LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 28 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les services de santé dans la langue de la minorité; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle René Cormier, je suis président du Comité sénatorial permanent des langues officielles et je suis un sénateur représentant le Nouveau-Brunswick.
Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son. Veuillez tenir votre oreillette éloignée des microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.
Je vous remercie de votre coopération.
J’aimerais maintenant inviter les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma droite.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le président : Merci beaucoup, chers collègues. Bienvenue à cette réunion.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue aux spectateurs de partout au pays qui nous regardent. Je tiens à souligner que je participe à cette réunion à partir du territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
Nous poursuivons ce soir notre étude sur les services de santé dans la langue de la minorité, et nous accueillons les organisations qui sont en mesure d’aborder le thème des professionnels de la santé, qui fait partie des sept thèmes de notre étude.
[Français]
Pour notre groupe de témoins, nous accueillons en présentiel Ivy Lynn Bourgeault, directrice du Réseau canadien des personnels de santé, titulaire de la Chaire de recherche sur le genre, la diversité et les professions et professeure à l’Université d’Ottawa. Bienvenue.
Nous accueillons également, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, Kimberly LeBlanc, présidente, et Alexandre Bourassa, responsable, Affaires publiques. Bienvenue.
Par vidéoconférence, nous accueillons la présidente du Groupe d’infirmières et infirmiers francophones du Nouveau-Brunswick, Véronique Landry. Bienvenue, madame Landry.
Merci d’avoir accepté l’invitation du comité. Nous sommes prêts à entendre vos remarques préliminaires. Elles seront suivies d’une période de questions de la part des sénatrices et sénateurs.
Madame Bourgeault, la parole est à vous.
[Traduction]
Ivy Lynn Bourgeault, Chaire de recherche sur le genre, la diversité et les professions et professeure, Université d’Ottawa, Réseau canadien des personnels de santé : Je vous remercie de m’avoir invitée à m’adresser au Comité sénatorial permanent des langues officielles dans le cadre de son étude sur les services de santé dans la langue de la minorité.
Comme vous l’avez mentionné, je m’appelle Ivy Lynn Bourgeault. Je suis professeure et titulaire d’une chaire de recherche à l’Université d’Ottawa et je dirige le Réseau canadien des personnels de santé, un réseau pancanadien d’échange de connaissances composé de chercheurs, de décideurs et d’autres utilisateurs du savoir dont l’objectif est d’assurer le recours aux meilleures données probantes dans le cadre des politiques et de la prise de décisions relatives aux effectifs du secteur de la santé.
Permettez-moi pour commencer de dire que la prestation de services de santé dans sa langue maternelle, en particulier dans les langues enchâssées dans la Loi sur les langues officielles, est une question d’une importance capitale.
Dans son rapport intitulé Main-d’œuvre dans le secteur de la santé au Canada, l’Académie canadienne des sciences de la santé, que j’ai eu le privilège de coprésider, a écrit ce qui suit :
Or, dans de nombreuses régions du Canada, il existe un déséquilibre de répartition entre professionnels de la santé francophones et patients francophones. En Ontario, par exemple, les pharmaciens francophones sont principalement concentrés dans les régions comptant les plus faibles populations francophones. Un décalage similaire a été mis au jour par une étude sur les médecins francophones en Ontario, la plupart d’entre eux étant implantés dans le sud de la province et dans les zones urbaines, tandis que le nord de la province s’avère insuffisamment desservi au vu des nombreux patients francophones y résidant. Lorsque les professionnels de la santé ne parlent pas la même langue que leurs patients, les deux parties peuvent rencontrer des difficultés, avec pour conséquence une augmentation du volume de travail.
Les participants qui ont pris part à la préparation de ce rapport ont souligné la nécessité d’aborder la langue comme une question de sécurité et de qualité des soins. En effet, notre examen de la documentation confirme que les soins dispensés dans une langue concordante améliorent la satisfaction des patients et leur compréhension du diagnostic et des mesures objectives des soins.
C’est pourquoi nous avons recommandé dans ce rapport la voie d’action suivante : permettre aux professionnels de la santé d’assurer la prestation de soins adaptés aux spécificités culturelles et linguistiques grâce à des programmes d’études et de formation, ainsi qu’à des outils et ressources spécifiques, étayés par des changements de politiques et de procédures.
Des chercheurs ont suggéré que les organisations de soins de santé devraient également évaluer les compétences linguistiques des cliniciens autres que l’anglais et établir des politiques sur l’utilisation des compétences linguistiques dans les soins cliniques, ce qui témoigne de la nécessité d’avoir des données à cet égard.
Cela m’amène au travail structurant que la Société Santé en français a entrepris, notamment en collaboration avec le Réseau canadien des professionnels de santé.
Premièrement, nous avons évalué la disponibilité des données linguistiques accessibles au public dans les bases de données des organismes provinciaux de réglementation des professionnels de la santé, en faisant la distinction entre les données sur l’identité, la capacité et la disponibilité des services. Nous avons constaté que les données de ce genre n’étaient généralement pas accessibles au public et qu’elles n’étaient certainement pas aussi détaillées.
Ensuite, nous avons interrogé sept organismes de réglementation professionnelle dans 10 provinces au sujet des données qu’ils recueillaient, sans égard à leur accessibilité au public. Nous avons constaté qu’environ les deux tiers d’entre eux recueillaient ces données, mais que moins du tiers les rendaient accessibles au public. Nous avons également détecté des incohérences importantes selon les professions et les provinces, que je pourrai aborder pendant la période de questions.
Il convient de mentionner la province de l’Ontario, où la collecte de données linguistiques sur toutes les professions de la santé réglementées est légiférée depuis 2008 par une modification de la Loi sur les professions de la santé réglementées. À ma connaissance, c’est seulement dans cette province que l’on peut évaluer systématiquement la concordance linguistique entre les praticiens et les patients.
Une analyse effectuée par des collègues du Réseau canadien des professionnels de santé, toujours en collaboration avec la Société Santé en français, a révélé que, selon les données de 2021 de la Base de données des professions de la santé de l’Ontario, l’anglais était la langue dominante dans toutes les professions, et qu’entre 55 et 80 % des travailleurs de la santé ne pratiquaient qu’en anglais. Les infirmières auxiliaires autorisées étaient les moins susceptibles de pouvoir pratiquer en français, avec un taux de 5 %, tandis que les sages-femmes étaient les plus susceptibles de pouvoir le faire, avec un taux de 16 %. Les travailleurs de plus de 35 ans étaient plus susceptibles de parler le français ou une autre langue, ce qui nous amène à nous pencher sur la population des travailleurs de la santé plus jeunes. S’ils ne sont pas en mesure de parler français, la situation difficile que nous vivons ne fera que s’aggraver.
Dans le cadre d’un sondage de suivi que nous avons mené auprès de différents registraires, nous avons constaté que la majorité d’entre eux, soit 74 %, estimaient qu’il était utile de recueillir des données linguistiques, et certains ont déclaré que ces données servaient à la planification des effectifs de la santé, puisqu’elles permettaient d’établir un lien entre les patients et les fournisseurs de soins de santé appropriés sur le plan linguistique.
Le géoportail de la santé des minorités, créé par des collègues de l’Université d’Ottawa et dirigé par Mme Louise Bouchard, représente une approche prometteuse qui doit être soulignée. Avec le financement du ministère de la Santé de l’Ontario reçu en 2013-2014 — il y a 10 ans —, l’équipe de Mme Bouchard a créé une série de cartes multicouches détaillées qui comprenaient des données sociodémographiques provenant d’enquêtes nationales sur les populations de langue française en situation minoritaire. À cela s’ajoutait la disponibilité de professionnels de la santé pour fournir des services en français à partir de la Base de données des professions de la santé de l’Ontario, et enfin les cliniques et organisations. C’était une ressource incroyablement utile. Il est malheureux que le financement n’ait pas été renouvelé pour que le travail soit mis à jour. C’était un outil très utile pour les planificateurs locaux.
L’intégration d’éléments de données linguistiques dans les lignes directrices sur les normes minimales volontaires en matière de données sur les effectifs du secteur de la santé élaborées par l’Institut canadien d’information sur la santé en 2022 représente une autre avancée prometteuse. Je souligne que ces normes sont volontaires, mais on travaille activement à cette question.
Je conclurai en recommandant fortement que votre comité encourage, dans le cas de ce thème particulier, toutes les organisations de professionnels de la santé — en particulier les organismes de réglementation, mais aussi les associations professionnelles — à adopter une approche systématique et normalisée pour recueillir et mettre à la disposition du public des données linguistiques sur les professionnels de la santé, et que les efforts de planification pour s’arrimer aux données sur les capacités linguistiques de la population s’appuient sur l’approche adoptée dans le cadre du projet de géoportail.
Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet.
[Français]
Le président : Merci beaucoup, madame Bourgeault, pour cette déclaration qui avait beaucoup de contenu et qui soulevait beaucoup de questions pour nous.
Je donnerai maintenant la parole à Kimberly LeBlanc. La parole est à vous, madame LeBlanc.
[Traduction]
Kimberly LeBlanc, présidente, Association des infirmières et infirmiers du Canada : Mesdames et messieurs les sénateurs, bonsoir. Comme l’a dit le président, je m’appelle Kimberly LeBlanc et j’ai l’honneur d’être la présidente de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada.
J’aimerais commencer par vous remercier sincèrement de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui pour vous faire part du point de vue de près de 500 000 infirmières et infirmiers du Canada sur le sujet important des services de santé et des langues minoritaires.
C’est un privilège d’être ici, et je suis profondément honorée de parler au nom des professionnels dévoués qui constituent la pierre angulaire des soins de santé partout au pays. La discussion d’aujourd’hui porte sur une question vitale qui a une incidence sur la santé et le bien-être de nombreux Canadiens, et il est essentiel que nous nous attaquions à la fois aux défis et aux possibilités associés à la prestation de soins accessibles et équitables.
Avant de commencer, j’aimerais dire que j’ai l’honneur et le privilège de travailler ici, à Ottawa, sur le territoire non cédé des nations algonquine et anishinabe.
La mission de l’AIIC est claire. Nous sommes déterminés à faire progresser la profession infirmière et à améliorer la santé et le bien-être de tous les Canadiens. Nous nous efforçons d’être la voix nationale des infirmières et des infirmiers, en défendant leur rôle dans la mise en place d’un système de soins de santé réceptif, innovateur et durable. Notre objectif est de veiller à ce que chaque Canadien, peu importe ses antécédents, ait accès au plus haut niveau de soin.
Notre organisation représente un groupe vaste et diversifié de professionnels de la santé, y compris des infirmières autorisées, des infirmières praticiennes, des infirmières auxiliaires autorisées, des infirmières psychiatriques autorisées, des étudiants en sciences infirmières et des infirmières à la retraite de 13 provinces et territoires. Avec près d’un demi-million d’infirmières et d’infirmiers au Canada, nous représentons une force puissante et essentielle dans la prestation de soins aux patients, aux familles et aux collectivités dans tous les coins du pays. Les infirmières et les infirmiers sont essentiels pour assurer l’accès à des soins de santé de qualité pour les communautés linguistiques en situation minoritaire, tant à titre de travailleurs de première ligne qu’à titre de défenseurs de services de santé équitables.
J’ai hâte de discuter avec vous de certains des défis auxquels nous faisons face et de certains des points clés que nous voulons faire valoir. Je peux aborder ces sujets avec sincérité. Bien que j’aie une pratique universitaire, j’ai aussi une pratique clinique très occupée. Aujourd’hui, j’ai passé toute la journée à voir des patients des établissements de soins de longue durée. Pour moi, il est très important d’intégrer des clauses linguistiques dans les transferts fédéraux en santé pour nous assurer d’avoir une voie vers des soins de santé équitables pour tous. L’accès à des soins de santé équitables dépend largement de l’endroit où l’on se trouve au pays, en particulier en ce qui concerne les langues.
Par exemple, dans la région d’Ottawa, si vous êtes francophone, vous pouvez vivre dans un établissement de soins de longue durée francophone et vous avez accès à des soins communautaires ou de courte durée équitables en français. Cependant, si vous parlez une autre langue minoritaire, ce n’est peut-être pas une réalité pour vous.
Lorsque je m’entretiens avec des infirmières d’un bout à l’autre du pays, elles me parlent de certains des défis auxquels elles font face lorsqu’elles ont des patients qui parlent d’autres langues. Dans certaines régions, les groupes de patients francophones n’ont pas un accès équitable aux soins en français. Nous devons donc nous assurer d’avoir des moyens de communiquer efficacement. Parmi ces options, il y a l’utilisation de l’intelligence artificielle. Nous devons envisager d’intégrer cet outil de manière éthique et opportune dans nos soins.
Pas plus tard que ce matin, j’ai vu un patient qui parlait polonais et j’ai utilisé Google Traduction pour communiquer avec lui, parce que nous n’avions pas d’interprète. Il faut donc se pencher sur les façons d’offrir les soins.
Nous savons que les infirmières et les infirmiers jouent un rôle clé dans la prévention des maladies et la promotion de la santé, mais nous devons être en mesure de communiquer avec nos patients dans la langue de leur choix pour avoir une réelle incidence sur eux et pouvoir avancer.
Je pense que nous manquerions à notre devoir si nous ne mentionnions pas également nos communautés autochtones. Bien qu’il s’agisse d’une grande question à plusieurs volets étant donné la multitude de langues parlées par ces communautés, nous devons être conscients, lorsque nous fournissons des soins, que ce n’est pas seulement la langue qui compte, mais aussi la culture. Pour bon nombre des survivants des pensionnats, le placement dans des établissements de soins de longue durée peut représenter un élément déclencheur et traumatisant. Si en plus nous ne pouvons pas communiquer avec eux dans la langue de leur choix, cela ne fait qu’aggraver les problèmes.
Nous savons qu’il y a une pénurie de professionnels de la santé, principalement des infirmières, partout au pays. Dans bien des cas, la langue de la minorité devient aussi un enjeu. Mais nous avons également la chance d’avoir des infirmières qui viennent de divers milieux, qui parlent diverses langues, et nous pouvons en tirer parti.
Nous devons nous pencher sur l’éducation postsecondaire des infirmières et infirmiers, et songer à leur offrir une formation linguistique. Selon les diverses régions du pays, nous devons offrir des possibilités aux infirmières... Par exemple, nous devons envisager d’offrir une formation linguistique aux infirmières qui travaillent dans les régions anglophones qui comptent d’importantes populations francophones, afin que nous puissions fournir des soins à nos patients en temps opportun dans la langue de leur choix.
Nous devons être conscients que des patients vieillissants ou souffrant de démence peuvent perdre l’usage d’une deuxième ou d’une troisième langue au fil du temps. L’absence de communication sur les soins dans la langue de préférence peut aggraver la démence. Nous devons donc veiller à offrir des soins à cette population dans une langue qu’elle peut comprendre.
Il ne faut pas oublier que les gens ont toutes sortes d’accents lorsqu’ils s’expriment, et qu’il s’agit d’une question délicate. Par exemple, quand je parle français, j’ai un fort accent anglophone, et plusieurs de mes patients francophones ne me comprennent pas. J’utilise donc l’intelligence artificielle pour les aider à me comprendre. Je crois que nous devons envisager le recours à la technologie de manière éthique pour aider à fournir ces soins.
Nous avons aussi la possibilité d’utiliser la télémédecine pour être en mesure de mieux prodiguer les soins. Cette ressource, que nous n’utilisons pas à tout son potentiel au Canada, peut permettre aux patients de rester dans leur communauté et nous permettre de communiquer avec eux dans la langue de leur choix.
Comme l’a fait valoir Mme Bourgeault, il faut plus de recherche dans ce domaine. Nous avons besoin de données probantes et de solutions fondées sur ces données. Il y a actuellement de grandes lacunes dans la recherche. Nous disposons de données limitées sur l’accès linguistique dans les milieux de soins de santé. La recherche sur les résultats en matière de santé est inadéquate. Il y a un manque de recherche sur la télémédecine et la langue. Il n’y a pas assez d’études sur les communautés autochtones et multiculturelles.
Je vous remercie de me donner l’occasion de vous faire part des points de vue des infirmières et infirmiers du Canada sur l’importante question des services de santé dans la langue de la minorité. Pour conclure, je tiens à affirmer l’engagement de l’AIIC à promouvoir un accès équitable aux soins de santé pour tous les Canadiens, quelle que soit la langue qu’ils parlent.
Je vous remercie de votre temps et je suis prête à répondre à vos questions.
[Français]
Le président : Merci, madame LeBlanc.
Madame Landry, la parole est à vous. Vous avez cinq minutes pour vos remarques d’ouverture.
Véronique Landry, présidente, Groupe d’infirmières et infirmiers francophones du Nouveau-Brunswick : Bonsoir, mesdames et messieurs les sénateurs.
Aujourd’hui, je souhaite attirer votre attention sur un sujet crucial pour notre système de santé : l’accès aux soins pour les communautés linguistiques minoritaires, en particulier dans le contexte des infirmières et infirmiers francophones du Nouveau-Brunswick.
Je représente le Groupe d’infirmières et infirmiers francophones du Nouveau-Brunswick (GIIFNB), un organisme à but non lucratif créé en 2020 pour répondre aux iniquités vécues par les candidates et candidats francophones lors de l’examen d’entrée à la profession. Notre mission est de favoriser l’épanouissement des infirmières et infirmiers francophones, tout en défendant leurs intérêts professionnels et ceux du public.
Nous nous engageons à garantir que nos membres exercent leur profession dans le respect de leurs droits linguistiques. Nous soutenons également les candidates et candidats souhaitant accéder à la profession, assurant ainsi une pratique infirmière optimale.
Depuis l’arrivée de l’examen NCLEX en 2015, nous avons observé une chute alarmante du taux de réussite des candidats francophones. Les statistiques sont révélatrices : avant l’examen d’entrée, le taux de réussite en 2014 était de 93 % pour les étudiants francophones à l’Université de Moncton; en 2015, lors de la première administration de cet examen, le taux a chuté à 32 % pour les étudiants qui avaient fait le même programme. Ces résultats ont été publiés dans une étude de Guerrette et autres en 2019. En conséquence, de plus en plus de candidats francophones choisissent de passer l’examen en anglais; c’est une situation inquiétante pour nos institutions et communautés francophones.
Une étude de Lalonde et autres en 2020 sur les effets potentiels de l’examen NCLEX a révélé que 66,7 % des étudiants choisissent de passer l’examen en anglais, tandis que seulement 19,6 % optent pour le français et 13,7 % sont incertains. De plus, seulement 49 % des étudiants déclarent leur intention de travailler dans un milieu de soins de santé francophone après l’obtention de leur diplôme. Ce manquement découle du désavantage important que vivent les candidats et candidates francophones à la profession infirmière, qui ont peu de ressources préparatoires pour se préparer à l’examen d’entrée, comme le décrit la recherche de Lalonde de 2021 sur la revue des ressources préparatoires en français.
Les résultats sont encore plus préoccupants pour les infirmières formées à l’étranger, car leur taux de réussite est inférieur à celui des candidats francophones. Cela soulève des inquiétudes, car nous avons de plus en plus d’infirmières formées ailleurs qui veulent pratiquer au Canada, mais qui se heurtent à des obstacles majeurs pour accéder à la profession.
Ce débat a des ramifications profondes, car il a le potentiel d’affecter directement les soins offerts aux citoyens du Nouveau-Brunswick. La pénurie de main-d’œuvre est réelle et impacte considérablement l’accès aux soins de santé, ce qui prive la population des services auxquels elle a droit.
Il est impératif d’aborder ces enjeux. Je vous propose quelques recommandations possibles.
Premièrement, l’augmentation du soutien et de la formation pour les infirmières et infirmiers francophones. Pour ce faire, il est impératif d’assurer un financement adéquat et durable des programmes francophones en situation minoritaire, ce qui éviterait la dépendance à des enveloppes spéciales ponctuelles. Il faut donc des fonds à long terme.
Deuxièmement, la promotion du recrutement et de la rétention. Il est crucial de développer des initiatives attractives pour encourager les jeunes à choisir la profession infirmière en français. Cela inclut la mise en place de bourses d’études ciblées et un soutien financier accru pour les institutions postsecondaires ciblées en milieu minoritaire. En investissant dans la formation des futurs professionnels de la santé, nous pouvons non seulement répondre aux besoins actuels du système de santé, mais aussi assurer la pérennité de l’accès aux soins en français pour les générations à venir.
Finalement, l’établissement d’un examen d’entrée canadien pour la profession infirmière. Bien que la réglementation des soins soit de compétence provinciale, il est essentiel de plaider pour l’instauration d’un examen canadien. Cette mesure garantirait un accès équitable à la profession pour tous les candidats, quel que soit leur parcours. Cependant, le manque de transparence des organismes de réglementation concernant les performances des candidats est préoccupant, car nous n’avons plus de données depuis 2020 sur la langue d’écriture et le taux de réussite. Il est donc urgent de financer la recherche sur l’impact de l’examen NCLEX et de soutenir le développement de ressources préparatoires en attendant. Enfin, il est crucial de porter une attention particulière aux résultats des infirmières et infirmiers francophones formés à l’étranger, dont les performances sont souvent encore plus faibles. Cela permettra d’adapter les mesures d’accompagnement nécessaires pour cette clientèle.
En conclusion, le système de santé canadien doit évoluer pour mieux répondre aux besoins de toutes les communautés, y compris celles des minorités linguistiques. Les infirmières et infirmiers francophones du Nouveau-Brunswick sont essentiels à cette mission. Investissons dans leur avenir pour garantir que chaque Canadien, peu importe sa langue, ait accès à des soins de qualité.
Je vous remercie de votre attention.
Le président : Merci beaucoup, madame Landry, pour votre déclaration d’ouverture. Nous sommes prêts à passer à la période des questions.
La sénatrice Moncion : Ma première question sera pour Mme Bourgeault.
[Traduction]
Je vous remercie de votre présence aujourd’hui. Nous sommes toujours heureux d’accueillir des témoins pour discuter de ce sujet. Tous les éléments que nous étudions sont habituellement intéressants.
Si j’ai bien compris, vous avez dit que l’Ontario faisait un meilleur travail que le reste des provinces en ce qui a trait à la collecte des données. Toutefois, même en Ontario, on n’en recueille pas suffisamment. Est-ce que je me trompe?
Mme Bourgeault : Je vous remercie de la question. En effet, l’Ontario a une pratique exemplaire dans ce domaine. La province recueille des données sur la capacité de fournir des services en français. C’est une façon très importante de poser la question et de ne pas se limiter à l’identité ou à la langue de formation. La capacité à fournir des services est le nerf de la guerre. Il faut recueillir ces données.
Depuis 2008, on recueille ces données pour toutes les professions de la santé réglementées. Il y a plus de 20 professions de la santé réglementées pour lesquelles la province dispose de ces données, qui sont recueillies dans la Base de données des professions de la santé.
Vous avez probablement remarqué qu’un nombre disproportionné d’études parmi celles que j’ai citées avaient été réalisées en Ontario. Pourquoi? Parce que ces données sont disponibles en Ontario. Pourquoi ne sommes-nous pas au courant de la situation en Alberta, où mes parents francophones ont grandi, ou en Saskatchewan? Nous ne savons pas quelles sont les circonstances là-bas.
Je crois qu’il faut étendre la collecte et la mettre à l’échelle au moment de l’inscription — par les autorités réglementaires — de la capacité à offrir des services en français. On peut aussi demander aux professionnels s’ils sont en mesure de fournir des services dans d’autres langues. Si on leur parle du français, on peut aussi leur parler d’autres langues, et c’est habituellement ce que l’on fait. On obtient donc un point de données qui permet de déterminer ce dont la population a besoin et où se trouvent les travailleurs de la santé qui ont les capacités requises pour répondre à ce besoin. S’il y a un décalage, alors nous saurons quel est le problème et nous pourrons prendre des décisions fondées sur des données probantes. Si nous n’avons pas l’information, nous ne pourrons pas mettre en œuvre des interventions fondées sur des données probantes. Je pense que la collecte de ces données est vraiment importante.
Elles pourraient également être recueillies par d’autres organisations, comme les écoles de sciences infirmières, les écoles de physiothérapie et ainsi de suite, parce que nous voulons que les étudiants qui s’inscrivent aux programmes aient des capacités linguistiques en français qui correspondent aux besoins de la population et nous voulons savoir comment ils se débrouillent dans le programme. Est-ce que la proportion d’étudiants est la même au début et à la fin du programme? Où se retrouvent ces diplômés ensuite?
Les données sur l’inscription et l’entrée dans les programmes d’éducation sont très importantes. Elles permettent à des scientifiques intellectuels comme nous d’étudier la question et déterminer où sont les problèmes, afin que les établissements d’enseignement et d’autres puissent mettre en œuvre des interventions pour s’y attaquer.
J’espère que cela répond à votre question.
La sénatrice Moncion : Merci. Ma deuxième question s’adresse à Mme LeBlanc. Vous avez parlé de télémédecine et avez dit qu’elle n’était pas suffisamment utilisée. Comment l’utilise-t-on?
Mme LeBlanc : Tout dépend de l’endroit où l’on vit au pays en ce moment, et les plateformes sont nombreuses. Dans certaines régions, on l’utilise assez bien, mais surtout pour fournir des soins spécialisés, et pas tant pour l’accès linguistique.
Nous l’utilisons pour permettre aux gens de rester dans leur communauté, pour éviter qu’ils aient à se rendre dans de plus grands centres, ou pour permettre aux patients qui ne peuvent pas sortir de chez eux d’entretenir un lien avec le médecin.
Nous pouvons l’utiliser pour offrir des soins dans la langue appropriée, dans les résidences, les établissements de soins de longue durée ou les établissements de soins actifs. Nous avons la possibilité d’utiliser la télémédecine pour mettre en contact une personne qui parle la langue de la minorité avec un interprète médical.
La sénatrice Moncion : Est-elle davantage utilisée par les infirmières que par les praticiens?
Mme LeBlanc : Elle est normalement utilisée en combinaison avec d’autres approches et en collaboration avec des médecins, des infirmières praticiennes et des infirmières autorisées ou auxiliaires.
On l’utilise souvent dans le cadre d’un poste de soins infirmiers où une infirmière s’occupe d’un patient ayant un problème particulier, avec un spécialiste, un médecin ou une infirmière praticienne en télémédecine, et ils se réunissent pour discuter du problème du patient.
Nous sommes parfois confrontés à une personne qui ne parle pas bien l’anglais ou le français, ou à un francophone unilingue avec du personnel entièrement anglophone. Le patient est là, mais il n’a pas accès à tous les soins dont il a besoin parce qu’il n’y a pas d’interprète. Je pense que nous pourrions élargir le service.
Normalement, on essaie toujours d’avoir des personnes de la même langue lors de ces appels, mais pour une infirmière qui s’occupe d’un patient unilingue francophone ou d’une autre langue et qui ne parle pas cette langue, on pourrait mettre en place un service de télémédecine d’infirmière à infirmière, ou d’infirmière à interprète, pour parler avec le patient et sa famille.
La sénatrice Moncion : Est-ce différent du service de télésanté, où les gens appellent au téléphone?
Mme LeBlanc : On parle de télésanté lorsque quelqu’un appelle pour obtenir des soins ou des conseils, ou lorsque le patient s’adresse directement à un médecin. La télémédecine est davantage utilisée lorsqu’une équipe de professionnels de la santé travaille en collaboration avec le patient et que l’objectif est de maintenir ce dernier à son domicile.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Français]
Madame Landry, ma question porte sur les tests. Vous avez dit qu’avant 2015, le taux de succès était au-delà de 90 %, et que depuis 2015, il est inférieur à 35 %. Qu’est-ce qui est arrivé au test de passage avant 2015 et après 2015?
Mme Landry : Avant, on avait un examen canadien. Les organismes réglementaires ont décidé d’adopter un examen américain, le NCLEX. Il y avait des erreurs de traduction, de langage et de contexte.
Actuellement, les taux sont un peu meilleurs, parce que nos établissements universitaires se sont ajustés à un examen américain, alors qu’on est dans un contexte canadien. En fait, c’est difficile d’avoir accès aux véritables données, parce que les dernières remontent à 2019, alors que nous étions en mesure de savoir que la proportion des candidats francophones de notre établissement d’enseignement qui faisaient l’examen en anglais s’élevait à 50 %. Nous n’avons plus accès à ces données. C’est difficile d’obtenir les données sur le nombre de candidats qui font l’examen en anglais et le nombre de francophones qui le font en français.
La sénatrice Moncion : Je vais attendre au deuxième tour, car j’aurai d’autres questions sur cet examen.
Le président : J’ai justement une question complémentaire. Si j’ai bien saisi en faisant la recherche, les candidats ont le choix entre deux examens? Il y a l’examen américain, le NCLEX, mais ont-ils aussi accès à l’examen du Québec? Ont-ils accès à l’un ou l’autre des examens? Votre suggestion est de créer un examen canadien.
J’aimerais comprendre d’abord quel serait le contenu de cet examen canadien; qu’est-ce qui serait différent entre cet examen et celui du Québec? Je m’efforce de comprendre les différentes options et la façon dont un examen canadien offrirait plus de possibilités pour les francophones, qui auraient un examen adéquat pour eux.
Mme Landry : Un examen a été rédigé par l’Association canadienne des écoles en sciences infirmières, qui regroupe tous les établissements d’enseignement. Cet examen a été développé dans les deux langues et comporte donc des questions écrites en français et traduites en anglais, des questions rédigées dans les deux langues et traduites et une validation. Malheureusement, personne ne l’a adopté. Actuellement, cet examen est désuet.
À l’heure actuelle, certains étudiants décident de faire l’examen au Québec, mais il faut comprendre que l’examen du Québec est de niveau collégial avec la technique baccalauréat, comparativement au Canada, où l’entrée dans la profession se fait avec un baccalauréat.
L’examen canadien est de niveau baccalauréat. Ce serait la grande distinction.
Le président : Pourquoi n’a-t-il pas été adopté? Quelles sont les explications? Cela semble être une partie de la solution?
Mme Landry : Oui, ce sont les ordres professionnels qui décident de l’adopter ou non. La vaste majorité des provinces optaient pour le NCLEX; pour maintenir l’examen, il fallait un certain nombre de groupes et personne ne l’a adopté.
Le président : Merci beaucoup pour cette précision.
La sénatrice Mégie : Je continue sur la même lancée avec Mme Landry. Le Québec a-t-il maintenant son propre examen en français pour les infirmières?
Mme Landry : Oui. Le Québec a son propre examen; il a même pensé à passer au NCLEX, mais il a changé d’avis et il a décidé de garder son examen, car il a vécu des défis avec la COVID-19, je crois. Actuellement, certains de nos étudiants du Nouveau-Brunswick vont faire l’examen du Québec et ils réussissent très bien. C’est une possibilité actuellement et cet examen est reconnu par l’ordre professionnel du Nouveau-Brunswick. Par contre, il y a certains défis sur le plan administratif et ce n’est pas aussi simple que d’aller passer l’examen NCLEX. J’ai une inquiétude au sujet de l’examen NCLEX; les infirmières de l’étranger qui veulent pratiquer au Canada obtiennent des résultats encore plus faibles que nos étudiants francophones. On va chercher des gens, mais il se peut qu’ils ne puissent jamais pratiquer la profession dans ce contexte.
La sénatrice Mégie : Durant d’autres rencontres que nous avions eues, nous savions qu’il y aurait un obstacle qui n’était pas encore franchi.
Je ne sais pas si des gens commencent à y penser. Lorsque nous faisons venir des infirmières de l’étranger, elles viennent souvent pour travailler dans un milieu francophone, mais lorsqu’elles arrivent au pays, tout ce qu’on leur propose comme documentation — même pas encore l’examen — est écrit en anglais. N’est-ce pas aussi un obstacle à tout cela? En avez-vous entendu parler? Est-ce qu’on veut apporter des corrections ou est-ce resté sur les tablettes?
Mme Landry : Évidemment, il y a des défis et tous les documents préparatoires pour l’examen NCLEX sont rédigés en anglais.
Les personnes qui ont du mal à comprendre l’anglais ne pourront pas bien se préparer à l’examen. Il faut les accompagner et leur offrir un soutien.
La sénatrice Mégie : Les anglophones canadiens s’adaptent-ils bien à cet examen NCLEX? Il y a quand même des différences culturelles entre les Américains et les Canadiens. N’y a-t-il pas là aussi des obstacles? Cela se passe bien? Puisque c’est en anglais, ils passent l’examen en anglais et tout va bien?
Mme Landry : Dans les premières années, il y a eu un ajustement nécessaire. Les anglophones réussissent mieux que les candidats francophones. Tous les établissements postsecondaires se sont ajustés à cet examen. Nous avons même créé un cours pour aider nos étudiants à se préparer afin de bien réussir cet examen.
La sénatrice Moncion : Madame LeBlanc, pourriez-vous nous donner des réponses à ce sujet?
[Traduction]
Mme LeBlanc : Mme Landry a raison. Ce que nous avons constaté dans tout le Canada, c’est que les infirmières anglophones ont eu beaucoup de mal dans les premières années. Puis les universités ont adapté leur enseignement à la matière, de sorte que les étudiants anglophones obtiennent aujourd’hui de meilleurs résultats à l’examen. Nos collègues francophones continuent d’éprouver des difficultés.
Il y a d’autres facteurs, comme les articles scientifiques sur les soins de santé qui sont généralement écrits en anglais. Les étudiants francophones sont aussi confrontés à une difficulté de plus : nombre d’entre eux doivent traduire les documents d’étude en français pour pouvoir les étudier.
Tous les travaux préparatoires au NCLEX se font en anglais, ce qui désavantage nettement ces étudiants. Il ne suffit pas d’aller au Québec pour passer l’examen en français là-bas, parce que cet examen est destiné aux infirmières qui sont plutôt techniciennes et de niveau collégial. Dans le reste du Canada, les infirmières autorisées sont toutes titulaires d’un baccalauréat, de sorte que ce qu’elles apprennent et la manière dont elles l’apprennent s’inscrivent dans un contexte différent.
La plupart des infirmières francophones de l’extérieur du Québec réussissent très bien l’examen de l’OIIQ, mais elles font alors face à un autre obstacle : elles doivent payer pour cet examen au Québec, et corrigez-moi si je me trompe, madame Landry, mais je crois qu’il est plus coûteux que le NCLEX. Elles doivent ensuite assumer les frais supplémentaires liés au transfert de l’examen pour obtenir leur permis d’exercice dans la province où elles souhaitent travailler. Elles viennent de payer pour un permis au Québec, et comme nous n’avons pas de permis national pour les infirmières, elles doivent ensuite payer à nouveau dans une autre province.
Par exemple, mon permis vient du Québec. J’ai passé l’examen de l’OIIQ. Lorsque j’ai déménagé en Ontario, j’ai dû payer pour obtenir mon permis de l’Ontario. Je n’ai pas eu à refaire l’examen, mais j’ai dû payer le double pour mon autorisation.
Beaucoup de jeunes infirmières qui débutent ont des prêts universitaires et ont dû assumer de nombreuses dépenses. Si elles choisissent de passer l’examen du Québec, mais veulent travailler dans le nord du Nouveau-Brunswick, elles doivent obtenir un permis au Nouveau-Brunswick. Cela leur impose un fardeau financier supplémentaire.
Nous savons que nos collègues infirmières francophones ont des difficultés avec l’examen du NCLEX. Il y a beaucoup de considérations politiques expliquant la décision des ordres professionnels d’opter pour cet examen. Cela dépasse probablement le cadre des discussions du comité, mais il se passe beaucoup de choses en coulisses, et beaucoup d’entre nous pensent que nous devrions revenir à un examen canadien. Mais cela relève des ordres professionnels, et malheureusement, les universitaires n’ont pas leur mot à dire à ce sujet.
Mme Bourgeault : Je crois important d’expliquer le contexte entourant cette discussion. Il existait un examen canadien. Il s’agissait de l’Examen d’autorisation infirmière au Canada, l’EAIC. Il avait été conçu au Canada pour les infirmières canadiennes dans un contexte canadien, car le contexte américain, comme nous le savons, est très différent, et on ne peut pas en faire abstraction. La décision a été prise de ne pas conserver l’examen d’aptitude des infirmières canadiennes parce qu’il était coûteux de le mettre à jour, de le sécuriser et de le rendre disponible. La décision a été prise d’opter pour l’examen NCLEX.
Je pense que cette décision n’a pas pris pleinement en considération les conséquences pour les minorités de langue française, et je ne pense pas qu’il y ait eu de reddition de comptes au sujet de l’équité linguistique.
C’est un exemple, et il y a d’autres professions pour lesquelles des candidats doivent passer un examen américain parce qu’il n’y a pas d’examen canadien. Je ne suis pas en mesure de les nommer, mais il ne faudrait pas oublier qu’il y a toute une gamme de travailleurs de la santé dont nous devons tenir compte, en termes d’accès aux services en français. Les soins infirmiers, et la médecine sont très importants, mais toutes les autres professions le sont également. Je voulais expliquer un peu le contexte de certaines décisions prises sans tenir compte de l’équité.
Le président : Merci de votre réponse.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Madame LeBlanc, j’ai besoin d’une réponse courte. L’adoption de l’examen date de 30 ans. Qu’est-ce que l’Association des infirmières et infirmiers du Canada fait depuis 30 ans?
Je ne veux pas comparer. Je suis avocat de profession. Tous les barreaux du Canada se sont regroupés. Maintenant, nous avons un code de déontologie. Cela n’a pas été facile.
Y a-t-il encore des démarches qui sont faites pour tenter d’enrayer certains de ces problèmes, afin que les francophones aient un accès égal à des tests qui sont de même niveau, mais qui sont adaptés à eux?
[Traduction]
Mme LeBlanc : Merci de cette question. Nous travaillons certainement très dur pour nous assurer qu’un accès équitable est offert à toutes les infirmières du Canada. Nous avons élaboré des codes de déontologie en anglais et en français simultanément, que nous avons publiés. Nous faisons également pression sur les organismes de réglementation pour qu’ils revoient l’idée d’un examen canadien, mais si ce n’est pas possible, nous demandons qu’ils rendent l’examen actuel, l’examen NCLEX, équitable pour les infirmières canadiennes-françaises.
Il faut que le guide d’étude soit en français et que l’examen soit validé en français pour essayer d’éliminer certaines de ces inégalités. Mais nous essayons de plaider pour que l’examen redevienne canadien.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Je vous remercie.
Ma deuxième question s’adresse à Mme Bourgeault. Quelqu’un a parlé de bourses. Nous représentons le gouvernement fédéral. Qu’est-ce que le gouvernement fédéral peut faire pour améliorer la collecte de données?
Madame Landry, le gouvernement fédéral peut-il faire quelque chose en ce qui concerne les tests, mais aussi pour développer et obliger la collecte de données? C’est Mme LeBlanc qui a parlé des transferts dans le domaine de la santé. Il y a déjà une clause linguistique. Faudrait-il la bonifier, la rendre plus rigide et avoir plus d’exigences pour que la collecte de données se fasse chaque année, comme avec le projet de loi C-35 pour le système de garderies? Est-ce que la même clause existe dans le domaine de la santé?
[Traduction]
Mme Bourgeault : Merci de cette question. Je ne sais pas quelles sont toutes les données requises en matière de responsabilité linguistique. Il est important de penser à toutes les étapes que traversent les travailleurs de la santé vers leurs professions. Il s’agit de savoir qui postule au programme, qui y est admis et qui en sort diplômé, car nous perdons des gens en cours de route. Parfois, ils changent d’avis. Ils se disent que ce n’était pas pour eux, que ce n’était pas ce qu’ils pensaient. Dans certains cas, le programme d’études peut être très pénible. Il est important de savoir qui entre, qui sort, qui s’inscrit et qui réussit l’examen.
Nous devons examiner les données relatives à ces étapes importantes de la filière et veiller à ce qu’il y ait une certaine reddition de comptes en matière d’équité pour les candidats de différentes langues. C’est très important.
Le gouvernement fédéral dispose d’un certain nombre d’outils pour y parvenir. Il s’agit, entre autres, de recueillir des données. Certaines données passent par des organismes de santé pancanadiens comme l’Institut canadien d’information sur la santé. Ces organismes disposent de données dans leur base de données sur les professions de la santé ou dans la Norme de données du fichier minimal sur les ressources humaines de la santé. Il serait très important d’encourager fortement les organismes à inclure des données sur les programmes d’éducation et de formation, ainsi que sur les inscriptions.
Le gouvernement fédéral, en partenariat avec l’Institut canadien d’information sur la santé, développe des programmes de recherche dédiés qui, conjugués au développement de données, offrent des fonds aux travailleurs de la santé qui se penchent sur d’importantes questions politiques. Voilà un autre outil disponible.
Le gouvernement fédéral a également mis en place des programmes d’exonération de prêts aux étudiants canadiens qui, une fois leur diplôme obtenu, s’installeront dans des zones rurales. Il pourrait y avoir un volet pour les étudiants francophones, de sorte que lorsqu’ils soumettent leur demande de prêts, ils sachent qu’il y aura une exonération. Ils seront plus enclins à s’inscrire à un programme et à contracter un prêt s’ils savent qu’il y aura une exonération du remboursement. Si nous le faisons de manière avantageuse pour eux, les francophones des zones rurales seront gagnants. Ils le sauraient dès le départ. Si l’on dit aux étudiants seulement à la fin du programme que l’exonération de prêt est possible, ils diront qu’ils auraient aimé le savoir plus tôt, car ils auraient alors soumis une demande. Pour certains étudiants, issus de milieux modestes ou de zones rurales, il est très difficile d’imaginer devoir rembourser un prêt de 50 000 ou 100 000 $. Ce sont des outils que le gouvernement fédéral peut utiliser pour ces programmes spécifiques. Voilà quelques exemples que je donnerais.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Est-ce que les autres témoins veulent répondre?
[Traduction]
Mme LeBlanc : Je suis d’accord. Nous avons l’occasion d’examiner le programme d’exonération du remboursement des prêts et certaines des infirmières qui travaillent dans les régions rurales. Il y a des étudiants de ces régions qui retourneraient dans ces communautés pour travailler en français. Pour de nombreux étudiants, l’accès à l’éducation est un problème de taille. Certes, de nos jours, l’éducation à distance pour de nombreux programmes universitaires ouvre des portes. Mais si vous êtes infirmière, vous ne pouvez pas pratiquer votre métier à distance. Vous devez être sur place. C’est une profession de terrain.
Les infirmières dans ces communautés rurales doivent se rendre dans des centres où il y a des programmes de formation en soins infirmiers qui se donnent en personne. Tout ce que le gouvernement peut faire pour aider à demander cette formation permettra d’éliminer certains des obstacles auxquels les infirmières sont confrontées.
[Français]
Le président : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Clement : Je vous remercie de votre présence ici et de vos carrières. Elles sont très importantes. J’ai une question pour chacun de vous, puis je vous céderai la parole. Madame Bourgeault, vous avez parlé du déséquilibre — et le sénateur Aucoin l’a également évoqué — entre les personnes qui possèdent des compétences et qui travaillent dans des communautés où il n’y a peut-être pas beaucoup de francophones.
Cela me fait penser que les municipalités jouent un rôle de plus en plus important et qu’il peut être controversé qu’il incombe aux municipalités d’attirer la bonne combinaison de professionnels de la santé dans leurs communautés.
Pourriez-vous parler du rôle des municipalités et nous dire s’il existe ou devrait exister? De plus, si vous pouvez parler du projet de géoportail que la Dre Bouchard a mis en place et expliquer les raisons pour lesquelles nous n’y sommes pas revenus ou ne l’avons pas mis à jour?
Madame LeBlanc, lorsque vous avez parlé des compétences culturelles, j’ai consulté votre site Web pour examiner vos politiques, qui semblent fantastiques non seulement du point de vue des compétences culturelles mais aussi de l’humilité culturelle, pour remettre en question nos propres perceptions. Je me demande ce que vous faites pour instaurer cette politique parmi vos membres.
Vous avez également parlé de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans votre propre pratique clinique. Là où vous travaillez, avez-vous des politiques concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle? Comment déterminez-vous lorsqu’il est approprié d’utiliser l’intelligence artificielle, Google Translate ou autre? Ce serait une bonne chose.
De plus, pouvez-vous répondre à la question de savoir où nous avons le plus de mal à retenir les infirmières — est-ce la santé publique, les hôpitaux?
[Français]
Madame Landry, j’aimerais savoir quelque chose. J’imagine qu’au Nouveau-Brunswick, comme en Ontario, on a beaucoup de nouveaux arrivants francophones qui ont déjà un bagage d’expérience et qui veulent s’intégrer dans les milieux de travail. Est-ce qu’ils sont en train de frapper des barrières autres que linguistiques, les nouveaux arrivants qui veulent s’intégrer dans le système de santé canadien?
[Traduction]
Nous commencerons avec Mme Bourgeault.
Mme Bourgeault : Je parlerai d’abord des administrations municipales. Oui, elles ont un rôle important à jouer. Les trois ordres de gouvernement ont un rôle important à jouer dans les soins de santé, qu’il s’agisse des municipalités, des provinces et territoires ou du gouvernement fédéral. C’est une question de collaboration et d’harmonisation.
Je verrais bien certaines municipalités travailler en partenariat, par exemple, avec des établissements d’enseignement pour créer des filières pour les étudiants francophones dans les programmes, et des programmes, par exemple, à l’Université Laurentienne, à l’Université d’Ottawa et d’autres universités. Ce sont des programmes que nous avons dans les universités pour les professionnels de la santé. Certains programmes sont disponibles au niveau collégial. Pour permettre aux municipalités de travailler en collaboration et de mettre au point des pratiques exemplaires, comment peut-on mieux utiliser l’infrastructure de télémédecine? Comment apprendre de différentes communautés sur la façon dont elles ont réussi à le faire? Comment peut-on renforcer les pratiques prometteuses dans certaines communautés?
Le programme de formation des sages-femmes de l’Ontario est un excellent exemple que les sénateurs peuvent prendre en considération. Il a un programme de formation dédié aux étudiants francophones à l’Université Laurentienne. Ce programme a malheureusement disparu. Je sais que l’Université d’Ottawa a offert d’accueillir le programme. Je pense que ce sera très important.
Les données que je vous ai fournies à propos des sages‑femmes qui ont la plus grande capacité de fournir ces services sont directement proportionnelles à ce programme. Je suppose que ces données risquent de s’amenuiser au fil du temps en raison de la fermeture de ce programme à l’Université Laurentienne, mais ce qui s’est réellement passé, c’est qu’on a utilisé toutes les technologies pour que les sages-femmes se forment dans les communautés locales avec les partenaires communautaires avec lesquels elles allaient finalement exercer, les infirmières et les médecins de ces communautés, afin de faciliter la transition et de leur permettre de continuer d’utiliser leurs compétences en français. La profession de sage‑femme serait un excellent programme à envisager.
Je sais qu’il y a un programme d’enseignement de la profession de sage-femme au Québec, à Trois-Rivières. Des étudiantes de l’Ontario peuvent le suivre, mais pour ce qui est du retour, les circonstances sont semblables.
Les administrations municipales peuvent absolument nouer des partenariats avec différentes organisations et différents établissements d’enseignement afin de créer ces filières de soutien pour les étudiants francophones.
La deuxième partie de votre question porte sur le géoportail. Le Canada est un pays d’études pilotes. Il s’agissait d’une étude pilote. Elle a été exceptionnelle. Je n’y ai pas participé. C’était une collègue de l’Université d’Ottawa. Mme Bouchard a pris sa retraite, mais nous pouvons nous appuyer sur l’infrastructure pour ce programme. Il était très accessible quant à la manière de procéder. Il suffirait de trouver des fonds pour mettre les choses en place.
Il serait très important de rafraîchir ce type d’approche en Ontario pour montrer comment d’autres provinces — le Nouveau-Brunswick, l’Alberta, la Colombie-Britannique — pourraient s’en inspirer. Ce que j’ai vraiment aimé du géoportail, c’est qu’il a été conçu spécialement pour les minorités francophones, mais c’est également une excellente ressource pour la planification des effectifs de la santé en général. Nous avons adopté cette approche, et nous avons travaillé en partenariat avec la Ville de Toronto — une autre municipalité — pour étudier la planification des effectifs en soins primaires, en tenant compte de la capacité de fournir des services en français. Cela en fait partie, mais ce n’est pas le principal.
Encore une fois, je pense qu’il s’agissait d’un programme exceptionnel qui devrait vraiment être rafraîchi. Je vous remercie de m’avoir posé la question.
Mme LeBlanc : Merci de votre question. Je vais commencer avec la question de la rétention.
Nous avons besoin d’infirmières dans tous les domaines. Nous savons, plus particulièrement dans le secteur des soins de longue durée, que nous avons du mal à garder les infirmières, mais nous constatons une pénurie d’infirmières partout et la rétention est la clé.
Nous formons des infirmières plus que jamais. Nous attirons de nombreuses infirmières d’autres pays, mais nous avons du mal à les retenir. Je ne me souviens plus des statistiques, mais le rapport de la FCSII est lamentable en ce qui concerne la rétention des infirmières. Les infirmières partent en masse, en particulier les plus jeunes, qui ont cinq ans d’expérience ou moins. Elles sont désillusionnées. Ce n’est pas une question d’argent; c’est une question de milieux de travail.
Nous avons cette excellente trousse d’outils de maintien en poste qui vient d’être déployée par l’infirmière en chef du Canada, Mme Leigh Chapman, et c’est presque comme si on l’avait déjà oubliée. Nous devons l’examiner et trouver des moyens de garder nos infirmières, en particulier dans le secteur des soins de longue durée, où l’on continue de faire appel à des infirmières fournies par des entreprises privées.
Pour répondre à votre question sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, sur le marché du travail à l’heure actuelle, on procède pratiquement établissement par établissement. Il n’y a pas de politiques directes en place. On improvise au fur et à mesure.
Maintenant, la technologie évolue rapidement. Par exemple, je suis consultante dans de nombreux établissements de soins de longue durée, et dans chaque établissement, je dois demander quelle est leur politique concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle comme Google Traduction, et bon nombre d’entre eux n’ont pas de politique en place.
Le gouvernement fédéral peut vraiment nous aider en élaborant des lignes directrices sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur des soins de santé. Ces lignes directrices pourraient ensuite être adaptées.
En ce qui concerne votre autre question concernant l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, ou AIIC, et notre humilité culturelle, nous faisons beaucoup de choses pour essayer de fournir des ressources à nos membres. Nous avons notamment des conseils consultatifs. Nous avons un conseil consultatif francophone. C’est essentiel pour nous. Tout ce que nous faisons est éclairé, et nous recevons des conseils de notre conseil francophone. Mais nous essayons d’appliquer ce principe dans tout ce que nous faisons. Nous avons également un conseil de lutte contre le racisme. Dans quelques semaines, nous tiendrons un sommet contre le racisme qui portera notamment sur le racisme linguistique. Nous examinons donc tous les aspects. Nous avons également un conseil autochtone.
À l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, l’objectif principal est de promouvoir la profession d’infirmières, mais aussi de protéger nos patients et de veiller à ce que nos infirmières disposent des outils dont elles ont besoin pour fournir des soins équitables.
[Français]
Mme Landry : Merci pour votre question. Je vais y répondre brièvement.
Certainement, il y a des défis chez les infirmières formées à l’étranger qui arrivent dans nos contextes canadiens.
Je travaille actuellement avec une collègue, Latifa Saidi, sur une étude en vue d’identifier quels sont les défis et les barrières. Il y a assurément des barrières administratives et de contextes, mais aussi des soins qui sont différents. Je pense qu’il y a des initiatives qui sont déjà mises en place, comme un programme de mentorat pour les soutenir, mais il faut encourager ces initiatives pour pouvoir mieux aider à l’intégration de ces infirmières dans notre système, parce qu’on en a besoin. Si on va les chercher, il faut s’assurer de leur offrir du soutien pour les maintenir dans notre réseau.
La sénatrice Clement : Merci.
Le président : Vous savez que nous passerons à huis clos par la suite, chers collègues. Nous allons quand même prendre le temps de conclure avec la sénatrice Moncion, qui sera suivie de la sénatrice Mégie. Je vais demander aux sénatrices d’être brèves dans leurs questions et aux participantes et participants d’être brefs dans leurs réponses. Nous conclurons la réunion, puis nous suspendrons la séance rapidement, le temps de nous préparer pour notre huis clos.
[Traduction]
La sénatrice Moncion : J’aimerais revenir sur l’examen NCLEX. Je veux seulement savoir si c’est un examen normalisé qui est utilisé et reconnu au Canada comme étant la norme. À l’extérieur du Canada et des États-Unis, si cet examen est normalisé et reconnu, l’est-il ailleurs dans le monde?
Mme LeBlanc : L’examen NCLEX a été élaboré aux États-Unis pour les infirmières américaines. Il a été depuis utilisé dans plusieurs pays différents. Je ne suis pas certaine de tous les connaître. Je crois que certains pays du Moyen-Orient l’utilisent également, mais je ne suis pas tout à fait sûre.
Au Canada, il y a de nombreuses raisons politiques à cela, mais les organismes de réglementation ont opté pour l’examen NCLEX. C’est un examen normalisé. C’est un examen fondé sur les compétences de base et les normes. Il a fait l’objet de tests approfondis de mesure des résultats. Il reste à savoir si l’examen a été suffisamment adapté au contexte canadien, surtout d’un point de vue francophone. C’est une question que nous posons constamment, mais l’examen a été soumis à des tests rigoureux pour valider le contenu et les normes.
La sénatrice Moncion : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Mégie : C’est une question qui s’adresse à Mme LeBlanc ou Mme Bourgeault.
Le projet pilote auquel on a collaboré et qui était, selon vos dires, taillé sur mesure pour les minorités francophones, a-t-il nécessité l’usage d’interprètes? Si on utilise l’intelligence artificielle et si les gens sont en ligne, est-ce qu’on a besoin d’interprètes, ou le projet pilote est-il tellement taillé sur mesure qu’on n’en aurait pas besoin?
[Traduction]
Mme Bourgeault : C’est une excellente question. Je pense que l’objectif du projet était de montrer où les services en français, en termes de professionnels de la santé, étaient disponibles pour les communautés minoritaires francophones. Au final, on opterait pour une sorte d’approche à plusieurs volets pour combler le manque de disponibilité des services.
Le premier volet serait d’augmenter la proportion de professionnels de la santé qui peuvent fournir des services en français dans ces communautés. Le deuxième serait d’avoir recours à des interprètes ou à différentes formes d’intelligence artificielle de manière très systématique. Le troisième serait de nouer des partenariats avec les communautés qui ont une population francophone mais pas de fournisseurs de soins de santé francophones par l’entremise de la télémédecine de manière beaucoup plus systématique que la méthode ponctuelle que nous avons actuellement.
Le géoportail cernerait clairement où se trouvent ces lacunes, ce qui permettrait de mettre en place des interventions fondées sur des données probantes afin de les combler sur plusieurs fronts grâce à ces trois volets.
Le président : Compte tenu de tous les enjeux qui ont été soulevés ce soir — ma question s’adresse peut-être à Mme LeBlanc —, pensez-vous que des changements devraient être apportés à la formation des infirmières en ce qui concerne l’utilisation de nouvelles technologies, la disponibilité de services adaptés à la langue ou à la culture, l’équité, la diversité et l’inclusion?
Mme LeBlanc : Je suis heureuse de dire que dans l’ensemble du pays, la plupart des universités se penchent déjà sur cette question et ont intégré ces concepts dans leur programme d’études de base. Je ne peux pas parler pour toutes les universités, mais je sais que beaucoup d’entre elles l’ont fait.
Ici à Ottawa, nous avons un nouveau programme qui est sur le point de commencer à l’Université Carleton. L’ensemble de la plateforme correspond exactement à ce que vous venez de dire; elle se penche sur tous ces aspects.
Je pense qu’au cours des prochaines années, nous verrons des changements, mais il faut du temps. Ces infirmières doivent obtenir leur diplôme et pratiquer leur métier, mais la plupart des universités adoptent tous ces concepts.
Le président : Je vous remercie. Merci de vos contributions à cette étude et au système de santé. Nous sommes très fiers d’avoir des infirmières incroyables au Canada qui méritent notre reconnaissance et notre gratitude. Je vous en remercie.
[Français]
Madame Landry, madame Bourgeault, madame LeBlanc, monsieur Bourassa, merci d’avoir été présents chez nous ce soir.
Nous allons suspendre la séance, le temps de remercier nos témoins et de passer à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)