LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 28 février 2024
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 49 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant; et, à huis clos, pour l’étude d’une ébauche de rapport.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je tiens d’abord à souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs et les sénatrices, ainsi qu’à tous les citoyens et les citoyennes qui nous regardent sur le site Web sencanada.ca.
[Français]
Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter en commençant par ma gauche.
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec. Je profite de l’occasion pour souhaiter la bienvenue à notre ancien collègue l’honorable sénateur Art Eggleton.
[Traduction]
La sénatrice Ross : Bonjour, je m’appelle Krista Ross et je viens du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Kingston : Bonjour, je m’appelle Joan Kingston, et je viens moi aussi du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice MacAdam : Je suis Jane MacAdam et je représente l’Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, division sénatoriale De Lorimier, au Québec.
[Traduction]
Je souhaite également la bienvenue à notre ancien collègue que j’ai eu la chance de côtoyer brièvement pendant quelques mois lorsque je suis arrivé au Sénat.
[Français]
Le sénateur Gignac : Bonsoir. Clément Gignac, de Kennebec, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Bienvenue à tous et à toutes. Je m’appelle Tony Loffreda et je viens de Montréal, au Québec.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario. Bienvenue.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Bienvenue à tous et à toutes. Je m’appelle Kim Pate, et j’habite ici, au sein du territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
La sénatrice Marshall : Je suis la sénatrice Elizabeth Marshall, et je représente Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Smith : Je m’appelle Larry Smith, et je viens du Québec.
Le président : Chers collègues, je vois que la sénatrice Pate souhaite intervenir. Je vais lui céder la parole, puis nous allons procéder à un vote sur ce point.
La sénatrice Pate : Je tiens d’abord à remercier les sénateurs et les sénatrices qui m’ont contacté hier. J’ai compris que mes collègues s’intéressent à l’idée de mener une étude plus approfondie que ce que nous avons eu l’occasion de faire jusqu’à présent. Comme nous devons nous acquitter de notre devoir de diligence, et étant donné mon intérêt personnel pour le sujet, je souhaite proposer une motion. Nonobstant la motion adoptée hier, je propose la motion suivante :
Que nous reportions l’étude article par article du projet de loi S-233 pour que le Comité puisse exercer son devoir de diligence et accueillir d’autres témoins.
Le président : Y a-t-il des commentaires ou des questions de la part des sénateurs?
Comme il n’y en a pas, plaît-il aux membres du comité d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Le président : La motion est donc adoptée. Je vous remercie.
Chers collègues, nous entreprenons aujourd’hui l’étude du projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant, qui a été renvoyé au comité par le Sénat du Canada le 18 avril 2023.
[Français]
Nous accueillons ce soir l’honorable Art Eggleton, ancien sénateur.
[Traduction]
M. Eggleton était un sénateur très apprécié par ses pairs lorsqu’il siégeait ici au Sénat du Canada.
Monsieur Eggleton, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à prendre la parole au sujet de cette importante étude. Nous avons bien hâte d’écouter votre avis sur cet enjeu, puis de pouvoir vous poser des questions.
Nous avons également le plaisir d’accueillir Mme Marianne Alto, mairesse de Victoria, qui nous rejoint par vidéoconférence.
Marianne Alto, mairesse de Victoria : Je vous remercie de m’avoir invitée.
Le président : Nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation.
Nous allons commencer par entendre la déclaration préliminaire de M. Eggleton, puis ce sera au tour de madame la mairesse Alto.
L’honorable Art Eggleton, c.p., ancien sénateur, à titre personnel : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m’avoir invité à nouveau. J’ai consacré de nombreuses années de ma vie à siéger à différents comités sénatoriaux, y compris celui-ci, mais je n’ai jamais eu l’occasion d’être invité à titre de témoin. Comme c’est la première fois où je suis mis sur la sellette, je vous demanderais de me ménager.
Je suis ravi d’avoir le privilège de donner mon appui au projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
En tant qu’ancien sénateur et ancien président du comité des affaires sociales, où j’ai passé une bonne partie de ma carrière, je me suis toujours porté à la défense des enjeux de justice sociale, notamment la lutte contre la pauvreté. Toutefois, j’ai toujours essayé de garder à l’esprit l’importance d’agir de manière financièrement responsable. Je tiens d’ailleurs à rappeler que j’ai été convoqué à de nombreuses reprises devant le comité à l’époque où j’étais président du Conseil du Trésor, c’est-à-dire entre 1993 et 1996, et que je suis donc conscient de la nécessité de faire preuve de responsabilité financière.
L’un de mes plus grands privilèges dans ma carrière de sénateur a été de collaborer avec feu le sénateur Hugh Segal. En 2009, nous avons présenté ensemble un rapport intitulé Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l’exclusion. L’une de nos recommandations était d’envisager la mise en place d’un revenu de base garanti assujetti à un régime d’impôt négatif. Notre objectif n’était pas de créer un système universel d’allocations en fonction de critères sociodémographiques, mais plutôt de donner aux gens les plus vulnérables l’occasion d’échapper à la pauvreté. M. Segal disait qu’au lieu de demander aux Canadiens défavorisés d’améliorer leur sort par leurs propres moyens, il fallait commencer par leur donner certains moyens.
Je tiens à préciser que Hugh Segal et moi n’étions pas favorables à mettre en place un tel système de revenu de base garanti qui dépasserait les capacités fiscales du gouvernement. Notre idée était plutôt de concevoir un plan permettant de réduire les inégalités de revenu et d’aider nos concitoyens les moins bien nantis. Il faut bien comprendre que pour les gens en situation de pauvreté, chaque jour est un combat pour trouver un logement abordable, pour se nourrir de manière adéquate, et pour trouver des vêtements convenables. Une telle vie de privations entraîne son lot de conséquences néfastes : perte de dignité, marginalisation, stress, anxiété, et ainsi de suite. Dans leur forme actuelle, nos systèmes d’aide sociale ne sont guère plus que des solutions de raccommodage qui tendent à maintenir les gens dans la pauvreté et l’indignité.
Les améliorations graduelles ne sont pas suffisantes. Il arrive qu’un nouveau gouvernement décide d’augmenter les programmes d’aide aux personnes à faible revenu, mais que le gouvernement suivant opte pour des mesures d’austérité financière. Le gradualisme incessant, c’est donc un pas en avant, un pas en arrière et, au final, les problèmes ne sont jamais résolus.
Comme M. Segal avait l’habitude de le dire, notre système actuel ne permet pas de lutter contre la pauvreté; il l’institutionnalise. Dans son ensemble, la pauvreté nous coûte à tous des milliards et des milliards de dollars chaque année. D’importantes économies pourraient être réalisées, non seulement à l’échelle de la gestion des programmes d’aide sociale, mais également par rapport aux coûts liés aux soins de santé, aux refuges pour personnes itinérantes, et aux ressources consacrées au maintien de la sécurité publique.
Selon l’Association médicale canadienne, la pauvreté peut nous rendre littéralement malades. En effet, il est prouvé que les coûts en soins de santé des Canadiens du quartile de revenu le plus bas sont deux fois plus élevés que ceux des Canadiens du quartile de revenu supérieur. Par ailleurs, laisser une personne dans la rue au lieu de lui offrir un logement avec services de soutien entraîne trois à quatre fois plus de coûts pour l’économie canadienne.
En outre, les bénéficiaires de l’aide sociale ne sont pas les seuls à vivre dans la pauvreté et la souffrance; de nombreux travailleurs à faible revenu ont du mal à joindre les deux bouts, même en cumulant les emplois. Comme nous le constatons chaque jour dans les médias, les banques alimentaires sont de plus en plus sollicitées, et de nombreuses personnes qui y ont recours rapportent qu’elles travaillent pourtant déjà à temps plein.
Notre objectif devrait être d’offrir aux Canadiens les plus démunis les moyens de subvenir à leurs besoins essentiels. D’une part, cela leur permettra de se bâtir une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs familles; d’autre part, nous pourrons diminuer les coûts de la pauvreté sur notre économie.
Plusieurs projets pilotes menés tant au Canada qu’ailleurs dans le monde ont démontré que certaines mesures peuvent permettre aux gens d’acquérir un rôle valorisant de contributeurs, plutôt que de dépendre des services gouvernementaux et de vivre en marge de la société. Il s’agit donc d’un investissement particulièrement prometteur pour tout le monde.
Comme vous le savez, les coûts liés à la mise en place d’un revenu de base garanti suffisant font l’objet de nombreuses estimations, tant à l’échelle du gouvernement fédéral que pour les gouvernements provinciaux. En fait, tout dépend de la manière dont le programme est conçu. Il existe évidemment des modèles beaucoup trop coûteux, et qui dépassent notre objectif principal d’aider les gens à se sortir de la pauvreté pour qu’ils puissent s’épanouir et apporter leur contribution à la société. Voilà pourquoi je pense qu’il est nécessaire de mettre en place un cadre national, tel que le recommande le projet de loi S-233.
Dans ce cadre, la collaboration avec le gouvernement de l’Île‑du-Prince-Édouard, qui a exprimé son intérêt, ou avec toute autre province qui le souhaite, permettrait de démontrer ce qu’est une solution viable qui tient compte de la réalité nationale.
Certes des coûts de transition sont à prévoir, mais je pense que la mise en place d’un revenu de base garanti suffisant nous permettra d’économiser beaucoup de fonds publics sur le long terme. Dans l’ensemble, il s’agit donc d’un investissement intelligent et efficient.
Il est temps de mettre fin à la pauvreté et de réduire les inégalités dans ce pays si prospère où nous avons la chance de vivre. Il est temps d’améliorer l’égalité des chances et de mieux partager notre prospérité.
Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie, sénateur Eggleton.
Je cède maintenant la parole à Mme Alto, mairesse de Victoria. Nous vous écoutons.
Marianne Alto, mairesse de Victoria : Merci beaucoup pour l’invitation. J’étais à Ottawa plus tôt ce matin, en fait, et je me suis dépêchée de rentrer chez moi pour assister à la séance d’aujourd’hui. C’est un privilège de vous rejoindre pour discuter d’un sujet aussi important.
Merci de me donner l’occasion de contribuer à ce débat. Je m’adresse à vous ce soir depuis les terres et les eaux traditionnelles et contemporaines du peuple Lekwungen, des nations Songhees et Esquimalt, sur lesquelles se trouve la ville de Victoria dans son intégralité.
Ma présentation d’aujourd’hui s’articule autour de quatre idées : l’importance de mettre en place un revenu de base garanti suffisant, ou RBG; la manière dont nous pourrions financer un programme national par transfert de fonds; le rôle potentiel des gouvernements locaux dans la mise en œuvre d’un RBG; et les répercussions positives d’un RBG en matière de sécurité et de bien-être des collectivités.
Le RBG n’est qu’une composante du bien-être global d’une collectivité, sur le plan économique, sanitaire et social. Il s’agit d’une manifestation de notre compassion collective et de notre engagement à traiter tous nos concitoyens de manière équitable et digne. Les Canadiens qui luttent chaque jour pour combler leurs besoins essentiels ne peuvent pas contribuer pleinement à notre société, et nous en sommes tous perdants. La mise en place d’un RBG va permettre aux personnes à faible revenu d’accéder aux programmes et aux services communautaires desquels ils étaient exclus par manque de moyens financiers. Le RBG facilitera ainsi l’inclusion sociale et civique de l’ensemble des Canadiens.
S’attaquer en amont à l’insécurité financière à l’échelle nationale permettrait d’économiser des ressources consacrées actuellement à des mesures réactives. Par exemple, comme le sénateur Eggleton vient de le mentionner, on estime que le fait d’investir dans un GBI pourrait mener à une réduction de 8,5 % des hospitalisations d’urgence, ce qui représente une économie de plus de 5 milliards de dollars. Des projections similaires ont été faites pour les coûts associés au maintien de l’ordre, aux tribunaux et aux prisons. Un GBI, c’est la voie vers une société plus saine, et un moyen pour aider nos concitoyens défavorisés à contribuer aux économies locales grâce à une capacité accrue de produire et d’acheter des biens locaux.
Voilà pour les avantages d’un tel programme à l’échelle nationale, mais j’aimerais m’arrêter un instant sur ce que mon administration municipale et d’autres administrations locales pourraient accomplir à leur échelle. Les collectivités locales sont particulièrement bien placées pour évaluer les besoins de leurs citoyens, et pour mettre en place un programme ciblé. Nous assurons déjà la planification et la fourniture des services dont dépendent nos résidants. Pour ce faire, nous procédons à une évaluation continue de facteurs locaux tels que la population, la démographie, la disponibilité et l’abordabilité des logements, le coût de la vie, et tous les autres défis auxquels sont confrontés nos résidants au quotidien. Ce genre d’outils d’évaluation permettront aux collectivités d’adapter un GBI en fonction des réalités locales des citoyens. Tous les ordres de gouvernement doivent entamer des discussions sur un nouveau cadre fiscal visant à redistribuer l’argent des contribuables en tenant compte de la part croissante des responsabilités assumées par les collectivités locales. Mais il s’agit là d’un sujet que nous pourrons aborder lors d’une prochaine séance.
Enfin, la mise en place d’un RBG aurait un impact positif énorme sur la sécurité et le bien-être de nos collectivités. À l’heure actuelle, la ville de Victoria est au cœur d’une initiative visant à réinventer la manière dont la sécurité et le bien-être de la communauté sont définis. Un aspect important de notre engagement communautaire actuel consiste à réfléchir aux problèmes vécus par de nombreux citoyens, notamment en termes de sécurité financière, d’incapacité à faire face à l’augmentation des coûts du logement, de la nourriture, des soins de santé et des biens quotidiens essentiels que beaucoup d’entre nous ont tendance à tenir pour acquis. Ce type d’incertitudes et d’angoisses nuisent au bien-être et à la sécurité des membres de nos collectivités.
Au moment d’étudier la stratégie de sécurité et de bien-être de la ville en septembre, le conseil municipal se penchera également sur une ébauche de RBG. L’impact potentiel sur le bien-être de la communauté d’un RBG, simple et facile à utiliser, a été démontré par inadvertance dans le sillage de la pandémie de COVID-19. En effet, lorsque le gouvernement fédéral a mis en place des initiatives d’aide au revenu telles que la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU, et des mesures de subvention salariale, nous avons constaté une diminution considérable de plusieurs problèmes liés à la pauvreté.
Il s’agit également de l’un des programmes gouvernementaux les plus appréciés de ces dernières années. Pour preuve, des données récentes compilées par le Centre canadien de politiques alternatives indiquent que plus de 80 % des prestataires ont accordé à la PCU une note positive, voire très positive. La plupart des prestataires ont décrit la PCU comme une source de stabilité et de certitude financières faisant contrepoids au contexte particulièrement angoissant de l’époque. La PCU les a aidés à affronter le stress social et économique, à mieux s’occuper de leurs proches, à adapter leurs conditions, à se trouver un nouvel emploi, et ainsi de suite. Par ailleurs, la PCU a permis à beaucoup de nos concitoyens à combler leurs besoins essentiels sur une base régulière.
L’adaptation des meilleurs aspects de la PCU à un RBG pourrait atténuer les conséquences néfastes de la pauvreté. Un tel programme permettrait également de faciliter l’accès à la sécurité financière, d’améliorer les résultats en matière de santé, d’emploi et d’éducation, et de réduire le niveau de stress des gens en situation de pauvreté et de précarité. L’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens se traduira par l’amélioration du bien-être des collectivités dans leur ensemble, et donc de votre bien-être comme du mien.
Pour conclure, la mise en place d’un RBG pourrait fournir un revenu permettant aux gens de se sortir de la pauvreté, réduire l’anxiété et la peur, et augmenter le bien-être perçu et réel des collectivités locales. Leurs besoins essentiels comblés, les gens auront l’occasion de prendre un moment pour réfléchir à la manière dont ils souhaitent contribuer à leur communauté. Sans ce genre de répit, beaucoup de nos concitoyens sont accablés au quotidien par leurs problèmes financiers, ne sachant même pas s’ils seront en mesure de nourrir leur famille ou de payer leur loyer. Notre objectif est de faire de nos concitoyens des participants et des contributeurs à part entière partout au pays.
J’invite le Sénat à faciliter la mise en œuvre d’un programme de RBG, ce qui commence par l’adoption du projet de loi S-233. D’ici l’entrée en vigueur de ce projet de loi, j’exhorte les parlementaires à appuyer les initiatives des collectivités locales allant dans ce sens.
Merci de votre attention.
Le président : Je vous remercie, madame Alto.
[Français]
Avant de passer aux questions, j’aimerais accueillir un nouveau membre au sein du comité, l’honorable sénateur Dalphond.
Sénateur Dalphond, merci d’avoir choisi le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que vous serez un ajout important à nos futures discussions.
[Traduction]
Nous allons maintenant passer à la première série de questions. Chaque sénateur et sénatrice disposera de cinq minutes.
La sénatrice Marshall : Bon retour parmi nous, sénateur Eggleton. Je suis heureuse de vous revoir. Mes salutations à vous également, madame Alto. Je vous remercie d’être des nôtres ce soir.
Nous avons reçu un grand nombre de témoins dans le cadre de l’étude de ce projet de loi, et la plupart d’entre eux sont en faveur du principe d’un revenu de base garanti, mais il n’y a pas de données permettant de l’étayer. Il semble que les données les plus exhaustives qui soient disponibles nous viennent d’un témoin, M. David Green, qui est professeur. Je ne sais pas si vous le connaissez, mais il a présidé un groupe d’experts qui a publié un rapport détaillé sur la question du revenu de base en Colombie-Britannique. En fait, ces spécialistes ont déconseillé la mise en œuvre d’un revenu de base ou tout au moins préconisé la réalisation d’un projet pilote à ce sujet.
Voici donc ma question. Pourquoi y a-t-il un tel manque d’information à l’appui de la mise en place d’un revenu de base garanti? Un certain nombre de projets pilotes ont été menés ou entrepris au fil des ans, mais il n’existe pas de données en faveur de ce principe, comparativement à ce qui a été produit par M. Green en Colombie-Britannique. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est plus exactement? J’aimerais bien connaître les raisons pour lesquelles les données sont insuffisantes.
M. Eggleton : Je ne suis pas d’accord. Il y a en fait beaucoup de données.
Il est vrai que certains projets pilotes n’ont peut-être pas duré assez longtemps pour nous fournir un ensemble très complet de données. Je pourrais vous citer l’exemple de Mincome, au Manitoba, ou même celui du programme ontarien qui a été interrompu à la suite d’un changement de gouvernement. Il y a des tonnes de données empiriques.
La sénatrice Marshall : Mais aucune donnée scientifique objective.
M. Eggleton : Il y a tout de même certaines données scientifiques que l’on peut compiler à partir de différentes études qui ont été très prolifiques à ce chapitre. De nombreuses universités canadiennes se sont intéressées de près à la question, y compris l’Université Queen’s et l’Université du Manitoba qui en ont fait une étude détaillée. Tous ces gens vous diraient qu’il leur a bel et bien été possible de produire d’excellentes données objectives grâce au travail ainsi accompli.
Je comprends toutefois que vous posiez la question, car c’est justement la raison pour laquelle il nous faut un cadre pour déterminer qu’elle est la voie à privilégier pour répondre aux besoins des gens en pouvant nous appuyer sur les données nécessaires à cette fin. C’est une démarche qui doit être progressive. Il faut commencer par la mise en place de ce cadre.
Il y a une grande quantité d’informations qui peuvent être d’une grande valeur. S’il est nécessaire de réaliser d’autres projets pilotes pour obtenir plus de données, rien ne nous empêche de le faire. Les données empiriques sont tout à fait probantes. Je ne pense pas que nous devrions baisser les bras du simple fait que nous n’avons pas suffisamment de données scientifiques. Il suffit de prendre les moyens pour aller chercher ces données objectives.
La sénatrice Marshall : Lors de sa comparution, M. Green a pu s’appuyer sur un rapport exhaustif pour présenter un portrait plus global de la situation. Lorsqu’on discute avec d’autres intervenants qui ont participé à des projets pilotes, comme l’ancienne première ministre Wynne, on n’a pas l’impression que le travail a été mené à terme. Les résultats ne sont pas regroupés en un seul endroit. Il me semble que les gens qui appuient un revenu de base devraient rendre accessibles les données les plus probantes qui soient. À mes yeux, les données les plus convaincantes sont celles que M. Green a pu mettre de l’avant. Je dois mentionner que j’ai été sous-ministre des Services sociaux pendant trois ans. Je connais donc très bien les différents programmes de soutien financier. Nous avons, d’une part, quantité de données probantes qui n’appuient pas le principe du revenu de base garanti et, d’autre part, ces données de qualité moindre que vous faites valoir pour étayer la thèse contraire.
M. Eggleton : À mon avis, il y a amplement de données en faveur d’une telle approche. J’ai vu des cas où des gens ont pu participer à un projet pilote et se sont remis sur pied pour aller de l’avant et avoir accès à de meilleurs emplois et ainsi commencé à contribuer à la société et à aspirer à une vie meilleure. Les histoires convaincantes du genre sont légion. C’est un bon début.
La sénatrice Marshall : Est-ce qu’il me reste du temps pour entendre le point de vue de Mme Alto?
Le président : Il faudra attendre le second tour.
Mme Alto : J’aimerais bien répondre également à cette question, si l’occasion se présente.
Le président : Madame la mairesse, je vais vous accorder une minute.
Mme Alto : Merci, monsieur le président.
Sénatrice Marshall, je vous remercie de votre question.
Le rapport de la Colombie-Britannique auquel vous faites référence doit être considéré dans le contexte des priorités actuelles du gouvernement provincial. Celui-ci a en effet mis de l’avant toute une gamme de priorités très ambitieuses en matière de logement, de soutien et de différents autres programmes sociaux. Le revenu de base proposé n’est donc pas une priorité pour ce gouvernement, et il est peu probable que cela change à l’échelle provinciale dans un avenir rapproché, notamment parce que des élections sont à nos portes, mais aussi en raison de tout cet éventail d’autres mesures énergiques visant à soutenir les gens qui sont pauvres et éprouvent des difficultés.
Par ailleurs, les projets pilotes réalisés en Colombie-Britannique ont permis d’accumuler des données dans un court laps de temps. Comme je l’ai mentionné dans mes observations préliminaires, je dirais que les données découlant des divers programmes de soutien du revenu mis en place dans la foulée de la pandémie démontrent de façon induite à quel point un soutien financier parfois très marginal peut faire une différence énorme dans la vie de ceux et celles qui flirtent avec le seuil de pauvreté. Il y a donc des exemples bien concrets des bienfaits de certains programmes qui justifieraient pleinement, j’en conviens tout à fait avec vous, un effort de compilation pour nous offrir l’accès aux données dont nous avons besoin.
Le président : Je vous remercie, madame la mairesse.
[Français]
Le sénateur Forest : Je remercie M. Eggleton et Mme Alto de leur présentation fort intéressante.
Effectivement, on constate facilement l’écart qui s’agrandit entre les gens qui sont mieux nantis et ceux qui sont fragilisés.
Ma première question s’adresse à M. Eggleton. Vous avez été ministre. Vous savez comme moi que tout est complexe dans une fédération. Compte tenu des responsabilités partagées entre le fédéral et les provinces en matière de crédits d’impôts et d’aide sociale, comment peut-on envisager un cadre de revenu de base garanti dans le contexte de la fédération canadienne?
[Traduction]
M. Eggleton : Il faudra tenir des consultations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Nous avons au moins une province qui a indiqué être tout à fait disposée à aller de l’avant. Il y a beaucoup de choses à tirer au clair quant à la façon d’enclencher le processus qui mènera à la mise en place du cadre exigé par le projet de loi. Nous devons veiller à ce que les différents gouvernements commencent à prendre les mesures nécessaires à cette fin. Le principal objectif est de sortir les gens de la pauvreté en les plaçant dans une meilleure posture pour reprendre le cours normal de leur vie. De nombreux projets pilotes nous ont démontré que cela est tout à fait réalisable.
Au bout du compte, c’est une mesure qui rapportera des dividendes. Elle réduira les coûts liés aux soins de santé ainsi que ceux associés au système de justice pénale. On diminuera ainsi en outre les frais d’administration de ces programmes d’aide sociale qui sont souvent une grande source d’humiliation pour les bénéficiaires. Il y a beaucoup d’économies qui pourront être réalisées. C’est ce qui arrive lorsque les gens peuvent retomber sur leurs pieds et reprendre leur vie en main pour eux même en venir à contribuer à la société. Les gouvernements doivent se consulter pour établir les paramètres de ce programme. Il y a de nombreuses études qui ont été menées pour en arriver à des conclusions différentes. Il faut tirer tout cela au clair, et c’est par là que nous devons commencer.
[Français]
Le sénateur Forest : Madame Alto, avez-vous des commentaires ou des questions?
[Traduction]
Mme Alto : Brièvement, j’estime primordial que nous sachions exactement à quoi nous en tenir. Nous ne pouvons pas vraiment envisager de mettre en place un programme national sans mener de vastes consultations auprès des provinces et des territoires.
J’inviterais en outre les sénateurs à intégrer les municipalités à ce processus, notamment parce que c’est nous qui avons la capacité d’accomplir le travail sur le terrain et de vous fournir une partie des données et des exemples pouvant être compilés dans l’ensemble du pays pour montrer aux provinces ainsi qu’à nos dirigeants comment un tel projet peut être mené à terme.
[Français]
Le sénateur Forest : Madame Alto, je vous salue bien bas. J’ai œuvré dans le monde municipal pendant 27 ans, j’ai été maire et je comprends votre situation. Par ailleurs, ma grande préoccupation — et c’est un enjeu important au Québec —, c’est qu’actuellement la fiscalité municipale repose sur l’impôt foncier.
De plus en plus de municipalités jouent un rôle important du point de vue social et doivent composer avec des problèmes d’itinérance, de logement, et cetera. Est-ce que cette même réalité existe chez vous, alors que la grande majorité de vos revenus proviennent de l’impôt foncier, un impôt réservé aux immeubles, et non aux citoyens?
[Traduction]
Mme Alto : Je vous remercie de votre question.
Vous avez raison. Plus de 60 % des revenus de notre municipalité proviennent de l’impôt foncier. Nous tirons le reste de toute une gamme d’accords, de services et de permis. Comme je l’ai indiqué d’entrée de jeu, nous avons un énorme défi à relever, alors que l’on nous demande de plus en plus de prendre en charge ce qui était auparavant offert dans le cadre de programmes provinciaux, et aussi fédéraux dans certains cas. Il va de soi qu’un délestage semblable soulève la réticence et même le mécontentement d’une collectivité comme la nôtre à Victoria. Je suis d’ailleurs persuadée que bien des villes partagent ce point de vue, certainement en Colombie-Britannique, et sans doute partout au pays.
Nous vivons une véritable transformation. Il est bien certain que la stratégie dont j’ai parlé pour la sécurité et le mieux-être de notre collectivité s’inscrit dans cette démarche. Il s’agit pour une bonne part de faire le constat que les villes ont évolué pour devenir de façon incontournable des structures de gouvernance de plus en plus directement axées sur les services. Il y a un mouvement réel parmi nos instances qui, plutôt que de résister à cette tendance, en viennent à y souscrire pour se tourner vers leurs citoyens afin de savoir dans quelle mesure ils sont prêts à payer pour que nous puissions offrir ces services à l’ensemble des résidents. Qu’ils aient un toit ou qu’ils soient sans-abri, qu’ils soient pauvres ou riches, ce sont tous des citoyens de nos villes, et nous devons les traiter sur le même pied suivant les principes mêmes de l’équité.
C’est ce que je faisais valoir précédemment quant au degré d’interaction nécessaire aux fins d’un débat davantage national concernant l’instauration d’un nouveau cadre financier. Je ne me berce toutefois pas d’illusions en pensant que c’est pour bientôt. Lorsque ce moment viendra, dans un certain nombre d’années — et j’espère que je serai alors toujours en poste —, ce sera merveilleux, mais, d’ici là, nous devons assumer nos responsabilités de dirigeants municipaux en nous assurant par tous les moyens de trouver l’argent nécessaire pour offrir ces services à tous nos concitoyens. Si c’est par l’impôt foncier que l’on doit y arriver, alors il m’incombe, dans mon rôle de mairesse, de convaincre mes concitoyens que le jeu en vaut la chandelle. C’est du moins ce que je crois, et je suis persuadée que les résidents de ma ville abonderont dans le même sens s’ils disposent de toutes les informations pertinentes.
Le président : Je vous remercie, madame la mairesse.
[Français]
Le sénateur Gignac : J’aimerais également souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je partage vos propos d’ouverture selon lesquels à première vue, l’introduction d’un revenu minimum garanti contribuerait à réduire les inégalités. Si on compare le Canada à plusieurs pays, à nos voisins, par exemple, il y a beaucoup moins d’écart entre les riches et les pauvres. De plus, depuis 2015, les inégalités se sont réduites.
Cependant, selon une étude d’avril 2021 du directeur parlementaire du budget, il appert que ce ne sont pas toutes les catégories qui bénéficieraient d’un revenu minimum garanti. Les couples ne seraient pas touchés, mais une personne à la tête d’une famille monoparentale avec deux enfants qui se qualifierait pour le revenu minimum garanti se retrouverait dans une situation pire que celle dans laquelle elle se trouve actuellement, en raison de l’élimination des exemptions et des différents crédits d’impôt qui existent.
Cela varie d’une province à l’autre. Dans certaines provinces, une famille monoparentale avec deux enfants perd beaucoup plus que d’autres.
Êtes-vous d’accord avec les conclusions du directeur parlementaire du budget à ce sujet? Comment pourrait-on remédier à cela pour que personne n’en sorte perdant lors d’une réforme?
[Traduction]
M. Eggleton : Comparativement à d’autres analystes, le directeur parlementaire du budget s’est intéressé à des aspects différents du programme. Je ne pense pas que quiconque ayant un revenu faible ou moyen devrait se retrouver avec un soutien moins senti avec la mise en œuvre de ce programme. Nous avons un régime fiscal progressif, et nous devons veiller à ce que les gens ne voient pas leur situation se détériorer. Il y a d’autres modèles qui pourraient être employés.
Je crois d’ailleurs que l’une de ses bases d’analyse consistait à traiter de façon distincte les jeunes qui sont encore à la maison. Leurs parents ne sont pas nécessairement admissibles. Ainsi, une personne peut faire partie d’un ménage bénéficiant de ressources financières suffisantes, mais ne pas elle-même en détenir assez, soit parce qu’elle est aux études ou qu’elle figure au rang des petits salariés. Je pense qu’il faut tenir compte du revenu des ménages. Ce faisant, il est possible de réaliser des économies qui vont bien au-delà de ce que le directeur parlementaire du budget a établi dans son examen.
Dans la première étude menée par le directeur parlementaire du budget, soit juste avant mon départ du Sénat, on ne prévoyait aucune réduction des contributions provinciales à l’aide sociale. Si vous tenez compte d’une telle diminution, vous obtenez un tableau complètement différent. Tout dépend de la manière dont l’analyse est structurée, une considération qui exige une attention beaucoup plus soutenue. Je ne dis pas que les gens du bureau du directeur parlementaire du budget ont fait fausse route en tirant une conclusion semblable, mais celle-ci était fondée sur les intrants alors utilisés. Il faut seulement une meilleure formule.
[Français]
Le sénateur Gignac : Il y a ce que dit le directeur parlementaire du budget; on sait que le Québec est une société qui a une approche très progressive. En 2017, un comité d’experts indépendant a étudié ce sujet et a rejeté l’idée du revenu minimum garanti. Au Québec, on bénéficie de presque tous les programmes sociaux avant tout le monde, que l’on parle des garderies, de l’assurance médicaments ou de l’assurance dentaire, entre autres.
[Traduction]
Nous avons mis en place tous les programmes sociaux imaginables, souvent en étant les premiers à le faire. Je me demande quels éléments cet expert a évoqués pour ni plus ni moins déconseiller l’adoption d’une mesure en ce sens.
[Français]
Ma question concerne l’incitatif au travail. Le directeur parlementaire du budget et d’autres disent qu’un revenu minimum garanti aura un impact sur l’incitatif au travail, au moment où il y a une forte immigration pour remédier au problème de pénurie de main-d’œuvre.
Est-ce que ce serait un bon moment pour aller de l’avant avec ce projet, au moment où il y a un problème de main-d’œuvre qui pourrait affecter l’incitatif au travail?
[Traduction]
M. Eggleton : Des données statistiques objectives découlant de diverses études réalisées non seulement au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde, nous indiquent que la mise en œuvre d’un revenu de base garanti n’entraîne pas une diminution substantielle de la participation à la population active.
Nous avons une solide éthique du travail dans ce pays, et les gens ne vont pas se contenter du strict minimum pour joindre les deux bouts et satisfaire à leurs besoins fondamentaux. Le régime que nous allons mettre en place au bout du compte ne permettra pas à lui seul aux gens de faire la belle vie. Il répondra à leurs besoins fondamentaux tout en leur offrant un peu de marge de manœuvre pour éponger leurs dettes, parfaire leur éducation, suivre des formations et bénéficier de tous les autres mécanismes pouvant leur donner accès à une vie meilleure. Je crois que c’est ce que les gens veulent. L’un des grands avantages du revenu minimum garanti est qu’il permet aux gens d’améliorer leur sort en s’affranchissant d’une situation de profonde misère.
Le président : Madame la mairesse, avez-vous des commentaires? Pouvez-vous ajouter quelque chose en réponse aux deux questions du sénateur Gignac?
Mme Alto : Oui, mais, brièvement, concernant la première question, je ne ferai pas de commentaires au sujet de ce qu’a dit le directeur parlementaire du budget. Il est évident que cela ne relève pas de ma compétence.
Le fait que vous envisagiez maintenant d’établir un cadre constitue, en fait, une réponse à la question qui a été posée. Le cadre doit être un document évolutif. Il doit tenir compte des changements qui peuvent survenir à mesure que la société évolue. Si l’on crée un cadre, il ne peut pas être figé dans le temps. Il ne peut pas reposer sur l’idée que tout ce que nous voulons examiner et prendre en compte aujourd’hui ne changera jamais plus tard. Le cadre doit être conçu de manière à ce qu’il soit adaptable et évolutif, afin que les enjeux précis qui sont liés à la question soient pris en compte, parce que chaque personne réagira différemment à l’idée d’un revenu de base. Si l’on constate qu’il est surutilisé ou peut-être utilisé de manière inappropriée, il doit y avoir des conséquences. Je suis d’accord avec le sénateur Eggleton : nous avons une très solide éthique du travail dans ce pays. Ces problèmes seront l’exception plutôt que la règle. Selon moi, vous débattez d’un cadre qui doit être évolutif.
Le président : Merci, madame la mairesse.
Le sénateur Smith : Bienvenue, monsieur Eggleton.
En 2020, vous avez corédigé un rapport avec l’ancien sénateur Hugh Segal, qui est aujourd’hui décédé, en faveur d’un programme national de revenu de base. Vous espériez que l’on puisse tirer des leçons de la multitude de programmes de soutien qui avaient été mis en œuvre dans le contexte de la COVID-19 pour concevoir un programme de sécurité du revenu permanent. Près de quatre ans plus tard, maintenant que de nombreux programmes de soutien prennent fin, à votre avis, quelles leçons est-il important de prendre en compte pour la suite des choses?
M. Eggleton : Parlez-vous des leçons tirées de la pandémie de COVID?
Le sénateur Smith : Je dirai simplement que les programmes qui ont été créés en réponse à la COVID ont beaucoup aidé de nombreux Canadiens. On peut supposer que si l’on fait un parallèle quant à la mise en œuvre ultérieure de ces programmes, on pourrait s’en servir comme point de départ pour créer un autre programme de revenu de base. Quelles leçons avons-nous tirées de toute cette expérience?
M. Eggleton : Nous avons certainement appris que les gens amélioraient leur vie. Je ne dis pas qu’il faut concevoir un programme de revenu de base d’une façon semblable. Il s’agissait de répondre à une situation particulière et de mettre les mesures en œuvre très rapidement, ce qui a été fait. Dans ce cas‑ci, le programme peut être beaucoup plus ciblé et viser à sortir les gens de la pauvreté. Je pense que la leçon à en tirer, c’est que donner aux gens une plus grande sécurité de revenu améliorera leur vie, mais il faut veiller à être responsable sur le plan financer quant à la manière d’élaborer le tout.
Le sénateur Smith : Que faut-il faire pour essayer d’amener les personnes qui pourraient s’opposer à la mise en œuvre d’un tel programme à voir la création d’un revenu minimum de base d’un œil positif? Que peut-on faire lorsque des personnes disent que nous ne pouvons pas le faire, que nous ne pouvons pas offrir un tel programme aux gens et que nous n’en avons pas les moyens? C’est d’ailleurs une réaction courante. Que pouvons‑nous faire?
M. Eggleton : Je ne pense pas que nous ayons les moyens de continuer ainsi. La pauvreté nous coûte très cher. Une étude de l’Université de Saskatchewan, je crois, indique que la pauvreté nous coûte environ 80 milliards de dollars par année. C’est beaucoup d’argent et c’est du gaspillage. Nous devons aider les gens. Nous ne devons pas leur mettre des bâtons dans les roues et faire en sorte qu’ils se retrouvent dans une situation de grand stress et de grande anxiété et qu’ils ne puissent pas avancer dans la vie. Certains disent qu’on fait la charité aux gens. Non. Je pense que nous leur donnons un coup de main. Nous leur donnons la possibilité d’améliorer leur vie.
Je pense qu’au sujet de l’éthique du travail, les données qui ressortent des études indiquent également que les gens ne quittent pas simplement le marché du travail. L’expérience Mincome, par exemple, au Manitoba, a révélé que les seules personnes qui le quittaient vraiment étaient des jeunes qui voulaient retourner aux études pour acquérir une meilleure formation et avancer dans la vie. Je pense qu’il faut faire connaître davantage ces histoires, cette information, parce que, comme je l’ai dit, je ne crois pas du tout que cela coûtera plus cher à long terme.
Il est certainement possible de mettre le programme en œuvre de façon très graduelle. Par exemple, le gouvernement a décidé qu’il voulait mettre en place un régime d’assurance‑médicaments, mais il ne va pas jusqu’au bout d’un coup. Il dit : « écoutez, nous allons commencer par mettre en place une mesure plus limitée, mais nous finirons par y arriver. » Je pense que nous pouvons procéder ainsi, soit élaborer le cadre et avoir un revenu de base, espérons-le, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard.
Le sénateur Smith : Madame la mairesse, comment pouvons‑nous amener les différents ordres de gouvernement et les municipalités à collaborer?
Mme Alto : C’est une excellente question.
J’aimerais répondre rapidement à votre question précédente, si vous me le permettez. Je suis d’accord avec le sénateur Eggleton sur tout ce qu’il a dit, mais j’aborderais la question d’un point de vue un peu plus basique, et il ne s’agit là que de chiffres. Ces dernières années, la Ville de Victoria a dépensé des millions de dollars pour répondre aux crises liées à la pauvreté dans notre ville. C’est le cas de la plupart des municipalités, quelle que soit leur taille — en fait, je pense que c’est le cas de toutes les municipalités. Si nous avions pu établir des liens avec le gouvernement provincial et des organisations sans but lucratif pour créer des logements supervisés et des services de soutien qui auraient pu prendre en charge les personnes démunies et les placer dans une situation où elles auraient pu s’aider elles‑mêmes, nous aurions dépensé beaucoup moins d’argent. Il suffit d’examiner ce qu’il en coûte réellement aux municipalités, aux régions, aux provinces et au gouvernement fédéral pour aider les gens dans le cadre de ces politiques et programmes menés séparément et de comparer ce coût à celui d’un cadre plus cohérent et mieux coordonné, comme celui dont vous discutez. Même si l’on veut mettre de côté l’aspect de la responsabilité sociale, les chiffres parlent en faveur de ce type de cadre.
Pour ce qui est de votre deuxième question sur la collaboration, je ne crois pas qu’il soit possible d’élaborer un programme national cohérent si les deux ordres de gouvernement et les municipalités ne travaillent pas ensemble. Chacun d’entre eux peut prendre en main certains aspects. Les municipalités peuvent s’occuper du travail direct. Les gouvernements provinciaux peuvent se charger de la planification dans leur propre province, car chaque province doit être respectée en raison de sa position unique. De son côté, le gouvernement fédéral peut indiquer qu’il y a certains seuils à respecter, des critères que chaque programme, quel qu’il soit, doit respecter afin qu’il existe une certaine cohésion et qu’il n’y ait pas de division entre les différentes provinces et les différentes municipalités, ce qui ferait que l’on ferait tel choix plutôt qu’un autre parce que c’est mieux. Il faut une certaine cohérence.
Je pense que la réponse à votre question se trouve devant votre comité. Si vous soutenez ce cadre avec l’autorité et la capacité de persuasion qui sont les vôtres, vous pouvez faire bouger les choses. Si vous pouvez prendre l’initiative, des personnes comme moi peuvent vous aider, parce que nous le pouvons du point de vue de ce que chaque ville peut faire par rapport à ce que vous pouvez faire à l’échelle nationale.
Le président : Merci, madame la mairesse.
La sénatrice Ross : Je vous remercie tous les deux pour vos exposés de ce soir. C’était très instructif.
Je me demande si vous pouvez me donner votre point de vue. Croyez-vous qu’un programme de revenu garanti serait un programme transitoire ou un programme permanent pour les gens qui y participent? Et pour qu’il s’agisse d’un programme transitoire, comment pourrait-on inciter les gens à ne plus en faire partie? Estimez-vous plutôt qu’il s’agirait d’un programme permanent pour certaines personnes?
M. Eggleton : Il est certain que d’après l’expérience que j’ai acquise au fil des ans en rencontrant des gens dans différentes collectivités au pays — et j’ai également été maire de Toronto pendant 11 ans —, je pense que la plupart des gens veulent pouvoir sortir de la situation difficile dans laquelle ils se trouvent. Qu’il s’agisse de travailleurs pauvres, de bénéficiaires de l’aide sociale ou de personnes handicapées, c’est scandaleux parce qu’ils peinent à joindre les deux bouts depuis si longtemps. Il y a une épidémie de stress. Si les gens peuvent sortir de cette situation, ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour améliorer leur sort le plus possible.
Bien sûr, il y aura des gens qui ne le feront pas ou qui profiteront du système, voire en abuseront. Je ne pense pas qu’il faille concevoir tout un programme en fonction de cette possibilité. Je pense que nous devrions concevoir un programme qui servira la vaste majorité des personnes qui veulent sortir de la situation difficile dans laquelle elles se trouvent et qui veulent contribuer à la société. Pensez à tout le soutien et à la productivité que ces personnes pourraient apporter à notre économie. Pensez aussi à toutes les économies qui pourraient être réalisées au chapitre des coûts des soins de santé élevés, par exemple. Les gens ne veulent pas rester dans cette situation plus longtemps qu’il ne le faut, alors plus vite nous mettrons en place un programme qui leur permettra de sortir de cette situation, mieux notre société se portera.
Je pense que nous donnerons le bon exemple. Nous avons donné l’exemple dans le cas d’autres programmes. À une époque, on aurait dit « l’assurance-maladie, nous n’en avons pas les moyens, c’est trop cher ». Ou encore on aurait dit que parce qu’il faut négocier avec toutes ces provinces, cela n’arrivera jamais. Eh bien, c’est arrivé. En ce qui concerne les garderies, pendant des années, on a dit qu’il ne serait pas possible d’obtenir l’accord des provinces sur un programme de garderies. Eh bien, nous en avons un aujourd’hui. Ce n’est pas parfait. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour s’assurer que le programme fonctionne, mais allons de l’avant, parce que je pense que cela portera fruit.
La sénatrice Ross : Si j’ai bien compris, vous pensez qu’un programme comme celui-ci devrait être conçu pour inciter les gens à y participer pendant une courte période?
M. Eggleton : Absolument, je pense que ce sera le cas. Les études contiennent beaucoup de preuves en ce sens. Même si certaines études ont été brèves ou incomplètes et ont été conçues différemment et produisent une variété de résultats, un consensus s’en dégage : les gens saisiront l’occasion qui leur est offerte. Si vous leur offrez une sécurité de revenu, ils tireront parti de cette occasion et pourront améliorer leur sort.
Mme Alto : Je vous remercie, sénatrice Ross.
Je pense que, d’un point de vue pratique, il y aura toujours un très petit nombre de gens qui, pour toutes sortes de raisons très légitimes, ne pourront pas s’en sortir. Il est de notre responsabilité, en tant que collectivité, de veiller à subvenir aux besoins de ces gens de manière adéquate.
Je pense que le sénateur Eggleton a raison de dire que la grande majorité des gens considéreront ce programme comme transitoire. Il est possible d’élaborer le programme de manière à ce qu’il y ait des mesures incitatives à s’en prévaloir de façon temporaire, ou à ce qu’il y ait des limites à la possibilité de s’en prévaloir pendant une période illimitée fondées sur différents types de seuils ou d’attentes. À mon avis, ce programme ne se veut pas une panacée, mais bien une véritable mesure transitoire. Il s’agit d’aider les gens qui, à l’heure actuelle, n’arrivent pas à joindre les deux bouts ou qui ne voient que leurs difficultés et leurs problèmes quotidiens. Il faut leur donner ce répit qui leur permettra de voir la situation dans son ensemble. Je crois que lorsque les gens pourront adopter cette vue d’ensemble et constater ce qu’elle représente, ils iront de l’avant. Les Canadiens sont très ambitieux. Cela a toujours été le cas. Je ne pense pas que cela ait changé. Il est donc raisonnable de penser qu’il s’agit d’un programme transitoire qui sera assorti de mesures incitatives. Nous reconnaissons toutefois que certaines personnes n’auront peut-être pas la capacité d’en faire plus.
La sénatrice Ross : Merci.
La sénatrice Pate : Je remercie une fois de plus Mme Alto et notre ancien collègue, le sénateur Eggleton.
Je voudrais revenir à la question que la sénatrice Marshall a soulevée à propos de facteurs qui dissuaderaient les gens de travailler. À ce titre, M. Green, qui a témoigné devant notre comité, nous a présenté le rapport de la Colombie-Britannique dans lequel il est indiqué qu’un revenu de base n’aurait pas d’incidence négative considérable sur la participation au marché du travail. De même, nous avons entendu le témoignage de Mme Jiaying Zhao, qui s’occupe des transferts d’argent et qui documente précisément ce dont la sénatrice Ross a parlé, à savoir qu’en versant une somme forfaitaire — ce qui est un autre modèle, qui pourrait être incorporé ou non —, on obtient des résultats très rapidement : les sans-abri sortent de l’itinérance dans les trois mois et beaucoup d’entre eux décrochent un emploi dans les 12 mois. Ce sont des statistiques assez extraordinaires d’autant que les données dont nous disposons pour le système d’aide sociale indiquent plutôt le contraire. Ce système maintient les gens dans la pauvreté et utilise des approches négatives et moralisatrices plutôt que des mesures incitatives au travail, comme dans le cas du projet pilote en Ontario. Je me demande si l’un ou l’autre d’entre vous a quelque chose à ajouter à ce sujet.
Lorsque je vous ai rencontré pour la première fois, sénateur Eggleton, vous n’étiez pas nécessairement un partisan du revenu de base. Il pourrait donc être utile à certains membres du public qui nous écoutent, ainsi qu’à certains de mes collègues, de savoir comment vous en êtes arrivé à soutenir la mise sur pied d’un revenu de base. Je sais que vous n’avez pas toujours été en faveur de cette proposition.
Madame Alto, j’aimerais également savoir comment vous en êtes venue à défendre cette position.
M. Eggleton : Au début, lorsque M. Hugh Segal et moi avons travaillé à la rédaction du rapport Les trois fronts de la lutte contre l’exclusion, au Comité des affaires sociales, j’ai dit qu’il fallait faire attention de ne pas trop insister sur le revenu de base parce que je n’étais pas sûr, à ce moment-là, que cette mesure faisait partie de la solution. C’est en rencontrant des gens d’un bout à l’autre du pays dans le cadre de ce travail, de cette étude, et dans sa foulée, que j’ai acquis la conviction que c’était vraiment la voie à suivre.
Je voyais des gouvernements fournir des fonds supplémentaires pour les travailleurs à faible revenu, les bénéficiaires de l’aide sociale ou les personnes en situation de handicap, pour ensuite être remplacés par un autre gouvernement qui allait retirer ces fonds ou les geler pendant un certain temps. L’approche graduelle, pour ce qui est des systèmes actuels, ne fonctionnait pas.
Ensuite, l’ensemble de programmes et de services disparates et les conditions qui s’y rattachent irrite les gens, car ils doivent passer beaucoup de temps à essayer de se conformer à toutes les exigences. Nous devons croire que les gens qui souhaitent améliorer leur sort pourront y arriver et trouveront la meilleure façon de le faire.
J’ai acquis la conviction que le revenu de base fonctionnerait mieux que le système actuel. M. Segal m’a aidé à entreprendre ce travail. Je suis persuadé que cette mesure est le seul moyen de sortir les gens de la pauvreté.
Certes, nous avons l’Allocation canadienne pour enfants. Nous avons des programmes pour les personnes âgées qui, ensemble, constituent une forme de revenu de base. Espérons que nous aurons bientôt quelque chose pour les personnes en situation de handicap. Il est vrai que nous avons toutes ces mesures, mais il y a encore trois millions de personnes qui vivent dans la pauvreté dans notre pays riche. Dans le cadre de ces efforts, nous devons également revoir notre régime d’impôt sur le revenu. C’est la Commission Carter qui l’a fait pour la dernière fois, dans les années soixante-dix. Il est temps de le faire de nouveau.
Mme Alto : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice Pate. Si j’ai bien compris, vous vouliez savoir comment le sénateur Eggleton et moi-même en étions arrivés à nous intéresser à cette question.
Pour moi, c’est un peu différent. J’ai travaillé avec quelques groupes de défense d’intérêts qui n’avaient rien à voir avec cette question, mais qui aidaient de nombreux groupes qui étaient eux aussi éprouvés pour différentes raisons. J’ai constaté que des mesures de soutien, même de courte durée, comme des microprêts, des suppléments de loyer ou d’autres programmes, pouvaient entraîner des résultats des plus spectaculaires et presque immédiats lorsqu’elles permettaient aux gens qui avaient subi de la discrimination en raison de différents problèmes non liés au revenu d’obtenir un peu d’argent. Cela changeait leur capacité à faire face aux défis auxquels ils étaient confrontés.
J’ai constaté l’incroyable avantage d’une aide à très court terme et graduelle — comme le sénateur Eggleton l’a dit —, et vu à quel point elle changeait la donne. Les gens pouvaient se sortir de la pauvreté, et les difficultés auxquelles ils étaient confrontés n’avaient plus des conséquences aussi dramatiques. Je me suis dit que si nous pouvions faire cela et avoir une telle incidence en très peu de temps, souvent avec de très petites sommes d’argent, nous pourrions avoir un impact encore plus grand en agissant de manière organisée, cohérente et stable sur une plus longue période, peut-être avec un petit peu plus d’argent.
Pour moi, tout revient à cet exemple concret de ce qu’il est possible d’accomplir avec si peu. En élargissant la portée de ces mesures, nous pourrions avoir une énorme incidence sur les personnes qui éprouvent des difficultés jour après jour. C’est ce qui m’a amenée à m’intéresser à cette question, il y a plus d’une dizaine d’années, et à m’intéresser à ce type de programme à l’échelle nationale, provinciale et locale.
Le président : Je vous remercie, madame la mairesse.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Eggleton, je vous souhaite la bienvenue et un bon retour parmi nous. Je n’ai pas eu l’honneur ou le privilège de travailler avec vous, mais je vous souhaite un bon retour au Sénat et à notre comité ce soir.
Vous avez prononcé une déclaration liminaire fort éclairante lors de laquelle vous avez déclaré que vous ne nous recommanderiez pas ou n’adopteriez pas une politique qui dépasse la capacité financière du gouvernement, et je suis d’accord avec vous. C’est important. La responsabilité financière est très importante si nous voulons tous continuer à vivre dans la prospérité.
La capacité financière a considérablement diminué ces dernières années. Pensez-vous que nous ayons encore la capacité financière nécessaire pour adopter une telle politique aujourd’hui? Je dis cela parce que nous discutons de l’assurance‑médicaments et d’autres politiques qui semblent déjà être une priorité, malgré nos niveaux d’endettement actuels, qui ont considérablement augmenté avec et depuis la pandémie. Envoyons-nous le bon message en élaborant un tel cadre en ce moment? Je sais qu’il s’agit d’un cadre, mais tout cadre est élaboré dans l’intention d’être adopté un jour. Si nous ne l’adoptons pas, nous n’aurons rien accompli.
M. Eggleton : Je suis d’accord pour dire qu’un cadre n’est bon que dans la mesure où on y donne suite et qu’il est mis en œuvre. Une des provinces bénéficie du soutien de tous les partis et est disposée à aller de l’avant. Je pense qu’elle peut, en collaboration avec le gouvernement fédéral, concevoir un programme qui lui convient. Ensuite — comme pour l’assurance-maladie qui a commencé dans une seule province —, ce programme pourrait devenir, et devrait devenir, un programme national. Nous avons besoin de la volonté politique nécessaire pour y arriver. Nous réussirons si les gouvernements unissent leurs efforts pour adopter le cadre et le mettre en œuvre.
En effet, il faut toujours tenir compte du cadre financier dans ces situations. Je le sais très bien. Je suis un ancien membre de ce comité et un ancien ministre du Conseil du Trésor. Comme je l’ai dit, je crois qu’à long terme, le programme sera rentable grâce aux économies réalisées dans les soins de santé, et d’autres domaines, qui nous coûtent plus cher qu’ils ne le devraient à cause de la pauvreté. Ce programme permettra aux gens de se reprendre en main et d’améliorer leur sort. De nombreuses personnes, même dans le cadre des projets pilotes limités qui ont été menés, ont vu leur vie changer, ce qui a été très bon pour elles et pour notre pays.
Le sénateur Loffreda : Nous serions l’un des premiers pays à adopter un revenu de base garanti suffisant. Compte tenu de notre situation actuelle, pourriez-vous nous donner des exemples d’autres pays où ce système a été adopté et est toujours efficace?
M. Eggleton : Il existe de nombreux modèles différents, qui répondent à un éventail d’objectifs. Il en existe un au Brésil, par exemple, qui est très efficace depuis quelques années, et qui encourage l’éducation. En aidant les enfants, on aide aussi les parents, comme avec l’Allocation canadienne pour enfants ici.
Le sénateur Loffreda : La pauvreté au Brésil est extrêmement élevée.
M. Eggleton : Oui, c’est vrai, mais il existe une variété de programmes qui peuvent contribuer à réduire la pauvreté. Dans de nombreuses régions du monde, on a tenté différentes choses qui ont fait œuvre utile. Nous élaborerons un programme différent. Il ne ressemblera pas exactement à ce qui existe déjà.
Le sénateur Loffreda : Y a-t-il des endroits où ce genre de programme est désormais permanent, où il ne s’agit plus d’un projet pilote?
M. Eggleton : Aucun exemple de programme permanent ne me vient à l’esprit.
Le sénateur Loffreda : J’aimerais avoir un exemple de programme qui permet de réduire la pauvreté et cet écart de façon efficace.
M. Eggleton : Bon nombre de ces projets obtiennent du succès. Certains ont été mis en œuvre au niveau municipal, que ce soit aux États-Unis ou dans d’autres parties du monde. Il y a le programme finlandais. Les résultats sont probants partout. Un de ces programmes correspond-il exactement à ce que nous voulons faire au Canada? En fait, nous allons produire un modèle typiquement canadien qui va grandement changer les choses.
Le sénateur Loffreda : Merci.
Mme Alto : Très brièvement, j’aurais trois choses à ajouter. Sénateur Loffreda, merci de votre question.
D’abord, vous avez répondu à votre question lorsque vous avez nommé la crise. Les situations comme celles-là nous forcent à prendre des mesures pour régler les crises beaucoup plus urgentes ainsi qu’à anticiper une augmentation du taux de pauvreté à l’échelle du pays. De mon point de vue, la manière dont la crise se développe nous démontre de façon spectaculaire la nécessité d’en faire plus.
Ensuite, sur le cadre en tant que tel et sur la question des coûts, il faut atteindre un certain équilibre. Je suis complètement d’accord pour dire que les coûts ne doivent pas dépasser la capacité de payer du gouvernement. Par contre, les économies réalisées non seulement en santé, mais aussi dans les opérations policières et les services et interventions d’urgence pourraient, après un certain temps, non seulement produire un peu de nouvel argent, mais surtout permettre de transférer et d’échanger plus efficacement des fonds entre les différents programmes.
Enfin, vous vouliez savoir quels autres pays avaient mis en place des programmes de cette nature. Le Canada s’est bâti une réputation de chef de file au fil du temps, et c’est ce qu’il peut et doit continuer de faire dans ce domaine.
Le sénateur Loffreda : Merci.
La sénatrice Clement : Merci aux deux témoins.
Monsieur Eggleton, j’ai été interpellée par l’institutionnalisation de la pauvreté dont vous avez parlé. Je suis une avocate de l’aide juridique. Je me suis présentée aux élections municipales au moment où je commençais à représenter les enfants des clients que j’avais eus au début de ma pratique. Il y a un cycle de la pauvreté. Les familles y restent prisonnières si on ne le brise pas.
Ma question s’adresse à la mairesse Alto. Même si je suis heureuse et honorée d’assumer mon rôle de sénatrice, je pense que la politique municipale est le palier le plus prenant. Dans votre déclaration liminaire — cela rejoint les propos du sénateur Smith —, vous avez parlé d’établir un consensus. Si vous deviez convaincre vos résidants du bien-fondé d’une mesure, que leur diriez-vous? Comment arriveriez-vous au consensus social qui n’est de toute évidence pas encore établi dans ce domaine? Ces choses prennent du temps. Les projets pilotes se succèdent, et certains sont tout simplement avortés.
Mme Alto : Merci pour cette excellente question. Merci d’avoir expliqué votre parcours.
Comme vous le laissez entendre, les gouvernements locaux ont cette possibilité unique de parler directement aux résidants. Comme vous le savez, les résidants sont la principale source de revenus dont les municipalités ont besoin pour offrir des services.
J’ai décrit dans ma déclaration liminaire une initiative sur la sécurité et le bien-être des communautés en place à Victoria. Une partie du message véhiculé par cette initiative consiste à démontrer que les personnes qui en arrachent et celles qui ont des moyens ne sont pas si différentes qu’elles le semblent. De mon point de vue, il faut que les personnes comme moi qui ont le privilège de posséder une maison voient sur un même pied d’égalité celles qui n’ont pas ce privilège et qu’elles les considèrent comme des citoyens à part entière.
Il y a le vécu des gens et il y a les données. Nous recueillons d’énormes quantités de données dans le cadre du projet. Ces données nous permettront de présenter des chiffres sur le nombre de personnes qui reçoivent les services et les coûts liés à ces services, ainsi que les résultats escomptés en fonction des données probantes, comme certains de vos collègues l’ont demandé. Ces données s’inscrivent dans une entreprise de persuasion, mais elles doivent aussi être associées à un vécu. On pourrait mettre en doute la pertinence du vécu dans ce type de dossier, mais en travaillant avec nos partenaires autochtones, nous prenons de plus en plus conscience de l’importance et de la richesse de ces histoires, car ce sont les histoires des gens.
Si nous demandons aux personnes aux prises avec des difficultés de raconter leur histoire à leurs concitoyens qui paient — au moins au départ — les programmes, nous instaurerons un dialogue qui permettra aux uns de connaître la réalité des autres et de comprendre comment les problèmes peuvent se régler collectivement. L’effet produit sera si puissant que les personnes comme moi qui paient les programmes avec les taxes foncières verront les personnes moins favorisées émerger au fur et à mesure que leur vie s’améliorera. Elles les verront contribuer au système et participer peut-être dans une plus grande mesure à la prospérité de leur communauté respective.
C’est un dialogue. C’est une conversation. Le travail de persuasion est nécessaire, mais seulement s’il est fondé à la fois sur des données probantes et sur le vécu des personnes qui voient leur vie changer. Nous nous écoutons les uns les autres. Nous aimons entendre les autres raconter leur vie. C’est en conservant cette ouverture que nous trouverons la solution parce que la solution se trouve juste à côté de nous, à la table, sur un banc public ou dans ce parc où nous profitons de la belle température qui règne en ce moment. Les éléments persuasifs sont inscrits dans le vécu des gens. Notre projet se fonde sur ces récits, et je suis certaine que nous le mènerons à bien.
La sénatrice Clement : Merci.
La sénatrice MacAdam : Merci d’être avec nous ce soir.
Ma première question s’adresse à l’honorable Art Eggleton. Selon votre expérience au gouvernement au niveau municipal et fédéral, où vous avez assumé de nombreuses fonctions importantes, j’aimerais que vous nous donniez les détails de l’élaboration du cadre prévu dans le projet de loi S-233 et que vous nous disiez comment, concrètement, les différents ordres de gouvernement se concerteront pour mettre au point un cadre sur l’accès à un revenu de base garanti. Selon moi, il y a plusieurs aspects, notamment la gestion du partage des compétences. La bonne entente ne règne pas nécessairement entre toutes les provinces. Il y a beaucoup de sable dans l’engrenage. Pourriez-vous me faire part de votre réflexion à ce sujet?
M. Eggleton : Je peux penser à de nombreux exemples de collaboration réussie entre les ordres de gouvernement. C’est le cas du programme de garderies, qui prévoit des mécanismes de discussions à différents niveaux. Par ailleurs, je me souviens, au niveau municipal, d’un processus impliquant les trois ordres de gouvernement qui fonctionnait particulièrement bien. Nous déterminions d’abord les priorités de la ville pour ensuite mettre sur pied une équipe formée des trois paliers de gouvernement chargée de chercher des solutions. Lorsque la volonté de faire les choses existe, la formule est là, prête à mettre en place. Le projet de loi va établir les conditions permettant au gouvernement fédéral de prendre les rênes, mais il va falloir évidemment rallier les provinces et les municipalités, car ce sont elles qui élaboreront le programme que nous souhaitons mettre en place pour aider les gens à sortir de la pauvreté. Il faut tout de même la volonté d’aller de l’avant. Voilà l’élément important. Comme cette volonté s’est déjà manifestée dans le passé, elle peut très bien se manifester dans le présent.
La sénatrice MacAdam : Entrevoyez-vous de grandes difficultés pour convaincre les provinces...
M. Eggleton : Ce ne sera pas une mince tâche de réunir les données pertinentes, puis d’examiner l’ensemble très complexe de programmes et de services conçus pour sortir les gens de la pauvreté, et finalement de concevoir un meilleur système. Cette somme de travail colossale devra être accomplie par les trois ordres de gouvernement.
Mme Alto : Merci, honorables sénateurs. Vous touchez à un point essentiel. Je peux vous fournir deux réponses.
Vos délibérations de ce soir portent précisément sur le mécanisme du cadre visant à donner accès à un revenu de base. Il faut s’efforcer de mettre en place le mécanisme le plus général possible afin d’octroyer une grande souplesse à tous les niveaux de gouvernement. Je n’échangerais pas de place avec vous, car la tâche sera ardue.
Une fois que les grandes lignes du mécanisme auront au moins été établies, je suis d’accord avec M. Eggleton. Tout dépendra de votre capacité à persuader vos partenaires au niveau provincial, fédéral et municipal d’accepter le mécanisme au moins au départ et de convenir qu’il faut l’essayer pour voir de quoi il en retourne. Il faudra les rallier à l’idée de lancer le programme pour ensuite l’améliorer en cours de route au besoin.
La première étape sera de décider si le cadre est assez solide pour commencer à imaginer son application. Le mécanisme est un aspect facile à régler. L’étape suivante sera de réunir tout le monde autour de la table pour au moins commencer à entrevoir la possibilité d’un résultat satisfaisant pour toutes les parties.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je vais poser ma question au sénateur Eggleton comme ancien sénateur, et non pas comme ancien ministre fédéral ou ancien maire. Une des responsabilités du Sénat est de protéger les régions et les provinces et d’assurer le respect de la Constitution.
En vertu de notre Constitution, tous les services sociaux relèvent des provinces. Le seul programme social qui est livré par le fédéral est l’assurance-emploi, ce qui fait suite à un amendement à la Constitution. Il est proposé ici de remplacer tous les programmes sociaux provinciaux par un nouveau programme unique au moyen duquel on dirait aux provinces quoi faire pour administrer les services sociaux, les services de dernier recours, les services aux étudiants, le salaire minimum et la taxation des avantages.
J’avoue que je comprends la volonté de certaines personnes qui affirment qu’il faut avoir un revenu minimum garanti, mais ne pensez-vous pas que cela doit se décider à l’échelle provinciale et qu’on est dans le mauvais forum? On tente d’utiliser le Parlement pour faire quelque chose qui ne relève pas du fédéral. Le Sénat est censé représenter les régions.
[Traduction]
M. Eggleton : Nous parlons d’une mesure de sécurité du revenu, et non pas de la totalité des programmes sociaux qui apportent du soutien à la population, particulièrement au segment des personnes à faible revenu. Il reste donc tous ces programmes, qui sont en vaste partie administrés par les provinces et dont plusieurs sont soutenus par le gouvernement fédéral. Par exemple, dans le dossier du logement qui mobilise les trois ordres de gouvernement, le gouvernement fédéral joue un rôle de soutien. Nous parlons aujourd’hui d’un revenu de base qui s’inscrirait dans un programme de sécurité du revenu. Or, la contribution du gouvernement fédéral dans ce domaine est non négligeable. Pensons aux personnes âgées et à l’Allocation canadienne pour enfants. Ces programmes de prestations nécessitent tout de même la collaboration des provinces. Les provinces seraient peut-être heureuses de laisser le gouvernement fédéral prendre en main un programme de sécurité du revenu, mais elles voudront aussi participer aux discussions. Ce processus ressemblera beaucoup à ce qui se fait pour les régimes de soins de santé, où le gouvernement fédéral joue un rôle de soutien auprès des provinces. Les prestations sont versées à la suite de discussions structurées avec les provinces. Cette formule sera de mise également dans ce cas-ci. Cela dit, le revenu de base est étroitement lié à la sécurité du revenu, et non pas aux systèmes d’aide sociale.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Si je comprends bien, vous n’êtes pas en faveur de l’abolition des programmes provinciaux existants.
[Traduction]
Sauf erreur, l’étude du directeur parlementaire du budget traite essentiellement du remplacement d’un bouquet de programmes sociaux par un programme universel de cette nature.
M. Eggleton : Je ne pense pas. Ce projet de loi ne peut pas remplacer tous les programmes d’aide sociale. Nous aurons toujours besoin de programmes en matière de logement, de garderies et d’éducation. Les divers ordres de gouvernement devront évidemment collaborer. La mise en place est avant tout une responsabilité provinciale, et les programmes sont dans une grande mesure administrés par les municipalités. Cette façon de faire serait maintenue. Dans le cas présent, nous parlons d’un programme de sécurité du revenu.
La sénatrice Kingston : Merci à vous deux d’être ici.
J’aimerais revenir sur bien des choses qui ont été dites par d’autres sénateurs, mais ce que j’ai observé au fil du temps, c’est que si on envisage un programme et qu’on veut qu’il soit efficace, il faut se demander s’il est intégré et s’il est exhaustif. D’après moi, l’intégration consiste à prendre toutes les bonnes choses qui se font dans les provinces et au pays et d’y appliquer une pratique exemplaire. Si je décroche un emploi, je m’intéresse à la rémunération totale, plutôt que de regarder uniquement l’argent qui est déposé dans mon compte. Il y a autre chose. Selon moi, les programmes provinciaux, qui bénéficient très souvent de l’aide du gouvernement fédéral, font partie des revenus totaux. Par exemple, si je suis une mère célibataire et que j’ai besoin du revenu de base, j’ai aussi besoin d’un service de garde de qualité pour faire mon travail, regarder vers l’avenir et chercher une meilleure carrière. Ce n’est qu’un exemple.
Concernant les données et la stratégie Logement d’abord, des mesures ont été prises, et nous savons que des économies sont réalisées. Des données le démontrent. La Ville de Calgary a fait un travail fantastique pour amasser des données sur son projet Logement d’abord et la baisse du nombre de visites à l’urgence, la baisse des coûts du maintien de l’ordre et la baisse des démêlés avec la justice. Notre petite ville de Fredericton a reproduit cette étude dans un projet de taille très modeste. On a examiné les gens qui bénéficiaient de Logement d’abord pour se loger (vous en avez parlé). En un an, il y a eu des baisses importantes dans le nombre de visites à l’urgence et ce genre de choses.
Vous avez dit que ce cadre doit évoluer, madame la mairesse. J’aimerais entendre vos commentaires. Il s’agit d’un cadre. En fait, on évoque dans le projet de loi d’autres services qui seront nécessaires. Comment peut-on produire quelque chose qui ne soit pas seulement un chèque, mais qui intègre plusieurs programmes permettant d’offrir une aide complète aux gens qui vivent dans la pauvreté?
Mme Alto : Je vous remercie de cette question, qui me paraît fondamentale.
Nous avons dit que ce cadre s’ajoutait aux autres programmes, il ne les remplace pas. Cela dit, il doit aussi y être complémentaire. Cela prendra un certain temps. Si on applique ce cadre — et j’espère qu’on le fera —, il faudra du temps pour unir ce que bon nombre d’entre vous ont appelé tous les ordres de gouvernement. J’ai bien aimé votre exemple de Fredericton. Nous avons réalisé un travail semblable à Victoria. En Colombie-Britannique, ces programmes existent et ils fonctionnent plutôt bien. Nous le savons grâce à toutes ces données. Ce qui fait défaut pour une cohorte de personnes, c’est ce supplément de revenu. Comment peut-on s’assurer que ce supplément, peu importe la forme qu’il prendra, ne va rien enlever à tous les autres programmes sur lesquels les gens comptent pour bénéficier de toutes sortes de choses? Il doit y avoir un modèle ou une version complémentaires de l’intégration où ce programme s’ajoute aux autres qui seront conservés. Est-ce que ce sera facile? Pas du tout, et je pense que personne n’est assez insensé pour le prétendre. Cependant, ce supplément de revenu est essentiel, parce qu’il peut combler des lacunes qui, de peu, empêchent les gens de progresser dans leur carrière, leur famille et leur avenir. Avec le petit coup de pouce additionnel qu’apporterait le supplément de revenu, on complèterait tous les autres programmes que vous offrez dans votre ville et dans la mienne. Ce revenu permettrait de répondre de façon holistique aux besoins d’une mère célibataire de deux enfants, de la famille dont les deux parents travaillaient, mais ont perdu leur emploi pour quelque raison que ce soit, de tous les gens que l’on peut imaginer.
On en revient à ce que j’ai dit plus tôt. Ce cadre doit être concentré, organisé, complémentaire et axé sur les besoins des gens. Je répète que ce n’est pas une mince tâche. Feu ma mère disait que rien de bon n’est jamais facile, mais on parle ici d’un cadre tout à fait essentiel. Dans une certaine mesure, de par votre question, vous nous mettez au défi de trouver cette voie de l’avenir qui met à contribution le plus d’ordres de gouvernement possible, sans oublier que nous cherchons la meilleure façon de servir les gens.
M. Eggleton : La sécurité du revenu est cruciale, mais elle ne règle pas tout. Il faut l’intégrer à tous les autres programmes. Les services de garde sont très précieux pour aider les gens à progresser dans leur carrière. Un peu plus d’argent les aiderait pour l’éducation, la formation, l’obtention d’un meilleur emploi, mais les gens auront toujours besoin d’une garderie et d’un logement abordable et décent. Ces systèmes d’aide clés doivent continuer d’être offerts à la population, mais une grande partie de ce cadre vise à pallier le manque d’argent au quotidien, la difficulté de mettre des aliments sains sur la table et d’acheter les produits de première nécessité, le genre de stress qui vient avec tout cela. Voilà pourquoi nous avons besoin d’un régime de revenu de base, mais on ne peut pas mettre de côté les autres services pour autant.
Vous avez parlé de Logement d’abord. C’est un exemple, et on a beaucoup de données selon lesquelles il en coûte de trois à quatre fois plus cher de laisser quelqu’un dans la rue, plutôt que de lui donner un logement décent et des services d’aide. Si on laisse ce type de personne dans la rue, elle se retrouvera constamment à l’urgence et à l’hôpital. Elle ira peut-être quelques fois en prison et ira souvent dans les refuges. Il est facile de calculer ces coûts très tangibles. Les études montrent qu’on sauverait beaucoup d’argent si on donnait de meilleurs services d’aide aux itinérants.
Le président : Honorables sénateurs, cela met fin au temps prévu pour étudier le projet de loi S-233.
Au nom des membres du Comité des finances, je remercie beaucoup le sénateur Eggleton et la mairesse Alto d’avoir répondu à nos questions. C’était très instructif. Si vous voulez ajouter quelque chose à votre témoignage, veuillez en informer notre greffière. Je vous remercie tous les deux.
Honorables sénateurs, nous allons suspendre la séance pour parler du prochain point à l’ordre du jour. Nous allons examiner une ébauche de rapport sur le Budget principal des dépenses.
(La séance se poursuit à huis clos.)