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OLLO - Comité permanent

Langues officielles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 1er mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 h 1 (HE), avec vidéoconférence, afin de poursuivre son étude sur les services de santé dans la langue de la minorité; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonsoir, chers collègues. Je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis actuellement président du Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité qui sont présents ici à se présenter, en commençant par ma droite.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

Le président : Merci et bienvenue, chers collègues.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue à chacun de vous, ainsi qu’à tous ceux qui nous regardent partout au pays. Nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

[Français]

Ce soir, nous poursuivons notre étude sur les services de santé dans la langue de la minorité. Pour notre premier groupe de témoins, nous recevons Mme Shirley MacLean, commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick.

Bonsoir et bienvenue parmi nous. C’est toujours un plaisir de vous recevoir, madame MacLean. Nous sommes prêts à entendre votre déclaration préliminaire, qui sera suivie d’une période de questions et de réponses avec les membres du comité. La parole est à vous.

Shirley MacLean, commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick : Bonjour à tous. Je suis heureuse de cette occasion de comparaître en personne ici aujourd’hui afin de témoigner dans le cadre de votre étude sur les services de santé dans la langue de la minorité.

En tant que commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick et en tant que Canadienne, il n’y a rien de plus important pour moi que la santé et la prestation des services de santé.

[Traduction]

En fait, si j’ai voulu occuper le poste de commissaire, c’était surtout en raison des questions relatives à la prestation de services de santé à la minorité linguistique francophone au Nouveau-Brunswick.

[Français]

Comme la plupart d’entre vous le savent déjà, le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue. Ce statut unique du Nouveau-Brunswick est inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte précise que le français et l’anglais sont les langues officielles du Nouveau-Brunswick et stipule aussi que les communautés linguistiques francophones et anglophones de la province ont un statut ainsi que des droits et privilèges égaux.

Au Nouveau-Brunswick, tout le monde a le droit de recevoir des soins de santé dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. Selon la Loi sur les régies régionales de la santé, la province compte deux réseaux de santé : Vitalité et Horizon. Ceux-ci gèrent les hôpitaux et fournissent divers services de santé.

Chaque réseau a une langue de fonctionnement interne, soit le français pour Vitalité et l’anglais pour Horizon. Toutefois, les deux réseaux doivent fournir des services dans les deux langues officielles au public.

[Traduction]

Les enjeux liés à la prestation de services de santé représentent une question de sécurité. Lorsque nous avons affaire au système de santé, nous sommes en situation de vulnérabilité, car il s’agit d’un terrain inconnu pour la plupart d’entre nous. Nous ne parlons pas le langage médical.

[Français]

Cette situation peut être exacerbée pour la minorité linguistique francophone, qui est souvent confrontée à des barrières linguistiques quant à l’accès aux soins de santé dans sa langue maternelle.

Il a été démontré à maintes reprises que lorsque l’on parle de soins de santé, la langue fait partie intégrante de la qualité et de la sécurité des soins. L’accès à des soins de santé de qualité égale et dans la langue officielle de son choix améliore la santé pour tous.

La qualité des soins est aussi étroitement liée à la capacité des intervenants d’aider les usagers des services. La capacité de comprendre et d’être compris est essentielle pour une relation efficace entre le prestataire de soins de santé et le public, et elle permet d’éviter des situations dangereuses.

[Traduction]

Au cours des six dernières années, les plaintes relatives aux soins de santé ont représenté un pourcentage important des plaintes que nous avons reçues, et la plupart d’entre elles concernaient l’absence de service en français.

Si je regarde l’ensemble des plaintes déclarées dans mon dernier rapport annuel pour 2021-2022, les soins de santé sont certainement le thème récurrent; en effet, près de 40 % des plaintes traitées portaient sur des questions en matière de soins de santé.

Il faut aussi tenir compte des nouveaux points de service. Au Nouveau-Brunswick et au Canada, nous avons constaté une pénurie accrue de travailleurs de la santé, notamment des médecins et des infirmières. Cette pénurie, ainsi que les problèmes liés à la pandémie ont entraîné un recours accru aux services de santé virtuels et en ligne.

Au commissariat, nous avons reçu des plaintes à propos de ces services. Dans le cas d’un service en ligne auquel accèdent des gens qui n’ont pas de fournisseurs de soins de santé et qui ont besoin d’une assistance médicale, les utilisateurs francophones se sont fait dire que leur temps d’attente pourrait être plus long s’ils décidaient de poursuivre en français.

Dans d’autres cas, les utilisateurs francophones qui avaient entré une question ou une demande de renseignements sur le site ont reçu une réponse électronique les informant que le service ne comprenait pas suffisamment bien leur question pour leur offrir un service.

C’est non seulement une violation de la Loi sur les langues officielles, mais aussi un danger potentiel pour les utilisateurs francophones, et certainement un obstacle à l’accès à des services de santé qui sont de qualité égale à celle des services offerts aux anglophones. Ce n’est là qu’un exemple flagrant. La situation a été corrigée. Cependant, l’accès à des services de qualité égale dans les deux langues officielles demeure une préoccupation majeure, même dans notre province bilingue où les établissements comprennent leurs obligations linguistiques et font de réels efforts pour les respecter.

[Français]

En outre, la pénurie de main-d’œuvre ne peut servir d’excuse pour ne pas respecter les obligations linguistiques. Bref, au Nouveau-Brunswick, toutes les institutions gouvernementales, y compris les deux réseaux de santé, ont l’obligation de fournir des services de qualité égale dans les deux langues officielles. L’inclusion de clauses linguistiques obligatoires dans les transferts fédéraux en matière de santé aura pour effet d’assurer le soutien des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Merci beaucoup de m’avoir invitée à me joindre à vous aujourd’hui.

[Traduction]

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.

Le président : Merci de votre déclaration préliminaire. Nous sommes maintenant prêts à passer aux questions et réponses.

[Français]

La sénatrice Poirier : Merci d’être parmi nous. C’est vraiment agréable de pouvoir discuter avec vous ce soir de sujets qui sont importants chez nous.

Vous occupez le poste de commissaire aux langues officielles depuis environ trois ans. Alors que nous commençons notre étude sur les services de soins de santé dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, quel est, selon vous, le plus grand défi pour les communautés acadiennes en ce qui concerne les services de soins de santé? De plus, comment le gouvernement fédéral pourrait-il aider à relever ce défi?

J’aimerais aussi faire un commentaire pour faire suite à ce que vous avez dit un peu plus tôt. Vous avez dit que quand une personne s’inscrit pour avoir un médecin s’exprimant dans la langue de son choix, l’attente risque d’être plus longue si c’est un médecin francophone.

Cela représente un réel défi au Nouveau-Brunswick, avec une population de plus en plus vieillissante. Selon l’endroit où elles vivent, les personnes âgées de plus de 75 ans disent qu’elles attendent un médecin depuis longtemps. Pour certaines d’entre elles, le fait d’avoir un médecin anglophone ne serait pas l’idéal, car plusieurs ne comprennent pas la langue. Je le sais, étant donné que je travaille avec des gens de ma province, et ils me disent la même chose.

Le fait d’aller à l’urgence pour voir un médecin dans un hôpital francophone n’est pas non plus la solution, parce que les gens passent la journée entière à l’hôpital et, à minuit, ils n’ont toujours pas vu de médecin.

Qu’entend faire le gouvernement fédéral pour résoudre ce problème auquel nous faisons face?

Mme MacLean : Le plus gros défi, c’est l’accès aux services de soins de santé en français. C’est là que l’on voit le plus grand nombre de plaintes.

Évidemment, les institutions comprennent qu’elles doivent offrir ce service. Comme vous l’avez dit, c’est aussi une question de sécurité.

On voit aussi souvent, dans certaines régions, que les francophones ont plutôt tendance... Même les plaignants qui disent presque toujours insister pour obtenir des services en français décident de s’exprimer en anglais, parce qu’ils savent qu’ils devront attendre plusieurs heures et la situation est urgente.

Il s’agit d’une question de sécurité. Ultimement, on parle de la possibilité de recevoir des services en français. C’est souvent une question de fonds, de financement, mais le problème d’accès aux services en français est aussi lié à la pénurie de main-d’œuvre. Lorsque je reçois des plaintes, je fais des recommandations, mais les représentants des institutions vont souvent répondre qu’ils n’ont pas assez d’employés bilingues. C’est pourquoi nous recevons ce genre de plaintes.

Le gouvernement fédéral devrait-il inclure des clauses linguistiques lorsqu’il fait des transferts aux provinces? Devrait-il faire en sorte que certains fonds soient destinés à l’embauche d’employés bilingues? À mon avis, oui. L’obligation est déjà là. Les fonds additionnels font probablement partie de la solution, mais il faut avoir... Évidemment, la santé est une compétence provinciale, mais les clauses linguistiques qui obligeraient le gouvernement provincial à insister pour avoir plus d’employés pourraient aider à régler certains problèmes.

La sénatrice Poirier : C’est une situation inquiétante, surtout pour les personnes âgées. Parfois, elles ne comprennent pas l’anglais. Elles doivent être capables d’expliquer quel est leur problème et recevoir les informations nécessaires dans leur langue.

Me reste-t-il un peu de temps pour poser une deuxième question?

Le président : Oui.

La sénatrice Poirier : D’accord.

En septembre dernier, l’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick a annoncé un partenariat avec la France pour faciliter l’obtention d’un permis de travail pour les infirmières qui viennent de France. Est-il trop tôt pour évaluer cette initiative? Selon vous, une telle entente devrait-elle servir de modèle pour d’autres au pays?

Mme MacLean : Je ne sais pas si on a évalué comment cette entente fonctionne. C’est probablement le ministère de la Santé et l’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick qui pourraient s’en charger, puisque ce sont eux qui régissent la profession.

Chaque fois qu’on peut éliminer des barrières pour faciliter les choses, c’est une bonne chose. Je suis avocate. Cela fait plusieurs années que le Barreau du Nouveau-Brunswick a conclu une entente de mobilité entre les provinces pour que les avocats puissent traverser la frontière facilement. Cela permet aux infirmières, infirmiers et médecins de travailler dans les autres provinces. Chaque fois qu’on peut faire quelque chose pour supprimer des barrières, c’est très bien.

La sénatrice Gagné : Bienvenue, madame MacLean.

Je voulais simplement vérifier une information avec vous. De façon générale, au Canada, on a un problème d’accès aux services de santé dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, surtout chez les francophones. Il y a aussi les anglophones au Québec. Cependant, je veux surtout me concentrer sur les communautés francophones.

Il est clair qu’on a un problème de main-d’œuvre.

Sentez-vous libre de faire des commentaires sur la façon dont le Nouveau-Brunswick a décidé de structurer le Réseau de santé Vitalité et le Réseau de santé Horizon. Il s’agit quand même de deux régies, donc de deux autorités différentes. En matière de coordination des services de soins de santé, comment cela se passe-t-il sur le plan des ressources?

La télémédecine et les nouvelles technologies peuvent-elles représenter une occasion pour mieux respecter les droits linguistiques des patients?

Mme MacLean : En ce qui concerne votre question sur les technologies, je crois qu’il faut vraiment faire attention à cela.

Je vais vous raconter un incident qui s’est produit la semaine dernière. J’étais à l’hôpital de Fredericton pour une prise de sang. J’étais dans la salle d’attente et une employée de l’hôpital jasait avec une personne qui attendait aussi dans la salle d’attente. Puis, l’employée a dit qu’il fallait qu’elle retourne travailler et qu’elle avait avec elle un appareil lui permettant de traduire en français. Puis, elle a dit ceci :

[Traduction]

J’ai une machine qui fait la traduction. Je n’ai pas besoin de parler français.

[Français]

Ensuite, l’employée est repartie. La Loi sur les langues officielles et la Charte de la langue française exigent que les deux communautés linguistiques aient accès à des services de qualité et de manière égale.

Lorsqu’on parle de traduction assistée par les systèmes de traduction, cela devrait être utilisé en dernier recours dans ces milieux, dans les ambulances et dans les hôpitaux. Il faut faire attention. On entend souvent les gens dire qu’ils ont beaucoup confiance en ces systèmes, mais c’est dangereux. Il faut vraiment faire attention. Lorsqu’on travaille dans des institutions de santé, c’est vraiment une ressource de dernier recours, parce que les personnes doivent pouvoir s’exprimer dans leur langue pour parler de leurs problèmes de santé.

En ce qui concerne les deux réseaux de santé, certaines choses sont parfois mal comprises. Des gens pensent que dans notre région, au Nouveau-Brunswick, on a des hôpitaux francophones et anglophones. Ce n’est pas du tout cela. Qu’il s’agisse du Réseau de santé Vitalité ou du Réseau de santé Horizon, tous les deux doivent offrir un service dans les deux langues au grand public.

Dans le Réseau de santé Horizon et le Réseau de santé Vitalité, les langues de travail sont le français et l’anglais. Bien sûr, certains professionnels qui travaillent dans ce système sont unilingues, mais il faut que le service soit accessible dans les deux langues pour tout le monde.

Je ne peux pas parler pour les réseaux de santé pour dire comment ils vont gérer leurs ressources, mais, selon ce que je comprends, surtout à Moncton, il y a beaucoup de va-et-vient, beaucoup de partage entre le Réseau de santé Horizon et le Réseau de santé Vitalité. Je pense qu’ils regardent cette situation de près. Peu importe où vous allez au Nouveau-Brunswick, que soit à l’hôpital ou dans une clinique, vous avez le droit d’avoir accès aux services dans la langue de votre choix.

La sénatrice Gagné : D’accord.

Pour ce qui est de la pénurie de main-d’œuvre, je suis consciente que l’Université de Moncton collabore avec d’autres universités pour ce qui est de la formation. Elles ont aussi un programme très important pour la province pour ce qui est de la présence sur le terrain, par exemple.

Si vous n’avez pas de réponse à ma prochaine question, je peux comprendre.

Est-ce qu’on réussit à retenir les médecins, les infirmiers et les infirmières au Nouveau-Brunswick après leur...

Mme MacLean : Le Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick a mené un sondage auprès des patients pour recueillir des statistiques en matière de santé et de main-d’œuvre. Selon ces statistiques, le nombre de médecins augmente avec les années, mais la population a beaucoup augmenté aussi. De moins en moins de Néo-Brunswickois ont un médecin de famille. Je pense que l’on vit la même situation partout au Canada et ailleurs dans le monde. On manque de main-d’œuvre partout.

Le président : Toutes mes excuses, madame MacLean. Je crois que je vous ai appelée « madame MacLaren» tout à l’heure. Je m’excuse. Je ne voudrais pas vous rebaptiser.

La sénatrice Moncion : Ma question porte sur les deux recommandations que vous aviez faites par rapport à la Loi sur les régies régionales de la santé.

Dans vos deux recommandations, vous parliez d’assurer que, dans toute action relative à l’élaboration d’un plan provincial de la santé, la langue de fonctionnement des régies ne devait pas avoir préséance sur leur obligation d’offrir l’ensemble des soins dans la langue officielle choisie par le patient. La deuxième recommandation visait à s’assurer que les dispositions du paragraphe 19(3) de la Loi sur les régies régionales de la santé, qui impose aux deux régies la responsabilité d’améliorer la prestation de services de santé en français, soient respectées dans l’élaboration d’un plan provincial de la santé.

M. Higgs, premier ministre de votre province, ne semble pas avoir montré beaucoup d’ouverture vis-à-vis de ces recommandations. Pourriez-vous nous dire s’il a changé d’avis depuis, ou s’il a proposé quelque chose d’autre pour à tout le moins respecter les recommandations que vous aviez faites par rapport au travail?

Mme MacLean : Non; le gouvernement a même déposé un projet de loi qui n’a pas inclus ces recommandations et il n’y a pas encore eu de débat à l’assemblée législative sur le projet de loi. Il reste à voir s’il y aura des modifications ou non. Ces recommandations étaient plutôt techniques, pour s’assurer que les obligations primordiales qui sont enchâssées dans la Loi sur les langues officielles, soit 26 ou 27 des obligations des institutions de base, s’appliqueront aux réseaux de santé et au ministère de la Santé.

La sénatrice Moncion : Vous mentionniez tout à l’heure qu’un employé se promenait avec un ordinateur, qu’il parlait en anglais à l’ordinateur et que ce dernier traduisait en français : c’est le comble de la paresse quand on sait que l’on pourrait très bien investir dans d’autres formes de technologies qui amélioreraient les services dans les hôpitaux. Je comprends que vous n’êtes pas nécessairement très heureuse d’entendre des commentaires de ce genre dans les plaintes que vous recevez.

Mme MacLean : Pour les immigrés et pour les autres langues, je suis au courant qu’on utilise cette technologie. Je me suis fait dire par le passé qu’on ne va pas stationner une ambulance parce qu’on n’a pas de traduction. On va utiliser la traduction des technologies qui existent, bien sûr. À mon avis, cependant, c’est encore un dernier recours. Il faut comprendre ce qui se passe et ne pas mettre un patient en danger. Si l’on commence à faire cela en premier recours, cela continuera.

La sénatrice Moncion : C’est la loi du moindre effort. Je vais sortir de ce champ, car je voulais savoir si vous aviez eu des avancées du côté des qualifications des intervenants en santé. Les tests provinciaux ne sont pas nécessairement régularisés d’un océan à l’autre au Canada, ce qui fait en sorte que la mobilité de la main-d’œuvre en santé est peut-être limitée. Je crois que c’est un problème qui existe chez vous au Nouveau-Brunswick; je me trompe?

Mme MacLean : Les examens pour les...

La sénatrice Moncion : Par exemple, pour les infirmières, elles doivent se qualifier, mais le gouvernement fédéral pourrait intervenir pour qu’il existe un régime canadien où les qualifications seraient les mêmes d’un océan à l’autre. Cela favoriserait la mobilité du personnel en santé, ce qui ferait en sorte qu’il y aurait beaucoup plus d’accessibilité.

Mme MacLean : La mobilité des professions est une question importante. Bien sûr, cela faciliterait beaucoup la mobilité des infirmières ou des médecins qui pourraient venir chez nous. Encore là, cela revient ultimement à l’association professionnelle. Le gouvernement n’a aucun contrôle à cet effet, car les associations professionnelles se réglementent elles‑mêmes. Cela aiderait beaucoup, mais cela reste à voir. C’est vraiment un gros projet, et il faudrait une approbation de toutes les associations professionnelles au Canada.

La sénatrice Moncion : Je crois entendre que ce n’est pas nécessairement un dossier sur lequel on travaille de façon assidue?

Mme MacLean : Je pense qu’on en entend parler et que c’est reconnu maintenant, surtout dans l’Atlantique. Les premiers ministres ont commencé à en discuter, car je pense qu’ils ont compris qu’il faut faire quelque chose. Cependant, en ce qui concerne les langues officielles, même s’il y a une entente pour assurer une plus grande mobilité, est-ce que cela aidera la langue de la minorité? Les francophones sont plutôt au Nouveau-Brunswick. Cela améliorera-t-il la situation pour la communauté linguistique minoritaire? Je ne sais pas. Il faut insister davantage pour que les services soient disponibles pour ces communautés.

La sénatrice Moncion : En ce qui a trait aux plaintes, vous parliez de leur nombre, mais au-delà de cela, est-ce que le gouvernement prête une oreille attentive aux plaintes ou est-ce une simple statistique?

Mme MacLean : Les institutions avec lesquelles je travaille... Même si j’ai uniquement le pouvoir de faire des recommandations, conformément à la loi, souvent, lorsqu’on dépose des recommandations, les institutions sont conscientes de leurs obligations et elles travaillent avec nous pour les imposer. Souvent, par contre, on parle de pénurie chez les employés, mais ce n’est pas toujours le cas.

Il peut y avoir une culture organisationnelle particulière dans une institution; c’est une situation où, à mon avis, il faut que je fasse un peu de promotion. Y a-t-il une façon pour nous de travailler avec l’institution pour l’aider à imposer les recommandations et s’assurer que les employés reconnaissent les obligations, l’offre active, la continuité des services? C’est là où je peux faire un peu plus de travail sur le terrain.

La sénatrice Mégie : Je regardais certaines notes. Cela pourrait ne pas avoir de lien avec vous, mais en même temps, vous êtes sur le terrain. Je sais que, du côté du Québec — parce que je viens du Québec —, il y a eu beaucoup de commentaires affirmant que le projet de loi C-13 frustrera beaucoup les anglophones du Québec. Quand vous parlez avec toutes les personnes que vous consultez, est-ce que la réflexion va dans le même sens?

Mme MacLean : À propos du projet de loi C-13?

La sénatrice Mégie : Oui.

Mme MacLean : En toute honnêteté, à mon bureau, les plaintes que nous avons reçues ou les discussions que nous tenons... Nous n’avons pas les compétences requises pour ce qui est de la loi fédérale. Cependant, en ce qui concerne les droits linguistiques, il est vrai que la plupart des plaintes déposées auprès de nos bureaux concernent la minorité linguistique et la Loi sur les langues officielles. La Charte protège les droits de la minorité linguistique. Elle est là pour les deux communautés linguistiques. On a deux langues officielles, deux communautés linguistiques avec des droits et privilèges égaux.

Je ne suis pas une experte du projet de loi C-13, mais il faut toujours faire preuve de vigilance pour nous assurer que les droits des minorités sont protégés, à mon avis.

La sénatrice Mégie : L’autre point dont vous avez discuté avec la sénatrice Moncion, soit la mobilité des médecins, j’en ai beaucoup entendu parler par rapport à la nouvelle loi au Québec.

Je me demande si cela ne signifie pas de déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul, car en fait, la main-d’œuvre est quand même réduite; ce n’est pas seulement au Québec, parce que j’en entends parler un peu partout.

Si on favorise la mobilité, c’est très bien, mais est-ce que cela avantagera vraiment les populations francophones dans les régions minoritaires?

Mme MacLean : Voilà la question. À mon avis, on devrait regarder du côté des immigrants. Lorsqu’on cherche des immigrants professionnels qui ont déménagé au Canada... J’ai pu le constater moi-même lorsque mon fils était à la garderie, car la personne qui travaillait en cuisine était médecin en Algérie. Elle n’a jamais pu être acceptée ou même être admise à un examen de compétences pour devenir médecin au Nouveau-Brunswick.

Cette famille a finalement décidé de déménager au Québec, puis elle a commencé à pratiquer à Montréal. On devrait commencer par s’assurer qu’il n’y a pas de barrière lorsque les immigrants viennent au Canada, pas seulement pour les médecins, mais pour tous les métiers. On promet des choses aux immigrants. On leur dit de venir au Canada et on leur dit qu’ils pourront exercer leur métier, mais lorsqu’ils arrivent au Canada, ils se heurtent à beaucoup de barrières, surtout pour les professions dans le domaine de la santé en général. C’est dans ces secteurs que l’on va augmenter le nombre d’employés. Je suis comme vous. Si on déménage des médecins du Québec au Nouveau-Brunswick, certains patients du Québec n’auront plus de médecin de famille et certains patients au Nouveau-Brunswick vont en gagner un. Est-ce que ça change la donne pour l’ensemble du Canada? Je ne sais pas.

La sénatrice Mégie : Merci.

La sénatrice Clement : Bonjour et bienvenue. Je suis francophone et je suis une patiente dans un centre de santé communautaire. L’Ontario a cru bon d’investir dans des centres de santé communautaire qui ont différentes vocations; la mienne s’adresse aux francophones. À mon avis, la province aurait dû continuer d’investir dans ce genre de services. J’essaie de comprendre si cette formule existe au Nouveau-Brunswick. Beaucoup de disciplines sont offertes dans ces centres de santé francophones et c’est une excellente façon de procéder.

[Traduction]

Ma prochaine question porte sur la collaboration avec les provinces. Le Nouveau-Brunswick est une excellente province à examiner. Je vous suis reconnaissante de votre présence parmi nous, comme toujours.

Surveillez-vous les politiques des autres provinces? Devez‑vous discuter des langues officielles avec d’autres provinces? Je sais que vos voisins sont là, mais discutez-vous avec d’autres provinces à ce sujet, c’est-à-dire au sujet des soins de santé et des langues officielles? Je suis curieuse de savoir ce qu’il en est à l’échelle provinciale.

Mme MacLean : Nous ne le faisons pas. Je rencontre le commissaire aux services en français de l’Ontario et le commissaire fédéral, mais nous sommes la seule province officiellement bilingue, alors je n’ai pas d’homologues avec qui discuter de bon nombre de ces questions relativement à n’importe quel sujet ou, en particulier, à la santé, comme vous venez de le mentionner.

[Français]

C’est quelque chose que nous regardons de près à cause du nombre de plaintes. Ce sont des choses qui m’intéressent, parce qu’il en va de la sécurité des gens. Les cliniques dont vous parlez sont plutôt rares. Je sais que, dans la région de la capitale, des initiatives de ce type ont été lancées dans les centres communautaires francophones, mais ils ont connu une pénurie d’employés. Il y a eu quelques médecins de famille et ils sont partis. Ils n’ont même pas d’infirmière praticienne sur place. Ils ont essayé, mais ils manquent de personnel.

Je connais bien le sujet dont vous parlez, parce que j’avais une nièce qui travaillait dans l’une de ces cliniques. Pour moi, c’est tout à fait logique, mais je crois que le gouvernement a du mal à prendre des décisions différentes, à « penser à l’extérieur de la boîte », si l’on veut.

La sénatrice Clement : C’est la raison pour laquelle je vous ai posé la question : pour la collaboration et l’inspiration de ce qui se fait ailleurs. On nous dit en Ontario que les cliniques et les centres communautaires ont plus de capacité à recruter du personnel, parce que la nouvelle génération de professionnels aime travailler en équipe.

Mme MacLean : Ils vont aussi travailler moins, car plus on est nombreux, moins la charge de travail est grande. Je suis patiente d’un médecin qui fait partie d’une clinique qui est composée d’elle-même et de deux jeunes couples. Je me considère comme chanceuse. Il est possible que je ne puisse pas obtenir un rendez-vous avec ma médecin, mais ce sera avec l’un des quatre. Si je décide d’aller à l’urgence, après trois fois, ils peuvent me bannir de leur pratique. Je n’ai pas le droit d’aller à l’urgence ou dans un autre point de service. Je dois absolument me rendre à ma clinique.

La sénatrice Clement : Les choses se font, mais pas de façon formelle avec le gouvernement.

Mme MacLean : C’est ça.

La sénatrice Clement : Merci.

Le président : Avant de céder la parole au sénateur Mockler, j’aimerais vous poser une question à mon tour. Dans le mémoire que vous aviez soumis au commissaire chargé de la révision de la Loi sur les langues officielles, vous aviez fait certains commentaires, par exemple sur les ambiguïtés par rapport à l’offre de service et la question de l’affichage bilingue. Vous aviez proposé d’ajouter des obligations linguistiques pour les foyers de soins. Vous aviez indiqué que vous aviez reçu des plaintes pour ce qui est de l’accès au dossier médical dans la langue de son choix.

En fait, ma question est assez large. Évidemment, on pense beaucoup aux hôpitaux lorsqu’on pense aux soins, mais dans les plaintes que vous avez reçues et qu’on a pu relever au Nouveau-Brunswick sur les ambulanciers et sur l’offre dans les soins de santé, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur les défis se rapportant à ces différents aspects? Manifestement, vos recommandations ont été reçues dans le rapport, mais pas par le gouvernement actuel.

De quelle manière le gouvernement fédéral pourrait-il aider avec la Loi sur les langues officielles? On sait que, dans le projet de loi C-13, la santé est identifiée comme étant un secteur essentiel. À votre avis, cela pourrait-il renforcer les ententes fédérales-provinciales pour faire en sorte que la question de l’accès aux services dans les deux langues officielles se retrouve partout dans le système, y compris dans des organisations comme les organismes de soins de santé?

Mme MacLean : C’est quelque chose de formel et cela aiderait beaucoup les gouvernements provinciaux à reconnaître leurs obligations. Les obligations sont là pour les gouvernements. Toutefois, le fait de reconnaître officiellement que cela existe ainsi que des fonds qui seraient rattachés à tout cela pourrait aider la province à retenir d’autres employés.

Pour ce qui est de la question des soins de santé dans les foyers, je dois dire que, pour les soins de santé extramuraux qui sont fournis dans les foyers et les maisons, il n’y a presque pas de plaintes. Cela se passe assez bien. Les foyers de soins et les services extramuraux sont régis par Medavie, qui est un tiers conformément à la loi, et ça se passe bien. Depuis que je suis là, c’est la même chose pour les ambulanciers : il n’y a pas de plaintes, ça se passe bien. Il y a eu quelques plaintes pour les foyers de soins, mais cela concernait plutôt la continuité des services pour les patients. Je vois plutôt des plaintes qui concernent les hôpitaux, les cliniques, et cetera. C’est là où l’on retrouve la majorité des plaintes.

Le président : Constatez-vous des disparités régionales en ce qui concerne les plaintes? Y a-t-il des régions qui sont plus ciblées ou plus affectées que d’autres?

Mme MacLean : On dit souvent au Nouveau-Brunswick que les plaintes se trouvent dans les grandes régions. Pour ce qui est de la santé, c’est un peu différent, parce que les institutions gouvernementales se trouvent plutôt à Fredericton, Saint-Jean et Moncton.

Il est vrai que la plupart des plaintes sont issues des régions plus peuplées, mais certaines proviennent aussi de la région centrale du Nouveau-Brunswick, de Fredericton, de Miramichi. Nous recevons également des plaintes de la part d’anglophones qui vivent dans le nord de la province.

Le président : Merci, madame MacLean.

Le sénateur Mockler : Madame MacLean, je veux certainement être de ceux qui souhaitent vous féliciter, à la fois pour le travail que vous faites pour les deux communautés et pour les Autochtones. Il y a plusieurs points dont j’aimerais parler. J’aimerais également vous féliciter de la lettre d’opinion intitulée « Comprendre la Loi sur les langues officielles », que vous avez écrite dans notre journal L’Acadie Nouvelle en janvier 2023. Vous dites ici, et je vous cite : « [...] je n’ai pas de difficulté à obtenir des services dans ma langue officielle ». C’était courageux. Par contre, vous dites :

Ce n’est pas quelque chose qui me préoccupe au Nouveau-Brunswick. Ce n’est pas le cas pour les francophones.

Est-ce que vous pouvez faire des précisions et donner des exemples, autres que de me faire dire, comme parlementaire, par quelqu’un que vous avez rencontré : « J’ai un ordinateur qui fait l’introduction »?

Mme MacLean : Il est évident que la majorité des plaintes que nous recevons proviennent des francophones. Cela touche tous les domaines de la santé, comme l’offre active de services ou ce que nous appelons la continuité des services. Nous avons vu des situations, surtout depuis la pandémie de COVID-19, où des personnes unilingues francophones étaient hospitalisées, des personnes âgées qui n’avaient personne avec elles qui pouvaient s’exprimer en anglais et qui avaient de la difficulté à comprendre ce qui se passait. Ces personnes ont eu de la difficulté à communiquer leur situation de santé.

Nous avons vu une situation dernièrement où un fils était inquiet pour son père. Il a dit : « Je vais à l’hôpital à tel endroit, et mon père ne parle que français. Ce qui est encore plus dangereux dans cette situation, c’est que même si quelqu’un lui dit une chose, sa façon de réagir est de toujours dire oui, oui, oui, oui. » Donc, les gens sur place croient qu’il comprend, parce que ce monsieur, qui veut être gentil, dit toujours oui. De l’avis du bureau, il s’agit d’une situation de sécurité. La majorité des plaintes que nous recevons en ce qui concerne la santé provient du service francophone. C’est dangereux.

Le sénateur Mockler : Merci. J’aurais d’autres petites questions. J’aimerais vous entendre pour faire suite aux questions de la sénatrice Moncion. Au Nouveau-Brunswick, nous avons un problème avec l’examen en français pour les infirmières qui veulent faire leur examen en français. J’aimerais savoir, si vous pouvez nous aider à comprendre, pourquoi cet examen vient des États-Unis. Pourquoi ne pourrait-on pas avoir un examen d’aussi bonne qualité qui viendrait du Québec?

Mme MacLean : Je ne peux pas répondre à cette question. Nous avons un dossier devant la cour, et cela touche l’examen des infirmières.

Le sénateur Mockler : Merci. J’aurais une autre question. Vous avez aussi, dans votre lettre d’opinion aux lecteurs, et j’aimerais vous entendre là-dessus... Le gouvernement considère actuellement... On se rappelle la sénatrice qui était ministre à cette époque; j’y étais aussi en 2002, quand nous avons créé le Commissariat aux langues officielles.

Vous êtes notre deuxième commissaire. J’aimerais savoir si vous vous êtes penchée sur ce que propose le gouvernement. Le débat s’en vient à l’assemblée législative; est-ce que vous avez des opinions sur le Secrétariat aux langues officielles qu’il propose? De quelle manière croyez-vous que cela améliorera les services offerts au peuple de l’Acadie, et croyez-vous que cela nous permettra de travailler ensemble avec toutes les communautés, que ce soit les anglophones et les Autochtones?

Mme MacLean : La création d’un secrétariat était une recommandation de mon prédécesseur, Michel Carrier, et moi. Il s’agit d’un outil pour centraliser le travail au sein du gouvernement pour progresser. Cela fera avancer les recommandations du commissariat. Présentement, chaque ministère a des obligations. Lorsque je fais des recommandations, je travaille avec un ministère, un coordonnateur aux langues officielles ou les sous-ministres, pour m’assurer que ce travail soit fait. Nous avons déterminé que la meilleure façon de s’assurer que ce travail se fait efficacement serait de centraliser le travail au même endroit au sein du gouvernement. Il s’agit d’un élément central de la politique du gouvernement pour s’assurer que nos recommandations sont imposées ou acceptées. Ils ont aussi la capacité de faire de la promotion.

Dans le dernier budget présenté par le premier ministre, on a accordé 500 000 $ pour la promotion du secrétariat — donc, pour promouvoir les deux communautés linguistiques. C’est une bonne nouvelle. C’est bien d’avoir plusieurs personnes qui expriment de la fierté d’avoir une province bilingue. Espérons que cela se fera par eux avec ces fonds. Je présume que oui. Donc, nous verrons, personne ne sait comment cela va fonctionner, mais il s’agit de la seule recommandation qui a été acceptée dans le projet de loi. Dans le rapport des commissaires McLaughlin et Finn, lorsqu’ils ont fait la révision de la Loi sur les langues officielles, ils ont fait de nombreuses recommandations et ils ont inclus nos propres recommandations. Ils ont adopté la création du secrétariat et ils ont rejeté la révision obligatoire de la Loi sur les langues officielles tous les 10 ans.

Le président : Merci. Je vais poser une question complémentaire. Craignez-vous qu’il y ait de la confusion entre votre rôle et celui du secrétariat si les fonctions ne sont pas bien déterminées et bien promues? Est-ce que les citoyens comprennent bien la distinction entre les deux, ou craignez-vous qu’il y ait de la confusion?

Mme MacLean : Possiblement. C’est à nous de nous assurer que la population comprend la différence. Nous n’avons pas les fonds de promotion du secrétariat, mais nous essaierons de le faire.

Le président : Merci. Nous souhaitons que vous ayez les fonds nécessaires.

Le sénateur Dalphond : Bienvenue, madame la commissaire. Je regarde votre rapport annuel de 2021-2022. Je vois qu’il y a un peu moins d’une centaine de plaintes qui ont été traitées comme telles; la moitié des plaintes sont rejetées parce que ce n’est pas dans votre mandat.

Dans les plaintes qui ont trait à la santé, je vois ceci : Réseau de santé Horizon, 8 plaintes; Réseau de santé Vitalité, 10 plaintes; santé, 13 plaintes. Cela fait un total de 31 plaintes en matière de santé.

J’aurai une question plus tard sur le traitement des plaintes. Je vois la rubrique « résolution informelle ». On parle de 31 plaintes pour une province de 800 000 habitants et plus. Bien souvent, on a recours aux services de santé à plus d’une reprise. On va à l’hôpital, on y retourne, on consulte le médecin avant d’aller à l’hôpital, on retourne chez le médecin pour un suivi. Est-ce que ce nombre est inquiétant? Historiquement, est-ce qu’il a augmenté? Ce nombre me semble, à première vue, plutôt bas. Est-ce la pointe de l’iceberg, car plusieurs personnes ne déposent pas de plainte?

Mme MacLean : Plusieurs personnes ne déposent pas de plainte. Il faut inclure le ministère de la Santé et les cliniques qui sont liées à cela. Je crois que les chiffres sont un peu plus élevés — je n’ai pas les données devant moi. Toutefois, c’est inquiétant. Nous savons que plusieurs personnes ne déposent pas de plainte.

Je suis allée souvent à l’hôpital, donc j’ai une connaissance personnelle du système de santé. Chaque fois que je vais à l’hôpital, je pourrais déposer une plainte. Or, je ne le fais pas. J’ai vu des choses dans les hôpitaux qui m’ont surprise. Cette année, près de 40 % des plaintes concernent la santé.

Le sénateur Dalphond : Je vois la mention « résolution informelle ». La plupart des plaintes finissent là, mais d’autres sont plus fondées. En santé, on comptait 16 plaintes en matière de traitement, 14 d’entre elles ayant donné lieu à une résolution informelle avec Horizon, et 9 plaintes sur 10 sont en matière de santé et vitalité. En quoi consiste la résolution informelle?

Mme MacLean : Dans les situations d’urgence, nous tentons de régler les problèmes le plus vite possible. À titre d’exemple, dans la situation concernant la télémédecine, où la question est de savoir si la personne est certaine de vouloir continuer en français, je contacte le sous-ministre. Une telle situation est inacceptable. Les enquêteurs contacteront alors des personnes au sein de l’institution pour s’assurer que le problème est réglé. C’est une chose qui est facile à régler.

Ce n’est pas que la plainte est irrecevable. Nous faisons un suivi par écrit pour nous assurer que la situation ne se reproduira plus et pour savoir comment on a réglé le problème. Dans des situations très urgentes, nous réagissons le plus vite possible. Dans le cas où nous venons de recevoir un rapport d’enquête avec des solutions, si nous recevons une plainte sur une situation de fait, nous ne mènerons pas une autre enquête; nous donnerons la chance à l’institution de régler le problème, et nous verrons s’il a été réglé ou si le problème persiste.

Le sénateur Dalphond : Je comprends donc que si la plainte est inscrite sous la rubrique « résolution informelle », c’est que l’institution a réagi positivement à votre suggestion.

Mme MacLean : C’est exact.

Le président : Il ne nous reste que peu de temps. Je vais donc vous demander d’aller directement à votre question et de garder les réponses succinctes.

La sénatrice Poirier : Je vais tenter de regrouper mes questions. Nous avons discuté des nouvelles technologies, de la télémédecine avec l’usage d’une caméra et de ce que l’on peut faire. Vous avez indiqué que la traduction peut se faire par ordinateur.

J’ai vécu une situation l’automne dernier, quand je me suis rendue à l’hôpital pour une IRM. C’était un hôpital plus anglophone fréquenté par des gens de partout dans la province, étant donné le peu d’achalandage. Plusieurs venaient de la péninsule acadienne. Les situations étaient aussi banales qu’une dame qui voulait remplir un formulaire. Les gens ne se comprenaient pas entre eux et personne ne pouvait faire la traduction. J’ai donc offert de faire la traduction, même si j’étais une patiente en attente de traitement, et je l’ai faite.

Cette situation m’a fait réfléchir. Je songe en particulier aux endroits où il n’y a que des médecins anglophones. Lorsqu’il y a un manque d’effectifs, serait-il possible d’avoir une personne pour faire la traduction? Ce serait un peu plus chaleureux qu’une machine qui traduit.

Je reviens à la population vieillissante du Nouveau-Brunswick. Ces personnes ne sont pas aussi à l’aise avec les nouvelles technologies et les caméras, parce qu’elles ne les utilisent pas. Or, il faudrait mieux les servir. Que pensez-vous de ma suggestion?

Mme MacLean : Cette situation reflète un manque d’obligation de la part de l’hôpital. Il faut un plan de contingence. Si une personne remplit un formulaire, il faut pouvoir lui donner les renseignements dont elle a besoin. Si on ne parle ni français ni anglais, il faut un plan de contingence et une personne sur place pour aider les gens. Les institutions ont tenté de trouver des solutions. Elles ont fait appel à des équipes volantes pour aller un peu partout dans les hôpitaux et fournir ces services. Or, cela n’a pas bien fonctionné et il n’y avait pas assez de monde. Surtout avec la COVID, c’est tombé à l’eau, car on n’avait pas la main-d’œuvre pour faire ce genre de travail. L’obligation est quand même là. On reçoit beaucoup de plaintes de ce genre.

Le sénateur Mockler : Madame la commissaire, j’aimerais vous entendre aussi, si vous pouviez donner plus de détails. Le projet de loi sur les langues officielles fera l’objet d’un débat au Nouveau-Brunswick. Vous avez évoqué des situations très inquiétantes et vous en avez parlé au commissaire. Quelles étaient les recommandations qui ont été faites au commissaire qui était chargé de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick en 2021? Est-ce qu’on ne commet pas une erreur en éliminant la révision tous les 10 ans?

Mme MacLean : L’élimination de l’obligation de réviser la loi tous les 10 ans comporte un danger. Certains disent qu’on peut en faire la révision au besoin. Toutefois, comme vous le savez à cause de votre travail, la révision d’une loi n’est pas chose facile, surtout lorsqu’il s’agit de langues officielles. Qu’on le veuille ou non, ce dossier est comme une patate chaude — du moins, c’est le cas chez nous. Pour cette révision, deux commissaires ont fait des recommandations. En 2013, c’était un comité de l’assemblée législative. Les révisions, cette fois-là, ont été adoptées à l’unanimité. Sans un système en place pour s’assurer que la révision est faite, à mon avis, la révision ne se fera pas.

Je suis également avocate. J’ai travaillé à la révision de textes de loi et de projets de loi. Je peux vous assurer que ce travail n’est pas facile. Il n’est pas non plus facile d’avoir l’engagement des gens pour faire une révision. Quand cela figure dans la loi, l’obligation claire et nette est là et la révision se fait.

La sénatrice Clement : Je sais que vous êtes commissaire aux langues officielles. Savez-vous s’il y a des demandes de service en langues autochtones?

Mme MacLean : Je ne reçois pas les plaintes, mais je suis certaine qu’il y en a. Les institutions font leur possible pour s’assurer que ces services sont en place. Je sais qu’il y a des projets à cet effet. Je fais également du bénévolat au département d’oncologie auprès de patients. Je sais que des projets sont en place et visent les Autochtones. Je n’ai aucune idée du nombre de plaintes, mais il y a vraiment des lacunes. Je le sais, parce qu’on parle souvent de lacunes aux nouvelles pour ce qui est des services aux Autochtones.

La sénatrice Moncion : En 2022, le Nouveau-Brunswick a conclu une entente qui permet aux diplômés d’obtenir leur immatriculation après avoir passé l’examen du Québec plutôt que l’examen du National Council Licensure Examination (NCLEX). Est-ce que nous voyons une augmentation de la main‑d’œuvre francophone depuis la conclusion de cette entente?

Mme MacLean : Je n’en ai aucune idée. C’est une bonne question.

La sénatrice Moncion : Merci beaucoup.

Le président : Madame la commissaire, je tiens à vous remercier, à la fois en tant que président du Comité des langues officielles et en tant que citoyen du Nouveau-Brunswick, pour le travail remarquable que vous faites. Vous contribuez à faire en sorte que le Nouveau-Brunswick respecte ses obligations constitutionnelles et vous jouez un rôle très important dans notre province. Merci de votre engagement et de votre générosité, à vous et à votre équipe.

Sur ce, chers collègues, nous suspendons brièvement la séance, le temps d’accueillir nos prochains témoins. Merci encore une fois, madame MacLean.

[Traduction]

Pour notre deuxième groupe de témoins de ce soir, nous sommes heureux d’accueillir Jennifer Johnson, directrice générale du Réseau communautaire de santé et de services sociaux; Danielle Lanyi, directrice générale du Centre de ressources Connexions; Tania Callender, directrice exécutive du Réseau de développement et de prévention afro-canadien; et, par vidéoconférence, Jessica Synnott, directrice générale de Vision Gaspé-Percé Now.

Nous vous remercions d’être des nôtres. Nous allons commencer par écouter vos déclarations, après quoi nous passerons à la période des questions et réponses.

Madame Johnson, vous avez la parole.

Jennifer Johnson, directrice générale, Réseau communautaire de santé et de services sociaux : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité sénatorial, je vous remercie infiniment de me donner l’occasion de venir vous parler des défis que doit relever la communauté anglophone du Québec au chapitre de l’accès aux services de santé.

Le Réseau communautaire de santé et de services sociaux, ou RCSSS, a vu le jour en 2000. Notre mission est d’améliorer l’accès aux services de santé et aux services sociaux pour la communauté anglophone de la province du Québec. Pour y arriver, nous encourageons l’établissement de partenariats, ainsi que l’élaboration et la promotion d’une base de données probantes pour répondre aux besoins de la communauté. Depuis 2003, le RCSSS est un bénéficiaire communautaire de cinq programmes de contribution de Santé Canada, et nous avons récemment signé une nouvelle entente de cinq ans.

En gros, il y a trois messages que je voudrais vous transmettre aujourd’hui dans les cinq minutes qui me sont imparties.

Premièrement, la communauté anglophone a un statut sociodémographique qui la rend plus vulnérable que la population en général. L’accès très limité aux services de santé en anglais a une incidence sur la santé de notre population, et les groupes vulnérables au sein de la communauté anglophone ont encore plus de difficultés à accéder aux services.

La communauté anglophone du Québec présente un profil démographique surprenant. Le taux de chômage est nettement plus élevé que celui de la majorité francophone : 10,9 % contre 6,9 %. Depuis le dernier recensement de 2016, ce taux a augmenté de 2 % au sein de la communauté anglophone, alors que celui chez la majorité francophone est resté le même, à 6,9 %.

Comme ces chiffres le laissent entendre, la population anglophone compte une proportion plus élevée de personnes vivant sous le seuil de faible revenu, soit 12,1 % contre 7,1 % pour la population générale.

Deux éléments font que la population anglophone est très différente de la population majoritaire. La proportion d’immigrants récents est beaucoup plus élevée que dans la population générale : 9,9 % des membres de notre communauté sont des immigrants récents, par rapport à 2,8 % dans la population générale. La communauté anglophone compte un pourcentage beaucoup plus élevé de personnes appartenant à des minorités visibles : 29,8 % des anglophones de la province sont des membres de minorités visibles, par rapport à 9,7 % dans la population générale.

Ces deux réalités ont une influence importante sur l’accessibilité des services de santé et leur adaptation aux réalités culturelles. Les groupes vulnérables comme les minorités visibles, les membres de la communauté LGBTQ, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou les immigrants récents qui doivent accéder au système de santé se heurtent à de multiples obstacles qui aggravent leur expérience.

Votre comité s’intéresse particulièrement à l’expérience des aînés en matière d’accès aux soins. Les aînés anglophones font face à une multitude d’obstacles supplémentaires quand vient le temps d’accéder à des services. Le recensement de 2001 a dénombré 185 000 anglophones âgés de plus de 65 ans, ce qui représente 14,9 % de notre population. Selon un sondage réalisé en 2019, les aînés d’expression anglaise sont moins susceptibles que les francophones du même âge d’avoir un endroit habituel où se rendre lorsqu’ils sont malades.

Cette cohorte est également moins bilingue. Les barrières linguistiques contribuent à de mauvaises évaluations de patients, à des diagnostics erronés, à des retards de traitement, à une augmentation des erreurs de médicaments, et cetera.

Une étude récente du Dr Tanuseputro a révélé que les patients âgés francophones étaient beaucoup moins susceptibles de mourir lorsqu’ils étaient traités par un médecin francophone, et je pense que le même constat pourrait s’appliquer à la population anglophone du Québec.

La disponibilité de services en anglais pour les aînés est extrêmement limitée et dépend de l’endroit où l’on se trouve. Les établissements désignés sont très rares en dehors de l’île de Montréal ou des centres urbains. Les soins à domicile et les soins de longue durée offerts en anglais ne sont pas accessibles à la plupart des aînés anglophones qui vivent en dehors des centres urbains. De nombreux aînés n’ont pas les moyens de payer les frais de soins privés comme solution de rechange aux ressources publiques, car la proportion d’aînés anglophones vivant dans la pauvreté est plus élevée que celle des francophones.

Les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale sont également plus susceptibles de souffrir d’isolement social en vieillissant. Les personnes âgées qui vivent avec des problèmes de santé mentale ont besoin de plus de ressources communautaires visant à réduire l’isolement social et à fournir des services en anglais.

À mesure que la recherche commence à révéler l’ampleur des répercussions de la COVID-19 sur les communautés anglophones, l’élimination des obstacles à l’accès aux programmes de santé mentale, ainsi que la prévention et le traitement, s’imposent comme une priorité essentielle. Dans un sondage provincial mené en 2021 auprès d’hommes à l’échelle du Québec, les hommes anglophones ont fait état d’une plus grande détresse psychologique : 22 % par rapport à 12 % pour la majorité francophone. Dans un sondage réalisé en 2022 auprès de jeunes anglophones, 90 % des plus de 400 répondants ont déclaré avoir éprouvé des problèmes de santé mentale au cours des deux semaines précédentes. Selon une enquête effectuée en 2020 par l’Université de Sherbrooke, les trois groupes les plus touchés par la pandémie de COVID étaient les jeunes adultes, les travailleurs de la santé et les anglophones.

Pour relever ces défis, le RCSSS continuera de promouvoir son modèle de développement fondé sur des données probantes, qui a permis de mobiliser avec succès les communautés d’expression anglaise et de créer un partenariat durable avec le système de santé et de services sociaux du Québec. Grâce à la contribution de Santé Canada par l’entremise de plans d’action fédéraux, le RCSSS mettra en place des mesures visant à renforcer les communautés, à adapter le système de santé pour mieux répondre aux besoins et à créer l’information stratégique nécessaire pour s’occuper de nouvelles priorités et relever les défis auxquels les communautés devront faire face dans le système public au cours de la période à venir. Je vous remercie.

Le président : Merci, madame Johnson.

Nous passons maintenant à Mme Lanyi. Merci.

Danielle Lanyi, directrice générale, Centre de ressources Connexions : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, merci beaucoup de nous donner l’occasion de témoigner devant vous. Notre organisme a pour mission de promouvoir la santé, la vitalité et le bien-être de la population anglophone de la région de l’Outaouais, juste en face d’ici, de l’autre côté de la rivière, grâce à l’autonomisation, à la participation et à la collaboration.

Mon exposé sera un peu plus succinct que celui que vient de faire Mme Johnson. Notre région s’étend sur plus de 33 000 kilomètres carrés et compte plus de 396 000 habitants, dont 20,7 % d’anglophones. Elle englobe quatre municipalités régionales de comté qui sont à caractère rural, ainsi que la Ville de Gatineau. Les deux tiers de la population résident à Gatineau, où les anglophones représentent 17,5 % de la population, alors que dans la région du Pontiac, ils comptent pour 56 % de la population. Notre communauté est très diversifiée.

Par ailleurs, le revenu est un important déterminant de la santé. Bien que notre région se porte assez bien en matière de revenu par rapport au reste du Québec, nos municipalités régionales de comté à caractère rural sont considérées comme défavorisées, puisque leurs taux de pauvreté et de chômage sont élevés, et les statistiques montrent que les anglophones de ces régions sont encore plus désavantagés que leurs homologues francophones. On trouve également des poches de pauvreté à Gatineau et dans d’autres régions.

Nous travaillons toujours à dissiper le mythe selon lequel la communauté anglophone serait riche et à souligner un fait bien établi par la recherche, à savoir que la langue constitue un obstacle à l’accès aux services.

Notre proximité avec l’Ontario est une autre caractéristique unique. Historiquement, les anglophones de notre région avaient tendance à se rendre en Ontario — pas seulement à Ottawa, mais partout dans la province — pour accéder aux services. D’une part, il était plus facile d’accéder aux services en anglais et, d’autre part, ils avaient l’impression que les services étaient meilleurs.

Toutefois, ce n’était pas sans conséquence, car leurs besoins n’étaient ainsi pas connus des établissements de santé et n’étaient donc pas pris en compte dans notre région. Puis, au fil du temps, la situation a changé. Les anglophones de la région veulent maintenant recevoir des services dans leur communauté, dans leur langue. De plus, l’Ontario a maintenant limité l’accès à de nombreux services afin de répondre aux besoins de sa population.

L’éducation préscolaire est un dossier qui nous tient vraiment à cœur. Le résultat de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle, menée en 2017, a fourni de précieux renseignements sur le développement des enfants de 0 à 5 ans. En Outaouais, il y a une plus grande proportion d’enfants anglophones qui sont vulnérables sur le plan de la santé physique et du bien-être : 23,5 % des enfants anglophones par rapport à 12,6 % des enfants francophones. Le même constat s’applique aux habiletés de communication et aux connaissances générales : 25,8 % par rapport à 21 %.

De toute évidence, il faut des ressources supplémentaires pour mieux comprendre ces disparités et y remédier.

D’autres groupes vulnérables, comme les aînés, les membres de la communauté LGBTQ et les personnes ayant des problèmes de santé mentale, des dépendances ou des besoins particuliers, se heurtent à des obstacles importants lorsqu’ils cherchent à obtenir des renseignements de base sur les services offerts et lorsqu’ils doivent se débrouiller dans un système de santé complexe dans une autre langue.

Connexions joue un rôle essentiel en appuyant la mise en place et l’adaptation de services en anglais dans notre région grâce à sa participation au Comité d’accès régional. Au Québec, comme vous le savez, la Loi sur les services de santé et les services sociaux précise que toute personne d’expression anglaise a le droit de recevoir en langue anglaise des services de santé et des services sociaux, compte tenu de l’organisation et « des ressources humaines, matérielles et financières des établissements qui dispensent ces services et dans la mesure où le prévoit un programme d’accès [...] »

Malgré cette garantie dans la loi, il reste des défis importants en matière d’accès aux services. Tout d’abord, soulignons le manque de personnel bilingue, qui est accentué dans notre région en raison de notre proximité avec l’Ontario où les salaires sont plus élevés et où il existe une demande de personnel bilingue. Si vous n’avez pas le personnel nécessaire pour fournir les services, alors vous n’aurez pas de service.

La méconnaissance des programmes d’accès au sein des établissements de santé fait que le personnel n’est pas au courant de ses obligations et responsabilités légales relativement à la prestation de services en anglais. En outre, la capacité de l’établissement à embaucher des professionnels ou du personnel bilingues devient de plus en plus difficile à justifier, surtout dans le contexte politique actuel. Dans notre région, chaque poste bilingue annoncé fait l’objet d’un examen minutieux et d’une justification, et cela donne souvent lieu à des griefs de la part des syndicats. C’est le cas même dans les établissements désignés bilingues.

Par ailleurs, les programmes d’accès ne s’appliquent pas à des services comme les ambulances, les groupes de médecine de famille, les cliniques privées, les maisons de soins palliatifs ou les ententes de services que l’établissement a conclues avec des organismes communautaires pour la prestation de services.

La réforme du système de santé menée en 2015 au Québec a entraîné l’abolition des comités d’accès régionaux et provinciaux pendant quatre ans et a empêché l’adoption des programmes d’accès de 2015 et de 2018. Nous attendons depuis 2020 que les nouveaux programmes d’accès soient adoptés par le gouvernement du Québec. De plus, cette réforme a considérablement réduit le nombre de régies de santé, ce qui rend encore plus difficile la possibilité de se faire entendre en tant que communauté minoritaire.

Nous observons actuellement une autre réforme majeure dans le système de santé, que nous allons évidemment surveiller de près, mais d’après notre expérience, chaque réforme du système de santé a entraîné une sorte de dégradation de l’accès aux services dans notre langue et de notre capacité à apporter une contribution dans le système de santé.

Le président : Pouvez-vous conclure, madame Lanyi?

Mme Lanyi : Je veux conclure en soulevant très rapidement deux points.

Premièrement, la langue doit être un déterminant de la santé. Elle doit être officiellement reconnue ainsi. Nous ne tenons pas de statistiques ou ne faisons pas de suivi de l’utilisation des services. Comment pouvons-nous alors savoir à quels services les gens ont accès ou quels services ils reçoivent?

Deuxièmement, nous avons surtout besoin de stabilité et de durabilité par rapport aux ressources offertes à nos organisations compte tenu du système complexe dans lequel nous travaillons ainsi que des nouvelles priorités et des nouveaux besoins.

Merci.

Le président : Merci, madame Lanyi.

Madame Callender, vous avez la parole.

Tania Callender, directrice exécutive, Réseau de développement et de prévention afro-canadien : Bonsoir. Merci, monsieur le président, honorables membres du comité, de me donner l’occasion de me prononcer sur cette question importante.

Je m’appelle Tania Callender, et je suis directrice exécutive du Réseau de développement et de prévention afro-canadien, ou RDPAC.

Le RDPAC a été fondé en 2008 pour assurer un leadership en matière d’accès aux services sociaux et de santé pour les membres de la communauté noire d’expression anglaise de Montréal. En tant que double minorité, nous faisons face à des difficultés particulières tant pour ce qui est de la langue que de l’ethnicité, et les membres de notre communauté se heurtent à des obstacles uniques au moment d’avoir accès aux services sociaux et de santé. Il est vraiment difficile de trouver des ressources qui sont non seulement disponibles en anglais, mais aussi pertinentes sur le plan culturel. Nous nous efforçons de renforcer la solidarité et la collaboration interorganisationnelle entre les secteurs qui ont une incidence sur la santé et le bien‑être de la communauté noire d’expression anglaise.

Selon un recensement de 2016, il y a plus de 50 000 Montréalais noirs anglophones, et nous intervenons auprès des membres de la communauté dans 12 arrondissements en offrant des services, en comblant des lacunes dans le système de santé public et en créant un sentiment d’appartenance communautaire.

Je travaille dans le domaine depuis près de 10 ans, et même si je comprends l’accent mis sur les données et la législation dans les discussions sur les systèmes de santé, je suis ici aujourd’hui pour lancer un appel afin que nous n’oubliions pas que chaque donnée représente un parent, un enfant, un aîné ou un jeune qui tente d’avoir accès à des soins.

Je vous demande, à vous, monsieur le président, aux autres membres du comité et à toutes les personnes présentes aujourd’hui, de penser à vous-mêmes, à vos enfants et à vos parents, et de penser à la crainte que nous ressentons tous lorsque notre santé est menacée. Imaginez ce que vous ressentiriez si vous ne compreniez pas totalement l’information qu’un médecin vous donne à propos de votre pronostic ou des options de traitement qui s’offrent à vous.

Le RDPAC vise à réduire ces cas puisqu’ils ont des conséquences réelles. Dans nos moments les plus vulnérables, il faut que le système de santé auquel nous faisons confiance remplisse sa mission en donnant de solides résultats à tous les Québécois, ce qui est impossible sans accès.

Le ministre Duclos a lui-même dit que nous devons nous efforcer d’atteindre les normes les plus élevées qui soient en matière d’accès. Le fait que ces services soient offerts en anglais dans certaines institutions montréalaises peut amener des décideurs à penser que les soins sont adéquats. Ils ne sont toutefois pas suffisamment accessibles d’un bout à l’autre de l’île, et il est déraisonnable de s’attendre à ce que les patients parcourent de longues distances et traversent de multiples arrondissements pour y avoir accès.

L’accès adéquat est-il une norme acceptable en matière de soins? Même si on affirme que rien n’est parfait, je soutiens que lorsqu’il s’agit des soins de santé, la perfection devrait être l’objectif, pas le caractère adéquat, surtout pour les personnes les plus vulnérables parmi nous.

Mme Venita, qui participe activement à notre club des aînés Sunshine, vit seule et n’a aucun membre de sa famille à Montréal. Elle est diabétique et s’est rendue à l’hôpital pour un examen de routine, et après avoir été incapable d’obtenir des indications en anglais, le sentiment de crainte et d’impuissance qu’elle a ressenti l’a poussée à partir sans se présenter à son rendez-vous. Le jour suivant, on l’a conduite de toute urgence à l’hôpital à cause d’un épisode d’hyperglycémie.

Malheureusement, nous entendons de nombreuses histoires comme la sienne. Au nom de Mme Venita ou d’autres personnes comme elle, j’aimerais dire une chose : lorsqu’elle a demandé des indications en anglais, elle ne cherchait pas à prendre position politiquement à propos des langues au Québec. Elle voulait tout simplement avoir accès aux soins dont elle avait besoin.

Sur le plan humain, nous pouvons tous éprouver de l’empathie pour une aînée qui essaie de se présenter à un rendez-vous avec son médecin, et c’est la raison pour laquelle nous devrions nous efforcer d’avoir un système dont l’élément central est l’expérience humaine. Au RDPAC, alors que nous travaillons pour réduire les obstacles à l’accès pour les membres de la communauté, nous avons trouvé des approches efficaces qui donnent des résultats.

Tout d’abord, le système de santé devrait investir dans des partenariats institutionnels communautaires qui se servent d’organismes communautaires pour rejoindre les personnes les plus marginalisées. De plus, pour améliorer les résultats, on devrait s’engager à élaborer des approches adaptées qui répondent aux besoins particuliers des différentes populations que nous servons.

[Français]

Pour conclure, j’aimerais partager mon histoire avec vous. Je suis née au Canada et je suis d’origine barbadienne. Mes parents sont venus à Montréal dans les années 1970; aucun des deux ne parlait le français. Malgré cela, parce qu’ils voulaient que leurs enfants soient bilingues, ils ont décidé de nous envoyer à l’école primaire en français.

Aujourd’hui, je suis mariée, mon mari est francophone et nous avons fait le même choix pour nos deux garçons, qui étudient aussi à l’école primaire en français. Chez nous, on parle un bon franglais. Cela étant dit, malgré la beauté et la richesse que nous amène la langue française, quand je discute de la santé et du bien-être de mes enfants, comme maman, dans ces moments les plus terrifiants, j’ai besoin de pouvoir communiquer dans ma langue maternelle. Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame Callender.

[Traduction]

Jessica Synnott, directrice générale, Vision Gaspé-Percé Now : Bonsoir, monsieur le président, honorables sénateurs. Merci de me donner l’occasion de vous parler des réalités de la communauté anglophone de la région de Gaspésie-les-Îles.

Je m’appelle Jessica Synnott, et je suis directrice générale de Vision Gaspé-Percé Now, un organisme communautaire qui travaille pour que des services équitables soient offerts à notre communauté minoritaire anglophone.

Nous avons collectivement le devoir de défendre les droits de tous les Canadiens et de veiller à ce que les minorités linguistiques, y compris la communauté anglophone du Québec, aient un accès équitable et juste aux services et aux possibilités.

La communauté anglophone de notre région est résiliente et dynamique, elle représente près de 10 % de la population et elle a considérablement contribué à la richesse culturelle et économique de la région. Cependant, notre communauté minoritaire fait face à d’importantes difficultés pour avoir accès à des services de santé dans sa langue.

Les membres de la communauté anglophone de notre région ont tendance à être plus âgés — ce qui s’accompagne généralement d’un bilinguisme moins prononcé —, ils sont plus nombreux à vivre sous le seuil de faible revenu, ils sont plus susceptibles d’avoir un faible niveau de scolarité, et, à l’inverse, d’avoir un niveau de scolarité élevé, et ils présentent un taux de chômage plus élevé.

Ces défis s’ajoutent aux réalités géographiques de notre territoire. La région de Gaspésie-les-Îles a cinq fois la taille de l’Île-du-Prince-Édouard et ne compte que cinq hôpitaux. Elle n’a pas d’hôpital bilingue désigné, et de nombreux services spécialisés sont offerts à l’extérieur de la région, ce qui signifie qu’il faut se déplacer pour recevoir des soins.

Pour bien situer les choses, je vous demanderais de vous mettre un instant à la place d’un membre de la communauté. Imaginez que votre médecin vous annonce que vous avez le cancer. Le stress est intenable, et on vous dit que vous devez conduire 800 kilomètres aller-retour pour recevoir les soins qui pourraient vous sauver la vie dans un autre hôpital qui offre moins de services en anglais, et que vous devrez faire le trajet chaque semaine pendant cinq semaines.

Imaginez que vous devez passer des mois à essayer d’expliquer à votre travailleur social vos besoins en matière de services et que les choses demeurent floues pour lui à cause de la barrière linguistique. Mais grâce à un intervenant pivot, on peut comprendre vos besoins en moins d’une heure.

Imaginez que vous accompagnez votre mère à un rendez-vous de suivi puisqu’elle ne comprend ou ne parle pas un mot de français et que le médecin ne parle pas anglais. Le médecin vous présente un diagnostic de cancer terminal et, pendant que vous êtes assis là en pleurs, votre mère vous réconforte puisqu’elle n’a pas la moindre idée de ce qui se passe, et c’est vous qui devez lui annoncer la nouvelle.

Il ne s’agit que de quelques exemples des difficultés rencontrées par notre communauté anglophone au fil des ans.

Les organismes communautaires de notre région, c’est-à-dire les Centres intégrés de santé et de services sociaux, ou CISSS, jouent un rôle énorme pour soutenir les fournisseurs de soins de santé régionaux. Nous travaillons étroitement avec eux pour faire en sorte que des services équitables sont offerts à la communauté anglophone. Nos organismes ont travaillé à la mise en œuvre de divers projets comme la distribution d’insignes d’identité qui aident à repérer les fournisseurs de santé bilingues, la création de cours d’anglais pour les professionnels de la santé et la mise sur pied de services d’intervenants pivots.

Des membres de la communauté communiquent souvent avec nous lorsqu’ils sont incapables d’avoir accès à un service ou d’en trouver. Comme nos organismes ne sont pas restreints par la Charte de la langue française, nous sommes bien placés pour appuyer les CISSS, qui sont limités par les politiques réglementaires sur la langue. Ces partenariats sont essentiels pour assurer un accès à des services de santé en anglais. Il y a encore toutefois des obstacles.

Comme nous vivons dans une région isolée, il est difficile de recruter des professionnels de la santé, plus particulièrement des gens bilingues. Nous avons travaillé avec les CISSS pour cerner les domaines dans lesquels le niveau de bilinguisme doit être plus élevé. Il demeure toutefois difficile de pourvoir ces postes.

À titre d’exemple, il y a encore 10 postes de travailleur social inoccupés dans la région. De plus, il n’y a pas d’orthophonistes qui offrent des services en anglais.

Parmi les obstacles au recrutement de professionnels de la santé bilingues, il y a les tests obligatoires en français très difficiles des ordres professionnels, qui découragent de nombreuses personnes qui songent à déménager dans la région ou qui veulent faire carrière dans le domaine de la santé. Il arrive que des professionnels quittent carrément la province.

Les domaines des services psychosociaux demeurent ceux où il manque le plus grand nombre de professionnels bilingues. C’est sans aucun doute préoccupant dans un contexte où les problèmes de santé mentale semblent devenir plus fréquents.

Le gouvernement du Canada, y compris le Sénat, a un rôle à jouer afin que ses programmes et ses politiques pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire tiennent compte des difficultés rencontrées dans l’accès aux soins de santé et aux services sociaux et continuent de favoriser et d’accroître la capacité de nos communautés à travailler en collaboration et de façon complémentaire avec nos fournisseurs de services provinciaux. Nous comptons sur votre soutien pour que le droit des communautés anglophones minoritaires à avoir accès à des services de santé dans la langue de leur choix soit protégé et maintenu. Merci.

Le président : Merci, madame Synnott. Nous allons passer aux questions et aux réponses.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci à tous nos témoins en ligne et à ceux qui sont parmi nous. Je suis une sénatrice du Québec. Je vais commencer par Mme Callender. Je n’ai pas bien compris votre reproche au sujet de la personne qui cherchait à obtenir des soins en langue anglaise. Est-ce dans la grande région de Montréal ou ailleurs?

Mme Callender : Oui, en fait, c’est dans un hôpital à Lachine.

La sénatrice Mégie : Elle ne pouvait pas trouver de soins en anglais à Lachine?

Mme Callender : Oui.

La sénatrice Mégie : Cela m’étonne. Ma question s’adresse à Mme Johnson. Vous avez mentionné beaucoup de chiffres et de pourcentages. J’aimerais vérifier auprès de vous si, dans ces études, au cours des 10 dernières années, vous avez constaté une augmentation, une diminution ou une stabilité du pourcentage de la communauté anglophone.

Mme Johnson : Vous parlez du nombre de personnes? C’est une augmentation.

La sénatrice Mégie : Il y a une augmentation de la population anglophone.

Mme Johnson : Oui. Pas dans toutes les régions, mais globalement, oui.

La sénatrice Mégie : Est-ce plus marqué dans les grandes villes, comme Montréal, Québec ou toute autre région considérée comme une grande ville?

Mme Johnson : Oui, il y a Laval et la capitale nationale; il y a quelques régions où ils ont le plus haut niveau d’augmentation, mais bien sûr, à Montréal et dans la région de la Montérégie, on voit aussi une augmentation des populations.

La sénatrice Mégie : Dans le Plan d’action pour les langues officielles de 2023-2028, il me semble que l’on prévoit que 20 % du nouveau budget fédéral doit être utilisé par les minorités anglophones. D’après vous, parmi ceux qui sont au courant de cela, cela répond-il à leurs attentes?

Mme Johnson : Par le passé, c’était plutôt autour de 30 % du budget qui était alloué à la communauté d’expression anglaise. Selon ce que j’ai vu jusqu’à maintenant dans le plan d’action, tous les montants alloués aux communautés d’expression anglaise ne sont pas encore établis, mais je suis très satisfaite de ce qu’ils ont identifié pour les communautés d’expression anglaise.

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Gagné : Merci pour vos exposés et pour votre engagement à assurer la santé de vos communautés. Je sens vraiment votre passion. Je viens d’une collectivité francophone du Manitoba, et je comprends donc les difficultés rencontrées par vos membres au moment d’avoir accès à des services dans la langue officielle de leur choix.

L’accès à des professionnels qualifiés et à des employés du système de santé qui peuvent communiquer dans les deux langues officielles est un véritable défi dans toutes les collectivités du Canada. Que recommanderiez-vous pour réduire la pénurie de professionnels de la santé bilingues dans vos communautés ou pour le Québec anglais?

Mme Johnson : L’investissement de Santé Canada dans la formation linguistique et le maintien de l’acquis par l’entremise de l’Université McGill est un pas dans la bonne direction. Il faut sans aucun doute être en mesure de travailler avec les professionnels francophones qui interviennent auprès de la communauté anglophone et leur donner les compétences nécessaires pour interagir avec les patients anglophones. Il faut être en mesure de recruter ces professionnels bilingues dans la communauté. L’argent investi par Santé Canada pour y parvenir avec l’aide de l’Université McGill est un excellent départ.

Il faudra toujours se battre pour avoir assez de professionnels bilingues, mais les investissements dans les programmes à l’intention des anglophones du Québec, pour leur permettre d’avoir accès aux bourses, les faire participer et les encourager à rester et à retourner dans la communauté, sont des mesures qui peuvent être prises.

Mme Lanyi : Je pense que c’est un défi parce que nous avons le même problème systémique partout. Nous parlons de salaires et de conditions de travail. Surtout au Québec, ou peut-être ailleurs, les heures supplémentaires sont un énorme problème. Nous avons vu beaucoup de personnes, surtout après la COVID, quitter le système, pour prendre leur retraite, mais aussi après avoir choisi de faire autre chose. C’est une chose sur laquelle nous n’avons pas de contrôle. Je pense que les initiatives de McGill sont très utiles. Nous avons notre programme de bourses pour les étudiants. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est quelque chose.

Une fois que les gens sont embauchés, il est important d’assurer leur intégration dans un milieu de travail francophone. Ils peuvent hésiter à le faire lorsqu’ils ne se sentent pas assez confiants pour travailler dans un milieu majoritairement francophone; c’est donc un autre élément dissuasif. Il faut sans aucun doute tenir compte des compétences linguistiques et de toute la question de l’intégration.

La sénatrice Gagné : Est-ce que quelqu’un d’autre aimerait répondre?

Mme Synnott : Comme je l’ai mentionné, les tests en français qu’un grand nombre de professionnels de la santé doivent réussir pour devenir membres d’un ordre sont très difficiles. L’une des choses qui pourraient aider serait donc de trouver un moyen de les intégrer préalablement à la main‑d’œuvre et au système de santé et de reporter les tests en français. D’après ma propre expérience dans le système de santé, c’est vraiment quand on est dans le milieu et qu’on entend les termes régulièrement qu’on les apprend. On pourrait envisager un moyen d’intégrer les professionnels avant de les obliger à réussir le test en français.

La sénatrice Clement : Merci pour vos témoignages. J’ai aimé vos commentaires à propos de la grande diversité observée dans la communauté anglophone, plus particulièrement à Montréal, mais aussi ailleurs. De plus, vous vous attaquez à la perception selon laquelle les anglophones sont riches au Québec. Il est vraiment intéressant de dire haut et fort ce qu’il en est vraiment et d’en parler. Mes questions sont pour Mme Callender.

Mon père est un Canadien montréalais d’origine trinidadienne âgé de 101 ans. Il a judicieusement élevé ses enfants de manière à ce qu’ils deviennent francophones. Il est dans un établissement de soins de santé bilingue, mais lorsqu’il se rend à l’hôpital, selon l’endroit où l’ambulance le conduit, c’est une autre histoire. Ses enfants et ma mère francophones ont joué un rôle déterminant pour qu’il se rende jusqu’à 101 ans.

Je veux vous poser des questions qui portent plus particulièrement sur votre organisme et ensuite revenir à la question de la sénatrice Gagné. À quoi ressemble votre modèle de financement? Vous avez parlé de partenariats. Qu’est-ce qui doit être plus efficace pour vous? C’est la première question. Les choses ont-elles empiré depuis la fondation de votre organisme en 2008, et dans l’affirmative, de quelle façon? Et pour revenir au point de Mme Gagné à propos des professionnels de la santé anglophones, je pense que vous avez conclu un partenariat intéressant avec l’Université McGill et qu’il serait utile que vous nous en parliez.

Mme Callender : Merci pour la question, et félicitations pour votre père; c’est extraordinaire.

La sénatrice Clement : En effet.

Mme Callender : Pour répondre à la première question concernant nos besoins, de toute évidence, nous avons besoin de financement. Je pense que nous avons aussi besoin de comprendre le rôle que la communauté joue dans le secteur de la santé. Nous avons beaucoup de partenariats avec des institutions, pour la protection des jeunes et ainsi de suite. Il est essentiel que des membres de la communauté et des organismes communautaires participent aux discussions et de comprendre leur rôle, leur expertise et leur valeur ajoutée. Donc, pour souligner les avantages de ce genre de partenariats, je pense que c’est quelque chose qui pourrait être utile.

À propos de savoir si la situation a empiré depuis que nous avons commencé notre travail, pour ce qui est de la majorité des personnes avec qui nous travaillons quotidiennement dans notre communauté, j’ai l’impression que rien n’a changé. Comme je l’ai mentionné, il y a des quartiers de Montréal — je vis dans l’Ouest de l’île, par exemple... Je vais probablement avoir accès aux soins de santé, mais ce n’est pas garanti. Montréal est une grande île. Je pense que les gens le sous-estiment — le fait que nous avons l’Hôpital général juif qui offre des services en anglais et que l’Ouest de l’île est bilingue ne crée pas un accès pour tout le monde, ce qui d’autant plus vrai pour les personnes désavantagées sur le plan socioéconomique. Les déplacements et l’accès aux soins ne sont pas ce qu’ils devraient être.

Je ne sais donc pas si je peux dire que la situation a empiré. J’ai l’impression qu’elle est la même. Je pense que certaines des difficultés ont peut-être changé, mais l’expérience générale donne parfois l’impression que c’est aléatoire, selon l’endroit où on se trouve. Un peu comme ce que vous avez dit à propos de l’ambulance, à savoir que selon l’endroit où on se retrouve, on peut recevoir ou non les services.

Et votre troisième question portait sur McGill.

La sénatrice Clement : Oui, sur McGill et, à vrai dire, sur les professionnels de la santé anglophones ou bilingues.

Mme Callender : Le projet de McGill est très intéressant pour nous. Dans le cadre du projet de maintien en poste, nous avons tendu la main en particulier aux étudiants noirs anglophones. Comme nous l’avons dit au sujet de l’intégration, ils ont souvent besoin d’un soutien plus important. Je pense qu’en présentant simplement les professions de la santé comme étant une option viable, compte tenu de tous les obstacles déjà mentionnés, l’organisation communautaire joue à nouveau un rôle en soutenant les étudiants dès le processus de bourse et tout au long de leurs études.

Plusieurs étudiants qui ont reçu une bourse ont fait un stage chez nous, et nous les avons embauchés depuis. Il s’agit de leur offrir un espace sûr, un endroit où ils se sentent chez eux tout au long de leurs études et de les guider tout au long de leur parcours professionnel. Je pense que les programmes de ce type sont très utiles à cet égard.

[Français]

La sénatrice Clement : Merci.

La sénatrice Poirier : Merci à vous tous de votre présence ici aujourd’hui.

[Traduction]

Ce que vous dites correspond en grande partie à ce que nous entendons dans tout le pays concernant les francophones en situation de minorité; ici, ce sont les anglophones qui sont en situation de minorité. En réalité, il y a une pénurie de professionnels de la santé. Il y a des problèmes de recrutement et de maintien en poste des professionnels de la santé. D’après ce que j’entends, les défis auxquels vous êtes confrontés sont à peu près les mêmes dans tout le pays, en fonction de l’endroit où vous vivez et de la question de la langue. Nous savons qu’une grande partie des rôles dans les soins de santé relèvent des provinces, et pas nécessairement du fédéral.

Je suis curieuse de connaître votre opinion, et ma question s’adresse à vous toutes ou à celles qui veulent y répondre. On nous dit toujours, et nous le savons très bien, que plus d’argent et d’aide financière pourraient réellement aider. C’est là que le gouvernement fédéral peut parfois aider, en injectant plus d’argent. Cependant, si nous avons toujours plus de fonds, mais que nous n’avons pas la main-d’œuvre, les gens qui peuvent venir et faire le travail, cela pose un gros problème.

Ma question est donc la suivante. Comment le gouvernement fédéral peut-il aider à attirer davantage de personnes, notamment de l’étranger, des personnes francophones ou anglophones qui sont bilingues ou capables de travailler dans un environnement bilingue, selon la situation? Est-ce que le gouvernement fédéral peut plutôt contribuer en encourageant un plus grand nombre de jeunes Canadiens à envisager une carrière dans le secteur de la santé? En effet, la population vieillit dans tout le pays, et c’est préoccupant. C’est le cas partout.

J’ai toujours ma mère, moi aussi. Elle refuserait d’aller à l’hôpital anglophone parce qu’elle ne comprendrait pas un mot de ce qu’ils disent et ne serait pas capable de communiquer. Comment régler ce problème? J’aimerais savoir quel autre rôle vous pensez que le gouvernement fédéral peut jouer pour aider à résoudre cette situation, parce que l’argent ne peut pas tout régler si nous n’avons pas les gens.

Mme Johnson : Je peux tenter une première réponse, mais je suis sûre que mes collègues ont aussi des choses à dire à ce sujet. Ce comité permanent est notre champion. Vous êtes nos champions. Votre soutien à notre communauté est extraordinairement précieux, car il garantit que la communauté anglophone du Québec ne tombe pas dans l’oubli. Il est parfois contre-intuitif de parler de la minorité anglophone, mais nous vivons le même type de réalité que les francophones hors Québec.

Il faut absolument veiller à ce que les fonds accordés dans le cadre du programme pour les langues officielles ne soient pas perdus en étant transférés au Québec, car si vous donnez cet argent directement à la province de Québec, je vous garantis que nous n’en verrons pas la couleur et que nous ne saurons pas comment il est dépensé. En acheminant ces ressources directement aux organisations communautaires ou par l’intermédiaire de l’Université McGill, on s’assure que ce financement a un effet, en particulier sur les organisations communautaires telles que celles de mes collègues ici présentes. Il est important que vous plaidiez pour que cela continue, pour que l’argent soit investi par l’intermédiaire de la communauté, et pour que le contrôle des fonds ne revienne pas à la province de Québec.

Enfin, l’accès à l’argent, mais pas au personnel nécessaire pour faire le travail, comme vous l’avez dit, est une préoccupation réelle dans la mesure où nous avons tous des difficultés à recruter des gens en ce moment. Ce n’est toutefois pas une raison pour ne pas prendre des mesures et aller de l’avant. Je pense que nous devons vraiment nous assurer que nous pouvons payer des salaires suffisants pour garder les gens. Les organisations communautaires ont la réputation de sous‑payer leur personnel. Si nous disposons des ressources nécessaires pour payer des salaires concurrentiels, nous pourrons garder le personnel et le maintenir dans nos communautés.

Des personnes veulent travailler pour la communauté anglophone. Elles veulent soutenir les gens qui sont dans leur communauté, mais si on leur offre 10 $ de plus dans un autre contexte, il leur est difficile de se justifier de rester.

La sénatrice Poirier : Est-ce que quelqu’un d’autre veut répondre avant que je pose ma deuxième question?

Mme Callender : Je vais ajouter quelque chose. Pour revenir un peu sur ce qu’a dit Jennifer Johnson au sujet du rôle que jouent les organismes communautaires et de la capacité de payer pour conserver notre personnel, je pense que c’est parce que nous sommes les plus proches de la communauté. Nous connaissons les besoins de la communauté. Nous la côtoyons jour après jour. Je pense qu’on pourrait en faire un peu plus pour favoriser la compréhension ou la promotion des organisations communautaires en tant qu’acteurs clés. Cela se traduirait, je pense, par le respect du travail qu’elles accomplissent. En particulier dans notre communauté, dans la communauté noire anglophone, beaucoup de nos organisations communautaires ne disposent pas d’un financement suffisant. Travailler dans une organisation communautaire, soutenir sa communauté de cette manière, c’est essentiellement un sacrifice. Je pense, comme l’a fait remarquer Mme Johnson, qu’un financement plus important changerait la donne et encouragerait davantage de personnes à apporter leur soutien et leur aide. On peut dire que nous sommes les personnes qui peuvent le plus aider.

La sénatrice Poirier : En ce qui concerne le maintien en poste, comment vous en sortez-vous? Parmi les personnes que vous parvenez à recruter, quel est le pourcentage de celles que vous réussissez à garder?

Mme Johnson : Je pense que cela dépend de la région. J’imagine que les centres urbains ont probablement un meilleur taux de maintien en poste que... Jessica pourrait peut-être en parler.

Mme Synnott : Dans notre organisation communautaire, je dois dire que nous avons la chance de compter sur un personnel stable. Nous avons la possibilité d’offrir des horaires plus flexibles et une meilleure conciliation travail et vie personnelle. Je pense que c’est ce qui est le plus attrayant chez nous.

Nous avons, dans la province, de nouveaux arrivants qui viennent travailler pour nous et qui ne parlent pas français. Nous leur offrons un environnement de travail qui leur permet de ne pas avoir à maîtriser immédiatement le français. Nous leur offrons la possibilité d’apprendre le français pendant les heures de travail et de s’améliorer. Nous essayons de créer un bon environnement de travail, et cela fonctionne jusqu’à présent.

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Moncion : Selon l’article 29.1 de la Charte de la langue française, l’Office québécois de la langue française a l’autorité requise pour reconnaître un établissement de services de santé et de services sociaux lorsqu’il « fournit ses services à des personnes en majorité d’une langue autre que le français. »

[Traduction]

Selon le site Web, 12 de ces établissements qui offrent des services de santé et des services sociaux se trouvent sur l’île de Montréal. Ils doivent offrir des services complets à la population dans une langue autre que le français. Nous présumons donc qu’il s’agit de l’anglais. C’est sur le site Web, mais on dit que c’est à Montréal.

J’aimerais savoir si vous avez de l’information semblable dans le Pontiac et l’Outaouais, et si c’est la même chose pour la Gaspésie.

Mme Lanyi : La municipalité régionale de comté, ou MRC, de Pontiac est désignée bilingue. Cela signifie que tous les établissements doivent offrir des services dans les deux langues. De même, dans la MRC des Collines, seul l’hôpital de Wakefield est désigné bilingue. Les autres établissements sont désignés en fonction des programmes d’accès.

Je peux vous dire que fournir des services dans les deux langues reste un défi de taille. Dans le Pontiac, ils ont encore des difficultés. Il est difficile pour eux de recruter tout type de professionnel parce qu’il y a aussi un manque de logements. Il est donc difficile de faire venir de nouveaux employés. L’hôpital de Wakefield est un petit hôpital. Je sais que pendant un certain temps, le seul médecin de garde ne parlait pas un mot d’anglais, et ce dans un établissement désigné.

Comme l’a dit Mme Callender, c’est un peu au petit bonheur la chance. Il est important de se rappeler que, même si l’établissement est désigné, tout dépend des ressources disponibles et de la personne qui s’occupe de la dotation et qui sait ou non ce que signifie un programme d’accès. Beaucoup ne savent même pas ce qu’est un établissement désigné ou indiqué.

Mme Synnott : Comme je l’ai dit, dans la région de la Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, il n’y a pas d’établissement désigné. Le plus proche serait Les Partenaires communautaires Jeffery Hale ou le Centre d’hébergement Saint Brigid’s Home à Québec, à plus de 800 kilomètres de là. Impossible de choisir d’aller à un autre hôpital, au bout de la rue, plutôt que d’aller à un hôpital où on n’obtiendrait pas de services en anglais. Ce n’est malheureusement pas possible.

Cependant, nous avons un partenariat étroit avec notre établissement de santé, qui s’efforce, dans la mesure de ses moyens, d’offrir des services en anglais autant que possible. Quand ils n’en sont pas capables, nous essayons d’aider les membres de la communauté.

L’un de ces services est un projet d’intervenants pivots, dans le cadre duquel une personne va servir d’accompagnateur et d’interprète. Toutefois, à l’heure actuelle, une seule personne dessert l’ensemble de la côte gaspésienne, une région assez vaste, comme je l’ai mentionné.

Nous nous chargeons également de faire la promotion des divers services de notre système de santé, car ils ne peuvent pas faire de publicité en anglais.

Nous avons également le Comité d’accès régional, comme l’a mentionné Danielle Lanyi. Nous avons un plan d’accès pour la région. Nous avons travaillé avec notre établissement de santé pour désigner, au sein de l’établissement, un certain nombre de postes qui requièrent une excellente connaissance de l’anglais. Heureusement, il n’y a pas eu beaucoup de réactions négatives du côté du syndicat.

Je dirais qu’heureusement, l’établissement de santé de notre région constitue un système très ouvert. Il y a cependant des contraintes parce que ce n’est pas un établissement désigné bilingue.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre réponse. Que faut-il faire pour avoir la désignation bilingue?

Mme Synnott : Je crois qu’il faut que votre région soit anglophone à plus de 50 %, et nous en sommes à 10 %. Mme Johnson peut me corriger si je n’ai pas le bon pourcentage.

La sénatrice Moncion : Je dirai que vous êtes « chanceux » — je mets cela entre guillemets — parce que vous avez accès à une personne, et il semble qu’au Nouveau-Brunswick, ils ont accès à des ordinateurs. Je suppose que la présence d’une personne qui sert d’interprète rend les choses un peu plus humaines.

Le sénateur Dalphond : Je vais poursuivre sur la lancée des questions de la sénatrice Moncion. La communauté de la péninsule gaspésienne a des difficultés d’accès aux spécialistes. Je crois savoir que le gouvernement a mis en place des programmes dans les îles du Nord où des spécialistes viennent pour une semaine ou deux afin d’offrir des services de base au lieu de faire venir les patients à Montréal ou à Québec.

Est-ce qu’il existe un programme similaire pour les anglophones? Si vous avez besoin de services qui ne sont pas fournis dans la région parce qu’il n’y a pas de spécialistes, devez-vous plutôt prendre l’avion à destination d’une autre ville et être dirigé vers un hôpital qui offre des services en anglais, comme le CUSM, le Centre universitaire de santé McGill, l’Hôpital général de Montréal ou l’Hôpital de Montréal pour enfants, pour les enfants qui souffrent de cancer ou de leucémie, ou d’autres choses du genre?

Mme Synnott : Oui. Au CISSS de la Gaspésie, nous avons un corridor de services, comme on dit. Généralement, l’endroit le plus éloigné où les patients sont envoyés est la ville de Québec. Cependant, si les services ne sont pas disponibles à Rimouski ou à Québec, les frais de déplacement jusqu’à Montréal sont pris en charge. Cela arrive avec certains services pour enfants. Il est arrivé à quelques reprises qu’une entente soit conclue avec le Nouveau-Brunswick. Le CISSS fait tout pour que les services soient assurés.

Pendant je ne sais combien d’années, les enfants qui présentaient des troubles de comportement et qui devaient être placés dans un établissement anglophone devaient être envoyés à Batshaw, à Montréal. Cependant, le CISSS de la Gaspésie a déployé beaucoup d’efforts pour veiller à ce que les personnes embauchées au centre ici, à Gaspé, soient bilingues, de sorte que la situation a été corrigée depuis. C’est une longue réponse à votre question, mais oui, nous sommes envoyés là où il y a des services en anglais s’il n’y en a pas à proximité.

Le sénateur Dalphond : Merci.

[Français]

Le sénateur Mockler : Je suis intéressé à entendre ce que vous avez à dire sur la réforme en matière de santé qui va se faire au Québec. Vous avez dit que vous alliez suivre cela de très près.

Que pensez-vous de la réforme? Quels sont les facteurs déterminants que vous allez suivre afin de protéger notre communauté?

Mme Johnson : Cela vous dérangerait si je répondais à votre question en anglais?

[Traduction]

Le principal défi que pose le projet de loi 15 est l’érosion de l’influence de la communauté anglophone et de ses établissements. On élimine les conseils d’administration de tous les établissements locaux; ils n’existeront plus. Nous avions, au sein de ces conseils d’administration, une représentation qui n’est pas remplacée.

En ce qui concerne Santé Québec, ni la communauté anglophone ni aucune autre communauté identifiée n’est représentée au sein de Santé Québec. Selon le libellé actuel de la loi, les programmes d’accès seront élaborés par Santé Québec et non par les établissements régionaux. Nous ne savons pas si la communauté, la réalité locale, sera prise en compte dans l’élaboration de ces programmes d’accès à l’avenir. C’est très inquiétant.

Les Comités d’accès régionaux n’existeront plus. La loi ne les mentionne pas du tout. Dans la loi, chaque conseil institutionnel peut créer un comité à l’échelon local, mais il est en concurrence avec tous les autres groupes d’intérêt : les employés, les autres populations, et ainsi de suite. Il n’y a aucune garantie que la communauté anglophone puisse être représentée au sein du conseil institutionnel.

Le sénateur Mockler : Quelles sont vos attentes à l’égard du plan d’action du gouvernement du Québec? Que pensez-vous des investissements dans les transferts en santé annoncés dans le budget de 2023? Est-ce qu’il faudrait ajouter à cela une dimension linguistique?

Mme Johnson : D’après moi, il n’est pas réaliste de penser que le Québec va appliquer une perspective linguistique à ces transferts.

Il n’y a qu’une langue officielle au Québec, et c’est le français. Madame Lanyi, avez-vous quelque chose à dire?

Mme Lanyi : Exactement. La langue de travail au Québec est le français. Je suis d’accord avec Mme Johnson. Il serait irréaliste de s’attendre à ce qu’il y ait quelque chose sur ce plan.

Ce que personne n’a mentionné ici aujourd’hui, c’est que nous avons besoin de politiques plus inclusives qui englobent la communauté anglophone, mais aussi les communautés culturelles. Nous avons proposé des idées de pictogrammes dans les hôpitaux, quelle que soit la langue parlée.

Oui, en ce qui concerne le budget, nous acceptons ce qui est prévu. C’est la raison pour laquelle les fonds fédéraux sont si importants.

Le président : Merci. Merci pour vos questions, chers collègues.

Je vous remercie de vos observations. Vous nous avez confirmé ce que nous pensons. Vos communautés ont d’excellents établissements d’enseignement supérieur et d’excellents hôpitaux, c’est vrai. C’est l’impression qui se dégage de tout cela. Mais en même temps, vous nous avez dit qu’il y avait des problèmes systémiques.

Vous êtes les principaux acteurs sur le terrain, et le financement de vos organisations est important. De même, la relation entre le gouvernement fédéral et vos organisations est importante pour l’avenir des services que vous fournissez.

Je tiens à vous en remercier. Comme l’a dit la sénatrice Gagné, je tiens à vous remercier de votre engagement, de votre passion pour les langues officielles et, en particulier, pour votre langue officielle. Je vous remercie. Cela nous sera certainement utile pour notre rapport.

[Français]

Merci beaucoup, chers collègues. Nous allons terminer avec les témoins, mais je vous rappelle que nous avons prévu une séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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