au coût de la vie et s’appauvrissent? Est-ce que vous avez connaissance de tout cela? Actuellement, c’est très difficile pour la classe moyenne.

Mme Freeland : Je suis complètement d’accord avec vous pour dire qu’actuellement, depuis le début de la pandémie, c’est très difficile pour la classe moyenne du Canada. C’était très difficile pour la classe moyenne dans tous les pays du G7. La pandémie était une crise, une crise sanitaire qui est devenue une crise économique. Cette crise économique de la COVID-19 est devenue pire à cause de l’invasion illégale de l’Ukraine par Vladimir Poutine.

Je suis complètement d’accord avec vous pour dire qu’on vit une période difficile. Notre approche est d’offrir une aide ciblée aux gens les plus vulnérables. Ensemble, on est en train de le faire grâce au rabais pour l’épicerie. C’est la bonne approche, parce qu’évidemment, ces gens sont les plus vulnérables. On a une obligation de les aider.

D’un autre côté, comme on en a déjà discuté avec la sénatrice Marshall, on doit trouver un équilibre entre une approche compatissante et la responsabilité fiscale. Pour cette raison, notre aide était et est ciblée.

La sénatrice Galvez : Merci, madame la ministre.

[Traduction]

J’aimerais parler de l’occasion que vous avez saisie de moderniser le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF. Je vois avec beaucoup d’intérêt que vous l’élargissez afin que le BSIF prenne en compte de nouveaux risques pour l’intégrité ou la sécurité. Les changements climatiques, et ce que nous vivons actuellement avec les feux de forêt, ont des répercussions sur les secteurs financiers, autrement dit sur les banques, l’assurance et les fonds de pension.

Nous savons que les sociétés d’assurance ne pourront plus assurer les maisons. Nous savons que les banques continuent d’alimenter la crise climatique en investissant dans le pétrole et le gaz.

Tiendrez-vous compte — dans cet élargissement du mandat du BSIF — du fait que les risques et les nouveaux risques comprennent aussi les risques liés aux changements climatiques pour le secteur financier?

Le président : Allez-y, votez d’abord, je vous en prie, madame la ministre.

Mme Freeland : Je vous remercie, monsieur le président, honorables sénatrices et sénateurs, de votre patience. Je vais devoir dire à votre whip que vous faites tout ce qu’il faut pour que les votes aient lieu. Je ne sais pas s’il en fait autant pour vous tous.

Sénatrice Galvez, permettez-moi de commencer à un haut niveau avec votre remarque sur les feux de forêt et le climat. À certains égards — et peut-être que beaucoup de personnes autour de la table ont ressenti la même chose —, ce matin, j’étais déchirée entre le désespoir et un sentiment d’urgence en voyant la fumée autour de cet édifice. Juste avant de venir ici, j’ai reçu un texto de la ministre de l’Économie espagnole, qui est aussi vice-première ministre de l’Espagne. Mme Calviño est une amie; nous échangeons des idées. Dans son texto, elle me disait qu’elle se rendait à New York, qu’elle venait de voir les feux de forêt au Canada, qu’elle qualifiait de catastrophe, et qu’elle était désolée. Je le mentionne parce que ce qui arrive à nos forêts en ce moment est une crise internationale. Je pense que tous ceux d’entre nous qui occupent des postes de responsabilité doivent prendre une grande inspiration et se demander ce qu’ils ont fait aujourd’hui pour lutter contre les changements climatiques. « Qu’est-ce que j’ai fait aujourd’hui pour être certaine que nous fassions ce qu’il faut au Canada? »

À un très haut niveau, je suis d’accord avec votre préoccupation, et je suis très consciente du travail que vous faites. Je vous en suis d’ailleurs reconnaissante.

Pour revenir plus précisément au budget, de mon point de vue, ce budget est historique par les mesures de lutte contre les changements climatiques qu’il propose. Il contient un investissement de 80 milliards de dollars, ce qui porte au total l’investissement du Canada dans la transformation industrielle verte à 120 milliards de dollars. C’est beaucoup d’argent.

J’ai déjà dit — en réponse aux questions de la sénatrice Marshall — que nous prenons la responsabilité financière au sérieux. Nous avons donc conscience de l’ampleur de cet investissement.

Je pense qu’il est tout à fait nécessaire parce qu’il est à la hauteur du défi climatique et aussi parce que le Canada doit construire une économie verte.

Je suis d’accord avec vous; c’est là que vont les emplois. Il est extrêmement important pour nous, en tant que gouvernement et en tant que pays, de donner aux citoyens un peu d’optimisme à la place de ce désespoir, et de leur dire que cette transformation industrielle verte créera des emplois. C’est ce que je vois et dont je suis convaincue.

Avec les mesures présentées dans le budget, le Canada dispose maintenant d’un plan détaillé. Les Services économiques TD ont évalué notre politique industrielle verte après le budget et ils ont dit que le Canada est maintenant à égalité avec les États-Unis en tant que destination d’investissement intéressante.

C’est notre approche et je pense que c’est la bonne pour le Canada aujourd’hui.

La sénatrice Galvez : J’ai une petite question à propos de la direction que vous preniez au sujet du Fonds de croissance du Canada. Je sais que c’est votre réponse à l’Inflation Reduction Act et à l’Infrastructure Investment and Jobs Act qui changent la donne. Évidemment, le montant paraît très petit en comparaison des billions investis aux États-Unis, mais c’est un début.

Cependant, le diable se niche dans les détails. Qu’en est-il des marchés publics? Avez-vous prévu des marchés publics verts dans lesquels vous donneriez cet argent? Est-ce que ce sera en concordance avec l’Accord de Paris pour s’assurer qu’ils sont vraiment propres? Est-ce que l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, qui va gérer ces fonds, est suffisamment indépendant — autrement dit, est-ce qu’il n’y aura pas de conflits d’intérêts? Je vous remercie.

Mme Freeland : Ce sont beaucoup de questions.

Le Fonds de croissance du Canada est un élément important de notre plan industriel vert, mais ce n’est qu’un élément. Nous essayons de l’expliquer dans le budget — je cherche le dessin en pyramide, parce que c’est la page que je préfère dans le budget, et j’invite à l’examiner. C’est une pyramide dont la page en regard explique les niveaux. C’est notre plan industriel vert.

La base de la pyramide représente une tarification de la pollution et nos cadres de réglementation. Au-dessus se trouve le moteur qui travaille fort, autrement dit la série de crédits d’impôt que j’ai mentionnée et dont la création a demandé beaucoup de travail à M. Jovanovic et à son équipe. Au-dessus encore — au troisième palier de la pyramide qui se rétrécit — se trouvent le Fonds de croissance du Canada et la Banque de l’infrastructure du Canada qui fournit des financements concessionnels. Et au sommet se trouve le financement sur mesure.

Voilà où se situe le Fonds de croissance du Canada.

Pour ce qui est de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, je suis convaincue qu’il saura très bien investir ces fonds. Je pense que c’est la bonne chose à faire de confier cette tâche à des investisseurs professionnels, et j’ai confiance dans leur indépendance et leur jugement.

La sénatrice Duncan : J’aimerais parler des arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, notamment du Transfert canadien en matière de santé.

Les paiements de transfert fédéraux au titre de la santé — c’est-à-dire les fonds versés aux provinces et aux territoires — augmentent comme le prévoit le projet de loi C-46, et les Canadiens en ont abondamment parlé. Le Canada est la 14e province à la table — avec les provinces et les territoires — en ce qui concerne la responsabilité en matière de soins de santé pour les Autochtones et les Forces armées canadiennes.

Vous êtes la ministre qui doit à un moment autoriser le financement accordé aux provinces et aux territoires, et les financements prévus dans les budgets ministériels fédéraux. Ce qui n’est pas mentionné dans le budget, ou dans le discours public, c’est l’augmentation correspondante du financement par le gouvernement fédéral pour que les Autochtones et les Forces armées canadiennes reçoivent une augmentation correspondante pour les services de santé ou la capacité d’accéder à des services de santé.

Le Canada a établi certains points de référence pour cette augmentation du financement accordé aux provinces et aux territoires, par province et par territoire. Accorde-t-on une augmentation du financement des soins de santé — correspondante, d’un pourcentage similaire — aux provinces et aux territoires pour s’assurer que des services sont fournis aux Autochtones et au personnel des Forces armées canadiennes? Le gouvernement fédéral a-t-il établi des points de référence pour montrer que l’augmentation du financement a permis d’améliorer ces services et l’accès à ces services?

Je ne parle pas des programmes spécialisés ou spéciaux, comme le principe de Jordan ou d’autres. Je parle d’augmentations précises du financement fédéral des soins de santé — par exemple, dans le cadre des services de santé non assurés ou pour le poste budgétaire particulier concernant le personnel des Forces armées canadiennes.

Mme Freeland : En bref, la réponse est oui, nous en sommes conscients.

La sénatrice Duncan : Pouvez-vous dire aux Canadiens où nous pouvons les trouver?

Mme Freeland : Dans ces deux domaines, comme vous le savez fort bien, sénatrice, la différence est celle-ci : les soins de santé en général relèvent de la compétence des provinces. Les Canadiens estimaient, notamment au lendemain de la COVID, que les systèmes de santé provinciaux et territoriaux avaient besoin de plus de fonds et de soutien de la part du gouvernement fédéral. Je pense que les provinces et les territoires doivent également apporter un soutien supplémentaire. Nous avons tous eu à attendre longtemps dans des salles d’attente, à attendre longtemps pour une intervention chirurgicale et ainsi de suite. Le gouvernement fédéral — pour faire sa part pour ce qui est de répondre aux besoins des Canadiens — a consenti un investissement considérable. Dans le cadre de cet investissement, ainsi que de l’investissement annoncé, il était annoncé une augmentation du financement des soins de santé pour les peuples autochtones du Canada.

La sénatrice Duncan : Qu’en est-il du personnel des Forces armées canadiennes dont vous avez la responsabilité?

Mme Freeland : Oui, et permettez-moi d’être claire sur ce point : nous sommes conscients de notre responsabilité relative au financement des soins de santé dans ces deux domaines, et nous savons que nous devons veiller à ce que ces soins soient de la qualité que tous les Canadiens méritent. Cependant, les situations sont légèrement différentes en ce qui concerne les Autochtones et les Forces armées canadiennes, et les mécanismes de financement sont différents.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie.

Le président : Je vais maintenant donner la parole au parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Madame la ministre, bienvenue au Comité des finances nationales. Ma question concerne le Fonds de croissance du Canada. J’aimerais approfondir la section 32 de la partie 4 du projet de loi relative au Fonds de croissance du Canada. L’automne dernier, quand notre comité a étudié le projet de loi C-32, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2022, il avait beaucoup de questions sur le fonds, ainsi que sur sa gouvernance, sa structure et son mandat. Comme vous le savez, le projet de loi C-32 vous autorisait à acquérir des actions sans droit de vote à hauteur de 2 milliards de dollars afin de faciliter les premiers investissements. Avec le projet de loi C-47, le gouvernement propose maintenant de confier à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public la gestion des actifs du Fonds de croissance du Canada dont la capitalisation de départ de 15 milliards de dollars doit permettre d’attirer des capitaux privés dans l’économie propre du Canada.

J’ai deux questions précises sur le fonds. Premièrement, pouvez-vous nous parler du travail du Fonds de croissance du Canada depuis que le projet de loi C-32 a reçu la sanction royale en décembre dernier? À l’époque, les responsables faisaient valoir que le gouvernement demandait ces 2 premiers milliards de dollars pour démarrer et ne pas risquer de laisser passer des possibilités d’investissement, étant donné les milliards de dollars que les États-Unis injectaient dans leur économie avec l’Inflation Reduction Act.

Ma deuxième question concerne l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public en tant que gestionnaire d’actifs, dont vous avez parlé brièvement. Pourquoi avez-vous choisi l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public et quelles autres options avez-vous envisagées? Tout détail sur cette décision sera le bienvenu.

Le président : Madame la ministre, nous allons faire une pause pour vous donner le temps de voter de nouveau. Je vous en prie.

Mme Freeland : Je vous remercie. Je répondrai point par point. J’estime que le Fonds de croissance du Canada est un élément important de la pyramide de notre politique industrielle verte. Vous avez de solides antécédents en affaires et en finances, sénateur Loffreda. J’espère que vous serez d’accord avec moi que, pour que la transition vers une économie verte se fasse à la vitesse et dans les proportions nécessaires, pour le climat et pour les emplois canadiens, nous devrons accorder des financements concessionnels — ce qui est le travail du Fonds de croissance du Canada. C’est le premier point.

La deuxième constatation est la suivante : pour bien fournir ce financement concessionnel, nous avions besoin de professionnels de l’investissement, c’est-à-dire de personnes qui possèdent une vaste expérience dans ce domaine et qui le font tous les jours. J’ai le plus grand respect pour les fonctionnaires d’Ottawa, mais ce n’est pas leur profession. Voilà pourquoi l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, qui réalise des investissements professionnels tous les jours, a été chargé de cette responsabilité. Je sais qu’il la prend au sérieux. Comme vous le savez, l’office est basé à Montréal. La semaine dernière, j’ai rencontré Deborah Orida, une professionnelle fantastique qui travaille à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public. Elle et son équipe se chargent de cette mission avec beaucoup d’enthousiasme. Ils considèrent qu’elle est axée sur des valeurs, qu’elle soutient le Canada et qu’elle agit sur le climat. En confiant cet investissement à l’office, les citoyens et le gouvernement du Canada auront accès à des investisseurs professionnels de classe mondiale qui feront travailler notre argent. Je pense que c’est une très bonne solution.

En ce qui concerne la rapidité — et je me souviens distinctement des préoccupations et des questions que les sénateurs ont légitimement soulevées — vous étiez avec moi lorsque le président Biden s’est adressé à nous et a parlé de ce point d’inflexion dans l’histoire et dans le monde. Je suis d’accord avec lui. Il est très important pour moi que le Canada ne reste pas à la traîne et qu’il saisisse l’occasion. Je vous suis reconnaissante du soutien que vous avez apporté à la mise en place de ces institutions le plus rapidement possible. Il est important que nous mettions les points sur les i pour nous assurer que les professionnels de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, qui réalisent ces investissements, disposent de toutes les autorisations législatives et de toute l’indépendance voulue. Nous faisons les choses correctement.

Comme je me suis entretenu avec Mme Orida la semaine dernière, je peux vous assurer qu’elle accorde toute l’attention voulue à cette mission, comme son équipe, et elles sont à la recherche d’occasions en ce moment même. Nous soutenons cette structure pour qu’elle soit efficace et qu’elle commence à agir.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.

Le président : Cinq nouveaux sénateurs sont venus à cette réunion. Je vous remercie infiniment de votre présence.

Madame la ministre, quand je regarde le temps que nous vous avons accordé pour voter, je pense que nous pouvons prendre quelques minutes supplémentaires en plus de notre première heure.

Mme Freeland : Tout à fait.

Le sénateur Cardozo : Bienvenue, madame la ministre. Je veux poser cette question à quelque 30 000 pieds d’altitude et parler du point d’inflexion auquel vous avez fait référence à plusieurs reprises. Je voudrais vous interroger sur les valeurs avec lesquelles nous composons, les valeurs avec lesquelles vous, comme ministre des Finances, et le gouvernement composez.

Parfois, la nécessité de faire des dépenses déficitaires n’est pas toujours mauvaise. Personne ne veut le faire, mais c’est parfois nécessaire. Je pense à ce que vous et votre gouvernement avez fait pendant la COVID. Vous avez vraiment aidé les Canadiens et vous avez accumulé un déficit considérable. Je pense aux incendies de forêt aujourd’hui, et j’entends de la part du gouvernement que vous êtes là pour aider. Cela va nous coûter cher, mais personne ne pense à la facture parce que vous devez le faire. Voilà pourquoi nous avons un gouvernement fédéral, pour faire ce genre d’interventions.

Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur les valeurs en jeu? Connaissez-vous le montant du déficit ou le montant des dépenses que nous avons effectuées? Il y a eu des programmes spéciaux concernant la COVID qui sont distincts du reste du déficit existant, et j’aimerais savoir ce que vous pensez de la nécessité de prendre ces mesures — de ce point d’inflexion. Si vous n’aviez pas effectué ces dépenses pendant la COVID, notre société serait beaucoup plus mal en point. Face à la polarisation des gens, quelles valeurs vous ont guidée?

Mme Freeland : Merci d’être ici. C’est un réel plaisir de vous parler dans votre rôle de sénateur. Merci pour votre travail.

Votre question est extrêmement importante. Si nous revenons sur les investissements que notre gouvernement a faits dans le cadre de la COVID, il est vrai qu’il s’agissait de beaucoup d’argent, mais c’était absolument la bonne chose à faire. J’ai regardé en arrière : le ministère des Finances a comparé la relance après la récession due à la COVID avec la relance après la récession beaucoup plus faible de 2008. Le contraste est frappant.

Après la récession liée à la COVID de 2020, le Canada a retrouvé son taux d’emploi d’avant la récession en 24 mois, soit en deux ans. Après la récession de 2008-2009, il a fallu 110 mois — soit neuf ans — pour que le Canada retrouve le taux d’emploi d’avant la récession. Aujourd’hui, le taux de chômage se situe à un creux historiquement de 5 %.

Je ne veux pas minimiser les difficultés auxquelles les Canadiens sont confrontés; elles sont vraiment importantes. Cependant, le fait que nous ayons pu retrouver une économie riche en emplois est très important pour le bien-être des gens. En effet, comme vous l’avez dit, nous avons évité ces écueils : grâce aux investissements que nous avons faits au cours de la COVID, nous avons évité de défigurer l’économie. Nous avons évité ces coupes profondes dans le muscle économique du Canada qui nous auraient affaiblis longtemps. Je pense que nous avons évité une polarisation sociale plus profonde.

Je pense que la COVID et la récession qu’elle a entraînée ont été traumatisantes malgré le soutien à l’économie, mais la situation aurait été bien pire si nous n’avions pas été en mesure d’apporter notre aide.

[Français]

La sénatrice Gerba : Bienvenue au comité, madame la ministre. Tout comme mon collègue vient de le dire, il faut reconnaître que le gouvernement a beaucoup aidé avec ses mesures durant la COVID-19 sur le plan du soutien financier, sur le plan personnel et auprès des entreprises.

Toutefois, selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, une PME sur cinq au pays, soit 250 000, risque de fermer ses portes en 2024 si Ottawa ne reporte pas la date limite de remboursement du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, la CUEC, qui arrive à échéance le 31 décembre 2023.

Je sais que vous avez déjà fait un premier report, mais seulement 10 % des entreprises bénéficiaires ont remboursé leur dû en date d’aujourd’hui.

Comment votre ministère, dans le cadre de ce projet de loi C-47, envisage-t-il d’aider les entreprises, les PME, qui sont vraiment des pourvoyeurs d’emplois dans notre pays?

Mme Freeland : Merci de votre question. J’ai discuté ce matin avec quelques députés du Québec. J’ai discuté de cette question il y a quelques semaines avec Dan Kelly, qui était avec moi à Brampton pour faire une annonce concernant les cartes de crédit et un allègement qu’on a réussi à créer aux taux que les PME doivent payer. Je veux vraiment remercier M. Kelly et son équipe pour leur travail avec nous.

Je suis d’accord avec vous : les PME sont la pierre angulaire de notre économie. On doit les appuyer. On était là pour eux pendant la pandémie. Je suis fière qu’on ait fait cela. Je sais qu’il y a cette idée qui a été lancée du côté des PME; on est en train de la considérer.

La seule chose que je vais ajouter, pour être honnête, c’est que oui, on comprend les difficultés et on veut aider tout le monde. En même temps, on est très conscient de l’équilibre que l’on doit trouver. On est conscient que la responsabilité fiscale est aussi un enjeu.

Toujours sur le plan personnel, le cœur de mon travail est de trouver un équilibre entre les investissements compatissants, les investissements dans l’économie et dans la transition verte qui sont nécessaires d’une part, et d’autre part, d’avoir une approche responsable du point de vue fiscal, de maintenir notre cote de crédit AAA. C’est important pour notre gouvernement.

Le président : Merci, madame la ministre.

[Traduction]

Ceci nous amène à la fin du temps dont nous avions convenu avec vous. Je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant passer au deuxième tour avec les fonctionnaires. Madame la ministre, avez-vous quelques commentaires?

Mme Freeland : Monsieur le président, me permettez-vous de voter rapidement avant de faire un commentaire? Est-ce que cela vous convient?

Le président : Parfaitement.

Mme Freeland : Merci beaucoup.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de répondre à vos questions. Je tiens à remercier sincèrement tout le monde pour son travail. Je sais que je n’ai pas pu vous satisfaire tous avec mes réponses, et je sais que nous ne sommes pas tous d’accord ici, mais j’apprécie trois choses dans cette conversation : la première est le professionnalisme et le sérieux de chaque personne ici présente. Je vous en suis reconnaissante, et je crois que les Canadiens vous sont reconnaissants.

Comme je l’ai dit à propos du dépôt automatique des déclarations de revenus, lorsque vous vous exprimez, nous vous écoutons attentivement et vous nous donnez de bonnes idées et de bons conseils en plus d’examiner minutieusement le projet de loi dont vous êtes saisis. Je vous en remercie énormément.

Deuxièmement, nous vivons une période où les gens remettent en question et contestent les institutions dans le monde entier, y compris au Canada. On s’interroge sur l’utilité de nos institutions traditionnelles. Nous avons besoin de nos institutions, et cela comprend le Sénat et nos assemblées législatives. Travailler sur la loi d’exécution du budget est une tâche énorme, mais vous avez aussi un impact qui dépasse cette tâche.

Enfin, en guise de reconnaissance, il est utile pour moi et pour les Canadiens d’avoir un groupe de personnes capables d’exprimer leur désaccord de manière polie et respectueuse et de scruter un projet de loi sous différents angles, car du moins de mon point de vue, cela aide les gens à comprendre à quel point il est difficile de trouver un équilibre.

Des sénateurs diront, en toute légitimité : « Souciez-vous de la responsabilité fiscale. » D’autres sénateurs, en toute légitimité, diront — la sénatrice Pate n’est pas là : « Vous devez vous assurer de vous concentrer sur les plus vulnérables. » D’autres encore diront : « Investissez-vous suffisamment dans la transition verte? »

Il est très utile et éclairant pour les Canadiens d’entendre ces questions dans le cadre d’une même discussion. Ils comprennent ainsi que chaque fois que nous prenons une décision — et certainement chaque fois que nous prenons une décision budgétaire — nous devons trouver l’équilibre entre des intérêts et des points de vue divergents. Merci beaucoup.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous allons continuer avec les représentants du ministère.

[Traduction]

On m’informe que chaque sénateur disposera de trois minutes et que, lorsque vous poserez votre question, le fonctionnaire chargé d’y répondre viendra à la table principale.

La sénatrice Marshall : Bienvenue, madame David. J’ai quelques questions techniques sur le Fonds de croissance du Canada.

L’an dernier, on nous a dit que le Fonds de croissance du Canada serait une filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada, la CDEV. Sur le site Web de cette société, on peut lire qu’une filiale a été créée, mais elle est maintenant rattachée à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public. Cela signifie-t-il que la CDEV n’est plus dans le coup? Dites-moi quelle est la relation.

Anne David, directrice principale, Investissements d’État et gestion des actifs, ministère des Finances du Canada : Je suis ici pour répondre à toutes vos questions sur le Fonds de croissance du Canada.

Je vous remercie de votre question sur le Fonds de croissance du Canada et ses relations avec la CDEV et l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public. Comme on l’a mentionné, le fonds a été créé en tant que filiale de la CDEV en décembre 2022. Aujourd’hui, le fonds demeure une filiale de la CDEV.

Dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé son intention de permettre à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public de gérer les actifs du Fonds de croissance du Canada. Cela signifie que le Fonds de croissance du Canada inc., la société qui est une filiale de la CDEV, continuera d’exister et possédera tous les actifs. Le fonds sera le client qui conclura une entente de gestion des placements avec l’office, qui constituera une filiale qui agira à titre de gestionnaire des placements de ces actifs du Fonds de croissance du Canada.

La sénatrice Marshall : Quelle est la fonction du règlement — publié dans la Gazette en décembre — qui soustrait le Fonds de croissance du Canada à l’application de l’article 91 de la Loi sur la gestion des finances publiques, et pourquoi est-ce le cas? Je connais cette fonction, mais je veux vous l’entendre dire officiellement. Ensuite, je veux savoir pourquoi cela a été fait.

Mme David : Merci pour ces questions.

Comme vous l’avez dit, un règlement a soustrait le Fonds de croissance du Canada à l’application de l’article 91 de la Loi sur la gestion des finances publiques afin que le fonds puisse effectuer certaines opérations sans l’approbation de la gouverneure en conseil. Cela avait pour but que le Fonds de croissance du Canada puisse faire certaines choses, comme constituer certaines filiales en société, afin d’avancer à la vitesse requise dans le monde des affaires.

La sénatrice Marshall : Pourquoi n’y a-t-il pas de disposition prévoyant la présentation de rapports au Parlement? Le Parlement approuve les crédits — il devrait y avoir une sorte de mécanisme de reddition de comptes au Parlement, mais aucune disposition ne prévoit la production d’un document de reddition de comptes.

Mme David : Je vous remercie à nouveau pour votre question. Comme vous l’avez dit, le Fonds de croissance du Canada est une filiale de la CDEV qui est elle-même une société d’État appartenant à la ministre des Finances. En tant que société d’État, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, la CDEV est tenue de rendre compte au Parlement. Cela comprend des choses comme la présentation de rapports annuels sur ses activités et celles de toutes ses filiales, y compris le Fonds de croissance du Canada, ainsi que la production de résumés du plan opérationnel qui sont déposés au Parlement et de rapports trimestriels qui sont rendus publics.

La sénatrice Marshall : Cette exemption de l’article 91 de la Loi sur la gestion des finances publiques signifie-t-elle que les renseignements sur les investissements individuels et les noms des sociétés peuvent toujours être communiqués dans le rapport annuel au Parlement, ou cela sera-t-il interdit?

Mme David : Merci pour cette question. La communication des noms de sociétés ne sera pas interdite. Les rapports annuels et les résumés du plan organisationnel seront fournis avec le même niveau de détail et d’information que ce que l’on attendrait normalement d’un fonds d’investissement indépendant réalisant un grand nombre d’investissements.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Moncion : Mes questions concernent le financement des activités terroristes et la modification au Code criminel. À l’heure actuelle, en vertu de quel pouvoir les forces de l’ordre procèdent-elles au gel ou à la saisie de biens numériques et de quelle manière la mesure proposée soutient-elle ou augmente-t-elle ses pouvoirs?

[Traduction]

Me Mark Scrivens, avocat-conseil, Secteur des politiques, Direction de la mise en œuvre des politiques, ministère de la Justice du Canada : Je m’appelle Mark Scrivens, de la Section des politiques de droit pénal au ministère de la Justice, et je remplace un collègue qui a des problèmes de santé à cause de la fumée. Je viens d’arriver, mais je peux tenter de répondre. Veuillez répéter la question.

[Français]

La sénatrice Moncion : À l’heure actuelle, en vertu de quel pouvoir les forces de l’ordre procèdent-elles au gel ou à la saisie de biens numériques et de quelle manière la mesure proposée soutient-elle ou augmente-t-elle ses pouvoirs?

[Traduction]

Me Scrivens : Essentiellement, les modifications viseraient à étendre aux biens numériques les dispositions en vigueur relatives à la saisie de biens, avec les ajustements nécessaires selon la technologie utilisée dans les biens virtuels ou numériques. Tous les pouvoirs et attributions conférés actuellement aux forces de l’ordre pour la saisie de biens liés aux produits de la criminalité seraient étendus aux biens virtuels.

La sénatrice Moncion : À quelle fréquence les policiers utilisent-ils cette mesure, ou ont-ils demandé à ce qu’elle soit ajoutée?

Me Scrivens : C’est de plus en plus fréquent. Les biens virtuels sont le mécanisme le plus courant par lequel les criminels tirent profit d’attaques au rançongiciel, par exemple.

Le plus souvent, les biens virtuels ont la faveur des criminels qui cherchent à escroquer des gens parce qu’ils pensent qu’ils peuvent les transférer rapidement, souvent hors du Canada.

La sénatrice Moncion : Le temps file très vite dans le système financier, donc ce serait toujours après coup.

Me Scrivens : Il ne fait aucun doute qu’il y a des limites.

Le sénateur Smith : Fabien Lefebvre, de Transports Canada, est-il ici? Bienvenue. C’est comme la Société des Nations. Nous n’avons jamais eu autant de monde ici.

Nous examinons la section 22 de la partie 4 du projet de loi qui porte sur l’interconnexion élargie.

Fabien Lefebvre, directeur exécutif par intérim, Opération plan de protection des océans, Transports Canada : Je ne suis pas la bonne personne pour cette question. Cependant, quelqu’un ici présent peut répondre à cette question, monsieur.

Le sénateur Smith : Y a-t-il quelqu’un dans l’autre pièce? Je tiens vraiment à parler d’un sujet maintenant. Ce sera une question brève.

La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse à Mme David. La section 32 de la partie 4 du projet de loi permet à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public de gérer les actifs du Fonds de croissance du Canada. Cependant, dans un rapport récent, selon Shift : Action for Pension Wealth and Planet Health, l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public est l’un des seuls grands gestionnaires de pensions au Canada qui ne s’est pas encore engagé à devenir carboneutre d’ici 2050, conformément à la loi que nous avons récemment adoptée. L’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public continue d’investir l’épargne-retraite des fonctionnaires fédéraux dans des entreprises de combustibles fossiles qui n’ont pas d’autre voie crédible ou rentable vers la décarbonisation que l’élimination progressive. En outre, ce rapport révèle qu’un administrateur de l’Impériale siège simultanément au conseil d’administration de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, ce qui crée un conflit d’intérêts évident.

Compte tenu de tous ces enjeux, êtes-vous en train de créer les conditions pour que le Fonds de croissance du Canada éprouve des problèmes? Allez-vous examiner ces conflits d’intérêts potentiels avant de lui conférer le pouvoir d’investir dans l’énergie propre et les énergies renouvelables propres?

Je vous remercie.

Mme David : Merci beaucoup pour ces questions.

Elles sont nombreuses, sénatrice. En ce qui concerne l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public et sa gestion des actifs du Fonds de croissance du Canada, l’office établira une filiale du fonds, qui mettra sur pied un comité d’investissement. Ce dernier sera composé de plusieurs membres qui prendront des décisions d’investissement indépendantes pour le Fonds de croissance du Canada sur la base des objectifs stratégiques du fonds : construire l’économie propre du Canada et investir en vue de réaliser des objectifs comme la carboneutralité. Pour être claire, la croissance sera gérée de manière indépendante et en fonction de ces objectifs stratégiques qui sont particulièrement axés sur le climat.

En ce qui concerne la gestion des conflits d’intérêts, le Fonds de croissance du Canada et l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public seront assujettis à des dispositions strictes en la matière afin d’éviter tout conflit entre, par exemple, les responsabilités de l’Office et du Fonds et l’objectif de l’Office et de sa filiale de gérer les actifs du Fonds de croissance du Canada conformément aux objectifs du Fonds.

Je vous remercie.

La sénatrice Galvez : Merci.

Le président : Sénateur Smith, le fonctionnaire qui répondra à votre question est maintenant disponible.

Le sénateur Smith : Monsieur Dei, je vous remercie d’être venu. Je n’avais pas pris conscience du nombre de personnes qui venaient nous voir aujourd’hui.

J’aimerais parler de Transports Canada et de la section 22 de la partie 4 du projet de loi concernant l’interconnexion élargie. Je pense que c’est un sujet brûlant. Selon l’Association des chemins de fer du Canada, votre ministère a donné l’assurance à l’industrie, dans le cadre de la Table sur la chaîne d’approvisionnement des produits de base en 2022, que les répercussions de l’interconnexion élargie seraient pleinement évaluées et que les chemins de fer seraient consultés si le gouvernement décidait d’apporter cette modification.

Votre ministère a-t-il consulté les chemins de fer avant que ces modifications ne soient incorporées dans le projet de loi C-47?

Joel Dei, directeur, Analyse des politiques ferroviaires et Initiatives législatives, Transports Canada : Merci pour cette question.

Nous avons discuté avec les chemins de fer des mérites de l’interconnexion élargie et du fait qu’elle avait été ciblée dans le rapport du Groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement parmi ses recommandations, ainsi que du fait que le gouvernement était tenu de répondre à ce rapport. Dans le cadre de ce projet pilote, et il s’agit bien d’un projet pilote, le gouvernement a la possibilité d’analyser les mérites de cette initiative et d’en saisir l’impact et l’efficacité lors de l’élaboration d’une solution à plus long terme pour les mesures favorisant l’accès concurrentiel, ce dont il s’agit.

Le sénateur Smith : Avant le dépôt du projet de loi C-47, votre ministère a-t-il entrepris une évaluation complète des implications de l’élargissement des limites d’interconnexion?

M. Dei : Nous savons que cela avait été fait de 2014 à 2017, et ces travaux ont guidé une partie de la réflexion. Cependant, comme je l’ai dit plus tôt, il s’agit d’un projet pilote à court terme dont les paramètres sont établis et qui nous donne l’occasion d’évaluer son efficacité et ses répercussions sur la fluidité, la résilience et l’efficacité du réseau ferroviaire pour les expéditeurs canadiens.

Le sénateur Smith : La proposition contenue dans le projet de loi C-47 se limite à un projet pilote de 18 mois, comme vous le savez. J’essaie de comprendre ce que le gouvernement tente d’accomplir cette fois-ci qui diffère des tentatives précédentes d’élargir les limites d’interconnexion réglementées.

M. Dei : Merci pour votre question. Oui, c’est exact. Cela a été fait de 2014 à 2017. De plus, dans le cadre des consultations du Groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement auprès de diverses parties prenantes, l’une des recommandations qu’il a formulées dans son rapport était d’élargir les limites d’interconnexion, reconnaissant qu’il y a encore des préoccupations concernant le manque d’options concurrentielles pour déterminer les meilleurs tarifs, le meilleur service et le meilleur rendement au Canada. Je le répète, ce projet pilote nous offre une autre occasion d’examiner cette solution dans une approche fondée sur des données probantes afin de déterminer quelles devraient être nos solutions à long terme en ce qui concerne les mesures favorisant l’accès concurrentiel au Canada.

Le sénateur Smith : Allez-vous assurer un suivi approprié auprès des membres de l’Association des chemins de fer du Canada afin de surveiller les progrès continus de cette intervention et de déterminer, à un moment donné, si c’est la bonne chose à faire ou si nous devrions revenir à l’autre système? Des gens se plaignent du fait que cela pourrait nuire à la position concurrentielle — le débat sur le sujet est plus animé du côté des Canadiens de l’Ouest que du côté des Canadiens de l’Est. Qu’en pensez-vous?

M. Dei : C’est une excellente question. Nous avons proposé à toutes les parties prenantes, aux exploitants de chemin de fer et aux expéditeurs, l’idée qu’il est important de travailler ensemble pour discuter des mesures et des données potentielles afin de guider notre évaluation de cette proposition. Cette offre s’adresse aussi aux chemins de fer, et elle a été communiquée.

La sénatrice Duncan : Veuillez m’excuser de ne pas avoir été présente lorsque tout le monde a été présenté.

Ma question s’adresse à M. Countryman, le directeur général des Relations fédérales-provinciales au ministère des Finances du Canada. Plus tôt cet après-midi, j’ai interrogé la ministre des Finances au sujet des augmentations du financement fédéral — prévues dans le projet de loi C-46 — destinées aux provinces et aux territoires en ce qui concerne le Transfert canadien en matière de santé. En tant que sénatrice représentant les minorités, je m’intéresse particulièrement à la responsabilité du Canada de fournir des services de santé — et de les payer — aux Autochtones du Canada et au personnel des Forces armées canadiennes. J’ai interrogé la ministre sur l’augmentation du financement et elle m’a assurée d’une augmentation du financement des soins de santé pour les Autochtones et le personnel des Forces armées canadiennes. Toutefois, je n’ai pas eu l’occasion de lui poser la question suivante — et j’aimerais qu’elle soit consignée au compte rendu : des critères de référence ont été établis pour cette augmentation du Transfert canadien en matière de santé, d’après ce que nous savons publiquement. Nous ne connaissons pas ces critères. Existe-t-il des critères de référence pour l’augmentation du financement des services de santé destinés aux Autochtones et au personnel des Forces armées canadiennes?

Galen Countryman, directeur général, Division des relations fédérales-provinciales, ministère des Finances du Canada : Merci pour cette question. Dans l’enveloppe des investissements fédéraux dans les soins de santé prévus dans le budget de 2023, un financement de 2 milliards de dollars est accordé au Fonds d’équité en santé autochtone. À l’heure actuelle, il incombe à Santé Canada de diriger ce fonds en collaboration avec le ministère des Services aux Autochtones du Canada, et le ministère consulte les Premières Nations, les Métis et les Inuits parce que la mise en œuvre et l’exploitation de ce fonds seront fondées sur des distinctions.

D’autres investissements complémentaires sont prévus. J’écoutais dans l’autre salle lorsque vous avez interrogé la ministre à ce sujet. Des contributions complémentaires étaient prévues dans les derniers budgets pour des choses comme le programme des services de santé non assurés. Si vous retournez consulter les récents budgets, vous verrez qu’ils prévoyaient des investissements dans la santé des Autochtones.

En ce qui concerne les critères de référence, l’enveloppe fédérale pour la santé prévoit un fonds de 25 milliards de dollars dans le cadre d’accords bilatéraux qui, encore une fois, seront dirigés par Santé Canada à un haut niveau. Les provinces et les territoires concluront un accord avec le gouvernement fédéral pour fixer les objectifs à réaliser avec ce financement. Ce critère est commun dans tous les cas : obtenir de meilleures données et un meilleur suivi des indicateurs de santé communs afin que le pays, dans son ensemble, dispose de meilleurs renseignements sur les résultats en matière de santé et l’accès aux soins de santé.

La sénatrice Duncan : Comment les services de santé destinés au personnel des Forces armées canadiennes et aux Autochtones — dans l’ensemble du pays — seront-ils pris en compte dans ces critères de référence applicables au financement accordé aux provinces? Les provinces fournissent les services, mais c’est le Canada qui paie. Comment les Canadiens peuvent‑ils être certains que tout le monde au Canada est en mesure d’accéder au même niveau de soins de santé?

M. Countryman : C’est une bonne question. Ce serait une question pour Santé Canada dans le cadre de l’établissement de ces accords bilatéraux avec les provinces et les territoires, à moins qu’ils n’élaborent ces indicateurs en collaboration avec eux par rapport à la répartition par population, sous-population, et cetera, ainsi que la façon dont ils vont le faire, et ce qui est disponible.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’appelle à la barre des témoins M. Joël Girouard, du Bureau du Conseil privé.

Monsieur Girouard, le Bureau du Conseil privé — vous me corrigerez si je me trompe — est le ministère du premier ministre. À titre informatif, pouvez-vous nous donner un aperçu des dépenses globales du Bureau du Conseil privé et nous parler des augmentations des dépenses, année après année, depuis environ cinq ans?

Joël Girouard, agent principal du Conseil privé, Appareil gouvernemental, Bureau du Conseil privé : Merci pour la question.

Je crois que quelqu’un d’autre pourrait peut-être répondre à ces questions; je suis ici précisément pour répondre à des questions concernant la Loi sur les titres royaux.

Le sénateur Dagenais : On va changer de témoin, alors.

J’appelle à la barre des témoins M. Colin Stacey, de Transports Canada. Bonjour, monsieur Stacey.

Monsieur Stacey, les représentants des compagnies aériennes que nous avons reçus à ce comité ont été très critiques envers les nouveaux frais qui s’appliqueront directement aux voyageurs et ils sont inquiets face à ce qu’ils croient être un manque d’investissements directs pour une meilleure sécurité et une meilleure fluidité des voyageurs.

Pouvez-vous nous éclairer sur l’utilisation des nouvelles sommes que ce budget va vous permettre de recueillir?

Colin Stacey, directeur général, Politique aérienne, Transports Canada : Merci de me donner l’occasion d’être ici présent.

Malheureusement, sénateur, je ne suis pas en mesure de parler de l’application des frais. Je pense que vous parlez peut-être de certains coûts qui figuraient dans le budget. À titre de fonctionnaire de Transports Canada, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, car les décisions quant à l’application de certains frais au secteur aérien ou dans d’autres secteurs ne sont pas prises par Transports Canada.

Le sénateur Dagenais : Parfait.

J’appelle à la barre des témoins les fonctionnaires représentant Emploi et Développement social Canada. Qui est l’heureux élu pour représenter ce ministère?

Le président : Sénateur Dagenais, pouvez-vous préciser à quelle partie vous faites référence?

Le sénateur Dagenais : Ma question concerne les crédits de TPS pour les Canadiens qui y sont admissibles.

Le président : Est-ce que quelqu’un serait à l’autre endroit?

Le sénateur Dagenais : Je ne gagnerai pas ma cause aujourd’hui. Mon procès ne va pas bien, Votre Honneur.

Le président : Posez une question à un autre témoin, sénateur Dagenais.

Le sénateur Dagenais : Votre Honneur, je suis obligé de décliner votre offre; je n’ai plus de témoins. Je vais donc donner la chance à un autre sénateur.

Le président : D’une manière ou d’une autre, nous pouvons dire que les fonctionnaires ici présents sont des professionnels.

Le sénateur Dagenais : Oui, tout à fait.

Le président : Je donne maintenant la parole au parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Ma question porte sur le secteur du minage des biens numériques et sur les nouvelles règles relatives à la TPS/TVH pour les activités de minage de cryptoactifs énoncées dans la partie 2 du projet de loi C-47.

Le président : Est-ce qu’un fonctionnaire pourrait s’approcher du microphone et nous faire ses commentaires?

Le sénateur Loffreda : Quelqu’un pourrait-il répondre à ma question sur la poursuite des consultations avec le secteur du minage de cryptoactifs. Non? Très bien, je vais poser une autre question. Ma prochaine question porte sur la Corporation d’innovation du Canada.

Monsieur Reade, j’aimerais prendre un moment pour attirer notre attention sur la section 7 de la partie 4 du projet de loi concernant la Corporation d’innovation du Canada. C’est une excellente initiative. Je suis heureux de constater que la corporation sera dirigée par des experts du secteur privé et qu’elle fonctionnera à la vitesse du milieu des affaires.

Je suis heureux que la corporation puisse compter sur des transferts législatifs annuels qui assureront sa constance et sa stabilité opérationnelle. Je suis conscient que la Corporation devra présenter des rapports annuels au Parlement, y compris des renseignements sur chaque programme qu’elle élabore, met en œuvre ou administre.

Toutefois, comme notre Comité des banques l’a suggéré, le gouvernement ou les fonctionnaires du ministère des Finances seraient-ils disposés à évaluer la Corporation d’innovation du Canada trois ans après sa création afin de déterminer si elle a réussi à remplir son mandat, puis à publier les résultats de cette évaluation approfondie dans son rapport annuel? Par ailleurs, un calendrier pourrait-il être établi pour la formation du conseil d’administration, la nomination d’un ou d’une PDG et l’embauche d’employés? Quelles discussions ont eu lieu à ces égards et quand pouvons-nous nous attendre à voir l’argent sortir de la Corporation?

Greg Reade, directeur général, Direction du développement économique, ministère des Finances du Canada : Merci beaucoup pour cette série de questions, et c’est bien noté dans les rapports au Parlement. Vous avez tout à fait raison; des parties du projet de loi assurent la présentation de ce que nous pensons être des rapports très solides.

En ce qui concerne votre suggestion de présenter un rapport d’évaluation, je ne suis pas sûr de pouvoir m’y engager aujourd’hui, mais je peux confirmer que l’intention existe — y compris sous l’effet de dispositions du projet de loi et du plan directeur qui a été rendu public — selon laquelle l’un des principaux mandats de la corporation est de tester des programmes afin de trouver les moyens les plus efficaces de remplir le mandat, soit de maximiser l’investissement des entreprises et le développement de la recherche dans toutes les régions et tous les secteurs du pays afin de favoriser la croissance économique. Je pense qu’il s’agit d’une attente raisonnable et qu’elle sera certainement reprise de plusieurs façons, que ce soit dans trois ans, plus tôt, plus tard ou en permanence. C’est une très bonne suggestion.

Vous avez soulevé la question de l’échéancier pour la nomination au poste de PDG, à la présidence du conseil d’administration et des membres du conseil d’administration — c’est le sujet de la plupart des travaux en cours. Nous sommes au cœur d’un processus où nous espérons commencer à identifier des candidats compétents et à nous réunir à très court terme avec l’objectif d’annoncer le ou la présidente, puis le ou la PDG au cours de l’été. Si tout se met en place et nous pouvons travailler avec les candidats en fonction de leur disponibilité, nous espérons que nous aurons un plan raisonnable en place.

En ce qui concerne le décaissement du budget, il s’agit probablement de la deuxième priorité sur notre liste. Nous avons des fonds cette année. Nous travaillons en étroite collaboration avec plusieurs experts en programmes pour comprendre ce que nous pouvons faire. Bien sûr, il s’agit d’une nouvelle société. Nous n’avons pas encore de systèmes en place, mais nous pensons qu’il y a des moyens de tirer parti des systèmes existants — éventuellement en passant par d’autres programmes — pour fournir des fonds au nom de la Corporation d’innovation du Canada. Nous essayons de faire preuve d’innovation pour faire en sorte que ces fonds soient débloqués en vue de réaliser l’objectif important qu’ils sont censés réaliser. J’espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Loffreda : Oui, merci beaucoup.

Ma prochaine question s’adresse à M. Stacey. En ce qui concerne les droits des passagers aériens, j’ai une question sur la section 23 et les modifications proposées à la Loi sur les transports au Canada afin de renforcer les droits des passagers aériens et de simplifier le processus d’administration des plaintes relatives au transport aérien.

Lorsque le Conseil national des lignes aériennes du Canada, le CNLA, a comparu devant nous la semaine dernière, il a soulevé certaines préoccupations concernant le futur règlement. Il souhaite notamment s’assurer que le respect de la sécurité est le principe directeur principal lors de la définition des exemptions auxquelles les transporteurs aériens peuvent prétendre en matière d’indemnisation au-delà du remboursement et de l’obligation de diligence. Dans un mémoire de suivi, nous avons reçu une liste de circonstances que le CNLA juge extraordinaires. Dans un mémoire que nous avons reçu ce matin, NAV CANADA affirme aussi que les décisions relatives à la sécurité entraînant des retards ou des annulations par tout intervenant du système, y compris les transporteurs aériens, devraient continuer à être soustraites aux exigences en matière d’indemnisation. Je n’ai aucun doute que la sécurité sera toujours la priorité absolue du gouvernement. Le CNLA a également soulevé la question du partage des responsabilités et de l’obligation de rendre compte entre toutes les entités de l’écosystème du transport aérien. Cependant, NAV CANADA demande à être soustraite à toute attribution de responsabilité financière pour les remboursements ou les indemnisations.

Cela dit, pouvez-vous nous parler des prochaines étapes qui suivront la sanction royale du projet de loi C-47, et des discussions que vous aurez avec les parties intéressées au cours du processus de réglementation? Le gouvernement a-t-il travaillé sur la liste des circonstances extraordinaires que le CNLA demande? Qu’en est-il de l’idée d’une responsabilité partagée entre toutes les parties prenantes du secteur?

Colin Stacey, directeur général, Politique aérienne, Transports Canada : Merci beaucoup pour ces questions. Je soulignerai d’emblée que les modifications apportées à la Loi sur les transports au Canada en ce qui concerne les droits des passagers reposent sur un nouveau régime mis en place à la fin de l’année 2019, qui a été soumis à un énorme test de résistance dans le cadre de la crise liée à la COVID-19, laquelle a révélé certains domaines susceptibles d’être améliorés.

Parmi ces domaines, une plus grande simplification et une plus grande précision en ce qui concerne les obligations, ainsi que des améliorations du processus de traitement des plaintes, le cas échéant, ont été identifiées. Une partie du défi que nous avons reconnu est la suivante : dans le système actuel, dans la procédure d’indemnisation des passagers — en cas de retards et d’annulations — il appartient effectivement aux transporteurs de déterminer si un problème ou un incident était sous leur contrôle ou non, ou s’il était dû à la sécurité. En conséquence, ils peuvent décider de ne pas verser d’indemnisation, auquel cas le passager peut déposer une plainte auprès de l’Office des transports du Canada.

Nous sommes en train de simplifier le processus et de l’harmoniser davantage, par exemple, avec la situation en Europe où il n’appartient pas aux transporteurs de déterminer si un incident est lié à la sécurité ou s’il dépend d’eux. Les transporteurs européens y assument plutôt un plus lourd fardeau de preuve et de responsabilité en cas de demandes d’indemnisation — à moins qu’une situation s’inscrivant dans une liste très précise de circonstances exceptionnelles leur permette de refuser cette indemnisation. C’est l’essence même de la modification.

Vous avez posé des questions sur la liste, sur ce qui y figurerait ou non. Il serait malavisé de ma part d’en parler à ce stade.

Vous avez demandé quelles seraient les prochaines étapes. La prochaine étape serait que, dans le cadre d’un processus réglementaire, l’Office des transports du Canada élabore un règlement et dresse, par exemple, la liste explicite des circonstances exceptionnelles qui permettraient à un transporteur de ne pas accorder d’indemnisation dans des circonstances données. Il sera possible de préciser à ce stade le contenu de cette liste. L’office s’en chargera, vraisemblablement dès que le projet de loi aura reçu la sanction royale.

Votre autre question portait sur le partage des responsabilités. Nous avons notamment entendu les transporteurs s’exprimer sur ce point — le Règlement sur la protection des passagers aériens, dans sa version actuelle et telle que des règlements similaires s’appliquent dans d’autres pays, cible particulièrement les entités qui ont une relation commerciale directe avec les passagers, c’est-à-dire les transporteurs eux-mêmes. Cela dit, nous sommes conscients des préoccupations des transporteurs.

Le sénateur Loffreda : Merci beaucoup.

Le président : Merci, monsieur Stacey.

La sénatrice Duncan : Ma question porte sur la section 14 de la partie 4 du projet de loi. Il s’agit de la communication en temps opportun de renseignements sur les décès à Emploi et Développement social Canada. Quelqu’un peut-il répondre à cette question?

Stéphanie Brodeur, directrice par intérim, Équipe des Politiques et partenariats, Direction générale des services d’intégrité, Emploi et Développement social Canada : Oui, je peux répondre à la question. Je m’appelle Stéphanie Brodeur. Je suis la directrice par intérim de l’équipe des Politiques et partenariats à la Direction générale des services d’intégrité d’Emploi et Développement social Canada.

La sénatrice Duncan : Merci beaucoup. Pour mes collègues qui ne l’auraient pas en main, la section 14 de la partie 4 du projet de loi porte sur la communication à Emploi et Développement social Canada en temps opportun de renseignements sur les décès. Cette partie de la loi d’exécution du budget propose de permettre à Emploi et Développement social Canada — lorsqu’il verse des prestations de décès — d’avoir accès aux numéros d’assurance sociale. Elle confère à la ministre de l’Emploi et du Développement social le pouvoir de collecter et d’utiliser le numéro d’assurance sociale aux fins de l’administration efficace de tout programme relevant de sa responsabilité.

Ce pouvoir peut se révéler très utile pour le ministère. C’est la protection de la vie privée qui me préoccupe. Si Emploi et Développement social Canada travaille avec l’Agence du revenu du Canada, l’ARC, et dispose du numéro d’assurance sociale d’une personne, se peut-il qu’il détermine s’il y a des prestations en suspens qui ont également été accumulées pour la personne décédée? Ou, à l’inverse, que se passe-t-il si l’ARC déclare qu’une personne doit des impôts? Cela a-t-il une incidence sur la prestation de décès qui est versée parce que le ministère a maintenant accès au numéro d’assurance sociale?

Mme Brodeur : Merci pour ces questions. Les modifications apportées à la loi visent à combler une lacune au sein du ministère, où certains de nos programmes n’ont actuellement pas accès aux renseignements relatifs au décès qui figurent dans le Registre d’assurance sociale. Il n’y a pas d’autres communications d’information à d’autres ministères. En ce qui concerne l’ARC, ces modifications législatives n’autoriseraient aucune communication de renseignements supplémentaires. Il s’agit de garantir que, conformément à la Loi sur le point de service principal du gouvernement du Canada en cas de décès, Emploi et Développement social Canada est ce principal point de service avec les programmes pour des raisons d’intégrité et pour éviter que les clients ne signalent plusieurs fois au même ministère le décès d’un être cher, et que nous sommes en mesure de communiquer les renseignements relatifs aux décès au sein du ministère.

Cela dit, cette modification confère à la ministre le pouvoir de collecter les numéros d’assurance sociale, mais chaque programme qui a besoin de le faire doit se soumettre à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. Les mêmes règles que celles qui sont actuellement en vigueur s’appliqueront toujours.

La sénatrice Duncan : Le projet de loi comporte-t-il des garanties pour s’assurer que cette information ne sera pas communiquée par inadvertance, et que la personne qui la fournit n’entende pas parler d’autres sommes d’argent dues à l’État? À l’inverse, le numéro d’assurance sociale pourrait peut-être nous permettre de déterminer si des prestations antérieures sont dues à une personne. Des garanties sont-elles prévues?

Mme Brodeur : Le ministère est toujours assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Ces deux lois prévoient des garanties en ce qui a trait à la divulgation de l’information, ce qui limite la communication d’information.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie.

Le sénateur Cardozo : J’ai trois questions brèves. J’espère que nous pourrons toutes les traiter.

Ma première question s’adresse à Lindy VanAmburg de Santé Canada, ma deuxième à Rachel Pereira du Bureau du Conseil privé et ma troisième à Peter Christensen d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC.

Merci à tous ceux qui sont ici. Nous vous demandons beaucoup de temps, mais l’une des choses qui me frappent vraiment, c’est que nous — au Sénat — nous occupons de ces politiques, et le ou la ministre s’occupe de ces politiques, mais vous êtes les véritables artisans qui font bouger les choses et qui participent à un nombre énorme de négociations, de discussions et de contacts avec les provinces, les territoires, les parties prenantes, et tout ce genre de choses. Je suis sûr que tous les Canadiens voudraient vous remercier pour tout ce que vous faites.

Madame VanAmburg, la nouvelle loi dont vous parlez à la section 29 est la Loi sur les mesures de soins dentaires. En quoi est-elle différente de la politique annoncée il y a un an? Si je me souviens bien, le gouvernement a élaboré cette politique et l’a mise en place au début — et voici la loi. Est-elle différente de ce qui a été annoncé il y a un an?

Lindy VanAmburg, directrice générale, Politiques et programmes, Groupe de travail sur les soins dentaires, Santé Canada : Il y a deux volets différents. L’an dernier, une loi est entrée en vigueur, la Loi sur la prestation dentaire, qui a été adoptée et qui a créé la prestation dentaire provisoire du Canada pour les enfants de moins de 12 ans. Je pense que c’est à cela que vous faites référence.

Cette prestation est opérationnelle. Aux dernières nouvelles, plus de 300 000 enfants en ont bénéficié, en date de la semaine dernière. Nous en sommes très fiers. Il s’agit d’une mesure provisoire qui prendra fin en juin 2024.

La Loi sur les mesures de soins dentaires, qui est incluse dans ce projet de loi, jette les bases du régime canadien de soins dentaires à long terme, qui sera mis en place et ouvert à tous les Canadiens — non assurés — dont le revenu annuel est inférieur à 90 000 $. C’est l’une des choses que nous avons apprises en travaillant sur cette politique : bien que l’intention soit de cibler ceux qui ne sont pas assurés — et la plupart des Canadiens obtiennent leur assurance par l’intermédiaire de leur employeur ou dans le cadre de leur pension — il n’y a pas de moyen de savoir qui a une assurance ou non. Cette mesure obligerait les employeurs à commencer à communiquer ces renseignements sur les feuillets T4 et T4A. Ils devront indiquer s’ils offrent une couverture à l’employé ou au retraité, ainsi qu’à sa famille, afin que le gouvernement dispose d’un moyen fiable de savoir si une personne est assurée dans le cadre de l’administration du régime à long terme.

Il s’agit de deux textes législatifs différents, qui concernent tous deux les soins dentaires.

Le sénateur Cardozo : Y a-t-il une limite d’âge, et à quel moment la loi entrera-t-elle en vigueur?

Mme VanAmburg : Il n’y a pas de limite d’âge. Il s’agit d’un programme fondé sur le revenu. Tant que votre revenu familial net ajusté est inférieur à 90 000 $, vous pourriez être admissible si vous n’avez pas d’autre assurance.

Le budget indique que les premiers bénéficiaires du régime à long terme commenceront à participer au programme à la fin de 2023.

Le sénateur Cardozo : Cela s’imbrique donc avec la politique actuelle qui sera progressivement éliminée.

Mme VanAmburg : Oui, il n’y aura pas de chevauchement pour les enfants dans le régime à long terme, mais les enfants seront éventuellement admissibles au régime à long terme lorsque ce sera leur tour de s’inscrire.

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.

Madame Pereira, en ce qui concerne la Loi électorale du Canada, vous parlez de la création d’un régime national, uniforme et exclusif. N’était-ce pas déjà le cas, et qu’ajoutons‑nous ici?

Rachel Pereira, directrice, Institutions démocratiques, Bureau du Conseil privé : Merci pour cette question. Le projet de loi établit les exigences en matière de protection de la vie privée qui sont actuellement imposées aux partis politiques fédéraux comme condition d’inscription en vertu de la Loi électorale du Canada. Cela devient le nouveau régime de protection de la vie privée pour les partis politiques fédéraux à la grandeur du Canada, peu importe l’endroit où les partis exercent leurs activités.

Le sénateur Cardozo : Lorsque vous présentez une modification comme celle-ci — le temps est-il écoulé?

Le président : Une dernière question, s’il vous plaît.

Le sénateur Cardozo : M. Christensen est-il disponible?

Peter Christensen, directeur adjoint, Politique et programmes sociaux et discrétionnaires, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Oui, je me suis joint à vous par vidéoconférence, monsieur le sénateur.

Le sénateur Cardozo : C’est bien. Je vais vous poser rapidement une question. La Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté existe depuis un certain temps. Qu’est-ce qui justifie ces modifications à la loi?

M. Christensen : Merci beaucoup pour votre question.

Je vais commencer par me présenter. Je m’appelle Peter Christensen. Je suis directeur adjoint à la Direction générale de la politique et des programmes sociaux et discrétionnaires à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Pour répondre à votre question, comme vous l’avez souligné, la loi est en vigueur depuis 2019. Le collège a ouvert ses portes en 2021, exerçant son rôle de réglementation des consultants en immigration et en citoyenneté dans l’intérêt public, conformément à la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté.

Depuis lors, IRCC et le collège ont répertorié des domaines dans lesquels la loi pourrait être améliorée dans toute sa portée — notamment le processus de plaintes et de mesures disciplinaires du collège, et l’octroi aux personnes qui travaillent pour le collège d’une immunité pour les actes accomplis de bonne foi. En fait, la loi pourrait être améliorée dans une série de domaines différents.

Au cours des activités que le collège a menées en tant qu’organisme de réglementation et dans son travail en collaboration avec IRCC, ces domaines particuliers d’amélioration sont devenus évidents. En conséquence, nous avons entrepris de chercher à apporter ces amendements afin d’améliorer le fonctionnement du collège par la voie législative.

Le président : Nous allons conclure avec une dernière question.

La sénatrice Marshall : J’ai une brève question à poser aux fonctionnaires du ministère des Finances. Je crois avoir vu M. Wu à l’écran un peu plus tôt.

En ce qui concerne la dette, quelqu’un peut-il me donner un chiffre plus récent concernant la dette du gouvernement, plus la dette de toutes les sociétés d’État, conformément à la loi autorisant certains emprunts?

James Wu, directeur général, Division de la gestion des fonds, ministère des Finances du Canada : Oui, j’ai le chiffre. Je vérifie dans mes notes.

La sénatrice Marshall : C’est au 31 mars 2023.

M. Wu : Rien n’a encore été rendu public.

La sénatrice Marshall : C’est pourquoi je pose la question.

M. Wu : Cependant, je suis heureux de vous fournir le chiffre. Je veux m’assurer que j’ai le bon avant de me lancer.

Soyez patiente pendant une seconde — mes excuses. Je vais regarder dans mes notes. Je serai heureux de vous donner le chiffre quand je l’aurai trouvé.

La sénatrice Marshall : Je vous en prie.

Pourquoi est-il si difficile de trouver ce chiffre? Je peux trouver le chiffre pour le gouvernement — le gouvernement central — mais il est difficile de trouver les emprunts de toutes les sociétés d’État, car je pense qu’ils sont divulgués tous les trois ans et non annuellement, n’est-ce pas?

M. Wu : Merci pour cette question. Nous les divulguons en fait tous les ans. Cela suit le processus des comptes publics, car comme vous le comprendrez, les emprunts faits au titre de la Loi autorisant certains emprunts comprennent les emprunts de la Couronne.

La sénatrice Marshall : Les données arrivent si tardivement, c’est six ou sept mois après coup.

M. Wu : En effet, je pense que le problème en est un d’échéancier.

La sénatrice Marshall : Si vous pouvez fournir un chiffre plus récent à la greffière, ce serait formidable. Sinon, j’essaierai de le calculer moi-même.

M. Wu : Je vais m’efforcer de le faire.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie.

Le président : Merci. Aux fonctionnaires, au nom du Comité des finances nationales, je tiens également à dire — pour le compte rendu — que la partie 4 porte sur différentes mesures qui englobent 39 crédits et plus de 400 pages dans le projet de loi C-47, la Loi d’exécution du budget.

[Français]

Aux représentants des 14 différents ministères, j’aimerais profiter de l’occasion pour vous dire merci de votre professionnalisme; il me paraît évident que vous connaissez bien votre matière.

[Traduction]

Je vous remercie de votre présence parmi nous. Vous avez fait preuve d’un grand professionnalisme. Ce projet de loi se concentre essentiellement sur nos quatre grands principes, soit la transparence, la responsabilité, la fiabilité et la prévisibilité du budget pour les Canadiens.

Avant de lever la séance, je signale aux fonctionnaires que, pour la dernière question de la sénatrice Marshall, nous avons un délai pour obtenir la réponse, soit avant la fin de la journée du lundi 12 juin 2023.

Honorables sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu mardi prochain, le 13 juin, à 9 heures. Avant de conclure la réunion, j’aimerais remercier toute l’équipe de soutien du comité — ceux qui se trouvent au premier plan dans la salle, et ceux qui se trouvent dans les coulisses et qui ne sont pas visibles. Merci pour votre travail acharné qui contribue énormément au succès des sénateurs membres du Comité des finances nationales.

(La séance est levée.)

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