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OLLO - Comité permanent

Langues officielles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 20 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je vous rappelle, ainsi qu’aux témoins, que vous êtes priés de mettre votre micro en sourdine en tout temps, à moins que le président vous donne la parole.

Si vous éprouvez des difficultés techniques, notamment en matière d’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière et nous nous efforcerons de résoudre le problème.

Les participants doivent être conscients qu’ils doivent participer à la réunion dans une zone privée et être attentifs à leur environnement. Nous allons maintenant commencer officiellement notre réunion.

Je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du Comité sénatorial des langues officielles.

J’aimerais vous présenter les membres du comité qui participent à cette réunion : la vice-présidente du comité, la sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Raymonde Gagné, du Manitoba, membre du comité directeur; le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec, membre du comité directeur; la sénatrice Bernadette Clement, de l’Ontario; la sénatrice Lucie Moncion, de l’Ontario; le sénateur Clément Gignac, du Québec; la sénatrice Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

J’aimerais souhaiter la bienvenue à toutes les personnes présentes et à ceux et celles qui nous regardent d’un bout à l’autre du pays. Je tiens à souligner que nous participons à cette réunion sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois. Il s’agit d’une étude préliminaire du projet de loi, qui est effectuée avant qu’il ne soit renvoyé au Sénat par la Chambre des communes.

[Français]

Au cours de la première partie de notre réunion, nous sommes heureux de recevoir de nouveau le commissaire aux langues officielles, M. Raymond Théberge. Il est accompagné de Mme Isabelle Gervais, commissaire adjointe à la Direction générale de l’assurance de la conformité, de Me Pascale Giguère, avocate générale, et de M. Pierre Leduc, de la Direction générale des politiques et communications.

Monsieur le commissaire, membres du commissariat, merci d’avoir accepté notre invitation et bienvenue parmi nous.

Comme vous le savez, nous effectuons l’étude préalable du projet de loi C-13. Nous avions convenu de commencer avec la partie 2 de la loi, qui touche l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, mais les sénateurs et sénatrices sont libres de poser les questions qu’ils et elles souhaitent.

Monsieur Théberge, nous sommes prêts à vous écouter; la parole est à vous.

Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles : Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs et sénatrices, bonjour.

Bien que la rencontre d’aujourd’hui se déroule sur une plateforme virtuelle, je tiens à souligner que je m’adresse à vous depuis le territoire du Traité no 1, soit le territoire traditionnel des peuples anishinabe, cri, oji-cri, dakota et déné, ainsi que la patrie de la nation métisse.

C’est avec grand plaisir que je me joins à vous aujourd’hui pour vous présenter le fruit de mon analyse approfondie des mesures proposées par le gouvernement dans son projet de loi C-13.

Ce projet de loi représente clairement un pas important vers une loi modernisée. S’il est adopté, il a le potentiel de transformer le régime linguistique canadien en faisant du pilier sur lequel il repose, la Loi sur les langues officielles, une loi qui permettra à nos langues officielles de progresser et qui défendra réellement les droits linguistiques de la population canadienne.

[Traduction]

Je suis très heureux de constater que le projet de loi C-13 exige que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration adopte une politique en matière d’immigration francophone qui comprend notamment des objectifs, des cibles et des indicateurs, afin de favoriser l’épanouissement des minorités francophones du Canada. Cependant, il est important de se rappeler que cette politique devrait couvrir tout le continuum de l’immigration, y compris toutes les étapes et catégories de l’immigration. C’est la raison pour laquelle je recommande que le ministre soit tenu de préciser comment il entend atteindre les objectifs et les cibles. Sans reddition de comptes, la politique en matière d’immigration risque de ne pas donner les résultats escomptés.

[Français]

Comme je l’explique dans mon mémoire, intitulé Une occasion historique à saisir : Pour une modernisation complète de la LLO, le projet de loi C-13 est fort prometteur, mais il comprend des mesures qui gagneraient à être améliorées et clarifiées.

De plus, certaines mesures qui étaient attendues depuis longtemps, mais qui ne figurent pas dans le projet de loi, devraient y être ajoutées, selon moi.

En effet, le projet de loi C-13 ne propose aucune mesure pour moderniser les composantes qui sont au cœur de la loi, soit les communications avec le public et la prestation de services, ainsi que la langue de travail. Comme je le signale dans mon mémoire, cette omission est l’un des maillons faibles du projet de loi.

La façon dont l’offre active doit être effectuée par les institutions fédérales doit être clarifiée et encadrée dans la loi. Quand on leur fait l’offre active, plus de 80 % des francophones disent qu’il y a de fortes chances qu’ils demandent un service en français, alors que seulement 14 % d’entre eux le demanderont si l’on ne fait pas d’offre active.

Cette statistique montre clairement l’importance de l’offre active pour assurer l’accès aux services gouvernementaux dans la langue officielle de préférence des citoyens.

[Traduction]

Le projet de loi C-13 doit également rendre l’ensemble de la loi neutre sur le plan technologique. En effet, les technologies que les institutions fédérales utilisent pour communiquer avec leurs employés et avec le public ont évolué de façon spectaculaire au cours des dernières décennies. Qui aurait pu imaginer, lorsque la version actuelle de la loi a été adoptée en 1988, qu’il serait un jour possible d’obtenir des renseignements sur une situation d’urgence en recevant un message d’alerte sur un téléphone cellulaire ou qu’une pandémie mondiale obligerait la plupart des Canadiens à travailler à domicile et à apprendre à utiliser de nouveaux outils technologiques?

C’est la raison pour laquelle le projet de loi C-13 doit contenir des dispositions qui ne se limitent pas aux technologies antérieures ou actuelles. Nous devons être prêts pour l’imprévisible et faire en sorte que la loi résiste à l’épreuve du temps.

[Français]

Je suis également d’avis que le projet de loi C-13 devrait codifier dans la loi l’obligation pour les institutions fédérales, d’une part, de rédiger toute entente fédérale-provinciale-territoriale dans les deux langues officielles et, d’autre part, d’y incorporer des dispositions linguistiques exécutoires.

Les mesures visant à améliorer la gouvernance, c’est-à-dire la manière dont l’appareil fédéral s’organise pour mettre en œuvre la loi, gagneraient également à être ajustées.

Je crois fermement que la gouvernance de la loi serait grandement améliorée si la responsabilité en était confiée à un organisme central qui aurait l’autorité et la légitimité nécessaires pour renforcer les mécanismes de reddition de comptes et pour s’assurer que les institutions fédérales se conforment à la loi.

Selon moi, le Conseil du Trésor est le mieux placé pour s’acquitter de cette importante responsabilité. Je remarque que, dans le projet de loi C-13, les responsabilités du Conseil du Trésor et de Patrimoine canadien se chevauchent considérablement. Il y a donc deux entités distinctes qui sont responsables de la mise en œuvre de la loi, ce qui est problématique lorsqu’on veut déterminer qui en est ultimement responsable.

[Traduction]

Même si le projet de loi C-13 renforce les obligations du Conseil du Trésor, ses responsabilités doivent aussi être renforcées, afin que l’organisme ne puisse pas déléguer ses pouvoirs et ses fonctions aux administrateurs généraux d’autres institutions fédérales.

Enfin, les dispositions du projet de loi concernant l’appui au développement et à l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire représentent un pas dans la bonne direction. Toutefois, je crains que ces dispositions ne risquent de miner l’interprétation que la Cour d’appel fédérale fait des obligations des institutions fédérales, tel qu’énoncé dans sa récente décision dans l’affaire Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social).

En fait, le projet de loi C-13 accorde à nos institutions fédérales une marge de manœuvre trop importante par rapport aux obligations prescrites dans la décision FFCB en ce qui concerne l’obligation de prendre des mesures positives et l’obligation d’atténuer tout impact négatif de leurs décisions en fonction des analyses d’impact.

Le projet de loi C-13 doit mieux encadrer la marge de manœuvre accordée aux institutions fédérales. Je demande donc au gouvernement d’inscrire dans la loi les principes énoncés dans la décision Fédération des francophones de la Colombie-Britannique.

Dans mon mémoire, je précise ma position et je formule plusieurs autres recommandations qui, je l’espère, contribueront à renforcer la loi, qui a déjà tant fait pour l’avancement du dossier des langues officielles au Canada au cours des 50 dernières années.

[Français]

L’étude du projet de loi au comité nous rapproche de la ligne d’arrivée. Il reste cependant encore plusieurs étapes à franchir avant son adoption.

Nous ne pouvons plus nous permettre de remettre ce projet. La balle est maintenant dans votre camp : je vous demande de profiter de l’occasion historique qui se présente à vous aujourd’hui et de faire de ce projet de loi une réussite pour les langues officielles.

Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.

Le président : Je vous remercie, monsieur Théberge. Avant de donner la parole à mes collègues, je veux vous remercier pour cet imposant mémoire. Je pense que cela nous donnera certainement l’occasion de vous inviter encore une fois quand nous étudierons le projet de loi, puisqu’il y a beaucoup de contenu dans ce mémoire, qui est inspirant et qui suscite des réflexions importantes de la part des membres du comité.

Pour cette première heure, nous allons procéder comme prévu à une période de questions. Je rappelle d’abord aux sénateurs qu’ils doivent utiliser la fonction « lever la main » et qu’ils disposent de cinq minutes pour les questions et les réponses. Je demande au commissaire ainsi qu’à mes collègues de respecter ce temps de parole de cinq minutes. Cela nous permettra de faire plusieurs tours de table.

Je donne d’abord la parole à la vice-présidente du comité, la sénatrice Rose-May Poirier.

La sénatrice Poirier : Merci d’être avec nous de nouveau, monsieur Théberge. C’est toujours un plaisir de vous revoir.

Ma première question porte sur la partie 2 du projet de loi C-13, la Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Les témoins de la semaine dernière avaient des inquiétudes relativement à l’application de règlements, car il y a beaucoup d’incertitudes à cet égard. Ils disaient qu’ils ne savent pas à quoi s’attendre. Le directeur parlementaire du budget a également fait part de ses inquiétudes en ce qui concerne le manque d’information et de précisions, auxquelles on doit répondre par des règlements après l’adoption du projet de loi C-13.

Vous nous avez aussi fait part de vos inquiétudes à l’égard des définitions figurant dans la partie 2.

Selon vous, avec une loi d’une telle portée, est-ce qu’il serait préférable que le gouvernement retire la partie 2 du projet de loi C-13 et nous présente un autre projet de loi mieux défini?

M. Théberge : Merci, madame la sénatrice. Je pense que, avec notre mémoire, nous faisons une certaine contribution, à savoir comment on peut améliorer ce que j’appelle la « LUF », la Loi sur l’usage du français. Bien sûr, il y a beaucoup d’incertitudes à l’égard de ce projet de loi, car on ne définit pas très bien ce qu’est un consommateur, ce qu’est un employé, ce qu’est le seuil du nombre d’employés, que représente le concept de forte proportion francophone et ainsi de suite.

Je pense aussi que le projet de loi redéfinit quelque peu le concept des langues officielles et le concept de la dualité canadienne avec lequel nous sommes habitués de travailler depuis 50 ans. Cela dit, il est clair que nous devons trouver une façon de promouvoir l’usage du français à l’échelle nationale. Je pense que ce projet de loi mérite une sérieuse réflexion et qu’on devrait tenir compte non seulement de mes recommandations, mais aussi des recommandations d’autres intervenants.

La sénatrice Poirier : Me reste-t-il un peu de temps?

Le président : Oui, absolument. Il vous reste encore trois minutes.

La sénatrice Poirier : La Loi sur les langues officielles a pour but d’assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada, tandis que la Loi sur l’usage du français a pour objectif de défendre la langue française en excluant complètement l’anglais de son objectif et de sa protection.

Selon vous, quel est le risque d’omettre l’anglais dans cette loi?

M. Théberge : Lorsque je regarde le projet de loi C-13, il est clair que, dans la Loi sur les langues officielles, mon mandat est différent de mon mandat conformément à la Loi sur l’usage du français. Comme je l’ai dit plus tôt, la Loi sur l’usage du français représente un changement important dans l’approche qu’on utilise auprès des communautés de langue officielle en situation minoritaire. À titre de commissaire, je dois défendre l’usage des deux langues officielles et les deux communautés qui sont formées en fonction de ces deux langues officielles. Le projet de loi actuel fait qu’on accorde des droits à une communauté, et non à l’autre. Il faut toujours se rappeler que l’un des objectifs de la loi, c’est de promouvoir et d’encourager l’usage, la promotion et la pérennité du français.

La sénatrice Poirier : Il me reste un peu de temps. Je vais y aller rapidement.

Dans la forme actuelle du projet de loi, est-ce qu’un anglophone du Québec pourrait déposer une plainte auprès de votre bureau s’il croit que ses droits linguistiques au travail ne sont pas respectés? Dans l’affirmative, comment allez-vous traiter une telle plainte?

M. Théberge : Avec la façon dont le projet de loi est rédigé actuellement, je ne pense pas que nous ayons suffisamment d’information pour vous donner une réponse précise.

Le président : Merci de vos réponses, monsieur Théberge.

La sénatrice Gagné : Bienvenue encore une fois, monsieur le commissaire. C’est toujours un plaisir de vous revoir.

J’aimerais poursuivre dans la même veine que la question de la sénatrice Poirier par rapport aux droits qu’accorde la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Dans votre mémoire, vous avez indiqué que, techniquement, la partie 2 énonce que les droits linguistiques doivent être interprétés de façon large et libérale, ainsi qu’en fonction de leur caractère réparateur. Par contre, le principe d’interprétation relatif à l’égalité réelle est absent de la Loi sur l’usage du français.

Techniquement, si on ajoutait ce principe d’interprétation, cela pourrait renforcer la partie 2. Ai-je bien compris?

M. Théberge : Je pense que c’est une bonne interprétation, parce que très souvent, on ne saisit pas bien le sens de l’égalité réelle. La Cour suprême a déjà défini son application, comment l’on applique ou comment l’on concrétise l’égalité réelle. Le principe de l’égalité réelle nous permet déjà d’utiliser des approches différentes dans des contextes différents pour arriver à l’égalité réelle des langues officielles.

Si l’on codifie le concept des langues officielles dans la partie 2, la Loi sur l’usage du français, je pense qu’on arriverait à un meilleur équilibre entre les deux langues officielles. Il reste à savoir comment cela s’appliquerait par la suite dans la mise en œuvre de la Loi sur l’usage du français, mais il est clair, à mon avis, que cela nous permettrait d’assurer l’égalité des deux langues officielles. Toutefois, il reste à déterminer si l’on ira dans cette direction.

La sénatrice Gagné : Merci. Est-ce que je peux me permettre de poser une deuxième question?

Le président : Bien sûr.

La sénatrice Gagné : Quelle définition faudrait-il donner à l’expression « régions à forte présence francophone »? Est-ce qu’une telle définition devrait être inscrite dans la Loi sur les langues officielles plutôt que dans un règlement?

M. Théberge : C’est une excellente question. On peut se baser sur des éléments purement statistiques, mais on peut aussi se baser sur des éléments beaucoup plus qualitatifs. On peut avoir de petites communautés qui sont très fortes et très robustes, si l’on tient compte du réseau institutionnel de cette communauté, par exemple. Pour l’instant, ce que cela veut dire n’est pas clair. Par exemple, est-ce que c’est la région de Caraquet, est-ce que c’est Sudbury, est-ce que c’est Saint-Boniface? Je n’en sais rien, mais on doit tenir compte de l’élément quantitatif et de l’élément qualitatif.

Il y a des communautés qui sont très fortes et très robustes, mais qui n’ont pas nécessairement une population qui dépasse, par exemple, les 100 000 citoyens. C’est important de garder en tête les deux types de facteurs. Je pense qu’on devrait préciser dans la loi, autant que possible... De toute façon, la loi entrera en vigueur par décret à un moment qu’on ne connaît pas encore.

Par la suite, on travaillera sur les règlements. Ce travail peut durer plusieurs années.

Le président : Votre connexion est mauvaise, monsieur le commissaire, mais je crois que nous avons entendu l’essentiel de votre réponse.

M. Théberge : Oui.

La sénatrice Gagné : Si je comprends bien vos propos, on pourrait peut-être reproduire, pour les entreprises privées de compétence fédérale, le modèle en vigueur pour les institutions fédérales dans le cadre du règlement de la partie IV?

M. Théberge : Ce serait semblable à cela, oui.

La sénatrice Gagné : D’accord, merci.

Le sénateur Dagenais : Bonjour, monsieur Théberge. Que pensez-vous du mandat de Patrimoine canadien, qui est d’appliquer les dispositions de protection et de promotion de la langue française et de faire rapport uniquement à la Chambre des communes? Nous avons très peu d’information sur ce processus. Tel qu’il est défini, est-ce un élément positif du projet de loi ou est-ce un dédoublement du rôle du commissaire aux langues officielles ou du Commissariat aux langues officielles, si on veut le désigner ainsi?

M. Théberge : Depuis 50 ans, Patrimoine canadien a toujours joué un rôle important et prépondérant dans la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, en fonction de la partie VII, par exemple. Je crois que la loi gagnerait beaucoup en ayant une coordination beaucoup plus centralisée au sein de l’appareil fédéral. Patrimoine canadien jouerait tout de même un rôle important, étant donné son lien avec les communautés. Patrimoine canadien a toujours joué un rôle très important auprès des communautés.

Les langues officielles ne sont pas un programme, même si elles sont perçues ainsi parfois. Les langues officielles sont au cœur de l’identité canadienne. C’est une valeur fondamentale qui devrait être au cœur de l’appareil fédéral. À mon avis, on gagnerait beaucoup à assurer une coordination beaucoup plus centralisée, par exemple, au Secrétariat du Conseil du Trésor. Bien sûr, Patrimoine canadien joue un rôle important. Toutefois, pour une meilleure coordination et une plus grande reddition de comptes du gouvernement, peut-être devrait-on songer à une coordination beaucoup plus centralisée.

Le sénateur Dagenais : À titre de sénateur du Québec, j’aimerais vous parler de ce qui suit. La ministre Sonia LeBel nous a transmis des observations et des revendications sur le projet de loi C-13 et il ne fait aucun doute que nous allons y revenir. Bien que le projet de loi C-13 n’ait pas encore été adopté par la Chambre des communes, croyez-vous que le nouveau projet de loi no 96 sur les langues au Québec est plus clair et protège mieux le français que ce que nous connaissons du projet de loi C-13?

M. Théberge : C’est une comparaison qui peut être difficile à faire présentement. Le projet de loi no 96 vient d’être adopté et n’est pas encore mis en œuvre, tout comme le projet de loi C-13 n’a ni été adopté ni encore mis en œuvre. On parle aussi de réalités différentes. Le projet de loi no 96 a soulevé une certaine controverse. J’ai l’impression qu’il sera contesté devant les tribunaux. Je vais certainement porter attention à ce qui se passe avec ce projet de loi.

Il revient au comité de tenir compte des propositions de la ministre LeBel. Cette question se joue sur le plan des affaires intergouvernementales. Je crois que le projet de loi C-13 fait tout de même un effort louable pour la promotion du français dans les années à venir.

La sénatrice Mégie : Bonjour, monsieur le commissaire. Je suis heureuse de vous revoir aujourd’hui.

Dans un article paru dans le magazine L’actualité de janvier-février 2022, Stéphanie Chouinard soulignait que, si on voulait faire preuve d’audace, on pourrait :

[...] aller jusqu’à proposer la création d’un tribunal des droits linguistiques, où, à l’image des tribunaux des droits de la personne, des citoyens pourraient obtenir réparation et dédommagement quand leurs droits linguistiques sont bafoués.

Dans le projet de loi C-13, des sanctions administratives pécuniaires sont prévues. Est-ce qu’à votre avis elles vont aussi loin que la création d’un tribunal des droits linguistiques? Sinon, pourquoi?

M. Théberge : On ne devrait peut-être pas se limiter à cibler des sanctions administratives et pécuniaires. Dans le projet de loi, on donne au commissaire une série de pouvoirs, des outils, des mécanismes de conformité et la possibilité de conclure des ententes exécutoires, d’émettre des ordonnances et, bien sûr, d’imposer des sanctions administratives pécuniaires. Ces mécanismes de conformité font en sorte que le rôle du commissaire et du commissariat sera de plus en plus judiciarisé.

D’une certaine façon, on se rapproche peut-être du concept d’un tribunal administratif, mais pas complètement. Par contre, les outils fournis dans le projet de loi vont certainement me permettre, ainsi qu’à mes successeurs, d’assurer une bien meilleure conformité à la loi. Je pense que ce qu’on voit présentement dans le projet de loi C-13, ce sont des progrès importants en matière d’outils et de mécanismes de conformité.

La sénatrice Mégie : Merci.

La sénatrice Moncion : Bienvenue, monsieur le commissaire. C’est toujours un plaisir.

Pourriez-vous faire des commentaires sur le fait que, dans le projet de loi C-13, on évoque la Charte de la langue française, mais qu’on ne fait pas référence, par exemple, à ce qui existe au Nouveau-Brunswick? J’aimerais vous entendre sur la juxtaposition de ces deux lois, c’est-à-dire cette composante à l’intérieur de la Loi sur les langues officielles et la distinction entre les deux régimes.

M. Théberge : Merci. J’avais l’impression que, dans le projet de loi, on faisait non seulement référence à la Charte, mais aussi aux particularités des diverses communautés. Par exemple, il y a l’article 23 de la Loi sur le Manitoba et, bien sûr, la Loi constitutionnelle du Nouveau-Brunswick. Le projet de loi est censé tenir compte des caractéristiques et des spécificités de nos communautés. Je pense que cela fait partie du préambule du projet de loi C-13. Donc, il y a une reconnaissance de la spécificité des communautés. Pour le Québec, c’est la Charte qui définit cette particularité, au Nouveau-Brunswick, c’est la loi et c’est l’article 23 au Manitoba.

Je crois que le régime proposé par le projet de loi no 96 tient compte d’une orientation de la part de leur gouvernement. À titre de commissaire aux langues officielles fédéral, je me penche surtout sur les particularités et les points liés au projet de loi C-13. Je pense que le fait de reconnaître les particularités des régions et des communautés a toujours fait partie de la loi et c’est explicite maintenant, parce qu’on respecte les compétences provinciales et territoriales.

La sénatrice Moncion : Merci pour la réponse et pour la précision. Pourriez-vous me parler un peu de la place de l’anglais dans la Loi sur les langues officielles telle qu’elle est rédigée présentement?

M. Théberge : Comme on le disait plus tôt, dans la Loi sur les langues officielles, mis à part la LUF, on traite le français et l’anglais comme ayant un statut égal, et on traite les deux communautés de la même façon, c’est-à-dire qu’elles sont sur le même pied.

Sauf dans la partie VII, il y a certains éléments asymétriques par rapport à l’immigration, par exemple, mais le projet de loi C-13 se distingue du projet de loi C-32, car on a retiré de ce dernier la Loi sur l’usage du français et qu’on a fait une loi séparée.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, le rôle et le mandat du commissaire aux langues officielles ont toujours été de défendre les deux langues officielles et les deux communautés qui parlent ces langues. Ce que l’on propose maintenant est un changement important au régime linguistique qui est en place depuis 50 ans. La place de l’anglais, c’est une chose dans la Loi sur les langues officielles, mais c’est autre chose dans la LUF tel qu’elle est rédigée présentement.

La sénatrice Clement : Bienvenue, monsieur le commissaire, c’est bon de vous revoir.

Vous avez parlé de certaines faiblesses, et l’une de ces faiblesses est justement la communication avec le public. J’aimerais que vous donniez plus de détails sur cette faiblesse. La dernière fois qu’on vous a vu, j’ai parlé du concept de technologically neutral, car cette expression me fascine et j’essaie encore de comprendre. J’ai lu votre mémoire; je vous dis bravo et merci pour votre travail. À la page 11, vous parlez de ce sujet, mais j’aimerais avoir des exemples concrets sur ce que vous voulez dire par technologically neutral, pour savoir ce que l’on doit faire. Vous avez raison, c’est un moment historique et cette question de technologie est importante.

M. Théberge : J’ai un excellent exemple : Twitter. Quand Twitter est arrivé, on a eu tout de suite une série de plaintes parce que les députés et les fonctionnaires envoyaient leurs gazouillis dans une seule langue officielle, puisque l’on considérait Twitter comme un compte personnel. Après qu’on a mené des enquêtes et qu’on a adopté des règlements, les gazouillis qui proviennent des députés ou des sénateurs sont maintenant dans les deux langues officielles.

On pourrait voir à l’avenir, grâce à l’intelligence artificielle, des modèles où l’on pourra offrir des services qui seront encore plus virtuels qu’ils ne le sont présentement. On va fournir toute une série d’outils aux employés qui travaillent en mode virtuel. Est-ce que ces outils permettront aux travailleurs et aux fonctionnaires de travailler dans les deux langues officielles? On ne peut pas préciser dans la loi quelles seront ces nouvelles technologies, parce que ce n’est certainement pas moi qui peux prédire quelle sera la prochaine technologie. J’ai vu l’arrivée du télécopieur et je vais voir sa disparition. C’est donc difficile de prédire quelles seront les nouvelles technologies. Cependant, il ne faut pas que cela devienne une excuse pour ne pas respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.

Il y a certaines technologies qui ne se prêtent pas à ce genre de rencontre. On ne peut pas faire de traduction simultanée avec Teams, mais avec Zoom, oui. Il y a donc une technologie que l’on peut utiliser. C’est ce genre d’outil qui existe ou non qui pourrait avoir un impact sur l’utilisation et la mise en œuvre de la loi.

La sénatrice Clement : Justement, dans le projet de loi, quel langage doit-on ajouter?

M. Théberge : Justement, je pense que le langage doit être assez large, parce qu’on ne peut pas identifier de plateforme. Si on le fait, il est clair que, dans un certain nombre d’années, on aura oublié des plateformes et que certaines ne seront plus utiles. C’est plutôt sur les plans du concept et du principe; il est important que ce soit inclus dans le projet de loi.

La sénatrice Clement : Vous avez, je crois, travaillé avec le directeur parlementaire du budget pour former des définitions des régions à forte concentration francophone; j’ai cru l’entendre dire.

Avez-vous des commentaires à faire sur le rapport du directeur parlementaire du budget et sur les coûts qu’il a évoqués?

M. Théberge : Certainement. Je pense que les coûts qui sont proposés par M. Giroux sont basés sur la meilleure information qu’il a à sa disposition présentement et que c’est une interprétation de la Loi sur l’usage du français.

On ne parle pas nécessairement des coûts rattachés au Commissariat aux langues officielles, mais on parle des coûts et des impacts sur les entreprises visées. Je ne suis pas un expert pour ce qui est d’interpréter l’impact sur les usagers, mais je pense que c’est quand même une contribution importante. Il y a des coûts importants rattachés à ce projet de loi et il y aura un impact sur le fonctionnement du Commissariat aux langues officielles.

La sénatrice Clement : Merci.

Le président : Monsieur le commissaire aux langues officielles, j’ai lu votre mémoire avec beaucoup d’attention. L’une des choses qui en ressortent, à mon avis, a trait aux défis de cohérence entre ces nouveaux régimes linguistiques. Je me demande comment, avec vos pouvoirs comme commissaire aux langues officielles, vous allez gérer ces différents défis de cohérence entre la Loi sur les langues officielles et la Loi sur l’usage du français.

Il y a un autre défi de cohérence — en fait, je vous pose la question en même temps — sur le plan de la haute fonction publique et sur la capacité des hauts fonctionnaires de parler les deux langues officielles. Est-ce qu’on demande la même chose aux entreprises privées? Sinon, devrait-on leur demander la même chose? Comment, dans vos responsabilités de commissaire aux langues officielles, imaginez-vous appliquer et gérer ces défis de cohérence?

Le dernier élément de ma question est le suivant — et vous en parlez dans votre mémoire : comment allez-vous conjuguer vos responsabilités de commissaire en collaborant avec le Conseil canadien des relations industrielles et l’Office québécois de la langue française? Il me semble que vous aurez de nouveaux défis, et je serais vraiment curieux de vous entendre sur vos responsabilités et sur les défis que vous entrevoyez pour exercer votre poste.

M. Théberge : Merci, monsieur le président.

Comme je l’ai mentionné, selon que je me concentre sur la Loi sur les langues officielles ou sur la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, j’ai sensiblement les mêmes pouvoirs, sauf que pour la LUF, je n’ai pas actuellement le pouvoir d’imposer des sanctions administratives pécuniaires. Cependant, il y a aussi le Conseil canadien des relations industrielles. Évidemment, on va établir un mode de fonctionnement et une façon de travailler ensemble et peut-être que cela pourrait être mieux précisé dans un règlement. Je pense que pour l’instant c’est difficile de prédire exactement comment on va aller de l’avant lorsqu’on reçoit la plainte d’un employé ou d’un groupe d’employés, parce qu’on doit encore préciser qui est employé et qui est régi par cette loi.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, ce qu’on nous présente maintenant, c’est un nouveau régime linguistique. Cela diffère énormément du régime que l’on connaît depuis au-delà de 50 ans. Présentement, on étudie l’impact de ces nouveaux pouvoirs sur le travail du Commissariat aux langues officielles. Notre travail sera certainement plus judiciarisé qu’il ne l’est présentement. Quel est l’impact sur notre travail de promotion?

Notre travail de promotion est beaucoup axé sur le travail que l’on fait auprès des communautés, et sur comment celles-ci vont changer dans les prochaines années. On travaille aussi dans un environnement linguistique qui est émotivement très chargé depuis quelques années. Alors, comment, par le biais du projet de loi C-13, va-t-on en arriver à un projet de loi qui est rassembleur, et non diviseur? C’est un défi qui revient aux parlementaires.

Face à ces défis, je viens d’une école de pensée. J’étais là en 1969 lorsqu’on a adopté la Loi sur les langues officielles, donc j’ai un certain vécu. Je pense que ce qu’on nous propose est un changement important qui comporte des possibilités, mais on doit se demander comment on peut gérer ces possibilités et s’en servir pour faire avancer les langues officielles au Canada.

Comme commissaire aux langues officielles, je suis prêt à jouer un rôle très actif dans le travail qui devra être réalisé pour contribuer à ce projet de loi.

De prime abord, on parle d’un nouveau régime linguistique. Pour le Commissariat aux langues officielles, cela nécessitera des changements importants sur le plan de notre fonctionnement, non seulement auprès de l’appareil fédéral, mais aussi auprès des communautés et du secteur privé. Nous n’avons pas d’expérience avec le secteur privé. Comment allons-nous travailler avec ces gens-là? À mon avis, cette réflexion que vous voyez dans le mémoire et ce que je vous dis aujourd’hui, c’est quand même une pensée qui est en évolution, étant donné qu’on fait affaire avec un projet de loi qui est, à mon avis, historique.

Le président : Merci de vos précisions. Avant de passer au deuxième tour, je vois que le sénateur Gignac avait la main levée. Si vous voulez poser des questions, sénateur Gignac, la parole est à vous.

Le sénateur Gignac : Merci, monsieur le commissaire aux langues officielles, et bravo pour votre beau travail. À la page 2 de votre mémoire, vous évoquez la gouvernance en matière de langues officielles en disant que nous devrions avoir un organisme central pour coordonner la mise en œuvre de la loi. Vous parlez du danger de morcellement. Je dois avouer, avec tout le respect que j’ai envers le ministre du Patrimoine canadien, comme sénateur du Québec et comme francophone, que le fait de savoir que c’est le ministère du Patrimoine canadien qui s’occupe du sort de la langue française ne me sécurise pas beaucoup.

En fait, pouvez-vous aller plus loin dans votre réflexion? Vous dites que le respect des langues, ce n’est pas un programme gouvernemental, car au fond il se trouve au cœur de la fédération canadienne. Avez-vous en tête la création d’un office de la langue française, comme celui que nous avons au Québec, mais plutôt un office des langues officielles, pour que ce ne soit pas un ministère ou deux en particulier qui s’occupe de ce dossier, mais une entité distincte?

M. Théberge : Nous entrevoyons que cela se fasse par un organisme central, car il n’y a que quelques organismes centraux qui ont une responsabilité pangouvernementale. Je reviens à Keith Spicer, qui était le premier commissaire aux langues officielles et qui disait déjà qu’il était nécessaire d’assurer une coordination pangouvernementale. Il y a quelques organismes centraux qui pourraient le faire, surtout le Conseil du Trésor. Par le passé, différents modèles ont été utilisés pour assurer une meilleure intendance et une meilleure gestion des langues officielles au sein de l’appareil fédéral.

Je ne veux pas dicter au gouvernement comment s’organiser, mais en ce qui concerne le Conseil du Trésor, on pourrait certainement le structurer d’une certaine façon, par exemple, ne pas déléguer les pouvoirs aux administrateurs généraux. C’est que l’on voit depuis longtemps. Nous travaillons avec les institutions fédérales indépendamment l’une de l’autre, mais elles ont des pouvoirs délégués qu’elles n’utilisent pas nécessairement de la meilleure façon. Il faut qu’il y ait une reddition de comptes de la part des institutions fédérales et le ministère du Patrimoine canadien a toujours un rôle à jouer. Comme je l’expliquais plus tôt, le ministère du Patrimoine canadien a une grande expertise et une grande expérience avec les communautés, mais je pense que si l’on parle d’une gouvernance pangouvernementale, on doit penser à une agence. Selon moi, les langues officielles, ce n’est pas un programme, c’est une valeur fondamentale qui devrait être au cœur du fonctionnement de l’appareil gouvernemental.

Le sénateur Gignac : J’ai une deuxième question.

Le président : Allez-y, sénateur Gignac.

Le sénateur Gignac : Allons à la page 10 de votre mémoire. Vous parlez de la supervision dans la langue officielle de son choix dans les régions désignées bilingues. Le Conseil du Trésor indique toutefois dans sa directive que seuls les employés occupant des postes désignés bilingues pourront être supervisés dans la langue officielle de leur choix. Cela ne devrait pas être lié au poste qu’ils occupent, cela devrait plutôt être leur choix. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? Je vois des problèmes éventuels et des iniquités si un employé occupe un tel poste comparativement à un autre qui n’occupe pas un tel poste.

M. Théberge : L’année dernière, on a fait une étude sur l’insécurité linguistique au sein de l’appareil fédéral. Beaucoup de fonctionnaires nous ont dit qu’ils se sentaient mal à l’aise d’utiliser leur langue maternelle ou leur langue seconde, et quand je parle de langue maternelle, il s’agit du français. Si l’on veut créer un milieu de travail inclusif sur le plan linguistique, il faut que les gens soient en mesure de travailler dans la langue officielle de leur choix. La supervision ne signifie pas que si on occupe un poste essentiel, on mettra de côté sa langue maternelle. Voilà ce que nous disons : si on travaille dans une région désignée bilingue aux fins de la langue de travail, on devrait être supervisé dans la langue de son choix.

Le sénateur Gignac : Merci beaucoup.

Le président : Merci. Nous commençons notre deuxième tour.

La sénatrice Poirier : Ma question porte également sur la partie 2 du projet de loi C-13. Avec cette nouvelle loi, les entreprises privées de compétence fédérale peuvent choisir à quel régime linguistique elles vont souscrire. Selon vous, quel est le risque de donner ce choix aux entreprises? Enfin, pourquoi le gouvernement donne-t-il ce choix aux entreprises?

M. Théberge : Je ne peux pas dire pourquoi le gouvernement leur donne un tel choix, mais je pense qu’offrir un tel choix va certainement mener à de la confusion chez les consommateurs. Cela suppose qu’une entreprise pourrait décider de se souscrire à un régime linguistique au Québec et à un autre régime à l’extérieur du Québec. Ce n’est donc pas nécessairement clair pour le consommateur qui veut savoir quand des lois s’appliquent ou non. Il y aura donc de la confusion.

De plus, en ce qui a trait à la conformité, cela pourrait sans doute poser des difficultés. Il existe déjà un vide juridique à cet effet. Ce n’est pas au commissaire aux langues officielles de décider quel ordre de gouvernement ou qui a les compétences requises dans le domaine, car je ne suis pas un constitutionnaliste. Pour le consommateur, quand il fait affaire avec une entreprise, il faut qu’il sache clairement de quel régime elle relève pour être en mesure de faire respecter ses droits.

La sénatrice Poirier : Est-ce qu’il serait possible d’ouvrir la porte aux provinces pour leur offrir la même chose?

M. Théberge : C’est difficile de prédire ce que les autres provinces voudront faire. Je ne peux pas spéculer là-dessus; ce serait de la pure spéculation de ma part de suggérer une réponse.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Théberge, d’une part, vous vous réjouissez du dépôt du projet de loi C-13, mais d’autre part, j’ai remarqué que vous ajoutez une très longue liste de lacunes et que sa mise en œuvre, malgré ses défaillances, pourrait prendre plusieurs années.

La semaine dernière, le directeur parlementaire du budget nous a dit que ce projet ne contenait pas le budget nécessaire pour réaliser ses objectifs, ce qui pourrait donner au gouvernement l’excuse de ne pas agir rapidement. Estimez-vous que nous devrions connaître la teneur des règlements à venir avant d’adopter le projet de loi?

M. Théberge : Dans certains cas, au lieu de penser au règlement, il faudrait peut-être penser à inclure certains éléments dans la loi. La loi sera adoptée par décret, donc ce n’est pas automatique. Une fois que la loi est adoptée par décret, on pourra commencer les travaux sur le règlement.

Cela peut donc prendre un certain nombre d’années. Y a-t-il certains éléments que l’on ne pourrait pas inclure dans la loi comme telle? Le comité pourrait se pencher là-dessus. Il serait sans doute possible d’exiger et d’imposer une limite de temps avant que le décret soit déclaré. J’ai l’impression qu’on peut faire une séparation entre la Loi sur les langues officielles et la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, parce que l’une peut être adoptée à un certain moment et l’autre à un autre moment. Comment arrimer le tout? Il y a une réflexion importante à faire sur les échéanciers et sur ce qu’il faudrait inclure réellement dans le corps du projet de loi.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur le commissaire aux langues officielles.

La sénatrice Moncion : Nous avons rencontré des membres du Quebec Community Groups Network (QCGN), qui nous ont indiqué qu’il avait une inquiétude sur l’usage du français dans les entreprises privées en fonction de la loi. Ils nous ont indiqué que cela pouvait causer un risque par rapport à l’employabilité des Anglo-Québécois. Je voudrais vous entendre à ce sujet.

M. Théberge : C’est une question intéressante. Évidemment, pour certains, accéder à un poste dans une entreprise privée ou même accéder à un poste dans la fonction publique fédérale... Il y a des similarités sur le plan des compétences pour accéder à certains types de postes. Je n’ai pas de données pour appuyer ce qui a été dit. Une donnée que l’on semble utiliser souvent au Québec, c’est d’indiquer que la communauté anglophone est une communauté bilingue et que beaucoup de jeunes sont bilingues. Est-ce que c’est réellement un risque ou un danger? Je pense qu’on devrait creuser la question pour savoir si cela aura un impact sur la communauté. Je pense que la Loi sur l’usage du français — et votre question a également évoqué ce problème — inquiète beaucoup les membres de la communauté d’expression anglaise au Québec. Ils me l’ont dit à plusieurs reprises, et je l’ai déjà mentionné au comité. Je pense qu’il est important, lorsque les travaux se poursuivront, de tenir compte de ces préoccupations et de ces inquiétudes.

Je reviens à ce que j’ai dit plus tôt : on a deux communautés de langue officielle en situation minoritaire. On a deux langues officielles et je pense qu’ultimement, on voudrait un projet de loi où tout le monde trouverait sa place.

Le président : À mon tour de vous poser une question. Toujours sur cette question de cohérence, monsieur le commissaire, à la page 7 de votre mémoire, vous dites ceci :

La LLO n’est pas que la somme de ses parties. Il faut la concevoir comme un tout dont les composantes se renforcent les unes les autres. L’absence de dispositions clés dans le projet de loi C-13, qui affermiraient les obligations des institutions lorsqu’elles communiquent avec le public et lui offrent des services, et qui renforceraient leurs obligations envers leurs employés, est le maillon faible qui nuit à la réussite de l’ensemble du projet de loi.

On parle de la cohérence entre la partie IV et la partie V, donc celle qui touche les services et les communications et celle qui touche la langue de travail. J’aimerais vous entendre davantage là-dessus, pour que vous nous expliquiez les défis liés à la cohérence et l’importance de la cohérence entre ces deux parties.

Vous dites ce qui suit en ce qui concerne la partie V :

Chose certaine, la LLO doit être modernisée pour assurer une cohérence entre les régions désignées bilingues pour les fins de la langue de travail et les bureaux devant communiquer [...]

Ce sont aussi des défis de cohérence sur lesquels on se questionne depuis longtemps. J’aimerais vraiment vous entendre sur cette question, monsieur le commissaire.

M. Théberge : Les régions qui sont désignées bilingues pour les fins de la langue de travail existent depuis 40 ans. Donc, ce sont les mêmes régions. Cependant, depuis 40 ans, il y a eu énormément de changements sur le terrain. On a, dans le nouveau règlement, des bureaux qui doivent offrir des services dans les deux langues officielles. Ils ne sont pas nécessairement arrimés l’un avec l’autre. Au minimum, ce serait important que les régions désignées bilingues pour les fins de la langue de travail se retrouvent là où sont situés les bureaux qui sont censés donner les services.

Ce qui est important, c’est que, quand on parle de cohérence, si on veut être en mesure d’offrir des services et de communiquer, on doit avoir la capacité de le faire. La capacité, ce sont les employés et les fonctionnaires. On doit soutenir les fonctionnaires en leur donnant de la formation et des outils et en leur donnant la possibilité de travailler dans les deux langues officielles, mais il faut arrimer les régions, d’une part les bureaux et d’autre part les régions désignées bilingues pour les fins de la langue de travail.

De plus, l’offre active est un élément extrêmement important. C’est ce qui déclenche le comportement d’un citoyen et c’est ce qui lui indique qu’il est en mesure d’obtenir un service dans la langue de son choix. Pendant trop longtemps, j’ai constaté que si l’on évite de faire l’offre active, on évite la possibilité d’offrir le service. C’est limitatif.

D’autre part, est-ce qu’on a la capacité de le faire? Les langues officielles en situation d’urgence sont un parfait exemple. De toute évidence, depuis toujours, dans presque tous les cas de situations d’urgence, on constate qu’on n’est pas en mesure de communiquer avec les Canadiens dans les deux langues officielles en même temps.

Encore une fois, il y a 50 ans, les services et les communications, c’était l’idée principale. On voulait que tous les Canadiens puissent recevoir des services dans la langue de leur choix. En 2022, c’est loin d’être le cas. La plupart des plaintes que l’on reçoit touchent la prestation des services et la langue de communication. Dans l’histoire du Commissariat aux langues officielles, jusqu’à maintenant, on a reçu au-delà de 60 000 plaintes.

Le président : Merci, monsieur le commissaire. J’ai une autre question qui touche le public voyageur et là encore, je vous demanderais de nous brosser un portrait des principaux défis. Vous avez énuméré cela dans votre mémoire. Nous allons rencontrer tout à l’heure des représentants d’Air Canada, qui est l’un des transporteurs qui ont des obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Il y a d’autres transporteurs qui n’ont pas ces obligations. Le comité avait fait des recommandations en 2019 à cet égard. On souhaiterait que les autres transporteurs aient des obligations. Pouvez-vous nous expliquer quels sont les principaux défis par rapport au public voyageur et nous parler du besoin de cohérence par rapport à certaines dispositions du projet de loi C-13 qui permettrait d’améliorer cette situation?

M. Théberge : Dans le projet de loi C-13, on mentionne la possibilité d’imposer des sanctions pécuniaires dans le domaine des transports. Ce n’est pas tout à fait défini, mais je pense que cela va au-delà de ça. Je pense que lorsqu’on regarde le public voyageur, il y a un ensemble d’institutions qui touchent ce public. Oui, il y a les transporteurs aériens et les administrations aéroportuaires, qui ont été cédées en 1992. Il y a la question de la sécurité dans les aéroports et des services frontaliers. Chaque année, ce secteur génère un nombre important de plaintes. Il est important de préciser dans la loi quelles sont les obligations de ces institutions. Je pense que trop souvent, ces institutions font une lecture très étroite dans leurs obligations conformément à la loi.

Il y a eu une décision récente de la Cour d’appel concernant St. John’s, mais elle a fait l’objet d’un appel. Ce n’est pas nécessaire d’attendre une décision de la Cour d’appel pour apporter des changements à la loi. Je pense qu’il faut regarder le public voyageur dans son ensemble. Quels sont les intervenants qui ont un impact sur le voyage d’un Canadien ou d’une Canadienne? Est-ce que lorsqu’on change d’aéroport, on change de régime? Lorsqu’on change de transporteur, est-ce qu’on change de régime? Faire affaire avec des agents de sécurité est aussi une partie du voyage. C’est très complexe et cela touche énormément de Canadiens. On a qu’à regarder ce qui se passe dans le milieu actuellement. Donc, il est important de spécifier ces obligations dans le projet de loi. Il y en a qui y figurent déjà, mais il faut s’assurer qu’elles sont respectées.

Le président : Est-ce que cela explique le besoin ou le défi de cohérence entre la partie 1, qui est la Loi sur les langues officielles, qui fait l’objet d’une modernisation, et la partie 2, qui est la Loi sur l’usage du français, puisque cela touche les entreprises privées? Dans l’écosystème dont nous parlons, il y a beaucoup d’entreprises privées, évidemment.

M. Théberge : Certaines sociétés seront assujetties à la Loi sur les langues officielles et d’autres seront assujetties à la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Ce ne sont pas les mêmes obligations.

Le président : Merci de ces précisions. Monsieur le commissaire, merci beaucoup de votre présentation. Merci aussi à l’équipe du Commissariat aux langues officielles, qui vous appuie dans ce travail si important pour nous. Comme je l’ai dit au départ, nous faisons une étude préalable.

On ne sait pas exactement à quel moment le projet de loi C-13 arrivera de la Chambre des communes, mais il est évident qu’on vous invitera encore une fois pour vous entendre sur ce projet de loi, qui aura été modifié conformément à ce que la Chambre des communes aura décidé.

Je vous remercie énormément, monsieur le commissaire, ainsi que les membres de votre équipe.

Chers collègues, nous avons maintenant parmi nous, pour la deuxième partie de notre réunion, des représentants du secteur des transporteurs.

D’abord, d’Air Canada, nous recevons M. David Rheault, vice-président, Relations gouvernementales et avec les collectivités, ainsi que Me Marc Barbeau, vice-président général et chef des affaires juridiques. Du Conseil des aéroports du Canada, nous recevons M. Chris Phelan, vice-président, Affaires gouvernementales et industrielles.

Bienvenue au comité. Merci d’avoir accepté notre invitation. Je tiens à souligner que le sénateur Loffreda se joint à nous pour notre deuxième groupe de témoins.

Monsieur Rheault, la parole est à vous.

David Rheault, vice-président, Relations gouvernementales et avec les collectivités, Air Canada : Monsieur le président, tout d’abord, j’aimerais vous remercier de l’invitation à comparaître devant vous aujourd’hui. Je suis accompagné de mon collègue Me Marc Barbeau, vice-président général et chef des affaires juridiques chez Air Canada.

Pour commencer, j’aimerais partager avec vous quelques mots sur l’engagement d’Air Canada en matière de langues officielles. D’abord, sachez que nous sommes déterminés à continuer à mettre en œuvre nos obligations. Chez Air Canada, servir nos clients dans la langue de leur choix est une priorité.

Au fil des années, nous avons mis en place une série de mesures que nous continuons d’améliorer. Par exemple, nous priorisons toujours le recrutement d’employés bilingues. Nous offrons des cours de formation linguistique et des modules de sensibilisation à tous nos employés. Nous avons mis en place des systèmes d’assignation de personnel pour assurer la disponibilité du service bilingue, et ce, à la grandeur de notre réseau mondial. Nous appuyons de nombreux organismes et événements essentiels à la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada.

Il y a toujours place à l’amélioration, mais nous sommes extrêmement fiers des efforts fournis par nos milliers d’employés chaque jour pour servir les Canadiens dans la langue de leur choix.

Nous avons pris connaissance du projet de loi C-13, qui fait suite à de nombreuses années de consultations auxquelles nous avons participé activement.

D’abord, soulignons les mesures prévues dans le projet de loi qui contribueront à améliorer la place du français et l’offre de service dans les deux langues officielles au Canada. Parmi celles-ci, nous soulignons l’adoption d’une politique en matière d’immigration francophone ainsi que le mandat donné au ministre du Patrimoine dans le but de permettre à tous ceux et celles qui le souhaitent d’apprendre le français et l’anglais.

Cela dit, afin d’améliorer le projet de loi, nous proposons des changements visant essentiellement deux objectifs : premièrement, assurer l’uniformité des obligations applicables et des pouvoirs du commissaire à l’égard de tous les transporteurs aériens, comme l’avait proposé ce comité en 2019 dans son rapport sur la modernisation de la loi. Ensuite, s’assurer que les nouveaux pouvoirs du commissaire sont mis en œuvre de façon juste et équitable, en permettant notamment que les mesures prises par les transporteurs aériens pour faire face à leurs obligations soient prises en compte.

Nous rappelons qu’en ce moment, Air Canada est le seul transporteur aérien à avoir des obligations en matière de langues officielles, alors que les lois et règlements qui prévoient d’autres droits en faveur des passagers s’appliquent à toute l’industrie.

Le projet de loi est un pas dans la bonne direction en ce sens pour le public voyageur, mais il devrait être plus précis et clarifier la nature et la portée des droits des voyageurs.

Tel qu’il est rédigé, le projet de loi crée un nouveau concept, celui de régions à forte présence francophone, mais repose sur le processus réglementaire, la définition et la portée de ce concept.

Or, des règles claires prévues au Règlement sur les langues officielles établissent déjà une méthode pour calculer une demande importante pour les services aériens au pays.

Plutôt que de créer deux régimes linguistiques parallèles, avec la confusion que cela entraînerait auprès du public voyageur, nous vous encourageons à reprendre les concepts existants et à préciser que, en matière de transport aérien, les trajets et les services aux aéroports assujettis aux obligations de bilinguisme sont déterminés en suivant le calcul de la demande importante prévue par règlement.

Cette approche assurerait l’uniformité dans l’industrie, comme ce comité l’a recommandé, et les gagnants seraient les passagers, qui auraient droit aux mêmes services, peu importe le transporteur qu’ils choisissent.

De la même façon, le projet de loi donne des pouvoirs différents au commissaire selon les entités visées. Par exemple, le pouvoir d’émettre des sanctions pécuniaires se limite aux sociétés d’État, aux entreprises assujetties à la Loi sur les langues officielles en vertu d’une autre loi, pour autant qu’elles exercent leurs activités dans le domaine du transport et rendent des services aux voyageurs.

Le gouvernement s’est non seulement exclu lui-même de ce nouveau pouvoir, mais il a aussi exclu les autres entités que le projet de loi entend par ailleurs viser.

À nos yeux, il y a ici un manque de cohérence et d’uniformité. Cela dit, nous avons toujours été déterminés à faire face à nos obligations en matière linguistique comme en toute chose, quelles que soient les mesures que peuvent prendre les autorités qui nous régissent.

Nous croyons que les nouveaux pouvoirs du commissaire devront être mis en œuvre de façon juste et équitable. Nous proposons que le projet de loi soit modifié pour permettre aux entités visées par les nouveaux pouvoirs du commissaire d’invoquer la défense de diligence raisonnable, soit de démontrer qu’elles ont été diligentes dans la mise en œuvre de leurs obligations.

Il s’agit d’un concept bien connu en droit, que le projet de loi écarte en tout temps et sans égard aux circonstances. À notre avis, cette approche ne tient pas compte des efforts importants mis en œuvre afin de s’acquitter de ses obligations, lesquels devraient être considérés dans toute application de la loi.

Je vous remercie de m’avoir écouté. Mon collègue et moi sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup de votre présentation, monsieur Rheault. Nous passons la parole à M. Chris Phelan, puis nous passerons à la période de questions.

Monsieur Phelan, la parole est à vous.

[Traduction]

Chris Phelan, vice-président, Affaires gouvernementales et industrielles, Conseil des aéroports du Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant le comité. Le Conseil des aéroports du Canada est heureux de partager son point de vue sur le projet de loi C-13.

Le CAC est la voix des aéroports du Canada. Nos 58 membres représentent plus de 100 aéroports, dont tous les aéroports du Réseau national des aéroports et de nombreux aéroports régionaux.

Avant la pandémie, le secteur aéroportuaire du Canada accueillait plus de 160 millions de passagers, employait plus de 200 000 personnes, générait plus de 19 milliards de dollars pour le PIB et payait plus de 400 millions de dollars en loyer sur les baux fonciers au gouvernement fédéral.

Les aéroports du Canada sont fermement déterminés à offrir à la clientèle un service de qualité exceptionnelle, notamment en respectant les obligations prévues dans la Loi sur les langues officielles, afin de fournir des services aux voyageurs dans l’une ou l’autre des langues officielles du Canada. Les aéroports du Canada sont remplis de voyageurs ayant une multitude de besoins linguistiques, y compris un nombre croissant de voyageurs qui ne parlent aucune des langues officielles du Canada. Comme la part des voyages internationaux de l’ensemble des voyages continue de s’accroître dans les aéroports du Canada, on peut s’attendre à ce que la demande de services dans la langue de la minorité augmente également. On s’attend aussi à ce que les besoins de notre population vieillissante et d’un contingent croissant de voyageurs à mobilité réduite continuent d’augmenter.

Les aéroports du Canada s’engagent à répondre aux besoins de tous les passagers au mieux de leurs capacités et de la manière la plus efficace possible. Nous croyons qu’il existe de nombreuses preuves que nous y parvenons. En fait, l’excellence de l’expérience des passagers est une caractéristique des aéroports du Canada. Chaque année, nos aéroports obtiennent les meilleures notes au classement international des services à la clientèle de Skytrax et des prix de la qualité des services décernés par le Conseil international des aéroports. Ces prix visent à reconnaître les meilleurs aéroports du monde en se fondant sur des sondages sur la satisfaction des passagers. De nombreux aéroports canadiens arrivent en tête, année après année, des classements nord-américains et mondiaux.

Dans notre analyse du projet de loi C-13, nous avons cerné deux sources de préoccupation et un élément positif.

La première préoccupation concerne la création de sanctions administratives pécuniaires pour les entités qui contreviennent à la Loi sur les langues officielles. En réalité, les autorités aéroportuaires ne contrôlent directement qu’une petite partie des services et des entreprises qui mènent leurs activités à l’intérieur de l’aéroport. En fait, la majorité des interactions des voyageurs se font avec du personnel qui n’appartient pas à l’aéroport, notamment les transporteurs aériens nationaux et étrangers, les agents de contrôle de la sécurité, les agents des services frontaliers et les exploitants de comptoirs de vente d’aliments, de boissons et de vente au détail. Bien que les aéroports aient inscrit des exigences en matière de bilinguisme dans leurs contrats avec leurs locataires, dans de nombreuses régions du pays où les populations qui parlent la langue de la minorité sont peu nombreuses, la capacité d’embaucher du personnel bilingue représente un défi de taille, en particulier pour les nombreux postes de service à la clientèle dans tout l’aéroport.

Les aéroports s’inquiètent du fait que ces sanctions administratives pécuniaires leur seront imposées même lorsque leurs meilleurs efforts et intentions d’offrir des services bilingues ne suffisent pas.

Deuxièmement, la loi confère au commissaire le nouveau pouvoir de rendre des ordonnances lorsque les mécanismes de conformité, y compris les nouveaux accords de conformité, ne donnent pas les résultats escomptés par le commissaire. Sans en savoir plus, le pouvoir de rendre des ordonnances pourrait être un outil très puissant et de vaste portée pour imposer la conformité.

Enfin, nous reconnaissons qu’il y a aussi des bonnes choses dans le projet de loi C-13, en particulier les modifications à l’article 58. Ces pouvoirs accordés au commissaire faciliteront le rejet de plaintes et permettront au bureau du commissaire et aux aéroports de gagner du temps et d’économiser leurs efforts au lieu de régler des enjeux désuets et déjà résolus.

Encore une fois, les aéroports du Canada sont fermement déterminés à offrir des services de qualité exceptionnelle à la clientèle, notamment en respectant les obligations prévues dans la Loi sur les langues officielles. Nous vous remercions encore une fois et nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur. Nous sommes prêts à passer aux questions. Comme nous l’avons déjà dit, il s’agit de séries de questions de cinq minutes, et cela comprend les réponses. Nous suivrons ce modèle pendant la prochaine heure.

[Français]

Je donnerai d’abord la parole à la sénatrice Poirier. Je vous remercie d’indiquer à qui s’adresse votre question, chers collègues.

La sénatrice Poirier : Ma question s’adresse aux deux témoins et porte d’abord sur la partie 2 du projet de loi C-13. La semaine dernière, les témoins d’ETCOF nous ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’incertitude entourant la partie 2 en disant qu’il n’y aura pas de règlement. Ils ne savent pas à quoi s’attendre. Partagez-vous les mêmes inquiétudes, et devrions‑nous retirer la partie 2 du projet de loi C-13 en demandant au gouvernement qu’il prenne le temps de bien définir les éléments clés avant l’adoption du projet de loi plutôt qu’après?

M. Rheault : La partie 2 de la loi, est-ce bien la partie qui s’applique aux entreprises de compétence fédérale, la nouvelle partie que le commissaire appelait la LUF?

Le président : Oui, c’est la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

M. Rheault : Voilà. En ce qui concerne l’application de cette loi, il faut comprendre — et c’est ce qu’on essaie d’expliquer dans la présentation — que cette partie ne couvrira pas les entreprises qui sont déjà assujetties à la Loi sur les langues officielles en vertu d’une autre loi. Par exemple, Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles en vertu de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada.

Comme entreprise privée, Air Canada va quand même rester assujettie — je ne sais pas si cela s’appelle la partie 1 — à la Loi sur les langues officielles telle qu’elle existe aujourd’hui. C’est la même chose pour les aéroports, qui sont déjà assujettis à la loi parce qu’ils ont été privatisés par le gouvernement.

Ce que nous disons dans notre présentation, c’est que le régime qui s’appliquera aux autres transporteurs aériens en vertu de la partie 2 de cette loi doit être cohérent avec le régime actuellement en place dans la partie 1 pour que les passagers s’y retrouvent, car, en vertu de la loi actuelle, des règlements définissent quels trajets doivent être bilingues et quels services, dans quels aéroports, doivent être bilingues. Si l’on définit ces concepts pour les autres transporteurs aériens, il est important que ce soit la même chose, sinon les passagers vont se confondre dans ces régimes.

[Traduction]

La sénatrice Poirier : Monsieur Phelan, avez-vous des commentaires à formuler?

M. Phelan : Oui. Si je comprends bien, comme les aéroports du Réseau national des aéroports sont déjà visés par la Loi sur les langues officielles, la partie 2 ne s’appliquerait pas. Compte tenu des divers modèles de gouvernance, la plupart des aéroports sont des entités municipales, et je ne crois donc pas que cette loi s’appliquerait. Mais j’en apprends toujours plus et je serais heureux qu’on me corrige si je me trompe.

[Français]

La sénatrice Poirier : Ai-je encore du temps, monsieur le président?

Le président : Oui, mais il y a un petit défi technique.

Merci, monsieur Rheault. Nous allons reprendre. Veuillez m’excuser, je ne sais plus où nous en étions.

La sénatrice Poirier : J’avais une question, monsieur le président.

Le président : Allez-y, sénatrice.

La sénatrice Poirier : J’avais d’autres questions, mais je ne sais pas si cela vaut la peine de les poser, si j’ai bien compris les réponses. Êtes-vous en train de me dire que vous n’avez aucune obligation conformément à la partie 2 du projet de loi C-13, que cela ne vous touche pas du tout? Ai-je bien compris cela?

M. Rheault : En fait, ce que nous avons expliqué, c’est que la partie 2 crée des obligations pour les entreprises qui, à l’heure actuelle, ne sont assujetties à aucune obligation linguistique. Pour ce qui est d’Air Canada et des aéroports, nous sommes déjà assujettis à la Loi sur les langues officielles. Alors non, la partie 2 ne vient pas changer cela. Les obligations qui s’appliquent à Air Canada figurent dans la loi actuelle, qui sera modifiée par le projet de loi C-13. Donc...

La sénatrice Poirier : Sur le plan de vos obligations actuelles en vertu de la Loi sur les langues officielles, il n’y a rien d’autre dans la partie 2 du projet de loi C-13 qui couvre cela, car vous êtes déjà couverts. Est-ce que je comprends bien?

M. Rheault : Tout à fait. Par exemple, je ne sais pas si on peut l’appeler la partie 1, mais la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada sera modifiée dans le sens où le commissaire aura davantage de pouvoirs, notamment celui d’émettre des sanctions pécuniaires, mais ce qui est prévu à la partie 2, c’est un nouveau régime linguistique pour les entreprises de compétence fédérale qui ne sont pas déjà couvertes par la loi actuelle.

On parle, par exemple, des autres transporteurs aériens, des télécommunications et des banques, mais les obligations d’Air Canada en vertu de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada sont déjà prévues dans le régime actuel. Les lieux où ces obligations s’appliquent sont déjà définis par règlement.

La sénatrice Poirier : J’étais seulement un peu surprise, parce que nous étudions la partie 2 alors qu’en réalité, cela ne vous touche pas du tout.

Le président : Si je peux me permettre de poser une question complémentaire pour éclairer la vôtre...

La sénatrice Poirier : S’il vous plaît.

Le président : La question est complémentaire. Cela voudrait dire, dans un cas d’espèce, qu’Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles et qu’une autre compagnie aérienne, par exemple, serait assujettie à la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Monsieur Rheault, est-ce qu’Air Canada est préoccupée par cette différence de régime pour des compagnies aériennes qui ont le même mandat, c’est-à-dire transporter des voyageurs au Canada?

M. Rheault : En fait, notre position publique, qui a été reprise dans le rapport du comité sénatorial sur la modernisation de la loi en 2019, est qu’il devrait y avoir une certaine uniformité dans les régimes applicables à l’ensemble de l’industrie. Il faudrait arrimer la définition de la demande importante qui sera applicable en vertu de la partie 2 à celle qui est applicable en vertu de la loi actuelle.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le président : Merci beaucoup de cette réponse.

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins.

Monsieur Rheault, je n’ai pas de difficulté avec votre nom de famille, car l’une de mes meilleures amies à l’école se nommait Mme Rheault. Allons-y pour la partie 2; vous venez de le dire, c’est la partie qui concerne la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Nous avons compris la nuance que vous vouliez apporter.

Pour ma part, ce qui m’intéresse, c’est l’usage du français au sein d’Air Canada, puisque votre siège social est situé à Montréal.

J’ai deux courtes questions à vous poser. La première porte sur la possibilité, pour un employé francophone qui travaille actuellement chez Air Canada à Montréal, d’avoir accès à une rencontre en français. Je ne parle pas d’une rencontre de groupe à plusieurs personnes, pour laquelle je crois comprendre que c’est sans doute l’anglais qui sera la langue utilisée.

Cependant, lors d’une rencontre annuelle d’évaluation, par exemple avec son gestionnaire, l’employé francophone a-t-il la possibilité de parler en français et que son gestionnaire lui réponde en français?

Il s’agit tout de même de cela dont on parle dans la partie 2 de cette loi, même si je comprends bien qu’elle ne s’appliquera peut-être pas à Air Canada.

M. Rheault : Tout à fait. Je peux témoigner en raison de mon expérience personnelle : mes évaluations de rendement se font toujours en français avec ma gestionnaire, qui est bilingue.

Le sénateur Gignac : Tous les employés francophones qui travaillent au Québec, dans le cadre de leur évaluation annuelle, ont la même possibilité de s’adresser en français à leur gestionnaire, qu’il soit anglophone ou bilingue, et peuvent donc tenir une conversation en français?

M. Rheault : Oui, et les employés peuvent choisir la langue dans laquelle ils veulent recevoir leurs communications. Ils choisissent également la langue dans laquelle ils veulent faire leur processus d’évaluation.

Le sénateur Gignac : Parfait; cela me rassure.

Ma deuxième question sera très brève et concerne les présentations au conseil d’administration. J’ai travaillé au sein de différentes institutions financières, et certains conseils d’administration se sont dotés de services d’interprétation simultanée pour ne pas pénaliser les gestionnaires ou les employés spécialisés qui doivent faire des présentations dans la langue de leur choix aux conseils d’administration.

Au conseil d’administration d’Air Canada, y a-t-il actuellement un système d’interprétation simultanée en place pour les administrateurs, afin que les employés ou les gestionnaires francophones puissent utiliser la langue de leur choix lors des présentations?

M. Rheault : Pour cette question, je devrai vérifier avec le secrétariat corporatif, car je n’assiste pas aux réunions du conseil d’administration.

Le sénateur Gignac : S’il vous plaît. Monsieur le président, c’est à noter. Merci, monsieur Rheault.

Le président : Merci, sénateur Gignac. Merci, monsieur Rheault. C’est effectivement une information qui pourrait être pertinente pour nous. Merci d’assurer un suivi de cette question.

Le sénateur Loffreda : Merci à nos témoins d’être parmi nous ce soir.

[Traduction]

Ma question s’adresse à M. Chris Phelan, du Conseil des aéroports du Canada. Vous avez exprimé deux sujets de préoccupation. Comment atténueriez-vous ces risques? Pensez‑vous pouvoir les atténuer? Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par la gestion de ces risques à l’avenir? J’aimerais que vous nous en disiez davantage sur ces enjeux si c’est possible.

M. Phelan : Je vous remercie de votre question. Le problème fondamental se résume à un manque de précision, dans le projet de loi, sur la façon exacte dont fonctionneront les sanctions administratives pécuniaires ou les pouvoirs de rendre des ordonnances. Je pense qu’on a mentionné, lors de la session précédente, que plus de détails pourraient être fournis. C’est vraiment ce qui préoccupe notre industrie. Pour l’instant, il s’agit de nouveaux outils dont l’application est inconnue. Nous aimerions simplement en savoir plus. Nous ne sommes pas contre ces outils; nous cherchons simplement à obtenir plus de renseignements à leur sujet.

Le sénateur Loffreda : Pensez-vous qu’il existe des moyens d’améliorer ce projet de loi ou cette loi? Avez-vous discuté de certaines préoccupations avec vos collègues ou vos gestionnaires, et aimeriez-vous nous les communiquer maintenant, par exemple en suggérant un amendement qui, selon vous, devrait être apporté pour éliminer l’incertitude? Nous parlons d’incertitude et de coûts, mais selon vous, pourrait-on apporter certaines améliorations qui permettraient de réduire l’incertitude?

M. Phelan : C’est le problème habituel des lois canadiennes. Elles ont souvent une vaste portée et les détails sont précisés dans les règlements, et il faut donc connaître le libellé de la réglementation. Nous avons donc quelques questions, mais pour l’instant, nous n’avons pas d’amendement à proposer au projet de loi C-13.

Le sénateur Loffreda : D’accord. Vous a-t-on consultés?

M. Phelan : Il y a eu un document de travail et nous avons présenté un mémoire dans le cadre de ce processus. Si je me souviens bien, la consultation s’est limitée à cela.

Le sénateur Loffreda : Étiez-vous satisfaits de la consultation ou pensez-vous qu’on aurait pu mener une consultation plus approfondie? Avez-vous trouvé le processus satisfaisant?

M. Phelan : Je ne peux pas dire que nous étions insatisfaits du processus.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.

[Français]

Ma prochaine question s’adresse à M. Rheault, d’Air Canada. Merci de votre présence parmi nous.

Si je comprends bien, vous avez mentionné que le projet de loi C-13 n’implique aucune modification. En ce qui a trait au processus d’embauche ou pour la formation des employés, le projet de loi C-13 a-t-il un impact financier ou non pour Air Canada?

Si le projet de loi C-13 n’a pas d’impact pour Air Canada, qu’en est-il de l’impact du projet de loi no 96 du Québec? Comment voyez-vous ce projet de loi et son impact pour Air Canada?

M. Rheault : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je ne dirais pas que le projet de loi C-13 n’a pas d’impact pour Air Canada, parce que le projet de loi C-13 comporte de nouvelles obligations pour les entreprises privées qui ne sont pas déjà assujetties à la loi. Il y a également de nouveaux pouvoirs octroyés au commissaire, et cela modifiera les méthodes de mise en œuvre de la loi. À cet égard, ces changements s’appliqueront aux entités déjà assujetties à la loi, dont Air Canada.

Quant à votre deuxième question sur le projet de loi no 96, pour toute la question de l’application des régimes linguistiques au Québec et de la partie 2 de la loi fédérale qui, selon ce que je comprends, donnera le choix aux entreprises fédérales, Air Canada, qui n’est pas assujettie à cette partie, mais plutôt à la loi telle qu’on la connaît actuellement, devra continuer de mettre en œuvre ses obligations en vertu de la loi fédérale. Ses efforts seront concentrés là-dessus.

Cela dit, d’autres aspects du projet de loi no 96 modifieront d’autres lois d’application générale au Québec, et cela aura un impact pour toutes les entreprises comme Air Canada. Par exemple, à l’égard du dépôt de procédures judiciaires, le Code de procédure civile sera modifié; ces éléments toucheront toutes les entreprises au Québec.

Le sénateur Loffreda : Merci beaucoup.

Le sénateur Dagenais : Ma première question s’adresse à M. Phelan.

Le gouvernement du Québec réclame que les organismes fédéraux, comme les aéroports situés sur le territoire québécois, accordent la prépondérance au français dans leur affichage. Cela implique que le mot « bienvenue » serait en plus gros caractères que le mot « welcome », notamment à l’aéroport international Montréal-Trudeau. Voyez-vous cette demande de façon positive? Sinon, expliquez-nous pourquoi.

[Traduction]

M. Phelan : Les aéroports sont assujettis à la Loi sur les langues officielles. Je pense que nous devrions respecter nos obligations fédérales. Je pense que c’est la position que nous devrions probablement adopter. Je pense que si l’affichage était modifié, cet aéroport contreviendrait à la Loi sur les langues officielles, et cela représenterait donc un défi de taille. Actuellement, ils sont réglementés par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie. Ma seconde question s’adresse à M. Rheault.

Nous savons que le nombre de plaintes contre Air Canada déposées au Bureau du commissaire aux langues officielles est particulièrement élevé. Disposez-vous d’une analyse de ces plaintes et de leur fondement, qui nous permettrait de connaître la prépondérance de ce volume de plaintes?

De plus, craignez-vous que certaines dispositions du projet de loi C-13 puissent entraîner une augmentation du nombre de plaintes?

M. Rheault : Il est vrai que, chaque année, des plaintes sont déposées contre Air Canada. Pour remettre les choses en perspective, plusieurs plaintes étaient liées cette année à un événement en particulier. Avant cela, le nombre de plaintes à l’endroit d’Air Canada se chiffrait à environ 80 par année. On parle, par exemple, d’une entreprise qui a transporté 50 millions de passagers en 2019. De plus, chaque passager peut avoir cinq ou six points de contact avec l’entreprise.

Lorsque vous faites votre réservation, que vous allez à l’aéroport, que vous faites votre enregistrement, vous vous rendez au salon, puis vous montez à bord de l’avion; chacune de ces étapes représente un point de contact. Il y en a donc plusieurs. Évidemment, nous essayons d’avoir le moins de plaintes possible. Toutefois, quand on compare le nombre de plaintes à l’endroit d’Air Canada au nombre de plaintes déposées contre d’autres institutions fédérales, il faut prendre en considération le volume de clients et le nombre d’interactions que nous avons avec les passagers.

Cela dit, notre objectif sera toujours d’améliorer nos efforts et nos mesures de mise en œuvre, et ce, peu importe les pouvoirs du commissaire. Ce qui importe pour nous, c’est d’offrir un service bilingue à nos clients.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Rheault, j’aimerais maintenant vous parler de la formation des employés. Avez-vous des données sur le nombre d’employés qui reçoivent de la formation pour leur permettre d’offrir des services en français? Cette formation est-elle réservée uniquement à ceux qui ont des contacts avec le public ou est-elle ouverte à tous les employés? Dans quelle proportion les anglophones s’inscrivent-ils à cette formation?

M. Rheault : Je n’ai pas tous ces détails. Par contre, je peux vous dire que la formation est offerte aux employés qui servent le public et aux gestionnaires. Nos formations sont adaptées aux différents besoins des employés. Par exemple, nous offrons des cours de maintien de l’acquis pour les employés bilingues, mais qui ne pratiquent pas souvent parce qu’ils travaillent dans des régions où le français est moins important. Chaque année, ces personnes suivent des sessions intensives pour maintenir leurs acquis. Nous offrons des cours de mise à niveau et d’autres cours aux employés de l’entreprise selon leurs fonctions.

Le sénateur Dagenais : Je ne voudrais pas que vous l’interprétiez comme une question-piège, mais je sais que la Gendarmerie royale du Canada offre une prime au bilinguisme. Serait-il possible d’offrir une telle prime chez Air Canada?

M. Rheault : Le recrutement d’employés bilingues est toujours une priorité pour nous. Cette année, par exemple, nous avons offert un incitatif aux employés qui aident à recruter des personnes bilingues. C’est un incitatif au recrutement.

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Rheault.

La sénatrice Clement : Bonjour et merci aux témoins.

Mes questions s’apparentent à celles du sénateur Dagenais. La question des employés et des investissements que doit faire Air Canada pour la formation des employés m’intéresse toujours. Êtes-vous en mesure de me dire combien vous investissez dans la formation linguistique?

M. Rheault : Je n’ai pas le chiffre exact, mais on parle de millions de dollars par année.

La sénatrice Clement : J’aimerais avoir plus de détails sur vos commentaires relativement à la défense de diligence raisonnable. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous voulez voir à ce sujet?

M. Rheault : Je vais vous donner un exemple et mon collègue Me Barbeau pourra renchérir. J’ai une formation d’avocat, mais elle est un peu plus loin derrière moi que celle de mon collègue.

En fait, la diligence raisonnable est une défense qui peut être invoquée lorsqu’on reproche, en droit réglementaire, la commission d’un fait reproché. Cette défense permet à la personne à qui l’on reproche cet acte de démontrer qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables pour éviter de le commettre, même si l’acte a été commis. Je vais vous donner un exemple concret. Nous avons reçu des plaintes sur des vols à demande importante. J’ai un exemple qui me vient à l’esprit et qui a été évoqué dans le rapport du commissaire. L’événement s’est produit lors d’un vol Montréal-Bathurst où l’agent de bord n’a pas été en mesure de servir l’employé dans la langue de son choix. Nous avons mené une enquête dans ce cas.

Comme je vous l’ai dit, nous avons un système d’assignation du personnel. Nous nous sommes rendu compte que l’agent de bord assigné à ce vol était malade et avait dû être remplacé la même journée. On n’a pas été en mesure de trouver un agent de bord bilingue pour le remplacer à la dernière minute. Sur une période de trois mois, on s’est rendu compte que c’est arrivé une seule fois, et à l’époque il y avait trois vols par jour.

Il s’agit d’un exemple où l’on pourrait mettre en preuve, devant le tribunal, que des mesures diligentes ont été prises pour éviter cette situation. Cela ne signifie pas que le tribunal retiendra cette défense. Toutefois, nous avons la possibilité de faire valoir nos mesures de mise en œuvre.

Me Marc Barbeau, vice-président général et chef des Affaires juridiques : Monsieur le président, si je peux me permettre...

Le président : Allez-y.

Me Barbeau : Mon collègue M. Rheault a bien répondu à la question, car ses notions de droit ne sont pas si lointaines. J’ajouterais que cette défense a été reconnue par la Cour suprême il y a plusieurs années et, comme l’a dit M. Rheault, elle s’applique à bon nombre d’infractions d’ordre réglementaire. Ce qu’il y a de particulier dans cette loi-ci, c’est le fait qu’on retire le droit de faire valoir cette défense. Comme l’a dit M. Rheault, il ne s’agit pas d’un automatisme; c’est l’occasion ou la possibilité de faire valoir qu’on a fait des efforts pour présenter tous les faits et les circonstances au tribunal. Ce sera alors au juge de déterminer si, oui ou non, dans toutes les circonstances qui auront été présentées, la défense devrait être retenue.

C’est dans ce contexte que nous avons fait notre commentaire. On veut avoir la possibilité de montrer les efforts que l’on a faits si une situation se présentait où l’on prétendrait que l’on n’a pas respecté nos obligations dans un cas particulier.

[Traduction]

La sénatrice Clement : Monsieur Phelan, j’ai récemment pris l’avion d’Ottawa à Regina. C’était mon premier vol depuis le début de la pandémie. Ce fut un désastre officiellement bilingue de ma part. En effet, j’ai oublié d’enlever mes chaussures, et j’ai oublié de sortir mon ordinateur portable de mon sac. Je n’étais pas prête. Mais j’ai été servie correctement en français et en anglais.

En fait, on m’a interrogée dans le cadre d’un sondage par la suite. Quelqu’un m’a approchée avec un sondage numérique pour me demander mon expérience au contrôle de la sécurité. On m’a demandé si j’avais été servie correctement en français et en anglais.

Je ne suis pas sûre que ce soit l’aéroport qui m’ait fait participer à ce sondage. Je me demande si vous faites cela activement ou si vos employés interrogent les voyageurs.

Mon autre question concerne le fait que vous avez dit que les pénalités vous préoccupent, car vous avez dit que vous n’étiez pas en mesure de doter votre personnel d’un nombre suffisant de personnes capables de fournir des services dans les deux langues officielles. Que proposez-vous donc en ce qui concerne les pénalités? Pouvez-vous préciser votre pensée?

M. Phelan : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne les sondages, j’ai abordé la question dans ma déclaration préliminaire. Des sondages sont toujours en cours, c’est-à-dire des sondages sur l’expérience vécue pour vérifier comment l’aéroport s’en tire en matière de service à la clientèle. Cela pourrait comprendre les services dans les deux langues officielles. De plus, je crois que l’ACSTA effectue fréquemment des sondages auprès des passagers pour s’assurer qu’elle respecte ses obligations en matière de langues officielles.

En ce qui concerne les pénalités, la véritable préoccupation, c’est que les aéroports ne contrôlent qu’une petite partie du processus de voyage. En effet, ils ne gèrent pas les concessionnaires, les comptoirs de magazines, etc. Pourtant, les aéroports sont l’entité responsable en vertu de la Loi sur les langues officielles. Ainsi, si un voyageur ne bénéficie pas de l’expérience en matière de langues officielles dont il a besoin, c’est l’aéroport qui est responsable, et non l’entité qui le sert.

Cela revient donc à la capacité, qui elle-même revient aux commentaires formulés plus tôt par M. Rheault au sujet de la diligence raisonnable et des efforts déployés par les aéroports pour collaborer avec leurs concessionnaires pour essayer de garantir — parce que cela se trouve dans leur contrat — qu’il y a du personnel bilingue pendant les quarts de travail et ce genre de choses, mais cela ne se concrétise pas toujours comme nous le souhaitons.

Cela revient donc au fait d’être tenu responsable d’un service qui n’est pas exécuté par l’aéroport et à la manière dont ces pénalités seront appliquées.

[Français]

Le président : Avant de céder la parole à la sénatrice Moncion, j’aimerais vous poser une question. Je comprends que vous n’êtes pas les rédacteurs du projet de loi C-13, mais pourquoi, à votre avis, cette option de diligence raisonnable a‑t‑elle été supprimée? Pour quelle raison, à votre avis, le législateur aurait-il pu faire cela?

Me Barbeau : Si je puis me permettre, effectivement, on n’est pas en mesure de savoir pourquoi cette option a été éliminée. Il y a eu au moins une décision où la question s’est posée. C’est peut-être à la suite de cette décision-là que la question a été posée. Des démarches auraient pu être faites pour s’assurer de préciser la position dans le sens que vous avez vu et dans le sens où, dans notre esprit, on enlève une possibilité importante qui devrait être offerte, soit de pouvoir faire valoir nos efforts.

Un des éléments positifs de cette défense de diligence raisonnable, c’est que cela encourage les entreprises à faire des efforts et à prendre des mesures. Cela va dans le sens de ce que la loi souhaite, à savoir que toutes les sociétés et les entreprises visées déploient tous les efforts possibles pour respecter leurs objectifs. Cette défense, c’est en quelque sorte une carotte que l’on donne aux entreprises en leur disant qu’elles auront l’occasion de faire valoir devant un juge les efforts raisonnables et nécessaires qu’elles ont déployés pour faire face à leurs obligations et expliquer au tribunal en quoi cela peut être pertinent dans une procédure particulière.

La sénatrice Moncion : Ma question est dans la même veine.

Au sujet de la défense de diligence raisonnable par rapport à ce que vous nous avez dit, à savoir que cela a été retiré de la loi, quelles sont vos craintes par rapport aux sanctions à venir? Je crois comprendre que vous devrez continuellement vous défendre. Est-ce que votre crainte est liée au travail de défense continuel ou aux sanctions? Comment fait-on pour corriger la situation et la rendre plus gérable pour Air Canada ou les aéroports, entre autres?

Me Barbeau : Je vais commencer par répondre à votre question et peut-être que mon collègue pourra compléter ma réponse.

On passe ici à un régime où le commissaire aux langues officielles a un pouvoir de recommandation à un autre régime. En fait, il s’agit d’un pouvoir qui existe depuis plusieurs décennies. On passe à un régime où l’on va donner au commissaire aux langues officielles le pouvoir de rendre des ordonnances et d’administrer des sanctions monétaires. M. Rheault vous a expliqué que notre philosophie de conformité est animée par des principes et des valeurs. C’est vrai pour les langues officielles comme pour toute autre chose. Nos valeurs de conformité sont importantes et cela vaut notamment pour nos obligations en matière linguistique. Dans notre quotidien, on n’est pas animé par le désir d’éviter des pénalités. Au contraire, on est animé par une valeur supérieure, qui est d’être conforme à toutes nos obligations, linguistiques ou autres.

Ce qui peut nous préoccuper par rapport à ce qui est proposé, c’est surtout la question de savoir si on sera en mesure de faire valoir les efforts qu’on a déployés face aux mesures que le commissaire aux langues officielles pourrait potentiellement prendre à notre égard. S’il y a des mesures à prendre, si le commissaire aux langues officielles constate qu’il y a une situation où il estime que des mesures doivent être prises, cela ferait partie du nouvel environnement dans lequel on va fonctionner. D’ailleurs, c’est dans cet environnement que l’on fonctionne pour ce qui est de toutes nos activités. Là où on a une préoccupation, c’est qu’on veut être en mesure de répondre, devant un juge ou une juge, pour faire valoir les efforts qu’on a déployés. Éventuellement, ce sera au juge ou à la juge de décider si, oui ou non, c’est une défense qui doit être retenue.

On sent que cette faculté de défense de diligence raisonnable, qui, je crois, est prévue dans la Loi sur les transports, est pertinente pour nos activités. On pense qu’il est important de la maintenir. Je ne sais pas si M. Rheault veut ajouter un commentaire.

M. Rheault : Non, je n’ai pas de commentaire à ajouter. Merci.

La sénatrice Moncion : Je veux revenir à ce que vous avez dit, soit qu’il est important de la maintenir. Elle a été retirée de la loi. Donc, vous auriez possiblement un amendement à nous présenter pour qu’elle soit réintroduite dans la loi, si je vous comprends bien?

Me Barbeau : Merci de la question.

C’est intéressant, parce qu’elle a été enlevée de l’article 69 de la loi, qui retire la faculté de présenter une défense de diligence raisonnable. Au moment où l’on se parle, la loi est silencieuse. Il n’y a pas de régime où le commissaire aux langues officielles peut rendre des ordonnances ou administrer des sanctions administratives. Elle se présente ici dans un contexte où l’on donne des pouvoirs au commissaire aux langues officielles et où l’on élimine cette défense de diligence raisonnable.

La question s’est posée dans d’autres circonstances, mais pas dans celles que la nouvelle loi va présenter, à savoir les sanctions qui seront prises par le commissaire aux langues officielles. Il n’y a rien d’explicite en ce moment dans la loi. La loi est silencieuse sur la question.

La sénatrice Moncion : Merci. C’est peut-être un aspect sur lequel on pourrait se pencher.

J’ai une autre question à vous poser sur le nombre de voyageurs qui se déplacent avec Air Canada au cours d’une année donnée, par exemple en 2019. On a entendu dire plus tôt qu’il y a 50 millions de voyageurs qui passent par les aéroports canadiens.

M. Rheault : On parle de 51 millions de passagers à Air Canada.

La sénatrice Moncion : Seulement à Air Canada?

M. Rheault : Seulement à Air Canada.

La sénatrice Moncion : À ce moment-là, vous étiez en mesure de faire l’objet de 80 plaintes parmi 51 millions de voyageurs?

M. Rheault : Approximativement. Le commissaire a dit que c’était en moyenne de 50 à 80 plaintes par année. Au cours des dernières années, entre 2009 et 2019, Air Canada a connu une forte croissance. Je pense que le nombre de passagers a augmenté de plus de 50 %. Notre entreprise transportait 30 millions de passagers et, en 2019, on a atteint le chiffre de 50 millions de passagers. Malgré cette croissance remarquable, le nombre de plaintes est toujours demeuré stable.

La sénatrice Moncion : Merci. Je pense que les 50 millions de passagers étaient à l’aéroport de Toronto vendredi matin, à 5 heures. Ils étaient tous là en même temps.

Le sénateur Gignac : Je pose ma question à titre de sénateur plutôt qu’à titre d’ancien bon client élite et super élite d’Air Canada dans le cadre de mes fonctions comme économiste en chef de différentes institutions financières.

On a la chance d’avoir parmi nous M. Barbeau, qui est quand même vice-président général et chef des affaires juridiques.

J’aimerais avoir une réponse ce soir, et pas attendre d’obtenir une réponse par écrit.

Monsieur Barbeau, vous participez régulièrement au conseil d’administration d’Air Canada. Êtes-vous en mesure de nous dire s’il existe un service de traduction simultanée pour les administrateurs? Pour ma part, j’ai toujours eu la chance, là où j’ai travaillé, de faire toutes mes présentations dans la langue de mon choix. Je connais aussi des institutions qui ne sont même pas réglementées par la Loi sur les langues officielles. Au Québec, un service de traduction simultanée est disponible lors des conseils d’administration pour ne pas créer de préjudice aux francophones à qui l’on demande de faire des présentations.

Je vous pose la question suivante, monsieur Barbeau : est-ce qu’il existe ou non un service de traduction simultanée au conseil d’administration d’Air Canada?

Me Barbeau : Il y a un service de traduction simultanée qu’on utilise dans les réunions avec les employés. En ma présence, ce service n’a pas été utilisé au conseil d’administration, mais je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas l’être. Chez Air Canada, chaque employé peut s’exprimer dans la langue de son choix. Si quelqu’un voulait faire une présentation en français, je suis convaincu qu’on prendrait les dispositions nécessaires pour que ce soit possible.

Le sénateur Gignac : Donc, on le prend comme un engagement de votre part : si un gestionnaire francophone voulait s’exprimer dans sa langue maternelle — comme c’était le cas durant ma carrière comme économiste et comme c’est le cas maintenant que je suis sénateur —, il pourrait en faire la demande et vous prendriez les dispositions nécessaires à cet égard.

Me Barbeau : Je n’ai aucune hésitation à prendre cet engagement. Même sans instructions explicites, je n’ai aucun doute que notre conseil d’administration...

Le sénateur Gignac : Deuxièmement, est-ce que les employés ont l’obligation de communiquer en anglais, par courriel ou autrement, ou est-il possible de communiquer en français en utilisant un service de traduction?

Lorsque nous faisons des présentations devant le conseil d’administration, nous utilisons des diapositives. Est-ce que cela doit se faire en anglais ou est-il possible de le faire en français avec un service de traduction?

Me Barbeau : Chez Air Canada, il y a un service de traduction. Par ailleurs, cela se fait dans le cadre de présentations aux employés et autrement. Donc, ce service tout à fait disponible chez Air Canada et si quelqu’un voulait en faire usage, ce serait facile à organiser.

Le sénateur Gignac : Merci, monsieur Barbeau, parce que je crois que c’est important. Comme chacun d’entre nous a occupé différents postes au cours de sa carrière, le fait que ce service ne soit pas perçu comme un handicap, mais bien comme un actif peut faire toute la différence. C’est important de pouvoir bien s’exprimer dans les deux langues officielles.

Le président : Merci pour cette question, sénateur Gignac. Elle rejoint les préoccupations que l’on pourrait retrouver au sein des institutions fédérales. La capacité de pouvoir utiliser des services de traduction aux différents niveaux est importante. C’est la raison pour laquelle la partie V de la Loi sur les langues officielles est si importante, et c’est pourquoi elle doit s’ajuster à cette réalité pour que tout le monde puisse effectivement travailler dans la langue dans son choix.

[Traduction]

Ma question s’adresse à M. Phelan. Je vais la poser dans ma langue, car je suis plus à l’aise, mais je vais tenter d’être clair.

[Français]

Je vous pose la question en français. D’abord, votre organisation, le Conseil des aéroports du Canada, compte 58 membres, et 21 autorités aéroportuaires environ ont des obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Est-ce bien le cas?

Ce n’est pas la totalité de vos membres qui ont des obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles?

[Traduction]

M. Phelan : C’est exact. Je pense que vos chiffres sont essentiellement exacts, oui.

Le président : Je vous remercie.

[Français]

Combien de membres avez-vous au Québec, en plus d’Aéroports de Montréal?

[Traduction]

M. Phelan : Nous en avons deux autres.

Le président : J’ai une autre question pour vous.

[Français]

Il y a un aéroport au Québec qui n’entre pas sous la définition du réseau national des aéroports. Étant donné que la partie 2, la Loi sur l’usage du français dans les entreprises privées de compétence fédérale, a pour objectif la valorisation et la promotion du français, est-ce que les aéroports qui sont situés dans cette province ne devraient pas avoir des obligations à respecter sur le plan de la promotion du français en vertu de la partie 2, puisque c’est son objectif?

[Traduction]

M. Phelan : Cela dépendrait de sa structure de gouvernance. Comme la plupart des petits aéroports ou des aéroports régionaux sont des entités municipales, je ne le crois pas, mais il faudrait que je demande à un expert de se prononcer sur la question. Je crois que la plupart des petits aéroports relèveraient de la compétence des municipalités et ne seraient donc pas des entreprises privées.

[Français]

Le président : Vous dites que certaines d’entre elles ne sont pas des entreprises privées de compétence fédérale?

[Traduction]

M. Phelan : Il s’agirait d’entreprises municipales sous réglementation fédérale. C’est ce que je crois comprendre.

[Français]

Le président : Je vous remercie. C’est une question importante que nous pourrons approfondir afin de comprendre comment fonctionne le système des aéroports et comment s’applique la Loi sur l’usage du français dans les entreprises privées de compétence fédérale. Je vous remercie de votre réponse.

Puisque personne d’autre n’a de questions, comme vous le savez peut-être, le Sénat siège ce soir. J’aimerais vous remercier de votre présence.

Monsieur Barbeau, monsieur Rheault, merci beaucoup de votre témoignage et de vos réponses à nos questions, qui aideront à notre étude préalable. Comme je l’indique toujours, un jour il y aura une vraie étude du projet de loi lorsqu’il sera renvoyé au Sénat, et ces questions seront sûrement posées.

Merci, chers collègues. À moins d’avis contraire, c’est notre dernière réunion avant la fin de la session. J’en profite pour vous remercier de votre contribution, de votre participation et de votre engagement envers les langues officielles. Je crois que nous avons tous hâte de faire l’étude du projet de loi C-13. Merci beaucoup à vous, bonne fin de soirée et à bientôt.

(La séance est levée.)

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