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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi, 18 octobre 2023

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), pour étudier le projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices et à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca.

[Français]

Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

J’aimerais maintenant demander aux sénateurs et sénatrices de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Forest : Bonjour à toutes et à tous. Éric Forest, sénateur de la division du Golfe, au Québec.

La sénatrice Galvez : Bonsoir. Rosa Galvez, sénatrice du Québec.

Le sénateur Loffreda : Bonsoir et bienvenue. Je suis le sénateur Tony Loffreda, de Montréal, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Pate : Kim Pate de Kitchissippi, le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Le sénateur Smith : Larry Smith, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, de Montréal, au Québec.

[Traduction]

Le président : Nous commençons notre étude du projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé), qui a été renvoyé à notre comité par le Sénat du Canada, le 1er juin 2023.

[Français]

Comme toujours, nous avons le plaisir d’accueillir notre premier témoin quand nous tenons nos réunions d’information importantes. Il s’agit du directeur parlementaire du budget, M. Giroux, et de son équipe. Merci beaucoup de toujours accepter notre invitation quand nous faisons appel à votre professionnalisme pour partager vos opinions et parler des rapports que vous nous présentez.

[Traduction]

Nous avons aussi avec nous de hauts fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada.

[Français]

Maxime Guénette est sous-commissaire, dirigeant principal des services et dirigeant principal des données, à la Direction générale du service, de l’innovation et de l’intégration.

Nous accueillons aussi Mme Cathy Hawara.

[Traduction]

Nous accueillons aussi Kelly Taylor, directrice générale, Laboratoire de recherche et d’innovation, Direction générale du service, de l’innovation et de l’intégration.

[Français]

M. Eric Ferron est directeur général, Direction des enquêtes criminelles, Direction générale des programmes d’observation.

[Traduction]

Bienvenue et merci à tous. J’aimerais aussi souhaiter la bienvenue à Mark Mahabir, du DPB. Merci, M. Mahabir, d’accompagner le DPB.

Merci à tous d’avoir accepté notre invitation à témoigner devant le Comité sénatorial des finances nationales. Nous entendrons d’abord les remarques préliminaires de M. Giroux, suivi de M. Guénette.

[Français]

Monsieur Giroux, la parole est à vous.

Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Je vous remercie de l’invitation à comparaître devant vous aujourd’hui dans le cadre de votre étude du projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, qui concerne la mesure de l’écart fiscal pour lutter contre l’évasion fiscale internationale.

Comme vous l’avez mentionné, je suis accompagné aujourd’hui de Mark Mahabir, directeur général, Analyse budgétaire et des coûts.

Le projet de loi S-258, que le comité étudie aujourd’hui, est essentiellement le même que le projet de loi S-243, qui a été étudié par ce comité en 2018. Il inclut les amendements proposés par ce comité et adoptés par le Sénat.

Notamment, alors que la proposition initiale prévoyait un calcul annuel de l’écart fiscal, cette fréquence a été modifiée de façon à ce que le calcul s’effectue tous les trois ans, ce qui correspond à l’année financière survenue trois ans auparavant, conformément à une demande de l’Agence de revenu du Canada.

La fourniture d’estimations plus précises de l’écart fiscal donne un indicateur utile de l’efficacité du système fiscal. Les estimations de l’écart fiscal sont également utiles pour informer les Canadiens et leurs représentants au Parlement de l’ampleur de l’évasion et du non-paiement des impôts. À cet effet, je suis d’accord avec la sénatrice Marshall, qui a déclaré ce qui suit au Sénat le 16 mai 2023 :

Bien que le simple calcul de l’écart fiscal ne règle rien en soi, il s’apparente à la vérification des signes vitaux d’une personne. Il révèle si quelque chose ne va pas et si la situation s’améliore ou s’aggrave.

Voilà les paroles d’une personne très sage. Les dispositions du projet de loi S-258 qui retiennent particulièrement mon attention et celle de mon bureau se trouvent à l’article 3.

L’article 3 propose de modifier la Loi sur l’Agence du revenu du Canada en ajoutant le nouveau paragraphe 88.1(2), qui obligerait la ministre à recueillir, compiler, analyser et synthétiser les statistiques sur l’écart fiscal pour toutes les catégories de contribuables, à savoir les particuliers, les entreprises et les fiducies.

Ensuite, le nouveau paragraphe 88.1(3) propose une nouvelle disposition à la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, qui obligerait la ministre à fournir au directeur parlementaire du budget (DPB) les données sur l’écart fiscal et toutes les données supplémentaires que je juge pertinentes pour effectuer une analyse plus approfondie de l’écart fiscal.

[Traduction]

Ces nouvelles exigences assureraient non seulement la disponibilité de données pertinentes à l’appui d’une analyse plus poussée, mais elles renforceraient également ma capacité d’accéder à l’information en temps opportun, ce qui permettrait à mon bureau de fournir une estimation indépendante de l’écart fiscal du pays.

Il est important de souligner que toutes les données sur l’écart fiscal que je recevrais de l’ARC en vertu du projet de loi seraient traitées conformément à d’autres dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada. Cela signifie qu’elles seraient toujours assujetties aux restrictions prévues à l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information ou à toute autre disposition d’une autre loi du Parlement. Par exemple, je ne pourrais pas obtenir des renseignements fiscaux permettant d’identifier directement ou indirectement des contribuables donnés.

Le projet de loi S-258 renforcerait la capacité du DPB à accéder aux données sur l’écart fiscal nécessaires à la réalisation d’une analyse indépendante. Je pense aussi qu’une telle analyse serait très utile aux parlementaires et aux Canadiens. Toutefois, les améliorations apportées au projet de loi pour préciser le droit du DPB de consulter des renseignements fiscaux renforceraient également son efficacité. En tant qu’agent indépendant au service du Parlement, je suis tout à fait d’accord avec la nécessité de renforcer la reddition de comptes et la transparence.

Le président : Merci, monsieur Giroux.

[Français]

Maxime Guénette, sous-commissaire, dirigeant principal des services et dirigeant principal des données, Direction générale du service, de l’innovation et de l’intégration, Agence du revenu du Canada : Merci, monsieur le président. Je vous remercie de l’invitation à comparaître devant vous aujourd’hui. Je m’appelle Maxime Guénette et je suis sous‑commissaire de la Direction générale du service, de l’innovation et de l’intégration à l’Agence du revenu du Canada (ARC). Je suis accompagné de mes collègues Cathy Hawara, sous‑commissaire à la Direction générale des programmes d’observation, Kelly Taylor, directrice générale au Laboratoire de recherche et d’innovation, et Eric Ferron, directeur général à la Direction des enquêtes criminelles.

Sous ma responsabilité, la direction de Mme Taylor a le mandat de respecter l’engagement du gouvernement du Canada d’estimer et de publier l’écart fiscal de façon continue, tandis que les responsabilités de Mme Hawara, appuyées par M. Ferron et sa direction, incluent la prestation de programmes de lutte contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal abusif.

Nous voulons également souligner le travail important du directeur parlementaire du budget (DPB). L’ARC continue de fournir au DPB les renseignements demandés qu’il a le droit de recevoir en vertu de la loi, tout en assurant la confidentialité des renseignements des contribuables, comme l’exigent les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu et de la Loi sur la taxe d’accise.

En 2016, le gouvernement du Canada a appuyé la recommandation no 7 du Comité permanent des finances, visant à estimer de façon continue l’écart fiscal fédéral du Canada et à rendre les renseignements sur l’ampleur de cet écart accessibles au public. Depuis 2016, l’ARC a formé une équipe d’experts qui se consacrent à l’étude de l’écart fiscal.

De 2016 à 2020, l’ARC a étudié différentes composantes de l’écart fiscal fédéral et a publié sept rapports, en mettant l’accent sur l’année d’imposition 2014. Compte tenu de la complexité de l’estimation de l’écart fiscal, l’ARC a dû adopter une approche progressive pour élaborer des méthodes appropriées et rigoureuses adaptées au contexte canadien.

[Traduction]

En juin 2022, l’ARC a publié le premier rapport sur l’écart fiscal global au Canada, qui rassemble toutes les composantes de l’écart fiscal publiées précédemment ainsi que les estimations actualisées et les principales constatations jusqu’à l’année d’imposition 2018. On y trouvait notamment des détails sur les méthodes de l’ARC pour estimer l’écart fiscal, qui ont également été examinées par des universitaires.

Notre rapport a révélé que, de 2014 à 2018, l’écart fiscal est demeuré stable à environ 9 % des recettes fiscales fédérales. Nous pensons que le fait que l’écart fiscal soit demeuré stable au cours de ces cinq années, alors que les recettes fiscales fédérales ont augmenté en raison de la croissance économique, est un signe positif pour notre régime fiscal. Cela a été rendu possible en grande partie parce que les activités de conformité et de recouvrement de l’ARC ont réduit l’écart fiscal fédéral global, en moyenne, de 39 à 45 % au cours des années d’imposition 2014 à 2018. Ces activités ont eu une incidence particulièrement forte sur l’écart fiscal lié à l’impôt des sociétés, en réduisant l’écart chaque année d’imposition, de 48 à 59 % en moyenne.

Grâce à la recherche de l’ARC sur l’écart fiscal, le Canada est devenu l’un des principaux pays à estimer et à publier des estimations de l’écart fiscal. En fait, je suis très fier de dire que le Forum sur l’administration fiscale, ou FAF, de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, a récemment demandé au Canada d’assumer la présidence de la toute première communauté d’intérêts sur l’écart fiscal du FAF. Le travail de l’ARC sur l’écart fiscal a été reconnu à l’échelle internationale et nous continuerons de jouer un rôle important dans la direction de cette communauté d’intérêts sur l’écart fiscal.

À l’heure actuelle, l’ARC met à jour les estimations de l’écart fiscal au Canada pour les années plus récentes. Nous prévoyons de publier le prochain rapport sur l’écart fiscal global en 2025, qui couvre l’année d’imposition 2022, puis nous en publierons un tous les trois ans à partir de ce moment.

En ce qui concerne les enquêtes criminelles à l’ARC, le mandat du programme de M. Ferron est de s’assurer que les cas importants d’évasion fiscale et de fraude fiscale font l’objet d’une enquête et, le cas échéant, que le programme renvoie les cas au Service des poursuites pénales du Canada pour d’éventuelles poursuites criminelles. L’ARC publie tous les résultats des poursuites liées aux enquêtes criminelles. Nous estimons que la publication de ces renseignements sert à maintenir la confiance du public dans l’intégrité du régime fiscal d’autocotisation, à mettre en garde les Canadiens contre les éventuels stratagèmes fiscaux illégaux et à dissuader d’autres personnes de commettre des infractions liées à l’évasion fiscale, à la fraude fiscale ou à d’autres crimes fiscaux.

Monsieur le président, ceci met fin à mes remarques. C’est avec plaisir que moi et mes collègues répondrons à toute question que pourraient avoir les membres du comité sur le travail effectué à l’ARC. Merci de votre attention.

Le président : Merci à vous deux, MM. Giroux et Guénette. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

La sénatrice Marshall : Je n’ai que quelques questions à poser. La première s’adresse à M. Giroux.

J’en déduis que vous êtes satisfait du libellé de l’article qui concerne votre bureau. Voyez-vous la nécessité d’un amendement, d’une précision ou de quoi que ce soit d’autre?

M. Giroux : Dans un monde idéal, je demanderais ou suggérerais probablement des amendements pour m’assurer qu’il n’y a pas de problèmes à nous fournir des renseignements susceptibles de divulguer par inadvertance des renseignements sur des contribuables, parce que c’est souvent un problème lorsqu’on obtient des renseignements de l’ARC. Ses représentants se soucient beaucoup de la divulgation involontaire d’information. Par exemple, même en supprimant le nom, l’adresse ou le numéro d’assurance sociale, ils craignent que nous puissions identifier, par d’autres moyens, un contribuable donné. C’est pourquoi ils ont tendance à agréger les données à des niveaux qui nous empêchent parfois de faire notre travail, surtout lorsqu’il s’agit de fiducies ou de grandes entreprises.

Donc, dans un monde idéal, je suggérerais d’ajouter une exception à l’article 241 afin que mon bureau ait le droit d’obtenir des renseignements fiscaux, mais en pratique, je n’ai pas besoin de renseignements nominatifs des contribuables. J’ai besoin des données elles-mêmes, mais comme je l’ai expliqué, cela suscite parfois des inquiétudes de la part de l’Agence du revenu du Canada, l’ARC, en ce qui concerne la divulgation résiduelle.

La sénatrice Marshall : Dois-je comprendre que les données sont agrégées à un niveau trop élevé?

M. Giroux : Parfois.

La sénatrice Marshall : Parfois. C’est intéressant. Je vous remercie.

Monsieur Guénette, dans vos remarques préliminaires, vous avez fait des commentaires sur le projet de loi. J’aimerais particulièrement savoir si le projet de loi crée des obstacles qui vous empêcheraient de vous y conformer.

Mon inquiétude porte plus précisément sur le paragraphe 2(3), qui traite des statistiques sur l’écart fiscal. Il stipule qu’il faut inclure des statistiques :

[...] pour l’exercice se terminant trois ans avant l’année au cours de laquelle le rapport d’activités est présenté.

Je pose cette question parce que lorsque vous avez publié les données sur l’écart fiscal dont nous disposons, elles portaient sur la période de 2014 à 2018, mais nous n’avons reçu le rapport qu’en 2022, de sorte qu’il semble que vous ayez besoin de quatre ans.

J’en déduis de vos remarques préliminaires que trois ans suffisent? Ai-je bien compris?

M. Guénette : Si je comprends bien votre question, en supposant la date d’entrée en vigueur du projet de loi, le projet de loi stipule que le rapport sur les écarts fiscaux sera publié pour l’exercice se terminant trois ans après l’entrée en vigueur du projet de loi.

Ce que j’ai dit, c’est qu’en 2025, nous serions en mesure de publier un rapport global sur l’écart fiscal pour 2022.

La sénatrice Marshall : Ça ne fait que trois ans, donc d’après vos remarques préliminaires, il semble que vous êtes satisfait, que vous serez en mesure de vous conformer à cet article. Ma seule préoccupation, c’est que lorsque vous avez publié des données sur l’écart fiscal pour les années 2014 à 2018, la publication est venue en fait quatre ans après. Je me demande s’il n’y a pas un problème et si le délai de trois ans n’est pas trop serré.

M. Guénette : Je ne crois pas qu’un délai de trois ans soit trop serré. Je pense que c’est le tout premier rapport global sur l’écart fiscal qui est en cause. C’était notre première incursion dans le domaine de l’écart fiscal, et en fait, les sept rapports précédents portaient sur divers aspects ou éléments de l’écart fiscal global, et la méthodologie a été affinée, comme elle continuera de l’être.

Toutefois, nous pensons que nous allons devenir de plus en plus efficaces et rapides.

La sénatrice Marshall : Vous ne pensez pas avoir de problème à vous conformer à cet article du projet de loi S-258?

M. Guénette : Non. Il est certain que notre plan serait de publier tous les trois ans.

La sénatrice Marshall : C’est tout pour moi.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma première question s’adresse à M. Giroux. Nous sommes à la veille de vous donner une carte chouchou, un peu comme à l’émission Venez quand vous voulez. C’est toujours un plaisir de vous avoir ici.

Le projet de loi précise que le ministre est tenu de fournir au directeur parlementaire du budget des données sur le manque à gagner. Puisque l’ARC a les données et qu’elle serait tenue de produire un rapport sur l’écart fiscal, quelle serait la valeur ajoutée du directeur parlementaire du budget?

M. Giroux : Cela pourrait nous permettre de regarder plus en détail les hypothèses soumises ou utilisées par l’agence dans son calcul de l’écart fiscal, un peu comme quand on fournit les calculs ou des estimations de coût indépendantes pour les parlementaires, même si le Parlement a fait ces propres estimations indépendantes. Il peut parfois y avoir des tentatives d’embellir les choses ou d’omettre d’importants aspects matériaux dans les calculs, surtout lorsqu’on parle de dizaines de milliards de dollars. Il y a eu des exemples récents. Dans le cadre de l’écart fiscal, il pourrait être tentant d’estimer les choses de façon à les embellir ou à faire paraître le gouvernement sous un meilleur jour que normalement. Voilà la valeur ajoutée.

Le sénateur Forest : Merci.

Monsieur Guénette, le sénateur Downe donne souvent l’exemple des Panama Papers, où des citoyens de toutes les nationalités ont été identifiés. Plus de 1,3 milliard de dollars ont été récupérés. Dans le cas de l’Australie, c’est plus de 172 millions de dollars; pour l’Équateur, 105 millions; pour l’Espagne, 209 millions.

Dans le cas du Canada, aux dernières nouvelles, il n’y a pas eu de condamnation et il n’y a pas eu d’argent récupéré — ou alors bien peu. Il y a pourtant des noms qui sont connus. Je comprends que la preuve est complexe à établir, mais certains diront — et là je me fais l’avocat du diable — que l’enjeu est de mettre des enquêteurs sur ces dossiers plutôt que de produire un rapport sur l’écart fiscal. Que répondez-vous à cet argument?

M. Guénette : Je vais demander à ma collègue de répondre à cette question.

Cathy Hawara, sous-commissaire, Direction générale des programmes d’observation, Agence du revenu du Canada : Merci pour la question. En effet, l’analyse des Paradise Papers, des Panama Papers et des Pandora Papers a été complexe. Je serai heureuse de fournir au comité la dernière mise à jour que j’ai par rapport à nos efforts d’observation.

[Traduction]

En ce qui concerne les Panama Papers, et ces données sont en date de la fin de mars 2023, nous avons terminé 285 audits, nous avons transmis à des contribuables de nouveaux avis de cotisation représentant 77,5 millions de dollars d’impôts à payer et nous avons encore 143 audits en cours.

En ce qui concerne les Paradise Papers, qui ont été divulgués en 2017, nous avons achevé notre évaluation des risques pour tous les contribuables identifiés, soit un peu moins de 3 000. Nous avons terminé 35 audits et nous avons produit de nouveaux avis de cotisation pour 1,8 million de dollars d’impôts à payer, et nous avons 26 audits en cours.

En ce qui concerne les Pandora Papers, dont la divulgation est la plus récente, environ 437 Canadiens ont été identifiés. Nous poursuivons notre évaluation des risques. Il y a eu deux fuites massives de données et nous avons six audits en cours.

En ce qui concerne les enquêtes criminelles, deux sont toujours en cours dans le contexte des Panama Papers.

[Français]

Le sénateur Forest : Sans divulguer des informations confidentielles, pourriez-vous nous envoyer un rapport écrit des résultats de vos démarches?

Mme Hawara : Oui, bien sûr.

Le sénateur Forest : Merci.

Monsieur Guénette, plus tôt dans vos notes préalables, j’ai été assez impressionné de voir le résultat de la réduction de l’écart fiscal. On parle de 30 à 45 % selon les catégories. Comment expliquez-vous des résultats aussi spectaculaires?

M. Guénette : Merci pour la question, monsieur le sénateur. C’est en grande partie grâce aux investissements effectués au sein de l’agence, surtout dans les activités que ma collègue Mme Hawara gère au sein de l’agence sur le plan des activités d’observation de la loi.

[Traduction]

En ce qui concerne la lutte contre l’évasion fiscale, les investissements importants qui ont été réalisés nous ont permis, grâce au travail effectué par la direction générale de Mme Hawara, de cibler les efforts sur les audits à haut rendement, les audits à haut risque, et nos activités deviennent ainsi plus efficaces. Elles sont mieux ciblées et donnent de meilleurs résultats à cet égard.

[Français]

Le sénateur Forest : Vous parliez d’investissements importants. Est-ce surtout sur le plan des équipes des ressources humaines ou sur le plan des logiciels et du matériel? Est-ce que vous avez constitué de nouvelles équipes? De quelle nature d’investissements parlez-vous?

Mme Hawara : Ce sont des investissements qui touchent plusieurs éléments, tant nos outils d’analyse de risque et d’analyse de nos données, mais nous avons aussi, en effet, augmenté les équipes au fil des ans.

En utilisant les sources de données accrues auxquelles nous avons accès et des outils beaucoup plus sophistiqués d’évaluation de risque, cela nous permet, comme l’a mentionné M. Guénette, d’identifier des dossiers beaucoup plus complexes et à plus haut risque de non-observation. Nous avons plus de vérificateurs sur le terrain pour travailler sur ces dossiers plus complexes. En effet, comme le montre le rapport sur l’écart fiscal de 2022, nos activités d’observation fournissent des résultats en croissance actuellement.

Le sénateur Forest : Vous parlez du prochain rapport de 2025, qui traitera de l’année 2022. C’est un délai de trois ans. Selon les bonnes pratiques observées partout dans le monde, ce délai est-il normal, court ou plutôt long? Atteignons-nous les cibles sur le plan de l’efficience?

M. Guénette : Je vais me tourner vers ma collègue Mme Taylor pour répondre à votre question sur la fréquence et la séquence de publication des rapports sur l’écart fiscal dans les autres pays à l’échelle internationale.

Kelly Taylor, directrice générale, Laboratoire de recherche et d’innovation, Direction générale du service, de l’innovation et de l’intégration, Agence du revenu du Canada : Merci pour la question. Selon l’information dont nous disposons, un délai de trois ans est parfait.

[Traduction]

Tous nos partenaires internationaux travaillent en étroite collaboration avec nous pour déterminer les meilleurs délais et la meilleure méthodologie qui peut être mise en œuvre dans ces délais. Nous constatons que ceux qui publient les écarts fiscaux le font tous les trois ans, sauf le Royaume-Uni qui publie tous les ans. Sinon, d’autres pays mettent à jour les estimations chaque année, mais tous les trois ans est la référence, si l’on peut dire.

Cela nous permet d’examiner les tendances au fil du temps, ce qui est vraiment l’avantage que nous procure le travail sur l’écart fiscal. Cette période de trois ans nous donne aussi le temps d’observer ces tendances.

[Français]

M. Guénette : Le Royaume-Uni vient de publier son dernier rapport sur l’écart fiscal. C’est le pays qui produit ces rapports depuis le plus longtemps. La publication qu’ils viennent de faire en 2023 traitait de l’année d’imposition 2021-2022. C’est donc un délai de deux ans, et ce, de la part d’un pays qui produit ces rapports depuis plus longtemps que nous.

Je vous dirais que nous sommes dans la norme, avec ces trois ans de délai.

Le sénateur Forest : Le rapport pour l’année d’imposition 2021-2022 est publié en 2023. Si on visait un an et demi, ce serait préférable. Si je comprends bien, plus vous prendrez de l’expérience, plus le délai de publication du rapport sera réduit.

M. Guénette : C’est ce que nous espérons. Il faut aussi savoir que l’équipe qui se consacre à cette tâche à l’agence est plutôt réduite, comparativement aux pays qui produisent des rapports sur une base plus régulière que nous.

Le sénateur Forest : Il faudrait peut-être agrandir l’équipe.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Monsieur Giroux, vous avez souligné que l’échange de renseignements fiscaux personnels avec vous et l’ARC est assujetti à des interdictions législatives. Dans le passé, vous avez indiqué que vous aviez proposé des solutions de rechange, notamment des données anonymisées, mais que l’agence avait toujours des réserves. Je me demande si ces discussions se sont poursuivies avec l’agence, et si ce projet de loi changerait quoi que ce soit à la communication de renseignements fiscaux personnels.

M. Giroux : Le fait que l’ARC communique de l’information à notre bureau suscite toujours des inquiétudes, car l’ARC prend la confidentialité très au sérieux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire ou penser, il ne suffit pas de supprimer un identifiant. L’ARC souhaite agréger un certain nombre de contribuables en un seul groupe pour éviter toute divulgation résiduelle. C’est pourquoi elle a tendance à regrouper les données à un certain niveau pour garantir que nous ne puissions pas identifier par inadvertance une société, une fiducie ou un particulier.

Il y a eu des solutions de contournement parce que je n’ai pas besoin d’information sur un contribuable donné. Nous pouvons nous adresser à Statistique Canada et faire en sorte que nos employés soient considérés comme ses employés pour examiner des renseignements sur les contribuables dépouillés de ces identifiants. Des employés de Statistique Canada vérifient ensuite ces renseignements afin qu’il n’y ait pas d’information susceptible d’entraîner une divulgation résiduelle, ou nous pouvons obtenir des renseignements sur les contribuables auprès de l’ARC à un niveau agrégé suffisamment élevé pour éliminer tout risque de divulgation résiduelle. Cependant, lorsque nous devons estimer les mesures fiscales qui touchent les entreprises — par exemple, une taxe sur les services numériques ou sur les services bancaires — cela limite notre capacité à estimer le coût ou le degré d’augmentation des recettes de ces éléments en raison du faible nombre de contribuables touchés par des éléments précis.

Cela demeure un problème, mais nous avons trouvé des solutions pour limiter les impacts négatifs sur notre bureau.

Le sénateur Smith : J’aimerais revenir à votre rapport de 2022, la comparaison internationale du rendement de l’Agence du revenu du Canada, dans lequel vous avez souligné que le Canada arrive presque à la queue en ce qui concerne les ratios des coûts de perception, c’est-à-dire combien il en coûte à l’Agence pour percevoir des recettes. Le rapport souligne que le sous-financement, par exemple, pourrait fausser les chiffres.

D’après votre examen du budget et des coûts de fonctionnement de l’ARC au cours des dernières années, pensez‑vous que l’Agence est bien financée pour effectuer le niveau nécessaire d’audits et augmenter la perception de recettes fiscales? Comment évaluez-vous le rendement de l’Agence à cet égard et, le cas échéant, comment pourrait-elle s’améliorer?

M. Giroux : Nous n’avons pas examiné cette question récemment. L’information ou l’analyse la plus récente dont nous disposons est le rapport de 2022, qui s’appuie sur des renseignements du domaine public, y compris ceux de l’OCDE.

Nous avons examiné ces renseignements et, comme vous l’avez dit, les conclusions étaient qu’en moyenne, l’agence a tendance à se situer dans la moyenne. Elle excelle dans certains domaines, mais elle traîne la patte dans d’autres.

En ce qui concerne votre question de savoir si elle dispose de ressources suffisantes, je répondrai qu’elle semble certainement disposer de ressources suffisantes, peut-être même de trop de ressources, parce qu’elle a des fonds inutilisés chaque année qui représentent des sommes importantes. Il s’agit de fonds que le Parlement a affectés à l’agence, mais qu’elle ne peut pas dépenser. Quant à savoir si l’agence devrait encore utiliser ces ressources pour s’attaquer de manière plus énergique à la fraude fiscale, je pense qu’elle pourrait certainement faire plus.

Nous avons entendu des statistiques sur le nombre d’audits en cours dans le contexte des Panama Papers et des Pandora Papers, entre autres. Compte tenu des montants et du nombre de dossiers, cela me semble un peu faible, mais je n’ai pas vu tous les renseignements dont ils disposent. Je dois leur faire confiance, car je n’ai pas accès à tous ces renseignements.

En ce qui concerne les poursuites et les enquêtes criminelles, dans un pays de 40 millions d’habitants et une économie de 2,5 milliards de dollars, j’aurais pensé qu’il y aurait des poursuites plus nombreuses pour poursuivre les fraudeurs fiscaux. Je suis surpris par le faible nombre de poursuites pour l’ensemble du Canada.

Le sénateur Smith : Monsieur Guénette, quel est le plus grand défi pour l’agence en ce qui concerne les enquêtes visant les fraudeurs fiscaux et leur condamnation, en particulier les fraudeurs internationaux? Essayez de faire le lien avec certains commentaires que M. Giroux vient de faire afin que vous puissiez nous décrire la direction que vous pensez pouvoir prendre.

M. Guénette : Je pense que cette question relève des responsabilités de mes collègues.

Mme Hawara : Merci pour cette question. Tout d’abord, nous avons fait des enquêtes criminelles une priorité au sein de l’agence. Nous avons reçu des fonds supplémentaires dans le budget de 2022 afin d’accroître notre capacité, d’embaucher des enquêteurs supplémentaires et d’investir dans certains de nos outils. De plus, des fonds supplémentaires ont été accordés au Service des poursuites pénales du Canada.

Je pense que nous étions d’avis qu’il était possible d’en faire plus. Nous avons reçu des investissements supplémentaires, ce qui nous permet d’intensifier nos activités et d’augmenter le nombre d’enquêtes que nous menons.

Parmi nos priorités figurent les affaires d’évasion fiscale importante à l’étranger. C’est l’un des domaines sur lesquels nous nous concentrons. Nous ciblons les affaires d’évasion fiscale importante à l’échelle nationale qui concernent la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d’accise. Nous nous concentrons en particulier sur les promoteurs de stratagèmes qui aident les contribuables à échapper à l’impôt.

Il s’agit d’un domaine prioritaire pour nous et nous sommes très fiers des résultats que nous avons obtenus l’année dernière. Nous avons obtenu un taux de condamnation de 100 %. Il y a eu 31 condamnations l’année dernière, 12 contribuables ont été condamnés à des peines d’emprisonnement et le montant total des amendes s’est élevé à 6,9 millions de dollars, ce qui représente le nombre le plus élevé d’amendes infligées par les tribunaux au cours des cinq dernières années. Bien entendu, ces amendes s’ajoutent aux impôts, aux intérêts et aux pénalités que ces contribuables doivent payer.

Nous pensons que nous continuerons à tirer de bons dividendes des ressources qui nous ont été accordées dans le budget de 2022, à la fois pour nous-mêmes et pour le Service des poursuites pénales du Canada.

Le sénateur Loffreda : Je remercie nos témoins de leur présence ce soir.

En 2022, comme nous l’avons mentionné et comme nous le savons, l’Agence du revenu du Canada a estimé que l’écart fiscal se situait entre 18,1 et 22,4 milliards de dollars pour l’année d’imposition 2018. Comment est-on arrivé à ce chiffre? Si je pose la question, c’est parce que si nous connaissons la source et que nous pouvions identifier l’origine, pourquoi ne pouvons‑nous pas percevoir les impôts? Pourquoi n’ont-ils pas été recouvrés? Quelles implications juridiques nous empêchent de recouvrer ces impôts?

M. Guénette : Merci pour cette question. Elle est complexe. Il nous a fallu huit rapports sur plusieurs années pour y répondre. Je vais essayer de résumer le tout.

Cela s’explique en partie par le fait que dans le rapport sur l’écart fiscal — parce qu’il vise à répertorier les revenus qui ont été, dans certains cas, délibérément dissimulés — nous essayons de déterminer les recettes fiscales que nous ne percevons pas. Une partie de la méthodologie consiste à faire des projections basées sur des observations. Lors de précédentes comparutions, le comité a peut-être entendu parler des différentes méthodologies que nous utilisons. Il y a des méthodologies ascendantes et descendantes. Dans l’approche ascendante, nous partons des données propres aux audits dont nous disposons et nous les extrapolons à la population. Dans l’approche descendante, nous utilisons des indicateurs plus macroéconomiques et nous les affinons.

Ces deux méthodologies impliquent intrinsèquement, dans tout rapport sur les écarts fiscaux, la projection ou l’extrapolation de taux de non-conformité dans différents domaines, plutôt que l’identification de cas particuliers de non-conformité par des contribuables. La nature du travail ne se prête pas à l’identification d’un contribuable donné; ce n’est pas ce genre de travail.

Par contre, il nous permet de cerner les domaines dans lesquels les données laissent croire que les taux de non-conformité sont plus élevés. Ce type de constatations peut être utile dans des domaines comme ceux dont Mme Hawara est responsable, et leur permettre d’ajuster leurs stratégies afin de consacrer une plus grande partie des audits à ces domaines particuliers pour identifier des cas de non-respect réels.

J’espère que cette réponse vous est utile.

Le sénateur Loffreda : Il n’est donc pas si facile de recouvrer ces impôts. C’est le niveau de difficulté que nous avons à identifier — le sénateur Downe déclare dans son intervention qu’il n’est pas illégal d’avoir un compte bancaire à l’étranger, mais qu’il est illégal de ne pas déclarer les revenus de ces comptes à l’Agence du revenu du Canada.

Quel est le niveau de difficulté pour identifier ces sources de revenus — et cela fait partie de vos projections puisque vous faites des projections — et à quel point cela sera-t-il difficile?

Mme Hawara : Si nous prenons ce même exemple, nous avons aujourd’hui accès à beaucoup plus de données qu’avant. La communauté internationale a reconnu que l’évaluation ou la fraude fiscale à l’étranger est un problème mondial qui exige que les pays collaborent. Les pays se sont donc mis d’accord sur une norme commune de déclaration des renseignements relatifs aux comptes financiers. Chaque année, nous échangeons automatiquement, avec un certain nombre de pays, des renseignements sur les comptes financiers de nos résidents fiscaux respectifs.

Dans l’exemple que vous avez donné, en supposant que le compte bancaire se trouve dans un pays avec lequel nous échangeons des renseignements, nous aurons accès à ces renseignements bancaires provenant des institutions financières. C’est le type de nouvelle source de données auquel je faisais référence dans l’une de mes réponses précédentes.

Nous avons désormais accès à une énorme quantité de données. Nous ne sommes pas obligés de nous fier uniquement aux contribuables. Nous pouvons utiliser nos outils — nos outils d’informatique décisionnelle et d’évaluation des risques — pour trouver les revenus non déclarés, les transactions complexes et dissimulées qui présentent un risque plus élevé. Nous sommes en mesure de cibler nos efforts d’audit. C’est ce que nous faisons. Nous adoptons une approche fondée sur le risque, sur la base des données et des outils dont nous disposons pour cibler le déploiement de nos ressources d’audit.

Le sénateur Loffreda : Je m’interroge sur l’écart fiscal s’élevant entre 18 et 23 milliards de dollars. Quelle est la part de l’activité criminelle? Quelle est la part des investissements à l’étranger, comme dans l’exemple que je viens de vous donner? Quelle est la part de l’évasion fiscale nationale, où des entreprises ou des citoyens ordinaires ne déclarent pas leurs revenus et évitent l’impôt?

Cela m’amène à ma prochaine question, qui, je le sais, est une question de politique et à laquelle vous ne pourrez probablement pas répondre, mais est-ce que des impôts plus bas entraîneraient moins d’évasion fiscale?

M. Guénette : Monsieur le président, le sénateur a raison; je ne pourrai pas répondre à la deuxième question, mais à la première...

Le sénateur Loffreda : J’y ai donc répondu pour vous.

M. Guénette : Pour ce qui est de la première question, les rapports précédents nous ont aidés à déterminer l’écart fiscal pour les particuliers, les sociétés nationales, la TPS/TVH et l’accise. Nous disposons donc de ces ventilations. Je suis heureux de fournir ces renseignements, car il y a beaucoup de données à éplucher.

Le sénateur Loffreda : Quel est le pourcentage à l’échelle nationale? Quel est le pourcentage de l’activité criminelle? En gros.

M. Guénette : Les sociétés représentent environ 13 à 16 milliards de dollars de l’écart fiscal, les particuliers environ 15 à 17, la TPS/TVH environ 6,5 milliards de dollars et l’accise environ un demi-milliard de dollars. L’accise est fortement réglementée, de sorte qu’il n’y a pas beaucoup d’évasion fiscale dans ce domaine.

À moins que Mme Taylor n’ait les données sous la main, je me ferai un plaisir de faire parvenir au comité des renseignements plus détaillés concernant...

Le sénateur Loffreda : [Difficultés techniques] s’y attaquer comme nous devrions le faire? Je pense que oui. Je vous remercie.

La sénatrice MacAdam : Ce projet de loi braquera les projecteurs sur l’écart fiscal et améliorera la transparence.

Je pense à l’effet précis du projet de loi et j’aimerais savoir ce que l’ARC pourrait faire différemment par suite de ce projet de loi. Quel sera l’effet sur vos activités d’application de la loi? Vous avez dit que vous êtes déjà en train d’intensifier vos activités, mais qu’en est-il de ce projet de loi précis et de la façon dont il pourrait modifier vos activités? Et comment pourrait-il mettre au jour l’évasion fiscale? En quoi ce projet de loi va-t-il changer votre fonctionnement? Il y aura plus de transparence par rapport à l’écart fiscal et aux efforts de perception, et cetera.

Mme Hawara : Il m’est difficile de dire ce que ce projet de loi va changer, puisque notre analyse est en cours et que nous publions un rapport sur l’écart fiscal; c’est ce que nous faisons déjà. Lorsque nous examinons l’écart fiscal global de 2022, nous constatons qu’il valide une grande partie du travail que nous avons effectué, surtout les domaines dans lesquels nous avons déployé davantage de ressources.

Le rapport se concentre sur l’économie souterraine, la non-conformité fiscale à l’étranger et la TPS.

Il est certain que l’analyse de l’écart fiscal dont nous disposons à ce jour valide les efforts que nous avons déployés, et nous poursuivrons donc dans cette voie. Nous examinerons le prochain écart fiscal.

Comme ma collègue, Mme Taylor l’a dit, cela nous permet d’avoir une vision à plus long terme pour nous assurer que nous allons dans la bonne direction et que notre approche est appropriée. Donc, dans la mesure où le projet de loi ferait quelque chose de similaire, je pense que nous irions dans la même direction qu’aujourd’hui.

La sénatrice MacAdam : Êtes-vous satisfaits du montant que vous êtes en mesure de saisir dans le cadre de vos efforts de perception et de conformité? En 2018, je pense que 17 milliards de dollars ont été perçus.

Tout d’abord, je me demande si vous êtes satisfaits. Avez-vous des cibles concernant les montants que vous comptez percevoir, et ces cibles changeront-elles par suite de ce projet de loi? Êtes‑vous satisfaits?

Mme Hawara : Nous avons effectivement des cibles. Nous avons des cibles annuelles pour nos activités de conformité. La difficulté liée à l’analyse des écarts fiscaux est qu’elle remonte plusieurs années en arrière et que nous recevons l’information plus tard.

Pour l’instant, nous ne sommes pas en mesure d’utiliser directement les renseignements sur les écarts fiscaux pour établir nos cibles annuelles. Nous examinons les tendances. Nous nous en servons pour confirmer que nous nous concentrons sur les bons domaines, mais cela n’aura pas forcément d’effet sur nos cibles une année sur l’autre, pour l’instant. Nous verrons comment l’analyse évoluera.

Pour l’instant, nous l’utilisons davantage pour confirmer que nous examinons les bons secteurs et que nous adoptons la bonne approche.

La sénatrice MacAdam : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci. Je vais commencer par M. Ferron.

Ceux qui réussissent à échapper au fisc ont un avantage que je considère comme inacceptable. Vous avez dit que les renseignements dont vous disposiez sur eux sont protégés, mais estimez-vous que, si vous aviez la possibilité de partager ce que vous savez, vous pourriez être plus efficaces dans vos actions et être en mesure de récupérer les milliards de dollars que nous perdons?

Eric Ferron, directeur général, Direction des enquêtes criminelles, Direction générale des programmes d’observation, Agence du revenu du Canada : Merci pour la question. L’information que nous utilisons pour informer les Canadiens et les médias de nos résultats se trouvent dans les dossiers de la cour. Nous sommes limités par notre législation sur ce que nous pouvons dire ou non. Si nous pouvions en dire plus, les gens seraient plus au courant, mais avec l’information que nous avons le droit de partager, nous devons nous limiter au contenu des dossiers de la cour pour informer les médias et les Canadiens.

Le sénateur Dagenais : Si vous pouviez dresser un tableau de vos succès en matière de justice, quel est le pourcentage des causes que vous avez entreprises et que vous avez gagnées?

M. Ferron : La dernière année, nous avons gagné tous les dossiers présentés devant la cour; cela a été une très bonne année pour nous. Généralement, on a beaucoup de succès une fois qu’on se rend devant la cour. Avec le directeur des poursuites pénales, nous travaillons à amener en cour des dossiers responsables et bien préparés, avec une preuve suffisante. La dernière année, avec 100 % de gains, a été une excellente année pour nous.

Le sénateur Dagenais : Est-ce que le genre d’enquête que vous menez peut être effectué avec la collaboration des pays où l’argent est caché?

M. Ferron : Absolument; il le faut. Pour les dossiers comportant une composante internationale, on doit aller chercher la preuve à l’étranger. Pour ce faire, il faut utiliser des méthodes légales pour récupérer cette information, et même parfois interviewer des personnes d’autres sphères de compétence qui viennent témoigner en cour. S’il y a eu de l’évasion fiscale dans un autre pays, on devra obtenir de l’information d’autres sphères de compétence pour prouver notre dossier en cour.

Le sénateur Dagenais : Maintenant, j’ai une question pour M. Guénette.

Monsieur Guénette, on parle de milliards de dollars, selon les rapports disponibles. Pour donner suite à une question du sénateur Forest, est-ce que le gouvernement vous donne les ressources nécessaires pour lancer des opérations de récupération? Pourriez-vous être plus efficaces avec plus de personnel, et combien coûte chaque dollar récupéré?

M. Guénette : Pour le coût de chaque dollar récupéré, je n’ai pas ce renseignement à la portée de la main, mais je peux vérifier si je peux revenir au comité avec cette information. Je ne sais pas si ce renseignement est disponible.

Le sénateur Dagenais : Vous pourriez l’envoyer par écrit.

M. Guénette : Oui, on pourrait faire cette vérification.

Pour ce qui est des ressources, comme le disait ma collègue Mme Hawara, nous avons fait d’importants investissements et d’importantes augmentations en matière de personnel au cours des dernières années, et l’efficacité de nos activités s’accroît au fil des ans. Nous sommes sur la bonne voie.

Comme toute chose, le fait d’avoir plus de ressources pourrait inévitablement nous aider, mais il y a une composante de l’équation qui a trait à l’efficacité. Il ne s’agit donc pas strictement d’augmenter le nombre de vérifications. On ne veut pas vérifier des contribuables ou des entreprises qu’il n’y a pas lieu de vérifier, donc c’est un équilibre entre des niveaux de personnel et de ressources adéquats, mais aussi des processus qui sont efficaces.

Comme le mentionnait ma collègue un peu plus tôt, le rapport d’écart fiscal qui a été publié en 2022 porte sur l’année 2018 et les mesures qui ont été mises en œuvre depuis 2018, et on espère en voir les répercussions dans de futurs rapports sur l’écart fiscal, surtout en ce qui a trait au partage d’information à l’intérieur.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je remercie tous nos témoins de leur présence. J’aimerais revenir sur la question du sénateur Forest.

En plus des renseignements provenant de l’Agence du revenu du Canada que vous avez fournis au sujet des Panama Papers, des Paradise Papers et des Pandora Papers, pourriez-vous inclure les montants dus d’après les nouvelles cotisations ainsi que le montant effectivement recouvré? De plus, s’il existe des obstacles au recouvrement, pourriez-vous en préciser la nature?

Je veux parler aussi de l’une des annonces faites au cours de l’été. Nous avons appris que l’Agence du revenu du Canada avait intensifié ses activités de recouvrement de créances au cours de l’hiver 2023, et le commentaire portait en particulier, je pense, sur le recouvrement des prestations d’aide liées à la pandémie. On reconnaissait dans l’annonce, ce que j’ai trouvé très intéressant, que cela pourrait créer de la confusion et des difficultés financières pour de nombreuses personnes à faible revenu. À mon humble avis, vous reconnaissiez donc que vous saviez que les personnes qui seraient les plus touchées financièrement, personnellement, socialement et, potentiellement, sur le plan de la santé, étaient des personnes à faibles revenus.

Je suis curieuse de savoir combien vous comptez recouvrer dans le cadre de ces différentes enquêtes, si vous ventilez les données en fonction des niveaux de revenus pour déterminer dans quelle mesure l’effet sera disproportionné et quelles mesures vous prendrez pour tenter d’évaluer si vous ciblez efficacement ce qui est le plus rentable par rapport au coût de poursuivre des particuliers en proportion de ce que vous récupérerez.

Pour revenir à l’une des questions du sénateur Loffreda, je suis frappée par le fait que, pendant mes années de travail avant d’arriver ici, les prisons se sont remplies de gens qui n’ont pas d’argent, et non de gens qui ont de l’argent, parce que ces derniers peuvent se payer les services de contingents d’avocats et de comptables pour les aider à se protéger même contre la criminalisation de leur dossier. Je suis curieuse de connaître les 12 contribuables qui ont été emprisonnés, les tranches d’imposition dans lesquelles ils se trouvaient, le montant qu’ils devaient et le montant récupéré.

Ensuite, en ce qui concerne les recommandations, quels changements pourrions-nous recommander, qu’il s’agisse de la déclaration de revenus ou de la politique financière, qui permettraient de remédier au fait que ce sont surtout les personnes qui gagnent le plus qui semblent s’en tirer, et non celles qui gagnent le moins, si je puis m’exprimer ainsi. D’après mon expérience, parmi les personnes que j’ai rencontrées, les très rares personnes — je peux compter sur une main sans utiliser tous mes doigts — qui étaient en prison pour fraude fiscale n’avaient généralement pas beaucoup d’impôts à éluder, bien honnêtement. Je ne dis pas que nous voulons encourager cette conduite chez une partie de la population, mais si nous pouvions obtenir certains de ces renseignements, et si vous aviez des recommandations sur les modifications des politiques, ce serait formidable.

Le président : Je vais commencer par le DPB, si vous pouvez lier vos commentaires. Sinon, M. Guénette peut commencer.

M. Guénette : Merci, monsieur le président. Il y avait beaucoup d’éléments dans cette question, et pour certains d’entre eux, il est certain que nous devrons répondre plus tard au comité, par écrit.

Je reprendrai la question de la sénatrice sur les activités de recouvrement, les activités qui avaient été mises en veilleuse pendant la pandémie, mais qui ont été relancées depuis.

L’agence agit avec autant d’empathie et de compassion que possible dans les cas que la sénatrice a décrits de personnes qui ont peut-être touché certaines prestations liées à la COVID et qui n’y étaient peut-être pas admissibles, mais qui se trouvent dans une situation financière difficile. Mon collègue, qui est absent aujourd’hui, dirige le programme de recouvrement et, avec son équipe, il a pris grand soin d’offrir la possibilité de conclure des ententes de paiement pour reporter les pénalités dans les cas d’erreurs honnêtes, qui ont été fréquentes pendant la pandémie.

Il y a une raison pour laquelle ces activités ont été reportées aussi longtemps qu’elles l’ont été et l’agence fait ce qu’elle peut pour relancer ces activités, comme je l’ai dit, avec autant de compassion que possible pour les personnes qui ont pu commettre des erreurs en toute bonne foi pour obtenir certaines prestations liées à la COVID. Voilà pour l’aspect personnel.

En ce qui concerne les subventions salariales, lorsqu’il s’agit d’entreprises, l’approche est mesurée, mais nous avons peut-être affaire à des situations complexes et nous procédons donc avec toute la diligence possible.

En ce qui concerne les pourcentages de ce que nous comptons recouvrer, il faudrait que je consulte mes collègues pour savoir si nous disposons de ce type de projections et si nous pouvons les communiquer plus tard au comité. Je ne sais pas si ma collègue a quelque chose à ajouter.

La sénatrice Pate : J’ai une question à poser au directeur parlementaire du budget. Vous avez entendu certaines questions que je viens de poser. Comme je manque d’expérience et de connaissances dans ces domaines, y a-t-il des questions que je devrais poser pour obtenir certaines de ces données?

M. Giroux : Je ne laisserais jamais entendre une telle chose, madame la sénatrice.

Une question que je me pose moi-même concerne le désir d’atteindre un taux de réussite aussi élevé que possible dans les enquêtes criminelles. Je peux facilement le comprendre, mais je pense qu’il pourrait y avoir une sous-estimation de l’effet dissuasif des poursuites judiciaires, même si elles aboutissent à un verdict de non-culpabilité. Je pense donc que l’agence a raison de viser un taux de condamnation aussi élevé que possible. Il est normal de ne pas vouloir perdre, mais je pense qu’ils perdent peut-être de vue que le fait de poursuivre quelqu’un, même si vous ne gagnez pas, a un effet immense sur le renforcement de l’application de la loi.

La sénatrice Pate : C’est une excellente question.

L’un des enjeux est que nous savons que la notion de dissuasion est effectivement plus efficace chez les personnes aux revenus et à la scolarité les plus élevés, et non chez les personnes aux niveaux les plus bas, et pourtant la dissuasion est un principe de la détermination de la peine. Nous savons également que lorsque les gens ont commencé à recevoir des avis à propos de la PCU, beaucoup ont commencé à rembourser ou du moins à se demander s’ils y avaient droit. Cette approche consistant à envoyer des avis, et certainement à faire de la publicité destinée aux personnes qui gagnent beaucoup d’argent et qui ne veulent pas que les autres sachent qu’elles évitent de payer leurs impôts, pourrait se révéler utile. Je vous remercie pour cette question. Je considère qu’elle a été posée et toute réponse que vous pourriez apporter serait utile. Combien de fois avez-vous porté des accusations en sachant que ce seul facteur peut convaincre des gens de payer leurs impôts?

M. Ferron : Merci pour cette question. La décision de porter des accusations est prise par le directeur des poursuites pénales. Une fois qu’il a examiné nos preuves, le SPPC décide s’il y a lieu de porter des accusations. Il évalue les chances de gagner, mais aussi s’il est dans l’intérêt public de porter des accusations.

En ce qui concerne la deuxième partie, à savoir le type de personnes, en 2014, nous avons modifié la cible de nos enquêtes pour nous attaquer davantage aux grands fraudeurs fiscaux. Au cours des cinq dernières années, nous avons augmenté de 50 % le nombre de dossiers d’une valeur d’un million de dollars ou plus. Cela en dit long sur le type de personnes que nous poursuivons dans nos enquêtes criminelles.

La sénatrice Pate : Je suis désolée de commencer à vous interrompre.

Je connais une partie de ce processus des poursuites pénales et, souvent, il peut être basé sur les avis fournis par le ministère. Il me semble que l’une des choses que vous pourriez vouloir encourager est le dépôt d’accusations même si l’affaire pose encore des défis.

La sénatrice Galvez : Merci à nos témoins d’être venus ce soir et de répondre à nos questions. Je tiens à remercier aussi mes collègues qui ont soulevé une multitude de questions et de points de vue différents.

En vous écoutant, messieurs Guénette et Giroux, je ne peux m’empêcher de penser que vous voulez tous les deux la même chose. Nous sommes des Canadiens et nous voulons réduire l’évitement fiscal et l’évasion fiscale.

Pourriez-vous me dire, monsieur Guénette, pourquoi vous n’êtes pas en faveur de ce projet de loi? Est-ce que je me trompe ou est-ce que vous êtes prêt à appuyer le projet de loi pour qu’il soit adopté?

M. Guénette : Monsieur le président, je n’ai certainement pas voulu donner au comité l’impression que j’étais en faveur ou non du projet de loi. Ce n’est pas à moi d’avoir cette opinion.

La sénatrice Galvez : Diriez-vous qu’il y a plus de raisons que moins de souscrire au projet de loi? Parce que d’après ce que je vous ai entendu dire, il y a plus de raisons d’être pour le projet de loi. C’est ce que j’ai déduit de vos réponses.

M. Guénette : Je le répète, il appartiendra au gouvernement de décider s’il veut ou non voter pour le projet de loi ou proposer des amendements. L’agence mettra en application les dispositions législatives votées par le Parlement.

Je pense avoir mentionné qu’il y a un alignement étroit entre ce que l’agence fait actuellement et certaines dispositions du projet de loi tel qu’il est présenté. Mon collègue M. Giroux a mentionné certains amendements qui ont été introduits dans les versions précédentes du projet de loi, des références à un rapport sur l’écart fiscal tous les trois ans, comme nous l’envisagions.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie. Je vais poser d’autres genres de questions pour éclaircir les choses.

Nous disons que le Royaume-Uni est l’une des références et le pays le plus performant au monde dans ce domaine, mais c’est parce qu’ils sont plus vieux que nous et qu’ils ont une grande expérience des paradis fiscaux qu’ils ont eux-mêmes créés.

Je suis davantage ce que font les Américains en matière de fiscalité. L’an dernier, un rapport important sur les paradis fiscaux a été publié, intitulé Tax Havens: International Tax Avoidance and Evasion. Ce rapport traite des méthodes utilisées pour l’évitement fiscal et l’évasion fiscale. Les auteurs commencent par déterminer s’il s’agit de paradis fiscaux, puis entrent dans le détail des méthodes utilisées dans les différentes catégories mentionnées par mon collègue le sénateur Loffreda, notamment l’évasion fiscale par les entreprises et les particuliers, et la façon dont ils transfèrent les profits d’un territoire où les impôts sont élevés à un territoire où ils sont peu élevés, qu’il s’agisse de contrats de fabrication, d’entités hybrides ou du prix de transfert. La méthode utilisée pour mesurer l’écart est extrêmement importante.

Si le DPB veut utiliser une autre méthode et arrive aux mêmes chiffres que vous, c’est fantastique. Il est payé pour cela, et vous êtes payés pour cela. Je ne comprends pas pourquoi il ne pourrait pas utiliser la méthode qu’il estime devoir utiliser, et vous utiliser la vôtre, et nous saurons s’il s’agit de 18 ou de 23 milliards de dollars.

Quant à l’autre question, à savoir si cet aspect est important et combien récupérer cet argent peut coûter, je peux penser à un millier de choses que nous pourrions faire avec 18 milliards de dollars. Et ce n’est qu’une année.

Quelles sont les méthodes que les Canadiens utilisent pour commettre la fraude de l’évitement fiscal ou de l’évasion fiscale?

M. Guénette : Il y a plusieurs choses dans cette question. En ce qui concerne la question de la sénatrice sur les méthodes d’évasion fiscale, ma collègue Mme Hawara est mieux placée que moi pour répondre.

Avant de lui céder la parole, je tiens à préciser que les États‑Unis publient également un rapport sur l’écart fiscal — et je crois que le rapport auquel la sénatrice faisait probablement allusion, si j’ai bien compris, est tout autre que leur rapport sur l’écart fiscal — et que celui-ci présente une méthodologie différente. Il est certain que pour le rapport sur l’écart fiscal que nous avons produit, comme je l’ai mentionné, nous extrapolons des renseignements de vérifications antérieures pour essayer d’estimer les cas de non-conformité, ce qui est une méthodologie très différente de celle employée par les personnes qui travaillent chez Mme Hawara et qui participent activement aux enquêtes et aux vérifications. Je vais céder la parole à Mme Hawara pour cela.

La sénatrice Galvez : M. Giroux peut-il nous donner son avis sur mes commentaires?

M. Giroux : Je ne peux pas vous dire quelles sont les méthodes que les gens utilisent pour se soustraire à l’impôt. Il y en a beaucoup, mais je peux en citer quelques-unes.

En ce qui concerne le projet de loi, l’obligation de mesurer l’écart fiscal régulièrement n’est pas une mauvaise. Cela permettrait à l’agence, de même qu’aux Canadiens et aux parlementaires, de savoir quel type et quel montant d’argent échappe à l’agence chaque année. Nous ne parviendrons jamais à ramener cela à zéro, compte tenu du non-paiement, par exemple. Même si nous pouvions identifier toutes les personnes qui doivent de l’impôt, certaines feront faillite et refuseront de payer.

Quant aux méthodes utilisées pour estimer l’écart fiscal, il en existe deux principales. La première consiste à effectuer des vérifications aléatoires. On choisit quelques particuliers et quelques sociétés et, sachant combien il y a de particuliers et de sociétés dans le pays, on peut extrapoler. L’autre méthode consiste à examiner les données macroéconomiques, les flux d’argent entrant et sortant des pays et l’activité économique. On peut alors estimer, en fonction de ces mesures, ce qui devrait être payé en impôt et ce qui est effectivement payé.

La première méthode, celle de la vérification, est beaucoup plus coûteuse, car elle consiste à contrôler des personnes pour qui il n’y a aucune raison qu’elles fassent l’objet d’une vérification. Il est possible que cette méthode soit plus précise. L’autre méthode est beaucoup moins coûteuse. Elle produit un chiffre de plus haut niveau.

Si l’agence devait mesurer l’écart fiscal, conformément à ce projet de loi, je lui recommanderais vivement d’utiliser la deuxième méthode, la méthode descendante, qui est moins coûteuse, moins intensive et qui permet à l’agence de concentrer ses ressources de vérification sur ceux qui sont considérés comme présentant le plus grand risque.

Mme Hawara : J’ajouterais qu’il y a de nombreuses façons pour les contribuables de tenter de se dérober à leur obligation fiscale ou de la réduire. La sénatrice en a cité quelques-unes.

Cela dépend du type de contribuable. Certaines sociétés se livrent au transfert des profits, et nous avons des programmes de vérification conçus pour repérer ces cas et y remédier. Les personnes fortunées ont tendance à utiliser des structures complexes, à l’étranger, un réseau de sociétés ou des trusts, pour tenter de dissimuler leurs actifs. Et bien sûr, il y a l’économie souterraine et les personnes qui cachent activement leur revenu.

Ce ne sont là que quelques exemples. Il y a de nombreuses façons de ne pas respecter la loi. Nos programmes de vérification sont conçus pour s’y attaquer tant sur le plan de l’impôt sur le revenu que sur celui de la TPS/TVH. Nous sommes également préoccupés par les stratagèmes complexes qui existent dans le domaine de la TPS.

Je ne connais pas la publication américaine qui a été mentionnée, et je ne sais donc pas si nous avons fait quelque chose de similaire. Il ne s’agirait pas du rapport sur l’écart fiscal, mais de quelque chose de différent. Nous en avons parlé ouvertement dans divers forums, dans notre plan d’entreprise et dans d’autres documents, ainsi que sur notre site Web, où nous parlons de ce qui nous préoccupe et de la manière dont nous nous y attaquons.

Je voudrais simplement ajouter une chose : nous pensons qu’un amendement législatif pourrait être utile, soit pour éliminer une échappatoire, soit pour donner à l’agence les pouvoirs dont elle a besoin. Nous pouvons travailler en étroite collaboration avec le ministère des Finances. Il est intéressé par ce que l’agence constate sur le terrain. Évidemment, c’est lui qui a le mandat d’établir la politique fiscale au Canada, mais nous travaillons avec lui.

La sénatrice Marshall : En ce qui concerne les données qui ont été promises en réponse au sénateur Forest — je crois que certaines données ont également été promises en réponse à la question de la sénatrice Pate —, ces renseignements figurent-ils déjà quelque part sur votre site Web? Je pense aux données sur les Panama Papers, les Paradise Papers, le nombre de condamnations, les sommes d’argent recueillies. Ces informations figurent-elles quelque part sur votre site Web? La dernière fois que vous avez témoigné, nous avons abordé ce sujet. J’ai consulté votre site Web et j’ai trouvé l’information, mais elle n’était pas facile à trouver.

Quelqu’un examine-t-il régulièrement votre site Web pour déterminer comment les gens peuvent y naviguer plus facilement? Je sais qu’après la dernière réunion, nous avons vraiment dû chercher les données. J’aimerais avoir des observations à ce sujet.

Mme Hawara : Merci de cette question. Certaines des données qui ont été mentionnées et demandées se trouvent sur le site Web, mais pas toutes. Pour certaines d’entre elles, nous devrons retourner en arrière et voir si elles sont disponibles.

Je reconnais ce que vous dites sur le site Web et les données qui ne sont pas faciles d’accès. Nous regardons actuellement cette page, notre page sur les meilleurs résultats, pour voir ce que nous pouvons faire pour la rendre plus percutante et plus facile à trouver. Nous sommes effectivement d’avis qu’il est important d’informer les Canadiens de notre travail, et nous pourrions leur en dire beaucoup plus. Je prends note de l’argument, et c’est une chose sur laquelle nous travaillons activement.

La sénatrice Marshall : La prochaine fois, je pourrai peut‑être vous poser une question complémentaire. Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Forest : Je vais moi aussi me brancher sur un site Web, mais plutôt sur celui du directeur parlementaire du budget. Sur votre site, on indiquait avoir déposé quatre demandes d’information liées au calcul de l’écart fiscal. Ces demandes ont‑elles été traitées? Avez-vous reçu l’information? Si ce n’est pas le cas, quels étaient les principaux obstacles?

M. Giroux : Il y a eu des obstacles. C’était avant ma nomination. Une requête de mon prédécesseur visait à obtenir des renseignements très raffinés, par tranches très fines, d’un niveau de détail assez élevé qui risquait d’entraîner de la divulgation par inadvertance.

On a convenu un peu plus tard de fournir des données abrégées à mon bureau pour qu’on puisse essayer d’estimer l’écart fiscal. On a fait une tentative en juin 2019 et les demandes d’information ont été résolues à notre satisfaction, dans la mesure où cela était possible dans le cadre législatif actuel.

Le sénateur Forest : Les obstacles ont donc été franchis.

M. Giroux : En tenant compte des restrictions de la législation.

Le sénateur Forest : Monsieur Guénette, nous savons que tous les ministères ont été appelés à contribuer dans le cadre de compressions à hauteur de 15 milliards de dollars. Compte tenu des défis que vous devez relever — et je regarde surtout Mme Hawara —, prévoyez-vous de subir un impact de cet exercice de compressions budgétaires?

M. Guénette : Merci pour la question. L’agence n’a pas été exemptée de cet exercice. Nous sommes en train d’examiner les choses, comme le font les autres ministères.

Le sénateur Forest : Vous n’êtes donc pas exemptés.

Ma dernière question est d’ordre général. Notre régime fiscal, qui est essentiellement composé d’impôts et de taxes, remonte à 1917, l’époque de la Loi sur l’impôt de guerre. Depuis, ce n’est qu’une addition de mesures qui augmentent. Je crois que la politique fiscale canadienne est assez volumineuse, donc n’y aurait-il pas lieu de faire une réflexion sur la politique fiscale, sur le plan des trois « E », pour qu’elle soit épurée, efficiente et équitable?

M. Guénette : Je ne sais pas si cette question m’est adressée...

Le sénateur Forest : Je ne vous demanderai pas de réponse écrite.

M. Guénette : Comme le disait ma collègue Mme Hawara, l’agence est responsable de l’administration des lois; c’est le ministère des Finances qui est responsable de la mise en œuvre de la politique fiscale au pays, donc je m’en voudrais de me prononcer là-dessus.

Cependant, je reconnais l’ampleur et la complexité de la Loi de l’impôt sur le revenu; c’est une chose à laquelle on fait face du côté de l’agence. Dans la mesure du possible et conformément au cadre législatif actuel, on essaie de simplifier les transactions pour les contribuables.

Le sénateur Forest : Si je lis entre les lignes, « la complexité actuelle de notre régime fiscal rend plus difficile le travail de l’agence »?

M. Guénette : Je vous dirais que, dans certains cas, la non‑observation des obligations fiscales que l’on peut constater est parfois liée à des complexités ou à de l’incompréhension par rapport aux erreurs qui y sont liées. C’est pour cette raison que l’agence consacre une partie de ses efforts à des activités d’éducation, mais c’est sûr qu’il y a toujours une composante de non-observation.

Le sénateur Forest : On reconnaît votre grande prudence.

M. Giroux : Je n’ai pas la même réserve que M. Guénette, parce que je n’occupe pas dans le même poste.

Je dirais, sans l’ombre d’un doute, que la simplification du régime fiscal assurerait une bien plus grande efficacité dans son administration et permettrait de libérer beaucoup de gens à l’agence qui doivent répondre à des questions complexes et qui doivent s’assurer que tous ces morceaux fonctionnent bien ensemble. Cela leur permettrait de faire une meilleure vérification et un meilleur recouvrement. Donc, une simplification du régime fiscal serait une chose très bienvenue dans la plupart des secteurs, sauf pour les préparateurs d’impôt et les fiscalistes, mais ce serait quelque chose de très courageux.

D’ailleurs, pour faire un lien avec ma comparution d’hier, l’un des avantages d’un revenu minimum garanti, c’est qu’il permettrait de simplifier considérablement des programmes qui sont administrés dans le régime fiscal actuellement. Cela permettrait de les regrouper en un seul programme, ce qui contribuerait à simplifier le régime fiscal.

Le sénateur Forest : Est-ce un mandat auquel vous auriez le courage de vous attaquer?

M. Giroux : Non.

Le sénateur Forest : Je demanderais une réponse écrite, s’il vous plaît.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Monsieur Giroux, vous avez mentionné que vous avez tenté d’utiliser les données de Statistique Canada pour évaluer l’écart fiscal. Quels ont été les défis posés par l’utilisation des données de Statistique Canada plutôt que de recevoir directement les données de l’ARC?

M. Giroux : M. Mahabir est l’expert en matière de relations avec Statistique Canada, c’est donc lui qui répondra.

Mark Mahabir, directeur général, Analyse budgétaire et des coûts, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci de cette question.

Nous devons payer directement Statistique Canada pour toutes les données auxquelles nous accédons. Donc, selon la loi, nous pourrons demander des données librement et en temps voulu. À l’heure actuelle, nous payons Statistique Canada pour ces données. Chaque projet coûte un certain montant, ce qui nous limite dans ce que nous pouvons faire au cours d’une année.

Le sénateur Smith : Comment planifiez-vous? Si vous voulez utiliser les données, vous devez les payer, si j’ai bien compris. Avez-vous une liste de priorités pour lesquelles vous devez, dans certains cas, payer pour les données de Statistique Canada? Comment établissez-vous cette liste?

M. Mahabir : En ce moment, nous avons un projet en cours pour accéder aux données de l’impôt sur le revenu des sociétés, et ce depuis 2016. Cela est dû au fait que nous ne pouvions pas obtenir les données directement de l’ARC.

Nous avons d’autres projets en cours, mais en gros, si nous recevons une demande d’un parlementaire ou d’un comité, nous devons lancer un nouveau projet avec Statistique Canada et payer un montant supplémentaire.

Le sénateur Smith : Si je comprends bien, l’ARC aurait des données, mais si Statistique Canada a des données que vous pouvez utiliser, vous devez payer pour cela. Pensez-vous que la relation avec l’ARC évoluera à un autre niveau?

M. Mahabir : Je crois bien que oui. En fin de compte, nous devrions être en mesure d’accéder directement aux données de l’ARC, mais cela nécessiterait des changements à l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Le sénateur Smith : Monsieur Giroux, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?

M. Giroux : C’est l’éternelle question de l’éventuelle divulgation résiduelle, de l’accès aux renseignements fiscaux et de la crainte qu’a l’ARC de la divulgation résiduelle, ce qui explique pourquoi elle ne veut pas partager des données anonymisées avec nous. Je comprends cela; j’ai travaillé à l’ARC pendant un certain nombre d’années.

C’est donc l’éternelle question de l’éventuelle divulgation résiduelle, mais nous avons besoin de données. Nous n’avons pas besoin de renseignements qui identifient les contribuables; nous avons seulement besoin de données anonymisées. Mais leurs préoccupations concernant la divulgation résiduelle sont légitimes.

Le sénateur Smith : Merci beaucoup.

Le sénateur Loffreda : La divulgation est importante. La méthodologie utilisée pour déterminer l’écart fiscal est importante. Mais la collecte et la capacité de collecte sont tout aussi importantes, voire plus importantes. Si nous adoptons ce projet de loi — nous savons que des milliards sont dus —, comment le recouvrement sera-t-il amélioré et pourquoi le sera-t-il? À quelle vitesse l’écart fiscal sera-t-il réduit? Sera-t-il réduit grâce au recouvrement, à la divulgation ou à la méthodologie?

M. Guénette : Merci pour ces questions.

C’est un peu comme consulter une boule de cristal, mais une partie de l’écart fiscal que nous avons publié comprend l’écart de paiement. Il y a un rapport sur l’écart de paiement qui porte sur les activités de recouvrement en particulier.

En tant qu’outil d’analyse des tendances, nous avons le sentiment que plus nous pouvons effectuer d’analyses de ce genre, plus nos données sont robustes et plus nos projections ultérieures sont meilleures, et plus celles-ci peuvent contribuer à informer nos activités.

Encore une fois, j’attire l’attention du comité sur le fait qu’il existe une différence importante entre l’écart fiscal, qui est censé être un document d’analyse des tendances, et les plans opérationnels tactiques élaborés annuellement par des collègues dans des domaines tels que celui de Mme Hawara ou de mon collègue chargé des recouvrements. Si l’analyse des tendances peut aider à déterminer certains domaines dans lesquels une activité accrue s’impose, elle ne précise pas les activités ou les contribuables pour lesquels cette activité doit être exécutée.

C’est un outil dans notre boîte à outils, mais ce n’est pas quelque chose qui nous donnera une carte routière nous indiquant exactement où nous devons nous rendre.

Le recouvrement est un élément d’importance cruciale pour l’agence. Je ne dispose pas des données nécessaires pour en parler dans ce contexte particulier, mais nous avons des objectifs à atteindre chaque année. Nous dépassons ces objectifs. C’est un domaine d’activité qui continue d’être essentiel.

La sénatrice MacAdam : Nous avons parlé de 100 % de réussite dans les affaires judiciaires. À ce stade, vous n’avez plus aucun contrôle; c’est le directeur des poursuites qui prend les décisions. Mais avant d’en arriver là, quels genres de mesures prenez-vous pour tenter de recouvrer cet impôt? Quels genres de mesures sévères prenez-vous, avant même d’en arriver au stade des poursuites judiciaires? Ces mesures sont-elles couronnées de succès? Avez-vous des statistiques à ce sujet?

M. Guénette : Des statistiques sur la façon de résoudre une affaire avant qu’elle ne soit portée devant les tribunaux?

La sénatrice MacAdam : Oui, par d’autres mesures que le recours aux tribunaux, sur lequel vous n’avez aucun contrôle.

M. Ferron : Oui. Nous avons des mesures à ce sujet. Si nous prenons l’exemple des Panama Papers, nous avons examiné les noms qui y figurent et nous avons pu constater que 65 % de ces personnes avaient déjà fait ce que l’on attendait d’elles. Nous l’avons confirmé en nous assurant que tout le monde s’exécutait.

Ensuite, il y a eu l’aspect civil, et ils ont pu résoudre de nombreux problèmes en suspens et seuls quelques cas ont abouti à une enquête criminelle, les plus graves, je suppose, les plus importants. C’est donc toujours une approche graduelle que nous adoptons pour l’application de la loi.

La sénatrice MacAdam : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Guénette. Monsieur Guénette, j’aimerais qu’on examine l’aspect de la TPS qui fait partie de l’évasion fiscale. On sait que les taxes et les impôts constituent une grande partie des dettes des entreprises qui devront malheureusement déclarer faillite. Pouvez-vous nous dire quelle est la proportion des entreprises qui vont se placer sous la protection de la Loi sur la faillite une fois qu’elles ont été identifiées par vos services?

M. Guénette : Merci pour la question. Je n’ai pas ces données sous la main, mais on peut certainement faire des recherches et les fournir au comité. Je crois que cette information est disponible.

Le sénateur Dagenais : Je vais revenir à M. Ferron. On en a parlé depuis quelques jours; 10 % des Canadiens ne soumettent pas de déclaration de revenus parce qu’ils se retrouvent dans une situation de vulnérabilité. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il y a une partie de ces personnes qui tentent leur chance, qui essaient de cacher de l’argent au fisc et qui prennent rapidement des arrangements dès qu’elles font l’objet d’une enquête. Est-ce que cela se passe comme devant les tribunaux? Est-ce qu’il y a des négociations pour essayer de s’entendre sur un remboursement?

M. Ferron : Si on présente un dossier à la cour et que la personne est trouvée coupable, elle doit payer toutes les taxes dues, y compris les pénalités et les intérêts. Ce n’est donc pas parce qu’elle plaide coupable, par exemple, qu’elle va s’en tirer et ne pas payer ses impôts.

Le sénateur Dagenais : Allez-vous obligatoirement devant la cour? Si ces personnes ont été prises en défaut et qu’elles doivent de l’argent au fisc, pouvez-vous négocier sans aller devant la cour et leur dire qu’elles doivent prendre des arrangements avec le fisc?

M. Ferron : Une fois qu’un dossier est soumis au directeur des poursuites pénales, il leur revient de négocier avec la personne, et nous ne pouvons plus négocier avec la personne lorsque le dossier est judiciarisé. Tout arrangement faisant suite à un plaidoyer de culpabilité, par exemple, sera conclu directement avec le directeur des poursuites pénales. Nous ne sommes pas impliqués.

Le sénateur Dagenais : Avez-vous identifié des parties de la loi ou des règlements qui pourraient être modifiées afin d’améliorer l’efficacité de votre travail pour que plus de personnes soient poursuivies, comme le soulignait le directeur parlementaire du budget?

M. Ferron : Nous sommes toujours en train d’examiner les meilleures pratiques des autres pays. Nous faisons partie d’un groupe de cinq pays qu’on appelle le J5, et nous sommes toujours en train de nous comparer afin de voir les meilleures façons de faire et les meilleures pratiques des autres pays. On apprend tous les uns des autres, non seulement sur ce qu’on peut trouver comme infraction criminelle, mais aussi sur les outils que l’on peut utiliser pour nous aider à coincer ces personnes qui font de l’évasion fiscale.

Le sénateur Dagenais : Je crois que le système de l’ARC fonctionne bien; quand il faut payer des acomptes provisionnels, ils nous préviennent même deux semaines avant. C’est très clair, et cela fonctionne très bien. C’est une petite blague en passant.

Le président : J’ai remarqué que ce n’était pas une question.

Le sénateur Dagenais : Non, c’était un petit commentaire.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Lorsque le sénateur Downe a présenté le projet de loi S-258, il a parlé du fait que chaque fois qu’une nouvelle politique est proposée au Canada, la question se pose de savoir combien elle va coûter et qui va la payer. Et, certainement, une partie de sa motivation, comme il l’a articulé pour cette loi, est ce qu’il a décrit comme — et aucun d’entre vous ne l’a contesté — les milliards de dollars d’argent fiscal qui sont cachés à l’étranger. Il me l’a dit personnellement. Il l’a dit publiquement. Selon lui, bon nombre des mesures que nous souhaitons, qu’il s’agisse de l’assurance-médicaments ou du soutien du revenu, pourraient être financées par l’impôt impayé à l’heure actuelle.

Je suis curieuse — et je m’adresse à vous, monsieur Giroux — de connaître le coût de ces mesures. Je sais que vous vous êtes penché sur cette question, mais y a-t-il d’autres prévisions ou répercussions que vous avez examinées en ce qui concerne les conséquences évitables de l’inaction dans ce domaine?

Je vous remercie, monsieur Ferron, de ce que vous venez de dire au sujet des discussions que vous avez avec d’autres pays. Je suis toujours frappée, lorsque je pense à un petit pays comme l’Islande, par l’importance qu’ils accordent à la poursuite de ces personnes. Lorsque j’ai visité leur prison, il y avait 13 personnes en prison, en tout, et c’étaient des personnes dont le revenu était bien plus élevé que ceux jamais vus par moi dans n’importe quelle autre prison au monde. Certes, l’impôt et le coût de la vie y sont plus élevés, mais je n’ai vu aucun sans-abri. Je suis curieuse de savoir si ces retombées politiques font partie des discussions qui ont lieu à vos tables ou si, comme on l’a déjà suggéré — évidemment, le gouvernement prend des décisions de ce genre —, c’est le genre de recommandations que le gouvernement attend de vous dans le cadre de votre travail.

J’ai été vraiment frappée par la nature empathique du message de l’Agence du revenu du Canada cet été concernant le fait que vous vous attaquez à la Prestation canadienne d’urgence, la PCU, ainsi qu’aux subventions salariales.

Le président : Était-ce une question?

La sénatrice Pate : Oui. J’ai posé des questions.

Avez-vous entendu les questions? Si je n’ai pas été claire, je m’en excuse.

Pouvez-vous donner une orientation politique, et quels sont les domaines que vous aimeriez viser? Désolée, j’aurais pu être plus succincte.

Mme Hawara : Je vais commencer, et peut-être que mon collègue M. Ferron voudra intervenir.

Je pense que, fondamentalement, l’Agence du revenu du Canada comprend le rôle important qu’elle joue dans la société canadienne. Le revenu que nous percevons n’est pas destiné à notre usage. Il est destiné au gouvernement. Il finance les services dont nous dépendons tous.

Lorsque nous faisons notre travail, c’est donc toujours en gardant cela à l’esprit et, si je ne m’abuse, notre déclaration de mission précise que nous le faisons pour le bien-être économique et social des Canadiens. Les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada ont certainement cet objectif à l’esprit.

Je ne sais pas, monsieur Ferron, si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Ferron : Lorsque nous parlions des 12 personnes qui ont été envoyées en prison l’année dernière, elles ont été reconnues coupables d’avoir éludé plus de 8 millions de dollars en tout. Encore une fois, ce sont des gens qui ont des moyens et ce sont les gens qui font de l’évasion fiscale.

M. Giroux : J’ai quelques réflexions à faire.

Je pense que la question de la perception est très importante lorsque nous avons un système comme le nôtre qui repose essentiellement sur l’auto-évaluation. Pour le citoyen moyen, il est très difficile de se soustraire à l’impôt, car si vous oubliez un feuillet T5 ou T3, l’ARC peut très facilement déterminer que vous l’avez oublié, de sorte que l’on a l’impression que les citoyens moyens, les gens normaux, se font prendre rapidement et que ceux qui ont les moyens de se soustraire à l’impôt ne sont pas poursuivis.

C’est peut-être vrai ou c’est peut-être faux. Je pense que cette perception est probablement exagérée, mais il est très important que l’Agence du revenu du Canada soit perçue comme poursuivant agressivement les fraudeurs fiscaux afin de maintenir la confiance dans le système fiscal. C’est pourquoi il est très important de mettre l’accent sur la poursuite de ceux qui fraudent le fisc et de le faire savoir, même si le taux de réussite n’est pas de 100 %.

Le président : Honorables sénateurs, si vous me le permettez, j’ai une question pour M. Giroux et M. Guénette.

Nous avons un dénominateur commun, et vous nous avez entendus le dire plus d’une fois. Notre dénominateur commun est l’aspect transparence, responsabilité, fiabilité et prévisibilité des budgets.

Le projet de loi S-258, à la page 1, dit : « Le paragraphe 88(2) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada est modifié par adjonction, après l’alinéa c), de ce qui suit » — et je me rappelle la question posée par les sénateurs au sujet de la recherche d’outils pour dissuader les gens. Ma question porte sur le passage suivant : « c.1) une liste détaillée de toutes les condamnations pour évasion fiscale, y compris une liste distincte pour l’évasion fiscale internationale. »

[Français]

Ma question est la suivante : croyez-vous qu’il soit important que le rapport annuel de l’Agence du revenu du Canada fasse état de toutes les condamnations pour évasion fiscale, comme le prévoit le projet de loi S-258? Devrait-il y avoir des exceptions, selon l’ampleur de l’infraction... Cette exigence de publication devrait-elle s’appliquer tant aux sociétés qu’aux particuliers? J’aimerais entendre vos commentaires sur ces trois questions.

M. Guénette : Je vais commencer, et je suis certain que mon collègue M. Ferron aura un point de vue là-dessus.

Tout d’abord, vous avez tout à fait raison de dire que le dénominateur commun est la volonté de transparence et l’effet dissuasif de la transparence. C’est pour cette raison que l’on publie, à l’heure actuelle, l’information qu’on est en mesure de publier concernant les condamnations, non pas dans le rapport annuel, mais sur le site Web. Le véhicule peut être différent, mais il y a une volonté de transparence du côté de l’agence.

La deuxième partie de la question porte sur la possibilité ou non de divulguer certains renseignements qui peuvent être protégés conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu. C’est là que je me tournerais vers mon collègue M. Ferron, parce qu’il y a certaines informations qu’on n’est pas en mesure de publier, comme les renseignements concernant les contribuables, même s’ils sont déjà publics. On doit s’en tenir à ce qui est disponible dans les registres des tribunaux et ne pas aller plus loin. Dans certains cas, l’information qui est disponible dans le registre des tribunaux ne fait pas la distinction, à savoir s’il s’agissait d’évasion fiscale ou d’évasion fiscale intérieure. De ce point de vue du projet de loi, il peut y avoir certaines nuances à faire qui nécessiteront un peu de travail. Je ne sais pas si M. Ferron veut ajouter quelque chose.

M. Ferron : M. Guénette a absolument raison. Actuellement, on publie tout sur le Web et on avise les médias. On peut seulement aller aussi loin que la loi le permet. C’est vrai qu’il y a peut-être de l’information qui nous permettrait d’identifier des dossiers internationaux si on pouvait aller plus loin, mais on est limité par la loi actuellement sur ce qu’on peut rapporter sur nos dossiers.

Le président : Monsieur Giroux, avez-vous un commentaire à faire ou une réponse à donner à ce sujet?

M. Giroux : Je suis tout à fait d’accord avec mes collègues de l’Agence du revenu. Publier la liste des condamnations pour évasion fiscale dans le rapport annuel serait une occasion de plus de rappeler les conséquences de l’évasion fiscale internationale, en donnant un peu de contexte, évidemment. Cela pourrait avoir un effet dissuasif additionnel au-delà de ce qui se fait déjà.

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Honorables sénateurs, avant de conclure la séance, j’aimerais rappeler à nos témoins que nous avons convenu qu’ils soumettront leurs réponses écrites par l’entremise de la greffière d’ici la fin de la journée du mercredi 1er novembre 2023.

Notre prochaine réunion aura lieu le mardi 24 octobre 2023, à 9 heures, pour commencer notre examen du projet de loi C-241, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, qui porte sur la déduction des frais de déplacement pour les gens de métier.

Avant de terminer, honorables sénateurs, au nom du comité, j’aimerais remercier toute l’équipe de soutien du comité, ceux qui sont à l’avant de la salle comme ceux qui sont dans les coulisses, que l’on ne voit pas. Merci à tous pour votre travail, qui contribue énormément à la réussite du travail de tous les sénateurs.

(La séance est levée.)

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