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OLLO - Comité permanent

Langues officielles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 23 septembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 16 h 59 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les services de santé dans la langue de la minorité.

Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, je m’appelle René Cormier, et je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial des langues officielles.

Avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs et aux autres participants dans la salle de consulter les cartons sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les effets Larsen.

Veuillez tenir votre oreillette éloignée de tous les microphones en tout temps.

Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.

Merci de votre coopération.

[Français]

J’aimerais maintenant inviter les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

La sénatrice Audette : Michèle Audette, du Québec.

Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

Le président : Merci et bienvenue, chers collègues.

[Traduction]

Je voudrais souhaiter la bienvenue aux personnes qui nous regardent à travers le pays. Je tiens à souligner que je participe à cette réunion depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Ce soir, nous poursuivons notre étude sur les services de santé dans la langue de la minorité en accueillant des organismes en mesure d’aborder les thèmes des professionnels de la santé et de la télémédecine et de l’utilisation des nouvelles technologies — deux des sept thèmes de notre étude.

Dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons les représentants de la Société canadienne de psychologie : le directeur des affaires professionnelles, M. Stewart Madon, est dans la salle; et Mme Anita Gupta, la présidente, se joint à nous par vidéoconférence. Nous recevons aussi, en personne, les représentantes de l’Association canadienne de physiothérapie : Mme Krissy Bell, la directrice générale; et Mme Jennifer O’Neil, physiothérapeute et professeure adjointe à l’École des sciences de la réadaptation de l’Université d’Ottawa.

Bienvenue à vous tous. Merci d’avoir accepté l’invitation de notre comité. Nous allons maintenant entendre vos déclarations liminaires. Elles seront suivies de questions de la part des sénateurs.

Madame Gupta — j’espère avoir bien prononcé votre nom —, vous avez la parole.

Anita Gupta, présidente, Société canadienne de psychologie : Je vous remercie d’avoir invité la Société canadienne de psychologie, dont je suis la présidente, à s’exprimer sur ce sujet important. Je suis psychologue clinicienne en santé et réadaptation, et je travaille dans un hôpital en Nouvelle-Écosse où je reçois des patients atteints de cancer. J’ai également un cabinet privé virtuel où des patients vivant en Ontario, dont beaucoup sont des médecins et d’autres professionnels de la santé, me consultent.

Chacun d’entre nous, à tout moment, peut devenir un patient. Certains d’entre nous ont peut-être reçu des soins de santé dans une autre langue que la leur. Nous pouvons tous nous imaginer dans une situation où nous serions malades, blessés ou vulnérables, sans personne qui puisse nous parler ou nous comprendre dans la langue dans laquelle nous communiquons le mieux. La langue, ainsi que l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, la race, le sexe, le niveau de scolarité, l’âge, l’autochtonité, les traumatismes et les antécédents médicaux, et bien d’autres facteurs encore, influencent la manière dont nous sollicitons les soins de santé et dont nous en faisons l’expérience.

On estime que 60 % des adultes au Canada sont incapables d’obtenir, de comprendre ou d’utiliser correctement les informations sur la santé — un concept connu sous le nom de « culture de la santé ». Les barrières linguistiques peuvent encore plus compliquer les choses. À l’échelle mondiale, les minorités ethnolinguistiques vivant dans leur pays d’origine font souvent état de taux plus élevés de maladies, de handicaps et de décès et de taux plus faibles d’utilisation des soins de santé.

Au Canada, les locuteurs des langues officielles minoritaires — le français et l’anglais —, les communautés des Premières Nations et des Inuits, les nouveaux arrivants au Canada — les immigrants et les réfugiés — et les personnes sourdes peuvent être confrontés à des obstacles en matière de soins de santé en raison de leur langue maternelle.

La concordance linguistique patient-professionnel de la santé se définit généralement comme la prestation de soins de santé dans une langue minoritaire non dominante commune. La concordance linguistique dans les soins de santé peut avoir un impact positif sur l’accès à l’information sur la santé et aux soins, sur la confiance entre les patients et les professionnels de la santé et sur l’amélioration des résultats cliniques.

Les malentendus dus à la langue peuvent conduire à des diagnostics erronés, à des échecs empathiques et à des relations thérapeutiques insuffisantes, entraînant de moins bons résultats thérapeutiques.

La recherche continue de préciser l’impact de la langue sur les soins de santé, comme les différences individuelles sur le plan de l’anxiété liée à la communication d’informations sur la santé dans la langue seconde et les conséquences que cela peut avoir sur la volonté de se faire soigner, ou la manière dont les besoins d’interprétation ou de professionnels de la santé maîtrisant la langue du patient peuvent différer entre les personnes qui ne maîtrisent pas la langue dans laquelle sont prodigués les soins et celles qui la maîtrisent plus ou moins.

Nous savons que la manière dont nous nous remémorons et décrivons nos expériences émotionnelles peut différer selon que nous parlons dans notre langue maternelle ou dans notre langue seconde. Nous découvrons également les avantages potentiels de l’IA et les précautions à prendre pour déterminer quand et comment utiliser ou non l’intelligence artificielle, l’IA, pour surmonter les barrières linguistiques.

De toute évidence, il est essentiel de former, de recruter et de fidéliser des professionnels de la santé capables de communiquer dans les mêmes langues que leurs patients. Dans certains cas, nous pouvons mettre les patients en contact avec des soins de santé adaptés à leur langue malgré les barrières géographiques.

La concordance linguistique dans les soins constitue le modèle d’excellence, mais nous devons également réfléchir à la manière dont nous pourrions mieux équiper tous les professionnels de la santé, ainsi que ceux qui sont en formation, pour faire face à des situations où ils ne parlent pas la même langue que leurs patients.

Nous devons nous engager à utiliser les meilleures pratiques, même si d’autres solutions peuvent sembler plus pratiques. Par exemple, nous pouvons tous comprendre le préjudice potentiel que pourrait causer le fait de demander à un adolescent de communiquer un diagnostic de cancer ou de poser des questions très personnelles liées à la santé ou à un traumatisme à sa mère, qui est sourde ou qui parle une autre langue minoritaire. Parmi les préjudices, on peut citer non seulement la possibilité que les informations communiquées soient inexactes, mais aussi l’impact psychologique et émotionnel d’une telle situation.

Les psychologues misent beaucoup sur la communication verbale et non verbale, tiennent compte de la réalité culturelle et de la validité lorsqu’ils choisissent des mesures d’évaluation, même lorsqu’ils parlent la langue de leur patient, et s’efforcent d’établir des relations thérapeutiques solides avec leurs patients. Apprendre à bien le faire en partenariat avec des interprètes culturels et linguistiques professionnels nécessite une formation particulière ainsi que des ressources et du soutien organisationnels.

Pour assurer une interprétation efficace et des soins concordants sur le plan linguistique de bonne qualité, il faut comprendre les expressions culturelles, les points de vue culturels sur la santé mentale, la signification du langage corporel et d’autres formes de communication non verbale.

En conclusion, nous savons que les soins de santé efficaces et fondés sur des données probantes ne sont pas uniformes, et cela s’applique aux soins de santé dans le contexte des besoins des locuteurs d’une langue minoritaire. Nous devons mettre en place et évaluer des moyens pratiques et efficaces pour que les patients et les prestataires de soins de santé puissent recevoir et prodiguer de bons soins, plutôt que de les laisser se débrouiller seuls lorsque des barrières linguistiques se dressent.

Nous devons également réfléchir au-delà des solutions binaires, et nous demander ce que nous pouvons faire pour améliorer les soins aux patients lorsqu’une concordance linguistique parfaite n’est pas possible. Ce faisant, nous garantissons que chaque personne au Canada puisse toujours avoir accès aux services de santé et aux informations sur la santé, s’y retrouver et en bénéficier, en tenant compte de la langue dans laquelle elle se sent le plus à l’aise.

Je vous remercie encore de nous avoir donné l’occasion de nous exprimer.

Le président : Merci beaucoup, madame Gupta.

Madame Bell, vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire. La parole est à vous.

Krissy Bell, directrice générale, Association canadienne de physiothérapie : Merci, monsieur le président, et merci aux membres de m’avoir invitée ici aujourd’hui. L’Association canadienne de physiothérapie, ou ACP, est fière de représenter plus de 16 000 physiothérapeutes professionnels et étudiants au Canada. Nos membres réalisent notre mission, qui consiste à améliorer la santé et la mobilité des Canadiens et à leur dispenser les soins de réadaptation et de traitement pour améliorer leur qualité de vie et leur permettre de participer activement aux activités de leur collectivité.

Je suis accompagnée de Mme Jennifer O’Neil, l’une des physiothérapeutes et chercheuses prééminentes du Canada et professeure à l’Université d’Ottawa et à l’Institut de recherche Bruyère.

Les physiothérapeutes professionnels jouent un rôle crucial dans notre système de santé et dans l’élargissement de l’accès à des soins de qualité, notamment dans la langue de son choix. Cependant, le Canada est un pays vaste et diversifié, et il peut donc être difficile de fournir des soins de grande qualité aux patients partout au pays.

Mais il existe des solutions. Par exemple, dans le budget de 2024, le gouvernement a annoncé l’élargissement du Programme canadien d’aide financière aux étudiants afin d’inclure les physiothérapeutes, pour ainsi soutenir les physiothérapeutes qui travaillent dans des collectivités rurales et éloignées mal desservies, y compris ceux qui offrent des services dans des communautés linguistiques en situation minoritaire.

Chaque jour, les membres de l’ACP trouvent de nouvelles façons novatrices de servir les patients au Canada, dans leur collectivité et dans la langue de leur choix. Par exemple, les physiothérapeutes du Québec fournissent des soins aux Premières Nations cries et ont appris des expressions et des termes clés en cri pour mieux servir les populations autochtones. Les physiothérapeutes professionnels de tout le Canada utilisent des outils de traduction de l’intelligence artificielle, ou IA, pour traduire les conversations en temps réel. Et plusieurs utilisent également la technologie d’IA québécoise CœurWay pour enregistrer, traduire et automatiser la prise de notes lors des rendez-vous.

Selon nous, l’une des plus grandes possibilités pour soutenir des soins de grande qualité au Canada est la physiothérapie hybride, qui combine le traitement en personne et la téléréadaptation.

Pendant la pandémie de COVID-19, les physiothérapeutes professionnels ont été parmi les premiers à adopter la technologie de téléréadaptation, ce qui s’est révélé essentiel pour garantir que les patients d’un bout à l’autre du Canada continuaient de recevoir des soins pendant les confinements et les fermetures. Et depuis la pandémie, les physiothérapeutes canadiens ont collaboré à l’échelle mondiale pour élaborer des lignes directrices de pratique clinique sur la téléréadaptation. La téléréadaptation est comparable aux soins en personne, et de nombreuses recherches montrent que cette approche fonctionne.

Cependant, la qualité de la traduction sur certaines plateformes de téléréadaptation pose problème, et les mots sont souvent mal compris ou peuvent être mal traduits.

Le gouvernement a donc l’occasion de financer immédiatement l’infrastructure de santé numérique, comme les plateformes de télésanté et les outils de traduction en direct, pour garantir que des services de santé sont offerts à ceux qui en ont le plus besoin. Les services de traduction sont coûteux. Les grands hôpitaux peuvent assumer ces coûts, mais pas les petites cliniques. Pour favoriser l’adoption généralisée des services de traduction, le gouvernement a la possibilité d’offrir un remboursement ou des subventions aux petites cliniques indépendantes qui souhaitent améliorer leur capacité d’offrir des services de téléréadaptation ou de soins dans la langue de son choix en utilisant des services de traduction.

Cela permettrait d’améliorer les soins et les résultats de santé pour les patients des milieux ruraux, éloignés, urbains et linguistiques minoritaires. De même, les fournisseurs de soins pourraient disposer des ressources nécessaires pour élargir les services de physiothérapie dans leur collectivité.

Il est également essentiel d’investir dans une infrastructure numérique à large bande accessible, fiable et abordable, car elle permet un accès équitable aux soins de physiothérapie dans les zones rurales et éloignées ou aux personnes qui se trouvent dans des situations marginalisées. Il est aussi crucial de prévoir une meilleure stratégie fédérale en matière de ressources humaines en santé qui s’étend à tous les fournisseurs de soins de santé, y compris la physiothérapie.

Il existe actuellement une pénurie de physiothérapeutes à l’échelle nationale. Il y a des postes vacants partout au pays, et le problème devrait s’aggraver. Cela représente un débouché pour la mobilité professionnelle associée au permis d’exercice et une planification novatrice en vue de pourvoir les postes vacants, notamment par l’élargissement des services de téléréadaptation pour remédier aux pénuries régionales. C’est également l’occasion de soutenir un champ de pratique normalisé et élargi de la physiothérapie dans tout le Canada.

Enfin, je conclus avec six principes fondamentaux et essentiels pour garantir que tous les Canadiens reçoivent les soins qu’ils méritent.

Premièrement, chaque Canadien, peu importe son lieu de résidence, sa langue ou sa situation, mérite d’avoir accès à des soins de santé de grande qualité.

Deuxièmement, il est important de ne pas créer de fracture numérique dans les soins de physiothérapie au Canada et de plutôt élaborer une approche qui comprend un modèle hybride de soins en personne et de téléréadaptation.

Troisièmement, une traduction de grande qualité dans un large éventail de langues est nécessaire dans les soins virtuels et de télésanté.

Quatrièmement, la physiothérapie optimisée devrait être un élément fondamental de nos services de soins de santé à distance et en personne.

Cinquièmement, nous avons besoin de solutions novatrices et avant-gardistes pour aider les physiothérapeutes professionnels à adopter les nouvelles technologies.

Sixièmement, nous devons continuer d’explorer comment la téléréadaptation peut soutenir les collectivités marginalisées et mal desservies.

Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé et je suis impatiente de participer à la discussion.

Le président : Merci beaucoup de cette déclaration liminaire, madame Bell.

[Français]

Chers collègues, conscient du temps qui est à notre disposition, je propose que, comme d’habitude, cinq minutes soient accordées à chacun d’entre vous pour un premier tour de table; nous ferons ensuite un deuxième tour de table si le temps nous le permet.

La sénatrice Mégie : Dans votre discours préliminaire, vous avez parlé des ressources qu’on pourrait offrir en donnant des subventions à de petites zones, de petites cliniques, pour leur permettre de donner des soins. Est-ce que j’ai bien compris que vous parliez de physiothérapie? Est-ce que cela a déjà été tenté? Quel est le succès qui a été obtenu pour les personnes qui sont en situation de langue minoritaire?

Jennifer O’Neil, physiothérapeute et professeure adjointe, Université d’Ottawa, Association canadienne de physiothérapie : Merci beaucoup pour votre question.

Votre question soulevait deux points. Le premier concernait le soutien financier des petites cliniques, car on sait que les grandes organisations comme les hôpitaux ont une réalité différente de celle des petites cliniques pour les services de traduction. Je crois que c’était plutôt une demande, si l’on veut.

Votre autre point concernait l’accès aux services de physiothérapie. Cela a été tenté technologiquement sur le plan de la réadaptation dans différents environnements, donc à l’hôpital, dans des cliniques privées et dans des milieux communautaires. Cela a été testé, c’est faisable et c’est comparable aux services que l’on obtient en personne.

Par contre, je crois qu’il ne faut pas oublier un élément important : les options de livraison de prestation de service sont toujours au choix de la personne et dépendent de ce qu’elle veut comme service. Ce sont des types de prestation de service qui ont été testés, oui.

La sénatrice Mégie : C’est une bonne initiative.

Ma question s’adresse à vous, madame Gupta : quel est le processus dans les programmes d’accompagnement pour aider les psychologues formés à l’étranger à s’adapter aux exigences canadiennes? Quels sont les processus qui ont été mis en place? Est-ce qu’il y a des mesures particulières pour les aider? Sur le plan de la santé mentale, il est clair que la communication entre le patient et le professionnel de la santé est cruciale. On peut exprimer ce qu’on ressent par rapport à une douleur physique, mais disons que la douleur de l’âme est plus difficile à transmettre. Y a-t-il un processus déjà mis en place pour les aider?

[Traduction]

Mme Gupta : Avant d’inviter mon collègue, M. Madon, à parler de la situation à l’échelle nationale, je tiens à souligner l’importance de cette question. Nous avons constaté que la langue semble avoir une incidence plus marquée sur les soins de santé mentale. Il est important de souligner qu’on ne peut séparer la langue et la culture. Lorsque nous parlons d’un psychologue formé à l’étranger ou d’un psychologue étranger, je pense qu’il est également très important de penser au pays, à la culture et au dialecte. Nous constatons, entre autres choses, que la concordance linguistique dans les soins dispensés est possible, mais si ces soins ne sont pas adaptés à la culture, quelle que soit la langue, ils ne conviennent toujours pas. Je vais laisser la parole à M. Madon pour qu’il parle de l’initiative nationale concernant les psychologues formés à l’étranger, mais je voulais souligner que la langue n’est pas qu’une façon de parler.

Stewart Madon, directeur, Affaires professionnelles, Société canadienne de psychologie : Merci, madame Gupta.

Sénatrice, je devrai vous revenir sur le processus qui consiste à faire venir des travailleurs en santé mentale et des psychologues formés à l’étranger. En fait, le processus varie selon la province. Je sais que tout le monde dans cette salle sait fort bien que nos soins de santé mentale, tout comme nos soins de santé physique, sont réglementés par les provinces. Par conséquent, l’intégration de nouveaux psychologues formés à l’étranger dépendra de la province en ce qui concerne le processus d’agrément, les examens et ce genre de choses. Naturellement, la plupart des provinces ont des exigences quant à la capacité des personnes à parler l’une des deux langues officielles, et la plupart des examens sont effectués dans l’une des deux langues officielles, généralement en anglais, mais dans certains cas, nous les verrons en français dans les provinces bilingues ou francophones. Si vous cherchez une approche pancanadienne pour faire venir des personnes formées à l’étranger, je ne crois pas qu’il en existe une, mais je devrai vous revenir à ce sujet.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

Vous avez soulevé quelque chose de très intéressant qu’on a vu aussi dans d’autres études réalisées par ce comité. Même quand on va chercher des professionnels pour travailler dans les milieux francophones, les examens qu’on leur fait passer sont en anglais. On a toujours trouvé que c’était une absurdité, mais c’est ce qui s’est produit jusqu’ici. Avez-vous d’autres processus qui pourraient changer cela, ou alors tout est pareil?

M. Madon : Pas à l’échelle nationale, je ne crois pas. C’est quand même un domaine provincial, et tous nos processus de certification sont provinciaux actuellement.

[Traduction]

La sénatrice Moncion : Ma question s’adresse à Mme Gupta. Dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné que vous offriez des services en ligne aux médecins et aux infirmières. Vous parliez de votre cabinet privé virtuel. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Gupta : Oui, merci de la question. J’ai récemment déménagé en Nouvelle-Écosse pour ce travail à l’hôpital. Avant de travailler en psycho-oncologie ici, j’avais un cabinet privé. J’habitais à Toronto. En raison de la nature de certaines de mes expériences professionnelles antérieures, mon groupe de patients est composé en grande partie de médecins, mais je vois également d’autres fournisseurs de soins de santé. Comme j’ai augmenté ma pratique privée en 2021, tout était virtuel à ce moment-là. D’une certaine manière, pour les professionnels de la santé, le format virtuel peut très bien fonctionner. L’un des avantages qu’il offre est qu’il permet une certaine flexibilité sur le plan des horaires. Il n’est pas nécessaire de faire un trajet supplémentaire après une longue journée pour aller voir quelqu’un et revenir. Il y a cette flexibilité, tant qu’ils ont un espace privé, n’est-ce pas? Nous respectons toutes les raisons éthiques.

J’ai constaté que les gens étaient très heureux de continuer en mode virtuel. Lorsque j’ai déménagé, je me suis demandé si je voulais continuer à faire des consultations en mode virtuel. Lorsque les gens communiquent avec moi pour une consultation, je leur fais immédiatement savoir que je ne dispense que des soins virtuels. J’évalue si une consultation en personne leur conviendrait mieux, s’ils ont une préférence. Si c’est le cas, je leur trouve quelqu’un d’autre. Je suis également consciente des situations cliniques dans lesquelles il serait plus judicieux d’avoir quelqu’un sur place pour faciliter ce transfert.

L’une des choses qui sont vraiment importantes lorsque nous offrons des soins virtuels dans différentes provinces — je suis titulaire d’un permis d’exercer en Ontario et en Nouvelle‑Écosse — est le permis d’exercice, mais nous devons avoir une connaissance du milieu local. Si je n’avais pas vécu en Ontario, je pourrais certainement obtenir un permis dans d’autres provinces. Je pense que c’est formidable, car cela accroît l’accès aux soins, du point de vue linguistique ou autre. Mais je pense qu’il nous incombe, en tant que professionnels de la santé, d’en apprendre davantage sur les collectivités dans lesquelles nous traitons nos patients.

Je suis très heureuse d’être en présence de nos collègues en physiothérapie. En tant que psychologue en réadaptation, j’ai beaucoup travaillé avec des physiothérapeutes. Tout ce que Mme Bell a mentionné… Si nous pouvons accroître l’accès virtuel à la physiothérapie, nous pourrions utiliser les mêmes plateformes pour la psychologie. Nous savons que la santé physique et la santé mentale sont étroitement liées. Cela s’applique, que vos patients soient des médecins, des infirmières ou toute autre personne.

En rédigeant ma déclaration liminaire, je pensais aussi à mes patients et à mes collègues, mais ceux que je vois sont mes patients. Cela ajoute au stress que ressentent les fournisseurs de soins de santé. Cela ajoute à la détresse morale, à la tension et à la difficulté de leur journée, à savoir qu’ils doivent trouver par eux-mêmes la manière de recevoir des patients parlant différentes langues alors que l’infrastructure d’interprétation et de concordance linguistique n’est pas aussi solide qu’elle devrait l’être. Les services d’interprétation et de traduction sont fragmentaires à l’échelle du pays. Il n’y a pas d’uniformité.

Dans cette ville, par exemple, le Centre de soins de santé IWK, à l’hôpital pour enfants de Halifax, offre des services d’interprétation en personne ou virtuels. C’est différent dans l’hôpital pour adultes. Nous avons beaucoup à faire. Cela aiderait mes patients qui sont des fournisseurs de soins de santé, ainsi que les patients qu’ils voient. Merci.

La sénatrice Moncion : Merci. Vous nous avez permis de mieux comprendre la façon dont vous faites votre travail, et c’est important, car pendant la pandémie, il y avait beaucoup de consultations en ligne, et depuis la pandémie, elles ont été considérablement réduites. Il est malheureux que nous soyons maintenant revenus à d’anciennes façons de faire qui ne fonctionnaient pas pour beaucoup de Canadiens.

J’allais vous demander comment vous pouvez être en Nouvelle-Écosse et avoir des patients en Ontario, mais comme vous êtes agréée dans les deux provinces, vous êtes en mesure de fournir des services dans les deux provinces. C’est également important pour offrir un accès et pouvoir fournir des services à plus de Canadiens. Je suppose que vous êtes un très bon exemple à suivre.

J’aimerais savoir comment nous pouvons vous aider pour que cela se fasse partout au Canada, car d’après ce que je comprends, et pour vous aussi, afin de pouvoir fournir un service dans une autre province, il faut être agréé dans cette province. Je trouve cela un peu [Difficultés techniques] parce que cela limite le type de services de santé qui pourraient être fournis facilement à un grand nombre de personnes à tout moment, car nous sommes dans des fuseaux horaires différents. Comment pouvons-nous contourner un problème comme celui-là? Avez-vous une idée du rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral dans la création d’un pays exempt d’obstacles où vous pourriez exercer librement dans tout le pays et aider les gens de tout le pays, dans n’importe quelle langue?

Le président : Allez-y, madame Gupta.

Mme Gupta : Voilà une excellente question. Je suis très reconnaissante des normes élevées qu’a établies chaque province en ce qui concerne l’obtention du permis d’exercice.

En y réfléchissant, il y a énormément de coûts associés à la mise sur pied d’un système d’octroi du permis d’exercice. Et, à juste titre. Si nous voulons, par exemple, que les patients répartis dans tout le pays aient accès à des professionnels possédant des compétences langagières spécialisées, nous devons penser à ce qui pourrait constituer un fardeau pour ces professionnels. Je pense notamment à la connaissance spécialisée concernant certaines populations, à l’usage de la langue, ou à la connaissance culturelle. Nous devons faire attention à ne pas les surcharger, car ils sont souvent tout seuls à pratiquer. Comment pouvons-nous les aider à former les gens et à diffuser leurs connaissances? Comment faire également pour les encourager à fournir des services dans d’autres provinces, et ainsi de suite? C’est une question qui mérite réflexion.

La deuxième chose, c’est que, à mesure que nous progressons... et vous avez raison là-dessus; je ne pense pas que nous sommes revenus exclusivement aux anciennes méthodes; du moins, c’est le cas dans ma profession, tout se numérise, et ce n’est pas près de changer. Le modèle de travail devrait toujours être le modèle hybride. C’est pour cette raison qu’un jugement clinique est toujours nécessaire afin de déterminer s’il convient mieux de faire les choses en personne ou en virtuel. Comme je connais tellement bien la communauté où je vois mes patients, il m’est très facile de les mettre en relation avec un autre prestataire de soins, si nécessaire, ou même avec un physiothérapeute.

La réponse, c’est la formation. Comment pouvons-nous voir la prestation de services dans tout le pays comme une compétence spécialisée? À mon avis, au lieu de se précipiter et de faire les choses comme nous en avons l’habitude, il convient d’adopter une approche plus consciencieuse, et de réfléchir au type de formation qui pourrait être nécessaire. La formation en question concerne la prestation de services psychologiques ou physiothérapeutiques dans une certaine langue. Pour cela, d’autres compétences sont requises, en plus des compétences langagières. Je pense que c’est important.

Le président : Merci. Souhaitez-vous rapidement ajouter quelque chose à ces propos?

Mme Bell : Je pense que, du point de vue des langues officielles ou minoritaires, la mobilité des permis d’exercice, surtout pour les professionnels de la santé, est une question essentielle.

À l’heure actuelle, ce qu’il est permis aux physiothérapeutes de faire dans le cadre de leur pratique, diffère d’une province à l’autre. Il reste des étapes à franchir avant que la mobilité associée aux permis d’exercice ne devienne une option envisageable. L’étape la plus importante est de reconnaître toute l’étendue de ce qu’il leur est permis de faire, dans l’ensemble des provinces.

La Nouvelle-Écosse, par exemple, a récemment ajouté la capacité de commander l’imagerie diagnostique à ce qu’il est permis aux physiothérapeutes de faire. Cette capacité correspond à l’une des compétences de leur formation. Ce n’est pas le cas dans les autres provinces. La mobilité associée aux permis d’exercice dans toutes les provinces est donc limitée, car la pratique ou les réalités y sont assez différentes.

Il y a des choses que nous pouvons faire pour faciliter cette reconnaissance, de façon à faire de la mobilité associée aux permis d’exercice une option envisageable. Pour citer un exemple, nous avons vu qu’une clinique accessible en avion en particulier, où des physiothérapeutes se rendent pour fournir des soins, et repartent aussitôt leur mission accomplie, a connu du succès. Il y a forcément une communauté rurale ou isolée dépourvue de physiothérapeutes. Dans cette situation, une clinique urbaine devra payer pour faire venir un physiothérapeute en avion, le temps d’une semaine, pour s’occuper de plusieurs patients. Ils pourront communiquer avec le ou la physiothérapeute dans la langue de leur choix. Si la communauté est francophone, la clinique fera venir un ou une physiothérapeute francophone qui promulguera des soins.

Ensuite, les patients ne verront plus de physiothérapeute le reste du mois. Ils n’en verront un que de façon virtuelle de façon à ce qu’il suive l’évolution de leur état de santé.

Ce type de services ou de mentorats à l’échelle de la profession pourrait être offert si la Colombie-Britannique disposait d’un ou physiothérapeute non francophone dont le patient est quant à lui, francophone. On pourrait le mettre en relation avec un physiothérapeute du Québec qui pourrait fournir une solution adaptée aux problèmes de ce patient, lequel est, certes, dépourvu de soutien dans sa communauté, mais qui aurait, au moins, accès à davantage de ressources dans tout le pays. La mobilité associée aux permis d’exercice serait critique pour ces types de solutions, car elle permettrait de se déplacer d’une province à l’autre ou d’une province à un territoire.

Le président : Merci. Avez-vous des recommandations spécifiques à l’intention du gouvernement fédéral? Car nous allons rédiger un rapport et nous souhaitons y inclure de fortes recommandations. Je vous laisse y penser.

[Français]

Le sénateur Aucoin : C’était une des choses que je voulais justement demander, soit s’il y avait quelque chose de spécifique que vous pourriez recommander ou si vous aviez d’autres idées sur ce que le gouvernement pourrait faire pour faciliter cette mobilité. Je vous remercie d’avoir ajouté ce commentaire. Je me demandais comment les physiothérapeutes peuvent pratiquer à distance. Vous m’avez donné quelques pistes de solution qui sont très intéressantes.

Pour les psychologues, je me posais la même question. Y a-t-il autre chose que vous voudriez ajouter? Je poserai mon autre question après. Est-ce que Mme Gupta ou Mme Bell auraient quelque chose à ajouter?

[Traduction]

Mme Gupta : Oui, merci.

Puisque nous abordons les permis d’exercice à l’échelle des provinces, j’invite mon collègue de l’ACP, M. Madon, à se prononcer sur le sujet.

M. Madon : Merci, madame Gupta.

Pour reprendre ce que disait Mme Bell, si on trouve un point de départ pour la mise en place d’un permis d’exercice à l’échelle nationale, cela va, de toute évidence, faciliter la pratique entre les diverses administrations.

Par rapport à ce que vous disiez, malgré les problèmes d’infrastructures comme l’Internet à haut débit, ainsi que tout ce dont nous avons parlé, le fait de reconnaître un tronc commun, ou une base de compétences pour les psychologues dans tout le pays peut également se révéler utile, car, tout comme nos collègues en physiothérapie, les psychologues au Canada sont régis par des exigences d’entrée à la pratique, et des règlements plutôt disparates. L’harmonisation de ces éléments serait une première étape importante pour faciliter la pratique d’une administration à l’autre.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Vos associations ont-elles déjà fait des démarches ou entrepris les premières étapes pour que cela arrive? On pourrait peut-être appuyer cela.

[Traduction]

M. Madon : Nous travaillons maintenant sur un exposé de principe concernant le permis d’exercice à l’échelle nationale. Une fois que nous aurons la version finale de cet exposé, je me ferai un plaisir de vous le montrer.

Mme Bell : Nous avons émis une déclaration sur l’étendue de la pratique des physiothérapeutes qui [difficultés techniques] en vue de l’adoption et de la reconnaissance de ces éléments à l’échelle nationale.

Nous avons un exposé de principe ainsi que plusieurs points de données économiques qui montrent que la physiothérapie est une solution peu coûteuse à de nombreux problèmes qui accablent le système de santé. Nous avons déjà accompli un certain travail sur le terrain en identifiant toute la portée de la physiothérapie. Comme cela a été mentionné tout à l’heure, la Nouvelle-Écosse vient d’ajouter l’imagerie diagnostique aux compétences des physiothérapeutes. Nous travaillons de concert avec nos partenaires provinciaux afin de trouver une approche nationale ou cohérente qui permettrait de mettre en application cette mobilité associée au permis d’exercice.

En ce qui concerne l’agrément à l’échelle nationale, si nous devions fournir une recommandation ou une rétroaction au gouvernement, ce serait de mettre l’accent sur cette reconnaissance. De plus, le gouvernement rassemble les stratégies sur les ressources humaines dans le domaine de la santé à l’échelle nationale.

Aujourd’hui, lorsque nous participons au dialogue avec le gouvernement fédéral autour de la stratégie sur les ressources humaines dans le domaine de la santé, il y a toujours des médecins et des infirmières présents dans la salle. Il faudrait inclure dans ce dialogue, le reste des professionnels du système de santé, y compris les physiothérapeutes. En effet, comprendre la répartition des compétences quant à ce qu’il est permis aux physiothérapeutes de faire, et les moyens de les harmoniser permettra aux Canadiens de recevoir les soins qu’ils méritent dans la langue de leur choix. Cela permettra également de soulager la charge de travail des médecins et des infirmières exerçant dans des régions où les physiothérapeutes peuvent se rendre pour les aider.

Garantir que l’adoption de la stratégie sur les ressources humaines dans le domaine de la santé mette l’accent sur tous les professionnels du système de santé, y compris les physiothérapeutes, constitue une étape critique pour le gouvernement. Il est essentiel de reconnaître d’autres professions.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Je vois que vous avez parlé beaucoup de deux professions. Vous avez parlé du service que vous pouviez offrir dans différentes langues. Cependant, pour ce qui est des langues officielles, qui est un sujet qui nous concerne comme comité, est-ce que vous avez actuellement une liste de professionnels qui peuvent donner des services en anglais au Québec et en français dans les autres provinces majoritairement anglophones? Est-ce que ces services sont facilement accessibles pour ces deux minorités? J’imagine que ma collègue pourra parler des Autochtones et des Cris.

[Traduction]

Mme Bell : Compte tenu de leur rôle dans le système de santé, nos organismes de réglementation constituent un lieu essentiel où trouver des listes exhaustives des professionnels de la santé. Ils disposent également des données démographiques précisant les langues que ces professionnels parlent.

En tant qu’association constituée de membres, nous travaillons de près avec nos partenaires du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario où nous savons qu’il y a des professionnels parlant des langues minoritaires. Nous faisons de notre mieux pour fournir toutes nos ressources dans les deux langues officielles.

Le meilleur endroit où trouver une liste exhaustive des professionnels de la santé serait un organisme de réglementation.

Le président : Merci. Souhaitez-vous y ajouter quelque chose, madame Gupta?

Mme Gupta : Oui, merci. C’est une excellente question.

Chaque conseil ou collège provincial dispose d’une liste de psychologues agréés présents dans la province. Tout le monde peut avoir accès à ce répertoire pour se renseigner sur ces professionnels ainsi que leur langue de travail.

Mais, ce qu’il nous faut, c’est plus qu’une liste. Lorsqu’on y pense, il n’est pas seulement question de la langue. Imaginons, par exemple, qu’une personne ait besoin d’un traitement pour le trouble du stress post-traumatique, ou TSPT. Ce qu’il nous faut, c’est une concordance linguistique. Nous voulons quelqu’un qui parle la même langue que ce patient, le français, par exemple. Prenons l’exemple de l’Île-du-Prince-Édouard. La personne doit parler le français et doit avoir de l’expérience et de l’expertise au sujet de l’affection de ce patient.

Nous savons que notre système de santé fonctionne à pleine capacité. Même si nous arrivons à trouver une personne sur la liste qui possède les compétences langagières ainsi que l’expertise requises, combien de temps le patient devra-t-il attendre avant de consulter le professionnel?

Nous savons que les établissements des soins de santé publics fonctionnent à pleine capacité. Nous savons également qu’il peut arriver qu’il y ait des listes d’attente dans les établissements de soins de santé privés. Dans de nombreux cas, nous procédons par étapes.

Imaginons, par exemple, que quelqu’un fait appel à moi. Cette personne cherche un professionnel. Je réalise qu’il serait plus logique que cette personne consulte un professionnel qui ait de l’expertise dans une spécialité en particulier. Je consulte mon réseau et je demande : « Vous connaissez quelqu’un? Où pourrions-nous offrir cela? » Et justement, c’est tout ce processus par étapes que nous pourrions éviter. En tant que prestataires de soins, nous sommes heureux de le faire, car nous voulons toujours mettre en relation les gens avec les bons professionnels.

Il s’agit plus d’une question que d’une réponse. Nous devons voir au-delà des compétences langagières et du lieu de résidence. Nous devons aussi consulter les listes d’attente pour voir qui est disponible tout de suite. Nous savons que la rapidité de l’accès aux soins est une part importante de l’accès aux soins de qualité.

Le président : Merci de votre réponse.

[Français]

La sénatrice Audette : Merci beaucoup pour vos témoignages et vos présentations. Comme j’aime beaucoup mon voisin ici, je vais continuer en ce qui concerne les Premiers Peuples. J’arrive de [mots prononcés en innu-aimun] où une jeune fille de 11 ans s’est suicidée il y a à peine 12 lunes. Quand j’étais dans le bois, c’est aussi arrivé à un jeune homme de 24 ans. Nous avons beaucoup de suicides et de problèmes de santé mentale et de santé physique, et c’est loin là-bas. La deuxième langue, c’est l’anglais ou le français, mais les langues premières sont le naskapi ou l’innu.

Chez vous, avez-vous des gens qui ont offert des services professionnels avec une approche culturellement adaptée? Pour moi, les chiffres sont importants et aident à montrer qu’il y a des besoins dans les régions éloignées et dans les nations que je chéris beaucoup. Il faut savoir qu’il y a eu aussi de beaux exemples : par exemple, certaines provinces des Maritimes ont accepté de partager des ressources. Savez-vous si, dans le reste du Canada, il y a d’autres régions qui pourraient être citées dans notre rapport? Est-ce que cela existe ailleurs? Que pourriez-vous recommander à Santé Canada et au gouvernement fédéral pour dire que, chez les peuples autochtones — vous l’avez vous-même mentionné, madame Gupta —, l’ethnicité et la langue sont des enjeux importants et que s’il y a un malentendu, cela peut causer un mauvais diagnostic ou une mauvaise approche? Parfois, cela peut tuer, comme dans le cas de Joyce Echaquan. Avez-vous des recommandations pour les peuples autochtones? On essaie de parler français et anglais. Pour moi, ce sera important de vous écouter.

Mme O’Neil : Merci de votre question, qui montre vraiment l’importance d’adopter une approche centrée sur la communauté. Ce serait la première chose à laquelle penser. Je peux vous donner un exemple, pas avec les Premières Nations comme telles, mais avec les francophones vivant en situation minoritaire dans le pays. On a mis sur pied un projet sur la prévention des chutes qui s’intitule Marche vers le futur. Il s’agit d’un programme de télésanté dont le but est d’améliorer l’accès aux francophones vivant en situation minoritaire d’ouest en est. Ce qu’on a constaté, c’est qu’il était vraiment important d’aller demander dans chaque province et chaque communauté, parce qu’on s’entend pour dire que les francophones au Nouveau‑Brunswick ou à l’Île-du-Prince-Édouard parlent un français différent des francophones de l’Alberta et ont différents besoins; ce sont différentes communautés.

Si l’on retient cette approche, je pense que le fait d’avoir le temps d’évaluer et de développer des projets qui répondent aux besoins de chaque communauté et de chaque communauté des Premières Nations est d’une grande importance, parce qu’il y aura de meilleurs avantages à long terme. Il y aura une meilleure mise en œuvre et une meilleure adoption des services. L’une des recommandations serait de financer les approches centrées sur la communauté, et non de prendre un projet et de l’adapter à la communauté. Le fait de créer des projets doit vraiment venir de la communauté. C’est ce que les francophones nous ont rapporté. Ils nous ont dit que c’était important pour eux de voir qu’ils avaient accès à un programme de prévention des chutes dans leur langue, mais surtout, que ce programme soit offert par quelqu’un de leur communauté. On peut adopter cette pratique. Je pense que c’est quelque chose de très important qui est souvent oublié, soit de prendre le temps d’écouter les communautés et les besoins et d’adapter les programmes, que ce soit la télésanté, les soins hybrides ou les soins en personne, aux besoins de chaque communauté. Il faut renforcer les capacités des communautés pour que ce soit elles-mêmes qui livrent les services.

[Traduction]

Le président : Madame Gupta, souhaitez-vous apporter une réponse à cette question, ou avez-vous des suggestions?

Mme Gupta : Il s’agit là d’une question essentielle et fondamentale. Nous devons réfléchir au long et au court termes. Il y a des gens qui songent à se suicider, ce soir. Il est important d’inciter, de recruter, et de former des psychologues qui proviennent de toutes les communautés au Canada, et de toutes les cultures.

En attendant, il y a des gens qui meurent. Je ne pense pas qu’il y ait un fossé entre la santé mentale et physique. Donc, que la communauté ait accès à des professionnels de la santé mentale ou de la santé physique, c’est suffisant pour aider.

Ce que je dirais, c’est que nous devons faire attention à ne pas causer de tort, mais pas au point de ne rien faire par peur de causer du tort. Je m’explique : nous savons que nous avons des outils d’évaluation disponibles dans plusieurs langues. Imaginons que l’un des outils soit disponible en français. Il se peut que le français ne soit ni la langue maternelle du patient ni sa deuxième langue. Mais, il peut quand même un peu s’exprimer en français.

Imaginons que cet outil — il contient des questions, car nous avons des tests de ce type — qui demandent comment ouvrir le robinet pour se brosser les dents. S’il s’agit d’une communauté qui reçoit des avis d’ébullition d’eau depuis plusieurs décennies, l’outil en question n’est pas approprié, et nous devons réfléchir à l’utilisation de cet outil et nous devons en changer quelques aspects, et ainsi de suite.

Il ne s’agit pas seulement d’une question de langue, ou même simplement de culture. Il s’agit également de reconnaître quand il est inapproprié de faire quelque chose et, quand nous ne devrions pas utiliser un outil. Dans ce dernier cas, nous devrons alors nous montrer créatifs et utiliser d’autres options.

Vous avez mentionné les communautés rurales. Eh bien, le test contient des questions sur la façon de prendre le bus, l’utilisation des guichets automatiques, et ainsi de suite. Ces choses ne s’appliquent pas forcément partout et toujours.

Selon moi, lorsqu’on s’occupe des communautés minoritaires, surtout lorsqu’il s’agit de petites communautés, le risque, c’est que nous pouvons sous-estimer les capacités de ces communautés. C’est ça, le danger. Je pense, bien sûr, aux erreurs de diagnostic, mais nous pouvons aussi sous-estimer les capacités des individus, car nous ne posons pas les bonnes questions.

J’aimerais vraiment que nous ayons une meilleure infrastructure pour soutenir une interprétation culturelle et linguistique appropriée, et que nous ayons une formation adéquate pour les fournisseurs de soins de santé et pour les interprètes afin qu’ils apprennent à travailler ensemble, ainsi que l’espace nécessaire pour les heures de rendez-vous. La pratique exemplaire consiste à organiser une consultation avant, et à faire un compte rendu après. Mais nous savons également que, selon les études, l’interprétation n’est pas toujours meilleure, non plus. Les études montrent que la concordance linguistique patient‑médecin — si vous consultez un professionnel de la santé qui parle la même langue que vous —, c’est mieux. L’interprétation est si importante, et si nous comptons l’intégrer, il faut une bonne formation.

Je m’excuse. Je crois que j’ai dépassé le temps alloué.

Le président : Merci, madame Gupta. J’aimerais m’assurer que tout le monde a l’occasion de poser des questions.

Je vais donner la parole à la sénatrice Clement, mais ma question est la suivante: les choses sont assez claires en ce qui concerne les moyens, mais que ferait spécifiquement le gouvernement fédéral, étant donné qu’une partie de ce travail relève de la province ou de la communauté? Quel genre de recommandation pourriez-vous faire? Nous reviendrons peut-être sur cette question plus tard.

Je vais donner la parole à la sénatrice Clement.

La sénatrice Clement : Merci à tous d’être ici, et je vous remercie également pour les carrières que vous avez menées. Merci pour vos carrières. Elles sont tellement utiles.

Je poserai les questions, et je vous laisserai ensuite répondre.

La première question s’adresse à Mme Gupta. J’aime bien ce que vous avez dit à propos de la concordance linguistique patient-médecin et des soins adaptés à la culture, qui sont deux choses différentes que nous devons examiner, et je voudrais approfondir la question de la formation que vous continuez de mentionner.

Y a-t-il des formations? Votre association soutient-elle la formation? Devrait-il y avoir une formation obligatoire sur la compétence culturelle? Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

Vous êtes en Nouvelle-Écosse, et je sais que les collèges des médecins et des chirurgiens de l’Atlantique viennent d’établir un genre de registre de permis commun. Il serait intéressant d’entendre vos commentaires sur la question de savoir si c’est un bon départ. La question pourrait s’adresser à Mme Gupta ou à M. Madon.

Les questions concernent la physiothérapie... La physiothérapie m’a sauvée tellement de fois, mais j’avais les moyens de me l’offrir, et je suis également avocate de l’aide juridique, et quand mes clients n’en ont pas les moyens, je vois la vraie différence dans les résultats, mais c’est une autre histoire.

Vous avez exposé six points. Cela ressemblait à un énoncé de mission, et votre sixième point concernait le soutien des communautés marginalisées. Je me demandais comment vous faites cela précisément.

Vous avez également mentionné la stratégie sur les ressources humaines en santé et le fait que vous n’avez pas participé à cette discussion. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par cette stratégie, dire s’il s’agit de la stratégie relative à la pénurie de main-d’œuvre. Je n’ai pas très bien compris ce que vous vouliez dire par là.

Nous pouvons commencer par Mme Gupta et M. Madon.

Mme Gupta : Je vais répondre à une moitié de la question, puis M. Madon, qui est directeur des Affaires professionnelles de la SCP et registraire de l’agrément, peut répondre à la deuxième question.

D’abord, en ce qui concerne la formation sur la compétence culturelle — parce que nous en avons une —, j’aimerais un peu parler des professionnels qui ont suivi la formation et qui sont déjà autorisés à exercer. La formation dont je parle, c’est l’idée de... Nous savons que la concordance linguistique est importante; nous le savons. Nous savons que, si nous ne pouvons pas comprendre ce qu’un patient dit, nous ne pourrons donc l’aider que jusqu’à un certain point, et pourtant, les services d’interprétation sont si éparpillés qu’il est difficile de savoir comment les utiliser. Cela devrait être une norme. Pourquoi cela ne fait-il pas partie de l’orientation, quand on commence un nouvel emploi, si c’est suffisamment important?

J’ai également lu récemment que trois provinces seulement inscrivent la langue sur les cartes d’assurance-maladie des gens. Je pense que cela montre l’importance que nous accordons à la langue, et nous ne voyons peut-être pas autant qu’il le faudrait ses liens avec la santé. Si on ne peut pas avoir accès à ces données, il est plus difficile de demander dès le départ aux gens « préféreriez-vous qu’on vous parle en français? », et tout cela.

C’est une petite chose que je voulais souligner. J’aimerais inviter M. Madon à parler de la compétence culturelle, parce que nous prenons cela très au sérieux dans les formations que nous offrons aux psychologues.

M. Madon : Merci. Tout à fait; nous avons des normes d’agrément pour les programmes de formation des professionnels en psychologie. Notre association accrédite actuellement environ 46 programmes de doctorat de professionnels en psychologie, et la diversité sociale et culturelle des personnes est une compétence transversale essentielle dans la grille des compétences de la dernière révision de nos normes.

En plus de cela — parce que nous reconnaissons qu’il n’est pas seulement question de former des gens pour qu’ils fassent un travail —, nous avons pris des mesures pour revoir ou changer nos normes afin de supprimer certains obstacles systémiques, pour que les groupes méritant l’équité aient accès à la formation et deviennent des psychologues professionnels. Ils pourront ensuite retourner dans leurs communautés et fournir des services.

La sénatrice Clement : Est-ce obligatoire?

M. Madon : Oui, c’est absolument obligatoire. Un programme ne peut pas être accrédité sans la possibilité d’intégrer cette formation dans un contexte local.

Nous avons une norme de formation distincte, visant spécifiquement l’interculturalisme autochtone, en réponse au rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada; c’est donc distinct de la diversité sociale et culturelle des personnes, mais les deux sont des compétences transversales essentielles. Un programme qui n’en tient pas compte ne serait pas agréé.

Mme Bell : Nous commencerons par le soutien des communautés marginalisées.

À l’association, nous pouvons faire plusieurs choses, et nous nous concentrons actuellement spécifiquement sur la défense des droits. Notre récente victoire, dans le cadre du budget de 2024, l’extension aux communautés rurales du programme canadien d’exonération de remboursement des prêts d’études, permettra réellement d’améliorer l’accès.

Vous m’entendrez beaucoup dire le mot « accès ». Je suis certaine que vous aussi dites beaucoup le mot « accès ». Quand on parle des soins de santé, cela revient essentiellement à cela.

En ce qui nous concerne, la reconnaissance du champ de compétence complet du physiothérapeute et la possibilité pour lui d’exploiter ce champ de compétence nous aident à soutenir ces communautés marginalisées et à établir des partenariats et des stratégies comme les communautés accessibles uniquement par avion que j’ai mentionnées plus tôt. Défendre de nouveaux programmes de cette nature est un moyen important pour notre association de soutenir ces communautés.

Nous avons beaucoup de travail à faire, en tant qu’association et en tant que profession, pour nous assurer que l’accès soutient tous les groupes méritant l’équité. Nous ne prenons pas cela à la légère, mais il s’agit d’une importante partie de la discussion sur l’accès, un point auquel nous continuons de nous heurter.

Quand on parle de la stratégie de ressources humaines en santé, le gouvernement fédéral organise souvent des réunions de professionnels de la santé et de dirigeants de services de santé pour les informer des politiques, des modèles de financement et de choses de ce genre. Ce sont des réunions où selon moi la diversité des opinions — du point de vue d’un médecin — est très importante pour éclairer la discussion sur ce qu’est l’accès au système de santé. Les physiothérapeutes, nos collègues en ergothérapie et en orthophonie, apportent un point de vue différent, et ils devraient donc participer à la discussion.

Vous avez parlé de la triste réalité du service de physiothérapie, qui est souvent un service que les gens ne peuvent s’offrir que si leur employeur paie un régime d’avantages sociaux pour eux. Il s’agit d’une réalité qui n’est pas souvent abordée dans les réunions d’élaboration des politiques, et l’extension de l’accès public aux communautés, aux communautés marginalisées, ou aux patients canadiens de manière générale, permettra davantage à la physiothérapie de soutenir le système de soins de santé.

Les deux questions sont étroitement liées, parce que certaines des décisions prises concernant la stratégie des ressources humaines en santé doivent tenir compte de la manière dont les autres fournisseurs de soin perçoivent le système de santé ou leur contribution à celui-ci.

Le président : Merci beaucoup. Il nous reste quatre minutes, et j’aimerais avoir votre avis sur les obstacles que rencontrent les professionnels de santé formés à l’étranger. Nous avons beaucoup parlé des Canadiens et de la mobilité au Canada, mais qu’en est-il des professionnels formés à l’étranger?

Il y a le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires, les associations et les établissements postsecondaires. En résumé, quelles seraient vos recommandations à ce sujet, parce qu’on a beaucoup de mal à attirer ces professionnels, ici, au Canada.

Mme Bell : Les professionnels formés à l’étranger, ce sont plus de 2 000 physiothérapeutes admis à notre dernier examen de reconnaissance des titres de compétence, et une foule de physiothérapeutes viennent au Canada dans le but de fournir des soins de santé au Canada.

Ils rencontrent plusieurs obstacles, et le gouvernement fédéral pourrait les aider. Il pourrait d’abord subventionner le coût du permis d’exercice. Les physiothérapeutes formés à l’étranger doivent prouver leur maîtrise de la langue, que ce soit le français ou l’anglais. Ils doivent également passer un ensemble d’examens pour faire reconnaître leurs titres de compétence, comme pour toute autre autorisation d’exercer dans le domaine des soins de santé au Canada, et leur coût peut représenter un obstacle. Je pense que la subvention du coût pour que les physiothérapeutes formés à l’étranger puissent entrer dans la profession serait une chose.

Actuellement, il est plus facile de suivre un cours d’anglais langue seconde qu’un cours de français langue seconde, à moins d’habiter ici, dans cette ville. Les cours d’anglais langue seconde et les programmes que les praticiens peuvent suivre pour se préparer à passer leurs examens sont beaucoup plus facilement accessibles que les cours de français.

C’est un autre élément de l’infrastructure, qui permet de s’assurer que les praticiens qui viennent au Canada ont accès aux cours de français langue seconde et aux informations sur l’endroit où ils pourraient trouver un emploi dans cette langue et la façon dont ils peuvent le faire.

Je crois que les gens pensent que la maîtrise de l’anglais leur permettra de trouver un travail, quand ils arrivent ici, en tant que nouveaux Canadiens, et je pense qu’il faut donc les informer de la possibilité de parler français... De nombreux physiothérapeutes formés à l’étranger parlent déjà plusieurs langues, et il arrive un moment où certains ont le choix d’obtenir leur agrément en français ou en anglais. Ces décisions peuvent souvent être guidées par l’examen qui leur est le plus facilement accessible.

Le président : Je ne veux pas vous interrompre, mais compte tenu des contraintes de temps, selon vous, est-il nécessaire de créer une voie accélérée pour les travailleurs de la santé étrangers qualifiés francophones ou bilingues? Pensez-vous que cela pourrait faire partie de la solution?

Mme Bell : Je pense qu’il est important pour nous de créer une voie accélérée pour intégrer dans le système tous les physiothérapeutes formés à l’étranger, pour améliorer l’accès, ce qui vous permettrait d’avoir accès au praticien dont vous avez besoin dans la langue que vous parlez, si les praticiens, dans l’ensemble, sont soumis à moins de contraintes dans tout le pays.

Le président : Madame Gupta ou monsieur Madon, voulez‑vous ajouter quelque chose, en quelques secondes?

Mme Gupta : Je dirais bravo. Je ne pense pas qu’une voie accélérée est synonyme de qualité moindre. Cela ne signifie pas que nous ne prêtons pas attention aux normes. Cela signifie simplement que nous abaissons certains obstacles.

Mme Bell a dit quelque chose qui m’a vraiment interpellée. L’autre jour, une psychologue qui travaille dans un établissement d’enseignement m’a contactée et m’a dit: « Je veux vraiment améliorer mon français; je veux vraiment perfectionner mon français. » Ce n’était pas une étudiante. C’était une professionnelle. Elle a ajouté: « Mais les seuls cours disponibles dans mon établissement sont d’un niveau trop élevé. » C’est quelque chose que l’on peut faire à l’échelon fédéral. Je sais que le domaine de la santé relève des provinces, mais, si on pouvait avoir un meilleur accès aux formations linguistiques, cela pourrait encourager les fournisseurs de soins de santé à améliorer leurs compétences linguistiques, en réduisant les coûts ou en prévoyant des cours de différents niveaux. Cela aiderait ceux qui voudraient améliorer leurs compétences dans une langue autre que leur langue maternelle.

Le président : Merci beaucoup à vous quatre de vos commentaires, de vos exposés et de vos réponses. Cela nous aidera dans notre rapport.

[Français]

Chers collègues, nous reprenons maintenant nos travaux pour poursuivre notre étude sur les services de santé dans la langue de la minorité sous le thème des professionnels de la santé et de la reconnaissance des titres de compétence étrangers.

[Traduction]

Nous allons maintenant accueillir en personne, Mme Deborah Cohen, cheffe de l’exploitation d’Effectif de la santé Canada; et, par vidéoconférence, M. Harold Wallbridge, registrateur de la Psychological Association of Manitoba.

Bienvenue à tous les deux. Merci de vous joindre à nous, ce soir. Commençons par vos déclarations préliminaires, puis nous passerons aux questions des sénatrices et des sénateurs. Madame Cohen, vous avez la parole.

Deborah Cohen, cheffe de l’exploitation, Effectif de la Santé Canada : Merci de me donner l’occasion de discuter avec vous, aujourd’hui.

Effectif de la Santé Canada est un nouveau petit organisme sans but lucratif lancé en novembre 2023. La création de notre organisme est née de la volonté des gouvernements fédéral‑provinciaux-territoriaux d’améliorer les données sur la main‑d’œuvre en santé et la planification. Nous serons bientôt opérationnels et nous sommes heureux de vous donner de l’information, aujourd’hui.

Notre rôle consiste à cerner les besoins du secteur en matière d’information, et de travailler avec des moteurs de recherche canadiens comme ceux de l’Institut canadien d’information sur la santé, l’ICIS, de Statistique Canada, d’Emploi et Développement social Canada et d’autres organismes, pour faciliter l’accès aux données existantes et faire croître les bases de données au fil du temps.

J’aimerais vous parler des nouveaux tableaux de bord de données pancanadiens, accessibles au public, d’Effectif de la santé Canada. Ils sont conçus pour rassembler les informations en un seul endroit pour que les utilisateurs puissent comprendre ce que nous savons, et ce que nous ne savons toujours pas, sur la main-d’œuvre en santé du Canada. Il est clair qu’il vaut mieux connecter, normaliser et optimiser les données pancanadiennes sur la main-d’œuvre en santé du Canada. Cependant, nous avons quelques statistiques qui pourraient intéresser le comité.

Nous savons que, au Canada, il manque de fournisseurs de soins de santé partout au pays. Selon Statistique Canada, en 2022-2023, le pays comptait en moyenne 96 000 postes vacants. Le taux de postes vacants était quatre fois plus élevé qu’en 2016.

Selon l’ICIS, en 2022, les infirmières et les autres membres du personnel des unités des malades hospitalisés, dans les hôpitaux canadiens, ont effectué 14,2 millions d’heures supplémentaires. Cela représente une augmentation de 53 % par rapport à l’année précédente et équivaut à plus de 7 000 postes à temps plein.

Ces données brossent le tableau des pressions exercées sur le système de soins de santé, mais elles ne nous disent pas tout. Nous avons une compréhension limitée, par exemple, des langues que parlent le personnel de la santé à l’échelle du pays. Ce manque de données exhaustives sur la langue et les autres éléments nuisent grandement à une planification efficace fondée sur les besoins.

Sauf pour les médecins, l’ICIS ne recueille pas actuellement des données administratives annuelles sur les langues parlées par le personnel de la santé. Cependant, l’ICIS s’efforce aujourd’hui de recueillir des données sur la langue pour les soins infirmiers, les services pharmaceutiques et l’ergothérapie, et on s’attend à ce qu’une collecte de données annuelle commence plus tard cette année.

Nous avons d’anciennes données provenant de Statistique Canada selon lesquelles le pourcentage de travailleurs de la santé parlant français a en fait diminué, passant de 12,3 % de la population en 2001 à 11,5 % en 2016 puis à 10,9 %, en 2021.

Parmi les professionnels de la santé formés à l’étranger, les PSFE, résidant au Québec, en 2021, par exemple, 70 % parlaient français, tandis que 2,9 % des PSFE résidant dans d’autres provinces et territoires parlaient français.

En tant qu’organisme de collecte de données et de planification, Effectif de la santé Canada ne joue pas de rôle direct dans la reconnaissance des titres de compétences étrangers et de la délivrance de permis d’exercice. Cependant, nous disposons d’autres statistiques qui pourraient être intéressantes. Selon l’ICIS, en 2022, 35 % des pharmaciens et 31 % des médecins de famille avaient été formés à l’étranger, tandis que seulement 10 % des infirmières autorisées avaient été formées à l’étranger. Le pourcentage d’infirmières formées à l’étranger a toujours été inférieur à celui des autres professions. Cependant, même ce pourcentage est en hausse. En 2017, les infirmières formées à l’étranger représentaient 8 % des infirmières nouvellement autorisées à exercer. En 2022, ce pourcentage était passé à 12 %. Cela représente 5 000 nouvelles infirmières formées à l’étranger sur cinq ans.

Ces données témoignent des efforts récents visant à augmenter et à simplifier le recrutement, la reconnaissance des titres de compétences étrangers et l’agrément au Canada.

Même si le Canada mise sur eux pour créer une offre suffisante pour le pays, les PSFE ne sont pas tous employés dans le secteur de la santé. D’après Statistique Canada, en 2021, seulement 67 % des médecins formés à l’étranger travaillaient dans le domaine de la santé, par rapport à 95 % des médecins formés au Canada. De plus, parmi les nouveaux immigrants au Canada ayant une formation en soins infirmiers, 42 % étaient employés en soins infirmiers, et 21 % travaillaient comme préposés au service de soutien à la personne.

Pour chaque profession, plusieurs voies s’offrent aux nouveaux arrivants qui désirent obtenir un permis d’exercice. Le Réseau national de navigation pour nos nouveaux arrivants, également appelé le N4, est une organisation qui aide les nouveaux arrivants à se retrouver dans le complexe système de santé canadien. Le N4 produit de l’information normalisée sur les voies d’accès au permis d’exercice pour le personnel infirmier et les médecins et fait un suivi de la variabilité entre les provinces et les territoires. Ces voies sont accessibles au public sur son site Web, et nous nous ferons un plaisir de fournir le lien, si cela vous intéresse.

Merci de m’avoir invitée.

Le président : Merci, madame Cohen.

Monsieur Wallbridge, c’est maintenant à votre tour de nous présenter vos déclarations préliminaires. Vous avez la parole.

Harold Wallbridge, registrateur, Psychological Association of Manitoba : Merci. Je suis psychologue agréé, et registraire de l’Association des psychologues du Manitoba, la PAM, qui est l’ordre de réglementation. De plus, je suis directeur du Centre de services psychologiques, une clinique de formation du programme de formation en psychologie clinique de l’Université du Manitoba.

L’accès aux services dans une langue en situation minoritaire au Manitoba — ici, le français — est extrêmement limité. Le nombre de psychologues agréés qui parlent couramment français est très faible. Je ne connais pas le chiffre exact, mais je pense qu’il est inférieur à 5 sur 266 membres agréés. Sur ce petit nombre, tous ne travaillent pas en français, soit parce qu’ils manquent de confiance en leur maîtrise du français parce qu’ils le parlent rarement dans le cadre professionnel, soit parce qu’ils occupent un poste dans une institution qui exige seulement l’anglais. En fait, si l’on me demandait de donner le nom d’un seul psychologue exerçant en cabinet privé et susceptible de répondre aux besoins d’un client francophone, je ne pourrais pas en donner un seul, bien qu’il y en ait un qui a pris sa retraite il y a quelques années.

Il est possible qu’il y ait quelques psychologues scolaires francophones, titulaires d’une maîtrise, dans le système scolaire francophone, mais les psychologues scolaires ne sont pas obligés d’être agréés par l’ordre de réglementation, et je n’ai donc aucune information directe sur leurs chiffres.

Les facteurs expliquant les services limités en français au Manitoba sont... j’ai quatre suppositions. Généralement, le faible nombre de psychologues en général est un facteur. L’absence de programmes de formation en psychologie en français dans la province. Le principal et unique programme de formation en psychologie clinique au Manitoba est offert à l’Université du Manitoba, où je travaille, et il est en anglais. L’Université de Saint-Boniface a envisagé d’offrir ce programme, mais il n’en est qu’à ses balbutiements, et la mise sur pied d’un tel programme exigera des années. Par conséquent, les seuls psychologues francophones qui pourraient exercer au Manitoba devraient être formés en dehors de la province.

Troisièmement, la Société de psychologie et l’ordre de réglementation ont trop peu de personnel et un budget trop limité pour proposer une réglementation en français. Nous avons un bureau, mais pas d’employés à temps plein, seulement des sous-traitants à temps partiel. De plus, aucun comité de la PAM ne pourrait mener ses travaux en français. Tout fournisseur francophone devrait être réglementé en anglais avec les ressources dont nous disposons actuellement.

Quatrièmement, l’absence d’un programme postdoctoral de résidence en français, au Manitoba; et les psychologues agréés doivent normalement avoir fait leur résidence. Il serait possible d’offrir une rotation, en français, une résidence en psychologie clinique au département de psychologie clinique, c’est-à-dire dans le système hospitalier. Je crois que c’était possible dans le passé, mais cela dépendrait de la disponibilité des membres du personnel francophones.

Selon moi, la solution à long terme serait de soutenir la création d’un programme de formation en psychologie clinique en français à l’Université de Saint-Boniface. Idéalement, il y aurait deux programmes, un en psychologie clinique et un autre en psychologie scolaire. Il serait probablement préférable pour cela que ce soit un programme de doctorat en psychologie, pour simplifier les exigences en matière de recherche et orienter davantage les diplômés vers la pratique clinique. À titre de référence, l’Université du Manitoba a un programme de doctorat avec une composante en recherche très importante. Un programme de doctorat en psychologie serait plus rapide et plus facile à établir.

Ensuite, il faut soutenir la création d’un poste de résident francophone dans les services communs de soins de santé. L’inconvénient, c’est que la capacité de l’ordre de réglementation à réglementer les services uniquement offerts en français resterait très limitée, tant qu’il n’y aura pas une masse critique de psychologues francophones qui pourraient travailler bénévolement pour l’ordre de réglementation pour essentiellement réglementer la pratique au Manitoba. Une solution possible à court terme serait donc d’accroître l’accès aux services de psychologie en français au Manitoba en permettant aux psychologues francophones des autres provinces d’offrir des services de télésanté.

Depuis la pandémie, pour des raisons évidentes, la pratique de la psychologie a beaucoup changé, puisque l’on constate que le volume de télépratique a beaucoup augmenté. Les services d’aide psychologique ne peuvent pas tous être fournis de cette façon. Par exemple, il est souvent préférable d’effectuer certaines évaluations en personne, comme dans le cas du traitement des enfants. Mais les psychothérapies ordinaires peuvent souvent être effectuées en ligne.

Pour se conformer aux lois provinciales, un psychologue offrant des services à un habitant du Manitoba doit actuellement être agréé au Manitoba. Actuellement, il y a quatre façons de procéder : l’agrément complet au moyen de la législation réciproque permettant l’exercice complet de la profession; l’agrément temporaire pour 60 jours; l’agrément prolongé pour la télépratique grâce auquel une personne en dehors du Manitoba peut voir un seul client pendant une période maximale de un an, qui coûte 250 $; et l’agrément de courtoisie de 30 jours, pour la télépratique qui est gratuit et est essentiellement provisoire.

Je crois que certaines provinces, par exemple, le Québec et la Nouvelle-Écosse, sont des provinces ouvertes, où toute personne agréée au Canada peut pratiquer. Je ne sais pas comment cela est autorisé dans le cadre de leur loi, parce que la loi au Manitoba indique clairement que le fournisseur doit être agréé au Manitoba. Cependant, il serait possible que les organismes provinciaux de réglementation négocient la mise en place d’un mécanisme plus facile pour la télépratique entre les provinces. Quelque chose de similaire au système américain Psychology Interjurisdictional Compact, ou PSYPACT, pourrait être possible. Il convient de souligner que PSYPACT exige encore des changements des lois des États. PSYPACT est un système qui permettrait de pratiquer dans un autre État au moyen de la télépratique. Je ne connais pas les détails, mais je sais qu’il existe.

Par ailleurs, les provinces pourraient faciliter la télépratique entre partenaires provinciaux en négociant un accord interprovincial, comme on l’a fait pour la mobilité de la main‑d’œuvre. Je tiens toutefois à souligner que cela ne permettrait pas d’offrir une gamme complète de services en psychologie, comme je l’ai dit plus tôt, mais cela faciliterait certainement l’accès des habitants du Manitoba à des services de psychothérapie en français. C’était mes commentaires.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Wallbridge. Nous sommes prêts à passer aux questions des sénatrices et des sénateurs.

La sénatrice Moncion : Merci à vous deux de vos remarques. Ma première question s’adresse à Mme Cohen. Elle concerne les pourcentages que vous avez donnés. Vous disiez qu’il y a 96 000 postes vacants, soit quatre fois plus qu’en 2016, et vous parliez des postes vacants en soins infirmiers. C’est la même chose dans le domaine de l’éducation, parce qu’il y a des postes vacants dans l’éducation. On le sait depuis des années. Je travaillais dans le milieu universitaire. Je siégeais à un conseil à cette époque-là. Nous savions que, de 2010 à 2020, nous allions commencer à avoir des problèmes avec les médecins et les enseignants. Nous y sommes, aujourd’hui, et nous avons vos chiffres. Pourquoi?

Mme Cohen : C’est une très bonne question. Je vous en remercie. Je pense qu’il est important de vous aider en présentant mon organisme et ce que nous voulons faire ici. Je pense que c’est un organisme nouveau qui n’en est qu’à ses débuts, mais nous voulons vraiment aider à établir une base de données qui permet de planifier l’avenir. Je ne pense pas qu’il y ait le moindre doute quant au fait que les gens savaient qu’il y aurait inévitablement des défis.

Toutefois, il convient peut-être de souligner que nous n’avons pas encore une base assez solide en matière de données, aujourd’hui, pour prévoir ce dont nous aurons besoin demain. Sans les chiffres, il est difficile de présenter des arguments convaincants.

Notre organisme veut travailler avec les établissements qui fournissent des données pour améliorer les données, non seulement pour les médecins et le personnel infirmier, mais également, comme les témoins ont dit plus tôt, pour tous les travailleurs de la santé, pour que l’on puisse d’abord comprendre avec quoi nous travaillons aujourd’hui. Mais ce n’est pas assez. Nous devons comprendre les besoins de la population dans les 10 à 20 prochaines années, et fournir des estimations sur le nombre qui sera nécessaire. Cela nous permettra de travailler avec nos propres systèmes de formation pour commencer à planifier l’augmentation du nombre de places. Et nous pourrons également parler du nombre de fournisseurs de soins formés à l’étranger que nous pouvons ou devrions faire venir, dans le respecte de l’éthique, dans quelles langues, et où; nous travaillons donc avec des chiffres que nous pouvons gérer.

La sénatrice Moncion : Je crois qu’il s’agit d’informations importantes qui doivent être fournies et qu’il faut préparer un plan pour la suite. Je suis toujours très déçue du manque de prévoyance de notre système à plusieurs égards. Merci.

Mon autre question est pour M. Wallbridge. Vous nous avez dit que certaines provinces étaient prêtes à permettre à d’autres médecins — ou, dans ce cas-ci, je crois qu’il s’agit de psychologues — de pratiquer dans plusieurs provinces. Vous avez dit que dans votre province du Manitoba, cela n’est pas encore fait. Quels types d’efforts ont été déployés pour que cela se fasse dans votre province?

M. Wallbridge : Je ne suis pas certain de savoir comment les autres provinces ont obtenu la permission d’autoriser l’exercice interprovincial de la profession sur leur territoire. Dans le cas qui nous occupe, si le gouvernement du Manitoba nous disait que c’est ce qu’il souhaiterait, eh bien, nous le ferions. Donc, cela dépendra essentiellement des dispositions juridiques provinciales ou de l’approbation de la province. Les organismes de réglementation ont récemment mis la main à la pâte. Ils se sont réunis et ont trouvé des moyens de faciliter la télépratique interprovinciale, et le nouveau protocole d’entente à ce sujet limitait la portée de la pratique soit aux cas particuliers, soit au travail à court terme. Cette étape préliminaire a été franchie récemment. Cela ne va pas encore plus loin que le niveau provincial, et toute personne enregistrée au Manitoba, à l’extérieur du Québec, pourrait, par exemple, exercer sa profession au Québec. Ce n’est pas encore une réalité pour nous et pour quelques autres administrations. Mais si c’est ce que le gouvernement provincial nous disait de faire, c’est ce qui se produirait. Essentiellement, le problème, c’est que, pour respecter la loi, l’inscription au Manitoba est obligatoire pour qui veut fournir des services en psychologie.

La sénatrice Moncion : À quel point votre association a‑t‑elle fait pression pour obtenir plus de services pour la communauté francophone? Si je comprends bien, vous avez seulement cinq psychologues environ qui parlent français, et je crois que vous ne savez pas combien exercent leur profession en français, quels sont les besoins réels ou quelle est leur clientèle. Je dirais que c’est quelque peu troublant compte tenu du nombre non négligeable de francophones dans votre province. Ils ne peuvent pas suivre une formation dans votre province. Vous ne donnez pas accès à des psychologues à l’extérieur de votre province, donc, selon moi, cela limite les services que les francophones peuvent obtenir.

M. Wallbridge : C’est vrai. Puisque nous sommes une plus petite administration, en tant que registraire, je jouis d’une certaine flexibilité pour agréer une personne. Je l’ai déjà fait dans le passé. Si une personne me disait qu’elle avait besoin d’un service qui n’est pas offert au Manitoba et qu’elle a trouvé un psychologue dans une autre province qui pouvait le fournir, je pourrais, et je l’ai déjà fait, permettre au psychologue de s’inscrire au Manitoba pour la télépratique, en utilisant le mécanisme d’agrément pour la télépratique hors province.

Lorsque la question se pose, je l’analyse au cas par cas. Je dirais que nous ne croulons pas sous les demandes de ce genre, en dépit de la taille non négligeable de la population francophone au Manitoba. Peut-être qu’en raison de l’environnement des soins de santé dans lequel les francophones évoluent depuis de nombreuses années, ce sont eux qui s’adaptent et pas nous, et ils obtiennent habituellement les services nécessaires en anglais puisqu’ils sont majoritairement bilingues. Toutefois, ce ne serait pas une option disponible pour les immigrants francophones. Donc, s’il arrive qu’une personne parle seulement français, ou une autre langue — pas nécessairement le français —, j’ai donné la permission aux fournisseurs de fournir leurs services dans une autre langue, s’ils trouvaient quelqu’un dans une autre province. J’ai simplement décidé de l’offrir lorsque cela était demandé.

La sénatrice Moncion : Merci.

Le président : Je veux être certain d’avoir bien compris. Vous n’êtes pas proactif lorsqu’il est question d’offrir des services en français, vous l’êtes seulement si quelqu’un en fait la demande. Est-ce que j’ai bien compris? Vous dites que les francophones ne demandent pas ce service parce qu’ils comprennent les deux langues officielles?

M. Wallbridge : C’est ce que j’ai observé, oui. La question ne s’est tout simplement pas posée, car il y a peu de fournisseurs de services francophones qui nous ont demandé de les reconnaître ou de les agréer. Lorsque quelqu’un souhaite obtenir un service en français, il peut l’obtenir en anglais s’il est bilingue, ou, si ce n’est pas le cas, il peut me demander si j’ai trouvé une manière — et c’est déjà arrivé deux ou trois fois —, s’il a trouvé un fournisseur de service dans une autre province, je l’ai essentiellement autorisé pour la télépratique, mais c’est un nombre négligeable.

Le président : Merci de la réponse.

Le sénateur Aucoin : J’ai des questions pour M. Wallbridge.

[Français]

Que peut faire le gouvernement fédéral pour favoriser la création d’un programme en français afin d’augmenter le nombre de psychologues cliniques qui peuvent pratiquer en français au Manitoba et de remédier au problème du manque de services offerts par des psychologues francophones au Manitoba? En effet, il n’y a pas d’offre active auprès des francophones, car vous avez peu de psychologues qui sont capables de travailler en français.

[Traduction]

M. Wallbridge : Je crois que la proposition ou devrais-je dire l’idée de l’Université de Saint-Boniface de créer un programme de psychologie clinique en français est intéressante. À petite échelle, je crois que faciliter la rotation des stages dans le système hospitalier serait une autre voie possible. Je crois que l’autre grande voie à suivre serait d’examiner des mécanismes comme PSYPACT, ou quelque chose du genre, une entente semblable à la loi sur la mobilité de la main-d’œuvre, afin de faciliter la pratique interprovinciale, en particulier pour les fournisseurs qui offrent leurs services dans la langue de la minorité, pas seulement en français ou en anglais, mais en d’autres langues également. S’il y avait au Nouveau-Brunswick une personne qui fournit des services en tagalog, cela pourrait être utile pour une personne vivant en Colombie-Britannique, s’il y avait un moyen de faciliter les pratiques interprovinciales, en particulier pour faciliter ce genre de question d’accès dans une langue donnée. Le développement interne du système au Manitoba pour offrir accès à des psychologues francophones qui sont formés dans la province et souhaitent y vivre, c’est une excellente idée. Sinon, pour offrir un maximum de flexibilité, je crois qu’il faudrait examiner des mécanismes permettant d’augmenter la télépratique interprovinciale, sauf pour certains services psychologiques qui ne peuvent pas être offerts de cette manière, quand il est nécessaire d’être dans la même pièce que le patient. Néanmoins, beaucoup de ces services pourraient être offerts grâce à la télépratique.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Je ne suis pas certain d’avoir eu une réponse à ma question, qui était de savoir ce que peut faire le gouvernement fédéral et si vous avez des suggestions quant à la façon dont le gouvernement pourrait aider dans ce domaine.

Ma question suivante s’adressera à Mme Cohen.

[Traduction]

M. Wallbridge : Je n’ai pas parlé de la réponse du gouvernement fédéral puisque le gouvernement qui est le plus important à mes yeux est le gouvernement provincial, parce que c’est lui qui écrit les lois dont j’ai besoin. On a parlé d’adopter une norme nationale sur l’agrément des psychologues au Canada. L’une des caractéristiques de la psychologie, c’est la mésentente au sujet des diplômes en psychologie, qu’il s’agisse d’une maîtrise ou d’un doctorat. Le problème a été résolu dans une certaine mesure grâce à la loi sur la mobilité de la main-d’œuvre, et nous acceptons, au Manitoba, les psychologues qui ont une maîtrise ou un doctorat. Cela a été possible grâce aux négociations entre les gouvernements provinciaux.

Qu’aurait pu faire directement le gouvernement fédéral? Je ne sais pas vraiment. Il est certain que le financement des institutions postsecondaires ferait une grande différence. Une des raisons pour lesquelles il y a si peu de diplômés en psychologie clinique, en anglais, à l’Université du Manitoba, est le financement que reçoit l’université pour la formation. Bien sûr, cela vient encore de la province.

Je devrais réfléchir un peu avant de dire comment le gouvernement fédéral pourrait faciliter cela. La plupart du temps, c’est le gouvernement provincial qui dicte la réglementation en lien avec les services de psychologie et les services provinciaux, donc je ne vois pas ce que le gouvernement fédéral pourrait faire.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Merci, monsieur Wallbridge.

Madame Cohen, je suis estomaqué par les statistiques, car on a souvent affirmé qu’il manquait de personnel infirmier et que les gens faisaient des heures supplémentaires. Cependant, on constate que seulement 10 % de cette main-d’œuvre est formée à l’étranger, comparativement à 35 % de pharmaciens. Cela signifie qu’il y a quelque part une déconnexion qui fait en sorte qu’on n’accepte pas plus de personnel infirmier.

Vous dites que nous ne disposons pas encore de toutes les statistiques et que lorsqu’on les aura, il sera possible de faire des démarches auprès du gouvernement. N’êtes-vous pas en train de faire la même chose que ce que disait la sénatrice Moncion, à savoir qu’il y a 10 ou 20 ans, on savait déjà qu’on vivrait aujourd’hui une pénurie de personnel infirmier?

S’il vous faut de 5 à 10 ans pour recueillir les statistiques dont vous aurez besoin pour convaincre le gouvernement, on en sera à une autre étape et on ne répondra toujours pas aux besoins en matière de main-d’œuvre dans 30 ans.

Est-ce qu’il y a quelque chose que vous pouvez faire auprès du gouvernement fédéral, avec les données que vous avez à l’heure actuelle, pour faire avancer ces dossiers si importants pour la santé des Canadiens?

[Traduction]

Mme Cohen : Merci de la question. Vous avez raison : la collecte de données est dispendieuse et chronophage. Notre point de vue est que nous devons avoir des approches à court terme qui complètent le long terme. C’est un projet de longue haleine. Ce n’est pas un sprint; c’est un marathon. Les défis touchant les travailleurs de la santé dureront encore un certain temps. L’un de nos objectifs est de travailler avec nos partenaires des données pour étendre la base de données à long terme.

Pour ce qui est du court terme, il y a les tableaux de bord de données que j’ai mentionnés. Les données que nous avons au Canada sont fragmentées; elles sont dispersées et difficiles à trouver. L’Institut canadien d’information sur la santé en a, Statistique Canada en a d’autres. Les données existent, mais vous devez vraiment savoir où chercher. Notre tableau de bord est donc un point de départ — et il sera monté plus ou moins trois mois, à titre d’ébauche — nous le compléterons au fil du temps —, et il nous permettra de mettre toutes les données à un seul endroit. Parce que lorsque l’on voit toutes les données ensemble, c’est stupéfiant. C’est ce qui poussera non seulement le gouvernement fédéral, mais également les gouvernements provinciaux et territoriaux et les nombreux autres acteurs, à agir.

Que peut faire le gouvernement fédéral? Je voulais souligner que le gouvernement fédéral a annoncé en février 2023, dans son budget, un important investissement de 500 millions de dollars dans des initiatives de données. C’est de là qu’est né notre organisme. Il est très petit. Je crois que nous avons reçu 20 millions sur les 500 millions de dollars, donc c’est un investissement très modeste. Notre organisme est minuscule, mais d’autres organismes ont reçu du financement spécifiquement pour améliorer leurs bases de données.

La deuxième chose que nous allons donc faire, c’est de commencer immédiatement à travailler avec des groupes afin de créer une stratégie de données, parce qu’il est impossible d’élaborer un plan si les joueurs ne sont pas tous présents à la table. Aujourd’hui seulement, nous avons rencontré l’ICIS, EDSC et Statistique Canada pour jeter les bases d’une stratégie de données. Cette stratégie sera fondée sur les besoins primordiaux en information, de demain et aussi d’aujourd’hui, et nous dresserons un plan pour y arriver.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je vais vous poser mes questions en français aussi, madame Cohen.

Vos données sont-elles recueillies à l’échelle pancanadienne ou par province?

[Traduction]

Mme Cohen : La plupart des sources de données sont divisées par province. Cela dépend de la source de données. Donc, l’ICIS a généralement les données pancanadiennes ainsi que les données provinciales. Nous les produisons aujourd’hui sur notre tableau de bord. Notre but n’est pas de nous arrêter à l’échelon provincial et territorial, mais d’aller dans des zones plus petites. Nous aimerions pouvoir effectuer des analyses à l’échelon régional pour mieux connaître les collectivités rurales et éloignées qui font partie de nos provinces, mais qui sont très différentes des grandes villes. Cela fait partie de la prochaine mise à jour de notre tableau de bord et nous publierons des statistiques régionales d’ici la fin de l’exercice.

[Français]

La sénatrice Mégie : Tirez-vous vos données de Statistique Canada ou les prenez-vous de différentes sources pour travailler ensuite avec Statistique Canada? Comment se fait le recueil de vos données?

[Traduction]

Mme Cohen : L’Institut canadien d’information sur la santé et Statistique Canada recueillent des données. Notre organisme est si petit que nous ne pouvons pas être un nouveau générateur de données pour le pays; nous avons investi là-dedans. Ils vont améliorer leurs données, et nous allons consolider toutes ces données dans un tableau de bord concret et convivial pour permettre à tous, et pas seulement ceux qui ont un doctorat en épidémiologie, de le comprendre.

Présentement, nous avons des organismes fantastiques comme ceux-là, mais ils présentent nos données sous forme de tableaux, par exemple, nous nous retrouvons devant une mer de chiffres. Ce que nous faisons, c’est de rassembler cette information pour vous permettre d’interagir avec le tableau de bord et d’avoir une représentation visuelle, par exemple, du nombre d’heures supplémentaires travaillées.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma dernière question est celle-ci.

Vous attendez-vous à ce que les organismes qui ont besoin de vos données vous consultent ou si, à la vue d’un chiffre catastrophique, vous allez agir en donneur d’alerte et leur dire : « Ça ne fonctionne pas chez vous »?

[Traduction]

Mme Cohen : Pour ce qui est de notre but, notre organisme est encore très jeune — il a seulement 10 mois, il en est à ses premiers balbutiements —, mais, lorsque nous avons bâti les tableaux de bord et les avons mis en ligne, nous avons très rapidement constaté, étant donné le nombre de visiteurs, que les gens ne faisaient que regarder les données et les informations. Nous avons fait une tournée des provinces, des ministères de la Santé et des responsables de la santé et des ressources humaines, pour leur montrer les données consolidées. Jusqu’à présent, les provinces et les territoires auxquels nous avons parlé sont très satisfaits. Ils n’ont eux-mêmes pas accès à cette vue d’ensemble; ils détiennent seulement les informations relatives à leur province et ne voient pas nécessairement l’œuvre dans son ensemble.

Plus tard, nous pourrions peut-être dire : « voilà un signal d’alarme et nous prévoyons qu’il y aura un problème demain », mais, pour le moment, nous jetons les bases pour que tout le monde puisse voir l’information et collaborer pour trouver des solutions.

Le président : J’ai une autre question pour vous, madame Cohen. Vous êtes un petit organisme, mais prévoyez-vous être plus proactif dans la dissémination de données? Les gouvernements et d’autres organismes aussi apprécieraient de recevoir cette information. Donc, comment... quel est votre plan pour cela?

Mme Cohen : Merci de la question. C’est une bonne partie de notre travail. Avoir en main ces données ne suffit pas. Les gens doivent savoir qu’elles sont là et savoir comment les utiliser. L’un des piliers de notre plan stratégique est de former un réseau de réseaux. Le système compte de nombreux acteurs. Il y a les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux; les employeurs; les associations professionnelles; les organismes de réglementation; les syndicats; les chercheurs; les patients; les fournisseurs de soins; et ainsi de suite. Nous avons communiqué avec toutes ces personnes et elles demandent toutes des informations. Elles veulent des données. C’est la chose qu’elles réclament toutes, et c’est pourquoi nous avons décidé de commencer là où nous l’avons fait.

Dans un mois, nous tiendrons notre première conférence, un colloque axé sur les solutions, à Montréal, pour des participants à distance et en personne. Le but du colloque n’est pas de discuter de tous les problèmes, de comptabiliser les chiffres et de les publier, mais de réunir tous les gens que je viens de mentionner dans une salle virtuelle ou réelle pour amorcer les discussions sur les mesures à prendre. Que ferons-nous différemment dans l’avenir?

Le président : Est-ce que le colloque se tiendra dans les deux langues officielles?

Mme Cohen : Oui.

Le président : C’est très bien. Je vous en remercie.

[Français]

La sénatrice Audette : Le gouvernement fédéral crée des organisations comme la vôtre depuis plusieurs décennies. On remarque avec le temps, que ce soit pour les Autochtones ou sur des enjeux importants qui touchent le Canada en entier, que les services sont beaucoup offerts en anglais. J’apprécie beaucoup que vous fassiez l’effort de les offrir en français et en anglais.

Dans votre mandat officiel et depuis que votre organisation a été créée, je constate que vous faites un effort pour les Premiers Peuples. Vous avez deux membres médecins issus des Premières Nations au sein de votre conseil d’administration ainsi qu’un Québécois de l’Université de Montréal. Y a-t-il un paragraphe ou autre chose qui confirme que vous devez absolument avoir des voix francophones au sein de votre organisation, non seulement du Québec, mais d’autres territoires ou d’autres régions?

Avez-vous le mandat de vous assurer dans vos données de toujours voir quelle est la place de la communauté francophone en situation minoritaire partout au Canada, afin que l’on puisse voir ces chiffres? Sinon, ce pourrait être une recommandation. Je ne veux pas vous influencer. Cependant, lorsqu’on crée des organisations nationales, ne pensez-vous pas que le gouvernement fédéral devrait s’assurer qu’on a des espaces dans le projet de loi, dans l’organisation, dans la gouvernance de l’organisation, pour les communautés francophones en situation minoritaire?

[Traduction]

Mme Cohen : Merci. D’ailleurs, notre organisme est sur le point de publier son plan stratégique, que notre conseil révise présentement.

Pour ce qui est des exigences de notre plan stratégique et de notre mandat, nous avons quatre piliers stratégiques. Le premier est d’établir le réseau de réseaux dont je viens tout juste de parler. Le deuxième est d’élargir la base de données. Le troisième est, en fait, de travailler à l’échelle du système pour catalyser les capacités de modélisation et de prévision, ce qui nous permettra de connaître nos besoins dans 4 ou 20 ans. Le quatrième est de traduire les connaissances en mesures concrètes, ce qui suppose de saluer les innovations qui voient le jour partout au Canada et de cerner ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour un large éventail de sujets.

Ce sont nos principaux piliers, qui reposent sur le désir et le besoin de soutenir les populations méritant l’équité et visent vraiment à soutenir les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis ainsi que les efforts de réconciliation et de vérité. C’est notre cadre. Y a-t-il quelque chose qui nous encourage à refléter les besoins des francophones, en particulier? Non. Toutefois, selon notre philosophie fondamentale, la planification fondée sur les besoins de la population exige de comprendre les besoins des personnes en situation minoritaires, des francophones et des autres groupes minoritaires, et de travailler pour assurer la santé de tous, ce qui nécessite des solutions pour les groupes minoritaires différentes de celles pour les groupes majoritaires. Nous désirons faire un tour d’horizon et nous assurer que les solutions pour les travailleurs de la santé sont adaptées aux grandes villes, par exemple, mais aussi aux régions rurales et éloignées; aux populations allochtones, mais aussi aux populations autochtones; et également aux communautés francophones et anglophones.

[Français]

La sénatrice Audette : Merci beaucoup. Je comprends cela, mais il y a les biais inconscients. Si on se retrouve autour d’une table et si on parle tous la même langue, si le représentant francophone n’est pas là, on pense bien faire et on oublie. Ne pensez-vous pas qu’il serait important, dès la création d’une organisation, de s’assurer d’un bon départ, que la fondation est solide et qu’elle assure une représentation, donc une responsabilité? Moi, je peux oublier les anglophones si je suis entourée de francophones. Quand j’ai une obligation ou une responsabilité, cela m’oblige à tout vérifier, dont les femmes et les membres de la communauté francophone. Pour la création des prochaines organisations, ne devrait-on pas s’assurer d’inclure une communauté francophone forte et présente?

[Traduction]

Mme Cohen : Je ne crois pas qu’il est de mon ressort de formuler des recommandations à ce sujet. Cela a du sens. D’un point de vue philosophique, personne ne veut qu’il y ait une voix isolée à la table, peu importe le contexte. C’est valable lorsqu’une personne autochtone est présente à la table, et qu’il n’y a pas de sécurité culturelle, et que vous souhaitez créer un espace sûr pour tous. Mais je ne crois pas que je pourrais présenter cette recommandation au gouvernement fédéral.

La sénatrice Audette : Je vous remercie.

La sénatrice Clement : Merci à vous deux d’être ici. Je vais poser ma question et discuter avec M. Wallbridge, mais je vais vous poser une question et y revenir plus tard.

Ma question concerne le réseau de réseaux que vous avez décrits à la sénatrice Audette. Je m’intéresse aux petits organismes qui ont une approche intersectionnelle. Ils sont souvent appuyés par de plus petits organismes, comme le groupe interdisciplinaire à l’Université d’Ottawa qui travaille sur des questions liées à la santé des personnes noires. La collecte de données est dispendieuse. Elles sont difficiles à analyser. Je me demande donc comment votre organisme fait pour sensibiliser les plus petits organismes qui fourniraient réellement des données intéressantes sur les petites communautés.

Comment prévoyez-vous travailler avec les petits groupes, et comment imaginez-vous votre organisme dans 10 ans? Je sais que vous allez publier le plan stratégique, mais j’essaie de comprendre quels sont vos objectifs à long terme.

Je vais d’abord discuter avec M. Wallbridge.

[Français]

J’aime beaucoup le Manitoba.

[Traduction]

Je suis une sénatrice de l’Ontario, mais...

M. Wallbridge : Je crois qu’il serait plus pertinent de poser cette question à Mme Cohen, car je travaille pour la réglementation. Elle travaille pour l’organisme qui collecte les données.

La sénatrice Clement : Je suis désolée. La question s’adresse à Mme Cohen et je vais revenir à elle plus tard. J’aimerais discuter avec vous du Manitoba.

M. Wallbridge : D’accord.

La sénatrice Clement : Je dis simplement que ma mère était une Franco-Manitobaine diplômée de l’Université du Manitoba. J’ai l’impression que votre province a des lacunes en matière de services en psychologie en français et je me demandais si vous avez observé que cela avait une incidence négative sur les résultats en santé des francophones de votre province. Très souvent, mon expérience, comme francophone, c’est que si nous ne pouvons pas obtenir un service, nous trouverons un autre moyen de l’obtenir. Ce n’est pas parce que nous n’en faisons pas la demande, qu’ils ne sont pas nécessaires. Je me demandais si vous étiez au courant de ces résultats négatifs possibles.

Mon autre question, pour revenir au besoin de services en français : est-ce que vous travaillez pour reconnaître les travailleurs sociaux formés à l’étranger? Utilisez-vous le programme Entrée express? Essayez-vous de recruter des travailleurs sociaux internationaux pour être en mesure d’offrir des services en français dans votre province?

M. Wallbridge : Je ne suis pas certain pour ce qui est des travailleurs sociaux parce que, bien sûr, je me concentre sur les règlements s’appliquant aux psychologues. Nous ne communiquons pas avec eux. Ce qui se passe, c’est que quelqu’un nous demande comment obtenir son agrément au Manitoba et que je lui donne l’information pertinente. Nous utilisons un portail d’agrément national qui est pris en charge par l’Association des organisations canadiennes de réglementation en psychologie, qui regroupe des organismes de réglementation canadiens. Ce ne sont pas tous les organismes de réglementation qui l’utilisent, mais, en raison de notre petite taille, nous le faisons. Les titres de compétence de la personne seront examinés ou validés grâce à ce processus puis, elle nous présente une demande. Il s’agit ensuite d’un travail de collaboration avec la personne.

Par exemple, récemment, deux ou trois psychologues iraniens ont fait une demande. Ils avaient de la difficulté à obtenir des copies validées de leurs relevés de notes de l’Iran, à cause des sanctions, donc nous avons trouvé un autre moyen pour eux de nous fournir des copies de leurs titres de compétence. Nous avons personnalisé les processus pour qu’ils deviennent candidats au Manitoba. Nous pouvons être flexibles en raison de la petite taille de notre organisme.

Votre question portait davantage sur ce que nous faisons pour rejoindre les organismes afin de faciliter la communication. En toute honnêteté, nous ne le faisons pas. Je suis registraire à temps partiel au Manitoba et donc je réponds aux courriels et aux demandes d’informations de personnes qui souhaitent être agréées, et je travaille avec elles pour faciliter le processus. C’est ce que je fais.

La sénatrice Clement : Vous avez besoin de financement pour faire cela, n’est-ce pas?

M. Wallbridge : C’est réactif. J’ai de la flexibilité, mais je n’ai pas les ressources nécessaires pour bâtir des relations. J’ai assez de flexibilité pour être un peu créatif, mais pas assez pour nous orienter vers une approche de sensibilisation, ce qui était le fond de votre question.

La sénatrice Clement : Oui. D’accord. Merci beaucoup.

Mme Cohen : Merci de m’avoir donné le temps de réfléchir à mes réponses.

Vous m’avez posé deux ou trois questions. La première était au sujet du travail avec de plus petits organismes, qui nous permet d’explorer l’intersectionnalité. Cela nous intéresse beaucoup, c’est-à-dire ne pas communiquer seulement avec les gros générateurs de données, mais avec tous les acteurs du système. C’est très important pour nous.

Par exemple, nous avons entamé des discussions avec la Société Santé en français, l’Association des gestionnaires de santé des Premières Nations et l’Association des aidants de l’Alberta. Ces groupes sont essentiels et font partie de l’écosystème. Nous continuerons d’entrer en contact avec d’autres groupes de recherche qui s’intéressent réellement à l’intersectionnalité. Je crois que ce sont des éléments clés de la machine; nous avons besoin d’eux.

D’un autre côté, nous avons l’occasion de promouvoir l’intersectionnalité auprès des gros centres de données. Pourriez‑vous, s’il vous plaît, rehausser vos normes de données afin d’ajouter la langue parlée? Nous devons connaître l’identité autochtone, et cela ne doit pas se limiter à un identificateur autochtone; cela doit identifier une approche fondée sur les différences et sur d’autres éléments identifiant les différents aspects des populations méritant l’équité pour que nous soyons en mesure de les quantifier et de les ajouter à la grosse machine.

La dernière chose que vous m’aviez demandée était à quoi ressemblerait la réussite dans 10 ans. Nous sommes tout jeunes, donc tout va bien, mais nous venons à peine de commencer à être opérationnels et à élaborer notre premier plan stratégique. Si je devais m’exprimer à ce sujet, je dirais que, selon ma vision positive des choses, nous aurions une base de données plus robuste pour le pays, qui inclurait les différents fournisseurs de soins de santé, réglementés et non réglementés. Dans un monde idéal, j’inclurais également les proches aidants, car ils sont un élément incroyablement important de notre système de santé; ils pallient quotidiennement les pénuries de ressources humaines en santé.

Toutefois, les données ne peuvent pas être cachées derrière un mur; elles doivent être accessibles. Les gens doivent être en mesure de les comprendre, et elles doivent être à jour.

De plus, selon moi, nous devons chercher à élaborer des modèles de planification fondés sur des scénarios pour savoir si nous avons plus de médecins de famille. Quels sont les besoins en matière d’infirmières? Qu’est-ce qui en est des physiothérapeutes? Et qu’en est-il des ergothérapeutes et des pharmaciens? Comment pouvons-nous assurer la prestation de soins en équipe en optimisant toutes ces professions grâce à une modélisation prospective?

La sénatrice Clement : Merci beaucoup.

Le président : Si vous me permettez de poser la question, que recommanderiez-vous au gouvernement fédéral pour assurer votre réussite?

Mme Cohen : Je crois que nous devons continuer d’investir dans les données. Généralement, les données ne sont pas quelque chose qui enthousiasme les gens. Je suis une épidémiologiste, donc je trouve ça enthousiasmant. Mais pour beaucoup de gens, les chiffres sont très ennuyeux. Nous devons investir suffisamment d’argent dans la base de données. La saisie et la collecte des données dans le pays coûtent cher et toutes les choses qui devront être faites vont coûter de l’argent.

Mais, comme je l’ai dit, les difficultés touchant les travailleurs de la santé sont un marathon, et nous devons faire des efforts soutenus qui seront suivis et gérés au fil du temps. Nous avons besoin des données pour continuer de mesurer notre progrès. Je dirais au gouvernement fédéral que les investissements qui ont été faits sont un très bon départ et sont très importants. Nous allons nous développer, et nous devons continuer d’investir dans la base de données des soins de santé pour le pays.

Le président : Merci. Monsieur Wallbridge, souhaitez-vous ajouter quelque chose au sujet du rôle que le gouvernement fédéral joue dans votre province, mais aussi en général? Avez‑vous d’autres choses à dire?

M. Wallbridge : Je dirais qu’il y a deux stratégies générales. L’une est la stratégie à long terme, collaborer avec les provinces pour faciliter la mobilisation interprovinciale, en personne ou grâce à la télépratique. Même si la disposition juridique n’est pas rédigée par le gouvernement fédéral, celui-ci pourrait soutenir, parrainer ou amadouer le gouvernement provincial pour essayer de faire progresser les choses.

L’autre stratégie serait — encore une fois, le gouvernement fédéral n’est pas directement responsable — de sensibiliser les provinces à l’importance du financement de la formation des professionnels, et nous en avons beaucoup parlé dans la dernière heure, non seulement pour l’accès aux services en français, mais aussi pour l’accès à tous les services qui sont limités de plusieurs façons. Le gouvernement fédéral peut s’assurer que les universités sous réglementation provinciale ont suffisamment de soutien pour offrir de la formation.

Le président : Madame Cohen et monsieur Wallbridge, je vous remercie de vos commentaires et de vos recommandations. Voilà qui conclut notre table ronde et notre réunion d’aujourd’hui.

[Français]

Chers collègues, merci beaucoup de votre présence. Merci de vos questions et merci de cet échange qui était très positif.

(La séance est levée.)

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