LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 15 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les services de santé dans la langue de la minorité.
Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis actuellement président du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.
La sénatrice Moncion : Sénatrice Lucie Moncion, de l’Ontario.
La sénatrice Clement : Sénatrice Bernadette Clement, de l’Ontario.
La sénatrice Mégie : Sénatrice Marie-Françoise Mégie, du Québec.
Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, du Québec.
Le président : Bienvenue, chers collègues. Je souhaite aussi la bienvenue à nos témoins d’aujourd’hui ainsi qu’aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent. Je tiens à souligner que les terres à partir desquelles nous nous réunissons font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Ce soir, nous poursuivons notre étude sur les services de santé dans la langue de la minorité. Pour notre premier groupe, nous sommes heureux d’accueillir en présentiel M. Stéphane Robichaud, directeur général du Conseil de la santé du Nouveau‑Brunswick. Nous accueillons, par vidéoconférence, Mme Barbara Losier, directrice générale du Mouvement acadien des communautés en santé du Nouveau-Brunswick, ainsi que la Dre France Desrosiers, présidente-directrice générale du Réseau de santé Vitalité.
Bonsoir à vous trois et bienvenue parmi nous. Nous sommes prêts à entendre vos déclarations préliminaires, puis nous procéderons à une période de questions avec les sénateurs et sénatrices. Je donne d’abord la parole à M. Robichaud.
Stéphane Robichaud, directeur général, Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, bonsoir et merci de cette occasion de contribuer à vos délibérations.
Le Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick est un organisme provincial qui a comme double mandat de faire un rapport public sur la qualité des services de santé et de concevoir et mettre en œuvre des mécanismes permettant à la population de participer à l’amélioration de la qualité des services de santé.
Le travail du Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick doit être accompli avec impartialité tout en privilégiant une perspective citoyenne. Quel est l’état de la santé de la population? Quelle est la qualité des services reçus? Peu importe les caractéristiques individuelles, les circonstances, la géographie, est-ce que les ressources sont gérées de sorte à offrir des soins de même qualité à tous? J’ai eu l’occasion d’écouter certaines de vos séances précédentes. Plusieurs ont clairement expliqué les risques associés au fait de ne pas recevoir des services de santé dans la langue de son choix. En nous basant sur les leçons apprises dans le cadre du Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick, le contenu de cette déclaration portera davantage sur les obstacles et les possibilités pour ce qui est de l’amélioration de la qualité des services de santé financés publiquement. Ces améliorations comprennent l’accès aux services dans la langue officielle minoritaire, mais n’y sont pas limitées.
Les lacunes sur le plan des données généralement acceptées, désagrégées géographiquement, permettant d’évaluer l’état de santé de la population, la qualité des services de santé et la distribution des ressources ont été le constat initial le plus important dans l’exécution du mandat du Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick. Ce constat a exercé une grande influence sur les stratégies adoptées par le conseil dès ses débuts. Des cadres pour indicateurs ont été développés en consultation avec les organismes publics du secteur de la santé, ce qui a permis de dresser des portraits ponctuels de la santé de la population et de la quantité des services de santé.
La Loi créant le Conseil du Nouveau-Brunswick en matière de santé donne une définition de services de santé de qualité mesurés au regard de l’accessibilité, de l’équité, de la justesse, de la sécurité du rendement et de l’efficacité. Pour la santé de la population, un cadre inspiré de l’État du Wisconsin a été adopté. Ce cadre est basé sur le principe des déterminants de la santé, y compris des mesures liées à la qualité et à la durée de vie. Les catégories de déterminants et leur poids en ce qui concerne l’influence sur l’état de la santé de la population sont les comportements liés à la santé, pour 40 %, les facteurs socioéconomiques, pour 40 %, l’environnement physique, pour 10 % et les services de santé, pour 10 %. À l’origine, les rapports du conseil de la santé comptaient un nombre limité d’indicateurs et se limitaient à comparer le Nouveau-Brunswick à la moyenne nationale. Au cours des premières années, le travail du conseil de la santé a bénéficié d’une collaboration exceptionnelle d’organisations provinciales, ce qui a permis d’identifier et de valider plusieurs indicateurs additionnels à partir des systèmes de données administratives.
Pour combler certaines lacunes, en particulier en matière d’expériences vécues par les patients, des sondages pluriannuels visant plusieurs secteurs de services de santé ont été implantés. Au Nouveau-Brunswick, c’était la première fois qu’on ferait remplir des sondages de façon standardisée en offrant des données qui pouvaient être désagrégées sur une base géographique et démographique. Les questions des sondages permettent d’identifier si les citoyens reçoivent leurs services dans leur langue officielle préférée, ce qui permet de voir l’état de la situation sur le plan des services de soins hospitaliers, des soins à domicile et des services de santé primaires.
Je vous invite à consulter les résultats des sondages sur le site Web du conseil à l’adresse suivante : www.csnb.ca.
Cependant, sur le plan de la gestion des données administratives au Nouveau-Brunswick, il n’est toujours pas possible de désagréger adéquatement les données sur la base de la langue officielle préférée. Depuis les débuts des travaux du conseil en 2008, des groupes comme la Société Santé et Mieux‑être en français du Nouveau-Brunswick (SSMEFNB) revendiquent cette possibilité. Il serait alors possible de mieux évaluer les liens entre la langue officielle préférée et la qualité des services de santé reçus. C’est une question particulièrement importante pour les francophones qui vivent dans les centres urbains anglophones de la province. Les récentes ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires offrent des possibilités d’amélioration. Les textes font référence aux langues officielles et aux communautés minoritaires. Au cours des années à venir, une attention particulière devrait être portée au cadre de reddition de comptes lié à ces ententes et à son évolution. Le fait de clarifier les résultats escomptés par les investissements et l’identification de mesures de rendement seront des défis importants.
Cependant, avec le soutien d’une gouvernance efficace, ces ententes pourraient contribuer à améliorer la qualité des services de santé, y compris l’accès aux services dans la langue officielle minoritaire. Je vous remercie de m’avoir écouté.
Le président : Merci, monsieur Robichaud. Je donne maintenant la parole à la Dre Desrosiers.
Dre France Desrosiers, présidente-directrice générale, Réseau de santé Vitalité : J’en profite pour remercier le Comité sénatorial permanent des langues officielles de son invitation. Comme présidente-directrice générale du Réseau de santé Vitalité, j’ai le plaisir de partager avec vous notre expérience comme organisation francophone dans une province bilingue où le français est la langue de la minorité.
Comme vous le savez, le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue au Canada. Le Réseau de santé Vitalité est la régie régionale de la santé francophone qui couvre tout le nord de la province, ainsi que le sud-est. Il compte 60 points de service, dont 11 hôpitaux, près de 8 000 employés, 600 médecins et 400 bénévoles. En plus d’être un pilier de la communauté francophone et acadienne, le réseau est un employeur. Il offre un milieu où il est possible de travailler et de se développer sur le plan professionnel en français, mais il contribue aussi à la formation en français, car nous représentons le principal milieu de stages cliniques pour toutes les professions de la santé dans la province. Au Nouveau-Brunswick, les francophones représentent 32 % de la population totale et les anglophones, 68 %. Le Nouveau-Brunswick figure parmi les provinces ayant la moyenne d’âge la plus élevée. Chez les francophones, la moyenne est encore plus élevée, donc le nombre de maladies chroniques et les besoins en soins et en services de santé sont plus grands.
En plus des facteurs démographiques, le profil socioéconomique de la population francophone montre aussi des écarts avec les anglophones, avec un niveau d’éducation et de littératie moins élevé, une situation économique moins avantageuse et un accès moindre aux services, puisque les francophones vivent surtout en milieu rural.
Le Dr Denis Prud’homme, médecin, chercheur et recteur de l’Université de Moncton, s’intéresse à la qualité et à la sécurité des services de santé offerts en situation linguistique minoritaire. Lors d’un symposium tenu en mars dernier sur les soins de santé en français, il a exposé les résultats de ses analyses, qui montrent que les personnes qui reçoivent des soins dans leur langue maternelle ont de meilleurs résultats cliniques comparativement aux personnes qui reçoivent des soins dans une langue autre que leur langue maternelle.
Or, au Nouveau-Brunswick, selon le recensement de 2016, le taux de bilinguisme est de 72 % pour les francophones et de seulement 15 % pour les anglophones. Dans une perspective provinciale, il est aussi possible de conclure que les francophones sont désavantagés à ce chapitre, alors qu’ils ont moins de chances d’être soignés dans leur langue maternelle à l’extérieur du Réseau de santé Vitalité.
En ce qui a trait aux défis liés à la pénurie de professionnels de la santé, la main-d’œuvre active francophone ou bilingue n’est pas suffisante pour répondre aux besoins. Je m’explique : au Réseau de santé Vitalité, nous comptons surtout sur le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick et sur l’Université de Moncton pour former nos professionnels de la santé. Considérant que nous sommes une province bilingue qui se doit d’offrir des soins dans les deux langues officielles, et étant donné la forte proportion d’étudiants bilingues chez les francophones, nos établissements de formation se trouvent donc à former des professionnels qui sont attendus autant par le réseau de santé anglophone que le réseau francophone, et ce, sans compter beaucoup d’autres types de postes demandés par des partenaires qui exigent aussi le bilinguisme, comme le Programme extra‑mural ou d’autres points de service fédéraux.
En revanche, très peu d’étudiants des établissements d’enseignement postsecondaire anglophones choisissent le Réseau de santé Vitalité ou les postes bilingues de nos partenaires, en raison de leur faible taux de bilinguisme.
De plus, cette réalité n’est pas prise en compte dans l’allocation des places dans les milieux d’enseignement postsecondaire du côté des francophones.
Quant aux besoins en matière de recherche, nous pensons que, pour bien comprendre les besoins propres aux communautés francophones en situation minoritaire, notamment en matière de santé, nous devons mieux soutenir les chercheurs francophones qui évoluent dans ces milieux, notamment au Nouveau-Brunswick. De façon générale, la place du français dans le système de recherche au Canada est en déclin, puisque seulement 5 à 10 % des demandes auprès des organismes subventionnaires des domaines des sciences de la santé sont rédigées en français. De plus, les chercheurs d’expression française qui présentent des demandes en français auprès des Instituts de recherche en santé du Canada sont désavantagés. Ces demandes auraient un taux de succès d’environ 30 %, comparativement à 37 % pour celles qui sont présentées en anglais.
Enfin, je pense également que l’engagement des communautés mérite une réflexion. Le Réseau de santé Vitalité effectue de manière cyclique une évaluation des besoins en santé — pour et avec chacune de ses 13 communautés. Au-delà de cette évaluation, nous souhaitons appuyer nos communautés dans la mise en œuvre d’initiatives qui pourront répondre aux besoins identifiés. C’est l’approche des communautés apprenantes, qui leur permet de s’engager dans un processus formel, avec l’appui Réseau de santé Vitalité, visant à mettre en place des initiatives favorisant la santé populationnelle, tout en respectant les besoins et les particularités linguistiques et culturelles des communautés.
Alors que le Réseau de santé Vitalité est un joueur déterminant dans la sauvegarde du fait français dans notre province, les communautés le sont également, et je pense que nous devons le reconnaître et les intégrer à nos stratégies.
J’aimerais glisser un mot sur l’importance de la gouverne des régies régionales de la santé. Bien que la question soit de compétence provinciale, je me permets de souligner l’importance du maintien de deux régies de la santé distinctes, l’une francophone et l’autre anglophone, pour la sauvegarde du fait français au Nouveau-Brunswick. Il y a quelques jours, notre gouvernement a annoncé la création d’une nouvelle structure de gouverne de régie régionale. Après environ un an de tutelle, la nouvelle structure prévoit le maintien d’une gouverne distincte pour chaque régie; j’estime que nous devons applaudir cette décision et assurer la pérennité de celle-ci pour respecter les droits des communautés francophones et acadiennes.
En conclusion, l’expérience montre que, dans les milieux dits bilingues, l’anglais finit par devenir la langue des opérations, du fonctionnement et des services. Cela dit, le Réseau de santé Vitalité et toute la population bénéficieraient d’une augmentation du bilinguisme dans la province, tant sur le plan des ressources humaines disponibles que des relations d’affaires avec les autres partenaires en santé au Nouveau-Brunswick, pour permettre à tous de s’exprimer et de fonctionner dans la langue officielle de son choix.
Bien que la langue ne soit pas un déterminant de la santé, les soins dans la langue maternelle exercent une influence directe sur la santé des patients, comme on l’a vu avec la recherche du Dr Prud’homme. Puisqu’elle vit en situation linguistique minoritaire, la population francophone a toujours fait de nombreux compromis. Un investissement accru dans les soins et services de santé dans la langue de la minorité contribuerait non seulement à l’épanouissement de la population francophone...
Le président : Je vais vous demander de conclure, docteure Desrosiers. Je suis désolé.
Dre Desrosiers : Oui, j’en étais à la dernière page. Je voulais juste dire que cela contribuerait non seulement à l’épanouissement de la population francophone, mais aussi à sa santé.
Je tiens à vous remercier de m’avoir donné cette occasion de partager mes réflexions.
Le président : Merci, docteure Desrosiers.
Barbara Losier, directrice générale, Mouvement acadien des communautés en santé du Nouveau-Brunswick : Merci, monsieur le président.
Bonsoir, honorables sénatrices et sénateurs. Le Mouvement acadien des communautés en santé du Nouveau-Brunswick, le MACS-NB, est un organisme communautaire sans but lucratif. Permettez-moi de vous remercier de nous avoir offert le privilège de partager avec votre comité notre perspective sur les services de santé dans la langue de la minorité.
Nous saluons votre clairvoyance d’avoir compris l’importance que revêt cet enjeu pour l’ensemble des communautés acadiennes et francophones du pays.
Depuis plus de 20 ans, notre organisme agit comme réseau de mobilisation et d’accompagnement des communautés et des populations locales de l’Acadie du Nouveau-Brunswick dans la prise en charge de leur santé et de leur mieux-être, tant individuel que collectif. Le MACS-NB rassemble 166 communautés, organisations Écoles en santé et groupes associés. Par ses collaborations multisectorielles, notre réseau a des connexions avec près de 200 groupes, acteurs et partenaires en lien avec la santé et le mieux-être en français au Nouveau-Brunswick, au Canada et même à l’international.
Je me permets d’ailleurs de souligner les partenariats gagnants que nous entretenons avec le Réseau de santé Vitalité et le Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick.
Je tiens également à saluer chaleureusement le sénateur Cormier, qui est un allié de longue date du MACS-NB et un grand transmetteur culturel et artistique dans nos milieux.
Le levier d’intervention privilégié par notre organisation est le modèle Communautés — Écoles en santé, qui aspire à atteindre le bonheur communautaire en plaçant le citoyen et la citoyenne au cœur de toute action et de toute démarche.
Vous comprendrez que notre vision de la santé se reflète dans les aspirations de nos communautés, à savoir une vision inclusive des 12 déterminants comme ils sont reconnus par l’Agence de la santé publique du Canada, forte d’une participation citoyenne et communautaire accrue, soutenant le renforcement des capacités des communautés, riche d’influence sur les politiques publiques pour atteindre l’équité en santé, une vision mettant en lumière la vitalité communautaire et scolaire et favorisant un rapprochement toujours grandissant entre le système et la communauté.
Le MACS-NB est convaincu que la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick dit absolument oui à l’inclusion de clauses linguistiques dans les transferts en santé; oui à la captation de la variable linguistique pour étayer les données sur la santé de notre population; oui à la reconnaissance de la langue et de la culture comme composantes indissociables des déterminants de la santé; oui à l’optique visant à façonner autrement une santé qui sera resplendissante pour le plus grand nombre, et ce, en français.
Même si le Nouveau-Brunswick est une province supposément bilingue, la population acadienne a encore de grands besoins en matière d’accès pour des services de santé en français. Les données montrent que c’est le cas même dans les régions où les francophones sont majoritaires. On peut parler ici de santé primaire, de santé mentale, de santé populationnelle et de santé en milieu rural isolé.
Il est évident que tout ne peut pas se régler uniquement à partir du système. La communauté est impatiente de s’inscrire comme partenaire à part entière pour faire partie de la solution et elle est peu désireuse d’être cantonnée au rôle passif de patient. Donnons aux communautés le pouvoir et les capacités d’offrir des solutions alternatives, comme elles le font déjà partout au pays.
Les études ont montré, comme celle du Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick, que les services et les soins de santé ne représentent que 10 % de la santé de la population. Comme M. Robichaud le disait, la santé repose à 40 % sur les facteurs socioéconomiques, à 40 % sur les comportements et à 10 % sur l’environnement physique.
On constate toutefois qu’au moins 80 % des sommes allouées à la santé se concentrent sur les premiers 10 % des soins et des services.
Il est plus que jamais impératif d’agir dans les 90 %. Soutenons l’action en amont sur les déterminants de la santé par, pour et avec les communautés, notamment en réservant un fonds de l’Agence de la santé publique à la promotion de la santé des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Réalisons aussi que les programmes pour la santé des communautés de langue officielle à Santé Canada sont tournés surtout vers l’appui aux systèmes de santé actuellement.
Il est important de créer un plus juste équilibre, avec le renforcement des capacités des communautés et du milieu associatif, pour que ceux-ci soient en mesure d’accompagner adéquatement le système dans l’amélioration de l’accès aux services et d’être reconnus comme parties prenantes de plein droit.
Rappelons que l’appui à la vitalité des communautés en situation minoritaire demeure l’une des pierres angulaires du Plan d’action pour les langues officielles.
Force est de constater aujourd’hui que les méthodes actuelles, axées en priorité sur les soins curatifs plutôt que sur les services élargis de santé, nous ont conduits droit dans le mur et dans la surenchère, et ce, même si tous les efforts consentis sont fort louables.
Osera-t-on faire autrement? Allons-nous continuer de nous concentrer à soigner la maladie, ou osera-t-on travailler à l’atteinte d’une pleine santé pour notre monde?
Merci de nous avoir donné une voix et de nous avoir écoutés.
Le président : Nous allons donc maintenant passer à la période des questions. Je vous rappelle de ne pas trop vous approcher de votre micro quand vous prenez la parole pour nous assurer que nos interprètes peuvent bien entendre, et surtout pour qu’ils n’en subissent pas les contre-effets.
Je donne la parole à la sénatrice Moncion.
La sénatrice Moncion : Bienvenue, monsieur Robichaud, et bienvenue à nos témoins en ligne.
Ma première question s’adresse à vous, monsieur Robichaud, et concerne les données désagrégées.
Dès le début de votre allocution, vous avez dit que cela pourrait donner un portrait ponctuel de la santé de la population, mais que vous n’aviez pas nécessairement beaucoup d’information, et que celle à laquelle vous aviez accès n’était pas nécessairement désagrégée.
Pouvez-vous nous indiquer l’avantage que le gouvernement pourrait avoir à fonctionner d’une telle façon, justement, en ne faisant pas cette accumulation de données, en ne voulant pas savoir et en faisant l’autruche?
M. Robichaud : C’est difficile de prendre cette question en ce sens. Je voudrais simplement renchérir sur un point. Quand on arrive dans le secteur de la santé et qu’on n’y a pas fait sa carrière, on fait le constat que nos services évoluent et on trouve des façons de travailler en l’absence de cette information désagrégée. Je ne crois pas qu’il soit juste de mettre tout le poids seulement sur le gouvernement élu. Nos structures administratives ont évolué avec cette réalité au cours des années.
Vous savez, quand le conseil s’est penché sur la question, ce n’est pas tant parce qu’il y avait une absence de données que parce que celles qu’on avait étaient très déconnectées. Il y avait des centres plus importants, qui ont plus de ressources, et il faut peut-être faire certains exercices pour comprendre la santé de la population, par exemple. Cependant, certaines régions de la province, où les institutions sont plus petites et où les gens portent plusieurs chapeaux, n’ont pas nécessairement les ressources pour faire ce genre de travail.
C’est vraiment à l’échelle provinciale; je dirais que ce n’est pas seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan organisationnel et au sein de la fonction publique. D’ailleurs, j’ajouterais qu’une des leçons que j’ai apprises moi-même en cours de route, c’est qu’il y a aussi une réalité du secteur public à l’extérieur de la santé. Si vous regardez nos programmes sociaux et le système d’éducation, les intervenants ont tous affirmé, au cours des années qu’ont duré nos travaux, qu’ils bénéficieraient du fait d’avoir une meilleure compréhension ou d’être mieux intégrés, devrais-je dire, dans le processus décisionnel, pour mieux connaître la population qu’ils servent.
La sénatrice Moncion : Je vous remercie.
C’est curieux, parce qu’on étudiait le projet de loi C-11 il n’y a pas si longtemps, où l’on traitait des algorithmes qui donnent beaucoup d’information à un grand nombre d’entreprises qu’on ne connaît pas. Dans le secteur de la santé, on aurait intérêt à avoir des outils comme ceux-là, car malgré le fait qu’il y a beaucoup d’argent investi dans les systèmes de santé, on n’a pas accès à toutes ces données. On n’a pas encore pensé à investir de ce côté, ce qui est souvent dommage, parce que cela a des effets négatifs, si l’on veut, sur les services que l’on offre maintenant.
Étant donné cette prémisse, est-ce qu’il y a du travail qui se fait en ce sens?
M. Robichaud : J’aimerais construire un peu sur le point que vous venez de mentionner.
Je pense qu’il y a un potentiel dans l’usage d’algorithmes et de nouvelles technologies dans le travail qui se fait autour des données. Par contre, quand vous pensez à ces compagnies, il faut comprendre que la raison pour laquelle elles utilisent ces données et la façon dont elles les utilisent est spécifique à leur réalité et à leurs besoins. Ici, ce qu’il ne faut pas négliger du côté public... Il y a un dicton en anglais qui dit « garbage in, garbage out ». Si on applique ces technologies à nos données, quand la qualité des données comme telle n’est pas nécessairement ce qu’elle devrait être...
Il y a deux éléments que je porterais à votre attention. On a appris l’importance, d’une part, d’avoir de l’information géographiquement agrégée. C’est vrai que le code postal est un élément important quand on regarde les résultats. En fait, au conseil, on s’est aperçu que les moyennes provinciales représentent la réalité de très peu de gens, parce qu’il y a beaucoup de variables.
Il y a un deuxième élément, pour renchérir sur l’élément de qualité. Ce qui est particulier au secteur de la santé, ce sont les ressources. On est très mal équipé pour comprendre nos ressources, les ressources humaines, les médecins, les médecins de famille, par exemple, et les profils de pratique. On ne sait pas combien on en a ni de quelle façon leur temps est utilisé.
Je termine en vous donnant un autre exemple qui m’a personnellement frappé, étant donné la nature du travail que je fais. Au début de la pandémie, quand on tenait des discours au sujet des respirateurs, j’écoutais les réponses, mais personne n’a répondu dans nos systèmes de santé, car on ne capte pas bien nos ressources; fondamentalement, c’est la réponse. On ne pouvait pas répondre clairement, parce qu’on ne capte pas bien nos ressources; voilà un exemple. Il y a quand même des données sur les ressources, mais c’est un des éléments sur lequel le conseil, quand on s’y penche, doit toujours passer plusieurs mois à valider les données, parce qu’on ne peut pas se fier à première vue aux données qu’on a.
Pour en revenir aux algorithmes, si on met simplement ce genre d’information dans des outils comme ceux-là, la qualité sera affectée par le fait que les données elles-mêmes doivent être améliorées. C’est l’œuf et la poule : le fait d’avoir passé des décennies à travailler sans le faire adéquatement avec ce genre de données donne la qualité que l’on a. À l’inverse, si on accentue les efforts en vue de mieux utiliser les données, la qualité s’améliorera avec le temps.
La sénatrice Mégie : Merci aux témoins d’être ici pour partager leurs expériences avec nous. Ma question s’adresse à la Dre Desrosiers.
Je voulais parler de recherche avec vous. Quand les chercheurs font leurs demandes aux organismes subventionnaires, est-ce qu’il y a, dans les formulaires, des clauses qui exigent que les publications soient produites en anglais ou si c’est un libre choix pour le chercheur?
Dre Desrosiers : Je pense que cela vaudrait la peine de valider la question avec des chercheurs, mais à ma connaissance, ce n’est pas une exigence. Ils ont l’option de faire des recherches en français ou en anglais.
La sénatrice Mégie : Pourquoi est-ce qu’ils leur refusent des subventions? Est-ce que s’ils font leur demande en français et qu’on soupçonne que la publication sera faite en français, ils refusent?
Dre Desrosiers : Je ne voudrais pas parler pour d’autres partenaires en recherche, mais on peut constater qu’il y a moins de demandes de subventions qui sont acceptées lorsqu’elles sont déposées en français. On peut laisser sous-entendre ou on peut lancer l’hypothèse selon laquelle c’est l’une des raisons, mais il faudrait valider cette hypothèse avec les organismes subventionnaires.
La sénatrice Mégie : Merci. J’ai une question pour les autres membres du groupe de témoins, si vous pouviez y répondre.
Un des témoins de la semaine dernière a mentionné que le fait de noter la langue de la personne sur sa carte d’assurance-maladie serait une bonne avenue, ou l’une des avenues qui assureraient qu’on lui offre des services en français.
Quelle est votre pensée à ce sujet?
Mme Losier : Merci pour la question, madame la sénatrice.
À cela, je dirais que le Mouvement de la santé en français au Canada est très intéressé.
Celui-ci a déjà vécu l’expérience, notamment avec l’Île-du-Prince-Édouard, d’inclure la variable de la langue sur la carte d’assurance-maladie.
Il y a d’autres provinces et territoires qui y travaillent. Il y a notamment des discussions avec le Nouveau-Brunswick, mais est-ce que la carte d’assurance-maladie est la seule option? Il y a des dossiers qui ont été créés tout récemment, pendant la crise de la COVID-19 au Nouveau-Brunswick. Il y a maintenant un dossier qui s’appelle MaSantéNB; ce pourrait être une piste de solution. Beaucoup de partenaires font partie de comités qui travaillent sur l’inclusion de la variable linguistique dans les systèmes d’identification de la population en matière de santé pour que cela se produise.
Des travaux ont réussi à l’Île-du-Prince-Édouard et je crois qu’il y a aussi des recherches en ce sens au Manitoba, mais je ne peux pas parler pour les autres provinces. Je sais que cela s’est fait à l’Île-du-Prince-Édouard. D’ailleurs, au Nouveau-Brunswick, le Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick, le Réseau de santé Vitalité et notre organisme travaillent tous les trois au sein du comité créé par la Société Santé et Mieux-être en français du Nouveau-Brunswick (SSMEFNB) pour atteindre cet objectif un jour.
La sénatrice Mégie : Si cela s’est fait à l’Île-du-Prince-Édouard, il a dû y avoir une étude d’impact? Le fait de l’avoir fait, est-ce que cela a changé quelque chose?
Mme Losier : Je dirais que oui, absolument, cela a changé des choses. Aujourd’hui, la communauté acadienne et francophone a accès à des données et le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard et Santé Î.-P.-É. ont accès à des données réelles sur les besoins et sur l’utilisation des services de santé en français par les francophones et les francophiles de l’Île-du-Prince-Édouard. Il est évident qu’il faudrait s’en informer auprès des gens de l’Île-du-Prince-Édouard. Je suis au courant, parce que ce cas a fait l’objet d’études et de recherches à l’échelle nationale pour soutenir la démarche dans les autres provinces et les territoires. On pourrait interroger les gens du Réseau Santé en français Î.-P.-É., qui pourraient nous en dire beaucoup plus.
La sénatrice Mégie : Parfait, merci beaucoup.
La sénatrice Clement : Bonsoir et merci à tous les témoins. Ma première question s’adresse à M. Robichaud et à la Dre Desrosiers et concerne la question de la collecte des données. Ce qui m’intéresse, c’est l’intersectionnalité entre la langue et le fait d’être issu de la diversité, par exemple. Vous avez fait des sondages désagrégés, je crois. Est-ce que vous avez capté cette intersectionnalité? Dans l’affirmative, comment en avez-vous évalué l’impact?
M. Robichaud : Si vous jetez un coup d’œil au site Web du conseil, vous verrez, quand vous ferez une recherche dans les données... Il est important de souligner ici qu’il s’agit de nos propres sondages, donc nous contrôlons les questions que nous posons, ce qui nous permet par la suite de désagréger le tout. Les nouveaux arrivants et les personnes autochtones, anglophones et francophones : voilà des exemples où l’on a pu désagréger les données. Les personnes qui s’identifient comme non binaires, par exemple, dans nos écoles... Cela nous a permis de mieux évaluer la grande différence en ce qui concerne l’anxiété, la dépression et le sentiment de taxage et cela a permis d’être mieux en mesure de comprendre la réalité. Maintenant, le défi est de pouvoir le faire aussi du côté administratif.
Ce que j’ajouterais en lien avec la question précédente, c’est que l’habileté permet de faire un croisement, si l’on regarde les gens qui souffrent de diabète, par exemple, et si l’on veut évaluer si on arrive à bien le contrôler... On peut regarder dans des régions comme à Saint-Jean si le fait d’être membre d’un groupe minoritaire nous permet d’obtenir des résultats équitables avec le reste de la population. En utilisant cet identifiant, on pourrait le faire.
Actuellement, les hôpitaux demandent quelle langue les clients préfèrent. Comme province, il faut avoir une approche plus standardisée sur la collecte de données et la façon de faire des analyses comme celles que je viens de mentionner pour évaluer si le fait d’être doublement minoritaire, comme francophone à Saint-Jean, affecte notre santé. J’ajouterais même qu’au Nouveau-Brunswick, il y a aussi des groupes minoritaires anglophones dans des régions francophones, et cela figure aussi dans nos données.
La sénatrice Clement : Comment peut-on standardiser tout cela? Quelle est la solution?
M. Robichaud : On a eu un projet il y a quelques années en lien avec les travaux que l’on fait sur la population autochtone. Dans les discussions avec le ministère, on en est arrivé à dire que ce n’est pas nécessairement une question d’être simplement anglophone ou francophone, mais que le système de santé doit être en mesure de mieux identifier les sous-populations. La discussion a évolué : oui, la langue maternelle est un facteur; de plus, pour les nouveaux arrivants, il serait pertinent de mieux capter cela, surtout avec des tendances démographiques récentes. À cela, on peut ajouter la population autochtone où il y a des taux de morbidité — comme pour les maladies chroniques, par exemple — plus élevés qu’au sein de la population en général.
Ces éléments pourraient tous nous permettre de faire de meilleures analyses, mais il s’agit de trouver une façon constante de le faire.
À l’heure actuelle, certains hôpitaux posent la question tout le temps, mais peut-être pas tout le temps. Une fois qu’on aura trouvé la solution, il faudra avoir une approche concertée avec tous les intervenants pour s’assurer que toutes les interactions avec le système sont utilisées pour valider le tout. Je ne connais pas très bien l’exemple de l’Île-du-Prince-Édouard; c’est sur le plan de l’enregistrement de la carte qu’on le confirme.
Il y a différentes façons de faire. Chez nous, on continue les discussions avec le ministère. Je crois qu’on est très près d’y arriver, mais il faudra un objectif soutenu pour trouver une solution.
Dre Desrosiers : On ne peut pas se fier à notre passé ou à notre présent par rapport à ces données, parce qu’on est assez archaïque dans notre approche. Il n’y a pas de données disponibles pour les sous-populations auxquelles nous avons accès et dont on peut retirer suffisamment d’information pour agir. La vision avec le nouveau plan de santé est d’avoir un système connecté — et je reprends les paroles de M. Robichaud —, où les différents partenaires, le conseil, les ministères, les régies de santé et les partenaires privés travaillent ensemble pour partager des données et bien organiser la gouverne des données, ce qui nous permettra d’être plus constants et d’avoir des données plus fiables pour prendre des décisions éclairées à l’avenir.
Le sénateur Dalphond : Je demanderais à la Dre Desrosiers une copie du rapport du Dr Prud’homme. Vous avez fait référence à une étude et à certains résultats. Pourriez-vous l’envoyer au greffier du comité?
Dre Desrosiers : Absolument.
Le sénateur Dalphond : Monsieur Robichaud, Mme Losier a fait référence à 12 déterminants identifiés par Santé Canada et vous avez fait référence à des déterminants basés sur le système du Wisconsin. Ces déterminants sont-ils les mêmes?
M. Robichaud : Cela se regroupe. Lorsque le conseil a commencé son travail, nous retrouvions justement autour de la table des gens qui ont de l’expérience comme professionnels de la santé, des gestionnaires de la santé, des gens qui travaillent dans les secteurs de l’enseignement, de la politique publique et du communautaire.
D’ailleurs, Mme Losier était membre fondatrice du conseil de la santé.
Le modèle recherché était une façon d’organiser des indicateurs — de là le modèle du Wisconsin. Dans le système, on nous parlait des déterminants de Santé Canada. On a regardé partout sur la planète. Il y avait une constance — du moins, dans les pays industrialisés — sur le concept des déterminants, mais c’est au Wisconsin qu’on a trouvé un outil qui nous permettait d’organiser des indicateurs pour dresser un portrait avec des exemples de mesures qui serviraient comme facteurs socioéconomiques, comportements de santé, facteurs environnementaux et services de santé.
Le sénateur Dalphond : Pour le Nouveau-Brunswick, il y a quand même un facteur additionnel, soit le fait qu’il y a une population bilingue, ce qui n’est pas le cas du Wisconsin.
M. Robichaud : La langue des services est captée dans tous nos sondages. Si on peut l’identifier aussi du côté administratif, le modèle n’a pas besoin de changer. D’ailleurs, cela répondrait à cette question : nos francophones sont-ils en moins bonne santé que nos anglophones? Je vous dirais, à cet effet, que souvent, nous avons des communautés francophones qui sont en meilleure santé et qui ont de meilleurs résultats.
On ne peut pas attribuer cela à des choses spécifiques, mais comme organisation provinciale, je peux vous dire que, dans les activités du groupe dont fait partie Mme Losier, nous — comme organisation qui fait affaire avec les communautés anglophones et francophones — avons pris note que l’organisation est différente du côté francophone par rapport au côté anglophone. Le groupe de Mme Losier assure une certaine mobilisation et un partage d’expérience et de connaissances que l’on ne voit pas de la même façon du côté anglophone.
Le sénateur Dalphond : Ma prochaine question s’adresse à la Dre Desrosiers. On s’aperçoit que les données sur certaines caractéristiques individuelles, notamment la langue, ne sont pas toujours recueillies de la même façon, finalement.
Lorsqu’un patient se présente dans le Réseau de santé Vitalité, est-ce qu’on lui demande dans quelle langue il préfère être servi? S’il répond qu’il est indifférent, on ne sait pas si la personne est francophone ou anglophone. Comment structurez-vous la collecte de données? Je comprends, par exemple, qu’il n’y a pas de carte d’assurance-maladie qui indique la préférence linguistique pour les services.
Dre Desrosiers : L’offre active se fait d’emblée quand le personnel de la santé se présente au patient et demande s’il préfère être servi en français ou en anglais. Toutes nos directives s’alignent en ce sens. Quand nous pensons à notre plus grand centre hospitalier, à Moncton, 50 % de la clientèle est anglophone et 50 % de la clientèle est francophone. Les gens sont relativement habitués à aller chercher quelqu’un qui s’exprime dans la langue préférée du patient, si jamais l’employé ou le professionnel de la santé n’est pas en mesure de répondre dans la langue choisie par le patient.
Le sénateur Dalphond : Est-ce qu’on inscrit une note dans son dossier? On l’écrit dès le début, en français ou en anglais?
Dre Desrosiers : À l’admission.
Le sénateur Dalphond : Par la suite, si cette personne subit une opération, on ne lui demande pas dans quelle langue elle veut être servie si elle est dans le coma. On sait qu’elle veut des services en français, par exemple.
Dre Desrosiers : Effectivement. Dès l’enregistrement du patient, quel que soit le service, tous les patients s’enregistrent, que ce soit pour l’urgence, des services sélectifs ou des services externes. Cela fait partie des questions de base que l’on pose aux patients.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Le sénateur Mockler : Je m’en voudrais de ne pas m’excuser auprès de vous, honorables sénatrices et sénateurs. Je viens d’apprendre que conduire une voiture dans la région de Montréal, ce n’est pas comme conduire à Edmundston.
Je veux m’adresser à chacun de vous. Vous jouez tous les trois un rôle important pour dispenser et améliorer les soins de santé dans notre région. Je veux vous en féliciter.
J’aimerais reconnaître officiellement que c’est la première fois que je rencontre la Dre Desrosiers, qui a une très grande réputation. Je veux vous féliciter de votre leadership et de votre dévouement pour améliorer la qualité de la santé des gens, que ce soit le peuple de l’Acadie, les Brayons ou les francophones du Nouveau-Brunswick.
Mes questions touchent le recrutement et l’accréditation.
Docteure Desrosiers, quelles sont vos stratégies de recrutement du personnel, notamment au sein des pays de la Francophonie? Coordonnez-vous vos propres stratégies ou vous joignez-vous à d’autres régies ou ordres de gouvernement?
Dre Desrosiers : Merci pour la question.
Nous faisons quand même nos premiers pas en matière de recrutement à l’international pour le Réseau de santé Vitalité. Au cours de la dernière année, nous en sommes à cinq ou six missions dans des pays de la Francophonie pour faire du recrutement. Nous sommes toujours accompagnés, jusqu’à présent, de partenaires qui ont déjà fait leur chemin en matière de recrutement à l’international.
Parmi nos partenaires les plus importants, Opportunités Nouveau-Brunswick nous a énormément appuyés. Je souligne également que l’Université de Moncton est notre deuxième partenaire dans nos initiatives de recrutement à l’international.
Le sénateur Mockler : Quelles mesures avez-vous prises pour reconnaître les titres et les diplômes de personnes recrutées à l’étranger? Lorsque j’étais au gouvernement du Nouveau-Brunswick, cela a toujours été une discussion internationale. Donc, pour les titres et les diplômes de personnes recrutées à l’étranger, quelles barrières le gouvernement fédéral doit-il lever pour faciliter le recrutement et régler la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la santé?
Dre Desrosiers : La réponse est différente selon le type de professionnel de la santé dont on voudrait discuter. Si on parle de la partie des soins infirmiers ou de la profession infirmière, c’est beaucoup plus un pouvoir d’influence dont on a usé au cours de la dernière année pour s’assurer que l’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick (AIINB) progresse en vue de reconnaître plus rapidement la certification à l’étranger.
Nous avons tout de suite embauché de nouveaux arrivants qualifiés comme infirmiers ou infirmières immatriculés dans leur pays. Nous les avons embauchés à titre de préposés aux soins, tout en faisant pression au sein de l’association infirmière de la province pour accélérer la reconnaissance des acquis. C’est un travail de collaboration avec ce partenaire. Honnêtement, cela donne des résultats — pour la première fois depuis longtemps — avec l’AIINB.
Pour les médecins, c’est un peu différent. Le Nouveau-Brunswick était l’une des seules provinces qui n’avaient pas de programme en place pour évaluer les compétences à l’arrivée d’un médecin étranger. Nous en sommes à construire une approche avec le Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick. Le Réseau de santé Vitalité a été un pionnier dans ce dossier au cours des dernières années. On a participé à des tables de concertation canadiennes pour essayer d’influencer notre province dans cette direction. Cela porte ses fruits : le programme est en construction avec le Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Mockler : J’ai une dernière question, docteure Desrosiers : la FCFA recommande que le gouvernement fédéral recrute 12 % d’immigrants francophones à l’extérieur du Québec dès 2024. Le chiffre que l’on nous donne est de 50 000 personnes qui parlent français. Croyez-vous que de telles cibles permettraient de répondre aux défis liés à la main-d’œuvre pour assurer une meilleure qualité des soins de santé au Nouveau-Brunswick et au Canada?
Dre Desrosiers : Je crois que cela fait assurément partie de la solution. La solution est multifactorielle. Il faut parler autant de rétention que de recrutement. Il faut du recrutement à l’international. Si on regarde les tendances démographiques dans notre province, cela ne sera pas suffisant. Il faut penser à différentes approches.
Le sénateur Mockler : Merci.
Le président : Avant de passer au deuxième tour, je vais poser des questions moi aussi.
Madame Losier, je dois reconnaître, au profit de mes collègues, que j’ai eu l’occasion de collaborer avec vous pendant de longues années avant de siéger au Sénat. Je veux déclarer cela avant de vous poser mes questions.
Vous avez fait un plaidoyer important sur la question de la reconnaissance des organismes communautaires dans le maintien de la santé des citoyens et des citoyennes. De quelle manière le gouvernement fédéral pourrait-il mieux soutenir vos communautés et vos organisations communautaires? Nous savons que le gouvernement fédéral a des ententes avec les provinces. On se demande si ces ententes devraient inclure des clauses linguistiques et si de telles clauses vous permettraient d’obtenir davantage de financement. Pouvez-vous nous brosser un portrait de ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour mieux vous soutenir dans votre travail et celui de vos organismes partenaires?
Mme Losier : Je dirais que la première chose, je l’ai suggérée dans notre présentation. Nous avons suggéré un programme spécifiquement à la promotion de la santé des communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada. Une proposition a été faite en ce sens auprès du ministre de la Santé du Canada.
C’est une discussion qui est en cours, mais le plus gros défi, c’est que les investissements en santé au Canada, aux échelons provincial et territorial, sont souvent axés sur le soin des maladies, l’achat de ressources et d’équipement à la fine pointe de la technologie et les gens qui accompagnent nos malades. C’est très important. Nous ne le nions pas, mais il y a très peu de programmes qui sont spécifiquement consacrés au travail en amont sur les autres facteurs de la santé, ce qui assurerait que les gens ne se retrouvent pas tous à l’hôpital. Cela permettait aussi d’éviter une certaine lourdeur dans le système de soins de santé. Il faut faire un plus grand investissement en matière de promotion de la santé, de prévention de la maladie et de renforcement des capacités des communautés. La promotion de la santé, c’est la communauté qui peut l’élever à un autre niveau. La mobilisation citoyenne passe par l’appui aux communautés.
Les clauses linguistiques rattachées aux transferts en santé, c’est très bien, mais tant qu’il n’y aura pas de programme... Il y avait un programme fantastique — et je salue le sénateur Mockler, qui a été ministre responsable du Mieux-être pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Le ministère du Mieux‑être n’existe plus aujourd’hui, ou il a été scindé dans d’autres ministères.
La réalité fait que les systèmes de gouvernement et les priorités changent. On vient de lancer Santé publique Nouveau-Brunswick, qui aura une responsabilité en matière de mieux-être et de bien-être des citoyens.
Je dirais qu’il faut plus d’investissements en amont pour appuyer les communautés et les milieux associatifs. Cela permettra d’encourager les gens à mieux se prendre en charge et à éviter d’engorger nos urgences. Il faut avoir un choix.
Le président : Merci.
On sait que la culture est considérée comme un déterminant de la santé. La langue n’est pas, en soi, un déterminant de la santé. Plusieurs témoins disent que la langue devrait peut-être être intégrée comme déterminant de la santé. Qu’en pensez-vous?
Si la langue était intégrée, quel type de répercussions cela pourrait-il avoir sur la responsabilité du gouvernement fédéral vis-à-vis des communautés que vous servez?
Mme Losier : La langue est indissociable de la culture et de l’identité culturelle des gens. Toutefois, la langue n’est effectivement pas reconnue comme l’un des 12 déterminants de la santé. On l’a incluse dans la culture. Veuillez m’excuser, mais je vais peut-être montrer une sensibilité communautaire en vous disant que c’est plus avantageux de noyer la langue dans la culture que d’en faire un déterminant en soi.
Si le gouvernement du Canada et l’Agence de la santé publique du Canada reconnaissaient la langue comme un déterminant de la santé, cela pourrait représenter une avancée majeure pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada.
Pour le moment, on considère que la langue est indissociable du déterminant culturel, et elle y est nommée dans tous les travaux que l’on fait.
Le président : Merci, madame Losier.
Ma question s’adresse maintenant à la Dre Desrosiers.
Vous avez parlé de la décision du gouvernement du Nouveau-Brunswick de créer deux nouveaux conseils d’administration au sein du Réseau de santé Horizon et du Réseau de santé Vitalité. Si je comprends bien, il y a aussi un conseil de collaboration qui est créé pour que les deux réseaux se parlent, selon la nouvelle qui a été annoncée.
Vous disiez tout à l’heure que le bilinguisme, ça finit toujours par se terminer en anglais. Comment voyez-vous le fonctionnement de ce conseil de collaboration? À votre avis, va‑t‑il vraiment répondre à ce besoin de collaboration entre les deux régies?
Dre Desrosiers : Nous n’avons pas reçu les détails du mandat et du fonctionnement du comité en question.
En toute honnêteté, en général, la plupart des rencontres à l’échelle provinciale se déroulent en anglais, parce que la plupart des francophones sont bilingues et la plupart des anglophones ne le sont pas. Maintenant, cela ne veut pas dire que parce qu’on est bilingue, c’est aussi facile de travailler, de réfléchir et d’être alerte et pertinent dans nos conversations lorsqu’on ne travaille pas dans notre langue maternelle.
C’est une réalité pas seulement pour ce comité, mais pour tous les comités provinciaux auxquels nous participons. Malgré l’effort de certains ministères qui offrent parfois des services de traduction simultanée, c’est loin d’être une situation idéale dans notre province actuellement.
À l’échelon provincial, il y a assurément un besoin d’augmenter l’alignement et la coordination des différents partenaires en santé. Au Nouveau-Brunswick, le ministère de la Santé et le ministère du Développement social sont deux ministères distincts. Si on a appris une leçon de la pandémie à ce niveau décisionnel, c’est bien ce besoin-là. Je ne dirais pas nécessairement le besoin de collaboration, mais surtout le besoin de coordination centrée sur les besoins du patient. La coordination entre les différents partenaires... On ne parle pas seulement des deux régies. On pourrait parler du Conseil de la santé, du ministère du Développement social, de partenaires privés et publics qui travaillent au Nouveau-Brunswick pour offrir notre Programme extra-mural et notre service ambulancier. Il faut faire un alignement des priorités.
Le président : Ma prochaine question touche les ressources humaines. Le projet de loi C-13 sur les langues officielles, qui vient d’ailleurs d’être adopté à la Chambre des communes et qui arrivera bientôt au Sénat, parle d’une politique d’immigration francophone.
Dans les stratégies de promotion et d’intégration des ressources humaines qui viennent d’ailleurs, quels sont les défis que vous rencontrez? Comment une politique fédérale pourrait‑elle soutenir davantage vos besoins en matière de ressources humaines, notamment en ce qui a trait à la reconnaissance des diplômes? Nous avons parlé tout à l’heure des équivalences de compétences.
À votre avis, que devrait contenir cette politique pour qu’elle puisse vraiment vous appuyer?
Je demanderais d’abord à M. Robichaud de répondre à ma question. Ensuite, ce sera au tour de la Dre Desrosiers.
M. Robichaud : L’élément auquel cela me fait penser, c’est celui de bien définir les postes basés sur la langue. Parfois, on rencontre des obstacles. On va déterminer qu’un poste doit être bilingue, mais faute de candidats, on les qualifie de postes de « compétence égale » dans le système, puis on finit par embaucher une personne unilingue.
Je crois qu’il y a des définitions beaucoup plus claires et qu’il serait important de faire des suivis.
J’entends dire trop souvent que la langue n’est pas une compétence dans la sélection de certains de ces postes. Cela me fait penser tout de suite à l’élément de la définition et à la façon dont le financement doit être lié à des postes qui respecteront cette définition. On pratique plus souvent qu’autrement... Je vois que l’on contrevient aux besoins identifiés comme étant « bilingues », parce que l’on finit par dire que ce sont toutes les compétences. Pourtant, la compétence linguistique n’était pas suffisante.
Le président : Merci.
Docteure Desrosiers, avez-vous un commentaire à ajouter?
Dre Desrosiers : Pas sur ce point.
Le président : Merci beaucoup.
Il nous reste peu de temps. Je vous demanderais de poser des questions courtes et de donner des réponses courtes.
La sénatrice Moncion : Je vais poser mes questions, mais les réponses peuvent aussi être transmises par écrit.
Entre le Réseau de santé Vitalité et le Réseau de santé Horizon, y a-t-il des disparités budgétaires dans les sommes associées à l’un ou à l’autre des réseaux? Les gens d’un réseau sont-ils mieux payés que les gens d’un autre réseau? On l’a vu très souvent à d’autres endroits.
Ma deuxième question est liée aux examens que passent les finissants francophones. On a vu des taux de réussite beaucoup moins élevés pour ceux ou celles qui passaient les examens du NCLEX, comparativement à l’examen que les étudiants passaient au Québec.
Cette nouvelle option a-t-elle eu des effets positifs pour votre réseau?
Le président : Voulez-vous répondre à la question, docteure Desrosiers?
Dre Desrosiers : Je peux commencer, si cela vous convient.
Par rapport aux salaires égaux, tous les salaires au Nouveau-Brunswick sont gérés par le Conseil du Trésor; c’est une approche provinciale qui est, en théorie, équitable. Est-ce qu’il y a des audits de vérification du respect des directives du Conseil du Trésor? C’est une autre question. À ma connaissance, il n’y a pas d’audits qui sont faits de façon générale pour comparer un réseau avec l’autre.
Par rapport au budget, c’est une excellente question, parce qu’il n’y a pas de formule claire pour la répartition des budgets au Nouveau-Brunswick. S’il y en a une, je ne la connais pas et je pose la question depuis longtemps. D’ailleurs, que serait un budget équitable? Serait-il établi en fonction du pourcentage de la population francophone et anglophone? Devrait-on l’ajuster pour reconnaître la ruralité des francophones? Devrait-on connaître les besoins en santé des francophones en moyenne?
Le Réseau de santé Vitalité doit contribuer à former non seulement les francophones dans la province, mais aussi les professionnels de la santé bilingues qui sont embauchés par les deux régies de santé et les autres partenaires en santé. Alors, une formule équitable, je pense que ce n’est pas seulement de dire 68 % ou 32 % de la population. Je pense que cela mériterait une réflexion plus approfondie.
Pour ce qui est de l’examen du NCLEX pour nos infirmières immatriculées, il y a eu une grande amélioration par rapport à la traduction des examens et des outils. À ma connaissance, actuellement, le taux de réussite chez les francophones est semblable à celui des anglophones, ou du moins il s’améliore dans cette direction.
Je pense que ce serait intéressant de vérifier ces taux, parce qu’on n’a pas nécessairement toutes les données sur le nombre de francophones qui ont passé l’examen en anglais, parce qu’elles se sentent plus à l’aise de le passer en anglais, et sur leur taux de réussite. Il nous manque des données pour nous former une opinion complète à ce sujet.
La sénatrice Mégie : Ma question remonte à plusieurs années en arrière. J’ai eu connaissance d’un projet qui s’appelait Franco Doc, qui faisait le recensement des professionnels de la santé dans les universités pour essayer de les jumeler selon le milieu. À l’époque, j’étais avec Médecins francophones du Canada et ils étaient venus nous chercher pour servir de mentors à ces universitaires.
Est-ce que ce programme existe encore? A-t-il eu les retombées que vous escomptiez dans le milieu? Est-ce que cela s’est bien passé, ou le programme a-t-il disparu?
M. Robichaud : Je ne sais pas.
Dre Desrosiers : Je ne suis pas au courant de ce programme, du moins pour le système de santé. Ce que je peux vous dire, c’est que nous sommes en train de mettre en place un programme de mentorat avec l’appui de nos infirmières retraitées pour accueillir et accompagner les infirmières nouvellement arrivées.
Mme Losier : Je me souviens du programme Franco Doc et j’aimerais rassurer la sénatrice Mégie : ce programme se poursuit, et c’est un programme de la Société Santé en français. On pourra vous envoyer des informations et une mise à jour parce qu’aujourd’hui, le programme s’adresse à un groupe plus large que seulement les médecins. Il y a eu des bénéfices, absolument. Merci d’y avoir contribué.
Le président : Merci de nous envoyer cette information.
La sénatrice Clement : J’ai une question pour Mme Losier. Je suis très intéressée par les partenariats que vous avez établis, surtout avec les municipalités. On parle toujours de la santé, du fédéral et du provincial, mais mon expérience à Cornwall m’a montré que les villes utilisent aussi leurs budgets pour remédier aux lacunes dans les services de soins de santé pour leurs communautés. Est-ce que vous pouvez commenter ou nous parler des partenariats que vous avez établis avec les municipalités en particulier?
Mme Losier : Il y a une grande réforme de la gouvernance municipale en cours au Nouveau-Brunswick. Effectivement, les municipalités sont des partenaires de choix, et je pense que la Dre Desrosiers pourrait renchérir en ce sens. La force des municipalités et des communautés, c’est d’assurer la rétention et l’accueil. Il faut des quartiers et des municipalités où il fait bon vivre, des endroits où les professionnels de la santé ont envie de s’installer.
J’ai une petite anecdote. Je me rappelle qu’on demandait aux aux gens de la communauté de Lamèque comment ils faisaient pour recruter et retenir leurs professionnels de la santé, et ils disaient : « On les fait venir ici pour faire un stage et après, on les marie. » Le rôle des municipalités est très important.
La sénatrice Clement : Merci.
Le sénateur Mockler : Pour poursuivre sur la question de la sénatrice Moncion, docteure Desrosiers, si les infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick utilisaient l’examen du Québec au lieu du NCLEX, est-ce que cela faciliterait davantage la rétention? Est-ce qu’on aurait plus de personnes qui s’installeraient au Nouveau-Brunswick?
Dre Desrosiers : C’est l’un des dossiers qui a progressé au cours de la dernière année. Nos infirmières ont maintenant accès à cet examen. Elles peuvent choisir de passer l’examen québécois. Ce qui pourrait faciliter l’accès à l’examen, c’est de le faire à partir de leur province, sans avoir à se déplacer au Québec pour passer l’examen. On a déjà fait un pas dans cette direction et le taux de réussite est quand même assez élevé.
Le président : Merci. Docteure Desrosiers, madame Losier et monsieur Robichaud, merci beaucoup pour votre contribution à cette étude importante. Nous allons suspendre la séance quelques instants, le temps d’accueillir nos prochains témoins.
Pour notre deuxième groupe de témoins ce soir, nous sommes heureux d’accueillir, de la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada, M. Jean-Luc Racine, directeur général, et par vidéoconférence, de l’Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick, M. Marcel Larocque, président, accompagné de M. Jules Chiasson, directeur général. Enfin, du Carrefour 50+ Colombie-Britannique, nous accueillons Mme Joanne Dumas, présidente, et M. Stéphane Lapierre, directeur général.
Bonsoir et bienvenue parmi nous. Nous sommes maintenant prêts à entendre vos présentations, qui seront suivies d’une période de questions. Monsieur Racine, puisque vous êtes ici, nous allons commencer par vous. La parole est à vous.
Jean-Luc Racine, directeur général, Fédération des aînées et aînés francophones du Canada : D’abord, je tiens à signaler que Mme Solange Haché devait prendre la parole, mais étant donné qu’elle éprouve des problèmes de connexion, je vais le faire pour elle.
Monsieur le président, honorables sénatrices et sénateurs, à titre de directeur général de la Fédération des aînés francophones du Canada, je vous remercie de nous avoir invités, ainsi que deux de nos associations membres, à comparaître devant vous aujourd’hui.
Notre organisme travaille depuis de nombreuses années à faire valoir les besoins des aînés francophones en matière de santé, et surtout de faire valoir l’importance d’offrir des services en français dans ce domaine.
Quand vous êtes âgé, malade et en situation de vulnérabilité, la dernière chose que vous voulez, c’est de revendiquer et de demander des services en français. Vous n’avez ni la force ni le courage de faire de telles demandes. Cela ne veut pas dire pour autant que vous ne voulez pas ou que vous n’avez pas besoin de ces services. Au contraire, les aînés veulent des services de santé en français.
Une étude réalisée tout récemment en Saskatchewan a montré que 70 % des aînés francophones qui ont répondu à un sondage ont identifié l’accès à des services de santé en français comme un enjeu important. Plusieurs aînés francophones en contexte minoritaire nous ont dit à quel point ils trouvent regrettable et déplorable le fait de ne pas avoir de services en français, particulièrement sur le plan des services et des soins à domicile, ainsi que dans les résidences de soins de longue durée.
En ce qui a trait aux services de soutien et de soins à domicile, les aînés nous disent qu’il est à peu près impossible d’obtenir des services en français dans la très grande majorité des régions au pays. Lorsqu’il y en a, ils sont souvent coupés sans préavis ou ils sont offerts uniquement en anglais. Il en est également ainsi dans les résidences de soins pour aînés, où les services en français sont souvent négligés et même totalement absents.
Nous avons rencontré au cours des années de jeunes retraités qui nous ont fait part de leur expérience traumatisante en ce qui a trait au placement de leurs parents plus âgés. Un retraité nous a même dit ceci : « Ma mère a réussi toute sa vie à vivre en français dans sa communauté, mais dans les dernières années de sa vie, tout s’est fait uniquement en anglais. Elle n’a pas pu mourir en français. »
Pourtant, il est possible de faire les choses autrement. À l’Île-du-Prince-Édouard, on a réussi à renforcer les liens entre les résidants de foyers de soins et la communauté en octroyant des fonds aux groupes communautaires pour faire des activités entre les aînés du milieu et ceux des résidences de soins. Des intervenants anglophones ont même dit au sujet d’une résidente francophone : « Nous pensions que la résidante était non verbale, c’est-à-dire qu’elle ne pouvait pas s’exprimer, mais en la voyant interagir avec des membres de la communauté francophone, nous avons compris que c’était un enjeu de langue. »
En vieillissant, une personne souffrant de problèmes cognitifs qui maîtrisait parfaitement l’anglais reviendra à sa langue maternelle. Lorsqu’on est malade, c’est plus difficile d’être bilingue. Il est important de pouvoir offrir des services en français; il peut s’agir parfois même d’une question de vie ou de mort. Lorsqu’on est malade, il faut être capable de comprendre et de se faire comprendre, afin d’éviter des erreurs de compréhension qui pourraient entraîner des complications.
Lorsque l’on traite une personne âgée, malade et en situation de vulnérabilité, il est important de trouver une façon d’offrir les services dans sa langue maternelle. Ceci n’est pas une question de politique publique, ni de langues officielles, ni même d’obligation; il s’agit plutôt d’offrir un bon service de santé pour tous les citoyens. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de leader auprès des gouvernements provinciaux et territoriaux pour que nous puissions, tous ensemble, établir une meilleure offre de services de santé pour les aînés francophones en situation minoritaire.
Premièrement, il faut sans faute intégrer des clauses linguistiques dans le Transfert canadien en matière de santé et stipuler clairement des montants à octroyer ou des cibles à atteindre pour la prestation de services auprès des francophones en contexte minoritaire.
Deuxièmement, il faut un financement plus stratégique et soutenu, et le gouvernement fédéral doit s’assurer que les gouvernements provinciaux et territoriaux nous permettent d’être plus innovateurs et créatifs dans la prestation des services auprès des francophones.
Troisièmement, il faut soutenir l’offre de services et de soins à domicile en français. Quatrièmement, il faut encourager les initiatives comme celles de l’Île-du-Prince-Édouard, pour inciter davantage les groupes communautaires à visiter et à organiser des activités avec les aînés francophones en résidence.
Finalement, une attention toute particulière doit être accordée aux aînés qui sont souvent doublement minoritaires, soit les personnes LGBTQ2E+ et les personnes racisées. Beaucoup d’aînés de la communauté LGBTQ nous ont dit à quel point les services plus spécialisés sont très difficiles à obtenir en français.
Il y aurait encore beaucoup de situations à partager avec vous, mais nous espérons avoir la chance d’en parler durant la discussion. Je vois que notre présidente, Mme Haché, est maintenant en ligne. Elle pourra répondre à plusieurs de vos questions.
Le président : Merci, monsieur Racine, et bienvenue, madame Haché. Vous pourrez intervenir pendant la période de questions.
Je donne maintenant la parole à Mme Joanne Dumas et à M. Stéphane Lapierre, respectivement présidente et directeur général du Carrefour 50+ Colombie-Britannique.
La parole est à vous.
Joanne Dumas, présidente, Carrefour 50+ Colombie-Britannique : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l’invitation à comparaître devant votre comité. C’est vraiment apprécié.
Nous représentons le Carrefour 50+ Colombie-Britannique, qui regroupe l’ensemble des associations francophones offrant des services aux francophones et francophiles âgés de 50 ans et plus ici, en Colombie-Britannique.
À l’instar du reste du Canada, la proportion des personnes de 50 ans et plus dans notre province continue d’augmenter, passant de 1 882 000 de personnes en 2016 à 2 056 000 en 2021. Il s’agit d’une augmentation de 8,48 % durant cette période, ce qui fait de notre province la deuxième, après l’Ontario et sans compter le Québec, comptant le plus grand nombre de personnes âgées de 50 ans et plus. Des 74 640 francophones vivant en situation linguistique minoritaire dans notre province, 32 355 ont 50 ans et plus, ce qui nous place au troisième rang, toujours en excluant le Québec. Fait important à noter, la Colombie-Britannique est encore, à ce jour, la seule province canadienne qui n’a pas de politique de services en français reconnue par le gouvernement provincial.
C’est assez triste.
Au fil des ans, on a pu voir de nombreux exemples d’affichage, plus particulièrement dans le domaine de la santé et des services publics, qui était fait en plusieurs langues autres que l’anglais, mais excluait le français. Nous avons constaté ce phénomène dans les hôpitaux, les cliniques médicales et les centres de prélèvement, ainsi que dans les bibliothèques. Nous comprenons que nous vivons dans une province unilingue anglophone, et nous respectons le droit des citoyens qui parlent d’autres langues de bénéficier d’un affichage dans leur langue maternelle. Par contre, le français étant l’une des deux langues officielles du Canada, nous estimons qu’il est primordial qu’il soit inclus dans un affichage multilingue lorsque d’autres langues que l’anglais sont utilisées.
Avec une mobilité accrue à l’âge de la retraite vers le climat plus doux de l’Ouest canadien, un phénomène est maintenant plus connu et mieux documenté : une langue apprise est oubliée dans diverses situations. Prenons l’exemple d’un couple exogame pour qui la langue maternelle de l’une des deux personnes est le français, mais qui, pour diverses raisons, communique en anglais. On peut dire que la personne francophone parle anglais couramment. Par contre, plusieurs situations médicales ou neurocognitives peuvent faire en sorte qu’une personne a tendance à oublier sa langue apprise au profit de sa langue maternelle, soit le français dans ce cas-ci. Il est alors très difficile pour elle d’exprimer ses besoins, ou ses malheurs, dans la langue de la majorité. À titre d’exemple, voici deux articles pertinents : Maladie d’Alzheimer, oublier une langue apprise...
Le président : Je suis désolé, madame Dumas, nous devons vous interrompre. Il y a un problème de réception. On ne peut malheureusement pas entendre votre allocution.
Mme Dumas : Est-ce que M. Lapierre peut compléter? Il ne restait qu’un paragraphe.
Le président : D’accord.
Stéphane Lapierre, directeur général, Carrefour 50+ Colombie-Britannique : Mme Dumas mentionnait que nous avons joint au document deux articles pertinents qui ont trait aux propos que nous vous adressons aujourd’hui.
À Maillardville, en banlieue de Vancouver, se trouve le Foyer Maillard, qui existe depuis 1969. Pendant 47 ans, la priorité de résidence était donnée aux personnes qui parlaient français, pour qu’elles puissent y vieillir dans leur langue maternelle. Depuis sa reconstruction et sa réouverture en 2016, bien qu’on y retrouve encore des membres du personnel qui parlent français, la présence de résidants francophones est quasi inexistante, et désormais, aucune place n’est réservée à cette clientèle, bien que le centre, comme bien d’autres, bénéficie de fonds issus des transferts fédéraux en santé.
Donc, avec tous ces exemples, nous voulons souligner la grande importance d’imposer des clauses linguistiques aux transferts fédéraux en santé destinés aux provinces et aux territoires, comme cela se fait dans le domaine de l’éducation. Les soins de santé en français sont une thématique très importante pour les personnes aînées francophones vivant une situation linguistique minoritaire comme la nôtre, et ce, partout au Canada.
Merci.
Le président : Merci à vous deux de votre présentation. Nous entendrons maintenant M. Marcel Larocque, président, et M. Jules Chiasson, directeur général de l’Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick.
La parole est à vous.
Marcel Larocque, président, Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick : Merci de nous accueillir. Il est très intéressant d’être ici. J’entends de belles choses, et je tenterai d’ajouter des informations différentes.
Nous vous avons fait parvenir la documentation afin de pouvoir nous concentrer sur les enjeux principaux. L’enjeu principal de l’Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick est la langue. Même si le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue, il arrive encore trop souvent que les gens ne puissent recevoir des services dans leur langue maternelle. C’est pourquoi on s’attarde sur cet enjeu important.
Afin d’illustrer ces propos, ma présentation se fera en trois volets, soit la bienveillance, les différents rôles en ce qui a trait aux langues officielles au Nouveau-Brunswick et ce que le gouvernement fédéral peut faire afin de nous accompagner dans ce dossier.
Comme vous le savez, nos aînés vivent plusieurs situations problématiques touchant les services dans leur langue primaire. On dit qu’il y a urgence d’agir sur beaucoup de dossiers touchant la santé, surtout en ce qui concerne la langue.
Il y a près de deux ans, le 15 juin 2021, nous avons tenu une table ronde lors de la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées.
Après cette table ronde, un comité permanent a été formé et s’est réuni une quarantaine de fois en 2021-2022. Le comité était formé d’anciens ministres de toutes les allégeances politiques, de hauts fonctionnaires, de gens du milieu de la santé et de gens bien éduqués qui pouvaient faire un suivi régulier. À la suite de cette première année de consultations majeures, le 15 juin 2022, nous avons publié un rapport intitulé Vieillir dans l’indifférence et l’indignité au Nouveau-Brunswick, que vous avez reçu. Je ne vous en donnerai pas les grandes lignes. Je tiens simplement à vous dire qu’il est facile à lire, qu’il compte 20 pages et qu’il contient seulement six recommandations. Cela peut prendre environ 20 minutes à lire au maximum. Tout au long du rapport sous-jacent, vous verrez quels sont les défis linguistiques. Je vous fais une mise en garde : ce n’est pas une lecture de chevet, même si le rapport n’est pas long, car il y a quelques scénarios d’horreur qui impliquent nos aînés au Nouveau-Brunswick. Malheureusement, je crois que c’est généralisé un peu partout au pays.
L’Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick a fait, en parallèle, une révision de la Loi sur les langues officielles. Nous avons présenté un mémoire, comme toute la communauté associative acadienne et francophone. Les juges, Mme Yvette Finn et M. John McClaughlin, ont reçu nos recommandations. Sans entrer dans les détails, je vais vous énumérer les trois principales.
Nous avons demandé que les services offerts au public dans les foyers de soins établis en vertu de la Loi sur les foyers de soins soient offerts dans les deux langues officielles, et ce, dans toutes les régions de santé de la province, de façon à répondre aux besoins des deux communautés de langue officielle de la province. Vous voyez qu’on ne s’occupe pas seulement des francophones; on veut que tous les citoyens du Nouveau-Brunswick puissent obtenir des services de santé dans leur langue.
On a également demandé que, aux fins de la prestation des soins de santé de la province, tous les établissements, toutes les installations et tous les programmes de santé qui relèvent du ministère de la Santé ou des régies régionales de la santé établies en vertu de la Loi sur les régies régionales de la santé s’assurent d’offrir en tout temps tous les services au public dans les deux langues officielles de la province. Comme je l’ai mentionné plus tôt, au Nouveau-Brunswick, province bilingue, même dans les régions à haute teneur francophone, ce n’est pas toujours possible d’avoir des services dans la langue de son choix. Je peux vous le confirmer pour ma péninsule acadienne et pour d’autres régions du Nouveau-Brunswick. Enfin, nous avons demandé que la définition de « foyer de soins » soit incluse dans la nouvelle version de la Loi sur les langues officielles, parce qu’il n’y a rien à cet égard.
Il a été mentionné plusieurs fois ce soir que lorsqu’on prend de l’âge, on revient à sa langue maternelle. C’est donc extrêmement urgent. Que peut faire le gouvernement fédéral? Nous demandons au gouvernement fédéral d’ajouter d’une clause linguistique dans tous les transferts fédéraux en matière de santé afin d’améliorer les services en français pour les communautés francophones en milieu minoritaire; nous demandons également l’ajout d’une clause linguistique dans les transferts pour les soins aux aînés, afin que les aînés francophones en milieu minoritaire puissent bénéficier des services de soins et de soutien en français dans les foyers de soins et à domicile; nous demandons aussi que le gouvernement fédéral contribue généreusement aux établissements postsecondaires francophones, afin d’assurer une meilleure rétention et de recruter du personnel dans les foyers de soins et dans les services de soutien à domicile; enfin, nous demandons un appui pour la recherche pour trouver des solutions favorisant l’accès aux services de soins et de soutien aux personnes aînées dans la langue de leur choix.
Merci encore. Trop souvent, malheureusement, nous devons nous battre avec les tribunaux pour faire respecter nos droits, mais ensemble nous pourrons y arriver. Merci du temps que vous nous avez accordé.
Le président : Merci à tous les témoins pour leurs déclarations d’ouverture. Nous allons procéder à la période de questions. Tout d’abord, la parole est à la sénatrice Moncion.
La sénatrice Moncion : On entend souvent parler — et c’est un dénominateur commun — de la question des clauses linguistiques. On sait que, pour le projet de loi C-13, le gouvernement n’a pas jugé bon d’intégrer formellement des clauses linguistiques dans les documents.
Avez-vous des suggestions à nous faire sur la façon dont cela devrait se faire, étant donné qu’il y a peut-être d’autres possibilités à l’intérieur de la loi qui pourraient ouvrir cette brèche et permettre d’atteindre cet objectif?
M. Racine : Je vais inviter ma présidente à répondre à cette question.
Solange Haché, présidente, Fédération des aînées et aînés francophones du Canada : Merci beaucoup. Excusez-moi, j’avais le mauvais lien, alors j’ai eu de la difficulté à me connecter.
Certainement, la question des transferts en santé, c’est un sujet fort important et une grande préoccupation pour notre fédération. Lorsqu’on parle de santé, c’est assurément l’un des secteurs qui est essentiel à l’épanouissement de nos communautés.
On sait que la Loi canadienne sur la santé ne prévoit aucun engagement en matière de modification à cet effet. On sait par expérience que, dans certains domaines de la francophonie canadienne où il y a eu des clauses linguistiques, avec des cibles bien précises, claires et rattachées à des montants déterminés, cela a donné certains résultats. C’est exactement ce que la fédération demande depuis longtemps : des clauses bien précises par rapport aux transferts en santé. À ce moment-ci, on peut dire que ce sont simplement des vœux pieux de la part des gouvernements. Il y a très peu d’engagements. C’est très flou par rapport à cette priorité. On sait que lorsqu’il n’y a pas de clauses linguistiques, la part qui revient à nos communautés n’existe quasiment pas.
Y a-t-il des suggestions? Peut-être que mon collègue pourrait répondre de façon plus précise, mais je dois dire que la question des transferts en matière de santé, avec des montants bien précis et des clauses linguistiques bien précises, c’est une grande priorité sur le plan national.
M. Racine : Bien sûr, on aurait aimé voir plus de mordant pour les clauses linguistiques dans le projet de loi C-13. On en parle dans le projet de loi. On s’engage à consulter les communautés pour savoir si on doit inclure des clauses ou non. Je crois que la santé, c’est primordial. Comme on dit, on va faire avec, mais on va continuer, et ce sera au Sénat de revendiquer l’importance d’avoir de telles clauses dans les ententes en santé. Ce serait la moindre des choses. Nous en avons besoin. Mme Haché a bien décrit ce dont on avait besoin. On a besoin de clauses robustes, un peu plus que des clauses avec du mordant. C’est ce dont nous avons besoin dans les ententes en matière de santé.
La sénatrice Moncion : Ma prochaine question s’adresse aux représentants du Carrefour 50+ Colombie-Britannique. Madame Dumas, vous avez dit qu’en 2016 la population francophone de la Colombie-Britannique était de 1 882 000 personnes et qu’en 2021, elle était 2 056 000 personnes. La population totale de la Colombie-Britannique est actuellement de 5 071 000 personnes. C’est presque la moitié de la population. En ajoutant 500 000 autres personnes francophones, ce sera presque la moitié de la population qui sera francophone en Colombie-Britannique. C’était une donnée que je n’avais pas. Je trouve cela assez extraordinaire, et je trouve quand même tout à fait aberrant que vous ayez autant de difficulté à obtenir des services de la part du gouvernement. Je ne sais pas s’il y a une question autour de cela.
Mme Dumas : Assurément, c’est un défi. On a des problèmes avec toutes les enveloppes. Même avec l’éducation, on a bien vu, ces dernières années, les sommes qui ont dû être dépensées pour nous prévaloir de nos droits en éducation; cela a coûté des millions de dollars pour la cause. Imaginez que s’occuper de la santé, ce n’est pas devenu une priorité du jour au lendemain, croyez-moi.
Voyez l’exemple du Foyer Maillard, un foyer établi par une communauté, avec un terrain offert par la communauté, par des francophones et pour des francophones.
Dès qu’on a dû le reconstruire, parce que l’immeuble était fatigué, les transferts d’argent sont venus de la régie de la santé locale, et comme c’est de l’argent qui vient de la province, les services et les droits qu’on avait acquis par le passé — parce qu’on faisait nos affaires nous-mêmes —, on les a perdus. En effet, on a de l’argent de la province, et pour eux, ce n’est pas une province qui est considérée comme bilingue, comme vous le savez. Il n’y a même pas de position ni de politique envers la francophonie en Colombie-Britannique.
Donc, tout ce qu’on doit toucher en Colombie-Britannique lorsqu’on doit traiter de la francophonie, c’est toujours un très gros défi, et ce, même s’il y a des ententes qui existent avec le gouvernement fédéral, comme dans le secteur de l’éducation.
M. Lapierre : Si vous me permettez d’apporter un complément d’information... Madame la sénatrice, merci pour votre question.
Les chiffres que vous avez énoncés, 1 million et 2 millions, c’est la population totale de la province; cela inclut l’ensemble des personnes de 50 ans et plus. De ce nombre, il y en a 32 355 qui ont 50 ans et plus qui ont déclaré avoir le français ou le français et l’anglais comme langue première.
Cela nous situe à environ 74 640, donc à plus ou moins 1,6 % de la population. C’est là que le bât blesse pour nous : on n’est pas considéré comme assez nombreux, mais selon notre façon de voir les choses, nous représentons quand même l’une des deux langues officielles. Alors, lorsqu’on parle d’affichage qui est fait dans plusieurs langues dans différents milieux, qu’il y a parfois jusqu’à 12 langues sur une affiche, mais que le français est absent de cette liste, nous trouvons cela aberrant en fonction des langues officielles de notre pays.
Je voulais apporter une précision sur les chiffres énoncés; c’est en partie l’ensemble de la population comparativement à la portion francophone.
Le président : Merci aux témoins pour leurs réponses.
La sénatrice Mégie : Je vous salue tous comme témoins qui viennent nous éclairer pour notre étude, et je vous remercie.
Vous avez sûrement entendu parler et lu le Plan d’action pour les langues officielles de 2023-2028. Savez-vous si les financements annoncés seront suffisants pour aider vos organisations?
Mme Dumas : Quand la ministre a fait sa tournée au Canada en français, c’était unanime. Tout le monde disait qu’il y avait des besoins bien au-delà de 40 % d’augmentation; pourtant, avec la nouvelle entente, on n’ira pas à plus de 25 %. Il y a encore un manque à gagner pour être en mesure de bien fonctionner et de le faire de façon professionnelle et adéquate.
Je peux dire que oui, il y a 25 % de plus, mais c’est vraiment en deçà de ce dont on avait besoin. Lorsqu’on considère qu’il n’y a pas eu de véritable augmentation depuis plus de 14 ans, il était nécessaire de faire quelque chose pour le Canada, tant dans les provinces que dans les territoires.
M. Larocque : Si je peux ajouter quelque chose pour compléter, l’argent du fédéral, bravo, nous l’avons applaudi, il y a de beaux sous là-dedans. Est-ce suffisant? Non, ce ne sera jamais suffisant.
Il faut ajouter que dans certaines provinces, comme la mienne, le Nouveau-Brunswick, lorsque les transferts se font vers la province, pour nous, c’est une autre lutte pour obtenir ce qui nous est dû. Souvent, cela devient très pénible de s’assurer que l’argent va au bon endroit et qu’il est bien distribué; cela double les complications.
M. Racine : Sur le plan de la santé, on remarque, dans le plan d’action, qu’on prévoit 92 millions de dollars pour amener les provinces à offrir plus de services en français, notamment — et on le mentionne — au moyen d’un plan d’action pour les soins et services aux aînés.
Pour l’instant, c’est très difficile de savoir comment tout cela va s’articuler. On attend d’avoir plus d’informations, mais on espère que cela sera peut-être de nouvelles initiatives. Ce que l’on comprend pour l’instant, c’est que cela viendrait dans des ententes fédérales-provinciales. Cela reste à voir et c’est un peu notre interprétation; il est encore tôt pour vraiment mesurer toute l’ampleur du plan d’action sur la santé et de son impact pour les aînés francophones.
La sénatrice Mégie : Comme chacun d’entre vous gère des programmes, par exemple, s’il manquait des sous, est-ce possible de mettre en œuvre le plan en regardant tous les programmes existants avec une lentille francophone, pour être en mesure de répondre aux besoins de vos aînés et leurs proches aidants? Est‑ce que ce serait une possibilité?
M. Lapierre : Merci pour la question, madame la sénatrice.
Je dois juste mentionner que faire des demandes qui reflètent la réalité de ce qu’on nous demande de servir dans nos communautés, on le fait déjà. Par contre, on est principalement régi par des bureaux régionaux de Patrimoine canadien. Ils nous disent souvent dans les dernières années : « Demandez le montant que vous jugez essentiel à l’offre de services que vous voulez offrir à votre clientèle cible. »
Par contre, on ne reçoit jamais de montant supplémentaire. C’est comme si les enveloppes étaient déjà toutes prédéfinies. Il fut une époque dans notre province où on appelait cela « la tarte », il y avait un montant dans une enveloppe et on savait d’avance qui allait recevoir combien chaque année, ou à chaque cycle de deux ou trois ans.
Comme Mme Dumas l’a mentionné, cela n’a pas bougé pendant près d’une quinzaine d’années. Il y a eu un ajustement il y a trois ou quatre ans. Cela a grandement aidé, mais c’était un rattrapage par rapport aux 15 années précédentes où il n’y avait pas eu d’augmentation. Maintenant, il y a une augmentation planifiée, mais elle est d’un maximum de 25 %. Peut-être que, chez nous, on en aura seulement 5 %, ou on en aura peut-être 10 % ou 25 %.
Cependant, il y a aussi des organismes qui vont recevoir un nouveau financement dans des secteurs préciblés par le plan d’action. Donc, on ignore comment tout cela sera réparti partout au pays au moment où l’on se parle.
La sénatrice Mégie : Merci beaucoup.
Jules Chiasson, directeur général, Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick : J’aimerais ajouter un élément aux propos de M. Lapierre. Au Nouveau-Brunswick, une bonne partie de notre financement est allouée à des projets qui ne sont pas juste financés par Patrimoine canadien ou à cause de la situation linguistique de la communauté.
Bien sûr, nous avons les projets de Nouveaux Horizons, et il y a aussi des projets d’autres ministères qui accordent un peu de financement à nos projets.
Pour ce qui est des fonds réservés à la communauté linguistique par Patrimoine canadien, effectivement, ils pourraient être augmentés.
Pour répondre à la question qui a été posée plus tôt sur la santé et sur la façon dont on pourrait améliorer le financement, le projet de loi C-13 ne répond pas vraiment à la question sur le fait que les fonds sont destinés exclusivement aux communautés linguistiques, parce qu’ils passent par des transferts de fonds.
Il y aurait peut-être seulement le Conseil du Trésor qui pourrait prendre des règlements pour assurer que ces transferts sont vraiment destinés aux communautés linguistiques de langue officielle en situation minoritaire.
Le président : Pour préciser, dans le fond, vous dites que selon les règlements, le Conseil du Trésor pourrait être plus précis sur la façon dont les fonds sont transférés et sur la façon dont ils servent les populations que vous servez vous-mêmes?
M. Chiasson : Oui, il pourrait enfin s’assurer que les transferts aux provinces sont réellement destinés à aider les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Si le projet de loi ne le fait pas, le Conseil du Trésor pourrait quand même adopter une réglementation qui pourrait le faire.
Le président : Avant de donner la parole à la sénatrice Clement, j’ai une question complémentaire à celle de la sénatrice Mégie.
Parmi les programmes qui sont financés par le Plan d’action pour les langues officielles, y a-t-il des programmes qui ne sont pas permanents et qui mériteraient de l’être, à votre avis? Y a-t-il certains programmes qui sont financés par le Plan d’action pour les langues officielles qui mériteraient d’être des programmes permanents? Qui voudrait répondre à cette question, si vous avez des informations à ce sujet?
M. Racine : Posez-vous la question sur les éléments de santé dans le plan d’action ou sur le plan d’action en général?
Le président : Les éléments qui pourraient soutenir les associations et les actions que vous posez dans le domaine de la santé, oui.
M. Racine : Dans le plan d’action, il y a beaucoup de renouvellement de programmes relatifs à la santé.
Certaines enveloppes seront renouvelées, mais plusieurs de nos initiatives... On vient de l’apprendre, car on croyait que c’était du financement, mais on a un programme plus axé sur la dimension sociale... On pensait que c’était un programme permanent, mais on vient d’apprendre que ce ne l’était pas. C’est avec le plan d’action souvent que l’on apprend ce genre de choses.
Pour nous, il s’agit d’avoir le plus de permanence possible dans les fonds octroyés, et ce n’est pas toujours évident. C’est ce qu’on espère. Malheureusement, dans le nouveau plan, même les 92 millions de dollars dont je parlais plus tôt représentent du financement ponctuel pour les cinq prochaines années; il n’y a pas d’engagement de renouvellement. Cela nous inquiète énormément. Cela nous permettra de donner un élan, mais on ne pourra pas aller plus loin.
Le président : Merci, monsieur Racine.
M. Lapierre : J’aimerais mentionner que même en ce qui a trait aux fonds de programmation de Patrimoine canadien, on ne nous dit pas d’une fois à l’autre que ce sont des montants assurés. Lorsque vous parliez de permanence, on ne peut pas penser que ces fonds de programmation sont permanents non plus. Il faut toujours se prouver d’une fois à l’autre.
Je comprends que des organismes sont plus performants que d’autres, certes, et certains doivent être révisés — j’oserais dire que nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête à certains moments.
Le président : Merci de cette réponse.
La sénatrice Clement : Bonsoir et merci à vous tous pour vos témoignages, pour vos carrières pour et le travail que vous faites. Merci aussi pour les réponses que vous avez données en ce qui a trait aux clauses linguistiques. Vos commentaires ce soir sont très importants.
Je m’intéresse à l’intersectionnalité. Monsieur Racine, vous dites qu’on peut être doublement ou triplement minoritaire; c’est plus facile à dire. Est-ce que vous faites la collecte de données? Quel travail faut-il faire pour évaluer l’impact d’être doublement ou triplement minoritaire, disons être francophone, noir et aîné et avoir accès aux services de santé?
M. Racine : Il y a certains éléments, surtout dans le cas des communautés noires nouvellement arrivées au pays. Ce n’est pas évident de se retrouver dans le système de santé, surtout lorsqu’on ne maîtrise pas l’anglais. Souvent, bon nombre des nouveaux arrivants qui arrivent dans nos communautés se débrouillent en français, mais c’est plus difficile en anglais. C’est tout un défi et, comme on sait qu’on aura de plus en plus d’immigrants qui arriveront ici, il faudra être de plus en plus attentifs à ces besoins. Lorsque vous allez voir un médecin et que vous ne parlez pas anglais, ou à peine, c’est difficile de savoir ce qu’il en est, d’autant plus qu’on n’est pas très habitué.
Il y a tout l’élément culturel dans tout cela, donc ce n’est pas évident. J’ai reçu des témoignages de gens des communautés LGBTQ qui disaient que sur le plan des services, c’est difficile, et que lorsque vous allez dans les résidences de soins, vous devez regagner « le placard ». C’est la réalité, parce que l’on n’accepte pas facilement les gens qui ont une autre identité; il faut rentrer dans le rang. C’est très difficile et pénible.
Non seulement ils n’ont pas de services en français, mais ils doivent aussi regagner le placard. Ce n’est pas très intéressant. C’est un phénomène que l’on ne voit pas seulement dans nos communautés, on le voit au Québec. Dany Turcotte travaille là‑dessus. Donc, c’est important.
La sénatrice Clement : Que faites-vous de ces histoires? Que faut-il faire pour...
M. Racine : Il faut plus de sensibilité dans les communautés. Cela, on en fait beaucoup. Lorsque je suis arrivé à la fédération, on ne parlait pas des personnes LGBTQ; maintenant, on en parle de plus en plus chez les aînés. Ce qui est intéressant, c’est que des médecins nous ont dit que les personnes trans qui viennent consulter se trouvent beaucoup parmi les jeunes dans la vingtaine et au sein de l’autre clientèle, les gens dans la soixantaine. Il y a de plus en plus de besoins de ce côté.
Il faut être novateurs dans les modèles ou le type de services proposés. Le gouvernement fédéral doit nous aider à être beaucoup plus novateurs dans les approches et les perspectives pour rejoindre la clientèle des francophones, surtout les francophones doublement isolés. Je pense qu’il y a beaucoup de choses qu’on peut faire, mais le gouvernement fédéral doit exercer un leadership, pas simplement pour le transfert de fonds, mais aussi pour entretenir une discussion avec les provinces pour les amener beaucoup plus loin. Souvent, le malheur en santé est que l’on tend à reproduire les modèles de la majorité, et on veut que les francophones puissent offrir des services dans un vaste territoire sur le même modèle que les anglophones.
Or, preuves à l’appui, parfois on peut être novateurs. J’ai vu dans des communautés que l’on proposait de nouvelles solutions et souvent, les anglophones nous envient quand ils voient à quel point on peut être créatifs et novateurs. Faut-il encore que le gouvernement nous permette de faire preuve de leadership en la matière, amène les provinces à penser autrement et finance des initiatives qu’il ne financerait pas nécessairement du côté anglophone? C’est ce vers quoi nous devons aller; je crois que c’est l’avenir pour les francophones.
La sénatrice Clement : Il y a un blocage avec les provinces, alors?
M. Racine : Oui. Souvent, les provinces ne savent pas. Elles savent quoi faire pour la majorité, mais pour les francophones, elles sont un peu ambivalentes. On le voit parfois. Avec le gouvernement fédéral, il faut exercer un leadership, avoir des discussions et bâtir sur des modèles novateurs. Je pourrais vous en nommer plusieurs, et si on me pose des questions en ce sens, je pourrai y répondre.
Le président : Merci. Si vous voulez que le gouvernement fédéral soutienne davantage l’innovation et la créativité, ce serait de quelle manière? Avec des programmes spécifiques? Comment l’imaginez-vous pour que ce soit concret?
M. Racine : On vient de recevoir un financement pour le programme Défi « Vieillir chez soi ». On signera probablement une entente. Bref, c’est une première. C’est la première fois qu’on va dans les communautés pour offrir des services de soutien à domicile avec des bénévoles pour les aînés francophones. Or, c’est un premier pas, mais je pense que cela nous amènera à de nouvelles façons d’offrir des services. Il s’agit actuellement de services bénévoles, mais on réfléchit à la façon d’offrir des soins à domicile.
En 2019, j’étais venu vous voir et je vous ai dit que la majorité des consultations médicales au Canada se feront par vidéoconférence. Vous auriez dit : « Allons donc, est-ce possible? » Pourtant, nous l’avons vécu. La pandémie nous a montré que nous pouvons adopter des approches et offrir des modèles complètement différents. On fait la promotion des services à domicile; cela veut-il dire que ce sera un médecin qui se déplacera de maison en maison ou qu’il sera dans son bureau et qui offrira des services en ligne? Nous aurions plutôt une personne ou un soutien à la santé qui se promène avec un iPad pour visiter les patients. Au lieu d’avoir un professionnel, ce pourrait être des personnes qui aident à offrir ces services; on pourrait aussi avoir toute une équipe de soins formée de francophones qui offrent des services en ligne à différentes personnes qui sont à domicile.
Le président : Merci, monsieur Racine, cela rend les propositions possibles plus claires.
Le sénateur Mockler : Je veux joindre mon commentaire aux témoins qui sont présents ce soir. J’aimerais commencer par une question pour les trois témoins sur les nouvelles technologies.
Selon vous, est-ce que les nouvelles technologies représentent une occasion, pour les aînés francophones, de recevoir des soins de santé dans la langue de leur choix partout au pays?
M. Larocque : Je vais essayer de répondre rapidement. La réponse courte, c’est oui, mais nous ne sommes pas encore là. Nous avons, au sein de notre population, deux catégories d’aînés : des gens très à l’aise avec la technologie et d’autres qui ne le sont pas du tout. Il y a de l’apprentissage et de l’éducation à faire.
Par contre, comme le disait M. Racine, la pandémie nous a permis de faire plein de choses à distance. Ce soir, par exemple, nous nous parlons de partout au pays et nous avons une conversation sérieuse et sensée. Il faut développer cet aspect.
Il faut savoir aussi qu’il y a beaucoup de communautés dans lesquelles des services aussi simples qu’Internet haute vitesse ne sont pas disponibles. Il faut voir à ces éléments, mais oui, c’est un élément sur lequel il faut travailler.
Je peux faire n’importe quoi avec mon téléphone cellulaire et la clientèle peut recevoir des services. Ce n’est pas nécessaire d’aller dans un centre hospitalier, où c’est parfois plus dangereux pour notre santé, si on peut le faire de chez nous.
Mme Dumas : Durant la pandémie, il y a un projet que M. Lapierre a mis sur pied avec la Croix-Rouge pour équiper environ 120 aînés avec des tablettes. Ils ont donné par la suite des formations à ceux et celles qui en avaient besoin, pour mieux les aider à utiliser cet outil de façon quotidienne.
Je peux vous dire qu’on en a beaucoup profité et que nos aînés en ont vraiment profité. Cela a brisé l’isolement, en premier lieu, durant la pandémie. Ils ont aussi appris des choses qu’ils ne savaient pas. Ils savent comment aller puiser l’information dont ils ont besoin, tant sur le plan de la santé que sur d’autres plans.
Je pense que c’est important de créer ce genre de programme, comme celui que la Croix-Rouge a créé. C’était vraiment gagnant pour nous, cela a été très positif.
Le sénateur Mockler : Je vais poser ma prochaine question à l’Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick. Dans un mémoire publié en 2021, vous parliez d’un manque de compréhension quant à la question de la livraison des soins de santé. Je cite :
De nombreux administrateurs, fournisseurs de services et professionnels de la santé ne sont pas conscients des risques pour les patients aînés francophones de ne pas pouvoir communiquer avec eux dans leur langue. On tient souvent pour acquis que les aînés francophones comprennent sans difficulté ce qu’on leur dit en anglais, mais cela n’est pas toujours le cas.
Selon vous, est-ce que cette réalité est trop souvent présente pour les aînés francophones au Nouveau-Brunswick? Qu’est-ce qui doit être fait auprès des établissements de santé pour qu’ils respectent les droits des aînés francophones dans toutes les régions du Nouveau-Brunswick?
M. Larocque : C’est une belle question, sénateur Mockler. J’ai eu l’occasion de vivre dans trois régions différentes du Nouveau-Brunswick : plutôt francophone, plutôt bilingue, plutôt anglophone. Chaque fois, la réponse est la même. Avoir des services en français, même dans les régions francophones, peut être un défi. Il faut une volonté politique et une volonté sur le terrain. On ne peut pas seulement avoir des exemples faciles, dire que les gens du Nouveau-Brunswick sont bilingues et qu’ils vont comprendre. C’est faux. En vieillissant, c’est une faculté qui disparaît.
Il faut de plus en plus travailler pour que... On voit parfois les aînés comme un fardeau, parce que cela coûte cher de s’en occuper. Lorsqu’ils sont bien et qu’ils vivent chez eux, ils contribuent à différents degrés à la société. C’est une nécessité pour les gouvernements d’investir dans la population aînée. Offrir des services en français dans une province où le tiers de la population est francophone, on pourrait croire que c’est facile et pourtant, ce n’est pas le cas.
Oui, il y a de la pénurie, il y a du recrutement et de la rétention de personnel à faire, mais lorsqu’on joue avec la santé des gens, il faut que cela devienne une priorité. C’est humanitaire beaucoup plus qu’économique.
M. Chiasson : Je vais ajouter quelque chose. Même sur le plan des services dans les foyers de soins... Par exemple, une membre de notre conseil d’administration, qui habite Fredericton, a été obligée de placer sa mère à Moncton pour qu’elle ait des services en français. Elle doit faire deux heures de route pour aller la visiter et deux heures pour retourner chez elle. On devrait pouvoir offrir des services en français à Fredericton même.
Au cours des dernières années, il y a eu de plus en plus d’employés anglophones embauchés dans les foyers de soins francophones, parce qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre. On a remarqué qu’il fallait un interprète dans certains foyers francophones pour offrir ces services en français. C’est devenu critique récemment.
En ce qui concerne les services de soutien à domicile, là aussi, il y a un problème réel pour ce qui est de recevoir des services en français, mais c’est parfois tout aussi difficile de recevoir des services dans certaines communautés.
On l’a remarqué la semaine dernière. On a rencontré une personne qui offre une formation aux préposés des foyers de soins, mais aussi aux préposés des hôpitaux. Elle nous disait que le Réseau Vitalité paie la formation pour les préposés dans les hôpitaux et donne un boni de 10 000 $ pour que ces préposés offrent leurs services pendant deux ans, alors que pour les préposés pour les foyers de soins, cela ne se fait pas. Ils n’ont pas de boni et on ne paie pas leur formation. On a donc beaucoup de difficulté à recruter.
En ce qui a trait à la rétention, l’Association des foyers de soins spéciaux nous a dit que le roulement était au-delà de 40 % dans les foyers de soins et que la situation s’est aggravée pendant la pandémie.
Le sénateur Mockler : Je pense qu’on a un dénominateur commun, et c’est l’amélioration des services de santé en français. Hier, j’étais dans un foyer et j’ai eu l’occasion de parler avec des gens qui recevaient des services et ceux qui les dispensaient. J’aimerais vous entendre là-dessus : pour ce qui est des proches aidants, s’ils étaient plus présents et si on ouvrait la porte de nos services, que ce soit dans les foyers de soins spéciaux ou dans les résidences pour les personnes âgées, est-ce que ce serait un pas dans la bonne direction?
M. Chiasson : Rapidement, on a eu un projet depuis deux ans et on a un relais de recherche avec l’Université de Moncton. Effectivement, les proches aidants ne sont appuyés d’aucune manière par aucune province ou par le gouvernement fédéral. Il n’y a aucun appui pour assurer que les proches aidants puissent continuer d’aider les parents.
On a appris, dans un rapport qu’on a publié il y a quelques années, que les proches aidants contribuent à 28,5 millions d’heures de travail par année. Si on devait les payer au salaire minimum, cela représenterait au-delà de 300 millions de dollars.
J’ai une petite anecdote sur l’aide des préposés pour les aînés dans les foyers de soins : on nous a raconté pendant la pandémie que les clients d’une résidence se plaignaient de la malbouffe. Il y a une dame et 12 autres personnes de la communauté qui ont offert leurs services pour aider un foyer de soins, parce qu’il y avait une pénurie de main-d’œuvre. Le foyer a refusé les services en disant que ce n’était pas permis par la province.
M. Racine : Je pense qu’on a tout intérêt à ce que les communautés puissent entrer dans les résidences de soins. On voit que cela améliore la santé des aînés. Par exemple, à Fort Smith, il y a une dame extraordinaire qui vient dans les classes; elle montre aux jeunes à faire un bricolage et les invite ensuite à se rendre dans les résidences et à montrer aux aînés à faire le bricolage.
Cela a un impact considérable dans la communauté. Au Yukon, ils sont très forts aussi. Il y a une équipe de bénévoles qui rencontrent les résidants francophones. On a dû intervenir à certains moments, parce que les intervenants anglophones ne comprenaient pas ce qui se passait. C’est nous, les bénévoles, qui avons pu éclaircir la situation pour améliorer le sort de ces personnes.
La sénatrice Moncion : J’ai une grande question qui concerne l’érosion des services par rapport à la privatisation des résidences de soins de longue durée et des résidences pour les personnes âgées et retraitées, et l’impact de la loi qui a été adoptée en Ontario à l’automne pour les patients dans les hôpitaux qui n’ont pas de place en résidence pour les personnes âgées. En effet, on les place à n’importe quel endroit où il y a une place, peu importe la langue et la distance à parcourir. Pouvez-vous en parler rapidement?
M. Racine : Mes collègues en ligne sont bien placés pour parler de la situation au Nouveau-Brunswick.
M. Larocque : Au moment où l’on se parle, le projet de loi no 31 a été adopté au Nouveau-Brunswick. Ce dernier donne toute la latitude voulue au ministère du Développement social pour envoyer les patients aînés qui ont reçu leur congé médical où il veut, s’il n’y a pas de place dans les foyers avoisinants situés près des familles. Pourtant, les familles peuvent aider leurs proches à se faire servir dans leur langue. En effet, le ministère peut placer les gens n’importe où. C’est une réponse courte, mais c’est malheureusement ce qui se fait au Nouveau-Brunswick.
M. Racine : Ce qui se fait en Ontario actuellement est scandaleux. Je pense qu’on isole les personnes âgées de leur famille. Quand vous allez en résidence, vous voulez rester proche de votre communauté et le fait d’isoler les gens et les amener comme bon nous semble, pour les gouvernements, c’est inacceptable. Je sais que la Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario travaille très fort sur ce dossier.
Le président : Madame Haché, madame Dumas, messieurs Larocque, Chiasson, Lapierre et Racine, merci de vos interventions et de vos réponses aux questions. Je veux vous remercier, au nom de mes collègues, pour le travail que vous effectuez au nom et pour les personnes vieillissantes au pays. Nous avons entendu ce soir des histoires si malheureuses qu’il faudra travailler sans relâche pour améliorer leur sort. Cela passe beaucoup par vos organisations. Merci, encore une fois, de cette contribution à l’étude que nous menons. Au nom de mes collègues et moi, bonne fin de journée.
(La séance est levée.)