LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 17 octobre 2022
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 16 h 6 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Chers collègues, je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
J’invite les membres du comité à se présenter, en commençant par ma gauche.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
Le président : Merci. Je vous souhaite la bienvenue, chers collègues, ainsi qu’aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent. Je tiens à souligner que les terres à partir desquelles je vous parle font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Traduction]
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois. Le titre abrégé proposé de ce projet de loi est : Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada.
[Français]
Au cours de la première partie de notre réunion, nous recevrons deux organisations : d’abord, nous recevrons M. Antoine Désilets, directeur général de la Société Santé en français. Puis, nous recevrons M. Martin Normand, directeur, Recherche stratégique et relations internationales, de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Bienvenue parmi nous. Nous allons d’abord donner la parole à M. Désilets. Comme d’habitude, vous aurez chacun un temps de parole, puis nous passerons à la période des questions et réponses. Merci d’être parmi nous. Monsieur Désilets, la parole est à vous.
Antoine Désilets, directeur général, Société Santé en français : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci beaucoup de me recevoir. Je m’appelle Antoine Désilets et je suis directeur général de la Société Santé en français. Avant de commencer, je tiens à reconnaître que les terres sur lesquelles se trouve la Société Santé en français font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Aujourd’hui, je vais vous présenter quelques chiffres sur la santé en français et je vous parlerai ensuite de la Société Santé en français. Je terminerai avec quelques recommandations pour le comité par rapport au projet de loi C-13. Je tiens aussi à vous faire part des regrets de la présidente du conseil d’administration de la Société Santé en français, qui a eu un empêchement de dernière minute et qui ne peut être avec nous aujourd’hui.
Voici quelques chiffres sur l’état des lieux de la santé en français au Canada. Les données sont tirées d’un sondage de Léger réalisé pour le compte de Santé Canada en 2020. Quand on a demandé aux francophones en situation minoritaire s’ils avaient accès aux services de santé en français, le tiers des répondants ont affirmé les avoir reçus entièrement en français dans la dernière année; le tiers des répondants ont affirmé les avoir reçus seulement en partie en français; le tiers ont affirmé n’avoir reçu aucun service de santé en français.
Quand on questionne les gens sur les progrès réalisés dans l’accès aux services de santé, environ 19 % des répondants ont vu des améliorations dans les 10 dernières années; environ 40 % des gens n’ont vu aucune amélioration ou pensent que la situation est restée la même; 16 % des répondants ont constaté que la qualité de l’accès avait diminué. Ceux qui sont rapides en mathématiques se rendront vite compte que cela ne fait pas un total de 100 %, ce qui signifie qu’environ 23 % des répondants ne savaient pas quoi répondre.
Encore aujourd’hui, les principaux obstacles à l’accès aux services de santé en français ont trait au manque de ressources humaines. La peur d’attendre plus longtemps dans un centre hospitalier, le manque d’information disponible en français ou la crainte d’avoir des services de qualité inférieure sont des dynamiques qui existent toujours au Canada aujourd’hui.
Je vous parle rapidement de la Société Santé en français. Nous sommes un réseau de réseaux. Nous sommes un organisme national. Nous travaillons avec 16 réseaux de la santé en français dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Notre mission collective est d’amener les partenaires en santé à adopter de meilleures politiques, de meilleures pratiques et de meilleures activités qui répondent aux besoins des francophones dans le milieu de la santé. À long terme, en outillant les gens en ce qui a trait aux politiques, pratiques et activités, l’offre de services de santé en français augmente.
Notre travail se fait en trois temps. D’abord, on vise à cerner les institutions des systèmes de soins de santé qui ont besoin d’être à la table. Ensuite, on fait du renforcement de capacité pour leur montrer comment elles peuvent mieux aider les francophones, puis on travaille avec elles pour intégrer les changements demandés au sein de leurs pratiques permanentes, le tout pour mieux desservir les francophones.
Quelle place occupe la santé dans le projet de loi C-13? Je suis certain que vous le connaissez par cœur. La santé est nommée à un seul endroit, donc ce sera assez rapide. Il s’agit de la partie qui concerne les mesures positives. La santé est nommée avec d’autres secteurs au nouveau sous-alinéa 41(6)c)(v); ces secteurs sont considérés comme essentiels à l’épanouissement des minorités francophones et anglophones, au même titre que la culture, l’éducation, la justice, l’emploi et l’immigration.
Cela m’amène donc à vous parler de deux recommandations en lien avec le projet de loi C-13. Avant de parler de recommandations spécifiques de la Société Santé en français, je tiens à affirmer l’appui de la société aux recommandations de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, dont la société est membre depuis décembre 2021.
La première recommandation, c’est de réaffirmer dans la loi le pouvoir d’attacher des conditions liées aux langues officielles dans le cadre du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, particulièrement en ce qui concerne les secteurs nommés au nouveau sous-alinéa 41(6)c)(v), y compris les cinq secteurs que je viens de nommer. Quel genre de conditions? Par exemple, des conditions sur la collecte de données standardisées par les provinces et les territoires sur l’état de santé des communautés de langue officielle en situation minoritaire quant aux services qu’elles reçoivent.
Au Canada, on n’a toujours pas aujourd’hui une image claire de l’état de santé des communautés francophones de langue officielle en situation minoritaire. Nous avons des exemples anecdotiques à donner, mais il n’existe pas de base de données nationale standardisée permettant de faire une comparaison possible entre l’état de santé des communautés francophones et celui de la population majoritaire.
Voici un autre exemple de conditions qui pourraient être liées à la prestation de services essentiels dans les deux langues officielles pour ce qui est des priorités du gouvernement. On le sait, le gouvernement fédéral se donne ses propres priorités, qui touchent par exemple la santé mentale et les soins de longue durée. On pourrait également ajouter la prestation de certains degrés de services, au même titre qu’on amène parfois les provinces à investir dans ces deux secteurs.
La deuxième recommandation porte à distinguer clairement dans la loi les notions de services en santé et en santé publique. La santé est nommée comme un secteur. Pourtant, il y a souvent deux aspects à la santé. On parle souvent de la question des services de santé, qui sont l’appareil public, les professionnels de la santé et les hôpitaux, c’est-à-dire tout ce que l’on voit comme un service pour guérir les gens.
Il y a aussi toute une dimension de la santé qui est la santé publique. On parle de l’état de santé, des habitudes saines, de la prévention, de la vaccination et de la promotion de la santé. Pour la première, il y a une contribution indirecte en matière de services. Ce secteur appartient aux provinces. Dans le cas de la deuxième, il s’agit d’une responsabilité partagée. Quand on énumère les secteurs dans le sous-alinéa, on pourrait faire une précision, en parlant notamment de la culture, de l’éducation, de la justice, de la santé, y compris la santé publique, et ainsi de suite, ce qui permettrait d’outiller le gouvernement fédéral pour qu’il développe des programmes véritables en matière de santé publique et de promotion de la santé. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Désilets, pour cette présentation succincte et précise.
La parole est maintenant à M. Martin Normand, directeur, Recherche stratégique et relations internationales, Association des collèges et universités de la francophonie canadienne.
J’en profite pour saluer nos collègues les sénateurs Mockler et Dalphond.
Martin Normand, directeur, Recherche stratégique et relations internationales, Association des collèges et universités de la francophonie canadienne : Merci beaucoup de cette occasion de témoigner devant vous aujourd’hui.
Sachez que l’ACUFC a accueilli favorablement ce projet de loi au moment de son dépôt. Le fait que les institutions fédérales devront désormais prendre les mesures positives qu’elles estiment indiquées pour que les minorités francophones aient davantage de possibilités pour faire des apprentissages de qualité tout au long de leur vie, y compris à l’échelle postsecondaire, est une modification importante par rapport au projet de loi C-32. Ce qui est encore plus important, c’est que cet engagement devra prendre forme dans un contexte où le gouvernement fédéral reconnaît la situation particulière du français au Canada.
Nous voulons faire trois suggestions afin d’apporter des précisions à la partie VII, sur la collaboration avec les provinces, la recherche scientifique en français et les autres mesures administratives.
Pour ce qui est de la collaboration avec les provinces, les institutions fédérales ont le devoir de veiller à ce que des mesures positives soient prises pour favoriser l’épanouissement des minorités francophones et appuyer leur développement. Or, au paragraphe 45.1(1) du projet de loi C-13, le gouvernement fédéral reconnaît l’importance de la collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux dans la mise en œuvre de la partie VII.
Tel qu’il est formulé, l’article pourrait être interprété de façon à ce que l’engagement du gouvernement fédéral à l’égard de l’épanouissement des minorités soit subordonné au partage des compétences.
À nos yeux, le gouvernement fédéral ne peut se soustraire à cet engagement. Sa volonté de collaborer avec les provinces et les territoires ne peut être un frein à l’épanouissement, au développement et à la présence d’institutions fortes. Le projet de loi doit plutôt mettre en place les conditions favorables au développement de mesures positives qui auront une incidence directe et continue et qui seront mises en œuvre efficacement et équitablement, partout au pays.
Nous suggérons donc que toute référence à la collaboration avec les provinces et les territoires soit revue pour dissiper toute ambiguïté quant à l’exercice par le gouvernement fédéral de son pouvoir de dépenser pour appuyer l’épanouissement des minorités. Si la mise en œuvre de mesures positives dépend de la collaboration avec les provinces et les territoires, le gouvernement fédéral pourrait se retrouver à développer des mesures qui seraient déployées de façon inégale, dans l’éventualité où des gouvernements hésitants refuseraient de collaborer.
En ce qui concerne la recherche scientifique en français, dans le document de réforme des langues officielles, le gouvernement fédéral souhaite « favoriser la création et la diffusion d’information scientifique en français ». Or, la formulation utilisée au nouveau sous-alinéa 41(6)c)(iv) nous apparaît plus restrictive et moins ambitieuse que ce qui était proposé dans le document de réforme. Il y est plutôt indiqué que l’un des domaines dans lesquels les institutions fédérales pourraient prendre des mesures positives est « [...] la création et la diffusion d’information en français qui contribue à l’avancement des savoirs scientifiques [...] ».
Le document de réforme laissait plutôt entendre que les mesures appuieraient la création et la diffusion de savoirs scientifiques produits par la communauté de recherche francophone. Le projet de loi laisse plutôt entendre que tout type d’information se vaut et qu’elle pourrait provenir de diverses sources. Par exemple, la traduction en français d’informations produites par les institutions fédérales pourrait suffire. Cette interprétation serait donc redondante par rapport à ce qui est déjà prévu à la partie IV, qui traite des communications avec le public.
Nous suggérons que cet article soit revu afin qu’il soit plus fidèle à l’engagement qui figurait dans le document de réforme. La version originale était beaucoup plus structurante pour le secteur postsecondaire que la version retenue dans le projet de loi.
Enfin, une Loi sur les langues officielles modernisée n’est pas une fin en soi. Elle n’est qu’un morceau très important de toute l’architecture du régime linguistique canadien. D’autres mesures administratives accompagneront la loi, dont deux qui découlent précisément du projet de loi.
La première mesure, c’est un règlement qui fixera les modalités d’exécution des obligations liées à la partie VII. Il pourra préciser la nature des mesures positives, des consultations, des modes de reddition de comptes et les principes à retenir pour évaluer les conséquences directes des décisions gouvernementales.
Or, le paragraphe 41(3) ne propose pas d’échéancier pour la prise de règlement. La loi de 1988 prévoyait la même possibilité, mais le règlement n’a jamais suivi. Nous suggérons que la loi prévoie un échéancier pour le développement du règlement lié à l’application de la partie VII.
La deuxième mesure est la politique en matière d’immigration francophone. Nous voulons simplement exprimer un souhait, soit que la politique qui sera développée prenne en compte la clientèle internationale des établissements d’enseignement postsecondaire, qui représente un bassin incontournable pour atteindre les objectifs de la Stratégie en matière d’immigration francophone du gouvernement fédéral.
Plusieurs intervenants ont de grandes ambitions pour cette loi. Toutefois, l’histoire nous a montré qu’on ne pourra jamais légiférer sur le leadership politique. Il faudra toujours un engagement moral ferme de la classe politique. Nous vous demandons de donner corps à cet engagement pour que nous puissions travailler ensemble sur les prochaines mesures structurantes qui permettront au Canada de progresser vers l’égalité réelle du français et de l’anglais. Merci.
Le président : Merci de votre témoignage, monsieur Normand.
Nous allons commencer la période des questions et réponses.
La sénatrice Gagné : Bienvenue, messieurs Normand et Désilets. C’est toujours un plaisir de vous revoir.
La professeure Linda Cardinal, lors de sa comparution il y a deux ou trois semaines, nous a affirmé que le projet de loi C-13 n’est pas parfait, mais qu’il représente quand même un compromis raisonnable pour l’ensemble des parties prenantes. Je reprends des propos qu’elle a tenus au moment de son témoignage. Elle nous a indiqué clairement qu’il est temps de passer à l’adoption du projet de loi. Elle ne suggère pas de faire des changements. Selon la professeure Cardinal, le fait de reconnaître notamment la vulnérabilité du français, l’obligation d’établir des objectifs en matière d’immigration francophone et l’importance du français comme langue scientifique pourrait contribuer au changement de culture nécessaire au sein de l’appareil fédéral pour ce qui est de l’appui à la francophonie et au français.
Vous y avez fait allusion en évoquant toute cette question du leadership nécessaire pour faire avancer les objectifs du projet de loi C-13. Selon la professeure Cardinal, il faut outiller les fonctionnaires pour assurer la mise en œuvre du projet de loi, c’est-à-dire les règlements et les programmes administratifs.
J’aimerais que vous commentiez cet énoncé de la professeure Cardinal. Pourquoi est-il important, pour la Société Santé en français et l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, qu’il y ait des changements qui soient faits au cadre législatif, plutôt que des précisions apportées dans le règlement ou dans toute autre directive qui pourrait être émise par le gouvernement fédéral?
M. Normand : Tout d’abord, nous sommes du même avis : le projet de loi C-13 n’est pas parfait et il ne le sera probablement jamais. Nous avons trois suggestions de modifications qui pourraient préciser certains éléments de la partie VII du projet de loi C-13. Nous sommes prêts à travailler dès demain au contenu et à la mise en œuvre du projet de loi C-13 avec les institutions fédérales.
L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne collabore avec sept ou huit ministères fédéraux. La collaboration se poursuivra, qu’il y ait un projet de loi ou non. On veut profiter de cette occasion pour mettre sur la table certains éléments qui nous permettraient d’avoir les coudées plus franches pour agir. Cependant, si le projet de loi est adopté, on pourra travailler. On mise sur les autres mesures qui l’accompagneront — vous y avez fait référence dans votre question.
Nous sommes prêts à travailler demain matin sur le contenu du règlement de la partie VII pour assurer que ce qui encadrera la définition des mesures positives répondra aux besoins de nos établissements membres et de notre association; c’est la même chose pour ce qui est de la Stratégie en matière d’immigration francophone. Nos établissements membres ont une contribution particulière à faire et notre association peut porter cette voix pour s’assurer que la politique prenne en compte les besoins de nos établissements.
M. Désilets : C’est une excellente question. Vous avez mentionné qu’un changement de culture était nécessaire et vous avez tout à fait raison. Par contre, il y a des dimensions plus techniques qui doivent être encadrées par des documents. J’ai parlé de la question des données en santé; il n’y a pas de données standardisées collectées par les provinces et territoires à l’heure actuelle. Le Canada dépense 300 milliards de dollars par année en santé et on n’a pas de données complètes sur l’état de certaines populations, comme les minorités francophones.
Un changement de culture doit être encadré par des actions. Cela peut être fait par règlement, mais j’appuie M. Normand, et je crois qu’on devrait être en mesure de clarifier tout ce qu’on peut en ce moment, pour que les objectifs et les intentions du projet de loi C-13 soient les plus clairs possibles.
Je suggérais plus tôt de parler de la santé et de la santé publique pour s’assurer qu’on voit les deux parties; on devrait faire la même chose du point de vue de l’éducation. Souvent, on mentionne l’éducation de la petite enfance jusqu’à l’enseignement postsecondaire pour s’assurer que tout cela soit inclus dans son sens global. Je pense qu’on a une occasion de faire cela en ce moment.
La sénatrice Gagné : Monsieur Normand, vous avez mentionné qu’il devrait y avoir une date butoir, une limite de temps accordée pour la prise de règlement. Qu’est-ce qui serait une bonne période pour élaborer des règlements?
M. Normand : Je ne suis pas législateur, donc je n’écrirai pas le règlement et je ne peux présumer du temps que cela prendra pour le faire. Il y a des exemples où on s’est donné deux ou trois ans pour rédiger un règlement, ou du moins pour mettre en œuvre un règlement. Je laisserai les experts déterminer la durée.
Je pense que le fait de donner le signal qu’il doit y avoir un échéancier et qu’il y a une obligation de prendre le règlement pendant cette période-là sera très utile pour tout le monde. L’obligation de prendre un règlement figurait dans la loi de 1988, mais cela ne s’est jamais concrétisé. On aimerait qu’un pas de plus soit fait pour que le règlement soit effectivement pris cette fois-ci.
La sénatrice Gagné : Monsieur Désilets, avez-vous un point de vue à ce sujet?
M. Désilets : Tout comme M. Normand, je ne suis pas législateur. De façon générale, il faudrait que le règlement existe déjà, car on est en train de réécrire la loi. C’est fantastique, et cela mènera à l’écriture d’un règlement.
Les besoins sont immédiats; plus vite on avance, plus vite on peut prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les communautés francophones puissent s’épanouir, en santé et dans tous les autres aspects essentiels.
La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à M. Normand, et M. Désilets pourra compléter la réponse. Pourriez-vous nous décrire l’évolution du nombre d’étudiants francophones, nationaux et internationaux, dans les collèges et universités de la francophonie canadienne? Avez-vous des données à ce sujet? Quelle proportion de ces étudiants francophones reste au Canada après leurs études?
M. Normand : Pour la première partie de la question, je n’ai pas les chiffres, mais je serais heureux de vous les transmettre. Nous avons des documents qui nous permettent de suivre l’évolution du nombre d’inscriptions.
En ce qui concerne les étudiants internationaux, la proportion varie beaucoup d’un établissement à l’autre. Cela peut aller au-delà de 50 % dans certains établissements et de 2 à 5 % dans d’autres; c’est très variable.
Pour la dernière partie de votre question concernant les étudiants internationaux qui restent au Canada, on sait que 91 % des étudiants qui fréquentent les établissements membres de l’ACUFC souhaitent rester au Canada à la fin de leurs études. Cela est basé sur une étude de 2020; 91 % souhaitent rester au Canada à la fin de leurs études, près de 70 % souhaitent rester dans la région où ils ont étudié. Dans la très forte majorité des cas, s’ils souhaitent rester au Canada à la fin de leurs études, c’est parce qu’ils se sentent suffisamment appuyés par leurs établissements d’enseignement postsecondaire. Les établissements postsecondaires pourraient toujours en faire plus, mais nos établissements jouent un rôle crucial pour assurer la rétention des étudiants internationaux à la fin de leurs études.
La sénatrice Mégie : C’était justement mon autre question; je continuerai donc sur ce sujet.
Ces étudiants étrangers, restent-ils dans les communautés francophones minoritaires ou ont-ils tendance à migrer? Vous avez employé le mot « souhaitent ».
M. Normand : Oui.
La sénatrice Mégie : On n’a pas de chiffres qui confirmeraient qu’ils restent. Restent-ils dans les communautés francophones minoritaires ou ont-ils tendance à migrer vers les régions où la population francophone est plus importante?
M. Normand : M. Désilets faisait référence au besoin de données probantes un peu partout dans le système; il faut l’admettre. Dans ce cas précis, il y a un obstacle pour nous, et c’est qu’une fois qu’ils sont diplômés de nos établissements, ces étudiants ne sont plus notre responsabilité. On n’a pas de données qui nous permettraient de voir exactement ce qu’un étudiant étranger fait une fois qu’il a quitté nos établissements, à moins de faire des études sur les ambitions. Cependant, des données précises pour déterminer s’ils habitent toujours dans la région ou s’ils occupent des postes où ils utilisent le français sur une base quotidienne n’existent pas, car une fois qu’ils sont sortis de chez nous, le système de l’immigration ne nous permet pas de faire de suivi.
La sénatrice Mégie : J’ai une question sur la diffusion des savoirs scientifiques en français. Je sais que, dans le domaine des sciences de la santé, il y a toujours une tendance — et c’est normal — à vouloir briller à l’extérieur. Ils se disent que s’ils publient en français, ils n’auront pas cette chance. Je ne suis pas sûre que le projet de loi C-13 changera quelque chose à ce sujet. Que pourrait-on faire? Y avez-vous pensé pour vos étudiants?
M. Normand : Oui, on y a beaucoup pensé. Le Comité permanent de la science et de la recherche mène une étude en ce moment sur la publication et la diffusion scientifiques en français — nous y comparaissons à 19 h 30. Je pourrais m’assurer que vous recevrez notre allocution devant cet autre comité.
J’aimerais vous donner une réponse rapide sur cet enjeu. Il y a certainement des ambitions pour que tous les chercheurs puissent rayonner à l’international, mais cela signifie également qu’on met de la pression sur les épaules des chercheuses et des chercheurs, qui sont de plus en plus dépendants par exemple pour ce qui est des promotions au sein de leurs établissements ou de l’obtention de financement des organismes subventionnaires pour étudier les mesures d’impact, qui sont dominées par l’anglonormativité. Par exemple, pour ce qui est des mesures d’impact des revues scientifiques, les revues francophones ne sont pas indexées dans ces outils de mesures d’impact.
Donc, si on pouvait imaginer des façons de mieux valoriser la portée et la diffusion de la recherche en français, ce serait déjà un premier pas. Sachez, par exemple, que même si les chercheurs publient dans les grandes revues internationales, cela ne veut pas dire qu’ils sont lus davantage que s’ils sont publiés dans des revues locales francophones. Donc, lorsqu’on réfléchit aux mesures d’impact, il faut également prendre cela en considération. Des publications en français dans des revues canadiennes ont souvent beaucoup plus d’impact, et cet impact est mesuré autrement par rapport à la communauté de la recherche, la communauté locale et la vitalité des communautés que des publications en anglais qui visent l’universalisme et qui s’appliquent moins bien dans le cadre de nos communautés.
La sénatrice Mégie : Merci pour votre réponse.
Le sénateur Dalphond : Merci à nos invités de nous faire part de leurs constats. J’ai manqué un élément; je n’ai pas été assez rapide pour entendre le résultat du sondage Léger auquel vous ne faites pas référence dans votre mémoire, car je comprends qu’il a été fait après.
M. Désilets : [Difficultés techniques]
Le sénateur Dalphond : Exactement. Si vous pouviez me rappeler les données sur le pourcentage de ceux qui ont vu — pas ceux qui n’ont rien vu, les 23 %, mais les deux autres groupes —, ceux qui ont vu une augmentation de l’accessibilité et ceux qui ont vu une baisse.
M. Désilets : Oui, 100 %. C’est un sondage sur la perception des francophones et des anglophones en situation minoritaire sur l’accès aux services de santé. Dix-neuf pour cent des francophones avaient constaté une augmentation de l’accessibilité, 42 % ont mentionné que la situation s’était maintenue, 16 % ont remarqué que l’accessibilité avait diminué. C’est une enquête de perception. On a aussi quelques données qui montrent que ça peut être différent à certains endroits. Il faut faire attention, car ce sont des données sur une moyenne. Il y a des endroits au Canada où la situation s’est particulièrement dégradée, et il y a des endroits où la situation s’est particulièrement améliorée. Si on fait une moyenne, ça donne les données que vous voyez.
Le sénateur Dalphond : C’était le but de ma question. Ce sont des données nationales, donc ça veut tout dire et ça ne veut rien dire. Il peut y avoir une région qui va bien et une autre qui va mal. Est-ce qu’on a une idée par région? Est-ce un reflet du fait qu’il y a eu une amélioration générale ou est-ce le statu quo? Au contraire, dans certaines régions, y a-t-il des pertes — dans les provinces de l’Ouest, par exemple?
M. Désilets : La question est très bonne et tombe un peu dans l’analyse des données. Si on regarde une province comme le Nouveau-Brunswick, qui a la responsabilité d’offrir des services de santé dans les deux langues officielles, pour les données en moyenne, tout semble bien se passer, mais il y a des régions où les services ne sont pas disponibles, comme à Fredericton ou dans la province de St. John’s.
Même au sein de provinces qui semblent très bien aller sur papier, il y a des situations très préoccupantes. Je mentionnais l’enjeu des données probantes. On ne peut pas changer ce qu’on ne peut pas mesurer, et on a de la difficulté à avoir une idée claire des services disponibles et dans quelle langue ils le sont. Est-ce que c’est de façon pérenne ou anecdotique? Est-ce que ça dépend s’il y a un employé présent cette journée-là? Est-ce qu’il y a des politiques publiques en place pour s’assurer que le niveau se maintienne? Je peux vous dire qu’il y a des défis très particuliers dans l’Ouest canadien. Les francophones de l’Ouest canadien se sont fait « dompter », en quelque sorte, et ils ont arrêté de demander si les services étaient disponibles en français.
C’est très préoccupant de voir ces tendances dans la population. Ces gens s’exposent à des risques et à des enjeux de santé importants quand il y a des barrières linguistiques.
Le sénateur Dalphond : Vous voulez dire qu’il y a des listes d’attente dans tout, y compris pour consulter un médecin de famille? Vous me dites : « Si je demande un médecin qui parle français, cela risque d’être plus long que de prendre le premier médecin disponible qui ne parle probablement pas français. »
M. Désilets : C’est une des craintes que les gens ont et beaucoup de ces systèmes de santé ne sont pas en mesure de jumeler les personnes qui ont besoin des services en français avec les professionnels qui peuvent offrir ces services. On n’a généralement pas une bonne idée de l’endroit où vivent les francophones, quels sont leurs besoins de santé et quels points de service ils utilisent. Encore une fois, c’est une question de données probantes. Il y a des solutions qui existent, et il est possible d’ajouter, dans les cartes santé des provinces, une question dans le formulaire pour demander quelle est la langue de service désirée. Cela se fait de façon pérenne, on est en mesure de collecter ces données. Il n’y a qu’une seule province qui le fait présentement, et c’est l’Île-du-Prince-Édouard.
Beaucoup d’autres provinces ont examiné cette approche. L’idée est en train de faire son bout de chemin dans les dossiers électroniques des patients. Au Nouveau-Brunswick, on en discute, dans les Territoires du Nord-Ouest, on en discute, en Ontario, la question a fait l’objet d’une motion unanime à l’assemblée législative il y a quelques années. L’idée fait son bout de chemin, mais il faut qu’on se donne les moyens de mesurer les besoins et notre capacité de les combler.
Le sénateur Dalphond : Est-ce que, dans vos discussions avec les provinces, ce genre de sujet a été mentionné? J’imagine que oui, et le cas échéant, quelle a été leur réaction? Est-ce qu’on a plutôt dit : « On est en manque de main-d’œuvre. Il y a des difficultés de recrutement, alors ne venez pas nous embêter avec un critère comme celui-là. »
M. Désilets : Je dirais que la réaction est plutôt positive en général. Par exemple, en Ontario il y a un outil qui a été mis en place pour évaluer les capacités des points de service à desservir les francophones, qui s’appelle OZi. Le gouvernement de l’Ontario a recruté OZi pour aller dans les établissements et identifier la capacité. C’est quelque chose qui a été apprécié au point où cet outil a été intégré au sein d’une politique publique interne du gouvernement de l’Ontario, qui a maintenant son propre outil de collecte et de captation.
Donc, il y a certainement un intérêt à recueillir plus de données. Il faut maintenant s’assurer que cela génère un intérêt dans le but de faire une meilleure planification des services pour mieux desservir les communautés francophones.
Le sénateur Dalphond : Ma prochaine question s’adresse à M. Normand. Je crois qu’on assiste à un changement en matière de recherche scientifique. Même l’Institut Pasteur, en France, est passé de la publication en français à la publication en anglais. Comment peut-on trouver des moyens — ce sont souvent des algorithmes — pour faire en sorte que les travaux publiés en français seront repérables pour quelqu’un qui fait une recherche? Il faut que ces publications soient entrées dans le système, parce qu’elles sont en français, mais elles ne sont pas dans le système, parce que le programmateur ne comprend ni le titre ni le sujet.
Comment peut-on les rendre plus accessibles de façon concrète, et comment peut-on faire réaliser aux chercheurs que c’est peut-être plus payant de publier en français au Canada que de publier en anglais à l’Institut Pasteur?
M. Normand : C’est sûr qu’il y a tout un changement de culture académique qui est nécessaire pour en arriver là. Je vous parlais des mesures d’impact; de façon plus générale, on peut réfléchir à de nouvelles mesures de l’excellence de la recherche en français. Comment est-ce qu’on le détermine? Je vous dirais que beaucoup de chercheurs veulent amener les conseils subventionnaires fédéraux de la recherche sur cette voie.
C’est un constat qu’on a entendu, notamment pendant les états généraux postsecondaires en contexte francophone minoritaire que l’ACUFC a menés avec la FCFA; notre rapport sera publié la semaine prochaine. On a tout un chapitre consacré à la recherche et à la publication scientifique. La mesure de l’excellence en est une, mais il y a aussi la découvrabilité des contenus. C’est aussi un enjeu qui est propre à toute la Francophonie internationale.
Il y a des dossiers à développer avec la Francophonie internationale autour de la diplomatie scientifique, pour faire comprendre aux grands acteurs de la recherche, et aux institutions internationales aussi, que le savoir en français est innovant lui aussi, qu’il vaut la peine d’être mené et diffusé, qu’il y a une très grande communauté de recherche qui utilise le français et que cette communauté n’a pas accès au savoir scientifique dans les autres langues. On ne peut pas présumer que tous les locuteurs du français connaissent l’anglais et ont accès à la masse d’information qui est produite en anglais.
Il y a tout un travail de diplomatie scientifique que les chercheurs et les établissements peuvent faire, mais cela demandera un appui du gouvernement fédéral. La diplomatie scientifique a besoin de moyens que nos établissements n’ont pas en ce moment.
Il faudrait un soutien d’institutions comme Affaires mondiales Canada, par exemple, pour imaginer des mesures d’appui à la communauté scientifique.
Le sénateur Dalphond : Je suis allé à Paris récemment. L’ambassadeur du Canada, Stéphane Dion, dans son discours d’ouverture, a affirmé que le bassin de locuteurs francophones se trouve en Afrique. C’est que le taux de pénétration d’Internet est moins élevé. Il proposait comme stratégie que le Canada encourage des initiatives, qu’Internet devienne plus présent dans les communautés francophones d’Afrique et dans les communautés de recherche, pour que les instruments soient disponibles et qu’on puisse assurer une découvrabilité qui, elle, requiert l’aide des plateformes.
M. Normand : Tout à fait. Ce sont des plateformes qui sont souvent contrôlées par les grands éditeurs scientifiques anglophones et cela devient un autre enjeu. Il y a des plateformes comme Érudit, qui essaient d’assurer une diffusion du savoir scientifique produit en français, mais sinon les grandes plateformes sont contrôlées par les grands éditeurs et les grandes revues scientifiques. Il faut faire une réflexion sur l’écosystème de la publication et sur la mesure d’impact.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Le président : Cette dernière discussion nous ramène presque au Comité des transports et des communications et à l’étude du projet de loi C-11, qui traite de cette question de découvrabilité. Je vous remercie d’alimenter, par vos commentaires, les travaux d’autres comités.
La sénatrice Clement : Merci aux deux témoins. J’ai deux questions, une pour M. Désilets et une pour M. Normand. Je vais commencer par M. Désilets. Je suis intéressée par les dispositions linguistiques, notamment dans le secteur de la santé. Quand j’ai posé la question à la ministre Gould, elle nous a dit que tout était beau dans le secteur de la garde d’enfants.
M. Désilets : Ce n’est pas mon secteur.
La sénatrice Clement : Je n’étais pas certaine de sa réponse non plus, mais bon. C’est ce qu’elle nous a dit, que ça allait plutôt bien. Je voulais savoir si, dans le secteur de la santé, c’est la même chose, puisque vous avez dit qu’il y a des déserts sur le plan des informations.
Est-ce que les dispositions linguistiques sont pertinentes dans tout cela? Quel langage serait efficace dans les dispositions linguistiques?
Monsieur Normand, en ce qui concerne les étudiants internationaux, on entend dire que la réputation du Canada n’est pas parfaite. Ils sont parfois vus comme une source de financement pour nos institutions postsecondaires, et encore plus pour les institutions francophones, qui ont aussi d’autres défis.
Comment répondre à cette situation problématique? Les étudiants internationaux ont-ils les bonnes informations avant d’arriver ici? Comment répondre aux besoins des étudiants francophones?
M. Désilets : C’est une bonne question. Sur le plan du langage précis, beaucoup de gens très intelligents réfléchissent à la bonne façon de le formuler. Il y a peut-être deux dimensions à la question des dispositions linguistiques.
Généralement, on y voit une part de financement des communautés. Pour vous donner une idée générale du financement en santé, comme je le mentionnais plus tôt, depuis la COVID on dépense 300 milliards de dollars par année en santé pour tout le pays. Pour les commissaires de langues officielles, francophones et anglophones confondus, on dépense de 35 à 40 millions de dollars par année. Déjà, il y a un enjeu gigantesque de financement.
Pour les communautés de langue officielle, cela représente 0,01 % du financement en santé au Canada. Quand on parle de dispositions linguistiques, il est nécessairement question du financement pour s’assurer qu’il y a des investissements suffisants pour éviter de générer davantage d’iniquités sur le plan de la santé entre les francophones et les anglophones du Québec par rapport à la population majoritaire.
La deuxième partie des dispositions linguistiques a trait à la capacité de se donner les moyens, les outils et la collaboration nécessaires avec les provinces dans la prestation de services dont elles sont les premières responsables, afin de bien les outiller et d’avoir les bons programmes fédéraux pour les aider.
J’ai parlé plus tôt de la question des données probantes. Dans la lettre du ministre de la Santé, on indique qu’il faut collecter des données de calibre mondial sur la santé des Canadiens. Dans le livre blanc qui a été déposé l’an dernier, il y a des intentions très claires visant à renforcer la collecte de données qui touchent les francophones ou les anglophones. Ultimement, si on pouvait faire cela, on pourrait mettre sur pied des programmes mieux adaptés aux besoins.
Voici un exemple très concret qui va peut-être illustrer la situation. Je mentionnais l’Île-du-Prince-Édouard, où il y a des francophones; l’information est indiquée sur la carte santé. Le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard avait besoin d’ouvrir un nouveau centre de soins de longue durée. Il a regardé où se situaient les bassins de population francophone et où les services de soins de longue durée étaient utilisés le plus souvent, afin d’identifier le meilleur endroit pour bâtir un nouveau centre de soins de longue durée.
Ce type de lien entre la collecte de données qui nous informent sur les besoins et une bonne prise de décision qui renforce l’offre de service est essentiel à long terme, si on veut vraiment habiliter nos communautés à bénéficier de bons services. Ce ne sont pas les organismes communautaires qui vont offrir ces services. Notre responsabilité est d’habiliter les provinces à le faire dans leur sphère de compétence. Cela se fera avec de l’argent et avec une meilleure collaboration entre le fédéral et les provinces. L’Institut canadien d’information sur la santé commence à examiner la façon de standardiser la collecte de données, et c’est le genre de mesures qu’il faut absolument encourager. J’espère que cela répond à votre question.
La sénatrice Clement : Oui. Merci.
M. Normand : Madame la sénatrice, votre question me rappelle celle d’une de vos collègues, la sénatrice Moncion, lorsque j’ai témoigné devant votre comité dans le cadre de l’étude sur l’immigration francophone. Elle m’a posé à peu près la même question. Il y a une question de fond ici. Est-ce normal que nos établissements doivent compter sur la population internationale pour combler leur budget et que cela devienne une part importante de leurs revenus?
C’est évidemment lié au déclin du financement public des établissements postsecondaires. C’est confirmé par les données que collecte par exemple l’organisme Higher Education Strategy Associates. Chaque année, on voit un déclin du financement public et une augmentation de la proportion liée aux frais de scolarité dans les revenus des établissements postsecondaires.
C’est la question de fond. La réponse sur laquelle nous souhaitons travailler, c’est évidemment un appui accru aux établissements postsecondaires pour que ce ne soit pas une solution facile que d’avoir à recourir aux frais de scolarité pour combler des revenus qui ne sont pas obtenus autrement.
Évidemment, vous comprendrez que le gouvernement fédéral a annoncé qu’il octroyait 121 millions de dollars sur trois ans pour appuyer le secteur des établissements postsecondaires. Lors de la campagne électorale l’année dernière, le Parti libéral a fait la promesse d’augmenter ce financement de 80 millions de dollars par année et de le rendre permanent.
Pour nous, l’étape suivante est effectivement de concrétiser cette promesse. On veut aussi s’assurer que le financement disponible au moyen de cette enveloppe permette de répondre aux besoins réels des établissements postsecondaires, et que ces fonds ne soient pas liés à du financement par projet, comme c’est le cas en ce moment. Il faut que cet argent serve à financer les activités à long terme des établissements postsecondaires. Si cette enveloppe se concrétise, on mettra peut-être un poids moins lourd sur la part de revenus générée par les frais de scolarité.
Je voudrais revenir sur la question de la réputation. J’ai fait référence à Affaires mondiales Canada un peu plus tôt. Affaires mondiales Canada gère la marque ÉduCanada pour faire la promotion des études au Canada à l’étranger. Avec raison, Affaires mondiales Canada protège cette marque, bien évidemment, et le ministère veut s’assurer, lorsque cette marque est utilisée pour faire de la promotion à l’étranger, que ce soit fait à bon escient et que cela bénéficie à tout l’écosystème postsecondaire.
Dans notre cas, quand on utilise la marque ÉduCanada pour faire la promotion des études au Canada dans les établissements de la francophonie canadienne, mais que 90 % des demandes de permis d’étude sont refusées pour les candidats provenant de l’Afrique francophone, il y a un effet sur la réputation du Canada à l’international qui n’est pas lié à l’effort de nos établissements en vue de les accueillir et de vouloir les amener au Canada, mais bien à des dispositions internes et administratives à IRCC.
Lorsqu’on réfléchit aux mesures positives, on voudrait aussi voir une meilleure coordination interministérielle dans ce dossier, entre IRCC et Affaires mondiales Canada, par exemple, pour s’assurer que la clientèle internationale est bien servie par nos établissements et reçoit les informations dont elle a besoin, et que nos établissements postsecondaires peuvent les accueillir et les retenir, tout cela pour le bénéfice des communautés francophones, mais aussi de toute la société canadienne, qui bénéficie de cet apport de main-d’œuvre qualifiée qui peut travailler en français.
La sénatrice Clement : Merci de vos réponses très complètes.
Le sénateur Mockler : D’abord, j’aimerais féliciter le leadership que vous déployez dans le domaine de la Loi sur les langues officielles. Je me souviens très clairement, monsieur le président, de la première réunion qui s’est tenue à Moncton en 2002 lors de la création de la Société Santé en français chez nous, au Nouveau-Brunswick.
M. Désilets : Nous avons célébré nos 20 ans à Moncton.
Le sénateur Mockler : Je me souviens aussi de la ministre responsable. Cela dit, lorsque vous me donnez les statistiques de 1982, je constate que cela fait déjà 40 ans et qu’on attend encore l’adoption de certaines mesures qui devraient être prises en compte dans la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
J’aimerais avoir vos commentaires, pour le bénéfice des membres du comité et de ceux qui nous écoutent. Le 3 mars 2022, la Société Santé en français a réagi au projet de loi C-13 par voie de communiqué, en déplorant « l’absence de dispositions relatives aux clauses linguistiques dans les transferts fédéraux à destination des provinces ». Est-ce qu’il y a eu des améliorations?
M. Désilets : Ces clauses linguistiques ne figuraient dans aucun des deux projets de loi. C’est quelque chose qui fait partie des recommandations qui visent à bien encadrer la collaboration entre le fédéral et les provinces. Il n’y a pas d’améliorations actuellement, mais la question du règlement est intéressante et peut représenter une deuxième avenue. J’ai toujours pour approche de clarifier tout de suite ce qu’il est possible de clarifier, car comme on dit, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Donc, si on peut tout de suite régler la question des clauses linguistiques, selon moi, c’est mieux que d’attendre un règlement.
Le sénateur Mockler : Est-ce que l’aspect règlement serait mieux que l’aspect législation?
M. Désilets : En fonction des faits qui ont été rapportés, je pense que ce serait préférable de le faire sur le plan législatif, puisqu’on sait que parfois, les règlements n’arrivent pas.
Le sénateur Mockler : Vous avez également affirmé que la Société Santé en français avait demandé d’ajouter des clauses linguistiques exécutoires dans la Loi sur les langues officielles, comme l’ont fait plusieurs autres intervenants depuis le début de l’étude préalable du projet de loi C-13. Pouvez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet?
M. Désilets : Je suis certain que vous avez reçu la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Cela fait partie des demandes de la FCFA et c’est appuyé par des membres de la FCFA.
Nous faisions écho à ces clauses-là. On sait que, pour les clauses linguistiques en santé, notamment en raison de l’écart financier dont je parlais plus tôt, cela nous semble une voie qui pourrait apporter des changements fondamentaux et pérennes en ce qui a trait à l’accès aux services. C’était vraiment pour faire écho aux recommandations de la FCFA que la société a appuyées.
Le sénateur Mockler : On entend aussi certains parlementaires et certains intervenants nous dire que la Loi sur les langues officielles ne devrait pas être un magasin général. Est-ce que vous pouvez commenter cette observation?
M. Désilets : Pourriez-vous préciser quelle interprétation vous faites de « magasin général »?
Le sénateur Mockler : Certains disent que la Loi sur les langues officielles ne devrait pas être un magasin général actuellement, dans le sens où tout le monde devrait avoir un morceau de la loi pour dire qu’ils y ont contribué. Vous êtes des leaders dans le domaine de la santé, dans le domaine de la francophonie et dans la gestion de la Loi sur les langues officielles. J’aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
M. Désilets : Il faut se pencher sur les secteurs que l’on considère comme essentiels pour qu’une communauté puisse s’épanouir pleinement. Ce que je n’ai pas mentionné plus tôt au sujet du sondage de Léger, c’est que 98 % des répondants avaient utilisé un service de santé dans les 12 derniers mois. La santé, cela touche tout le monde, tout le temps, chaque année. C’est l’un des rares services gouvernementaux qui a cette importance et cette prépondérance; l’éducation est au même niveau, et c’est pour cela que ce sont souvent les deux dépenses les plus importantes à l’échelle provinciale.
Est-ce que la loi devrait favoriser l’épanouissement de tous les secteurs jugés essentiels pour avoir une vie pleine? Je pense que oui. La santé devrait s’y retrouver. La question du magasin général, je pense que c’est une question; c’est aux législateurs de décider ce qui est une composante essentielle de l’épanouissement et quels sont les secteurs que l’on souhaite appuyer. Évidemment, comme francophone, je veux vivre ma vie en français à 100 % si c’est possible, et ne pas devoir me demander chaque matin quel obstacle je devrai affronter en raison de ma langue maternelle.
Le sénateur Mockler : J’aimerais aussi entendre vos commentaires sur le ministère qui devrait avoir la responsabilité d’appliquer la loi.
Certains disent que ce devrait être les provinces ou certains ministres, d’autres disent que ce devrait être le premier ministre. Je vais vous poser la question directement : selon ce que vous entendez et ce que vous aimeriez nous recommander, lequel des ministères devrait avoir la responsabilité totale? Peut-être le Bureau du premier ministre?
M. Désilets : La question est très bonne. Par le plus grand des hasards, le principal ministère qui nous finance est Santé Canada, alors que, pour la grande majorité des organismes francophones, c’est Patrimoine canadien. Nous sommes donc très au fait des enjeux de communication qui existent entre les ministères, des questions de priorisation des dossiers, des décisions qui sont prises de part et d’autre et qui sont mises en commun par la suite.
Le rôle d’une agence centrale dans la mise en œuvre de la loi pour coordonner et suivre les progrès et les résultats ou les objectifs que l’on se donne nous semble essentiel pour éviter d’avoir à compter sur une bonne collaboration des ministères qui sont impliqués à parts égales. Sans savoir exactement quelle agence centrale... Je pense que le Conseil du Trésor serait tout à fait habilité à le faire. Mettre la vigie entre les mains d’une agence qui peut demander des comptes aux autres ministères nous semble essentiel. Sinon, on se retrouve avec des programmes bâtis en silo et qui sont intégrés ensemble après dans le plan d’action.
Le sénateur Mockler : On entend aussi souvent des gens dire qu’il y a peut-être un manque de volonté politique ou qu’il faut avoir une volonté politique pour la Loi sur les langues officielles, surtout lorsqu’on regarde les progrès effectués depuis 1982, il y a 40 ans. Croyez-vous qu’on manque de volonté politique dans la manière dont on fait l’étude de la modernisation de la Loi sur les langues officielles?
M. Désilets : Je ne pense pas qu’il y a présentement un manque de leadership, surtout en ce qui concerne les clauses linguistiques, puisqu’on parle de relations très complexes entre le gouvernement fédéral et les provinces sur des compétences constitutionnelles qui sont claires pour certaines, et partagées pour d’autres.
Il y a un bon leadership, mais je pense que c’est simplement une question de priorisation des relations avec les provinces; souvent, cela dépassera peut-être les objectifs qui touchent les communautés francophones. En santé, c’est ce que l’on sent. On sent que les provinces demandent plus d’argent, et plus de liberté avec leur argent.
En même temps, le gouvernement canadien reconnaît dans le projet de loi que la santé est une composante essentielle à l’épanouissement, donc il y a des obligations pour ce qui est d’encourager ou d’appuyer la santé. Dans les transferts du gouvernement fédéral aux provinces pour appuyer les services de santé, il n’y a pas de dimension liée aux langues officielles. Il y a peut-être une question d’alignement ou de priorités.
Le président : Merci beaucoup.
Avant de passer au deuxième tour, je vais poser quelques questions à mon tour sur les clauses linguistiques. Il y a manifestement une certaine forme de consensus; je ne veux pas parler au nom des gens qui témoignent devant nous, mais le sujet revient constamment.
Ma question est toute simple. Si l’on tient compte du fait qu’il n’y a pas de clauses linguistiques dans le projet de loi en ce moment, quel serait l’avantage d’en avoir, et quels sont les enjeux actuels, puisqu’il n’y a pas de clauses linguistiques?
Est-ce que vous pouvez nous aider à mieux comprendre l’importance des clauses linguistiques dans vos secteurs respectifs? Évidemment, vous êtes dans des secteurs où il y a des compétences fédérales et des compétences provinciales et territoriales. J’aimerais beaucoup vous entendre à ce sujet.
M. Désilets : Merci de la question. Elle est excellente. Sans les clauses linguistiques, présentement, le développement des services de santé en français, qui est appuyé par le financement du gouvernement fédéral, se fait par des organismes comme la Société Santé en français, qui peut faire de l’influence auprès des provinces pour qu’elles s’investissent de cette responsabilité. Avec une clause linguistique, on pourrait exiger des conditions dans l’utilisation des transferts fédéraux au lieu de compter sur une question de bonne volonté, qui est souvent de nature politique.
Notre travail d’influence est à refaire chaque fois qu’il y a une élection provinciale ou territoriale et chaque fois que le leadership au sein des partenaires en santé change. Avant de changer une organisation, il faut changer les personnes qui travaillent au sein de l’organisation; souvent, on se rend compte qu’on pousse autant qu’on peut, mais c’est David contre Goliath. Les communautés francophones se retrouvent souvent à revendiquer plus de services.
C’est d’ailleurs pour cela que je suggérais qu’on nomme la santé publique, une dimension où le gouvernement fédéral peut agir, en ce qui a trait à l’état de santé et aux résultats en santé, pour lui donner une marge de manœuvre un peu plus directe sur les retombées du programme et l’impact de la loi.
Donc, je suis certainement d’accord pour ce qui est des clauses linguistiques. Sans les clauses linguistiques, les avancées sont souvent temporaires ou de courte durée, à moins qu’on réussisse à les inscrire au sein de règlements, de politiques publiques, de lois, ce qui, depuis 20 ans, n’existe pas dans toutes les provinces ou tous les territoires. Même dans les provinces où il y a des désignations, il y a des enjeux de recrutement.
M. Normand : Je veux amener un bémol dans cette discussion. D’abord, sur la question des clauses linguistiques, cela peut nous sembler en contradiction avec la volonté du gouvernement fédéral de mettre en œuvre la partie VII. C’est un peu le message qu’on envoyait en parlant de la collaboration avec les provinces, à savoir que le gouvernement fédéral devrait assurer un rôle de leader en matière de langues officielles et déployer des mesures positives qui favorisent l’épanouissement des communautés en utilisant son pouvoir de dépenser. Cela, il peut déjà le faire. Quand on parle de leadership politique, c’est un aspect où il pourrait faire preuve de leadership politique. Cela ne passe pas par des clauses linguistiques, mais par un leadership affirmé sur la question des langues officielles.
Au-delà de cela, les clauses linguistiques ne régleront pas tous les problèmes non plus. Dans le domaine de l’éducation, on a déjà le Programme des langues officielles en éducation. Il a changé de nom récemment; vous le connaissez sous le nom de PLOE. Dans ce cadre-ci, on pourrait dire que c’est pratiquement une clause linguistique pour ce qui est du domaine de l’éducation. On pourrait le voir comme cela. Cela n’empêche toutefois pas qu’il y a des problèmes dans le déploiement de ce programme. Il faut donc imaginer des moyens d’améliorer les mécanismes existants; dans le cadre du PLOE, la distribution de l’enveloppe du gouvernement fédéral pour l’enseignement postsecondaire passe par le PLOE, et on voit qu’il y a des enjeux dans la distribution de ces sommes qui sont notamment liés à l’obligation d’avoir une contrepartie au financement fédéral de la part des provinces.
Cela fait en sorte qu’il peut y avoir des cas où les établissements postsecondaires doivent assurer la contrepartie provinciale pour avoir accès au financement fédéral. Les clauses linguistiques ne permettront pas de corriger cela; c’est en allant vers un règlement d’application de la partie VII qu’on pourra s’assurer qu’une mesure positive dans le domaine de l’éducation postsecondaire signifie que le financement se rend aux établissements postsecondaires pour répondre à leurs besoins immédiats et à long terme, et pas seulement par projet. Cela ne se fera pas par l’ajout d’une clause linguistique; on ne pourra pas tout régler avec les clauses linguistiques, notamment dans le domaine de l’éducation.
Le président : Vous parlez de la partie VII et il est vrai que plus on étudie le projet de loi, plus on se rend compte que tout le monde veut s’y retrouver. C’est tout à fait normal; les organisations et les secteurs veulent s’y retrouver.
Vous parliez d’inclure possiblement la question de la santé publique dans le domaine de la santé.
Dans le domaine de l’éducation, de la petite enfance au postsecondaire, pour tout ce qui touche les apprentissages formels et informels, trouvez-vous que la formulation actuelle est suffisamment inclusive et contient cette notion d’apprentissage formel et informel, l’éducation aux adultes et la formation des futurs enseignants? Avez-vous l’impression que cette terminologie intégrera tout le monde de façon suffisamment claire pour qu’ils puissent y trouver leur compte au moment de la mise en œuvre?
M. Normand : On croit que oui. D’ailleurs, le projet de loi C-13 mentionne ce qui suit :
[…] des apprentissages de qualité […] tout au long de leur vie.
Donc, pour moi, cela va bien au-delà de ce qu’on peut considérer comme des apprentissages formels dans un processus régulier et continu. On pourrait ajouter l’apprentissage formel et informel, le développement des compétences, l’acquisition des compétences et le développement de l’alphabétisation.
Il n’en demeure pas moins qu’il y a encore du travail à faire pour s’assurer que les ressources sont suffisantes pour faire cette partie du travail, l’alphabétisation et développement des compétences. D’ailleurs, c’est un message qu’on a entendu dans le cadre des états généraux sur les études postsecondaires, et on l’a inclus dans un rapport qui paraîtra la semaine prochaine. On a une section qui parlera de cet élément qui pourrait être systématisé dans notre façon de concevoir les études postsecondaires. Il y a beaucoup de nos collèges en particulier qui sont impliqués dans la question de l’alphabétisation et de la formation aux adultes.
Quand on imaginera des mesures positives pour donner corps à l’engagement de faire des apprentissages de qualité tout au long de la vie, il faudra veiller à ce que ce volet de l’éducation soit aussi pris en compte dans le développement des mesures positives.
Le président : J’aurais une dernière question pour M. Désilets. Le commissaire aux langues officielles dit que, tel qu’elles sont libellées dans le préambule, les obligations juridiques relatives aux langues officielles qui s’appliquent en situation d’urgence ne sont pas suffisantes et que cela devrait plutôt se retrouver dans le corps de la loi. Avez-vous une opinion à ce sujet?
M. Désilets : Je n’ai pas vraiment regardé cette partie, donc je préfère ne pas m’avancer sur un dossier qui ne m’est pas familier. Je vous remercie de la question, et je pourrai envoyer une réponse à ce sujet aux membres du comité.
Le président : Merci beaucoup. Je suis désolé, mais nous ne pourrons pas avoir un deuxième tour de questions.
Merci beaucoup, monsieur Désilets et monsieur Normand, pour vos témoignages et votre éclairage, qui nous aideront certainement à rédiger notre rapport sur cette étude préalable et, surtout, à amorcer l’étude du projet de loi C-13.
Pour notre deuxième groupe de témoins, nous recevons Nancy Juneau, présidente, et Marie-Christine Morin, directrice générale de la Fédération culturelle canadienne-française. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles.
De la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, nous accueillons par vidéoconférence Lily Crist, présidente du conseil d’administration. Bienvenue à vous, madame Crist. Je suis heureux de vous revoir après mon passage à Vancouver cette semaine.
Nous allons entendre les témoins, puis nous passerons à la période des questions et réponses.
Nancy Juneau, présidente, Fédération culturelle canadienne-française : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices. Je vous remercie de votre invitation à comparaître.
Je me présente : je suis Nancy Juneau, présidente de la Fédération culturelle canadienne-française. Je suis accompagnée de notre directrice générale, Marie-Christine Morin. Je souligne également la présence — de manière exceptionnelle aujourd’hui — de plusieurs membres de notre conseil d’administration qui sont issus des communautés francophones en situation minoritaire de partout au pays.
La FCCF est l’unique voix des arts et de la culture en francophonie canadienne et acadienne sur la scène nationale. À lui seul, et sans compter le Québec, notre secteur emploie plus de 26 000 personnes et génère plus de 1,16 milliard de dollars annuellement.
Les arts et la culture sont certes un pilier important du développement économique de nos communautés, mais plus important encore, leur capacité de « vivre en français » partout au pays est directement tributaire de la vitalité artistique et culturelle de nos milieux.
À titre d’exemple concret, la FCCF a lancé en 2019 son programme PassepART, visant à rehausser l’offre d’activités artistiques, culturelles et patrimoniales dans nos écoles de langue française. Depuis sa création, PassepART nous a permis de rejoindre 94 % des 750 écoles admissibles et plus de 290 000 jeunes. Une évaluation rigoureuse des résultats est en cours, mais nous envisageons déjà la croissance. Ce n’est là qu’un exemple d’un projet concret parmi tant d’autres portés par nos membres dans toutes les régions du pays.
C’est pour cela — pour la pérennité de cet écosystème crucial à notre épanouissement — que nous célébrons haut et fort le fait que le projet de loi C-13 consacre la reconnaissance des arts et de la culture en tant que secteur essentiel.
Ce faisant, ce projet de loi fait écho à la déclaration historique qui reconnaît la culture « comme un bien public d’une valeur intrinsèque, vecteur et moteur de développement durable », déclaration qu’ont signée 150 ministres de la Culture — dont l’honorable Pablo Rodriguez — qui se sont réunis récemment dans le cadre du MONDIACULT, la conférence mondiale de l’UNESCO, à Mexico.
Merci. Je cède maintenant la parole à ma collègue.
Marie-Christine Morin, directrice générale, Fédération culturelle canadienne-française : En 2022, face aux défis rencontrés pour l’avenir de la langue et de la culture françaises partout dans le monde, le Canada doit se doter des moyens de mieux assumer son rôle en tant que leader en francophonie. Le projet de loi C-13 nous fait cheminer en ce sens. Il faut agir avec vigueur et conviction pour la langue française au Canada en veillant à mieux soutenir le projet culturel qu’elle sous-tend.
En tant que représentants du secteur des arts et de la culture, nous insistons sur l’importance de faire en sorte que le gouvernement et ses institutions mettent en œuvre des mesures positives qui auront des effets structurants et mesurables. Nous saluons également le fait que le projet de loi C-13 aspire à renforcer l’importance du rôle des institutions canadiennes en arts et culture, non seulement celui des institutions fédérales, mais aussi — et surtout — celui de nos institutions locales et régionales, qui sont des acteurs de première ligne dans nos communautés.
Ce sont les gens d’action qui travaillent dans nos organismes partout au pays qui font la différence. Ils mettent en œuvre le service essentiel de la culture sur le terrain et permettent ainsi à nos collectivités d’y avoir accès et à nos artistes de se développer. De manière cohérente, il faut investir pour permettre à l’écosystème artistique et culturel de jouer pleinement son rôle de moteur socioéconomique.
Dans son mémoire en vue du prochain Plan d’action pour les langues officielles, la FCCF demande de nouveaux investissements totalisant 75 millions de dollars sur cinq ans. Nous nous rallions aussi à la FCFA du Canada, qui demande de renforcer la santé de nos organismes.
Une communauté branchée sur sa culture est une communauté forte, fière et ouverte. La vitalité culturelle de nos communautés les rend plus attrayantes aux yeux des personnes qui pourraient choisir de venir y vivre. Le dynamisme artistique et culturel rend nos milieux plus inclusifs et plus accueillants. Cette attractivité est le gage d’un avenir meilleur et la clé de notre pérennité.
Les choix que notre pays s’apprête à faire en appui à la langue et à la culture françaises seront plus déterminants que jamais pour l’avenir et pour le rayonnement de la diversité de nos expressions culturelles ici et partout dans le monde. Notre secteur, véritable moteur d’une francophonie forte et durable, a besoin de voir ce projet de loi se concrétiser dans les meilleurs délais.
Je vous remercie de votre écoute. C’est avec grand plaisir que nous répondrons à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, mesdames Morin et Juneau, de vos interventions.
Lily Crist, présidente du conseil d’administration, La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique : Merci beaucoup de m’avoir invitée à partager avec vous les enjeux des francophones de la Colombie-Britannique. C’est un grand plaisir de retrouver les membres du comité sénatorial que nous connaissons depuis longtemps. Certains d’entre vous nous ont rendu visite vendredi dernier à Vancouver.
En tant que membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, nous nous appuyons sur vous pour faire avancer nos droits et soutenir le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Notre temps étant compté, je vais commencer par notre enjeu principal particulier à la Colombie-Britannique, et j’enchaînerai ensuite avec les enjeux nationaux que nous partageons avec la FCFA.
Cet enjeu n’est pas une surprise, et nous en avons déjà discuté à plusieurs reprises, mais nous nous devons d’insister pour que cet élément soit l’objet d’une attention particulière. Notre demande est intrinsèquement liée à notre recours juridique, qui a abouti au verdict de la Cour d’appel fédérale du 28 janvier dernier. Vous trouverez plus d’information dans la lettre ouverte que nous avons publiée le vendredi 11 février 2022 et que nous avons jointe au dossier fourni au comité.
Nous avons un enjeu spécifique lié aux ententes de dévolution. Tout d’abord, nous sommes en cour depuis presque 12 ans à cause de ce type d’entente. Ces ententes ne sont pas des ententes traditionnelles d’un programme ou d’un champ de compétence partagé. La justice a aussi statué que la province était souveraine dans la dévolution en question pour la durée de l’entente. Avec ce type d’entente, nous perdons systématiquement nos services, puisque la Colombie-Britannique n’a aucune législation linguistique ni politique concernant les services en français. Nous souhaitons que la loi soit très précise sur ce type d’entente, particulièrement lorsqu’on mentionne les clauses linguistiques dans les ententes fédéral-provinciales. Sénateur Cormier, vous nous avez demandé plus tôt quelles mesures positives pourraient apporter les clauses linguistiques. Je me ferai une joie de partager avec vous les résultats de nos recherches.
Dans le cadre de nos ententes fédérales-provinciales, nous partageons les mêmes enjeux avec la FCFA. Nous suggérons donc les amendements suivants : premièrement, le projet de loi C-13 doit prévoir un processus automatique d’inclusion d’un pendant francophone à toutes les ententes que signe le gouvernement fédéral. Ces clauses doivent au minimum définir des buts et des moyens d’atteindre ces objectifs et un processus de reddition de comptes. Nous avons parlé des ententes de dévolution. Je veux réitérer que c’est un enjeu essentiel pour notre communauté.
Nous demandons également la désignation d’une seule agence centrale pour coordonner l’application de la loi. Évidemment, le dernier point, c’est l’obligation pour le gouvernement de développer une politique en matière d’immigration francophone ayant pour objectif explicite le rétablissement du poids démographique de la francophonie. Nous appuyons les cibles proposées par la FCFA qui verraient l’immigration francophone augmenter de 12 % en 2024 et de 20 % en 2036.
Nous comptons sur votre engagement pour assurer que la modernisation de la loi comportera les éléments que nous venons de présenter, particulièrement ceux qui touchent au processus automatique d’un pendant francophone à toutes les ententes que signe le gouvernement fédéral. Nous attendons un engagement fort du comité afin de ne pas rater cette occasion unique de renforcer décisivement la Loi sur les langues officielles et de pérenniser pour les prochaines décennies la francophonie canadienne d’un océan à l’autre.
Nous nous permettons d’insister à nouveau sur le problème des enjeux des ententes fédérales-provinciales. Si cet enjeu est négligé ou oublié, nous pouvons d’ores et déjà prévoir que la modernisation n’aura pas un impact positif sur le terrain pour notre communauté. Je vous remercie de votre écoute et de m’avoir invitée à partager ces informations avec vous. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le président : Merci, madame Crist. Nous allons passer à la période des questions et réponses. Nous allons commencer avec la sénatrice Gagné. Je vous remercie d’indiquer à qui s’adresse la question.
La sénatrice Gagné : Bienvenue à toutes les témoins. Merci beaucoup de nous avoir fait part de vos remarques positives par rapport au projet de loi, mais aussi, pour ce qui est de la Colombie-Britannique, de vos doléances, surtout par rapport à l’absence de clauses linguistiques.
Ma première question s’adresse à la Fédération culturelle canadienne-française. Si je comprends bien, le cadre législatif qui est devant nous est satisfaisant. Là où on doit faire attention, c’est la mise en œuvre, c’est-à-dire qu’il faut outiller les fonctionnaires de façon à ce qu’ils puissent respecter le cadre législatif. En ce qui concerne les programmes administratifs, le financement est probablement la base de tout progrès que le secteur culturel pourrait faire dans le cadre du projet de loi C-13. Ai-je bien compris?
Mme Morin : Vous avez très bien compris notre position. Évidemment, la reddition de comptes qui découlera de ce projet de loi sera cruciale pour nous. Puisque nos organisations sur le terrain sont les bras opérateurs de ce projet de loi qui sera adopté, cela nous amènera à devoir financer de manière cohérente ces bras opérateurs sur le terrain pour qu’ils puissent faire ce qu’ils ont besoin de faire et qu’il est si crucial qu’ils fassent, d’ailleurs.
La sénatrice Gagné : Étant donné que nous parlons de reddition de comptes, je vais me tourner vers Mme Crist pour revenir à toute cette question des clauses linguistiques.
De façon pratique, dans le meilleur des mondes, il serait souhaitable d’inscrire des clauses linguistiques dans le projet de loi C-13. Dans le pire des mondes, elles seraient inscrites, mais il y a des provinces qui ne respecteraient pas les clauses qui pourraient être incluses dans les ententes fédérales, provinciales et territoriales. Si les provinces ne respectent pas les ententes, qu’allons-nous faire? Comment allons-nous gérer cela? Cela se retrouvera-t-il devant les tribunaux? Devrons-nous les pénaliser en retenant des fonds? J’essaie de voir quelles seraient les conséquences du non-respect des clauses linguistiques.
Mme Crist : Je peux simplement vous dire que le non-respect des clauses linguistiques a toujours des conséquences désastreuses pour notre communauté, puisque cela signifie que nos membres, les francophones qui vivent en Colombie-Britannique, n’auront pas accès à des services.
Dans le cadre des services à l’emploi, je connais très bien un des cinq centres qui est maintenant fermé, puisque j’y ai travaillé. Du jour au lendemain, on est passé de 12 personnes qui offraient des services en emploi à une seule personne à temps partiel. Ce centre offrait des services pour les personnes marginalisées qui ont le plus besoin d’aide dans notre société. Je ne peux pas dire comment le gouvernement devrait faire son travail, mais les conséquences sont toujours les mêmes : nous perdons nos droits sur le terrain et nous sommes obligés d’aller devant les tribunaux pour quelque chose qui ne devrait pas avoir lieu. Nous devrions pouvoir vivre, travailler et avoir accès à des services en français sans avoir à toujours nous adresser aux tribunaux.
Je pense que le fait d’insister pour que nous ayons des clauses linguistiques, des clauses francophones, même dans la loi, nous permettrait de protéger nos communautés. Je ne parle pas seulement de la Colombie-Britannique; cela serait utile d’un océan à l’autre.
La sénatrice Gagné : J’aimerais vous entendre sur la question des clauses linguistiques.
Mme Juneau : La Fédération culturelle canadienne-française est solidaire de cette demande. Nous avons également des ententes dans nos provinces qui portent sur la culture, par exemple, et cela a un impact pour nos membres, à savoir comment on assure que le gouvernement fédéral peut demander une obligation de résultat; il me semble qu’il pourrait y avoir des modèles. Cela n’a pas besoin d’être lourd comme reddition de comptes, mais il faut qu’on s’entende en amont de la signature d’une entente sur des résultats tangibles et qu’on laisse à la province le choix des moyens pour atteindre ces résultats. Si les résultats ne sont pas atteints... Je prends l’exemple évoqué par notre collègue de la Colombie-Britannique : ils avaient un centre qui offrait le service, mais ils ont perdu leur financement.
Pourrait-on envisager un véhicule par lequel le gouvernement fédéral, qui a l’obligation de soutenir les communautés, puisse financer directement les services pour lesquels les objectifs ne sont pas atteints? Je réfléchis tout haut. Il me semble que si l’on s’entendait sur des obligations de résultat, ce serait déjà un premier pas d’inscrire ce concept dans la loi. Ensuite, si cela ne fonctionne pas, il y aurait moyen de considérer d’autres véhicules qui permettraient de desservir la communauté qui ne reçoit pas le service en question.
Le président : J’ai une question complémentaire par rapport à ce que vous proposez, madame Juneau. On parle des clauses linguistiques, car on parle des ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. Dans le fond, une des options serait aussi qu’il y ait des ententes directes entre le gouvernement fédéral et les organisations comme la vôtre sur le terrain pour livrer certains services. Est-ce que je comprends bien?
Mme Juneau : C’est une avenue qui pourrait répondre aux préoccupations de la sénatrice Gagné, à savoir que si une province ne respecte pas les obligations de résultat qui accompagnent des signatures d’ententes, il y a des gens sur le terrain qui peuvent donner ces résultats. Il me semble qu’il y a peut-être des provinces qui souhaiteraient examiner ce modèle. S’ils ne sont pas outillés pour respecter les clauses linguistiques pour une raison ou pour une autre, il faudrait que la communauté le soit et qu’elle offre le service que le gouvernement provincial ne peut pas offrir.
La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à Mme Crist. Depuis le lancement des consultations pour le nouveau Plan d’action pour les langues officielles, les statistiques du dernier recensement ont été publiées et ont montré que la communauté francophone de la Colombie-Britannique demeure vibrante. Le Commissariat aux langues officielles avait parlé d’une augmentation de près de 30 % des inscriptions au programme d’immersion en français entre 2006 et 2016. Avez-vous des données pour voir si ces programmes sont demeurés aussi populaires entre 2016 et 2021?
Mme Crist : Je vous remercie pour la question. J’ai été enseignante pendant 12 ans et ma fille est enseignante en immersion également. Malheureusement, je n’ai pas les chiffres exacts, mais je peux vous dire que partout en Colombie-Britannique, il y a encore une série de loteries pour inscrire son enfant dans une école d’immersion. Dans le Nord de la Colombie-Britannique, les conseils scolaires essaient de réduire le nombre d’écoles qui offrent des cours d’immersion française francophone.
Donc, nous avons une situation avec une population qui souhaite voir ses enfants éduqués en français et qui souhaite ardemment que les écoles d’immersion n’aient plus ce genre de système où l’on doit camper pendant trois jours pour avoir la chance d’avoir peut-être une place pour son enfant un jour. Il y a vraiment un besoin flagrant. Je vais essayer de vous trouver des données à ce sujet. J’ai eu l’occasion de rencontrer l’équipe de Canadian Parents for French vendredi dernier qui nous a parlé de ces grands défis qui existent dans la province.
La sénatrice Mégie : Je vous remercie pour votre réponse. Si vous avez des données, veuillez nous les faire parvenir au comité par l’entremise de notre greffière.
Mme Crist : Certainement, madame la sénatrice.
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse tout d’abord à Mme Crist. Je tiens à vous féliciter pour vos démarches. Malheureusement, il a dû y avoir des démarches judiciaires pour reconnaître le fait qu’on ne respectait pas vos droits linguistiques. La décision de la cour d’appel était un peu cinglante lorsque le gouvernement fédéral a demandé de suspendre l’application de l’arrêt de la cour d’appel. Le juge en chef a dit que seul un « marasme bureaucratique » pouvait expliquer le retard du gouvernement fédéral et que la demande constituait un abus de procédure. Ce sont des mots très durs.
Quelques jours après, le procureur général a annoncé que le gouvernement fédéral ne sollicitait plus la permission de faire appel à la Cour suprême. De votre côté, vous avez indiqué que vous alliez demander une permission d’en appeler de la décision. Est-ce que cela a été fait et si oui, où en êtes-vous?
Mme Crist : Cela a été fait le lendemain de cette déclaration, et nous sommes en attente. La Cour suprême du Canada doit nous dire d’ici quelques mois, rapidement j’espère, si elle souhaite entendre notre cause ou pas.
Le sénateur Dalphond : Est-ce que le gouvernement fédéral a produit un mémoire qui s’oppose à votre demande?
Mme Crist : Non. Il avait l’occasion de faire cela, mais cela ne s’est pas fait.
Le sénateur Dalphond : Donc, en principe, vous n’avez pas d’adversaire, personne ne s’y oppose.
Mme Crist : Pour l’instant, je pense que si la Cour suprême entend notre cause, oui, le gouvernement fédéral s’opposera, évidemment.
Le sénateur Dalphond : Vous devez avoir bientôt une réponse de la Cour suprême sur la demande de la permission d’en appeler, puisque cela prend quatre à cinq mois?
Mme Crist : Oui.
Le sénateur Dalphond : D’autre part, le gouvernement fédéral a annoncé non seulement qu’il n’allait plus interjeter appel devant la Cour suprême, mais qu’il avait donné un avis à la province de la Colombie-Britannique parce qu’il désirait mettre fin à l’entente. Est-ce que, depuis ce temps, l’avis a été donné, et est-ce que cela a provoqué des discussions au sein du gouvernement de la province, qui a peut-être essayé de contacter votre organisation pour négocier quel genre de nouvelles ententes on pourrait mettre en place?
Mme Crist : Absolument pas. Ni le gouvernement fédéral ni le provincial. Nous avons écrit aux deux et nous n’avons reçu absolument aucune nouvelle à ce jour.
Le sénateur Dalphond : Cependant, l’avis a été donné selon lequel l’entente a été dénoncée et que le gouvernement fédéral souhaitait y mettre fin?
Mme Crist : Oui.
Le sénateur Dalphond : Personne ne travaille sur la prochaine étape pour l’instant? Du moins, s’ils y travaillent, ils ne vous ont pas impliqués?
Mme Crist : Exactement, mais je pense qu’à ce niveau, il n’y a pas grand-chose qui bouge.
Le sénateur Dalphond : Je suis désolé d’entendre cela, surtout que vous avez eu gain de cause, alors vous êtes des experts sur la question.
Mme Crist : Avoir gain de cause, c’est une chose, mais pouvoir aller jusqu’au bout et voir des changements, cela prendra du temps, malheureusement.
Le sénateur Dalphond : On ne s’oppose plus à vous, mais on vous ignore.
Mme Crist : Pour l’instant, on ne s’oppose plus à nous, mais je ne pense pas qu’on va en rester là. Surtout si la Cour suprême compte écouter notre requête, nous entamerons une autre procédure qui sera longue, fastidieuse et très coûteuse pour notre communauté. Je préférerais que nos finances servent à l’accroissement de notre communauté plutôt que d’aller en cour pour défendre nos droits.
Le sénateur Dalphond : Je comprends cela. Merci beaucoup. Bravo pour votre travail.
Le président : Madame Crist, est-ce que vous avez bénéficié du Programme de contestation judiciaire pour les démarches que vous avez faites? Juste pour que l’on comprenne les liens.
Mme Crist : Je n’ai pas les chiffres exacts, mais je sais que oui, nous avons bénéficié de ce programme. Le Programme de contestation judiciaire représente une partie, environ 35 000 $ à 45 000 $ pour les différents niveaux, les différents ordres juridiques, mais cela ne compense pas pour les fonds que nous devons débourser. Ce sont nos propres fonds qui ont été engagés dans cette procédure depuis 12 ans. Le Programme de contestation judiciaire ne paie pas tous les frais, mais seulement une maigre partie des frais. Si nous nous rendons en Cour suprême du Canada pour continuer cette procédure, nous aurons des frais assez importants. Je crois que c’est une partie du casse-tête.
Le président : Je comprends que pour vous, il est important que le Programme de contestation judiciaire soit codifié de façon claire dans la loi?
Mme Crist : Oui, mais aussi le fait que les fonds alloués devraient être peut-être plus représentatifs que ce qui est vraiment nécessaire, parce que si vous avez plusieurs appelants quand vous présentez une contestation, évidemment, les fonds seront deux, trois ou quatre fois plus importants en fonction du nombre d’appelants.
Le président : Merci, madame Crist. Je reviendrai à d’autres questions plus tard.
La sénatrice Clement : Merci aux témoins. Bravo, madame Crist, pour votre dernier commentaire sur le coût d’un appel pour répondre à une contestation. C’est excellent de parler de ce point. Je suis contente de dire de voir les membres du conseil de direction; je viens de ce milieu de conseil de direction en milieu communautaire et c’est toujours apprécié vous voir ici.
Madame Morin, j’aimerais revenir sur vos commentaires concernant le besoin d’investissements pour maintenir la santé de vos organismes. Pouvez-vous aller plus loin dans vos commentaires et nous donner plus de détails sur l’enjeu? De quoi a-t-on besoin?
Mme Morin : Merci de votre question. L’accroissement des ressources financières et humaines dans nos organismes est quelque chose qui a été exacerbé par la pandémie ces dernières années. Cela faisait longtemps, et c’est toujours le cas, que le milieu artistique et culturel était sous-financé. Les ressources manquent. Les principales sources de fonds dans notre milieu, pour ceux qui sont financés — parce que je parlerai plus tard des organismes qu’on appelle dans notre milieu les orphelins — viennent surtout de Patrimoine canadien et des programmes d’appui aux langues officielles.
Évidemment, cette source de financement est restreinte parce qu’il y a une enveloppe restreinte. Ce financement nous permet de faire, dans certains cas, des activités opérationnelles, de programmation régulière, mais il y a une difficulté importante si on veut faire des travaux de développement du secteur.
Quand je parle de développement du secteur, je parle de nouveaux dossiers qui sont émergents, comme l’immigration francophone. Je parle du virage numérique que nos organisations doivent faire. Je parle aussi du dossier de la diplomatie culturelle, le dossier de l’exportation sur la scène internationale. Tous ces dossiers, notamment les dossiers à l’international, ne sont pas des dépenses que l’on peut se permettre avec le financement que l’on reçoit de Patrimoine canadien. Pour des organismes comme les nôtres, cela veut dire qu’on doit aller chercher toutes sortes de financement un peu partout, de sources plus ou moins stables, qui servent souvent pour des projets qui ne sont pas pluriannuels.
Il y a une fragilité dans le montage financier de nos organisations; c’est vrai pour les organisations qui sont financées et c’est encore plus vrai pour celles qui ne sont pas financées par Patrimoine canadien. Dans la demande que l’on fait pour le prochain Plan d’action pour les langues officielles, il y a un montant qui s’adresse justement à ces organismes orphelins, qui n’ont même pas accès aux enveloppes disponibles auprès de Patrimoine canadien et qui s’appuient sur le travail de bénévoles et de petits budgets recueillis au sein des municipalités, par exemple, et auprès d’autres acteurs du milieu communautaire qui soutiennent des activités. Je dirais que tout cela se fait de peine et de misère.
Pour un secteur que l’on considère comme essentiel dans cette loi, qui consacre le milieu artistique et culturel comme un secteur essentiel de développement, on doit, de façon cohérente, soutenir le financement qui permet à ces organismes de faire vivre la culture en français. C’est intéressant de voir qu’à la fin du mois d’août, il y a eu un sommet qui a conclu les consultations sur le Plan d’action sur les langues officielles. Un groupe de jeunes étaient invités à se prononcer à cet événement. De toute évidence, un des déclencheurs qui faisait en sorte que ces jeunes poursuivent leur travail et leur implication communautaire en français, c’étaient les activités artistiques, culturelles et communautaires qu’ils avaient faites en milieu scolaire et à l’extérieur du milieu scolaire. Pour que le déclic se fasse, il faut financer ce déclic.
C’est un peu ce qu’on est en train de dire. Si on veut soutenir cette vitalité linguistique et culturelle dans nos communautés, il faudra qu’on se donne les moyens de le faire.
La sénatrice Clement : Merci de cette réponse très complète et merci d’avoir parlé de cette consultation du mois d’août. À propos du secteur municipal, dans cette loi, on parle beaucoup des provinces et des gouvernements territoriaux. Est-ce que vous voyez un rôle pour le secteur municipal? Est-ce qu’on devrait porter plus attention au secteur municipal dans cette loi?
Mme Morin : C’est une excellente question. En fait, nos organisations sont connectées dans leurs municipalités.
La sénatrice Clement : Oui, je le sais.
Mme Morin : Oui, vous êtes bien placée pour en témoigner, probablement même mieux que moi. Il y a déjà une connexion. Au même titre qu’on est en train de dire que le milieu culturel doit se connecter à d’autres secteurs — j’ai parlé d’immigration francophone et d’économie —, est-ce qu’il n’y a pas lieu également de renforcer des liens à tous les niveaux? Absolument. Cela fait partie de l’équation. Le gouvernement fédéral est une réponse, mais ce n’est pas la seule.
Il y a plusieurs joueurs qui doivent s’impliquer dans ce désir de faire vivre la culture et les arts en français dans les communautés. C’est clair. Il y a une place pour les municipalités.
Le président : J’ai quelques questions pour la Fédération culturelle canadienne-française. Je vous entends depuis tout à l’heure parler des arts et de la culture. Dans le projet de loi, dans ce qu’on identifie comme un secteur essentiel d’épanouissement, on ne parle que de culture. Les gens veulent de plus en plus que toutes les dimensions de leur secteur soient incluses.
Est-ce que le fait que le mot « culture » soit mentionné vous satisfait? Est-ce que vous jugez que cela capte la totalité de votre secteur ou est-ce qu’il devrait y avoir plus de précisions, au sens de la loi, par rapport à cette terminologie?
Mme Juneau : Si on avait la possibilité d’améliorer ce qu’on a devant nous, c’est sûr que plus on est précis, plus on garantit que cette loi protégera ce qui nous est cher. Bien sûr, la culture dans son sens large peut comprendre les expressions artistiques. Notre fédération fonctionne avec un secteur culturel et un secteur artistique. En ce sens, si la loi pouvait être plus précise et parler du secteur des arts et de la culture, on serait ravi. On ne s’opposerait pas à cela, au contraire.
Mme Morin : J’ajouterais qu’à la fédération, on a embrassé la définition que donne l’UNESCO de la culture. À ce chapitre, les arts et le patrimoine sont inclus. Cette notion de culture est assez large pour qu’on puisse s’y reconnaître, je pense.
Mme Juneau : À défaut de préciser, on pourrait peut-être inclure dans le projet de loi une référence à la définition de la culture de l’UNESCO.
Le président : J’aimerais vous entendre sur la question de la consultation. Vous n’en avez pas parlé, mais on sait que les enjeux entre les communautés — et les organisations comme les vôtres — et le gouvernement fédéral se retrouvent souvent dans le processus de consultation. Vous avez parlé un peu de reddition de comptes.
Le projet de loi C-11, qui est à l’étude dans un autre comité, détaille de façon assez précise les différents éléments qui devraient être inclus dans la consultation.
Pensez-vous qu’on devrait faire de même dans la Loi sur les langues officielles? Le cas échéant, avez-vous des idées de critères ou d’éléments qui devraient être contenus dans la rubrique « consultation »?
Mme Morin : Je dirais que le paragraphe important dans le projet de loi C-11, c’est le paragraphe 5(2), qui décline non seulement l’obligation de consulter, mais la manière de le faire de façon assez précise. Il y a un degré de précision dans le projet de loi C-11 qui est, à notre avis, probablement un peu plus précis que ce que l’on voit dans le projet de loi C-13.
Donc, s’il y avait une manière d’exporter ce qu’on a réussi à clarifier et à spécifier dans le projet de loi C-13, on en serait ravi.
Le président : Merci de ces réponses. Madame Crist, lorsque j’étais à Vancouver, j’ai été assez impressionné de voir la diversité de la communauté francophone chez vous. Le projet de loi stipule qu’il y aura une politique en matière d’immigration francophone qui devra être précisée.
Est-ce que vous avez des éléments de contenu qu’il vous semble important d’inclure dans cette politique d’immigration francophone? Est-ce que vous y avez réfléchi?
Mme Crist : Oui, bien sûr. Pour citer un chiffre qui a déjà été publié, le manque de francophones que nous avons constaté au Canada au cours des 20 dernières années — nous n’avons jamais atteint l’objectif de 4,4 % en immigration francophone — est d’environ 78 000 personnes. Cela représente les francophones de la Colombie-Britannique. Ce chiffre est quand même révélateur.
Je peux dire que le fait de ne pas avoir de politique de rattrapage claire... On a beau dire que cette année, peut-être en 2023, on arrivera à atteindre la cible de 4,4 % officiellement, mais je pense que nous devrions viser une augmentation beaucoup plus grande afin de rattraper le manque que nous avons vu. Cela aurait un impact très positif sur nos communautés.
Le président : Vous avez précisé que vous pourriez me donner des exemples de mesures positives qui pourraient être prises en fonction de la partie VII.
Mme Crist : Oui. Par rapport à notre cause, on a parlé tout à l’heure des ententes de dévolution. Ces ententes provinciales et fédérales, même si on n’a parlé que de l’emploi, peuvent toucher les soins de santé, la santé, l’éducation, tous les champs de compétence, qu’ils soient partagés ou provinciaux.
Voici un exemple simple. Quand nous avons conclu les ententes pour les garderies, il y a eu des ententes entre toutes les provinces et tous les territoires. Malheureusement, en Colombie-Britannique, comme dans beaucoup de provinces et territoires, il n’y a pas eu de clause pour s’assurer de réserver des places spécifiques pour les francophones lors de la création de ces nouvelles garderies. Donc, il faudrait concrètement inclure dans ces ententes des clauses stipulant que nous réservons des services pour les francophones dans n’importe quelle entente. Cela voudrait donc dire qu’il n’y aurait pas de garderies en français assurées.
Le président : Lorsque nous étions en Colombie-Britannique, j’ai entendu dire que votre gouvernement a un projet de politique sur les services en français. Je me demande si l’inclusion d’une clause linguistique aiderait ce projet. Pour poser ma question autrement, quelle influence pouvez-vous exercer sur votre gouvernement sur cette politique des services en français? Comment, en ce sens, la Loi sur les langues officielles et le gouvernement fédéral pourraient-ils être des partenaires pour vous aider à faire en sorte que cette politique soit solide et qu’elle réponde à vos besoins?
Mme Crist : Je suis certaine qu’il y a de la bonne volonté de la part du ministre Dix dans ce dossier. Mes collègues et les différents conseils d’administration y ont travaillé depuis fort longtemps. Cependant, quelle que soit la bonne volonté, cela ne se traduira pas forcément par ce que nous souhaitons ou ce dont nous avons besoin. Ce sont encore des négociations en cours.
Par contre, je pense que sans l’adoption du projet de loi C-13 — avec des amendements solides —, nous serons toujours à la merci de n’importe quelle instabilité.
Une politique n’est pas une loi. Le jour où nous aurons une politique de services en français en Colombie-Britannique, nous serons très heureux. Mais est-ce que cette politique ira assez loin pour répondre réellement à nos besoins? Je ne le sais toujours pas. Je pense que le projet de loi C-13 est notre bouée de sauvetage, en quelque sorte.
Le président : Merci de vos réponses.
Le sénateur Mockler : Je veux vous remercier, madame la présidente. Depuis 1977, votre organisation a fait beaucoup de progrès. Je veux vous féliciter, vous et les gens de votre communauté, pour le travail difficile que vous faites.
Vous avez beaucoup d’expérience à traiter avec les gouvernements, peu importe le gouvernement. Est-ce que vous trouvez que le projet de loi C-13 va aussi loin que vous le voudriez quant à votre mission de promouvoir l’expression artistique et culturelle des communautés francophones et acadiennes?
Mme Juneau : Je vais commencer, puis je laisserai Mme Morin poursuivre.
Un projet de loi encore plus fort engloberait l’enjeu de l’accès à la culture. Cela rejoint un peu la discussion de tout à l’heure avec la sénatrice Clement sur les moyens dont nos organismes ont besoin sur le terrain pour donner accès à la culture. Si on dit que la culture est essentielle au développement et à l’épanouissement de nos communautés, il faut que les citoyens et citoyennes aient accès à cette culture sur le terrain. Si le projet de loi comprenait aussi une notion d’accès à la culture, on serait ravi.
Je ne sais pas si Mme Morin aimerait ajouter quelque chose.
Mme Morin : La réponse est assez complète. Le point de départ est la protection de la langue et de la culture. Si on les protège, on ira jusqu’à la notion d’accès, qui permet à ces organismes de faire vivre cette culture et aux gens d’y avoir accès. Si les arts et la culture sont disponibles, qu’il s’agisse d’un programme riche permettant aux gens de consommer cette culture, de rencontrer des artistes, de s’émouvoir devant toute cette littérature, on aura fait un bon bout de chemin. On aura vraiment ainsi bouclé la boucle sur le plan de la protection de la langue et de la culture. On se sera ainsi attardé à toutes les étapes, y compris l’accès.
Le sénateur Mockler : Quel libellé aimeriez-vous voir dans le projet de loi C-13?
Mme Morin : Pour représenter cette notion d’accès?
Le sénateur Mockler : Oui.
Mme Morin : Je pourrais vous revenir avec un libellé précis. Selon notre compréhension et les avis que nous avons entendus, il pourrait y avoir, dans la partie VII, et plus spécifiquement dans la partie où il est question des institutions, des articles où l’on verrait bien vivre le libellé en question.
Le sénateur Mockler : Quel ministère, croyez-vous, serait le mieux placé — et il peut s’agir d’une combinaison de ministères — pour réaliser les objectifs que vous réclamez?
Mme Morin : Ce pourrait être une combinaison de ministères. Nous appuyons cette idée d’une agence centrale forte qui s’occupe de la reddition de comptes et du cadre qui l’entoure. Nous pensons aussi que certains amendements apportés par la FCFA amènent un certain équilibre par rapport au rôle que doit jouer Patrimoine canadien en ce qui a trait à la culture. Ce sont des bureaux régionaux qui ont des antennes sur les réalités du terrain. Ce ministère a une expertise sur nos communautés, les programmes et les politiques publiques qui nous touchent. De façon plus large, et c’est ce qui est intéressant dans ce projet de loi, il y est question des institutions. On peut ratisser assez large dans d’autres ministères qui ont certainement une réflexion à faire. On pourrait aussi travailler en collaboration avec eux pour justement étendre notre action.
À la FCCF, on a beaucoup mis de l’avant le travail intersectoriel, qui permet d’aller à la rencontre d’autres secteurs qui ont un rôle à jouer. J’ai parlé plus tôt d’immigration. Ce ministère serait donc un allié potentiel. Il en va de même pour Emploi et Développement social Canada et Industrie Canada. L’ensemble des institutions et des ministères peuvent jouer un rôle dans ce dossier. Ce prochain projet de loi devra encourager davantage le travail intersectoriel et interministériel.
Le sénateur Mockler : Avec l’expérience que vous avez.
Mme Morin : Avec notre expérience et la nécessité d’appliquer cette lentille artistique culturelle dans d’autres milieux que le nôtre.
Le sénateur Mockler : Avez-vous été suffisamment consultés sur le projet de loi C-13?
Mme Morin : La consultation s’est échelonnée sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Notre milieu a participé de façon très active aux consultations. Nous avons eu la chance de faire valoir les points qui nous préoccupent. Nous avons été entendus sur une majorité de points.
Mme Juneau : Nous sommes aussi conscients que ce dossier est dans le collimateur depuis quelques années. Nous avons bien hâte que le projet de loi soit adopté. Nous constatons également que c’est un rendez-vous historique. Nous vivons avec la loi actuelle depuis 60 ans. On ne révisera pas cette loi dans deux ans. C’est maintenant qu’il faut agir. Nous ne voulons pas rater ce rendez-vous historique. Il faut faire tout ce que nous pouvons, dans le contexte de la révision de la loi, pour que nos communautés continuent de s’épanouir. Si on rate ce rendez-vous, je suis inquiète pour la suite. Il ne faut pas rater la chance de faire en sorte que cette loi soit opérante, mordante, exécutoire et globale.
Le sénateur Mockler : Avec votre expérience, vous savez qu’il est possible de proposer des amendements ou encore de procéder par voie de réglementation. Laquelle de ces options préférez-vous?
Mme Morin : Je dirais les deux.
Mme Juneau : Comme vous le voyez, elle a de l’expérience.
Le président : Voilà des paroles sages et créatives. J’ai une dernière petite question. On parle beaucoup de droits linguistiques. Diriez-vous que la Loi sur les langues officielles est aussi un instrument d’affirmation des droits culturels des communautés de langue officielle en situation minoritaire? En ce sens, tout le dossier dépasse la langue. Cela touche la question de l’expression et de l’accessibilité. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette question des droits culturels, et pourquoi le projet de loi C-13 est-il si important pour l’affirmation et le respect des droits culturels?
Mme Morin : Je pense qu’il y a des liens à faire, notamment avec la Charte sur les langues officielles et d’autres traités internationaux que le Canada a signés. Pour répondre à votre question, en appliquant la lentille du travail que nous faisons sur le terrain, nous voyons un lien réel entre les droits de protection conférés dans cette loi et les droits culturels, qui permettent de bénéficier d’un accès à sa langue et sa culture.
Le président : Merci beaucoup. Sur ce, madame Crist, merci d’avoir été parmi nous et d’avoir témoigné à partir de Vancouver. Vos commentaires et réflexions vont éclairer nos débats, et surtout l’élaboration de notre rapport sur cette étude préalable.
À la Fédération culturelle canadienne-française et à ses membres ici présents, puisque je suis un peu issu de votre secteur, je tiens à vous remercier, au nom des membres du comité, pour le travail que vous faites sur le terrain. Évidemment, il n’y a pas de langue sans culture. Vous êtes les premiers ouvriers et ouvrières de ce travail sur le terrain. Merci beaucoup de vos témoignages. Sur ce, nous allons conclure la séance.
(La séance est levée.)