LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 13 juin 2023
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2024.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices et aussi à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca.
[Français]
Je m’appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je voudrais demander à mes collègues sénateurs et sénatrices de se présenter en commençant par ma gauche.
Le sénateur Forest : Bonjour; Éric Forest, de la division sénatoriale du Golfe, au Québec.
Le sénateur Gignac : Bonjour; Clément Gignac, du Québec.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, sénatrice indépendante du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, du Québec. Bienvenue.
Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario en remplacement de la sénatrice Pat Duncan, du Yukon. C’est aujourd’hui, en 1898, que le territoire du Yukon a été établi.
La sénatrice Pate : Kim Pate. Je vis sur le territoire non cédé et non abandonné du peuple algonquin anishinabe.
Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Conformément à l’ordre de renvoi, nous commençons aujourd’hui notre étude des dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2024, qui a été renvoyé à notre comité par le Sénat du Canada, le 1er juin 2023.
[Français]
Nous accueillons aujourd’hui le directeur parlementaire du budget, M. Yves Giroux. Il est accompagné de Mme Kaitlyn Vanderwees, analyste.
[Traduction]
Bienvenue à vous deux. Monsieur Giroux, merci encore d’avoir accepté notre invitation à nous faire part de vos opinions et de vos commentaires sur le budget.
[Français]
Monsieur Giroux, j’ai été informé que vous avez des commentaires à faire, qui seront suivis par une période de questions des sénateurs. La parole est à vous, monsieur Giroux.
Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie pour l’invitation à comparaître devant vous aujourd’hui. C’est toujours un plaisir pour nous.
Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de discuter aujourd’hui de notre rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (A) 2023-2024, publié le 30 mai 2023. Je suis accompagné de l’analyste principale ayant travaillé sur le rapport, Kaitlyn Vanderwees.
Le Budget supplémentaire des dépenses (A) 2023-2024 du gouvernement présente des dépenses additionnelles de 21,9 milliards de dollars. L’approbation du Parlement est requise à l’égard d’une somme de 20,5 milliards de dollars. On prévoit que les autorisations législatives, qui représentent des dépenses que le Parlement a autorisé le gouvernement à engager dans le cadre d’une autre loi, augmenteront de 1,4 milliard de dollars au total.
Environ le cinquième (soit 4,4 milliards de dollars) des dépenses concerne 15 mesures dans le budget de 2023. Cela comprend notamment l’affectation d’une somme de 2,5 milliards de dollars au ministère de la Santé pour l’amélioration des soins de santé de la population canadienne.
[Traduction]
Plus de la moitié des dépenses proposées dans le Budget supplémentaire des dépenses, soit environ 13 milliards de dollars, concerne la négociation et le règlement des revendications autochtones. En tenant compte du Budget supplémentaire des dépenses, le total des autorisations budgétaires proposées depuis le début de l’exercice s’élève à 454,8 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation de 11,5 milliards de dollars, ou 2,6 %, par rapport au budget des dépenses à ce jour de l’exercice précédent. Cela est généralement conforme à la croissance des dépenses prévues dans le budget de 2023.
Afin d’appuyer les parlementaires dans leur examen de la mise en œuvre du budget de 2023, nous avons préparé et publié les tableaux de suivi qui énumèrent toutes les initiatives budgétaires, les montants des dépenses prévues et l’autorisation de financement législative correspondante. Ces tableaux, que l’on peut consulter sur notre site Web, seront mis à jour au cours de l’année, à mesure que le gouvernement présentera son programme législatif.
Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions sur l’analyse du budget des dépenses ou sur d’autres études produites par le directeur parlementaire du budget. Merci.
[Français]
Le président : Merci beaucoup, monsieur Giroux.
[Traduction]
J’aimerais souligner aux sénateurs que vous disposez de cinq minutes au maximum pour la première série de questions.
La sénatrice Marshall : Merci d’être ici, monsieur Giroux et madame Vanderwees.
Dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), sous la rubrique du ministère des Finances, dans l’énumération des autorisations législatives, il y a un montant indiqué pour l’intérêt sur la dette non échue. Avec l’augmentation de la Banque du Canada l’année dernière, avez-vous recalculé ce qui devrait être selon vous l’intérêt cette année sur la dette du gouvernement? On prévoyait 43,9 milliards de dollars, mais je pense que ce sera un peu plus élevé.
M. Giroux : Le dernier budget que nous avons produit relativement au service de la dette remonte à mars dernier. Nous allons mettre cela à jour en automne, en tenant compte du fait que le niveau d’endettement et les taux d’intérêt ont changé. Le montant va probablement augmenter, étant donné que la Banque du Canada a revu son propre taux directeur à la hausse récemment.
La sénatrice Marshall : Je pense que la Banque du Canada a aussi dit qu’une autre hausse était possible en juillet ou en septembre.
Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire... je ne sais pas si vous parliez de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada — RCAANC — ou de Services aux Autochtones Canada... c’était à propos des revendications. Je ne sais pas si vous avez vu le rapport que l’Institut Fraser a publié récemment. Il a mené une étude concernant la réconciliation et la discussion sur les revendications, et selon l’institut, les représentants élus n’effectuent aucune surveillance réelle à l’égard des revendications.
Quand ces deux ministères, qui sont responsables des affaires autochtones, viennent répondre aux questions sur les dépenses indiquées dans les documents, nous leur posons habituellement des questions sur les revendications. Certaines des plus importantes comprennent, par exemple, le montant de 23,3 milliards de dollars pour le programme des Services à l’enfance et à la famille, et l’autre montant de 20 milliards de dollars pour mettre à jour leur réforme du programme des Services à l’enfance et à la famille... Vous avez aussi mentionné, dans votre rapport, les 2,8 milliards de dollars pour l’accord de règlement du recours collectif de la bande Gottfriedson.
Quand les représentants des ministères étaient ici, il y a quelque temps, ils nous ont dit combien il y avait de revendications et d’accords de règlements. Une représentante a dit, par exemple, qu’il y avait 500 revendications. Je pense vous l’avoir déjà dit : en tant que parlementaires, comment sommes‑nous censés surveiller ces revendications, les règlements et les accords? Nous pouvons faire une exception pour les plus importants, mais s’il y en a 500, c’est impossible de tout surveiller.
Avez-vous des recommandations? Nous avons passé un peu de temps, dans mon bureau, à essayer de trouver des solutions pour surveiller cela. Je sais que je vous ai déjà posé la question, mais je n’ai pas avancé depuis, alors je vous la repose.
M. Giroux : C’est un problème complexe, vu le nombre de revendications et aussi le degré de subjectivité qui fait qu’une revendication va ou non être comptabilisée à titre de passif éventuel, en plus de la quantité de revendications que la Couronne juge valides, qu’elles le soient ou non. Donc, il y a énormément de subjectivité. Il faut une analyse juridique pour décider s’il est probable que la Couronne sera tenue responsable devant les tribunaux, et cela reste évidemment une évaluation subjective; ce n’est pas quelque chose de scientifique. C’est une analyse des faits historiques.
C’est vrai qu’il y a un très grand nombre de revendications. À mon bureau, nous n’avons pas une image précise de la situation. Ce n’est pas que nous avons posé la question, sans obtenir de réponse... à dire vrai, nous avons posé la question, mais nous n’avons pas publié de rapport là-dessus. Il faudrait demander aux ministères d’être plus exhaustifs pour vous fournir une liste des revendications et des évaluations ministérielles, et aussi l’évaluation du ministère de la Justice en ce qui concerne la responsabilité associée à chaque revendication. Peut-être qu’on ne pourra pas vous donner de réponse sur une tribune publique, mais le ministère de la Justice et RCAANC devraient être en mesure de vous fournir cette information à huis clos, parce que c’est probablement quelque chose qu’ils ont dans leurs registres — espérons-le —, alors ils devraient pouvoir vous donner confidentiellement de l’information à ce sujet.
La sénatrice Marshall : Même dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), on demande que des montants soient versés dans un fonds de fonctionnement, afin qu’on puisse faire des paiements multiples à l’égard des diverses revendications.
Quand vous avez publié le rapport... je suis sûre que votre bureau fait la même chose... nous essayons de faire un lien avec ce qu’il y a dans le Budget principal des dépenses et ce qu’il y a dans le Budget supplémentaire des dépenses. Quand le budget a été publié, vous avez cerné certains chiffres, parce que vous ne saviez pas exactement de quoi il s’agissait. Les deux montants auxquels je pense en particulier... il y en a un pour l’incidence budgétaire nette relative à des mesures non annoncées, qui était de 5,6 milliards de dollars l’année dernière. Puis, l’autre est à la page 192, le montant de 6,3 milliards de dollars pour la réorientation des dépenses précédemment annoncées.
Maintenant que nous avons le Budget supplémentaire des dépenses (A), sait-on plus clairement à quoi renvoient ces montants, parce qu’à les regarder, il n’y a rien ici pour nous dire de quoi il s’agit. Avez-vous plus d’information, parce que vous avez travaillé sur le Budget supplémentaire des dépenses (A)?
M. Giroux : Non, ce n’est toujours pas vraiment plus clair quels seront les montants ventilés pour les mesures non annoncées.
Une hypothèse était qu’une partie de ces montants pouvait aller à l’accord avec Volkswagen ou aux fonds pour les négociations collectives qui ont pris fin avec certains syndicats le mois dernier, mais ce n’est pas certain.
Même si certains de ces montants, par exemple, étaient des montants pour des obligations non divulguées ou pour des décisions à venir prochainement, cela n’expliquerait pas la totalité de ces montants. Nous n’avons pas véritablement progressé, depuis le budget.
La sénatrice Marshall : Ce sont des montants importants, et sans transparence, nous ne savons pas de quoi il s’agit.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci, monsieur Giroux et madame Vanderwees, d’être parmi nous aujourd’hui. C’est toujours fort éclairant et instructif pour nous.
Dans le cycle financier de notre gouvernement, je trouve toujours un peu surprenant que le Budget principal des dépenses soit déposé fin mars ou début avril et qu’un mois et demi plus tard, on arrive avec des dépenses supplémentaires d’une telle importance.
Ce qui m’interpelle aujourd’hui, c’est quand on voit que presque plus de la moitié des dépenses proposées dans le budget, le montant de 13,1 milliards de dollars, est destinée au Règlement des revendications des Autochtones. On n’a sûrement pas commencé à négocier avec des Autochtones la semaine dernière. On négocie depuis longtemps.
Comment peut-on expliquer que dans le Budget principal des dépenses, on n’a pas prévu un ordre de grandeur — sans nécessairement l’avoir à 100 % — du coût que pouvait entraîner le Règlement des revendications des Autochtones?
M. Giroux : C’est une bonne question et je crois que vous pourriez trouver une réponse à votre question auprès des fonctionnaires du ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Si vous leur posez la question, vous pourriez aussi obtenir une « non-réponse ». C’est-à-dire que si j’étais à leur place, mon intérêt serait certainement de mettre cela dans le Budget principal des dépenses pour y aller, alors que l’on présente l’ensemble ou la grande majorité du plan de dépenses du gouvernement. Une des raisons pour laquelle ils pourraient ne pas avoir eu l’occasion de le faire, c’est parce que les négociations n’étaient pas assez avancées à ce moment-là pour inclure un montant près de la réalité.
Il pourrait y avoir d’autres raisons qui m’échappent, mais c’est la seule bonne raison que je vois de ne pas les avoir incluses dans le budget principal. D’un point de vue de saine gestion des finances publiques, ce serait la chose à faire, à savoir de les inclure dans le budget principal.
Le sénateur Forest : Effectivement, ces négociations sont en cours depuis fort longtemps. À mon avis, il y a quand même un volume approximatif de ce qu’on devrait prévoir ou provisionner pour ce qui est du règlement qui est en cours de négociation.
Le mois dernier, devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes, vous avez présenté un rapport de recherche et d’analyse comparative sur les deux ministères des Affaires autochtones — Relations Couronne Autochtones et Affaires du Nord, et Services aux Autochtones Canada. Vous avez déclaré ce qui suit :
Il ressort de l’analyse réalisée que l’augmentation des dépenses n’a pas entraîné d’amélioration proportionnelle de la capacité de ces organisations à atteindre les objectifs qu’elles s’étaient fixés.
On avait d’ailleurs un peu cette impression, quand on regardait le problème de l’eau contaminée dans les Premières Nations. Malgré les sommes investies, on ne parvient pas à réduire le nombre d’avis d’ébullition.
Comment explique-t-on que, malgré l’injection de fonds importants, on n’arrive pas à régler ces problèmes vitaux au sein des communautés autochtones?
M. Giroux : En effet, c’est une très bonne question à laquelle, malheureusement, je n’ai pas de réponse définitive ou même de piste de réponse. En fait, c’est quelque chose qui est très inquiétant. Quand on voit l’augmentation considérable des dépenses, on s’attendrait à ce que le gouvernement s’assure que les résultats suivent. Ce n’est pas le cas et on se demande vraiment si les indicateurs de performance du ministère sont les bons.
Peut-être qu’il y a eu des améliorations notables qui ne sont pas mesurées ou peut-être que, malheureusement, les fonds injectés ne sont pas bien dépensés ou pas dépensés pour profiter aux populations vers lesquelles ils sont destinés.
Le sénateur Forest : C’est vraiment intrigant et préoccupant quand on regarde la somme relative à l’imputabilité et aux objectifs poursuivis et les objectifs atteints. Je pense que les résultats sont contaminés. Merci.
Le sénateur Gignac : Bienvenue, monsieur Giroux. C’est toujours un plaisir de vous rencontrer.
Avant de poser des questions plus pointues sur le Budget supplémentaire des dépenses, je profite de l’occasion de votre visite pour faire le point sur la situation économique.
J’aimerais savoir si vous avez toujours le même scénario, à savoir que le Canada devrait en être mesure d’éviter une récession. On voit que la Banque du Canada se remet de nouveau en marche en augmentant le taux directeur.
L’histoire démontre que lorsque la Banque du Canada procède ainsi, elle va rarement s’arrêter après une hausse. Il y a une série de hausses des taux d’intérêt qui se produisent. On sait que les ménages canadiens atteignent un niveau record d’endettement parmi les pays du G7.
Êtes-vous toujours optimiste quant à un atterrissage en douceur? Étant donné que l’équilibre budgétaire repose sur des scénarios économiques, on veut profiter de votre présence aujourd’hui pour faire le point là-dessus.
M. Giroux : Merci, monsieur le sénateur, de votre question. Lorsqu’on a fait la mise à jour de nos prévisions économiques et budgétaires, on tablait sur une pause pour ce qui est de la hausse des taux d’intérêt de la Banque du Canada et de la Réserve fédérale américaine. On supposait que les deux banques centrales augmenteraient leurs taux jusqu’à un niveau qui serait nécessaire pour contenir l’inflation.
Depuis ce temps, on a vu que les banques centrales, soit la Banque du Canada et la banque centrale américaine ou Fed, ont augmenté leurs taux au-delà de ce qu’on estimait à l’époque, soit les taux nécessaires pour ramener l’inflation sous contrôle. C’est en bonne partie en raison de la bonne tenue de l’économie qui continue à imposer des pressions inflationnistes.
On avait mentionné un scénario dans lequel les banques centrales allaient au-delà de ce qu’on estimait nécessaire à l’époque. Les conditions ont changé. Dans ce scénario où les banques centrales augmentaient davantage leurs taux d’intérêt, il y avait une légère récession.
Maintenant, on va mettre à jour nos prévisions économiques et budgétaires à l’automne, mais en tenant compte de la hausse des taux d’intérêt qui s’est poursuivie, la probabilité d’une récession a, de toute évidence, augmenté. Cela dit, la hausse de taux s’est poursuivie pour freiner une croissance qui met des pressions inflationnistes.
Est-ce que la probabilité d’une récession au Canada a augmenté? Je crois que oui. Est-ce qu’une récession est inévitable? Je crois que non.
C’est toujours possible de faire un atterrissage en douceur en raison de la bonne tenue de l’économie. Le premier trimestre a montré une croissance économique assez solide, plus solide que ce à quoi on s’attendait. Le marché du travail tient bien la route, pour l’instant, malgré les chiffres récents. C’est toujours possible de faire un atterrissage en douceur, mais la possibilité d’une récession n’est toujours pas écartée.
Le sénateur Gignac : À quel pourcentage estimiez-vous les probabilités d’une récession la dernière fois que vous avez travaillé là-dessus?
M. Giroux : Je ne sais pas si on était arrivé à un pourcentage, mais on était un peu en bas de 50 %. On est probablement...
Le sénateur Gignac : J’aimerais revenir à l’objet de cette réunion, qui est d’analyser le Budget supplémentaire des dépenses.
Je tiens à vous féliciter pour le rapport que vous avez publié. Il contient beaucoup de graphiques et de données. C’est toujours très éclairant.
Ce qui m’interpelle, c’est surtout la croissance de la masse salariale, les dépenses de personnel. Je pense que c’est à la figure 2-3, à la page 12 de votre rapport. Ce genre de taux de croissance fait un peu peur. On va atteindre 68 milliards de dollars en masse salariale en 2022-2023. Si je ne m’abuse, c’est quand même une hausse de 60 % depuis 2016-2017.
Pouvez-vous ventiler ce qui est dû à la croissance des effectifs à temps plein et ce qui est dû à l’indexation de la masse salariale? On est rendus à environ 428 000 équivalents temps plein pour ce qui est du nombre d’effectifs. Pouvez-vous décortiquer un peu ce qui est lié à la croissance de la taille de la fonction publique par opposition à ce qui est lié à des augmentations de conditions salariales?
Vous pouvez nous envoyer la réponse par écrit si vous n’avez pas les détails avec vous.
M. Giroux : Je n’ai pas la répartition de ce qui est attribuable à l’augmentation de la rémunération par employé et ce qui est attribuable à l’augmentation du nombre d’équivalents temps plein. Ce sont des renseignements qu’on pourrait fournir au comité ultérieurement.
Ce qu’on a remarqué, par contre, c’est que les plans ministériels de l’an passé indiquaient une baisse des effectifs dans les années à venir. Quand on regarde les plans ministériels les plus récents, on voit que les ministères prévoient toujours une baisse, mais à partir d’un échelon plus élevé. Donc ce qu’on voit, c’est que les ministères prévoient des baisses, mais quand on regarde une année plus tard, on remarque que des baisses sont toujours prévues, mais à partir des échelons plus élevés.
Est-ce que les baisses du nombre d’équivalents temps plein vont se concrétiser? Ce n’est pas certain, étant donné que chaque fois que l’on révise les plans, on les révise à la hausse quand on parle du nombre de fonctionnaires dans l’ensemble de la fonction publique.
Le sénateur Gignac : C’est ce qui m’inquiète, parce que depuis 2015-2016, les transferts aux personnes, que ce soit aux aînés, par exemple, au pourcentage du PIB, cela n’a pas augmenté tant que ça; les transferts aux provinces, non plus, mais c’est la taille de la fonction publique et celle du gouvernement, des programmes directs, qui augmentent.
Si vous pouvez faire des recherches sur ce sujet, cela pourrait nous aider. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Smith : Je vais poursuivre sur la lancée du sénateur Gignac : dans votre rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses de 2023-2024, vous soulignez que les générateurs de coûts les plus importants à l’égard des dépenses en personnel sont le nombre de fonctionnaires et leur niveau de rémunération. Vous indiquez, selon votre examen des plans ministériels de 2023-2024, que le nombre d’équivalents temps plein — les ETP — dans la fonction publique devrait atteindre 430 000 environ en 2022-2023.
Dans le cadre de vos examens des plans ministériels, avez‑vous jugé qu’il y avait suffisamment d’information pour justifier cette hausse du personnel dans les ministères et organismes fédéraux?
M. Giroux : La justification est surtout liée à la mise en œuvre des mesures budgétaires et des priorités gouvernementales, mais les plans ministériels n’offrent pas d’information détaillée pour expliquer pourquoi ils ont besoin de tant de nouveaux ETP. Pour être juste, je ne pense pas que c’est le rôle des plans ministériels de justifier en détail pourquoi les ministères ont besoin d’un si grand nombre d’ETP pour exécuter chaque initiative stratégique précisément, mais de façon générale, nous n’avons pas ces renseignements détaillés.
Cela est probablement — espérons-le — justifié devant le Conseil du Trésor, à l’étape où les ministères et les ministres rencontrent le groupe de ministres — le Conseil du Trésor — pour justifier le nombre d’ETP dont ils ont besoin, mais puisque c’est un document confidentiel du Cabinet, c’est impossible pour nous de savoir si cela se fait effectivement à cette étape-là ou non.
Le sénateur Smith : Ce que j’essaie de comprendre, c’est si les ministères ont ou non des plans en matière de ressources humaines qui font directement le lien avec des programmes du gouvernement fédéral. Avez-vous remarqué un tel lien?
M. Giroux : Non. Il y en a peut-être un, mais nous ne creusons pas beaucoup de ce côté-là. Je n’ai rien vu par rapport à cela.
Le sénateur Smith : Croyez-vous, à cet égard, que ce serait une possibilité pour que nous puissions pousser plus loin nos analyses, mais aussi pour que les ministères puissent peut-être être plus efficaces, en ce qui concerne le rendement de leur personnel?
M. Giroux : Je crois que oui, parce que le gouvernement lui‑même le reconnaît, puisqu’il a ajouté dans le budget de 2022 et à nouveau dans le budget de 2023 des mesures d’examen des dépenses, dont le but est d’accroître sa propre efficacité et de réaliser des économies. Toutefois, il avait promis dans le budget de 2022 d’entreprendre un examen stratégique — ou plutôt l’un des examens des dépenses —, puis n’a plus rien dit là-dessus et l’a remplacé par quelque chose d’autre.
Il y a des mentions et des promesses à propos des examens des dépenses qui sont censées améliorer l’efficacité et réorienter certaines dépenses dans les domaines moins prioritaires vers les domaines plus prioritaires, mais nous n’avons toujours rien vu de ce côté-là. À ma connaissance, le gouvernement n’a pas vraiment bougé à cet égard.
Le sénateur Smith : Les dépenses en personnel continuent d’être bien au-delà de ce qu’elles étaient avant la pandémie, et on peut aussi dire que les niveaux de service et les capacités n’ont pas suivi le rythme. Avez-vous eu l’occasion d’examiner certains des services offerts à la population canadienne par les divers ministères et organismes, pour savoir s’ils sont conformes ou non aux normes de niveau de service?
M. Giroux : Nous avons étudié certains domaines précis, surtout le ministère des Anciens Combattants, mais cela fait un bon moment. Nous nous sommes penchés sur les indicateurs de rendement des ministères qui n’ont pas été atteints, dans environ le tiers ou la moitié des domaines que nous avons regardés, mais nous n’avons pas regardé les domaines précis comme les passeports, la Sécurité de la vieillesse, l’assurance-emploi et deux ou trois autres. Nous avons laissé cela à d’autres organisations, par exemple à la vérificatrice générale, puisqu’elle a le mandat de vérifier ce qui a été fait dans le passé. Ce n’est pas quelque chose que nous avons examiné nous-mêmes, mais la tendance est inquiétante : le nombre d’équivalents temps plein augmente, mais pas les niveaux de service. C’est même tout le contraire.
Pour revenir à la question de votre collègue, le sénateur Forest, en ce qui concerne les affaires autochtones, les dépenses ont considérablement augmenté, mais selon les indicateurs de rendement, il n’y a pas eu d’amélioration majeure. C’est préoccupant.
Le sénateur Smith : Merci, monsieur.
La sénatrice Pate : Merci à nos témoins. Je suis contente de vous revoir.
La semaine dernière, nous avons accueilli les représentants du Conseil du Trésor, et ils ont suggéré que je vous pose la question que je leur ai posée, et c’est ce que je vais faire. Ma question concernait les dispositions dans le budget pour soutenir les employés noirs, y compris les 45,9 millions de dollars sur trois ans pour que le Conseil du Trésor établisse un fonds pour la santé mentale réservé aux fonctionnaires noirs. Dans un article publié en décembre de l’année dernière par CBC, il était indiqué qu’il y avait eu des incidents de racisme au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada — le SCT — concernant des hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor.
Je serais curieuse de savoir quels mécanismes spécifiques devraient être en place, selon vous, ou si vous pouvez nous dire lesquels sont en place, pour que nous soyons assurés que le Conseil du Trésor soit en mesure de recevoir et de traiter correctement certaines des plaintes pour racisme systémique qui sont déposées, en particulier lorsqu’il s’agit du racisme antinoir. Aussi, pourriez-vous nous donner des détails sur les mesures qui, selon vous, ont été prises pour redresser ce tort, et quelles autres mesures peuvent être prises à cette étape?
M. Giroux : Tout d’abord, je suis surpris que le Conseil du Trésor — ou la présidente ou les représentants du Conseil du Trésor — propose que je réponde à cette question, parce que je n’ai pas été consulté, d’aucune façon, à propos de ce financement ou de n’importe quelle stratégie. Pour être honnête, ce n’est pas mon domaine d’expertise. Je sais, tout comme vous, qu’il y a des dispositions et des mentions dans le budget, mais je ne suis pas au courant d’un processus ou d’un autre pour soutenir les employés noirs ni de ce que fait la fonction publique centrale en réaction aux plaintes de racisme ou de mauvais traitements des employés.
Je suis très surpris que les représentants n’aient pas répondu à cette question eux-mêmes, au lieu de proposer que j’y réponde.
La sénatrice Pate : Merci.
D’autres ont parlé du règlement des revendications déposées par les organisations, les collectivités et les organismes de gouvernance autochtones. Comme vous le savez, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations continue de déposer des plaintes, en plus de dénoncer la pauvreté qui découle du sous-financement chronique par le gouvernement fédéral des services publics dans les collectivités des Premières Nations, en particulier lorsqu’il s’agit de demandes présentées en vertu du principe de Jordan.
Je pense que c’est un fait assez bien connu, désormais, que le revenu est l’un des plus importants déterminants sociaux de la santé. Ce qui m’intéresse, en plus de l’information que vous avez déjà donnée, c’est de savoir si vous avez évalué le coût de certaines de ces revendications spécifiques, qui sont en cours, qui pourraient entraîner des dépenses si le gouvernement les règle maintenant, en comparaison avec ce que vous avez vu, par rapport aux nombreuses revendications que le gouvernement a contestées pendant longtemps, pour finir par payer beaucoup plus. Je pose la question de façon générale.
Plus précisément, nous avons appris la semaine dernière que seulement deux des appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées avaient été mis en œuvre. L’un était le revenu de subsistance garanti, comme vous le savez. Avez-vous réussi à déterminer les économies que cela représente, pour les Autochtones en particulier, à long terme pour les coûts de soins de santé, les coûts juridiques en matière pénale, et cetera?
M. Giroux : Nous avons évalué le coût de la revendication pour le Programme des services à l’enfance et à la famille. Cela fait plus d’un an. Notre estimation était inférieure au règlement que le gouvernement avait conclu avec les organisations qui avaient poursuivi en justice le gouvernement.
À part cela, nous n’avons pas évalué les coûts pour d’autres revendications spécifiques, parce qu’on ne nous a pas demandé d’évaluer les coûts de ce genre de choses. Puisque les revendications sont elles-mêmes souvent fondées sur des enjeux ou de l’information qui n’est pas à notre disposition, nous serions obligés de demander les évaluations des ministères pour ces revendications. Le secret professionnel de l’avocat fait partie des exceptions à notre pouvoir de demander de l’information, ce qui veut dire que le ministère à qui on demanderait de l’information pour réaliser une évaluation des coûts précisément nous répondrait probablement quelque chose comme « non merci ».
La sénatrice Pate : Avez-vous réalisé une évaluation des coûts de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées?
M. Giroux : Non. Ce n’est pas quelque chose que nous avons fait.
[Français]
La sénatrice Galvez : Merci, monsieur Giroux, de votre présence. On a répondu à mes deux questions précises, mais je vais profiter de votre présence parce que j’en apprends toujours beaucoup lorsque vous venez.
[Traduction]
La ministre Freeland est venue témoigner la semaine dernière, et elle a dit que notre économie — tout comme vous l’avez dit — est forte et résiliente, et qu’il y a certains indicateurs qui le prouvent : la cote élevée, le plus faible ratio de la dette au PIB parmi les pays du G7, et bien d’autres indicateurs. Toutefois, comme la sénatrice Marshall l’a dit, il y a cette étude de l’Institut Fraser, selon laquelle, si on utilise des mesures de comparaison indéfinies et d’autres indicateurs, notre situation n’est pas aussi reluisante qu’elle le paraît.
Dans l’un de vos rapports, vous avez aussi dit qu’il y a une différence entre le gouvernement fédéral et chaque province. Vous avez déclaré qu’il y a trois provinces qui s’en sortent bien, et trois provinces qui vont moins bien.
Je ne cesse de m’arrêter pour réfléchir au fait que nos services de santé publique touchent le fond du baril. Nous investissons énormément d’argent dans ces services. Pourtant, nous ne faisons aucun progrès quant à la réconciliation, et ce, malgré tous ces milliards que nous payons à la suite des revendications. L’abordabilité pour les familles, l’accès à la propriété... Je sais qu’on touche le fond du baril, et notre pays est littéralement en feu.
Donc, je constate qu’il y a une incohérence entre les indicateurs économiques et la réalité de notre situation socioéconomique. Pouvez-vous m’aider à comprendre s’il y a de meilleures façons de mesurer la situation? Je sais que c’est une question philosophique, mais si nous ne pouvons y réfléchir ici, alors où pouvons-nous le faire?
M. Giroux : J’ai l’impression d’être au milieu d’une entrevue d’emploi très difficile, avec cette question.
Pour ce qui est des indicateurs, il y a effectivement des indicateurs qui montrent un portrait très radieux de l’économie et de la situation financière du Canada. C’est vrai, surtout lorsque nous nous comparons aux autres pays du G7. Cependant, si vous regardez un peu plus loin et que vous comparez avec les pays du G20 — par exemple, si on compare le Canada avec des pays comme l’Australie, qui sont généralement similaires —, nous ne nous en sortons pas aussi bien que d’autres pays dans une situation similaire. Donc, la comparaison avec les pays du G7 est bonne, parce que ce sont nos principaux concurrents, mais nous pouvons aussi nous comparer avec d’autres pays, qui réussissent mieux que nous. Nous pouvons nous fixer l’objectif de nous améliorer et d’obtenir de meilleurs résultats économiques et financiers.
En ce qui concerne les déterminants sociaux, cela peut effectivement être très décourageant de voir ce genre de situations, comme la réconciliation autochtone et les enjeux climatiques comme les feux de forêt. Mais, encore, je pense que nous réussissons bien, en comparaison à d’autres pays. La situation n’est pas complètement sombre, mais je pense que je m’aventure peut-être à l’extérieur de mon domaine de compétence, et que cela dépasse les raisons de ma présence ici.
D’un point de vue économique et financier, tout dépend de ce que nous comparons. Si on regarde la croissance de la productivité, le meilleur déterminant à long terme de la richesse, nos résultats ne sont pas exceptionnels, en comparaison d’autres pays industrialisés. C’est un domaine dans lequel nous pourrions nous améliorer.
La sénatrice Galvez : Allez-vous publier des rapports sur ces sujets, à un moment donné? Allez-vous pouvoir utiliser des indicateurs? Habituellement, les chiffres ne mentent pas.
M. Giroux : Il y a un vieux dicton qui se traduit ainsi : il y a les mensonges, les maudits mensonges, et les statistiques. Tout dépend des indicateurs que vous regardez. Vous pouvez raconter que tout va pour le mieux dans de nombreux pays, si vous sélectionnez soigneusement vos statistiques. Une chose que j’aimerais faire, si le temps et les ressources le permettent, c’est entreprendre une étude sur la croissance de la productivité au Canada, par exemple. Malheureusement, j’ai été très occupé à aider les parlementaires à composer avec des sujets d’actualité.
La sénatrice Galvez : Nous savons que vous êtes occupé. Merci beaucoup.
Le sénateur Boehm : Merci aux témoins d’être avec nous aujourd’hui. Je veux poursuivre sur la lancée de mes collègues, le sénateur Gignac et le sénateur Smith. C’est au sujet des équivalents à temps plein, et de l’augmentation de 428 000 ETP que nous observons.
J’ai écouté attentivement ce que vous avez dit à propos du rôle de la vérificatrice générale et de votre propre rôle, mais si on s’attarde à un ministère en particulier, disons Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada — IRCC —, l’objectif déclaré du gouvernement est de faire venir 500 000 nouveaux arrivants annuellement au cours des prochaines années. Bien sûr, on a embauché plus de personnel en conséquence pour que cela puisse être possible, mais nous avons vu — et il y a aussi eu des rapports à cet effet — qu’il y a des arriérés de dossiers d’immigration, et cela n’a fait qu’augmenter durant la grève de l’Alliance de la fonction publique du Canada, l’AFPC.
Pour la suite des choses, y a-t-il une façon ou une autre pour vous de mesurer si le niveau de services augmente ou si cela se fait, effectivement? Est-ce que le niveau de services a augmenté ou baissé, avec le nombre de personnes embauchées? Même si c’est une politique déclarée et qu’elle va être appliquée, vous devriez être en mesure de l’évaluer.
Nous parlons souvent, au comité, de la transparence financière et de la reddition de comptes en temps opportun... J’ai posé des questions à ce sujet déjà, comme l’ont fait mes collègues. Quelle est la meilleure façon de mesurer, afin de s’assurer que la population canadienne a accès aux services dont elle a besoin, à mesure que l’embauche à l’échelle du gouvernement augmente?
M. Giroux : En tant que contribuable et directeur parlementaire du budget, je trouve que c’est une question très intéressante. Nous avons examiné IRCC, le nombre d’employés qui y travaillent et les fonds qui lui sont accordés pour traiter les demandes d’immigration dans le volet économique. Nous avons conclu qu’il y a un financement suffisant pour traiter le nombre de demandes qui sont présentées. S’il y a des arriérés, ce n’est probablement pas dû à un manque de ressources; c’est dû à d’autres facteurs, mais quant à savoir de quoi il s’agit nous pouvons seulement faire des hypothèses.
D’un point de vue financier, parce que c’est ce qui nous concerne, il faut vérifier si l’organisation a suffisamment de ressources pour traiter le nombre de demandes qu’elle reçoit, et la réponse semble être « oui ». À dire vrai, IRCC a plus de ressources qu’il n’en a besoin pour traiter les demandes du volet économique. Nous avons publié un rapport là-dessus il y a plusieurs mois.
Quant à savoir comment nous pouvons veiller à ce que les services soient offerts à un niveau approprié, si la fonction publique, en général — et il y a deux ou trois exemples plus précis que je pourrais aussi donner —, si les ministères pouvaient donner un coût, par exemple, par demande ou en fonction du nombre d’heures de travail qu’un service donné exige des fonctionnaires, cela serait informatif non seulement pour le public, mais aussi pour les hauts fonctionnaires et les ministres eux-mêmes.
Par exemple, combien faut-il de temps à un employé pour traiter une demande ordinaire d’assurance-emploi, une déclaration de revenus ordinaire ou une demande ordinaire de la Sécurité de la vieillesse? Ce serait informatif, à l’égard de la productivité et de la fonction publique, d’avoir ces paramètres et d’avoir ces données historiques pour établir comment les choses ont évolué au fil du temps... ou alors l’inverse, combien de demandes d’assurance-emploi, de déclarations de revenus ou de demandes d’immigration chaque employé traite.
Cela comporte des difficultés. Est-ce que le gouvernement est capable de faire le suivi de ces informations, ou est-ce que cela va mener à des conflits avec les syndicats, parce qu’ils présumeraient que le but est d’imposer des quotas? Malgré tout, je pense que ce serait de l’information utile pour les parlementaires et les contribuables, mais je ne suis pas certain que la fonction publique recueille ces informations ou en fait le suivi.
Le sénateur Boehm : Merci.
Vous avez dit que vous avez examiné le volet économique d’IRCC. Il y a bien sûr d’autres volets, et la situation est plus compliquée lorsqu’il s’agit de traiter les demandes de réfugiés, par exemple, parce que cela suppose d’avoir des équivalents temps plein à l’étranger, dans nos diverses missions, pour traiter les demandes, parfois dans des conditions difficiles. Par exemple, nous avons des agents à Islamabad qui traitent les demandes de réfugiés afghans, qui viennent du pays à côté. N’avez-vous pas examiné cela en particulier?
M. Giroux : Non, justement pour cette raison, parce que c’est tellement plus complexe. Vu les contextes humanitaires qui varient d’un pays à l’autre dans le monde, c’est beaucoup plus complexe d’examiner les processus pour traiter les demandes de réfugiés, pour essayer de déterminer si les ressources sont suffisantes, parce que cela nécessite des niveaux d’engagement différents, et aussi à cause de la complexité de ces dossiers.
Le sénateur Boehm : Merci.
Le sénateur Loffreda : Merci d’être parmi nous, monsieur Giroux. C’est toujours un plaisir.
Il y a beaucoup de bonnes choses dans notre économie, et nous avons surpassé les autres pays du G7, de l’Organisation de coopération et de développement économiques — l’OCDE — et de l’Union européenne dans bon nombre de domaines. À quel point la dette des ménages canadiens vous préoccupe-t-elle, parce qu’elle est la plus élevée parmi tous les pays du G7?
Il y a tout juste quelques semaines, la Société canadienne d’hypothèques et de logement — la SCHL — rapportait que les ménages doivent maintenant plus d’argent que tout le PIB du Canada, et que l’économie canadienne est désormais encore plus vulnérable à toutes les crises qui pourraient survenir, vu les dettes importantes que les ménages ont accumulées. Si nous nous comparons aux États-Unis, nous allons dans la direction opposée, bien évidemment. Que pouvons-nous faire pour ralentir cette tendance et quelles mesures ou quelles politiques le gouvernement pourrait-il mettre en œuvre pour maîtriser l’ampleur de la dette des ménages; qu’est-ce qui n’a pas encore été fait?
M. Giroux : Pour répondre à la première partie de votre question : à quel point suis-je préoccupé par la dette des ménages? C’est quelque chose que nous avons signalé, dans les rapports sur les perspectives budgétaires et financières en particulier, probablement depuis que j’ai été nommé, alors c’est quelque chose qui me préoccupe énormément. Peut-être qu’il semblait inutile ou sans intérêt de s’en préoccuper quand les taux d’intérêt étaient bas, mais maintenant qu’ils augmentent, je pense que c’est encore plus préoccupant de voir que la dette des ménages est si élevée, et elle semble avoir augmenté considérablement au fil du temps, si on regarde sur le long terme.
C’est préoccupant, parce que quand les taux d’intérêt augmentent, cela veut dire que le revenu discrétionnaire qui peut être dépensé pour autre chose baisse, tout particulièrement l’épargne pour la retraite et les autres types de dépenses. Donc, je trouve cela très préoccupant, parce que cela présente un très grand risque.
Quelles seraient les politiques? C’est une question un peu plus délicate : que pourrait-on faire ou que devrait-on faire pour réduire cela, parce que vous essayez d’influencer le comportement de chaque ménage. Vraisemblablement, les gens bien informés et qui ont des connaissances en finances — comme beaucoup de Canadiens — qui contractent une dette le font en connaissant parfaitement les risques et les conséquences; donc, peut-être que cela est révélateur des préférences des ménages, qui veulent consommer maintenant et payer plus tard.
Je proposerais d’informer mieux les Canadiens, mais à part cela, je ne suis pas la meilleure personne pour vous dire quels types de politiques devraient être mises en place pour réduire les niveaux d’endettement.
Le sénateur Loffreda : Qui aurait la responsabilité d’effectuer les tests de tension? Dans l’industrie bancaire — dont je faisais partie —, nous faisions des tests de tension, et si les taux d’intérêt augmentaient... bon, nous savons tous ce qu’est un test de tension, mais pour les Canadiens et les Canadiennes qui nous regardent, si les taux d’intérêt augmentent jusqu’à un certain point, quelles seraient les conséquences pour notre économie? Quel impact cela aurait-il sur les ménages?
Existe-t-il un type ou un autre de test de tension dont vous êtes au courant et dont vous pourriez nous faire part? Nous ne savons pas où se dirigent les taux d’intérêt. Tout le monde pensait que la Banque du Canada allait attendre, et nous avons vu ce qui s’est passé.
Que va-t-il arriver à la dette des ménages canadiens, si les taux d’intérêt continuent d’augmenter? Que va-t-il arriver à notre économie? Je pense que les tests de tension sont extrêmement importants.
M. Giroux : Nous avons produit quelques graphiques en éventail pour illustrer l’orientation future de la situation financière du gouvernement, ainsi que son déficit et sa dette, mais à ma connaissance, nous n’avons rien fait de tel en ce qui concerne la dette des ménages, ni sur les conséquences que cela pourrait avoir sur l’économie canadienne.
Nous pourrions certainement le faire, pour illustrer l’orientation future et deux ou trois scénarios relativement aux taux d’intérêt et les conséquences qu’ils pourraient avoir pour toute l’économie.
Le sénateur Loffreda : J’aimerais bien voir cela. Actuellement, c’est une énorme préoccupation, et un test de tension permettrait de révéler à quel point nous sommes vulnérables, face à l’augmentation des taux d’intérêt. Cela montrerait aussi à la Banque du Canada quelles seraient les conséquences de l’augmentation des taux d’intérêt pour la population canadienne, quoique je sais que son mandat est de juguler l’inflation, mais il y a tout de même des conséquences, selon moi. Je pense que je serais impatient de lire un rapport sur le sujet.
M. Giroux : Merci.
Le sénateur Loffreda : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bonjour, monsieur Giroux.
Évidemment, le budget supplémentaire nous fait découvrir des dépenses supplémentaires de 469 millions de dollars pour Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. On dit que ces sommes sont destinées aux soins de santé des demandeurs d’asile et des réfugiés. Comme les chiffres sont difficiles à obtenir pour ce qui est du nombre réel de réfugiés accueillis au Canada, on va prendre le plus récent : on parlait de 39 000 réfugiés. Si on fait une équation, ce budget voudrait dire qu’on dépense environ 12 000 $ par réfugié. Les dépenses de santé, on sait que c’est la responsabilité des provinces, mais savez-vous si cet argent sera transféré aux provinces ou si ce sont des dépenses de santé strictement fédérales? Si c’est uniquement pour le fédéral, que va-t-on payer avec ces fameux 469 millions de dollars?
M. Giroux : Salon ma compréhension du programme de santé intérimaire pour les réfugiés, la couverture fédérale s’applique aux réfugiés qui sont en attente de traitement, donc le temps que leur demande soit traitée, ce qui peut prendre plusieurs mois. Dans certains cas, malheureusement, cela peut dépasser une année ou un peu plus longtemps.
Dans le coût par réfugié, il ne faut pas seulement tenir compte du nombre de réfugiés qui sont admis pendant une année, mais de l’ensemble, donc ceux qui sont encore en attente de traitement. Cela peut faire baisser la moyenne.
Je ne sais pas comment la mécanique fonctionne. Est-ce que le gouvernement provincial assume les dépenses et envoie la facture ou est-ce qu’il y a une carte spéciale? Ce sont des questions auxquelles le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté serait en mesure de répondre d’une façon plus complète et intelligible que ce que je peux tenter de faire aujourd’hui.
Le sénateur Dagenais : Vous avez constaté comme nous que plus de 50 % du budget supplémentaire du gouvernement est destiné à Affaires autochtones et du Nord Canada. On parle d’un ajout d’environ 13 milliards de dollars pour un total annuel de près de 62 milliards de dollars. Les dépenses d’Affaires autochtones et du Nord Canada ont augmenté de 328 % depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral en 2015.
On voit 20 milliards de dollars en 2019-2020. En 2023-2024, on parle de 62 milliards de dollars. D’après vous, est-ce que le gouvernement exerce un contrôle assez rigoureux sur l’usage de ces importantes sommes d’argent? Est-ce que tout est bien dépensé à la bonne place? Avez-vous suffisamment d’information pour juger des dépenses de ces budgets supplémentaires?
M. Giroux : Je ne suis pas dans la meilleure posture pour déterminer si les sommes sont bien dépensées ou si elles sont dépensées à la bonne place. C’est ce qui relève probablement plus de ma collègue la vérificatrice générale.
Par contre, ce que je peux dire c’est qu’on constate qu’il y a un manque de cohérence entre l’augmentation des fonds et l’amélioration des résultats pour les populations autochtones. Je m’appuie sur les indicateurs de rendement des deux ministères, ceux que les ministères, eux-mêmes, choisissent. Ils ne sont pas atteints dans une bonne proportion. On augmente significativement les dépenses, on s’attend à ce que cela donne des résultats tangibles pour les populations qui sont desservies et qui dépendent de ces fonds, mais ce n’est pas ce qu’on voit, du moins ce qu’on a vu récemment.
Peut-être que les choses vont s’améliorer significativement au cours des mois et des années qui viennent, mais il semble y avoir une totale inadéquation entre les résultats et les ressources qui sont investies dans ces questions.
Le sénateur Dagenais : Je voudrais revenir rapidement sur un sujet que mes collègues ont abordé, soit le nombre de fonctionnaires. Le gouvernement actuel a fait passer le nombre de fonctionnaires de 340 000 à son arrivée au pouvoir en 2015 à 413 000 cette année. On prévoit ajouter 15 000 employés permanents dans la prochaine année.
Pouvez-vous nous dire, au moyen de vos croisements d’analyse, si le Canada avait vraiment besoin de 90 000 employés de plus dans la fonction publique? Si c’est le cas, est-ce que cela va permettre d’améliorer certains services à la population?
M. Giroux : La question à savoir si le Canada a besoin de plus d’employés dans la fonction publique en est une qui dépend de beaucoup de choses. Est-ce que le gouvernement a besoin de tous ces employés? C’est une question à laquelle le gouvernement devrait être en mesure de répondre.
Par contre, ce qui est inquiétant, c’est de voir le nombre de fonctionnaires qui augmente. Cependant, les services auxquels la population se fie ou qu’elle s’attend à recevoir n’augmentent pas. Peut-être que le gouvernement a besoin d’augmenter significativement le nombre de fonctionnaires pour des raisons qu’on ne voit pas ou des raisons qui sont obscures. Selon ce qu’on voit comme services à la population, je ne crois pas qu’il y ait eu une amélioration notable. Les gens vont dire que la population s’accroît, qu’il est normal que la taille de la fonction publique croisse.
On a fait la mesure du nombre d’équivalents à temps plein, du nombre d’employés par tranche d’un million de population ou de 100 000 de population, cela aussi a augmenté. Même en proportion de la population, la taille de la fonction publique dépasse la croissance de la population. Quand on parle de population autochtone, les services n’ont pas l’air de s’être considérablement améliorés ni les résultats. Si on parle de tous les services dont on a parlé au cours des deux dernières années, il y a eu des augmentations, des améliorations, probablement, au cours des derniers mois, parce que l’on n’entend plus d’histoires d’horreur dans les nouvelles, mais on n’entend pas non plus de grandes louanges indiquant que les choses sont revenues comme elles l’étaient avant la pandémie.
Il y a un accroissement significatif de la fonction publique, mais les services se sont détériorés pendant la pandémie et ils semblent être en voie de revenir à ce qu’ils étaient avant. Je me demande ce qui se passe avec l’ensemble de la fonction publique.
Le sénateur Dagenais : On n’a qu’à penser aux passeports.
M. Giroux : Entre autres, mais pas exclusivement.
La sénatrice Moncion : Je m’excuse de mon retard, parce que j’aime toujours entendre vos remarques liminaires et la qualité de vos réponses.
Je voudrais revenir sur la dette des ménages canadiens. À quel point cette dette est-elle comparable d’un pays à l’autre? Au Canada, les Canadiens peuvent être propriétaires de leur maison, alors que dans les pays d’Europe, la grande majorité des gens ne sont pas propriétaires, ils sont locataires, ce qui a un impact important sur le niveau de la dette des ménages.
Je voudrais vous entendre sur la comparabilité des calculs faits d’un pays à l’autre. On considère toujours le Canada comme l’un des pires, mais on n’a pas une économie pareille à d’autres pays. Je voudrais vous entendre à ce sujet.
M. Giroux : Lorsque nous faisons des comparaisons internationales, il est sûr qu’on a avantage à tenir compte des particularités d’un pays à l’autre. Si on regarde le niveau de la dette des ménages canadiens par rapport à leur revenu, c’est sûr que c’est comme comparer un stock à un flux. Cependant, c’est une comparaison qui donne une bonne idée de la capacité des ménages à payer les intérêts sur cette dette et à la rembourser.
Le Canada est parmi les pays où la dette est la plus élevée. On se dispute souvent la première place avec certains pays du nord de l’Europe, comme le Danemark, les Pays-Bas. En général, on n’est pas loin du podium ou sur le podium, ce qui n’est pas une bonne chose, dans ce cas.
On peut aussi observer la dette de consommation hors dette hypothécaire. Là aussi, on est en général dans le haut du palmarès. Même si on tient compte du fait que les Canadiens peuvent faire face à des dettes hypothécaires plus élevées compte tenu du coût de l’habitation ou du taux d’accès à la propriété qui est différent d’un pays à l’autre, la dette des ménages canadiens est quand même assez élevée.
La sénatrice Moncion : Merci beaucoup.
Au sujet de la rétroactivité, je ne sais pas si un collègue a posé la question ce matin au sujet des articles 114 à 116 du projet de loi C-47 qui propose une rétroactivité pour les frais de service des institutions financières. On parle de rétroactivité à 1991. Avez-vous eu la possibilité de faire des calculs pour trouver ce que cela peut représenter comme somme et les impacts que cela peut avoir si on parle des conséquences légales et financières pour le gouvernement et pour les institutions financières?
M. Giroux : Ce ne sont malheureusement pas des parties du projet de loi ou des articles sur lesquels on s’est penché, étant donné la grande quantité d’articles qu’il y a dans le projet de loi.
La sénatrice Moncion : Merci. En ce qui concerne les frais de service, dans le nouveau projet de loi, on parle de la Loi de Vanessa, et on parle de recouvrement de frais d’utilisation. Encore là, est-ce une partie sur laquelle vous vous êtes penchés?
Je pense aussi aux calculs liés au secteur des produits naturels, parce qu’on a eu des rencontres avec des représentants de ces secteurs qui disaient qu’ils n’avaient pas de frais de service et que tout à coup, en 2025, ils se retrouvent avec des frais de 58 000 $ pour une analyse, pour la mise en disponibilité de nouveaux produits naturels. Est-ce un secteur que vous analysez ou que vous avez analysé?
M. Giroux : La réponse est claire et simple : malheureusement, non.
La sénatrice Moncion : D’accord. Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Monsieur Giroux, je siège au comité depuis un certain nombre d’années maintenant, et nous recevons régulièrement des représentants du Conseil du Trésor. J’ai remarqué un changement dans leur rôle. Pouvez-vous nous dire si, selon vous, le rôle a changé ou pas, ou si oui, comment?
Si vous regardez leur site Web, ils s’intéressent à la gestion des finances du gouvernement et à la gestion des ressources humaines au sein du gouvernement. Si vous regardez les rapports sur le rendement — même les leurs —, parmi tous les rapports de rendement du gouvernement, la moyenne est seulement de 50 % pour l’ensemble des ministères. Ils fixent leurs propres objectifs, mais ne sont même pas capables de les atteindre. Puis, quand on demande des explications au Conseil du Trésor, c’est comme s’ils avaient adopté une approche non interventionniste.
Nous savons que les dépenses gouvernementales augmentent, nous savons que le gouvernement embauche de plus en plus de gens, et pourtant, nous savons que le niveau des services offerts par le gouvernement ne s’améliore pas. Que fait le Conseil du Trésor, par rapport à tout cela? Je parle non pas des ministres du Conseil du Trésor, mais plutôt du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Quand ses représentants comparaissent devant nous, j’ai l’impression que, au fil du temps, leur rôle ou leur importance a diminué. Vous interagissez sûrement avec certains d’entre eux. Est-ce que leur rôle a changé? Est-ce qu’il y a eu un changement dans leur domaine de responsabilité, ou est-ce que c’est moi qui me fais des idées?
Cela me préoccupe beaucoup, parce qu’ils remplissent un rôle très important au sein du gouvernement.
M. Giroux : Oui, effectivement. Leur rôle s’est élargi au fil du temps, du moins depuis l’époque où j’ai joint les rangs de la fonction publique. Par exemple, on leur a confié des responsabilités supplémentaires liées au rôle de dirigeant principal de l’information. Cela ajoute énormément aux responsabilités de l’institution. Ils doivent déjà s’occuper de l’analyse des dépenses, de certaines autorisations réglementaires, en plus de la fonction de dirigeant principal des ressources humaines. Ce sont des rôles importants pour une organisation relativement petite, et le taux de roulement au sein du ministère n’est pas négligeable. Pour le dire franchement, il est même plutôt élevé. Donc, cela explique peut-être pourquoi, parfois, on a l’impression que le Conseil du Trésor a de la difficulté à remplir son rôle de surveillance.
Je l’ai aussi remarqué. Le Conseil du Trésor est très efficace en ce qui a trait à l’analyse des dépenses et à la gestion des dépenses, mais lorsque vient le temps de demander des comptes aux ministères précisément au sujet des objectifs de rendement, de la mise en œuvre des postes de dépenses ou de la gestion des postes de dépenses individuels, c’est à cet égard que le roulement de personnel se fait sentir.
La sénatrice Marshall : C’est ce que j’ai constaté. C’est comme s’ils régressaient, dans certains domaines. Merci de vos commentaires.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci d’être ici. Dans les organisations, comme dans l’ensemble de la fonction publique, où l’on retrouve des employés à temps plein, cela me donne l’impression que c’est un peu comme un buffet, que quand on établit notre budget principal, il ne semble pas y avoir d’objectif comme tel à atteindre en matière de limitation. Je me demande aussi qui, dans la fonction publique, en fin de compte, est imputable.
Si un ministère décide qu’il a besoin de 100 fonctionnaires supplémentaires, est-ce que quelqu’un défend cette demande ou est imputable des conséquences de l’embauche de ces fonctionnaires? C’est un peu inquiétant. On parle de fonds publics, de centaines et des centaines de milliards de dollars qu’on va chercher dans les poches des contribuables. Ces mêmes contribuables paient aussi des impôts dans leur province ou leur territoire et des impôts fonciers au municipal.
Il y a quelque part un manque important d’imputabilité. On ne semble pas avoir de stratégie pour être en mesure de dire que oui, on va atteindre les objectifs, ou qu’on a dû augmenter les effectifs de façon importante pendant la COVID, mais qu’on doit revenir à un niveau déterminé parce qu’on est dans l’après‑COVID.
Est-ce que, dans vos recherches, vous dénotez un souci de bien justifier l’augmentation des ressources humaines, surtout le nombre d’employés à temps plein qui a un impact financier majeur?
M. Giroux : Il y a deux aspects de réponse que je peux donner à votre question. D’abord, on regarde les chiffres et uniquement ce que les chiffres disent : augmentation du nombre d’employés, pas d’augmentation de la performance ou du résultat. C’est ce que les chiffres disent et c’est une généralisation. C’est clair qu’il y a des aspects, des secteurs d’excellence où il y a eu d’excellents efforts, où les employés fournissent un effort considérable qui produit des résultats. C’est en général ce que démontrent les chiffres.
Ce qu’on entend, ce que j’entends d’après les discussions avec les différents ministères, c’est que lorsqu’une initiative est présentée, qu’on doit lancer un nouveau programme ou étendre un programme, la réaction et le réflexe sont de se demander de combien d’employés additionnels on aura besoin.
Il n’y a pas énormément de recherches qui sont faites pour réaffecter les fonds, pour réaffecter les employés ou pour essayer de trouver des gains d’efficience. Ce que cela a comme conséquence, dans une région comme la région de la capitale nationale, où environ le tiers des effectifs habitent, c’est qu’une fonction publique qui s’accroît le fait, en général, aux dépens des autres employeurs. En particulier, dans la région de la capitale nationale, les employeurs à but non lucratif n’ont pas les moyens d’offrir des salaires concurrentiels à ceux de la fonction publique.
On entend beaucoup d’anecdotes dans la région de la capitale nationale, selon lesquelles les organisations sans but lucratif perdent des employés et ont de la difficulté à retenir leurs employés.
Le sénateur Forest : J’ai une courte sous-question. Ma crainte est que lorsqu’on augmente les besoins parce qu’on a un nouveau programme, l’ensemble de la fonction publique consolide les programmes existants et s’assure que pour garder les emplois, il faut mettre en place des règles, des obligations, et fournir des rapports. On alourdit couche après couche la fonction publique, et je pense que quelqu’un doit s’interroger sur l’efficacité et l’efficience du système, en fin de compte. C’est un immense défi à relever pour toute organisation, mais particulièrement pour notre organisation.
Le président : Si vous me le permettez, j’aurais une question.
Je remarque une situation qui a des conséquences sur le budget canadien ainsi que sur celui des familles. Monsieur Giroux, je trouve que c’est une situation qui a des répercussions sur les Canadiens et les Canadiennes et qui est inquiétante : en 2018, il y avait 384 000 cas problématiques attribuables au système de paie Phénix. En 2021, ce chiffre est descendu à 94 000 cas, alors qu’aujourd’hui, en mai 2023, il y a 230 000 cas.
En 2019, vous avez déposé un rapport sur le système de paie Phénix. Puisque je suis du Nouveau-Brunswick, plusieurs personnes m’ont approché dernièrement, et cela arrive fréquemment quand je suis là-bas, pour me dire que ce système ne fonctionne pas.
Quatre ans après le dépôt de votre rapport — un excellent rapport d’ailleurs —, avez-vous l’intention de faire un rapport de suivi relativement au système Phénix?
M. Giroux : La réponse simple est la suivante : pas pour l’instant. Il y a eu déjà beaucoup de rapports qui ont traité de la situation de Phénix. Donc pour l’instant, on n’a pas l’intention de faire une mise à jour de notre rapport de 2019 sur le célèbre système Phénix. À moins qu’un comité en fasse la demande, cela ne fait pas partie de mon plan de travail.
Le président : À vous et à votre équipe, merci beaucoup pour le professionnalisme dont vous avez manifestement fait preuve, encore une fois.
[Traduction]
Honorables sénatrices et sénateurs, pour la deuxième partie de la réunion, nous accueillons les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Mme Annie Boudreau, secrétaire adjointe, Secteur de la gestion des dépenses; Mme Karen Cahill, secrétaire adjointe et dirigeante principale des dépenses; Mme Samantha Tattersall, contrôleure générale adjointe, Secteur des services acquis et des actifs; Mme Mireille Laroche, sous‑ministre adjointe, Personnes et Culture, Bureau du dirigeant principal des ressources humaines; M. Rod Greenough, directeur exécutif, Stratégies et prévisions des dépenses; et M. Stephen Burt, dirigeant principal des données du Canada.
[Français]
Madame Boudreau, la parole est à vous.
Annie Boudreau, secrétaire adjointe, Secteur de la gestion des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci, monsieur le président. Je tiens tout d’abord à rappeler que le territoire sur lequel nous sommes rassemblés est le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Traduction]
Je suis très heureuse de pouvoir donner au comité un aperçu du Budget supplémentaire des dépenses (A), le premier des trois budgets supplémentaires de 2023-2024. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) comprend de l’information sur les dépenses votées prévues, qui représentent 20,5 milliards de dollars, en plus de souligner les dépenses législatives prévues, qui représentent 1,4 milliard de dollars.
La majeure partie de ces 20,5 milliards de dollars en dépenses votées est consacrée aux trois principales catégories d’initiatives : 13 milliards de dollars pour les règlements et les programmes des groupes autochtones, y compris les revendications portant sur les avantages liés à l’agriculture, le Fonds de règlement des revendications particulières et les règlements à l’amiable; 2,6 milliards de dollars pour soutenir l’amélioration des soins de santé, ce qui englobe les accords bilatéraux avec les provinces et les territoires, et fait partie des 198,3 milliards de dollars sur les 10 prochaines années qui ont été annoncés dans le budget de 2023 pour améliorer notre système de santé public; enfin, 997 millions de dollars pour lancer le Fonds pour accélérer la construction de logements. Ce fonds offrira un incitatif financier aux gouvernements locaux, encouragera les initiatives visant à construire des logements et à augmenter les logements disponibles et encouragera aussi l’aménagement de collectivités complètes, à faibles émissions carboniques et résilientes aux changements climatiques, en plus d’être abordables, inclusives, équitables et diversifiées.
Les crédits votés qui sont présentés dans ce budget se retrouveront dans le troisième projet de loi de crédits pour 2023-2024, qui sera déposé devant le Parlement avant le congé d’été.
[Français]
Dans le présent budget, les prévisions de dépenses législatives sont actualisées pour donner un complément d’information sur les dépenses totales prévues par les organisations pour l’exercice en cours. Il faudrait augmenter de 1,4 milliard de dollars les dépenses législatives inscrites dans le présent Budget supplémentaire des dépenses (A) pour atteindre un total de 236,2 milliards de dollars.
Les changements les plus importants sont les suivants : tout d’abord, une augmentation de 790,3 millions de dollars des paiements au programme Agri-protection, qui s’explique par le lancement d’un nouveau Partenariat canadien pour une agriculture durable de cinq ans, et le coût de l’assurance à la suite de la hausse des prix des produits de base et de la demande accrue pour le programme; une augmentation de 737 millions de dollars des intérêts sur la dette non échue, attribuable aux taux d’intérêt supérieurs aux projections ainsi qu’aux besoins d’emprunt accrus; une diminution de 568 millions de dollars des prestations de la Sécurité de la vieillesse d’après les prévisions actualisées du taux mensuel moyen, du nombre de bénéficiaires et du montant des remboursements de prestations.
Ces changements de l’intérêt sur la dette et de la Sécurité de la vieillesse sont conformes aux prévisions établies dans le cadre du budget de 2023.
Honorables sénateurs, voici un très bref aperçu des dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A). Je tiens à vous rappeler que le présent budget des dépenses et d’autres données sur la gestion financière, la gestion du personnel et la performance du gouvernement sont également affichés dans l’InfoBase du gouvernement du Canada, un outil de visualisation qui permet de transformer des données complexes en de simples illustrations.
Mes collègues et moi-même sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions. Je vous remercie.
Le président : Madame Boudreau, je vous remercie, ainsi que votre équipe, d’avoir accepté notre invitation.
[Traduction]
Nous allons commencer la période de questions. Honorables sénateurs et sénatrices, vous aurez chacun cinq minutes.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup, madame Boudreau, d’être ici avec votre équipe.
Nous venons tout juste de discuter avec le directeur parlementaire du budget, et nous avons beaucoup parlé de l’augmentation du nombre de fonctionnaires et aussi, de mon point de vue, de l’augmentation des dépenses. Pourtant, les niveaux de service n’ont pas l’air de s’améliorer.
J’aimerais discuter des rapports sur les résultats ministériels, les RRM. Si on regarde le gouvernement dans son ensemble, les organismes et les ministères atteignent 49,8 % de leurs indicateurs de rendement, et il s’agit des indicateurs qu’ils se fixent eux-mêmes. Ils n’atteignent même pas leurs propres objectifs.
Vu toutes ces dépenses, le personnel supplémentaire et la perception ou le fait que les niveaux de service ne s’améliorent pas, avez-vous un plan? Quel est le plan du gouvernement pour régler ces problèmes? À un moment ou à un autre, il faut que quelque chose se passe, et le Secrétariat du Conseil du Trésor a un rôle important à jouer en matière de gestion financière et de gestion des ressources humaines au gouvernement. Pouvez-vous nous dire si le gouvernement a un plan, peu importe lequel, pour s’attaquer à ces problèmes?
Mme Boudreau : Merci beaucoup de la question. En ce qui concerne les indicateurs de résultats, je commencerai par dire que c’est un défi pour nous tous. Je crois l’avoir dit dans de précédentes comparutions devant votre comité. Au bout du compte, c’est le sous-ministre et le ministre, en tant que responsables de l’organisation, qui sont vraiment responsables.
Cela dit, quand un ministère ou un organisme se présente au Conseil du Trésor afin de demander de l’argent pour une mise en œuvre, nous discutons avec l’organisation, et nous examinons ses indicateurs de rendement. Nous les remettons en question et nous nous assurons qu’ils prennent en considération tous les éléments qu’ils devraient... par exemple, l’analyse comparative entre les sexes plus ou la qualité de vie. Je pense qu’il faut se concentrer un peu plus sur la raison pour laquelle certains des indicateurs ne sont pas atteints. Je parlerai probablement de trois catégories ici.
Les informations ne sont pas toujours disponibles. Je pense que j’ai déjà dit que, s’il s’agit d’une question de recensement, évidemment, il faut obtenir les données du recensement pour établir des rapports. Parfois, ils ne contrôlent pas la réception. Je vais vous donner un exemple. Quand on parle des revendications autochtones du passé, parfois, le ministère ne peut pas vraiment prévoir combien de revendications il recevra au cours d’un exercice spécifique.
Ce sont là tous les éléments qui expliquent pourquoi il est parfois extrêmement difficile pour les ministères d’évaluer. Parfois, les informations ou les données seront disponibles dans les années à venir, et c’est le cas non seulement des ministères et des organismes, mais également des bureaux du Parlement, par exemple, le Bureau du vérificateur général du Canada. Si l’on prend le Bureau du vérificateur général du Canada, on verra également qu’il a une colonne d’informations qui seront disponibles dans les années à venir. C’est pour cela qu’il ne peut pas produire de rapport.
Si je puis me permettre, je termine en disant que, si nous devions atteindre l’objectif de 100 %, selon moi, cela signifierait que les indicateurs ne sont pas assez solides ni assez exigeants. C’était mon dernier commentaire. Merci.
La sénatrice Marshall : Le gouvernement prévoit-il d’examiner ces questions, comme l’augmentation du nombre d’employés, mais avec une baisse du niveau de service? Quelqu’un au sein du gouvernement... je pensais que quelqu’un du Secrétariat du Conseil du Trésor dirait : « Oh, regardez, le nombre de nos employés et nos dépenses augmentent, mais notre rendement est en baisse. Nous avons un problème. »
Le gouvernement a-t-il pris une initiative quelconque pour examiner cette question? Vous pouvez simplement répondre par oui ou par non.
Mme Boudreau : Je sais que vous avez besoin d’un oui ou d’un non, mais je ne pense pas que l’on puisse dire que le rendement est en baisse. Nous examinons la croissance dans la fonction publique... oui, nous en sommes conscients. Comme vous le savez, nous avons de nombreux nouveaux programmes et beaucoup de nouvelles initiatives, alors pour mettre en œuvre ces programmes, nous avons donc besoin de davantage de fonctionnaires.
La sénatrice Marshall : Je pense que le grand public pourrait ne pas être d’accord avec vous sur ce point.
[Français]
Le sénateur Forest : Je vous remercie, madame Boudreau, ainsi que ceux et celles qui vous accompagnent. Je pense que l’augmentation du nombre d’employés à temps plein, quand on voit l’importance de l’augmentation, me pousse à me demander si on évalue d’une façon importante les besoins. On ajoute des programmes, donc des gens. En ajoutant des gens, si on ne remet pas en cause ou qu’on n’évalue pas les programmes antérieurs — et c’est de nature humaine, lorsque j’administre un dossier puis que je le consolide, cela peut entraîner une complexité, cela assure mon travail et mon emploi, parce que je gère ce dossier. Toutefois, fait-on une évaluation?
La machine est immense, c’est un défi colossal. Éventuellement ou périodiquement, faire une évaluation de ce qu’on livre comme programmes me semble nécessaire. Il y a des programmes vieux de cinq ans qu’on livre aujourd’hui avec beaucoup moins de budget. Va-t-on se réajuster? C’est un immense défi au sein de la fonction publique, mais c’est assez étonnant de voir une augmentation si importante du nombre d’employés à temps plein, après la pandémie de COVID-19; cela me surprend.
Je me pose vraiment la question sur le plan de l’imputabilité et de la responsabilité de l’organisation : on a un nouveau programme qui demande de nouvelles ressources, mais les programmes antérieurs sont-ils au même niveau? Demandent-ils autant de ressources? Si cet exercice n’est pas fait, il est clair que d’année en année, on va additionner et additionner, et on perdra de vue des secteurs ou des programmes qui ne sont plus là, mais où le personnel est encore présent.
Mme Boudreau : Je vous remercie de votre question. Je vais donner deux éléments de réponse. Vous avez parlé d’imputabilité et de responsabilité. Je suis d’accord avec vous pour dire que c’est partagé. Lorsque les ministères viennent au Conseil du Trésor avec leurs présentations pour commencer la mise en œuvre de leurs programmes, nous avons une fonction de surveillance.
On examine le nombre d’employés à temps plein qui est demandé, on discute avec les ministères au sujet du besoin d’embaucher ces personnes. On ne discute pas seulement du besoin d’embaucher ces personnes, mais aussi de la façon dont la distribution va se faire. Seront-elles situées dans la région de la capitale nationale ou y en aura-t-il également dans les régions? Encore une fois, c’est quand même la responsabilité du sous‑ministre, en fin de compte, de nous dire de quoi il a besoin pour procéder à la mise en œuvre de ses programmes.
Mon deuxième élément de réponse se trouve dans le budget de 2023. Vous avez peut-être remarqué que le gouvernement a décidé de procéder à des revues horizontales de programmes. Cette année, on va commencer la revue des compétences et de la jeunesse. Les conclusions de cette revue seront incluses dans le budget de 2024. L’objectif de ces revues est d’observer tout le spectre des compétences et de la jeunesse, et de s’assurer qu’il n’y a pas, entre autres, du travail qui se fait en double, mais aussi qu’il n’y a pas de programmes qui tombent dans les craques du plancher, comme on dit en bon français.
L’objectif est de mesurer l’efficience, l’efficacité et l’économie des programmes. Voilà la deuxième partie de ma réponse. Je vous remercie.
Le sénateur Forest : C’est un chantier que vous allez entreprendre cette année, c’est une excellente nouvelle à mon point de vue.
Mon autre question concerne Phénix qui, à mon avis, est vraiment incompréhensible. On se retrouve en 2023 avec le même nombre de dossiers que nous avions en 2019, soit plus de 200 000 dossiers. On a investi des sommes faramineuses dans ce système. Cela m’interpelle profondément. Sur le plan de la conscience, les syndicats ont fait valoir que le ministère réaffecte des spécialistes de la rémunération pour récupérer des trop payés plutôt que de concentrer les ressources sur la rémunération de nos propres employés, qui ont subi des conséquences majeures. Que l’on essaie d’augmenter la pression pour recouvrer certaines sommes payées en trop est une question de valeur fondamentale de l’organisation, une question d’équité, d’honnêteté et de respect de nos employés.
Si cette prétention de la part du syndicat est vraie, je ne suis pas tellement fier de notre façon de procéder dans le cadre de ce dossier.
Mme Boudreau : Merci de votre commentaire. En toute honnêteté, le ministère qui serait le plus en mesure de parler de ses défis, de ce qu’il fait en ce moment, est Services publics et Approvisionnement Canada. Il serait plus en mesure de répondre à vos questions, puisqu’il est responsable de ce dossier.
Madame Laroche, pouvez-vous ajouter quelque chose?
Mireille Laroche, sous-ministre adjointe, Personnes et cultures, Bureau du dirigeant principal des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci de votre question. Je suis d’accord avec Mme Boudreau, c’est Services publics et Approvisionnement Canada qui est responsable de la gestion de la paie.
En ce qui nous concerne, nous travaillons avec Services partagés Canada pour ce qui est de l’avenir, à savoir si nous allons remplacer le système Phénix ou si on va le conserver.
Nous sommes un intervenant intégral. Nos priorités sont d’essayer d’éliminer toute prolifération de systèmes en ce qui concerne la paie, de consolider nos systèmes et de favoriser la simplification des politiques. Comme vous le savez, au sein de la fonction publique, il a beaucoup de règles relatives à la paie et beaucoup de conventions collectives qui apportent leur lot de spécificités et de détails. Nous travaillons notamment avec les syndicats justement afin de simplifier le système et d’être en mesure d’avoir un système de paie plus efficace.
Le sénateur Forest : On vous souhaite la meilleure des chances, parce que c’est un défi de taille qu’il faut absolument relever.
Le sénateur Gignac : Bienvenue madame Boudreau, ainsi qu’à vos collègues. D’abord, avant de vous poser mes questions pointues, je tiens à vous féliciter sur deux volets. Premièrement, en ce qui a trait à la réconciliation et au rapprochement que l’on fait entre le budget fédéral de 2023 et le budget des dépenses à ce jour. Le tableau de la page 1-4 nous aide à nous situer, parce qu’on sait que le compte d’assurance-emploi n’est pas traité de la même façon que celui de l’Allocation canadienne pour enfants. Deuxièmement, il y a aussi l’InfoBase du gouvernement du Canada que je consulte souvent; je trouve qu’on s’y retrouve facilement.
Allons-y maintenant avec les questions. Pour donner suite aux questions de la sénatrice Marshall au sujet de l’évolution des dépenses, j’aimerais que vous nous rassuriez. Depuis 2016‑2017, la somme des dépenses budgétaires a augmenté considérablement. En fait, les dépenses ont augmenté de 50 % par rapport au pourcentage du PIB; nous sommes passés à 14,4 % à 15,5 %.
Ce qui est plus troublant encore est le fait que les transferts aux provinces sont demeurés stables à 3,3 %, les transferts aux personnes ont diminué et sont passés de 4,5 % à 4,1 %; enfin, les programmes directs du gouvernement fédéral sont passés de 6,8 % à 8,0 %. Donc je suis inquiet pour ces raisons et j’aimerais que vous me rassuriez.
J’éprouve du scepticisme quant au fait qu’on nous dit que, comme par magie, au cours des cinq prochaines années, la taille des programmes reviendra à ce qu’elle était en 2016-2017 sans trop d’explications. Qui plus est, en valeur absolue, on passera de 225 milliards de dollars en dépenses de programmes pour cette année à 217 milliards. C’est une baisse en valeur absolue en contexte d’inflation. Je veux bien vous croire, mais pouvez-vous expliquer comment on réussit un tel tour de force? Comment expliquer le fait qu’il soit possible de réduire la taille des dépenses directes du gouvernement fédéral en valeur absolue au cours des cinq prochaines années?
Si vous n’êtes pas en mesure de répondre aujourd’hui, j’accepterai vos réponses écrites sans aucun problème.
Mme Boudreau : Je vous remercie de vos questions. Je pourrais peut-être exposer en grandes lignes les principales augmentations depuis l’année 2016-2017.
Vous avez lu à plusieurs reprises les rapports du Bureau du directeur parlementaire du budget. Il y a énormément de dépenses qui sont attribuées aux communautés autochtones. Le directeur parlementaire du budget y faisait encore référence dans son rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (A). Comparativement à l’année 2016-2017, on voit une augmentation qui s’élève à autour de 200 à 300 %. Je pense que c’est un élément clé qu’il ne faut pas perdre de vue.
De plus, un autre élément est évidemment le secteur du logement. Beaucoup d’investissements se font en matière de logement, pas nécessairement sous forme de transferts directs aux provinces et territoires, mais quand même, depuis les cinq dernières années, il y a beaucoup d’investissements qui se font dans le secteur du logement.
Vous vous souviendrez qu’il y a deux ans, il y a aussi eu le programme universel de garderies à 10 $ par jour. Il s’agit d’une dépense votée et non d’une dépense législative. Donc effectivement, vous voyez une importante augmentation sur ce plan.
Je ne pourrai pas vous donner une réponse globale, parce qu’il faut vraiment se pencher sur chaque point et voir leur évolution. Lorsqu’on parle des investissements dans des communautés autochtones, je pense que vous en avez entendu parler et vous voyez les chiffres. Même dans le présent budget, nous proposons 13 milliards de dollars, que ce soit pour le règlement de litiges ou pour le soutien direct des peuples autochtones.
Le sénateur Gignac : On ne conteste pas l’importance et la nécessité d’intervenir par l’entremise de Services aux Autochtones Canada et sur le plan de la réconciliation. Cependant, même en excluant cela, je constate une augmentation de la taille du budget. Corrigez-moi si je me trompe, mais les projections n’incluent pas encore l’éventuel programme d’assurance dentaire. Le programme n’est pas encore déployé et déjà, on double l’estimation des coûts. Cela n’inclut pas un éventuel programme de soins dentaires qui va coûter relativement cher.
Mme Boudreau : Vous avez raison, ce n’est pas inclus dans le Budget supplémentaire des dépenses (A). Lorsque le programme sera mis en œuvre, à ce moment-là, vous trouverez ces fonds dans un budget supplémentaire des dépenses à venir.
Le sénateur Gignac : À quel moment le budget fédéral doit-il être déposé pour éviter le dépôt d’un budget supplémentaire un mois plus tard? Nous examinons le budget principal des dépenses, mais les mesures du budget ne figurent pas encore dans le budget principal des dépenses. Au bout d’un mois et demi, nous revenons pour examiner le budget des dépenses supplémentaires.
Nous vous invitons environ quatre fois par année et nous sommes toujours heureux de vous voir. Cependant, est-ce qu’il y a moyen d’avoir un budget supplémentaire des dépenses qui inclut les mesures budgétaires? À quelle date ce budget doit-il être déposé?
J’ai couvert les budgets fédéraux pendant de nombreuses années à titre d’économiste et cela se faisait habituellement au début de février. Est-ce que ce serait une bonne date pour éviter un budget supplémentaire des dépenses?
Mme Boudreau : Nous devons déposer le budget principal des dépenses le 1er mars; c’est la date que nous devons respecter. Même si on avait un budget fédéral déposé un mois avant, au mois de février, je ne pourrais pas vous assurer à 100 % que toutes les dépenses seraient incluses dans le budget principal des dépenses. Pourquoi? Parce que souvent, les ministères ont besoin de temps pour déterminer la mise en œuvre qu’ils doivent faire et les indicateurs de programmes dont ils ont besoin pour pouvoir déployer leurs programmes.
Malheureusement, je ne pourrais pas vous donner une date précise. Par contre, je peux vous dire que le budget supplémentaire que vous avez devant vous en ce moment contient 60 % des initiatives annoncées dans le budget fédéral de 2023. Vous pouvez voir qu’entre parenthèses, nous faisons toujours référence aux initiatives qui viennent du budget fédéral.
Le sénateur Gignac : Si je comprends bien, on aura la chance de vous revoir pour le 40 % qui reste?
Mme Boudreau : Vous aurez effectivement cette chance.
Le sénateur Gignac : Merci beaucoup.
Le sénateur Smith : Bonjour à tous et bienvenue.
[Traduction]
Madame Boudreau, nous avons déjà discuté de la nécessité de réduire et de simplifier les mesures de rendement que les ministères publient et de s’assurer que ces mesures conviennent aux programmes et qu’elles sont pertinentes pour ces derniers. Une de vos mesures de rendement fait partie de vos dépenses, et votre rôle de surveillance est de garantir que les programmes du gouvernement disposent de mesures adaptées pour le suivi du rendement et la prise de décisions.
Pourriez-vous faire le point sur le travail que le Conseil du Trésor effectue pour soutenir les ministères et les organismes au chapitre de la réduction du nombre de mesures de rendement redondantes et peu pertinentes?
Mme Boudreau : Merci de la question.
Nous effectuons ce travail dans le cadre de l’examen de la politique et des résultats. La politique et les résultats ont été établis en 2016; il est donc temps de procéder à une mise à jour — un examen — pour s’assurer que la politique est toujours efficace.
Nous communiquons avec les ministères et les organismes pour recueillir des commentaires et, en même temps, nous recueillons, évidemment, des commentaires sur les indicateurs de rendement, comme vous l’avez dit, en vue de simplifier les rapports sur les résultats ministériels et les plans ministériels, et peut-être également d’examiner les indicateurs qui font double emploi ou qui ne sont pas pertinents. Ce travail est en cours, et je ne saurais vous dire à quelle date il sera terminé.
Je suis sûre que je reviendrai, alors vous pourrez de nouveau me poser la question, et peut-être que, à ce moment-là, j’aurai la date précise de fin de cet examen.
Le sénateur Smith : Avez-vous des indications sur l’état d’avancement des ministères? Êtes-vous à 20, 30 ou 50 % en ce qui concerne l’évaluation?
En ce qui concerne le parcours, quels sont les points sur lesquels nous pouvons nous attendre à recevoir une rétroaction? Ce serait bien si vous pouviez nous dire maintenant « Selon notre travail initial et l’état d’avancement actuel, nous en sommes à X % ». Pouvons-nous dire cela à ce moment précis?
Mme Boudreau : Malheureusement, je ne peux pas vous donner de pourcentage. Si je vous donne un pourcentage, je n’aurai aucune preuve pour l’étayer. Je préférerais revenir, et si le président me le permet, je peux revenir avec une réponse écrite, si vous me donnez un certain nombre de jours pour faire des recherches et vous revenir à ce sujet.
Le sénateur Smith : La raison pour laquelle je pose cette question, c’est que nous vous avons écoutés, et nous avons entendu dire, au fil du temps, qu’il y a eu des retards dans la publication des résultats ministériels, et nous voulons nous assurer qu’il y a un lien entre tous les différents éléments. Il semble que les mesures de rendement soient un élément clé dans votre opération. C’est la raison pour laquelle j’ai posé la question et que j’ai poussé un peu plus loin les questions de la sénatrice Marshall.
Mme Boudreau : Si je peux me permettre, année après année, au cours des cinq dernières années, nous avons déposé les rapports sur les résultats ministériels dans un délai moyen de six jours après le dépôt du Budget principal des dépenses. Je veux m’assurer de le préciser, car, il s’agit d’une moyenne d’environ six jours.
Le sénateur Smith : Six jours après quand?
Mme Boudreau : Après le dépôt du Budget principal des dépenses. Donc, par exemple, l’année dernière, nous avons déposé le Budget principal des dépenses le 1er mars, car c’est notre date limite, et les plans ont été déposés le 2 mars, le lendemain. L’année d’avant, ils ont été déposés le même jour, en même temps.
Cette année, étant donné que la Chambre des communes ne siégeait pas, nous devions déposer le Budget principal des dépenses avant le 15 février. Généralement, nous ne faisons pas cela. C’est toujours le 1er mars. C’était deux semaines à l’avance, et les plans ont été déposés trois semaines plus tard. Mais si nous l’avions déposé au même moment, soit le 1er mars, il y aurait eu une semaine d’intervalle.
Le sénateur Smith : Avec la redondance des mesures qui n’ont pas besoin d’être utilisées, avez-vous fait des progrès significatifs dans ce domaine particulier? C’est la raison de ma question. Qu’en est-il des redondances et de l’amélioration dans certains de ces domaines?
Mme Boudreau : Comme je le disais, c’est un travail en cours, mais malheureusement, je ne peux pas vous donner de pourcentage, comme 20 ou 30 %.
[Français]
Le sénateur Smith : Pourriez-vous poser la question pour que nous puissions obtenir une réponse la prochaine fois?
Mme Boudreau : Je serai heureuse de vous fournir un chiffre plus rigoureux.
Le sénateur Smith : Merci.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup à nos invités d’être parmi nous pour répondre à nos questions.
[Traduction]
Vous devez maintenant savoir que le comité est préoccupé par l’augmentation de sa dette et par le fait que la fonction publique dans différentes provinces souffre. Nous sommes également préoccupés par l’abordabilité de l’endettement des ménages et l’augmentation de l’effectif dans la fonction publique, le nombre d’employés. Personnellement, je suis très inquiète de l’état du changement climatique et des feux de forêt.
Pour chacune de ces questions, vous avez des indicateurs de rendement. Ce que je constate après avoir écouté et lu, c’est que votre rôle a été élargi, et j’aimerais savoir si vous estimez... parce que vous devez également assurer le suivi de certains indicateurs de rendement en tant que Conseil du Trésor.
J’essaie de comprendre quelle est la partie qui n’est pas efficace. Est-ce les ministères qui ne sont pas efficaces? Je suis d’accord avec vous pour dire que, si nous avons des indicateurs de rendement à 100 %, ils sont inutiles. Je comprends. Je suis d’accord avec vous. Mais quel est le bon chiffre? Comment pouvons-nous vous aider à gagner en efficience pour que vous puissiez demander davantage d’efficience des autres ministères responsables de ces questions?
Mme Boudreau : Merci beaucoup de cette question très importante.
Comment pouvez-vous nous aider? Probablement en invitant de plus en plus de ministères et d’organismes à vous parler de leurs propres indicateurs et peut-être des processus qu’ils ont mis en place dans ces organisations pour les élaborer. Discutez avec eux de la raison pour laquelle ils en ont autant et pourquoi ils sont importants aux yeux du ministère ou de l’organisme. Comment sont-ils déterminés? Sont-ils élaborés en collaboration avec leurs intervenants clés? Ce serait utile pour nous, si vous voulez le faire.
La sénatrice Galvez : Nous savons qu’un grand nombre de fonds sont alloués à l’examen des revendications. Il semble qu’il n’y ait pas suffisamment de détails sur les faits historiques qui justifient ces revendications. Nous avons même entendu M. Giroux dire qu’il y a une certaine subjectivité. Il a également proposé que nous les amenions à huis clos pour écouter les parties.
Êtes-vous d’accord avec lui pour dire qu’il n’y a pas assez d’information disponible pour que vous puissiez effectuer vos analyses de rendement?
Mme Boudreau : Je ne pense pas que j’utiliserais le terme « subjectivité », pour être honnête avec vous, mais je pense que c’est une excellente idée de demander aux deux ministères chargés des dossiers autochtones — Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada — de comparaître devant vous, peut-être en même temps, pour que vous ayez un aperçu complet de ce qu’ils font et de ce qu’ils veulent faire.
Il n’est pas suffisant d’avoir un seul ministère, parce que l’un concerne davantage les revendications et les griefs passés, et l’autre s’occupe davantage de l’avenir. Avoir les deux ministères ensemble pourrait vous fournir l’information dont vous avez besoin. Encore une fois, je n’utiliserais pas le terme « subjectivité ».
La sénatrice Galvez : Merci.
Le sénateur Boehm : Merci, madame Boudreau, et merci à votre équipe du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada d’être ici avec nous aujourd’hui.
J’aimerais poser une question sur l’état des négociations avec les différentes unités de négociation collective et savoir s’il y en a qui sont en position juridique de faire la grève à ce stade. Avez-vous tiré des leçons de la grève de l’AFPC, en particulier, et avez-vous des données concernant les coûts de renonciation et les fonds qui ont pu être perdus? J’aurai quelques questions supplémentaires à ce sujet.
Mme Boudreau : Merci beaucoup. Je vais céder la parole à ma collègue, Mme Laroche. Si nous n’avons pas toutes les informations, nous nous assurerons de vous revenir à ce sujet. Mme Laroche peut avoir des choses à dire.
Mme Laroche : Merci beaucoup de vos questions.
En ce qui concerne les règlements où nous parvenons à des accords avec différents syndicats, environ 65 % des employés ont des ententes de principe, signées ou en cours de ratification.
Bon nombre de négociations sont actuellement en cours, et certains groupes ont également choisi la médiation comme moyen de parvenir à un règlement. Dans cette optique, je n’ai pas d’information sur qui serait en situation de grève. Je ne pense pas qu’il y en ait, mais je confirmerai auprès de mes collègues, et nous pourrons vous revenir sur cette question.
Pouvez-vous s’il vous plaît répéter la dernière partie de votre question?
Le sénateur Boehm : Avez-vous une idée de la somme d’argent que le gouvernent a perdue pendant la grève de l’AFPC? Et ce, au chapitre des heures de travail perdues, de l’accumulation d’arriérés, ce genre de choses.
Mme Laroche : Non, je n’ai pas d’information au niveau global. C’est selon la situation de chaque ministère. Comme vous le savez, certains services ont été jugés essentiels et ont été maintenus, tandis que d’autres ont été interrompus, ensuite, les ministères ont mis en place un certain nombre de plans d’action pour s’assurer qu’ils pourraient réduire l’arriéré et continuer de fournir des services aux Canadiens.
Le sénateur Boehm : Si je peux passer à autre chose, et c’est vraiment ce que mes collègues ont tous demandé, à savoir l’augmentation des équivalents temps plein, les 23 000 fonctionnaires. Y a-t-il une catégorie d’emploi particulière — AS, PM, EC — où se situe l’essentiel de cette croissance ou cela dépend-il vraiment des congés ministériels ou des programmes dont Mme Boudreau a parlé? Y a-t-il des pics dans l’un ou l’autre de ces groupes?
Mme Boudreau : Bien sûr, nous avons constaté certains pics. Par exemple, à l’Agence du revenu du Canada, on peut constater une forte augmentation de l’effectif, comme c’est le cas pour Emploi et Développement social Canada.
Nous pouvons revenir avec davantage de détails en ce qui concerne les catégories dont nous parlons. Nous avons ces informations.
Le sénateur Boehm : Merci.
Mais il me semble qu’une augmentation de 23 000 équivalents temps plein va plutôt à l’encontre de l’objectif fixé, comme l’a dit votre ministre ici devant le comité, soit de procéder à une sorte d’examen dans tous les ministères. Il ne s’agit pas nécessairement d’un examen des programmes; je comprends cela. Mais avez-vous une idée de cette juxtaposition, de ce recrutement accru? En même temps, tout examen ne semble pas se traduire par des économies?
Mme Boudreau : C’est exact. Il faut peut-être revenir au libellé du budget de 2023. L’examen sera effectué en deux volets. Le premier consistera à réduire les services professionnels, en mettant l’accent sur les conseils en gestion. L’autre portera sur les programmes et le fonctionnement, c’est‑à‑dire les équivalents temps plein. Mais ce volet sera mis en place progressivement. Les premières économies seront comptabilisées l’année prochaine et représenteront environ un tiers de l’objectif que nous nous sommes fixé, puis deux tiers l’année suivante. Cela donnera suffisamment de temps aux ministères pour évaluer leur plan de dotation ainsi que les personnes qui quittent leur emploi ou partent à la retraite. Ils pourront s’adapter en conséquence.
Nous ne prévoyons pas de diminution importante du nombre d’employés à la suite de cet examen.
Le sénateur Boehm : Merci de la précision.
Le sénateur Loffreda : Merci, madame Boudreau, d’être ici avec votre équipe, et merci à tous les autres témoins.
L’endettement des ménages, l’abordabilité du logement et l’offre de logements sont des préoccupations majeures au Canada, comme nous le savons. La Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, demande 996,7 millions de dollars en crédits votés pour le Fonds pour accélérer la construction de logements qui a été annoncée pour la première fois dans le budget de 2022. Selon la SCHL, le Fonds pour accélérer la construction de logements offre un financement incitatif aux administrations locales afin d’encourager les initiatives visant à supprimer les obstacles à la construction de logements et à accroître l’offre de logements. Le financement commence à l’été 2023.
J’ai quelques questions; je vais donc continuer et vous donner la totalité des cinq minutes pour vous préparer aux réponses, qui sont toujours très intéressantes. Pouvez-vous expliquer comment ce financement permettra d’augmenter l’offre de logements? Il est essentiel d’augmenter l’offre de logements dans tout le Canada. Quels sont les obstacles que rencontrent les gouvernements locaux ou les municipalités pour augmenter cette offre de logements? Avec trois ordres de gouvernement, pensez‑vous que nous puissions relever ces défis avec tout ce financement alloué à l’offre de logements?
Quelles sont les exigences en matière de rapport pour les bénéficiaires du financement? Comment le gouvernement détermine-t-il si les unités de logement supplémentaires sont le résultat du financement? Je pose la question car le suivi est essentiel non seulement pour améliorer les résultats, mais aussi pour modifier le financement si les résultats n’atteignent pas les objectifs. Avons-nous des objectifs concernant cette offre de logements? J’aimerais considérer qu’il s’agit d’un investissement et non d’une dépense. Il faut fixer des objectifs pour que ce soit un investissement et pour évaluer cet investissement.
Combien d’unités de logement supplémentaires pensez-vous créer avec ce financement? Pensez-vous qu’il permettra d’améliorer de façon significative l’offre de logements dans tout le Canada, étant donné que c’est presque 1 milliard de dollars? Il faut beaucoup de temps pour compter jusqu’à 1 milliard.
Mme Boudreau : Merci beaucoup de vos questions. Malheureusement, je n’ai pas le niveau de détail que vous cherchez, mais le président me donnera une date, et je reviendrai avec toutes les informations que vous avez demandées.
Le sénateur Loffreda : Excellent, nous avons donc accompli deux choses aujourd’hui : l’analyse des tests de tension concernant l’offre de logements et la date pour obtenir toutes les informations.
J’aimerais continuer à parler de l’examen stratégique. Pouvez‑vous nous donner davantage d’information sur cette question? C’est très important. Quand la présidente du Conseil du Trésor a comparu devant le comité le mois dernier, elle n’a pas pu nous fournir d’information supplémentaire. Elle nous a dit que le gouvernement reste déterminé à réduire les dépenses liées à la sous-traitance, aux déplacements et à certains domaines dans tous les ministères et leurs activités.
Je sais que votre ministère a été mandaté pour effectuer cet examen stratégique, alors j’aimerais savoir si vous avez des commentaires ou des explications à ce sujet. Voici ce qu’elle a dit :
L’enjeu, en fin de compte, est un gouvernement plus futé, et non amoindri. Voilà l’objectif.
Nous avons discuté ici d’un petit gouvernement, mais elle n’a pas dit que ce n’était pas le cas. Ils essayaient de trouver un total de 15,4 milliards de dollars en économies au cours des cinq prochaines années.
Comment pensez-vous que le gouvernement réalisera ces économies? Y a-t-il un moyen de suivre les progrès réalisés par le gouvernement dans le cadre de son examen? Vous avez donné quelques précisions à ce sujet; j’accueille volontiers tout autre commentaire. Est-il naïf de penser que nous pouvons réaliser ces milliards de dollars d’économies en ne réduisant pas la taille du gouvernement?
Mme Boudreau : Merci des questions.
Comme je le disais, il y a deux volets. Le premier porte sur les services professionnels, et ne concernera pas les équivalents temps plein; il ne concernera pas le personnel.
Si l’on examine le budget, il y avait un profil financier. Au cours du premier exercice — le présent exercice, 2023-2024 —, il faut réduire de 500 millions de dollars les services professionnels et les frais de déplacement. Nous avons l’intention de les reporter dans l’un des prochains Budgets supplémentaires des dépenses, le (B) ou le (C). Ça, c’est pour cette année.
Pour l’année prochaine, ces 500 millions de dollars deviennent 1,6 milliard de dollars de services professionnels et de frais de déplacement. Encore une fois, nous adopterons une approche progressive pour le fonctionnement et les programmes, et cela représentera un tiers des économies finales. Donc, l’année prochaine, on aura une réduction de 681 millions de dollars dans les dépenses de fonctionnement et de programmes.
Pour l’année suivante, les informations seront incluses quand le président dépose le Budget principal des dépenses. Vous pourrez constater une réduction, ministère par ministère, pour ces catégories.
Le sénateur Loffreda : J’ai hâte de voir cela, et j’ai hâte de recevoir vos réponses concernant la crise de l’abordabilité du logement dans laquelle nous nous trouvons, ainsi que les objectifs relatifs à ces milliards de dollars que nous investissons. J’aimerais vraiment voir cela.
Mme Boudreau : Absolument.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai deux questions rapides. Le directeur parlementaire du budget n’avait pas toute l’information nécessaire pour répondre à ma question sur l’usage des 469 millions de dollars attribués à la santé des réfugiés et des demandeurs d’asile.
Est-ce que les sommes qui seront transférées aux provinces seront les vrais responsables sur le terrain ou pouvez-vous nous dire comment le gouvernement fédéral utilisera ces sommes, si ce ne sont pas des transferts aux provinces?
Mme Boudreau : Merci beaucoup pour votre question. Effectivement, ce ne sont pas des transferts aux provinces. Ces réfugiés sont ici et ne sont pas encore couverts par le régime provincial. Donc, c’est vraiment de l’argent de transition. Ensuite, ils vont faire partie du régime fédéral et ils seront pris en charge par les provinces et les territoires. C’est seulement pour des mesures intérimaires.
Le sénateur Dagenais : Vous avez annoncé une révision des compétences, je crois, et vous allez vérifier qu’il n’y a pas eu de dédoublement concernant les emplois. Je dois avouer avoir été un peu surpris.
Est-ce que cela veut dire que l’on ne savait pas si tous les fonctionnaires avaient vraiment une raison d’être là? Est-ce que cela veut dire que des personnes auraient été embauchées sans qu’on en ait vraiment besoin?
Mme Boudreau : Merci pour la question. J’ai vraiment besoin de donner plus de précisions. La revue dont j’ai parlé sur les compétences et la jeunesse visent des programmes du gouvernement fédéral qui aident les compétences et qui aident la jeunesse. Ce ne sont pas les employés du gouvernement fédéral, mais ce sont vraiment les programmes qui sont mis en œuvre par le gouvernement fédéral. On va regarder tous les programmes dans tous les ministères et les organisations et on va s’assurer qu’un individu qui se cherche un emploi a vraiment tout le soutien dont il a besoin pour s’y retrouver dans la panoplie de programmes qui existent au sein du gouvernement fédéral.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Merci d’être ici. Je tiens à m’excuser; j’ai posé au directeur parlementaire du budget une question que j’aurais dû vous poser. Par erreur, j’ai dit que votre collègue, la semaine dernière, m’a invitée à lui poser la question, mais il m’a en fait invitée à vous la poser à vous, madame Laroche. Je m’en excuse auprès de mes collègues et du public qui nous regarde.
Je voudrais poursuivre dans cette voie. J’ai posé des questions, et nous avons reçu un certain nombre de commentaires du Conseil du Trésor sur la question en ce qui concerne le racisme antinoir et le fonds pour la santé mentale des fonctionnaires noirs. D’après votre réponse écrite, les réseaux d’employés et les experts noirs ont participé au processus d’élaboration d’un plan d’action, pourtant, il y a eu des signes d’inquiétude concernant le racisme antinoir également au Conseil du Trésor lui-même, y compris au sein de la haute direction.
Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous en dire plus sur les mesures spécifiques que vous avez prises pour remédier à ces problèmes, et comment les initiatives à venir refléteront de manière adéquate les besoins et les attentes des fonctionnaires noirs?
Mme Laroche : Merci beaucoup de vos questions. Je vais commencer par simplement dire que, dans le budget de 2022, nous avons reçu de l’argent afin de travailler sur un fonds pour la santé mentale des employés noirs et des programmes de perfectionnement professionnels dédiés et de les concevoir. À ce moment-là, nous l’avons beaucoup fait avec les réseaux. Nous avons embauché un certain nombre d’employés noirs pour qu’ils travaillent au Secrétariat du Conseil du Trésor. Ces employés étaient en détachement et ont travaillé avec le Secrétariat du Conseil du Trésor au chapitre de l’élaboration conjointe pour finalement proposer au gouvernement une solution, ce qui a permis d’allouer des fonds dans le Budget 2023. Quand le travail a été fait en ce qui concerne cette partie, on a mis fin aux détachements, et les employés sont retournés dans leurs organisations.
Actuellement, en tant qu’organisation et fonction publique, nous sommes vraiment engagés à créer un environnement exempt de harcèlement et de discrimination où tout le monde a un sentiment d’appartenance. Actuellement, en ce qui concerne ce projet particulier, nous sommes en train de travailler avec nos partenaires, y compris les réseaux, pour relancer la mise en œuvre de ces deux initiatives essentielles.
Nous prévoyons reprendre contact avec les réseaux, mais aussi d’aller à la rencontre des employés noirs au sein de la fonction publique fédérale de façon à vraiment nous assurer que l’initiative qui sera présentée répondra en fait à leurs besoins. Nous travaillons également avec nos partenaires dans toute l’organisation, comme Santé Canada, qui offre le Programme d’aide aux employés ainsi que l’École de la fonction publique du Canada qui offre une multitude de programmes au niveau des dirigeants et des employés — en vue de nous assurer que nous pouvons renforcer ce qui existe déjà, mais également mettre en place certaines choses qui répondront aux besoins des employés.
L’autre chose que nous faisons, c’est que nous travaillons avec Patrimoine canadien. Comme vous le savez peut-être, ils sont responsables d’un certain nombre d’initiatives axées sur l’antiracisme et la lutte contre la haine. Ce que nous faisons avec eux, c’est que nous examinons comment nous pouvons intégrer un objectif applicable à la fonction publique. Essentiellement, en tant que principal employeur du Canada, nous sommes simplement un microcosme de la société canadienne, alors nous voulons nous assurer que nous avons un environnement de travail exempt de racisme et de haine pour tous les groupes y compris les employés noirs.
En plus de cela, des fonds ont également été alloués dans le budget de 2023 pour faire progresser un programme de démarches réparatrices visant à autonomiser les employés qui ont subi du harcèlement et de la discrimination et à favoriser le changement culturel dans la fonction publique. Un groupe d’experts sera mis en place cette année et chargé de mener des consultations afin de permettre la formulation de recommandations, d’ici l’hiver, pour que nous puissions voir comment nous pouvons régler au mieux ce problème et examiner tous les processus dont nous disposons à l’interne, l’objectif étant de s’assurer qu’ils sont efficaces et rapides et qu’ils peuvent traiter les plaintes historiques de harcèlement, de violence et de discrimination dans la fonction publique.
La sénatrice Pate : Merci.
Le président : Sénatrices et sénateurs, cela nous amène à la fin de notre séance. Je remercie Mme Boudreau et son équipe.
[Français]
Merci beaucoup pour votre professionnalisme et votre présence parmi nous.
[Traduction]
Je pense que nous avons un dénominateur commun : la transparence, la responsabilisation, la fiabilité et la prévisibilité des budgets et des dépenses. Sur ce, j’aimerais vous rappeler, madame Boudreau, d’envoyer, s’il vous plaît, vos réponses écrites à la greffière d’ici la fin de la journée du mardi 27 juin 2023.
J’aimerais informer les sénatrices et les sénateurs que notre prochaine séance se tiendra le mercredi 14 juin, à 18 h 45 — demain —, pour éventuellement étudier article par article le projet de loi C-47, si le Sénat nous l’envoie aujourd’hui ou demain.
Avant de terminer, j’aimerais saisir l’occasion pour remercier tout le personnel de son soutien, qui nous permet, à nous, parlementaires, de faire notre travail. Sur ce, honorables sénatrices et sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)