Aller au contenu
NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 21 novembre 2023.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), pour étudier le projet de loi C-241, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déduction des frais de déplacement pour les gens de métier).

[Traduction]

Mireille Aubé, greffière du comité : Honorables sénateurs, il y a quorum. En tant que greffière du comité, il est de mon devoir de vous informer de l’absence forcée du président et du vice-président, et de présider à l’élection d’un président suppléant. Je suis prête à recevoir une motion à cet effet. Y a-t-il d’autres nominations?

Le sénateur Smith : Je propose la candidature du sénateur Clément Gignac.

Mme Aubé : Y a-t-il d’autres nominations? L’honorable sénateur Smith propose que l’honorable sénateur Gignac soit président de ce comité.

Consentez-vous, honorables sénateurs, à adopter cette motion?

Des voix : D’accord.

Mme Aubé : D’accord. Je déclare la motion adoptée.

Le sénateur Clément Gignac (président suppléant) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président suppléant : Bonjour à tous. Merci, madame la greffière.

Mon nom est Clément Gignac, je suis un sénateur du Québec. J’ai le plaisir de présider cette réunion en l’absence de notre président.

J’aimerais maintenant demander à nos collègues de se présenter, en commençant par ma gauche, s’il vous plaît.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, sénatrice indépendante du Québec.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Loffreda : Sénateur Tony Loffreda, sénateur indépendant de Montréal, au Québec.

Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec, précisément de Montréal, ville des champions de la Coupe Grey.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Dagenais, du Québec.

Le président suppléant : Honorables sénateurs et sénatrices, aujourd’hui, nous reprenons notre étude du projet de loi C-241, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déduction des frais de déplacement pour les gens de métier), qui a été renvoyé à ce comité par le Sénat du Canada le 8 juin 2023.

[Traduction]

Nous avons le plaisir d’accueillir M. Tomi Hulkkonen — j’espère que je prononce bien votre nom —, chef d’entreprise, Syndicat local des charpentiers et responsable de la région du sud-ouest de l’Ontario pour le conseil régional des charpentiers. Bienvenue et merci d’avoir accepté l’invitation du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Vous pourriez commencer, si vous avez une déclaration liminaire. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité.

Tomi Hulkkonen, chef d’entreprise, Syndicat local des charpentiers et responsable de la région du sud-ouest de l’Ontario pour le conseil régional des charpentiers, à titre personnel : Bonjour à tous. Je tiens à remercier les honorables sénatrices et sénateurs de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui devant le comité à titre de témoin dans le cadre de votre étude du projet de loi C-241.

Je m’appelle Tomi Hulkkonen et je suis un représentant du conseil régional des charpentiers, un regroupement de syndicats comprenant toutes les sections locales de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique dans le centre, l’ouest et le nord du Canada. Au total, la Fraternité unie des charpentiers représente plus de 70 000 hommes et femmes du syndicat des charpentiers qui travaillent dans les métiers partout au pays.

Aujourd’hui, je suis ici devant vous en tant que personne de métier. Ma famille et mon pays d’origine, la Finlande, comptent plusieurs générations de gens de métier : briqueteurs-maçons, mécaniciens, charpentiers et électriciens. Je suis arrivé au Canada à un jeune âge, mais j’ai travaillé dans la construction à l’étranger, durant mes vacances d’été lorsque j’étais au secondaire, et j’ai appris à aimer travailler avec mes mains et à résoudre des problèmes.

Étant moi-même une personne de métier, je suis particulièrement fier de parler au comité de l’incidence qu’aura ce projet de loi sur la vie de mes collègues gens de métier.

Je pense que l’argumentaire en faveur de l’adoption du projet de loi C-241 peut être divisé en trois aspects clés : la parité, les coûts et la mobilité pour les gens de métier qualifiés d’aujourd’hui et de demain.

Au pays, l’industrie des métiers spécialisés est l’une des seules industries à ne pas couvrir les frais des déplacements à grande distance pour les employés dans le cadre de leur travail. En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, les salariés de l’ensemble du Canada peuvent réclamer un crédit d’impôt, en partie ou en tout, pour les frais de déplacement liés au travail ainsi que pour les repas, l’hébergement et le transport.

Cette politique s’applique aux travailleurs de la plupart des secteurs d’activité, car dans d’autres secteurs, les déplacements liés au travail sont, en général, des voyages longue distance qui requièrent beaucoup de temps, ce qui exclut les déplacements quotidiens en voiture. Notre secteur est toutefois unique, alors que de nombreux artisans, en particulier dans les régions rurales du Canada, doivent faire la navette tous les jours entre leur lieu de résidence habituel et des chantiers situés à plus de 120 kilomètres. Les gens de métier vont là où il y a du travail; c’est la nature de l’industrie. Les possibilités d’emploi varient d’une région et d’une période à l’autre, et cela évolue en fonction des niveaux d’investissement en infrastructures. Lorsque la construction d’un projet est terminée, ils passent au projet suivant, souvent dans une région différente.

Même si une personne de métier restait chez le même employeur pendant toute sa carrière, il est concevable qu’elle travaille sur des dizaines, voire des centaines de chantiers au cours de cette période dans plusieurs régions.

Bien que certains travailleurs prennent régulièrement l’avion pour aller travailler dans des communautés isolées durant deux ou trois semaines — ce qu’on appelle des « emplois de camp » —, la grande majorité du travail dans notre industrie nécessite des déplacements, à savoir des aller-retour quotidiens entre le lieu de travail et le lieu de résidence. Cette situation ne satisfait pas aux critères d’admissibilité actuels énoncés dans la Loi de l’impôt sur le revenu, ou au critère de la réinstallation temporaire relative au crédit d’impôt pour la mobilité de la main-d’œuvre pour les gens de métier.

Pour plusieurs, il s’agit de travail régulier et quotidien, et les coûts encourus sont excessifs. Offrir une compensation aux gens de métier qui travaillent régulièrement à l’extérieur de leur région de résidence garantirait la parité pour les travailleurs qualifiés. Ils sont essentiels à l’essor économique du Canada, et ils s’attendent à tout le moins que leur rôle soit reconnu, au même titre que les autres industries. Nos représentants élus et nommés bénéficient de ces avantages, tout comme moi aujourd’hui. Les gens qui bâtissent notre pays devraient en bénéficier aussi.

En outre, l’absence de possibilité de compensation exerce un fardeau excessif sur nos travailleurs qualifiés. Les frais de repas, d’hébergement, d’essence et de réparations liés aux déplacements sur de longues distances s’additionnent. Ces travailleurs paient ces dépenses de leur poche depuis trop longtemps.

Mon fils aîné, Theo, est un apprenti menuisier. Il a travaillé sur de grands projets dans le Nord de l’Ontario lorsqu’il y avait moins de travail à la maison. Il a dû parcourir près de 1 000 kilomètres à l’aller et au retour et a dû payer de sa poche la nourriture, les frais de véhicule et l’hébergement, sans pouvoir récupérer ces coûts, simplement pour pouvoir travailler. Son histoire est semblable à celle de milliers de gens de métier aujourd’hui qui souvent n’arrivent pas à payer ces frais supplémentaires.

Les gens de métier construisent les infrastructures qui feront progresser notre pays. Qu’il s’agisse de résoudre la crise du logement au Canada ou de construire les infrastructures nécessaires pour favoriser la transition vers l’énergie verte, le travail qu’ils accomplissent est essentiel pour tous les Canadiens d’aujourd’hui et de demain. Le statu quo est prohibitif pour les métiers spécialisés et risque d’empêcher la réalisation d’une grande partie de ce travail.

Enfin, il nous faut considérer la nécessité d’avoir une mobilité accrue de la main-d’œuvre qui contribuera à résoudre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée au Canada. Il est essentiel que les gens de métier puissent se déplacer d’une région à l’autre si nous voulons construire les infrastructures dont notre pays a besoin. Cela est essentiel tant pour les travailleurs qui doivent se rendre dans les grands centres urbains que pour ceux qui doivent se déplacer vers des régions éloignées.

Les gens de métiers qui vivent dans les collectivités rurales ont souvent moins d’occasions d’emploi. Les projets locaux se font rares et, pour pallier ces périodes d’arrêt de travail, ces travailleurs doivent parcourir de grandes distances à l’extérieur de leur collectivité. S’ils ne le font pas, ils perdent leur principale source de revenus. Les Canadiens qui vivent en milieu rural sont donc terriblement désavantagés. De plus, les habitants des petites localités seront peu enclins à se lancer dans les métiers spécialisés si le coût des déplacements nécessaires à l’exécution de leur travail est trop élevé. La déduction des frais de déplacement permettra à un plus grand nombre de nouveaux arrivants de se joindre à notre industrie.

Il en va de même pour les travailleurs des grands centres qui doivent se rendre dans les petites collectivités pour y réaliser des projets d’infrastructure. Ces projets comprennent des barrages hydroélectriques, des mines, des écoles, des hôpitaux et d’autres services essentiels dans des collectivités isolées qui ont désespérément besoin de ces infrastructures.

Les objectifs en matière d’infrastructures, tels que l’objectif du gouvernement fédéral de fournir Internet à haute vitesse à 100 % des Canadiens d’ici 2030, ne peuvent être atteints si nos travailleurs doivent débourser de l’argent pour effectuer leur travail. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les collectivités rurales pour compte en rendant le travail dans ces régions inaccessible en raison des coûts.

Comme vous pouvez le constater, j’appuie sans réserve l’adoption du projet de loi C-241. Pendant des décennies, notre industrie a été sous-financée et nous en voyons les conséquences aujourd’hui, car nous n’avons pas assez de travailleurs pour construire les infrastructures dont le Canada a cruellement besoin. J’encourage les membres du comité à unir leurs efforts pour appuyer ce projet de loi non partisan et aider les gens de métier qualifiés qui bâtissent notre pays en assurant la parité avec les autres industries, en réduisant les frais qu’ils doivent assumer pour effectuer un travail essentiel et en augmentant leur mobilité tout en favorisant l’accès de la prochaine génération aux métiers. Merci.

[Français]

Le président suppléant : Merci, monsieur Hulkkonen, pour votre déclaration d’ouverture.

Je vais en profiter pour souligner la présence de notre collègue la sénatrice Pate, qui vient de se joindre à nous.

[Traduction]

Bonjour.

[Français]

Nous allons maintenant passer à la période des questions.

J’aimerais souligner aux sénateurs qu’ils disposent de cinq minutes pour le premier tour de questions. Il y aura sans doute un deuxième tour.

Je demande aux sénateurs de poser leurs questions directement aux témoins et aux témoins de répondre de façon succincte.

La greffière m’avisera lorsque le temps sera écoulé.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je vous remercie, monsieur Hulkkonen, de votre présence ce matin. Votre déclaration préliminaire était excellente, et vous avez répondu à la plupart de mes questions. J’en ai toutefois encore quelques-unes.

Vous avez dit que vous représentez 70 000 membres. Lorsque les représentants du ministère des Finances ont comparu devant notre comité, nous leur avons demandé s’ils avaient des renseignements sur la modification apportée en 2022 — le crédit d’impôt pour favoriser la mobilité —, et ils nous ont dit qu’ils ne disposaient pas de données relativement au nombre de travailleurs qui avaient atteint le plafond de 4 000 $.

Pourriez-vous nous dire combien de vos membres se sont prévalus de cette mesure?

M. Hulkkonen : Je n’ai pas accès à ces renseignements pour le moment. Les gens ne me disent pas ce qu’ils inscrivent dans leur déclaration d’impôt. Je serais heureux de répondre aux questions que nos membres pourraient avoir à ce sujet, mais je n’ai pas de données à l’heure actuelle.

La sénatrice Marshall : D’accord. Vous ne savez donc pas combien de gens se sont prévalus de cette mesure. Personne ne vous a parlé du montant maximal de 4 000 $. Je vous pose la question, car une modification sera apportée à cet effet dans le projet de loi C-241.

M. Hulkkonen : Il n’y a qu’un seul de nos membres, qui travaillait dans le Nord de l’Ontario, qui m’en a parlé. Il m’a dit qu’il n’était pas allé très loin avec ces 4 000 $.

La sénatrice Marshall : Très bien. C’est un commentaire utile.

M. Hulkkonen : Nous savons tous ce qu’il en coûte pour voyager en avion, faire le plein et se déplacer en ce moment. Cette somme ne vous permettra pas d’aller bien loin.

La sénatrice Marshall : Vous en avez parlé brièvement dans votre déclaration liminaire, mais j’aimerais savoir ce que vos membres retireront de ce projet de loi qu’ils n’ont pas retiré des modifications de 2022 à la Loi de l’impôt sur le revenu. J’essaie simplement d’établir une comparaison, et voir dans quelle mesure ce projet de loi sera avantageux pour vos travailleurs.

M. Hulkkonen : Premièrement, il s’agit d’une déduction fiscale qui n’est pas assortie de limites. Je peux vous dire que mon fils a dû débourser 15 000 $ de sa poche et qu’il n’a pas pu déduire ces dépenses. Le fait de pouvoir récupérer ces coûts est un grand soulagement, surtout pour un apprenti en début de carrière.

La sénatrice Marshall : Avez-vous des préoccupations à propos de ce projet de loi? Certains ont exprimé des préoccupations quant au fait qu’il n’y a pas de limites et que l’on passe de 150 kilomètres à 120 kilomètres. Avez-vous des préoccupations au sujet du projet de loi?

M. Hulkkonen : Je n’en ai pas, car selon moi, une déduction fiscale n’est rien d’autre qu’une déduction fiscale, et elle ne devrait pas être assortie d’un plafond.

La sénatrice Marshall : D’accord, je vous remercie. Je n’ai pas d’autres questions pour l’instant.

[Français]

Le président suppléant : Sénateur Smith, avant de vous céder la parole, j’aimerais féliciter votre équipe favorite qui a gagné la coupe Grey, comme vous l’avez mentionné plus tôt.

À titre d’information, pour les milliers d’auditeurs qui nous écoutent en direct ou en différé, je crois comprendre que la dernière fois que l’équipe a gagné la coupe était en 2010, alors que vous étiez le président des Alouettes. Ce doit donc être un moment touchant pour vous.

Le sénateur Smith : Merci, monsieur le président. C’est très gentil de le souligner.

[Traduction]

Je vous remercie, monsieur Hulkkonen, de votre présence.

Dans le cadre de notre étude, le directeur parlementaire du budget — qui produit d’excellents rapports analytiques sur des projets de loi et sur les progrès et le rendement de divers ministères — a indiqué que nous pourrions atteindre les objectifs énoncés dans le projet de loi C-241, simplement en modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu pour enlever la limite de 4 000 $ de la déduction fiscale actuelle et augmenter la distance à 150 kilomètres.

Nous avons deux projets de loi qui contiennent des dispositions de nature similaire, mais différentes. Êtes-vous d’avis que cette façon de faire éliminerait toute confusion quant à ces deux projets de loi qui proposent des déductions fiscales semblables sans toutefois être exactement les mêmes? Que devrions-nous faire? Devrions-nous simplement fusionner ces projets de loi et apporter des précisions pour produire les résultats souhaités pour vos collègues?

M. Hulkkonen : Au départ, la disposition introduite par le budget était un crédit d’impôt, et cela ne nous a jamais plu. La déduction fiscale est le mécanisme tout indiqué pour payer les frais de déplacement, et cetera.

Pouvez-vous apporter des modifications? Je ne le sais pas. Je n’ai pas grand espoir à ce chapitre. Je sais que le projet de loi C-241 a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre et vous voilà en train de l’étudier. La ligne d’arrivée est bien en vue. Il ne semble pas y avoir de problèmes avec le projet de loi dans sa forme actuelle. Il est très simple. Il existe probablement déjà des formulaires très simples, comme le T2200, qui permettraient de réaliser les objectifs du projet de loi.

Le sénateur Smith : Pourrait-il y avoir matière à confusion, au vu des petites différences qui existent entre le projet de loi C-19 et le projet de loi C-241? Cela ne risque-t-il pas de semer la confusion chez vos membres? Ces différences pourraient-elles entraîner de la confusion ou des problèmes dans l’application par le ministère du Revenu du gouvernement fédéral?

M. Hulkkonen : La Loi de l’impôt sur le revenu donne toujours lieu à de la confusion, donc, oui, il y en aura. Mais je répète qu’il n’y a pas que nos membres syndiqués qui sont concernés; les Canadiens qui se déplacent le sont aussi. Ce projet de loi n’est pas partisan. Il s’agit d’un projet de loi pour les gens de métier, qui leur permettra de réclamer cette déduction de façon simple. Le projet de loi C-241 propose des mesures très simples. Par contre, pour ce qui est du formulaire, de sa place dans la Loi de l’impôt sur le revenu, je ne sais pas. Je m’en remets aux experts.

[Français]

Le sénateur Smith : Ai-je le temps de poser une autre question?

[Traduction]

La déduction fiscale pour la mobilité de la main-d’œuvre actuelle est assujettie à des conditions. Il doit s’agir d’une réinstallation temporaire dans un logement temporaire au Canada. De telles conditions ne figurent pas dans le projet de loi C-241.

Vos membres travaillent-ils aux États-Unis? Dans l’affirmative, l’adoption du projet de loi C-241 pourrait-elle entraîner des problèmes?

M. Hulkkonen : Ce projet de loi n’a pas été rédigé pour traiter de questions transfrontalières. L’intention a toujours été de traiter de ce qui se passe au Canada.

[Français]

Le sénateur Smith : D’accord. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre présence ce matin pour discuter de ces questions et de notre projet de loi.

Permettez-moi de revenir en arrière. Lors de sa comparution devant notre comité, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a indiqué ce qui suit :

Ce qui est visé par le projet de loi, c’est l’élimination de la limite de 4 000 $ et la réduction de la distance de 150 à 120 kilomètres.

Pour atteindre ces objectifs sans éprouver les problèmes que nous avons mentionnés, le ministère des Finances et nous, il serait plus simple de modifier l’alinéa 8(1)t) pour enlever la limite de 4 000 $ et de modifier l’alinéa 8(14)c) en changeant 150 kilomètres pour 120 kilomètres. Ce serait deux manières plus simples d’atteindre l’objectif du projet de loi, en évitant les problèmes administratifs qui ont été mentionnés par mes collègues du ministère des Finances.

Êtes-vous d’accord qu’amender le projet de loi C-241 de cette manière permettrait l’atteinte des principaux objectifs du projet de loi, tout en évitant les problèmes administratifs liés à l’existence de deux déductions similaires? Êtes-vous d’accord qu’il faille modifier certains éléments dans ce projet de loi?

M. Hulkkonen : Vous m’avez posé beaucoup de questions, alors vous pouvez commencer avec...

Le sénateur Loffreda : Commençons avec la première modification qu’il propose : enlever la limite de 4 000 $ et changer 150 kilomètres pour 120 kilomètres. La limite de 4 000 $ et les kilomètres sont les deux enjeux. Il s’agit des deux modifications qu’il propose.

M. Hulkkonen : Dès le départ, j’étais contre l’idée d’avoir une limite de déduction et un crédit d’impôt. Ce crédit d’impôt a plus tard été transformé en déduction, ce avec quoi je suis accord.

Je suis favorable à tout ce qui peut être fait pour que les gens de métier puissent déduire leurs dépenses réelles lorsqu’ils se déplacent. Toutefois, l’intention dans le budget initial n’était pas la même que celle du projet de loi C-241. Je suis donc heureux de constater que l’on envisage maintenant d’apporter des modifications, mais je ne crois pas que cela se concrétisera.

Le sénateur Loffreda : D’accord. Le projet de loi pose certains problèmes. Par exemple, il ne définit pas les frais de déplacement ou les activités de construction; ces termes ne sont pas définis dans le projet de loi, ce qui pourrait donner lieu à de la confusion. Le projet de loi soulève également des questions en matière d’équité entre les gens de métier, les apprentis liés par contrat et les autres employés : des dépenses personnelles seront non déductibles pour certains et déductibles pour d’autres. Il y a là des problèmes en matière d’égalité. Vous avez parlé de parité dans votre déclaration liminaire.

Ensuite, le projet de loi n’exige pas une période de réinstallation minimale ou n’établit pas de limite quant au nombre de déplacements ou aux dépenses déductibles...

M. Hulkkonen : Il ne devrait pas y avoir de limites. Si les Canadiens doivent se déplacer d’un bout à l’autre du pays, on ne devrait pas imposer de limites quant à la durée du trajet, à la durée du séjour et au nombre de déplacements. S’il faut réaliser un projet, il faut le mener à bien.

Le sénateur Loffreda : Les déplacements pourraient toutefois s’étendre sur plusieurs années. Croyez-vous que...

M. Hulkkonen : Absolument. Bon nombre de projets s’étendent sur plusieurs années.

Le sénateur Loffreda : Les contribuables auront deux options. Au bout du compte, les contribuables recevront des déductions de nature similaire pour les mêmes besoins, alors que l’Agence de revenu du Canada sera confrontée à des problèmes administratifs.

Vous n’étiez pas d’avis que la Loi d’exécution du budget et la déduction fiscale pour la mobilité de la main-d’œuvre permettaient de réaliser les objectifs énoncés dans ce projet de loi? Vous avez l’impression qu’on s’oppose...

M. Hulkkonen : Non, mais il y a des lacunes.

Le sénateur Loffreda : J’avance cela, car les Syndicats des métiers de la construction du Canada étaient en faveur de la Loi d’exécution du budget et n’étaient pas en faveur du projet de loi dont nous sommes saisis.

M. Hulkkonen : Je n’entrerai pas dans les détails, mais on s’est livré à des manœuvres politiques en coulisse à ce sujet. Je suis bien au fait du processus.

Le sénateur Loffreda : Pourquoi dites-vous que l’on s’est livré à des manœuvres politiques en coulisse?

M. Hulkkonen : Je ne vais pas en parler maintenant, car je ne veux pas embrouiller la situation. L’intention première du projet de loi C-241 est d’être très simple et de ne laisser personne pour compte. Il peut y avoir beaucoup de frais de déplacement, en voiture, en avion ou en train. L’objectif est d’aider ceux qui doivent se déplacer entre leur lieu de résidence et le travail. Les collectivités éloignées ne sont pas dotées d’aéroports. Les gens doivent donc se déplacer en voiture ou en train.

Nous pourrions compliquer les choses, mais la meilleure solution est de produire un projet de loi qui sera simple. Je suis convaincu que les employés du ministère des Finances et ceux du ministère du Revenu sauront préparer un formulaire qui sera simple. Nul besoin d’augmenter la confusion.

Le président suppléant : Je vous remercie, sénateur Loffreda. Vous aurez peut-être la possibilité de poser des questions pendant une deuxième série de questions. Nous devons poursuivre.

La sénatrice MacAdam : Combien de vos membres pourraient se prévaloir des avantages proposés dans ce projet de loi? Vous nous avez dit que vous n’avez pas accès à leurs renseignements fiscaux, mais d’après ce que vous savez de vos membres, combien d’entre eux sont contraints de parcourir 120 kilomètres pour se rendre sur un chantier? J’imagine que certains employeurs remboursent une partie des frais de déplacement, et il faudrait en tenir compte également.

Avez-vous une idée approximative du nombre de vos membres qui profiteront de ce projet de loi?

M. Hulkkonen : Bon an, mal an, des milliers de menuisiers parmi nos membres se déplacent partout au Canada. Nous savons que beaucoup de travail s’en vient, et ce chiffre pourrait donc facilement doubler.

Je n’ai pas de chiffre exact à vous donner. Ma section locale compte près de 600 membres actifs, et il y en a toujours 30 ou 40 qui sont en déplacement.

La sénatrice MacAdam : D’accord.

Dans le projet de loi, on n’établit pas de lien entre les dépenses et le revenu gagné. Il s’agit là d’une différence par rapport à l’autre déduction. J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Pourrait-il y avoir des abus? Lorsqu’il y a tant de déplacements et de dépenses engagées, il doit y avoir un lien avec le revenu gagné. Le projet de loi précédent en tenait compte, mais ce n’est pas le cas dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

M. Hulkkonen : Le projet de loi a été rédigé fort simplement pour que la structure choisie puisse être mise en place. Il n’est pas vague pour donner lieu à de la confusion ou de la fraude, mais plutôt pour que les décideurs qui élaboreront les formulaires et les moyens pour déclarer l’information puissent clarifier le processus.

Je crois que, à l’heure actuelle, de nombreux formulaires nécessitent des renseignements de la part de l’employeur, alors l’employé ne pourrait tout bonnement se déplacer sans établir de lien avec son revenu.

Ce n’est pas moi qui créerai ces formulaires.

La sénatrice MacAdam : Oui. Je comprends qu’un lien serait établi avec le revenu, mais étant donné tous les coûts de déplacement, on pourrait concevoir qu’un déplacement représenterait un grand pourcentage du revenu gagné ou brut découlant de ces activités.

M. Hulkkonen : Et c’est le cas. J’ai vu mon fils anéantir un véhicule en deux ans parce qu’il parcourait 100 000 kilomètres par année. Toutes ses économies servaient à son alimentation et à son logement. Il aurait probablement mieux fait de rester à la maison, mais un employé aurait manqué à l’appel pour des projets qui n’auraient pu être construits.

La décision se justifie complètement. J’explorerais l’argument inverse : pourquoi devrait-on limiter les déductions des gens de métier en déplacement? C’est le problème depuis le début. On peut très bien s’imaginer que toutes les personnes ici présentes peuvent déduire toute dépense tout au long de l’année. Pourquoi la situation devrait-elle être plus ardue pour nos gens de métier? Nous ne demandons pas à être mieux traités que les autres. Nous demandons seulement le même traitement.

La sénatrice MacAdam : D’accord. Je posais la question pour mes... vos réflexions sur la différence entre les deux déductions.

M. Hulkkonen : La différence est que l’autre projet de loi contenait de toute évidence beaucoup de détails et a franchi les étapes des différents ordres de gouvernement ou de Finances Canada. C’était simple, comme c’était un projet de loi d’initiative parlementaire. Je n’ai pas accès à tous ces outils. J’ai simplement demandé aux députés de ma région qui envisagerait de porter ce dossier, et Chris Lewis a répondu présent.

La sénatrice MacAdam : D’accord, merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vais vous poser quelques questions. Je vais vous parler des revenus en général des travailleurs de la construction. Dans quelle mesure cette capacité de déduire les dépenses de déplacements pourrait-elle permettre aux travailleurs de métier d’augmenter leurs revenus?

[Traduction]

M. Hulkkonen : Tout à fait.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Y a-t-il des travailleurs qui ne bénéficient pas des 4 000 $ actuels, parce que pour eux c’est trop compliqué sur le plan fiscal ou c’est trop coûteux en frais de comptable?

[Traduction]

M. Hulkkonen : Oui. Ici encore, je peux vous décrire mon expérience personnelle, qui m’a vraiment motivé à lancer ce projet de loi. Il est pénible de regarder les jeunes essayer en vain de cheminer dans leurs corps de métier : leurs dépenses sont trop élevées, alors ils sont nombreux à baisser les bras. Bon nombre de gens de métier qui en sont à leur deuxième ou troisième année de formation d’apprenti abandonnent la partie et vont travailler ailleurs à cause des coûts de déplacement et des dépenses qu’ils doivent eux-mêmes payer.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Selon vous, cette loi va-t-elle favoriser les entrepreneurs pour le choix de leur main-d’œuvre lors de grands chantiers?

[Traduction]

M. Hulkkonen : Oui. Fait intéressant : les entrepreneurs peuvent déduire leurs dépenses. Je le sais parce que j’en ai été un avant de représenter les gens de métier. Les employés qui travaillent pour eux ne peuvent en faire autant. Bien des équipes sont composées d’un patron et de trois ou quatre travailleurs. Ils se déplacent. Le patron déduit toutes ses dépenses. Les employés ne peuvent rien déduire s’ils doivent se rendre quelque part par leurs propres moyens.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous en avez un peu parlé dans votre introduction, mais pourriez-vous nous donner plus d’information sur les avantages des travailleurs de métier du côté américain comparativement à la situation actuelle au Canada?

[Traduction]

M. Hulkkonen : Voici ce que je sais de la situation aux États-Unis. J’ai des amis qui y habitent et ils étaient tous stupéfaits d’apprendre que ce projet de loi devait même être déposé : chez eux, les gens de métier peuvent déduire les dépenses qui sont inadmissibles au Canada. C’est ce qu’ils m’ont eux-mêmes dit.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Plusieurs choses sont parfois plus simples aux États-Unis. Vous ne me le faites pas dire.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Merci d’être parmi nous, monsieur Hulkkonen.

Vous avez dit savoir que le projet de loi porte sur la parité, les coûts et la mobilité. Je suis très consciente de la question des coûts parce que j’ai interagi avec de nombreux gens de métier et de techniciens dans ma carrière d’ingénieure civile. Je sais que les situations de chacun diffèrent grandement. Un électricien ou un travailleur de l’électronique a plus d’avantages qu’un charpentier ou un maçon. J’en suis consciente.

J’aimerais parler de la parité et des différences à cet égard. Vous avez dit que la situation est déjà compliquée en raison de la fiscalité. Imaginez la situation au Québec où nous devons produire deux déclarations de revenus. C’est très compliqué. Je comprends que certains sont moins en mesure de produire ces déclarations — ou ont moins de temps — et de cerner tous les champs où ils peuvent déduire certaines de leurs dépenses. Or, au bout du compte, la question n’est pas de savoir s’ils sont des travailleurs autonomes ou s’ils travaillent pour un entrepreneur précis. Quelle est la grande différence? Je pose la question parce que je sais que les travailleurs autonomes déduisent de nombreuses dépenses lorsqu’ils travaillent pour une compagnie — les déductions sont liées aux revenus, comme ma collègue le disait.

M. Hulkkonen : C’est un point intéressant. Bon nombre de personnes qui se considèrent comme des employeurs ou des travailleurs autonomes ne le sont en fait pas. Ils dépendent de quelqu’un d’autre pour travailler. Ce sont eux qui profitent du régime fiscal alors qu’ils devraient payer l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, ou RPC, l’assurance-emploi, et cetera. On devrait aussi retenir des sommes de leurs chèques pour la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, ou WSIB.

Il existe au Canada et aux États-Unis une économie clandestine où les travailleurs sont classifiés comme travailleurs autonomes alors qu’ils ne le sont pas : ils dépendent réellement d’un employeur. Ils devraient être imposés et payer leur juste part du RPC et de l’assurance-emploi pour que le fardeau ne pèse pas seulement sur les employeurs qui exploitent adéquatement leurs entreprises. C’est une considération.

Je le répète : les entrepreneurs qui sont réellement autonomes peuvent déduire toutes les dépenses liées aux déplacements. De leur côté, les travailleurs embauchés par ces entrepreneurs autonomes ne peuvent en faire autant.

La sénatrice Galvez : En ce moment, la pénurie de main-d’œuvre pousse ces travailleurs autonomes à se rendre partout où on leur offre du travail. Ils ont plus d’un patron, parfois dans différentes provinces. Je sais que des Québécois se rendent en Ontario, au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse et parcourent des centaines de kilomètres sur la route pour cette raison.

Comment rectifier la situation alors que, comme vous le décrivez, les travailleurs autonomes ont plus d’occasions de profiter du système que ceux qui n’ont qu’un employeur et que, malheureusement, aucune solution n’est possible en raison de la pénurie de main-d’œuvre?

M. Hulkkonen : C’est une tout autre paire de manches dont nous pourrions parler pendant des jours.

Les syndicats se sont toujours battus pour que la classification des travailleurs soit adéquate. Un projet de loi comme celui-ci inciterait les gens à agir responsablement et en tant qu’employés pouvant déduire leurs dépenses de déplacements. Au bout du compte, c’est ce que ces gens tentent de faire : ils tentent de déduire leurs dépenses et de se faire passer pour une entreprise alors qu’ils n’en sont pas une.

Ils travaillent peut-être pour différents entrepreneurs, mais nos membres aussi. En moyenne, un apprenti travaille pour 10 entrepreneurs sur une période de quatre ans. Cela ne fait pas d’eux des entrepreneurs autonomes pour autant. Ils passent d’un projet ou d’un employeur à l’autre. Bon nombre des gens qui se disent entrepreneurs ou travailleurs autonomes le font aussi, mais sans payer leurs impôts. Ils empochent l’intégralité du chèque, comme on le dit dans notre milieu.

La sénatrice Galvez : Comme vous le dites, on pourrait en parler plus longuement.

Vous avez mentionné que les deux dispositions du projet de loi C-241 et la modification à la Loi de l’impôt sur le revenu ont deux intentions différentes. Pouvez-vous approfondir cette question?

M. Hulkkonen : Je n’ai pas la dernière version du budget ou de la loi actuelle sous les yeux, alors je ne peux pas en parler en détail. Je peux néanmoins dire que l’objectif derrière la déduction fiscale — le projet de loi C-241 — était de vraiment inciter les personnes à trouver des options en-dehors de leur région immédiate. Le Canada compte de nombreux gens de métier qui pourraient travailler à des chantiers loin de leurs lieux de résidence. Étant donné le plafond de 4 000 $, ils n’envisagent pas nécessairement de se déplacer. Deux vols peuvent coûter 4 000 $. Au-delà de ce montant, ils paient de leurs poches pour aller travailler ailleurs.

Je l’ai moi-même fait. Pendant trois ans, j’ai fait l’aller-retour entre Sault Ste. Marie et Windsor. Au bout du compte, on ne gagne pas d’argent. Si, au contraire, on pouvait déduire ces dépenses, on pourrait récupérer ces coûts avant la fin de l’année. Tous les travailleurs ont les mêmes réflexions : comment faire un budget pour ces activités, et comment dresser mon bilan?

La sénatrice Galvez : Je reprendrai la parole pendant la deuxième série de questions.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup d’être parmi nous. Vous avez peut-être parlé du sujet que je vais aborder, et je vous demande pardon si je n’ai pas entendu les détails. J’ai l’impression que les employeurs n’agissent pas en tant que tels. Serait-ce donc juste de dire que la plupart des membres ne se font pas rembourser leurs dépenses de déplacement par leurs employeurs et qu’on s’attend plutôt à ce qu’ils agissent comme un groupe d’entrepreneurs autonomes?

M. Hulkkonen : Ils n’agissent même pas nécessairement comme des entrepreneurs autonomes. Ceux qui suivent les règles soustraient leurs dépenses de leurs chèques. Ils sont cependant grandement désavantagés parce qu’ils n’ont pas de moyen de déduire les dépenses. Voilà l’objectif même du projet de loi C-241. C’est un autre élément qui aidera ces travailleurs à sortir de la clandestinité et à leur permettre de déduire les dépenses et de récupérer les coûts. Ils n’ont pas à agir dans la clandestinité. Lorsqu’ils évoluent dans l’économie clandestine, le gouvernement ne peut pas non plus percevoir d’impôt sur leur revenu. Des milliards de dollars sont perdus chaque année au Canada à cause d’activités comme celles que vous avez décrites.

La sénatrice Pate : L’arrivée de la déduction fiscale ne facilite donc pas ce processus à l’heure actuelle?

M. Hulkkonen : Le montant s’élève seulement à 4 000 $.

La sénatrice Pate : D’accord. Et les employeurs ne remboursent pas de dépenses au-delà de ce montant ou...

M. Hulkkonen : Certains en remboursent; d’autres, non. La décision revient entièrement à l’employeur.

La sénatrice Pate : D’accord.

Avez-vous d’autres recommandations qui empêcheraient les employeurs de ne pas rembourser la totalité des dépenses?

M. Hulkkonen : Pas vraiment. Je ne vois pas ce que serait l’objectif. Si quelqu’un paie vraiment des dépenses de sa poche pour le travail, pourquoi ne pourrait-il pas récupérer ces coûts?

La sénatrice Pate : Vous croyez donc encore qu’il faut passer par le régime fiscal plutôt que par l’employeur...

M. Hulkkonen : On ne peut forcer les employeurs à rembourser les dépenses. À mon avis, il ne serait pas judicieux de contraindre les employeurs à rembourser ces dépenses parce que d’autres manigances verront le jour.

La solution à ce grand problème serait de créer un système simple et juste pour tous les Canadiens.

La sénatrice Pate : Vous avez mentionné le problème de recrutement, et je vous en remercie. Selon vous, quels autres obstacles, mis à part ceux que vous avez déjà mentionnés, empêchent des tranches de la population — comme les personnes vivant dans la pauvreté ou étant marginalisées en raison de leur race ou leur sexe — d’intégrer les divers corps de métier? Par ailleurs, ce projet de loi pourrait-il aplanir ces obstacles, ou faut-il y remédier par d’autres moyens?

M. Hulkkonen : Nous prenons déjà d’excellentes mesures pour aplanir ces obstacles. Le gouvernement fédéral compte plusieurs programmes pour favoriser le recrutement dans ces groupes de la population. Le gouvernement ontarien fait lui aussi bonne figure à cet égard.

Nous nous servons de tous les outils à notre disposition pour favoriser ce recrutement. Je peux vous dire que notre effectif a considérablement augmenté depuis qu’on encourage les femmes et les groupes connaissant d’autres obstacles à intégrer les corps de métier. Nous déployons déjà autant d’efforts que possible pour inciter ces groupes à joindre nos rangs.

La sénatrice Pate : Si vous en avez, pouvez-vous nous donner des renseignements sur le revenu moyen des travailleurs qui, selon vous, bénéficieraient de cette mesure?

M. Hulkkonen : Un membre qui reste dans sa région, selon mes statistiques, travaille en moyenne environ 1 500 heures par année. Si on ajoute les options des chantiers pour lesquels on doit se déplacer, ce même membre peut facilement travailler plus de 3 000 heures par année. Il serait possible de doubler le revenu.

La sénatrice Pate : Quel est le revenu moyen dans le secteur?

M. Hulkkonen : En faisant des calculs rapides, je peux affirmer qu’une personne de métier brevetée gagne actuellement de 75 000 à 85 000 $ par année.

La sénatrice Pate : Quelle est la fourchette? À combien s’élèvent le revenu le plus faible — d’un apprenti, disons — et le revenu le plus élevé — d’un ouvrier qualifié?

M. Hulkkonen : Un grand nombre d’apprentis du secteur non syndiqué touchent au départ le salaire minimum.

La sénatrice Pate : D’accord. J’ai terminé. Merci beaucoup.

[Français]

Le président suppléant : Avant de passer au deuxième tour, j’aimerais demander à mes collègues de rester après la réunion, nous aurons une brève séance à huis clos afin de discuter de l’ordre du jour de demain.

Je vais mettre mon chapeau de membre du comité afin de vous poser une question.

Le sénateur Loffreda et d’autres collègues ont signalé les divergences entre ce qu’il y a actuellement dans ce projet de loi et ce qui est déjà prévu dans le budget de 2022.

Il y a un point qui n’a pas encore été abordé. Actuellement, il y a une obligation de demeurer 36 heures à l’extérieur de sa résidence afin de pouvoir déduire ces frais. Dans le projet de loi, il n’y a pas cette contrainte.

Par exemple, une personne peut partir le matin, aller sur les chantiers et revenir le soir. Cette situation n’existe pas dans d’autres métiers ou professions. C’est une des divergences par rapport au système actuel.

Vous avez parlé d’équité et de parité. Avez-vous des commentaires sur cette absence d’obligation de rester à l’extérieur pendant au moins 36 heures afin d’être en mesure de déduire ces frais?

[Traduction]

M. Hulkkonen : Oui. Ici encore, en apparence, on voit la différence en parité puisque de nombreux vendeurs, experts-conseils et autres travailleurs se déplacent. Dans certains cas, ils parcourent une boucle. Cela m’arrive à l’occasion. Je me rends à London et Sarnia avant de revenir à Windsor la même journée. La distance parcourue dépasse largement 120 kilomètres.

Pourquoi établir un plafond sur la période passée loin de son lieu de résidence alors que de nombreux chantiers ou d’autres projets — le secteur de la construction n’est pas le seul touché — ont besoin de main-d’œuvre? Un mécanicien du Nord de l’Ontario pourrait devoir se déplacer pour le travail. Pourquoi limiter la période alors qu’il n’y a même pas d’hébergement à de nombreux chantiers? Il faut faire le trajet aller-retour et il est impossible de séjourner à l’extérieur de sa région. Il faut se rendre au site en voiture, en avion, en train — peu importe le moyen de transport —, puis revenir le soir même. Ces déplacements représentent beaucoup de temps passé loin de chez soi, ainsi que beaucoup d’argent payé de sa poche simplement pour faire son travail quotidien.

La sénatrice Marshall : J’aimerais parler de cette limite de 4 000 $. je suis d’accord avec vous : la somme est minime. Je représente Terre-Neuve-et-Labrador et je fais l’aller-retour chaque fin de semaine. Bien entendu, la moitié des passagers sont des gens qui font l’aller-retour entre la province et l’Alberta ou les mines du Nord.

Comment le seuil de 4 000 $ a-t-il été fixé? J’avais l’impression que c’est ce que les syndicats ou les associations qui représentent les travailleurs voulaient. J’ai relu des témoignages antérieurs pour savoir d’où j’ai tiré cette impression.

Comment cette somme a-t-elle été déterminée? Même en 2022, quand la Loi de l’impôt sur le revenu a été modifiée pour prévoir ces 4 000 $, la somme n’était pas très généreuse, surtout pour quelqu’un qui parcourt le pays ou qui se rend dans d’autres provinces. Comment ce montant a-t-il été fixé?

M. Hulkkonen : Je sais que d’innombrables promesses ont été faites pendant les dernières élections, alors je dirais que c’était une carotte. Nous allons faire quelque chose pour vous. La mesure ne répondra peut-être pas à toutes vos demandes, mais vous obtiendrez quelque chose. La plupart des travailleurs en ont été satisfaits. Pour ma part, je trouve que la mesure ne règle pas le véritable problème. C’est une solution temporaire pour un enjeu qui ne va que coûter de plus en plus cher.

Je ne sais pas comment la somme de 4 000 $ a été fixée. Ce nombre est insensé, selon moi.

La sénatrice Marshall : D’accord. Vous n’avez pas entendu que votre syndicat ou votre association a proposé cette limite de 4 000 $ ou qu’ils l’approuvent.

M. Hulkkonen : Non, j’ignore d’où vient ce chiffre. Il se peut que l’on ait initialement proposé une limite plus basse et que certains travailleurs du secteur de la construction se soient battus pour l’élever un peu. Personnellement, je n’ai jamais trouvé qu’il était sensé d’avoir un plafond. Je trouve cela injuste, et le projet de loi C-241 y remédie.

La sénatrice Marshall : D’accord, merci beaucoup.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre témoignage ce matin. Je sais que ce n’est jamais vraiment facile — les questions étant toujours difficiles —, mais je vous remercie d’être des nôtres et d’avoir clarifié quelques points pour nous.

Vous avez dit que ce projet de loi ne laisserait personne pour compte, mais c’est faux. De plus, il poserait des problèmes d’équité entre les gens de métier, les apprentis liés par contrat et les autres employés. En effet, il accorderait aux gens de métier une reconnaissance fiscale pour les longs déplacements entre leur domicile et leur travail. Or, les dépenses engendrées pour ces déplacements seraient considérées comme des dépenses personnelles non déductibles d’impôts pour les autres.

Croyez-vous qu’il serait bon d’offrir cette déduction aux autres types de gens de métier, aux apprentis et aux travailleurs autonomes ou salariés dont les frais de déplacement ne sont pas couverts par leur employeur? Je sais que le sénateur Gignac a soulevé cette question, et elle est importante. La situation est inéquitable.

M. Hulkkonen : Oui, tout à fait, on pourrait l’offrir à ces travailleurs. Dans ce secteur, il y a des apprentis qui s’inscrivent dans un registre et des gens de métier qui essaient d’obtenir leur licence. D’autres types de travailleurs effectuent également un travail similaire, mais j’ignore à quel point ils peuvent être considérés comme des gens de métier. Sont-ils des touche-à-tout ou se contentent-ils de prendre des contrats ici et là? Je l’ignore. Je ne sais pas comment les inclure. Je demanderais conseil à autrui à ce sujet.

Cela dit, oui, j’estime que tous les gens de métier canadiens devraient pouvoir déduire leurs dépenses de déplacement de leurs impôts.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de cette réponse. Je reviens à la déduction fiscale pour la mobilité de la main-d’œuvre. Je veux simplement savoir si vous la comprenez. Vous appuyez le projet de loi C-241, et vous l’avez examinée dans ce contexte. Cette déduction n’atteint-elle pas les mêmes objectifs sans les lacunes?

Si je lis la déclaration... Vous avez dit qu’elle était politique, mais j’aimerais vous en faire part. Les Syndicats des métiers de la construction du Canada ont déclaré ce qui suit :

... « Le budget de 2022 comprend une victoire historique pour les travailleurs qualifiés du Canada avec l’inclusion de la déduction fiscale pour la mobilité de la main-d’œuvre pour les gens de métier. » Ils poursuivent en disant que « les Syndicats des métiers de la construction du Canada sont fiers d’avoir obtenu l’équité fiscale pour les travailleurs qualifiés grâce à la déduction fiscale pour la mobilité de la main-d’œuvre pour les gens de métier. »

Cet objectif étant atteint, le projet de loi C-241 est non seulement problématique, mais également redondant...

Il s’agit d’une déclaration forte de la part des Syndicats des métiers de la construction du Canada.

Vous avez dit qu’il s’agissait d’un enjeu politique. Nous pourrions dire que nombre de choses sont politiques, mais avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Hulkkonen : Ces commentaires leur appartiennent. Je répète qu’il s’agit d’un enjeu politique. Pourquoi certains groupes ont-ils appuyé un projet de loi précis? Je suis ici de façon indépendante. Il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire. J’estime qu’il manque de vision à long terme, et j’en ai glissé mot à la direction des Syndicats des métiers de la construction du Canada.

Le sénateur Loffreda : Quelle réponse avez-vous obtenue?

M. Hulkkonen : La réponse de la direction était motivée par des considérations politiques, et je ne la répéterai pas ici. Le fait est que ce projet de loi est l’initiative d’un député conservateur, et cela les a contrariés. D’ailleurs, lors de la première lecture à la Chambre des communes, un néo-démocrate, le député d’Hamilton—Ouest, je crois, semblait très contrarié qu’un conservateur ait pu envisager ce projet de loi. Moi, ce que j’ai dit, c’est qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi partisan. Il s’agit d’un simple projet de loi fiscal. Il est question d’équité pour tous les gens de métier. Certaines déclarations ont été motivées par des considérations politiques.

Même s’il vaut mieux que rien, le projet de loi actuel ne va vraiment pas assez loin.

Le sénateur Loffreda : Vous estimez par contre que l’on pourrait offrir cette déduction à beaucoup d’autres, alors vous avez évoqué l’idée de ne laisser personne pour compte parce que c’est ce que fait le projet de loi, n’est-ce pas? Ce que je veux dire, c’est qu’il y a des problèmes de parité compte tenu de ce qui est déductible ou non pour les gens de métier qui ne sont pas visés par ce projet de loi.

M. Hulkkonen : De quels gens de métier parlez-vous? Je ne vous comprends pas. On parle de gens de métier, alors c’est ouvert à interprétation.

Le sénateur Loffreda : Comme je l’ai dit dans mon introduction, il y a un problème d’équité entre les gens de métier, les apprentis liés par contrat et les autres employés. Je pense notamment à ceux qui ne sont pas reconnus comme gens de métier dans le projet de loi. Cela pose des problèmes d’équité avec les autres travailleurs.

M. Hulkkonen : Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « autres travailleurs ».

Le sénateur Loffreda : Il peut s’agir d’employés de bureau ou d’autres professionnels. Il ne s’agit pas seulement de gens de métier. Ces derniers ne sont pas les seuls à devoir se déplacer pour le travail, n’est-ce pas?

M. Hulkkonen : Oui, en effet.

Le sénateur Loffreda : D’autres personnes ont besoin de se déplacer pour le travail. On peut penser aux médecins, aux infirmières, aux employés de bureau, aux comptables ou encore aux avocats, notamment.

M. Hulkkonen : Je ne vois pas cela... Je n’inclurais pas les avocats dans cette catégorie. Je sais qu’ils peuvent déduire...

Le sénateur Loffreda : J’ai rencontré un avocat en voyage qui doit se rendre à Terre-Neuve toutes les deux semaines.

M. Hulkkonen : Leurs cabinets couvrent ces frais de déplacement.

Le président suppléant : Vous pourrez peut-être poursuivre la discussion lors du troisième tour, sénateur Loffreda.

La sénatrice Galvez : Merci, sénateur Loffreda. Vous m’avez devancée avec vos questions. Je cherche à obtenir des éclaircissements. Pourriez-vous nous donner la définition des gens de métier, s’il vous plaît? Qui incluez-vous dans cette définition?

M. Hulkkonen : Il existe des centaines de métiers qui sont reconnus par tous les organismes provinciaux et, j’en suis sûr, par certains organismes fédéraux. Je dirais donc que la définition comprend toute personne incluse dans la catégorie de gens de métier.

La sénatrice Galvez : Cela inclut-il les apprentis?

M. Hulkkonen : Oui, ils sont considérés comme des gens de métier si leur formation mène à un certificat de métier.

La sénatrice Galvez : D’accord. Le projet de loi ne fait pas référence à une définition d’un autre projet de loi. Il se contente de traiter de métiers, n’est-ce pas? Il arrive parfois que l’on puisse consulter la définition d’un autre projet de loi, une liste. Dans le projet de loi qui nous occupe, il est simplement question de « métiers ».

M. Hulkkonen : C’est exact. Ce projet de loi ne visait pas à exclure les travailleurs d’autres secteurs. Cela dit, les gens de métiers peuvent être reconnus, puisque tous les organismes provinciaux régissent les formations. Les apprentis et les gens de métier s’inscrivent à un organisme. Ce projet de loi est donc conçu pour un groupe de travailleurs bien défini.

La sénatrice Galvez : Serait-il important d’ajouter cette définition telle que rédigée dans la loi ou d’y faire référence entre parenthèses afin que nous sachions exactement quelles personnes seront concernées par ce projet de loi?

M. Hulkkonen : Oui, vous pourriez faire cela. Je ne m’oppose pas à l’idée de définir la catégorie des gens de métier.

La sénatrice Galvez : D’accord, merci.

Le sénateur Smith : L’une des questions soulevées par le directeur parlementaire du budget — j’ignore s’il s’agit d’une réelle préoccupation ou non — concernait les gens de métier qui traversent la frontière pour aller travailler à l’extérieur du Canada et la question de savoir s’ils essaieraient d’utiliser cet outil fiscal pour eux-mêmes. Je ne dirai rien de négatif à ce sujet. Vous avez dit que vous connaissiez des gens qui travaillent aux États-Unis. Bien sûr, le régime fiscal des États-Unis est nettement plus indulgent envers les gens de métier que le nôtre.

Qu’en pensez-vous? Pensez-vous que cela deviendra un problème? Je parle des gens de métier qui se rendent aux États-Unis pour travailler. Une telle chose pourrait-elle se produire dans le cadre juridique actuel?

M. Hulkkonen : Je ne pense pas que cela se produise. À nouveau, tous les formulaires d’impôt sur le revenu que j’ai vus sont assez clairement définis. Dans le cas présent, on ferait évidemment état du lieu de résidence principale et du lieu où le travail est effectué. Si le travail n’est pas effectué au Canada, la demande sera automatiquement rejetée. Cela peut également être vérifié auprès de l’employeur.

Le sénateur Smith : Il y a déjà une loi en place. Nous étudions maintenant un autre projet de loi. Le directeur parlementaire du budget a estimé qu’il serait plus productif et potentiellement moins problématique d’avoir un seul projet de loi avec des règles établies que tout le monde approuverait ou au moins avec lesquelles on pourrait travailler. Qu’en pensez-vous? Si vous aviez le pouvoir de la perfection, quel serait le résultat parfait? Comment envisagez-vous la loi actuelle et le projet de loi que nous étudions présentement à cet égard?

M. Hulkkonen : Si la loi actuelle adoptait l’intention et le cadre du projet de loi C-241... Je n’ai jamais compris pourquoi on avait instauré une quelconque limite et pourquoi les travailleurs devaient être absents de chez eux pendant une durée X avant de pouvoir bénéficier de quoi que ce soit. Cela m’a toujours paru insensé.

Ce projet de loi m’apparaît rédigé par des bureaucrates, et non des personnes ayant réellement connu les difficultés liées aux déplacements professionnels.

Le sénateur Smith : Quelles modifications apporteriez-vous au projet de loi C-241 si vous aviez le pouvoir de le faire afin qu’il soit plus facile à mettre en œuvre?

M. Hulkkonen : Nous aurions pu nous attarder à certaines des questions évoquées aujourd’hui sur la structure du projet de loi. Cela dit, l’intention du projet de loi n’était pas de rivaliser avec un autre projet de loi, mais simplement de jeter les bases pour que des esprits plus intelligents que le mien puissent mettre les règles en place. À nouveau, il est question d’intention. Permettons aux Canadiens de travailler partout au pays. Traitons-les équitablement, comme le font d’autres secteurs. Je ne suis pas un expert des rouages du code fiscal. J’espérais que ceux qui le sont interviennent et nous aident.

Le sénateur Smith : Le but de ma question était simplement... Il arrive périodiquement que des textes législatifs soient source de confusion au sein du gouvernement, surtout s’ils se suivent les uns les autres. Cela peut donner l’occasion à des comités comme le nôtre de formuler des recommandations. Voilà pourquoi je vous ai posé cette question. Vous avez acquis de l’expérience sur le terrain. Vous avez vu bien des choses, les bonnes comme les mauvaises. Si nous sommes pour agir à l’échelle législative, nous devons essayer de trouver le meilleur produit pour les Canadiens. Nous ne sommes pas les principaux concernés. Il est question des Canadiens et des gens de métier. C’est pourquoi je vous ai posé cette question. Je voulais simplement avoir votre avis à ce sujet.

M. Hulkkonen : J’aimerais que quelque chose se produise ici. J’ai milité autant que possible pour que le projet de loi C-241 suive son cours à titre personnel. J’ai n’ai pas vraiment impliqué d’autres corps de métier ou qui que ce soit d’autre. J’ai essayé de faire en sorte que ce projet de loi demeure un projet de loi d’initiative parlementaire.

Je me répète, mais je n’ai pas aimé la façon dont le gouvernement a traité le projet de loi actuel et l’a intégré dans un budget. Je ne parlerai pas de la politique de coulisses. Je suis en désaccord avec cette intention depuis le début. Cela ne suffira pas pour permettre aux travailleurs de se déplacer pour faire le travail qui doit être fait au Canada.

Le projet de loi C-241 est simple. Je crois que l’on complique trop les choses. L’intention est là, et c’est ce que je veux dire au gouvernement. Si le projet de loi est adopté, et j’espère qu’il le sera, laissons les personnes compétentes mettre en place le cadre nécessaire pour que les gens de métier puissent facilement travailler et déclarer leurs dépenses à la fin de l’année.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vais avoir deux questions. Voici ma première question : dans quelle proportion les travailleurs de la construction sont-ils ce qu’on peut appeler des travailleurs indépendants, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de lien employeur-employé?

[Traduction]

M. Hulkkonen : Je ne connais pas le pourcentage réel, mais il y en a des dizaines de milliers.

Nous avons calculé que la fraude fiscale liée aux travailleurs indépendants qui ne remplissent pas correctement leur déclaration d’impôts se chiffre à plusieurs milliards de dollars au Canada. Il faut beaucoup de monde pour créer un tel déficit fiscal lié à la non-déclaration fiscale.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous avez raison. Est-ce que le fait de se constituer en entreprise plutôt que de demeurer travailleur indépendant serait plus avantageux pour les travailleurs de métier, ou est-ce trop coûteux que de se constituer en entreprise? Évidemment, la comptabilité n’est pas la même.

[Traduction]

M. Hulkkonen : J’ai moi-même créé une entreprise quand j’étais plus jeune, et c’est beaucoup de travail. Je crois que beaucoup de travailleurs indépendants font ce qu’ils font parce qu’ils ne veulent pas se faire prendre en premier lieu. Ils voudraient bénéficier d’un système permissif leur permettant de se déplacer et de s’acquitter de leur contrat avant de disparaître pour passer au suivant. Ce n’est pas ce dont le Canada a besoin présentement. Nous avons besoin que les gens aillent travailler, qu’ils paient leurs impôts et qu’ils soient en mesure de déclarer leurs dépenses de manière équitable.

Il y a des dizaines de milliers de travailleurs dits contractuels. Nous en voyons tous les jours.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Nous avons déjà évoqué certains des sujets que je souhaitais aborder, mais je voulais juste faire le point sur certains d’entre eux.

Le projet de loi C-241 ne définit pas les dépenses de déplacement admissibles ni les activités de construction. Il n’exige pas non plus de période minimale de réinstallation, ne limite pas le nombre de déplacements ou le montant des dépenses pouvant être déduites par année. Je fais ici une comparaison avec le plafond de 4 000 $. Ce n’est pas non plus lié au revenu gagné.

Croyez-vous que la définition de ces questions apporterait une plus grande certitude à vos membres lorsqu’ils soumettent leurs déclarations d’impôts? Il y aurait moins de confusion et de risques de nouvelles cotisations de la part de l’Agence du revenu du Canada si l’on définissait réellement toutes ces choses à l’avance au lieu de les laisser trop ouvertes à interprétation, non? N’êtes-vous pas d’accord pour dire qu’il y a de l’incertitude dans l’air, et que personne ne veut recevoir une facture d’impôt à laquelle il ne s’attendait pas en raison de son interprétation du projet de loi?

M. Hulkkonen : Absolument. Il conviendrait de définir plus clairement la portée et l’orientation du projet de loi. À nouveau, lorsque je l’ai examiné, je ne l’ai pas considéré comme une mesure totalement blindée, et je pense que le gouvernement n’autoriserait même pas son adoption si le processus de déclaration n’était pas plus structuré. L’idée, c’est de permettre à ceux qui envisagent de se déplacer pour le travail de savoir à quoi s’attendre : je vais là-bas, alors voici ce que je peux déclarer. Ces travailleurs ne choisiraient pas une destination ou un moyen de transport précis sans savoir avec certitude ce qu’ils peuvent réellement déduire de leurs impôts.

La sénatrice MacAdam : D’accord, merci.

Le président suppléant : Nous reconnaissons bien là une ancienne vérificatrice générale avec de telles questions. Merci, sénatrice MacAdam.

Le sénateur Loffreda : Étant donné que vous appuyez le projet de loi, je veux simplement clarifier un point important que j’ai soulevé précédemment. Le fait de quitter sa maison pour aller travailler n’est pas déductible d’impôt pour qui que ce soit. J’ai été vérificateur pendant six ans. On pouvait déduire des dépenses lorsqu’on allait voir un client, mais si on allait au bureau, ce n’était pas déductible d’impôt. Ici, dans ce projet de loi, nous introduisons la déductibilité pour les gens de métier. Vous avez dit dans votre déclaration que l’on ne laissait personne pour compte. De nombreuses professions sont laissées pour compte, et nous sommes dans une période où les ressources sont limitées et où les entreprises ont besoin d’employés. Nous pouvons nommer les secteurs, et je peux prendre deux minutes pour le faire, mais ils ont besoin d’employés. Nous manquons de ressources.

Comme je l’ai demandé, pourquoi approuverions-nous un projet de loi sans le modifier, laissant pour compte tant de gens qui doivent faire la navette sur de longues distances? Le Canada est un pays immense, et il y a peut-être des régions où les employés doivent se déplacer.

Comme je l’ai dit dans ma déclaration, il s’agit d’une dépense personnelle non déductible pour d’autres employés ou apprentis.

À la lumière de cette clarification, seriez-vous d’accord pour dire que d’autres employés devraient peut-être être inclus et que ce ne devrait pas être seulement des gens de métier? Nous avons une pénurie de logements, et vous avez dit que c’était une question politique; tout le monde veut s’attaquer à ce problème. Je pense que c’est une question qui doit être abordée, mais nous parlons d’équité fiscale et il y a deux déductions à l’heure actuelle. Nous savons tous que l’impôt porte déjà assez à confusion. Cela crée de la confusion.

Ne serait-il pas plus juste d’inclure tous les employés? Nous manquons de médecins; nous manquons d’infirmières; nous manquons... Je pourrais continuer longtemps, mais je veux simplement m’assurer que c’est clair pour vous. Vous pourriez peut-être me répondre et me faire part de vos réflexions à ce sujet.

M. Hulkkonen : Je ne suis pas en désaccord avec vous à ce sujet. Au moment où le projet de loi a été présenté, nous cherchions à résoudre de nombreux problèmes dans notre industrie, et j’ai pris l’initiative de travailler avec un député pour créer quelque chose de simple qui pourrait permettre aux gens de métier de travailler partout au Canada, sans penser du tout à ce dont vous avez parlé, les médecins et les infirmières.

Il faudrait peut-être examiner la Loi de l’impôt sur le revenu de façon plus générale pour tout le monde, mais je ne peux pas parler de toutes les circonstances que vous avez mentionnées parce que je ne sais pas avec certitude ce que font ces secteurs. Je ne peux pas dire que ces personnes ne sont pas rémunérées pour leurs déplacements. Je sais seulement comment fonctionne le milieu de la construction et d’autres métiers connexes.

Je ne cherche pas à exclure les Canadiens. Ce projet de loi est le plus ouvert qui soit pour les gens de métier. Peut-être faudrait-il présenter un autre projet de loi ou peut-être examiner de nouveau la Loi de l’impôt sur le revenu, comme je l’ai dit, dans une optique plus large pour tenir compte des Canadiens qui doivent se déplacer pour leur travail.

Le sénateur Loffreda : L’offre de logements est une priorité pour nous tous, et j’approuve l’intention du projet de loi, mais il exclut de nombreux autres travailleurs alors que les ressources se font rares dans de nombreux secteurs, et les déplacements entre la maison et le lieu de travail ne sont pas déductibles d’impôt pour les personnes qui travaillent dans un hôpital, par exemple.

Toutefois, si vous allez voir un client à l’extérieur de l’hôpital, ce déplacement devient déductible d’impôt. C’est la même chose pour un avocat, par exemple. Le cabinet paierait ses déplacements pour aller rencontrer un client, mais je doute fort que votre employeur paie... Je n’ai jamais, au cours de mes 35 années d’expérience, entendu quelqu’un me dire que son employeur le payait pour aller au bureau ou pour se rendre à son lieu de travail à partir de son domicile.

Nous sommes un grand pays et nous avons des ressources limitées à l’heure actuelle. Il faut s’occuper de l’industrie du logement, mais il y a d’autres industries qui doivent aussi être prises en compte et pour lesquelles nous avons besoin d’une certaine clarté quant à ce qui est déductible et ce qui ne l’est pas, pour assurer une certaine forme d’égalité entre les professions. Il n’y a pas une profession plus importante qu’une autre.

M. Hulkkonen : Je ne suis pas du tout en désaccord avec vous à ce sujet. Je dis seulement que, dans le secteur de la construction, il y a une raison pour laquelle on nous appelle des compagnons. Habituellement, lorsqu’une personne satisfait aux exigences de son programme d’apprentis et qu’elle a son billet, comme on l’appelle, elle tente de trouver du travail, qui est cyclique dans notre domaine. On ne déplacera pas un hôpital à 150 kilomètres de son lieu d’origine pour ensuite obliger les infirmières et les médecins à faire cette route plutôt que les 5 kilomètres qu’ils devaient parcourir avant. Le secteur de la construction est très différent. Les projets vont et viennent, et ils peuvent aller et venir dans des endroits très éloignés. La façon dont le code des impôts est établi actuellement n’encourage pas les gens à se déplacer pour le travail.

Le sénateur Loffreda : Je veux simplement que nous tenions compte de tous les employés, et non seulement des gens de métier dans la construction, parce que les règles en matière d’impôt doivent être justes. Il faut assurer l’équité fiscale pour tous les Canadiens, n’est-ce pas? C’est là où je veux en venir.

[Français]

Le président suppléant : Je ne sais pas si vous voulez répondre.

[Traduction]

M. Hulkkonen : Tout ce que je peux vous dire, c’est que j’entends vos préoccupations. Le projet de loi n’a jamais été conçu de façon sournoise ou pour passer en dessous de la table. Il se veut une mesure législative simple qui pourrait être enchâssée dans la Loi de l’impôt sur le revenu avec un certain cadre, avec certains formulaires que les gens pourraient remplir. Il n’a jamais été question d’exclure les Canadiens. L’intention était d’inclure tout le monde.

Je demande aux sénateurs ici présents de se demander pourquoi on imposerait une limite à une demande de remboursement de frais de déplacement parce que cela n’a tout simplement aucun sens. Il ne s’agit que d’une carotte tendue pour faire plaisir aux gens et les faire disparaître. Selon mon avis personnel, ce n’est pas suffisant. C’est presque une insulte, parce que les coûts réels des déplacements au Canada ne correspondent pas à ce qui se trouve actuellement dans le budget et dans la Loi de l’impôt sur le revenu.

C’est un projet de loi simple. Y a-t-il un certain nettoyage à faire ou certaines précisions à apporter? Absolument. Ce n’était pas mon intention. Il s’agissait seulement d’un projet de loi qui pouvait être étudié et qui, une fois adopté ou en cours d’adoption, pouvait être simplifié, et non pas surréglementé. Nous avons tous vu des formulaires d’impôt extrêmement compliqués que personne n’envisagerait même de remplir seul. Il faut simplifier les choses, permettre aux Canadiens de travailler, et si c’est un début, alors je suis d’accord, sénateur Loffreda, peut-être que la Loi de l’impôt sur le revenu devrait être examinée de façon plus générale afin d’englober les scénarios que vous avez soulevés et de tenir compte de tous les Canadiens.

Le sénateur Loffreda : Merci.

[Français]

Le président suppléant : Merci beaucoup, Monsieur Hulkkonen, votre témoignage nous a éclairés et a été très utile. Je voudrais souligner que le parrain du projet de loi, le député Chris Lewis, sera invité à témoigner la semaine prochaine.

Pour les gens qui nous écoutent et qui nous regardent, que ce soit en direct ou en différé, je veux signaler que le projet de loi C-241 — car on fait souvent référence au budget de 2022 — avait été présenté le 8 février 2022, c’est-à-dire avant le budget, déposé par la ministre des Finances un peu plus tard. Donc, on a beaucoup de comparaisons, mais initialement, ce projet de loi, comme vous l’avez dit, n’était pas destiné à exclure des personnes; il avait été présenté comme ça.

Par ailleurs, on porte une attention particulière au projet de loi. C’est assez rare qu’on modifie la Loi de l’impôt sur le revenu sans que la ministre des Finances soit d’accord. En 20 ans, ce n’est arrivé qu’une seule fois, en 2020, en ce qui a trait aux transports des entreprises. On veut prendre notre temps et je veux assurer au témoin et aux gens qui nous regardent que le Sénat est indépendant. On fait une analyse de second regard objectif et si on peut améliorer le projet de loi ou quoi que ce soit, c’est quand même notre travail.

Cela clôture donc la partie officielle de notre rencontre. Avant de mettre fin à la réunion, chers collègues, j’aimerais remercier toute l’équipe de soutien de ce comité, ceux et celles qui sont en évidence dans cette pièce avec moi et aussi ceux et celles qui sont en arrière-scène. Merci pour votre travail. Sous le leadership de la greffière qui aide au succès de notre comité, je déclare la fin de la réunion.

Merci.

(La séance est levée.)

Haut de page