LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 1er décembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue. Je m’appelle Fabian Manning, je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je préside le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.
En cas de difficultés techniques, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation, veuillez en informer le président ou la greffière, et nous nous efforcerons de régler le problème.
Je vais maintenant prendre quelques instants pour présenter les membres du comité qui se sont joints à nous ce matin. Nous pensons que d’autres se joindront à nous sous peu.
La sénatrice Busson : Bev Busson, sénatrice de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Francis : Brian Francis, sénateur de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Ravalia : Bonjour. Mohamed-Iqbal Ravalia, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. Bienvenue et merci d’être ici.
Le président : Avant de poursuivre, j’aimerais demander aux membres qui sont ici de ne pas s’approcher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette s’ils le font. Cela permettra d’éviter les retours de son qui pourraient avoir une incidence négative sur le personnel du comité présent dans la salle.
Le 4 octobre 2022, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a été autorisé à examiner pour en faire rapport les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada. Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, le comité entendra le témoignage des représentants suivants du ministère des Pêches et des Océans : Mme Sara Iverson, professeure, Département de biologie, Université Dalhousie et directrice scientifique, Réseau de suivi des océans; M. David Rosen, professeur adjoint, Institut des océans et des pêches, Université de la Colombie-Britannique; et M. Carl Walters, professeur émérite, Institut des océans et des pêches, Université de la Colombie-Britannique.
Je tiens à vous remercier tous, surtout les gens qui sont en Colombie-Britannique. Nous sommes conscients du fait qu’il est 6 heures chez vous, et nous vous sommes très reconnaissants de prendre le temps de vous joindre à nous ce matin.
Je crois comprendre que M. Walters est un peu malade, mais je veux préciser que nous vous serons reconnaissants du temps que vous passerez avec nous, peu importe la durée. Si vous devez partir, nous comprendrons très bien.
La sénatrice Salma Ataullahjan, de Toronto, en Ontario, vient de se joindre à nous.
Au nom des membres du comité, je vous remercie tous d’être ici aujourd’hui. Je crois comprendre que les trois témoins ont une déclaration préliminaire à faire. Après les exposés, les membres du comité auront des questions à vous poser. Je vais donner la parole d’abord à M. Walters, puis à Mme Iverson et à M. Rosen.
Monsieur Walters, vous avez la parole.
Carl Walters, professeur émérite, Institut des océans et des pêches, Université de la Colombie-Britannique : Permettez-moi de simplement résumer la situation en ce qui concerne la chasse au phoque et sa gestion.
En Colombie-Britannique, pour ce qui est de l’impact des phoques et des otaries sur le saumon et sur les autres populations, un facteur clé par rapport à la situation actuelle, c’est qu’il y a deux fois plus de phoques et d’otaries en ce moment sur la côte qu’il n’y en a eu depuis plusieurs milliers d’années. Les Premières Nations chassaient intensivement le phoque et l’otarie lorsqu’elles ont descendu et conquis la côte de la Colombie-Britannique. Elles maintenaient probablement les populations à un niveau beaucoup plus bas qu’aujourd’hui. Nous pouvons calculer les populations de phoques à rebours jusqu’aux années 1880, et, même à cette époque, elles n’étaient que d’environ la moitié de ce qu’elles sont aujourd’hui.
Les otaries, en particulier, consomment maintenant une biomasse de poisson plus grande que toutes les pêches commerciales de la Colombie-Britannique réunies : elles consomment vraiment beaucoup de poisson. Les phoques en consomment beaucoup moins. Les énormes augmentations des populations de phoques et d’otaries ont commencé au début des années 1970, durant la période de protection des mammifères marins. Il y a une corrélation entre ces augmentations et les déclins, à partir du début des années 1980, de nos populations de saumons quinnat et coho, alors abondantes, qui sont très précieuses et qui soutiennent de grandes pêches sportives ici, dans le détroit de Géorgie, en Colombie-Britannique. Plus récemment, nous avons vu des déclins touchant quelques populations de harengs, ainsi que d’eulakanes, que les otaries ciblent également.
Plusieurs sources de données montrent qu’une forte accumulation de mammifères marins a eu un impact négatif sur les stocks de poissons.
Lorsque le déclin du saumon quinnat et du saumon coho a commencé, en même temps que l’accumulation de phoques, ce fut une période horrible pour quelques ministres des Pêches bien connus. Le ministre Fraser a dû imposer des restrictions sévères à la pêche sportive. Un peu plus tard, le ministre Anderson a essentiellement mis fin à toute la pêche au saumon coho sur la côte de la Colombie-Britannique, ce qui a nécessité la fermeture de beaucoup de pêches au saumon, même au-delà de celles qui ciblaient le saumon coho, simplement pour protéger le saumon coho.
Il y a donc eu un impact généralisé sur la pêche récréative et sportive et beaucoup de fermetures associées au déclin de la survie en mer. Nous savons que c’est le déclin de la survie en mer qui cause ces déclins, et non quelque chose qui se passe en eau douce. Nous faisons le suivi des taux de survie en mer à l’aide d’une estimation des taux de mortalité obtenue au moyen de l’étiquetage, entre autres.
Les pêches commerciales des Premières Nations ont été proposées essentiellement dans le but de rétablir le système qu’utilisaient les Premières Nations à l’origine et de réduire les abondantes populations de mammifères marins actuelles d’au moins la moitié pour les ramener à un niveau semblable à ce qu’il était pendant la majeure partie du XXe siècle et probablement depuis plusieurs millénaires, et ce, afin de créer une valeur économique découlant d’une chasse au phoque soutenue et de rétablir une partie de la valeur économique des populations de saumon, en particulier celles qui ont subi l’impact des animaux marins.
Le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, a en grande partie écarté ces propositions, en affirmant qu’elles n’étaient pas viables économiquement. À l’heure actuelle, les Premières Nations peuvent obtenir des permis de chasse au phoque et aux otaries — 15 par personne —, mais seulement à des fins alimentaires et cérémonielles. Le simple fait de supprimer cette restriction et de leur permettre d’utiliser les animaux à des fins de vente inciterait les Premières Nations de la Colombie-Britannique à rétablir une pêche autochtone durable.
C’est tout ce que je voulais dire. J’espère que je n’ai pas pris trop de temps.
Le président : Non, monsieur Walters, ça va. Nous passons maintenant à Mme Iverson.
Sara Iverson, professeure, Département de biologie, Université Dalhousie et directrice scientifique, Réseau de suivi des océans, à titre personnel : Merci et bonjour à tous.
On m’a demandé de donner un aperçu de ma formation universitaire, de mes recherches et de mon expertise. J’ai un baccalauréat en zoologie de l’Université Duke et un doctorat qui m’a été décerné conjointement par la Smithsonian Institution à Washington et par l’Université du Maryland. Après avoir fait des recherches postdoctorales au Centre médical de l’Université Georgetown, à Washington, et à l’Institut canadien de la technologie des pêches de Halifax, en Nouvelle-Écosse, je suis devenue professeure au Département de biologie de l’Université Dalhousie en 1994. J’ai d’abord participé au Programme des professeures-boursières du CRSNGC, ou Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, puis j’ai eu une bourse commémorative E.W.R. Steacie du CRSNGC, un prix Killam et une chaire de recherche universitaire.
En 2008, je suis devenue cheffe de projet et directrice scientifique du Réseau de suivi des océans, et j’occupe ce poste depuis sa création. Le Réseau de suivi des océans est une plateforme mondiale de recherche, de technologie, de gestion des données, de conservation et de partenariat relative au milieu aquatique située à l’Université Dalhousie, et c’est devenu le plus important réseau de suivi des animaux aquatiques au monde. Il contribue à l’intendance et à l’utilisation durable des espèces aquatiques en fournissant des connaissances sur les déplacements, les interactions et la survie des animaux en fonction des conditions environnementales. Le Réseau compte maintenant parmi les Initiatives scientifiques majeures du Canada, et il s’agit du seul établissement de recherche national au Canada atlantique.
Je suis professeure affiliée au College of Fisheries and Ocean Sciences de l’Université de l’Alaska à Fairbanks depuis 2005 et membre du conseil d’administration d’Éditions Sciences Canada, qui est le plus important éditeur de revues internationales au Canada. En 2018, j’ai été élue membre de l’Académie des sciences de la Société royale du Canada.
Pour ce qui est de mes recherches et de mon expertise, je dirige un programme de recherche en écologie physiologique qui a fait progresser l’utilisation des outils, y compris les traceurs biochimiques, les mesures énergétiques et les études de suivi, permettant de mieux comprendre la biologie des vertébrés marins et les réseaux trophiques dont ils font partie. Les mammifères marins, et en particulier les phoques, sont mon principal sujet de recherche, en raison de leurs stratégies uniques de reproduction et de cycle de vie. J’ai aussi étudié les ours polaires et les oiseaux de mer. Depuis 32 ans, en collaboration avec des collègues du MPO, je codirige un programme de recherche et de formation à long terme sur l’énergétique de la reproduction, l’écologie de l’alimentation et l’histoire du cycle de vie des phoques gris et, auparavant, des phoques communs sur l’île de Sable, en Nouvelle-Écosse.
En collaboration avec le Réseau de suivi des océans, et avec le MPO, nous avons également mené des études pilotes en utilisant de nouvelles techniques de suivi pour nous servir des phoques gris comme de « biosondes » afin d’étudier leurs déplacements et leurs interactions avec d’autres espèces de phoques et des poissons étiquetés dans le nord-ouest de l’Atlantique. J’ai également travaillé sur les phoques à capuchon dans le nord‑ouest de l’Atlantique, les otaries de Californie, les otaries à fourrure de l’Alaska et les phoques moines dans les îles hawaïennes.
Enfin, dans le contexte de tous ces travaux, en 2004, j’ai dirigé l’élaboration d’une méthode appelée « analyse quantitative de la signature des acides gras » qui peut servir à évaluer le régime alimentaire des animaux marins à partir de petites biopsies de leurs réserves de graisse. Cette méthode peut servir à évaluer le régime alimentaire des individus sur des échelles temporelles pertinentes par rapport aux processus et à la variabilité écologiques et est maintenant utilisée pour évaluer le régime alimentaire d’un certain nombre de vertébrés marins, y compris de nombreuses espèces de phoques, les ours polaires et les épaulards.
Sur ce, je serai heureuse de répondre à vos questions si je suis capable. Merci.
Le président : Merci, madame Iverson. Monsieur Rosen?
David Rosen, professeur adjoint, Institut des océans et des pêches, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Bonjour et merci au comité de m’avoir invité. Très brièvement, j’étudie les pinnipèdes et d’autres mammifères marins depuis plus de trois décennies. Je m’intéresse à leur bioénergétique, à leur physiologie et à leur nutrition. J’ai fait ma maîtrise et mon doctorat à l’Université Memorial de Terre‑Neuve. Pour mettre les choses en contexte, le début de la recherche doctorale sur la colonie de phoques au Centre des sciences océaniques a coïncidé avec le début du moratoire sur la morue en 1992.
Depuis 1996, je travaille à l’Université de la Colombie-Britannique et je suis professeur adjoint à l’Institut des océans et des pêches.
Mes recherches actuelles se situent principalement dans le domaine de la physiologie de la conservation, portent sur les espèces marines menacées et se font en grande partie sur des animaux sous garde humaine dans le cadre d’études contrôlées dans des conditions de laboratoire.
En plus d’essayer de comprendre les effets des changements environnementaux sur les mammifères marins à l’échelon de l’individu et de la population, je travaille à l’élaboration et à la mise à l’essai d’outils et de techniques d’étude des animaux sauvages. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions du comité si je suis à même de le faire. Merci.
Le président : Merci, monsieur Rosen, et merci à tous nos témoins. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous accueillons ce matin des gens qui ont beaucoup d’expérience. Nous avons certainement hâte de discuter avec vous. Nous allons commencer par les questions de notre vice-présidente, la sénatrice Busson, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Busson : Comme l’a dit notre président, lorsque nous nous réunissions virtuellement, j’ai eu des réunions à 6 heures moi aussi. Je suis avec vous en esprit, à 6 heures du matin. Je sais ce que c’est. J’espère que ma question vous intéressera et que vous pourrez y répondre.
Des représentants de Pêches et Océans Canada et d’autres groupes qui ont comparu devant le comité nous ont expliqué que les recherches actuelles visaient en grande partie à comprendre comment les phoques et le saumon du Pacifique interagissent dans la région de la mer des Salish, en Colombie-Britannique. À votre avis, y a-t-il d’autres régions de la côte du Pacifique qui seraient particulièrement intéressantes et utiles pour les chercheurs qui étudient les phoques et les otaries?
Par ailleurs, les scientifiques canadiens collaborent-ils parfois avec leurs partenaires du Nord, en Alaska, aux États-Unis, dans le cadre de la recherche sur les phoques?
M. Walters : Il y a pas mal de collaboration, surtout avec les gens du Sud, Puget Sound et l’État de Washington. Le reste de la mer des Salish se trouve dans le Nord, bien sûr.
Je ne pense pas que les préoccupations concernant les mammifères marins soient aussi grandes en Alaska, alors il n’y a pas beaucoup de recherche là-bas sur les impacts de l’augmentation des populations de phoques.
Les Premières Nations de Haida Gwaii et d’autres régions ne cessent de soulever des préoccupations au sujet de la forte mortalité anticompensatoire au sein des populations de saumons roses et de saumons kéta dans de nombreux petits cours d’eau de la côte Nord. Les Premières Nations observent ce qui se passe et disent qu’elles voient des troupeaux d’otaries ou de phoques prendre d’assaut un cours d’eau où les saumons attendent de frayer. Ils vont frayer en amont et la population est tout simplement décimée, d’après les Premières Nations. Cette année, nous avons vu un exemple spectaculaire de situation où le saumon rose ne pouvait pas remonter les cours d’eau à cause du faible débit d’eau. C’est sûr que c’est préoccupant. Le phénomène n’a pas été documenté scientifiquement. De nombreuses études ont été menées au fil des ans sur le nombre de saumons qui sont mangés par les phoques et les otaries lorsqu’ils remontent les rivières pour frayer, et les phoques et les otaries se rassemblent pour faire un repas facile.
Le chiffre que nous utilisions habituellement dans le passé, établi par comptabilisation du nombre de poissons qu’il y avait au départ, entre autres, suppose un taux de mortalité d’environ 20 % en raison de ce genre de prédation. Ce n’est pas suffisant pour décimer une population de saumons. Certaines de ces populations de quinnats et de cohos ont diminué de plus de 90 %. Pour que cela se produise, il faut qu’il y ait eu une forte augmentation du taux de mortalité juvénile au cours de leur première année dans l’océan.
M. Rosen : Je suis d’accord pour ce qui est de l’accent mis sur l’endroit où se fait la recherche sur le saumon et les pinnipèdes : c’est principalement dans la mer des Salish. C’est en partie en raison de l’intérêt pour les épaulards résidents du sud et de leur place dans l’ensemble de l’écosystème. Comme vous le savez probablement, il y a encore de grandes lacunes dans les connaissances sur la migration du saumon à l’extérieur de la mer des Salish. Les interactions avec les pinnipèdes sont à peu de choses près un mystère parce que le saumon est un peu un mystère aussi. Il y a pas mal de collaboration entre les scientifiques canadiens et américains en Alaska en ce qui concerne les otaries de Steller, bien sûr, parce que c’est une espèce en péril dans l’Ouest de l’Alaska, et que les otaries de la Colombie-Britannique, dont la population est en croissance, font partie de la population de l’Est, qui chevauche également l’Alaska.
La sénatrice Busson : Pour poursuivre ma question, je pense que je devrais m’adresser à M. Walters. Vous avez mentionné, monsieur Walters, que, d’après vos recherches et vos estimations, la quantité de saumons attrapés par les otaries — je crois que vous avez dit les otaries — dépassait le nombre de saumons capturés dans le cadre de la pêche commerciale.
M. Walters : Oui, la différence est spectaculaire. Elle est en partie attribuable à la réduction des pêches. Mais ce n’est pas seulement le saumon. Les otaries mangent beaucoup plus de hareng que nous n’en pêchons et probablement plus de merlu que nous n’en pêchons, entre autres. C’est un important facteur de mortalité. Cela ne veut pas dire que c’est une mauvaise chose. Le fait est simplement qu’ils en mangent beaucoup.
J’aimerais ajouter quelque chose à ce que M. Rosen a dit, et c’est lié au travail de Mme Iverson. Le Réseau de suivi des océans est probablement l’avenir de notre science, c’est-à-dire pour vraiment essayer de comprendre où et quand les choses se passent, où et quand les animaux sont exposés à des risques de prédation relativement élevés, et ainsi de suite. Mme Iverson devrait intervenir parce qu’elle a peut-être des choses à dire sur ce qui se passe sur la côte du Pacifique à cet égard.
La sénatrice Busson : J’en serais heureuse, si c’est ce qu’elle souhaite.
Mme Iverson : Je ne suis pas aussi à l’aise de parler de la côte du Pacifique. Mon travail a davantage porté sur l’Atlantique. Je peux vous parler de cela et vous dire ce que nous avons appris en étiquetant des phoques dans l’Atlantique.
M. Walters : Ce qui se passe ici, pour vous donner une idée très générale de l’impact du phoque sur le poisson, c’est que nous nous servons principalement de deux types de données. Nous utilisons des données sur l’accumulation de mammifères marins qui se produit sur les deux côtes et sur la composition de leur régime alimentaire pour obtenir des estimations de la quantité qu’ils mangent. Certaines de ces estimations font peur, comme je vous le disais.
L’autre aspect, c’est que nous envisageons directement les méthodes d’estimation du taux de mortalité au sein des populations de poissons en fonction du taux de retour des étiquettes et parfois à partir d’étiquettes de suivi de la mortalité et de choses du genre; dans le cas du saumon, nous utilisons surtout la micromarque magnétisée codée.
Sur la côte Est, je participe à quelques études sur les effets des phoques sur les stocks de morue, ceux qui se trouvent près de l’île de Sable, les stocks de l’ouest du golfe et les stocks de la zone 3NO dans la partie sud de la Nouvelle-Écosse. Ces études utilisent les renseignements sur la composition par âge provenant des enquêtes halieutiques et les changements touchant la composition par âge pour estimer les changements des taux de mortalité. Nous essayons d’établir une corrélation entre ces changements des taux de mortalité et les changements du nombre de mammifères. Nous essayons de contre-valider les changements touchant la mortalité corrélative que nous constatons avec les taux de mortalité absolus que nous calculons à partir du régime alimentaire et du taux de consommation alimentaire. Nous avons en effet ces deux façons semi‑indépendantes d’examiner ce qui se passe.
J’aimerais ajouter une dernière chose importante. Bien que les études utilisant ces deux méthodes d’estimation différentes soient concordantes, cela n’implique pas que la réduction des populations de mammifères marins entraînerait une diminution du taux de mortalité des proies. Il y a un gros malentendu à ce sujet, et la raison en est que nous ne savons pas combien de poissons que prennent ces mammifères sont ce que nous appelons des poissons condamnés, c’est-à-dire des poissons prédisposés à la vulnérabilité aux prédateurs en raison de maladies qui les tueraient en quelques jours si un mammifère marin ne les mangeait pas. Nous ne pensons pas du tout que ce soit le seul facteur de mortalité. Nous pensons qu’il y a beaucoup de mortalité supplémentaire, en fait. Nous pensons que ces mammifères mangent beaucoup de jeunes saumons, d’eulakanes et de harengs en santé, entre autres.
La seule façon de prouver ou d’infirmer l’hypothèse selon laquelle il s’agit d’une mortalité supplémentaire est de faire une expérience de réduction à très grande échelle. Il y a maintenant énormément de recherches sur les maladies qui montrent que les poissons sont bel et bien porteurs de maladies, et que les poissons qui sont malades sont plus susceptibles de se retrouver dans le régime alimentaire des mammifères marins, et ainsi de suite. C’est purement corrélatif. Cela ne répond pas à la question de savoir s’il s’agit effectivement de mortalité supplémentaire.
Ceux d’entre nous qui participent à ces études sur la côte Ouest considèrent qu’il s’agit d’une version à grande échelle de ce que nous appelons une expérience de gestion adaptative… comme étant la façon de… nous n’avons pas besoin d’un tas d’autres études de recherche plus détaillées sur de meilleures données concernant le régime alimentaire et des choses de ce genre. Ce qu’il nous faut, c’est une expérience. Voyons sur le terrain ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
La sénatrice Busson : À titre de précision, pour ceux d’entre nous qui n’ont pas de diplôme en biosciences, l’expérience dont vous parlez vous aiderait à établir un lien direct entre le nombre de mammifères marins et le taux de prédation? Est-ce bien ce que je dois comprendre?
M. Walters : Oui, si nous réduisons les populations de mammifères marins de moitié environ sur la côte de la Colombie-Britannique, pour les ramener à des niveaux qui seraient productifs et durables pour la récolte de ces mammifères marins, nous avons des prévisions relatives à l’incidence que cela aurait sur le taux de mortalité, qui pourrait être mesuré notamment au moyen d’études avec marquage et par l’abondance des populations de saumons que nous verrions remonter les cours d’eau. Donc, quelques années après la réduction des populations de mammifères marins, nous devrions savoir si un effet de mortalité supplémentaire a été réduit ou non.
La sénatrice Busson : Merci beaucoup.
M. Walters : Je dois insister sur le fait qu’il n’y a pas d’autre possibilité. C’est comme les bons vieux postulats de Koch pour l’étude des maladies. Au bout du compte, il faut une preuve concrète. Il faut pouvoir inoculer l’hôte pour prouver que l’organisme pathogène est la cause de la maladie.
M. Rosen : Sans vouloir me lancer dans un débat avec M. Walters au sujet de sa grande expérience, à l’égard de laquelle nous avons des opinions divergentes, je tiens quand même à souligner que, du moins sur la côte Ouest, le principal facteur d’augmentation des populations de mammifères marins est en fait le rétablissement de populations qui avaient été artificiellement supprimées par les activités humaines d’abattage et de chasse.
Il y a beaucoup de preuves que les populations sont en train de se rétablir au sein d’un écosystème modifié. Il est fallacieux de considérer la chose comme une croissance incontrôlée des populations de pinnipèdes ou d’autres mammifères marins. Ce n’est pas ainsi que les systèmes fonctionnent.
La sénatrice Cordy : Je remercie nos témoins, qui sont debout — deux d’entre vous, du moins — très tôt ce matin.
Nous avons entendu des témoins de l’industrie de la pêche, et nous avons entendu des témoins du ministère des Pêches et des Océans mardi soir. En ce qui concerne la pêche sur la côte Est, y compris au Québec, avec la fermeture de la pêche à la morue, nous nous attendions à ce que la population de morues augmente considérablement une fois la pêche fermée, et on nous a dit que cela ne s’est pas produit. Les chiffres sont stagnants, ou il y a eu une lente augmentation de la population de morues du Nord; ailleurs, il n’y a pas eu d’augmentation et, à certains endroits, la population a en fait diminué. Les témoins ne nous ont pas présenté de corrélation entre le nombre de phoques et le nombre de poissons, mais, en tout cas, lorsque nous avons parlé aux témoins qui travaillaient dans l’industrie de la pêche, eux pensaient qu’il y avait un lien direct entre, d’une part, la population de phoques et la quantité de morues qu’ils mangeaient et, d’autre part, la diminution de la population de morues.
Madame Iverson, vous êtes de la côte Est. Voyez-vous une corrélation, ou n’y en a-t-il pas, entre l’augmentation du nombre de phoques et la stagnation des stocks de morue?
Mme Iverson : Merci.
Le fond de l’histoire, c’est qu’il est très risqué de considérer l’écosystème comme étant composé de deux espèces, c’est-à-dire un seul prédateur, le phoque, et une seule proie. Si vous regardez le réseau trophique et toutes les interactions avec la morue de l’Atlantique et du Nord, vous verrez qu’il ressemble à une toile d’araignée. Il y a vraiment beaucoup de liens. Il est vraiment important de comprendre que, par exemple, lorsque la population de morue de l’Atlantique Est s’est effondrée et que le moratoire a commencé, c’est exactement à ce moment-là que la population de phoques gris a commencé à augmenter de façon exponentielle. Je parle de l’époque où il n’y avait pas de morue.
Ce qu’on pense, c’est que c’est la réduction de la prédation par la morue de poissons-fourrages très importants et riches en gras, comme le lançon, le capelan et le sébaste, qui a accéléré le retour des phoques gris à sa population antérieure à la période de récolte très intensive.
Il est important aussi de ne pas oublier que les phoques sont visibles. Ils viennent à la surface, et les pêcheurs les voient. Il y a beaucoup de très grandes espèces qui mangent aussi du poisson… d’autres poissons… Les baleines, comme le petit rorqual, le globicéphale, le rorqual commun, le marsouin, le dauphin et le requin, doivent tous manger des poissons, par exemple des thons et des espadons. Ce sont tous des prédateurs très importants du poisson dans l’écosystème.
Il est tout simplement faux de penser que la solution simple consistant à éliminer un seul de ces prédateurs, c’est-à-dire les phoques, fera prendre aux choses une tournure que nous pouvons prévoir.
Essayer de mener une expérience en pleine mer semble très bien sur papier, mais, en pratique, je ne pense pas que ce soit possible. Les phoques, les autres mammifères marins et les requins sont des espèces très mobiles. Nos études de suivi nous ont appris que les phoques gris, par exemple, ciblent certaines zones et se déplacent entre elles pour atteindre les zones où ils veulent aller se nourrir.
Je pourrais également vous parler de certaines des études dans le cadre desquelles nous avons suivi des phoques gris et d’autres poissons étiquetés pour savoir ce qui leur arrivait. Quoi qu’il en soit, c’est une question très complexe.
La sénatrice Cordy : Notre étude porte sur les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada, donc y a-t-il moyen de déterminer s’il y a une corrélation?
Mme Iverson : Oui, je crois qu’il y en a une. J’ai travaillé en étroite collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans pendant presque toute ma carrière universitaire. Nous avons établi un excellent partenariat. Il y a des scientifiques formidables.
Cela dit, j’ai toujours cru comprendre qu’il n’y avait pas de fonds réservés à la recherche sur les phoques. Le milieu universitaire et les scientifiques du MPO ont travaillé très fort pour essayer de réunir les fonds dont nous avons besoin pour comprendre véritablement des choses comme les régimes alimentaires, la recherche de nourriture et les interactions. Par exemple, il est essentiel de connaître le régime alimentaire de chaque segment de la population. Des études antérieures nous ont appris que le régime varie en fonction du sexe et de la saison, et il est certain que les jeunes auront un régime différent de celui des adultes. En fait, le dernier programme à grande échelle visant à déterminer le régime alimentaire des phoques date d’environ 15 ans.
Ainsi, nous avions cela et nous avons collaboré avec les pêcheurs pour recueillir divers types d’échantillons et toutes sortes de choses, mais nous n’avons pas les ressources nécessaires pour les analyser. L’étude sur les biosondes dont j’ai parlé était en fait un projet pilote de validation de principe dans le cadre duquel nous avons montré les relations entre les phoques gris et les morues marquées qui, soit dit en passant, n’ont pas été mangées par les phoques, mais cela nous a révélé des points chauds de recherche de nourriture. Nous avons également marqué le thon qui cherche de la nourriture dans les mêmes zones que le phoque gris, probablement le même genre de proies.
L’écosystème a été modifié de façon spectaculaire, sans aucun doute par l’activité humaine, et il se modifie de façon spectaculaire sous l’action des changements climatiques et des changements dans les populations de poissons. En l’absence des ressources requises pour comprendre ce qui se passe actuellement, nous ne pouvons pas vraiment prendre la décision éclairée qui s’impose.
Il y a d’énormes lacunes sur le plan de la recherche; elles pourraient être comblées, et cela pourrait aider le comité.
La sénatrice Cordy : Cela devrait peut-être figurer parmi nos recommandations dans notre rapport final.
A-t-on mené des travaux — je viens de la côte Est, alors je vais parler de la pêche à la morue — pour savoir pourquoi les stocks de morue sont relativement stagnants? Une petite augmentation par-ci et une diminution par-là, mais ils sont relativement stables après 40 ou 50 ans.
Mme Iverson : Nous avons récemment reçu de petites subventions, et nous avons collaboré avec l’industrie, le Conseil du poisson de fond de l’Atlantique et le MPO, entre autres, pour commencer à étudier la question. Nous avons ciblé les populations de morue du Nord parce qu’elles présentent des signes d’un rétablissement possible.
Nous avons établi un partenariat de collaboration en vue de ne pas relancer immédiatement la pêche de cette espèce, et pour vraiment comprendre la structure des stocks, le moment et l’endroit où a lieu la fraye, les moments où nous devons laisser le poisson tranquille et ceux où nous pouvons peut-être le pêcher. Cela vient tout juste de commencer. Le problème s’explique en partie par la pandémie, le travail limité sur le terrain et les ressources restreintes. À présent, il y a littéralement des centaines de morues qui sont marquées. Nous avons installé des récepteurs. Nous avons des planeurs sous-marins qui, avec l’Ocean Tracking Network, ou OTN, transportent des récepteurs actifs. Nous essayons de comprendre la nature et la taille de la population, et en quoi elle pourrait être en voie de rétablissement.
Ces renseignements seront vraiment importants au moment d’essayer de mettre en place dans l’avenir, si tout se passe bien, une pêche durable, ce que nous souhaitons tous.
La sénatrice Cordy : Merci.
Le président : Avant de céder la parole au sénateur Ravalia, j’aimerais poser une question qui fait suite à celle de la sénatrice Cordy.
Le comité a entendu les témoignages de chercheurs qui ont dit que le financement pluriannuel des projets de recherche est une chose rare, et que le financement annuel est beaucoup plus fréquent. En règle générale, est-ce que le financement de vos projets de recherche sur les phoques est alloué une année à la fois, ou est-il alloué pour la durée de l’étude ou du projet? Quels sont les avantages et les inconvénients du mode de distribution des fonds de recherche?
M. Rosen : Je serais heureux de vous donner mon point de vue personnel.
En général, il s’agissait d’un financement à la pièce. Du financement à court terme, de sorte qu’il est difficile de planifier ou de soutenir le type de recherche qui doit être menée. Les scientifiques du MPO de notre région ont travaillé en étroite collaboration avec nous pour essayer d’obtenir du financement, mais il est très difficile de planifier des études efficaces en laboratoire ou sur le terrain dans de telles conditions.
Il y a un peu de financement à plus long terme pour certains projets précis, et il y a certaines demandes de propositions, mais elles sont généralement peu nombreuses.
Il y a des scientifiques à l’extérieur du MPO qui peuvent faire de la recherche de soutien. Ils ont la spécialisation ou l’intérêt requis, ils peuvent prendre le risque et ils disposent peut-être d’étudiants de cycles supérieurs pour mener les recherches. Toutefois, le soutien n’est pas suffisant pour permettre de mener ce type de recherche à ce stade-ci, de façon générale.
De plus, j’aimerais simplement revenir à la question précédente pour souligner quelque chose. Mme Iverson a parlé des réseaux trophiques complexes. Elle a aussi mentionné — et je crois qu’il est important de réunir ces deux éléments — que le système est en train de changer. Nous ne comprenons pas vraiment de quelle façon l’écosystème va changer à cause de l’activité humaine. Nous ne comprenons pas non plus l’incidence que ces changements auront sur les populations de prédateurs ou de proies — je m’inquiète davantage pour les populations de phoques prédateurs — ainsi que sur leurs choix alimentaires et leur comportement de recherche de nourriture.
Mme Iverson : Je suis d’accord avec M. Rosen pour dire que le financement de la recherche est généralement un financement à la pièce. Par exemple, si je n’ai pas pu répondre aux questions sur les travaux de l’Ocean Tracking Network dans le Pacifique concernant les interactions prédateur-proie des phoques, c’est parce qu’il n’y avait tout simplement pas de financement pour la recherche; il n’y en a jamais eu. Ainsi, nous sommes parvenus à nous appuyer sur le financement mutuel dont nous disposions dans l’Atlantique Nord-Ouest.
Les activités d’exploitation et d’entretien de l’OTN sont financées pour qu’il réponde aux besoins du milieu de la recherche, mais nous ne recevons pas systématiquement de fonds de recherche pour les jumeler à notre infrastructure. Par conséquent, nous nous efforçons constamment de travailler avec nos partenaires autochtones, le MPO et nos partenaires de l’industrie pour tenter de réunir les fonds requis pour examiner les questions qui doivent vraiment être examinées, surtout en cette période de changements climatiques. Comme l’a dit M. Rosen, les écosystèmes sont en train de changer radicalement. Les espèces se déplacent vers le nord. À l’heure actuelle, nous n’avons aucune idée de la façon dont cela change le régime alimentaire et les habitudes de recherche de nourriture des prédateurs de niveau trophique supérieur.
M. Walters : Au cours de ma très longue carrière, j’ai assisté à d’innombrables réunions auxquelles participaient des scientifiques comme M. Rosen et Mme Iverson. En gros, ils croient que tout est très complexe, qu’il faut tout comprendre avant d’agir et qu’il faut plus d’argent pour la recherche. N’est‑ce pas? C’est ce qu’on entend. Comment est-ce possible de faire quoi que ce soit?
Pensez-y : nous n’avons d’autre choix que d’agir avant d’avoir tout compris. Attendre que les scientifiques nous donnent une réponse dans peut-être 100 ans ou quelque chose du genre n’est pas une option. L’alternative consiste, soit à continuer à laisser quelques-unes de ces populations se dégrader jusqu’à un très bas niveau — voire jusqu’à l’extinction, comme c’est le cas pour les stocks de morue au large de l’île de Sable —, soit à tenter de prendre des mesures qui pourraient dans certains cas inverser la tendance au déclin.
À l’heure actuelle, ici, sur la côte du Pacifique, tout le monde attribue le déclin du saumon aux changements climatiques, même si des données pour le moins convaincantes d’un point de vue statistique démontrent que le climat n’en est pas la cause; aucune des variables climatiques que nous connaissons n’est une bonne indication des déclins que nous observons. Bon nombre de ces déclins ont commencé bien avant que certaines variables climatiques aient commencé à changer.
Nous disposons d’une sorte de preuve irréfutable quant à un agent de mesure de la mortalité sur lequel nous pouvons intervenir et que nous pourrions inverser un peu; nous pouvons améliorer les choses. Cela ne signifie pas qu’il faut modifier tout l’écosystème ou décimer quoi que ce soit. Cela veut simplement dire qu’il faut agir avant d’avoir tout compris. Il n’y aurait pas de pêches du tout si les scientifiques vous disaient comment gérer les pêches, n’est-ce pas?
Le président : Merci, monsieur Walters.
M. Walters : L’étendue des choses que nous ne comprenons pas est infinie.
Le président : Merci.
Le sénateur Ravalia : Merci aux témoins. Ma première question s’adresse à Mme Iverson.
En ce qui concerne la nature dynamique de l’écosystème, avez-vous remarqué des changements dans les habitudes alimentaires des phoques et des autres populations de pinnipèdes que vous étudiez? Je pose cette question en me fondant sur des informations que j’ai reçues de pêcheurs qui disent à présent que, vu le déclin des stocks de morue, les phoques consomment toutes les autres espèces, y compris le crabe, qui ne faisait pas partie de leur alimentation par le passé.
Mme Iverson : Merci de votre question.
Comme je l’ai dit, il y a environ 15 ans, le financement a pris fin, mais nous avons fait des études très exhaustives sur le régime alimentaire. Bien sûr, pour effectuer des études à ce sujet, il faut recourir à divers outils, pour la simple raison que, généralement, nous ne pouvons pas observer la population se nourrir sous l’eau. Nous avons donc utilisé un ensemble d’analyses des matières fécales, des contenus stomacaux, des acides gras et des isotopes stables. Nous avons démontré que le régime alimentaire varie selon le sexe et les saisons. C’était à une époque où les choses ne changeaient pas aussi rapidement qu’aujourd’hui, mais depuis, disons, 10 ou 15 ans, nous n’avons pas reçu le financement requis — je suis désolée — pour simplement analyser les échantillons que nous avons prélevés.
Pour ce qui est d’évaluations récentes et fiables du régime alimentaire, je ne suis vraiment pas en mesure de vous en parler en cette période de changements rapides.
Le sénateur Ravalia : Merci.
Ma deuxième question s’adresse à M. Rosen. Encore une fois, à la lumière de vos recherches, pouvez-vous nous aider à établir s’il y a eu un changement dans la biomasse réelle des espèces qui sont consommées par les phoques et d’autres populations de pinnipèdes? Vous avez mentionné vos analyses des acides gras et ainsi de suite, mais est-ce qu’on assiste à un changement dans le dynamisme de l’écosystème ou à un changement causé par la surconsommation de certaines espèces? Constatez-vous un changement dans les habitudes alimentaires?
M. Rosen : Malheureusement, mes recherches ne portent pas là-dessus. Je crois que Mme Iverson a déjà abordé la question. En gros, mes recherches portent sur la façon dont diverses espèces de mammifères marins ont modifié leur régime alimentaire et d’autres choses en fonction des changements environnementaux. Ce que nous avons constaté au sein d’autres systèmes, c’est que les pinnipèdes et les baleines changent leur régime alimentaire lorsque leurs ressources en proies changent. Mais je n’ai pas étudié cela dans le cas précis des eaux canadiennes. Peut-être que Mme Iverson peut répondre à cette question.
Mme Iverson : Là encore, nous n’avons pas mené d’études au cours des 10 ou 15 dernières années, donc je ne peux pas parler des changements récents.
Le sénateur Ravalia : Merci.
Ma dernière question s’adresse à M. Walters. Vous avez mentionné que, selon vos études, la population d’otaries et de phoques avait doublé. Vous avez aussi mentionné la possibilité que les choses s’équilibrent si la chasse commerciale au phoque était rétablie. Pourriez-vous nous donner des précisions au sujet d’un échéancier? Y a-t-il un marché pour la chasse commerciale au phoque en Colombie-Britannique et à l’étranger? Est-ce que quelque chose nous échappe?
M. Walters : Je vais répondre à quelques questions qui ont été posées.
Le MPO dispose de programmes de surveillance à long terme — un programme exceptionnel sur la côte Ouest — visant le dénombrement des phoques et des otaries au moyen de méthodes de relevé aérien. Cela a commencé au début des années 1970.
Les populations de phoques n’ont pas doublé; elles se sont multipliées par presque 10. Les populations d’otaries affichent une augmentation comparable. On parle d’augmentations énormes, pas d’une multiplication par deux.
De plus, des scientifiques du MPO étudient toutes ces populations de poissons; ils procèdent à des évaluations des stocks et en font rapport. Sur la côte Est, il y a un groupe de scientifiques très compétents qui examinent chaque stock de morue. Ils examinent les données de relevés concernant ces populations, et ils s’en servent pour évaluer l’évolution des taux de mortalité au fil du temps. J’ai participé à trois études sur l’évolution des taux de mortalité naturelle de la morue par rapport aux changements quant aux risques de prédation, entre autres.
On recueille actuellement énormément de renseignements de base concernant à tout le moins la façon dont les taux de processus qui déterminent l’évolution de la population varient effectivement au fil du temps, et non sur la façon dont on pourrait prévoir leur évolution à l’aide de divers modèles.
Quelle était l’autre question?
Le sénateur Ravalia : Elle portait sur la viabilité du rétablissement de la chasse commerciale au phoque. Est-ce que cela contribuerait à équilibrer l’écosystème, à votre avis?
M. Walters : À l’heure actuelle, il y a environ 100 000 phoques sur la côte. Si la population était réduite de moitié, selon la théorie de la dynamique des populations appliquée à la pêche durable, il serait possible de capturer environ 10 % de la population. On pourrait chasser durablement environ 10 000 phoques par année à long terme. Si les Premières Nations les géraient de façon plus ou moins durable, ce serait probablement le taux de capture qu’elles atteindraient pour ce qui est du phoque; environ 10 % par année.
Il est assez facile de mettre en place un système de gestion tirant parti des données de surveillance continue concernant le nombre de phoques et permettant de hausser ou d’abaisser le total autorisé de captures annuel pour faire en sorte que la population demeure près du niveau cible.
Ces populations de mammifères changent plus lentement que les populations de poissons. Elles sont donc plus faciles à gérer de façon durable. Elles sont plus faciles à surveiller. Elles ne sont pas invisibles sous l’eau; elles sont hors de l’eau aux endroits où on peut effectuer un dénombrement. Et la collaboration avec les pêcheurs en vue de recueillir les données de relevés et d’autres choses est très positive.
Le sénateur Ravalia : Merci.
Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup aux témoins. Vous nous aidez énormément, et vous nous confondez, ce qui est bien puisque la confusion est le premier pas vers la compréhension.
Je vous dirai ceci : vos témoignages nous ont rappelé une fois de plus que nous savons très peu de choses au sujet de nos océans, qu’il s’agisse de leur incidence sur les changements climatiques ou de la vie qui s’y trouve. C’est avec beaucoup d’humilité que nous abordons la question des moyens à prendre pour établir des pêches durables ainsi que pour comprendre les répercussions du captage et de la libération du carbone sur les océans. Je suis d’accord pour dire qu’il est important de financer toutes sortes de recherches sur nos océans, mais je comprends aussi la mise en garde de M. Walters selon laquelle nous ne pouvons pas attendre jusqu’au moment où nous saurons tout. Nous en savons beaucoup, alors faisons ce que nous pouvons à cet égard.
Ma question porte sur la relation proie-prédateur. Corrélation n’est pas synonyme de causalité; nous le savons. En ce qui concerne l’augmentation observée des populations de phoques sur la côte Est, le fait que les stocks de morue ne se sont pas rétablis et les doutes soulevés quant aux stocks de saumon, j’essaie de comprendre la question de la concurrence entre prédateurs. Si j’ai bien compris, les phoques et certains poissons se nourrissent de poisson-fourrage, de sorte que nous ne relevons peut-être pas de grandes quantités de saumon ou de morue dans l’estomac des phoques parce qu’ils ne mangent pas le poisson directement; ils se disputent une source de nourriture tierce. À mesure que ces sources de nourriture changent, on pourrait constater une corrélation, mais ce n’est pas un lien de causalité direct. C’est un phénomène tiers.
J’essaie de comprendre; est-ce que cela vous semble logique? Est-ce que le problème, c’est non pas tant que les phoques mangent du poisson, mais que les phoques et le poisson se disputent une autre population, une population de poisson-fourrage? Je m’interroge à ce sujet. Si c’est le cas, le fait de rééquilibrer des populations de phoques — compte tenu de ce que nous avons entendu au sujet de leur nombre antérieur, et peut-être du rééquilibrage — pourrait-il accroître la durabilité en ce qui concerne la morue et le saumon? C’est une question longue et décousue.
Mme Iverson : Je peux peut-être essayer d’aborder quelques‑uns de ces points. Tout d’abord, examinons simplement le point d’aboutissement. Partout dans le monde et tout au long du XXe siècle, il y a eu de nombreux exemples de réductions et de prélèvements à grande échelle de populations de phoques et d’autres mammifères marins dans les écosystèmes océaniques. Dans presque tous les cas, ces prélèvements ont eu des effets complètement inconnus ou nuls sur les stocks de poissons présentant un intérêt, même dans les cas où des réductions importantes des populations de mammifères marins sont survenues.
Étant donné qu’une telle tentative de réduction entraîne d’énormes dépenses; qu’il est peu probable que nous puissions évaluer son efficacité du fait que les principaux prédateurs de poissons sont d’autres poissons; que de très nombreuses autres espèces se disputent les mêmes ressources de poisson; et que ces ressources évoluent conjointement avec les changements climatiques, je ne vois pas comment cela pourrait être évalué. Il faudrait certainement au moins 10 ans pour évaluer une intervention de ce genre, et il faudrait investir d’énormes ressources de façon continue pour procéder à une telle réduction. C’est mon avis quant au point d’aboutissement.
Quant à l’augmentation des populations de phoques, il y a tellement d’autres facteurs qui entrent en jeu que l’établissement d’une corrélation entre une espèce prédatrice et une espèce proie ne nous permettra tout simplement pas d’y arriver.
La voie de l’avenir consiste à mieux comprendre comment ces écosystèmes changent et comment les relations prédateur-proie évoluent. Cela pourrait au moins nous fournir de l’information. Nous savons comment le faire. Nous disposons de méthodes qui nous permettent de procéder au marquage acoustique de nombreux poissons, de les suivre par l’entremise des phoques eux-mêmes, d’observer des événements de prédation — puisque nous pouvons savoir si de tels événements se produisent —, et aussi de laisser les phoques nous indiquer l’emplacement des points chauds de recherche de nourriture. En fait, nous avons soumis une proposition à grande échelle dans le cadre du Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada — le FERAC — pour faire d’une pierre deux coups. Plus précisément, nous utiliserions les phoques comme océanographes. Pendant qu’ils traquent le poisson, nous examinerons leurs interactions et nous recueillerons des renseignements océanographiques à l’appui de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes et afin d’aider le Canada à respecter son engagement.
Il y a des choses que nous pourrions faire pour mieux comprendre ces écosystèmes en évolution, et nous faisons de notre mieux pour y parvenir. Là encore, je pense qu’une simple corrélation entre une espèce prédatrice et une espèce proie ne serait pas très instructive.
M. Walters : Puis-je ajouter quelque chose concernant votre question sur les relations prédateur-proie? Je suis surtout connu pour l’élaboration de modèles relatifs aux réseaux trophiques; des modèles mathématiques qui permettent d’examiner les relations prédateur-proie et leur dynamique en ce qui concerne un grand nombre d’espèces au sein de réseaux trophiques complexes.
Pour essayer de répondre à des questions comme celle que vous avez posée, sénateur, au sujet de l’évolution de la dynamique et de ce qui changera réellement… L’une des choses qui ressortent de la gestion de ces modèles, de la simulation de la gestion de ces systèmes complexes, c’est qu’il est faux de dire que tout est interdépendant.
Il faut faire très attention lorsqu’on s’adresse à deux scientifiques qui sont des physiologistes, et dont la connaissance des réseaux trophiques et de la théorie des relations prédateur-proie est modeste, c’est le moins qu’on puisse dire. Ce que nous montrent ces grands modèles, lorsque nous les exécutons et que nous les adaptons en fonction de données historiques pour des endroits comme la mer des Salish, c’est qu’il y a des interactions dominantes. Il y a des effets dominants d’interactions trophiques localisées, comme les graves répercussions de l’augmentation du nombre de phoques sur le saumon coho et la survie des juvéniles, alors qu’il n’y a pas grand-chose d’autre qui se passe dans le reste du système. Beaucoup d’autres agents de mortalité éliminent un grand nombre de ces bêtes, mais cela n’évolue pas rapidement au fil du temps.
Vous pouvez vous concentrer sur la gestion au sein de réseaux trophiques complexes pour cibler ces interactions nuisibles qui se développent en raison des effets de prédation dépensatoires et de choses du genre sans perturber l’ensemble de l’écosystème.
Ce que nous observons dans le cas des phoques et des otaries, c’est que leur nombre augmente sur les deux côtes, à la faveur d’une base fourragère de petites espèces pélagiques comme le hareng, et d’autres espèces de gadidés relativement productives comme le merlu et la goberge. Voilà ce qui permet aux populations de la côte Ouest de devenir si importantes : manger des tonnes et des tonnes de hareng et de merlu, et du gros saumon, pour dire les choses simplement. Cela représente environ 90 % des aliments qu’ils consomment.
Chaque fois qu’un gros prédateur se trouve au sommet d’un réseau trophique comme celui-ci, il s’agit d’un prédateur généraliste qui peut continuer à pourvoir à sa subsistance grâce à une grande variété de proies, surtout lorsqu’il peut changer et cibler; Sara a mentionné le ciblage spatial très précis des regroupements de telle ou telle proie. La dynamique devient non seulement très complexe, mais le prédateur peut aussi devenir nuisible pour l’une ou l’autre de ses espèces proies. Cela peut aboutir à l’extinction de l’une d’elles. Sa population abondante se maintient à un niveau beaucoup plus élevé que dans un simple système prédateur-proie. Lorsqu’une de ses proies devient moins abondante, il la laisse tomber et passe à une autre. Si tout se passe bien, cela permettra à la proie de se rétablir. Nous l’avons vu dans le cas de quelques stocks de hareng sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique.
L’un de nos problèmes sur la côte Ouest, c’est que la prédation que nous observons à l’égard des saumons quinnat et coho juvéniles n’est pas ciblée. Ils les mangent simplement lorsqu’ils les rencontrent. C’est de la prédation fortuite. Donc, le saumon quinnat et le saumon coho sont pris dans le feu croisé du changement de l’écosystème qui se produit. Ce sont des victimes collatérales, pour ainsi dire.
M. Rosen : Je reconnais assurément l’expertise de M. Walters en matière d’écosystèmes, mais il y a quelques points que j’aimerais tirer au clair.
Premièrement, Mme Iverson a évoqué les abattages de grands mammifères qui ont eu lieu par le passé. Ce n’est pas seulement une question d’opinion. En fait, un document publié par le MPO présente l’historique de ce type de gestion. M. Walters a dit que nous n’avions pas besoin de plus d’information; nous savons quoi faire. Dans une certaine mesure, je comprends cela et je suis tout à fait d’accord avec lui, mais il considère aussi que la conclusion inévitable est que nous devons changer l’écosystème et, dans le jargon qu’on utilise souvent, le rééquilibrer. Je ne suis pas d’accord avec l’expression « rééquilibrer l’écosystème ». Notamment, j’ai de la difficulté avec l’idée que l’écosystème doit être rééquilibré par les humains. De plus, il ne faut pas oublier que nous parlons en fait d’ingénierie des écosystèmes. Nous avons parlé de la complexité de l’écosystème. Le fait de penser que nous pourrions, sur une période de 20 ans, mettre en place une stratégie de gestion permettant de modifier le profil de l’océan afin qu’il corresponde à nos souhaits semble quelque peu utopique, d’un point de vue scientifique.
M. Walters : Vous n’êtes pas ici aujourd’hui en tant que scientifique. Vous êtes ici en tant qu’individu qui exprime des choix de valeurs personnels.
Si vous me posez le même genre de question, je vous dirai que le fait d’essayer d’avoir un écosystème qui produit beaucoup de valeurs humaines est le meilleur écosystème possible, plutôt qu’un écosystème qui a atteint une sorte d’équilibre naturel qui n’est pas nécessairement sain.
Les choses vont continuer à changer. Nous ne réussirons jamais à les gérer complètement. Nous sommes toujours en train d’apprendre, de faire des erreurs et d’en tirer des leçons. Le mieux que nous puissions espérer faire, c’est de cerner les options stratégiques les plus susceptibles de nous mener dans une meilleure direction pendant au moins un certain temps. À l’heure actuelle, ce n’est pas ce qui se passe.
Le sénateur Kutcher : Je ne possède pas le même genre de doctorat que les témoins, et je sais reconnaître quand je suis hors de mon champ de compétence, ce qui est le cas en ce moment.
Les données dont nous disposons sont-elles du type et de la qualité de celles dont nous avons besoin pour effectuer une partie de la modélisation sur la côte Est et pour pouvoir tirer de ses modèles… je me rends compte que les modèles ont aussi des limites. Je me suis plongé dans la modélisation des changements climatiques au cours de l’été, et j’ai renoncé, par désespoir, à l’idée d’essayer de comprendre comment les modèles fonctionnent.
Disposons-nous des capacités requises? Possédons-nous les données dont nous avons besoin? Nos outils analytiques sont-ils suffisamment perfectionnés pour nous permettre d’effectuer une partie de cette modélisation? Je n’ai pas la réponse à ces questions.
M. Walters : Oui, il existe une assez grande équipe de modélisation des écosystèmes qui, je crois, est dirigée par Alida Bundy, une professeure qui a été formée ici, à l’Université de la Colombie-Britannique. Il y a un groupe de recherche sur les écosystèmes.
Ces modèles sont assez incertains. En particulier, les liens trophiques de base que nous utilisons, les taux de consommation d’espèces par d’autres espèces — Mme Iverson vous le dira dans un instant — proviennent de renseignements inadéquats, incomplets et souvent désuets sur la composition du régime alimentaire. Les premières données que nous consultons pour déterminer la force de l’effet de chaque créature sur les autres créatures sont celles sur la composition du régime alimentaire. Comme je l’ai mentionné plus tôt, ces calculs présentent des problèmes liés à l’additivité des effets sur la mortalité.
Oui, il y a une équipe de recherche sur les écosystèmes qui tente de réunir certains de ces renseignements et d’envisager des solutions de rechange. Il existe aussi, sur la côte du Pacifique, des équipes de modélisation des écosystèmes du MPO qui font la même chose. À ma connaissance, on les décourage activement de même envisager des scénarios de manipulation des prédateurs. Certains de leurs modèles statistiques ne tiennent même pas compte de l’abondance de prédateurs comme prédicteurs statistiques de changement touchant la mortalité.
On a beaucoup de partis pris scientifiques, du moins sur la côte du Pacifique, à cet égard.
Mme Iverson : Si vous me le permettez, sénateur Kutcher, oui, nous possédons l’expertise en modélisation qui nous permettrait de répondre à certaines de ces questions. Malheureusement, il y a des lacunes, et je considère qu’une grande partie de nos renseignements sont désuets en raison des changements rapides qui se sont produits au cours de la dernière décennie.
Il existe aussi une énorme lacune au chapitre de nos connaissances sur des aspects comme la mortalité juvénile, la recherche de nourriture par les jeunes et leurs régimes alimentaires. Ils comptent pour une partie très importante de ces populations de phoques; c’est certainement le cas sur la côte Est. Nous ne savons pratiquement rien à ce sujet. Ce sont des données cruciales à intégrer à ce genre de modèles de prédation, de même que le régime alimentaire récent.
Nous en avons la capacité. C’est seulement que la modélisation nous dirait quelle était la situation il y a 10 ans.
Le sénateur Kutcher : Vous avez donc répondu à la question. La qualité et la quantité des données dont vous avez besoin pour alimenter les modèles sont extrêmement problématiques, sans parler du type de modèles utilisés.
Mme Iverson : La qualité des données est bonne. Elles sont en partie désuètes, et une autre partie comporte des lacunes dans la population qu’il est très important de combler, parce que les jeunes se nourrissent très différemment… Ils sont plus petits, alors ils mangent de plus petites proies. Ils se nourrissent probablement à des endroits différents parce qu’ils pourraient être menacés par la concurrence des adultes, certainement des femelles adultes.
Nous savons aussi que la phénologie des naissances, par exemple chez les phoques gris, a changé de façon phénoménale au cours des trois dernières décennies. Les femelles accouchent plus tôt, et, par conséquent, les jeunes partent plus tôt pour aller se nourrir. Il s’agit actuellement d’une boîte noire.
Alors, oui, il est possible d’obtenir des données. Nous ne les avons tout simplement pas pour l’instant.
Le sénateur Kutcher : Excellent. Merci beaucoup.
Le président : Avant de céder la parole à la sénatrice Ataullahjan, je voudrais revenir sur la recherche, car le comité a entendu des chercheurs dire que les partenariats de recherche entre le gouvernement et les universités sont vraiment la voie à suivre. J’aimerais d’abord poser cette question à M. Rosen.
Cependant, le comité a également entendu dire que les chercheurs doivent surmonter de nombreux obstacles administratifs lorsqu’ils demandent des subventions ou qu’ils obtiennent des contrats pour mener des recherches pour Pêches et Océans Canada. Par exemple, le comité a entendu dire que :
Dans le milieu universitaire, nous dépendons, bien sûr, de subventions et de contrats. Parfois, les organiser et les faire passer par les deux bureaucraties — le MPO d’un côté et l’université de l’autre — peut représenter une combinaison presque cauchemardesque, ce qui nuit directement à ce que nous accomplissons d’une année à l’autre.
Nous avons également entendu dire que certains contrats de recherche sont attribués à condition qu’ils n’augmentent pas la charge de travail des scientifiques du ministère, ce qui est difficile à respecter ou à gérer pour les universitaires.
Avez-vous connu des problèmes semblables lorsque vous avez collaboré avec Pêches et Océans Canada à des projets de recherche sur les phoques? De façon générale, quelle a été votre expérience du travail avec le ministère dans le cadre de projets de recherche portant précisément sur les phoques?
M. Rosen : Eh bien, j’ai eu de la chance, c’est-à-dire que mes recherches sur les phoques menés en collaboration avec le MPO ne sont pas passées par les systèmes de demandes de propositions visés. Il est certain que nous avons des problèmes lorsque nous voulons coordonner la recherche avec les scientifiques du ministère pour ce qui est de payer les techniciens et ce genre de choses. Dans le cas de certaines des subventions qui sont offertes, il est difficile d’obtenir du temps de laboratoire ou de travail de techniciens, simplement à cause des obstacles administratifs.
Le problème tient en partie au fait que le MPO n’est habituellement pas un organisme subventionnaire. Personnellement, je n’ai pas trouvé, dans le cadre de mes recherches, que c’était plus difficile qu’avec un grand nombre des autres organismes avec lesquels je travaille. Mais, encore une fois, le financement que j’ai reçu directement du MPO au fil des ans a été plutôt minime.
Le président : Je vous remercie.
Madame Iverson, quelle est votre situation?
Mme Iverson : Oui, mes interactions et mes collaborations avec le MPO, à titre de professeure et de directrice scientifique de l’OTN, ont été extrêmement fructueuses, collaboratives et efficaces. Oui, il y a des obstacles qui nous empêchent d’avancer, dont les formalités administratives habituelles; je comprends cela. Nous travaillons tous avec des ressources limitées.
Mais mes collaborations avec le MPO ont été extraordinaires et par l’intermédiaire de l’OTN. Maintenant, plus que jamais, les responsables du ministère et les universitaires reconnaissent la mesure dans laquelle ils ont besoin les uns des autres. Je pense qu’autrefois, c’était assez individuel. Selon moi, cette situation a vraiment changé au cours des dernières décennies. Il est évident que le MPO peut tirer profit du milieu universitaire, et que le milieu universitaire peut profiter de sa collaboration avec le MPO.
Personnellement, du point de vue de l’OTN, nous avons entre autres pour mandat d’aider le ministère à répondre à ses besoins. Alors, si nous pouvons faire quoi que ce soit pour aider les scientifiques du MPO à répondre à certaines de leurs questions par l’intermédiaire de notre infrastructure, nous sommes tout à fait ouverts à la discussion. Oui, il y a beaucoup d’obstacles à surmonter, mais c’est la nature de la chose en ce moment.
M. Walters : Je n’ai rien à ajouter. Je suis d’accord avec ce que Mme Iverson a dit; je pense que c’est en plein dans le mille. Essentiellement, la situation s’améliore. Elle est compliquée et changeante.
L’un des aspects, c’est que les unités focales particulières, comme l’OTN — le Réseau de suivi des océans dont Mme Iverson a fait partie — et un réseau comparable de scientifiques qui travaillent sur les répercussions de la maladie sur le saumon, sur la côte du Pacifique, offrent un environnement de collaboration beaucoup plus puissant pour la création de possibilités de financement partagé, et ainsi de suite, par rapport à ce qui était accessible avec le MPO.
Mme Iverson : Je voudrais également ajouter que bon nombre de nos « petits-enfants scientifiques », comme nous aimons les appeler, qui sont issus, par exemple, de mes programmes, de mon laboratoire de professeur et des programmes de l’OTN sont maintenant des scientifiques du MPO. Alors, nous constatons que le ministère bénéficie d’une expertise sur le terrain.
Le président : Merci.
La sénatrice Ataullahjan : Je suis nouvelle au sein du comité, mais, d’après ce que j’entends, ai-je raison de croire que les phoques servent de bouc émissaire pour expliquer la diminution du nombre de certains types de poissons? Comment pouvons-nous mieux aborder ce sujet avec les pêcheurs qui ont exprimé leur frustration à ce sujet? Ma question s’adresse à vous trois.
Mme Iverson : Je vais commencer. Les phoques mangent du poisson, cela ne fait aucun doute. Ils mangent beaucoup de poissons, tout comme beaucoup d’autres mammifères marins prédateurs et poissons prédateurs.
Les phoques sont simplement visibles, alors que d’autres espèces marines ne le sont pas; ils pourraient donc être pris pour cibles. Je ne dis pas qu’ils n’ont pas d’incidence, mais d’autres espèces aussi, et elles interagissent toutes.
Nous pouvons améliorer notre compréhension de ce phénomène, mais il faut beaucoup de travail pour essayer de comprendre les écosystèmes océaniques, ce qui se passe exactement et comment ils changent. Nous possédons les outils nécessaires.
M. Rosen : Mme Iverson a résumé ce que je dirais, moi aussi.
Le président : Monsieur Walters, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Walters : Cela fait longtemps dans l’histoire de la gestion des pêches commerciale et sportive que les pêcheurs sportifs et commerciaux sont assis là, comme des dieux hindous à six bras, à tout pointer du doigt sauf eux-mêmes pour désigner la cause des déclins et de choses du genre. Oui, il est tout à fait normal qu’ils blâment d’autres créatures. Je pense que c’est tout à fait normal, surtout lorsque certains des effets des mammifères marins se répercutent directement sur les activités des pêcheurs; ils retirent le poisson directement des filets et ainsi de suite. Ainsi, ils sont visiblement un concurrent pour les pêcheurs. Par conséquent, ils ont eu tendance à les blâmer au fil des ans dans diverses circonstances. Les pêcheurs ont assurément donné injustement une mauvaise réputation aux mammifères marins.
Compte tenu de ce sur quoi nous nous sommes concentrés récemment, il y a des situations très précises où il semble que nous ne puissions pas ignorer l’effet des mammifères marins. L’effondrement des stocks de morue dans l’ouest du golfe, dans le sud de la Nouvelle-Écosse et sur la côte Est, et des stocks de saumon coho ici, en Colombie-Britannique, est tout simplement trop extrême pour que l’on puisse prétendre qu’il n’y a pas d’effet grave à cet égard.
La sénatrice Ataullahjan : Quelles sont les répercussions de la fonte des glaces marines sur les phoques?
Mme Iverson : C’est évidemment un événement qui se déroule sous nos yeux. En ce qui concerne les populations traditionnellement terrestres, les phoques doivent sortir sur la terre ferme ou sur la glace pour donner naissance à leurs petits et les allaiter. Par exemple, les phoques gris de l’île de Sable ne sont pas touchés. Ceux du golfe qui, autrefois, se reproduisaient sur la glace essaient de se déplacer vers les îles locales, mais le taux de mortalité de la progéniture augmente.
Dans le cas des phoques du Groenland et des phoques à capuchon, cet événement va avoir des conséquences majeures pour eux, car ils ont absolument besoin de glace. À mesure qu’elle disparaîtra, il y aura une augmentation du taux de mortalité juvénile. Cela ne fait aucun doute.
M. Rosen : Nous nous concentrons sur les animaux qui vivent dans le golfe et dans les régions plus tempérées du Canada, comme ici, dans l’Ouest, mais nous ne devrions pas oublier la responsabilité à l’égard des espèces polaires. La fonte des glaces aura une énorme incidence sur des espèces comme le phoque annelé, l’ours polaire et le morse. Nous nous concentrons sur d’autres espèces en raison des interactions avec les pêches, qui sont évidemment plus extrêmes dans le Sud, mais, s’il est question de la gestion des espèces de mammifères marins qui se trouvent sur le territoire du Canada, ce sont les espèces polaires qui sont actuellement touchées et qui le seront plus directement dans l’avenir.
Le président : Je vous remercie.
Des intervenants de l’industrie de la pêche et les pêcheurs eux‑mêmes nous ont dit qu’ils étaient extrêmement préoccupés par les phoques. Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous voyons des phoques dans le Sud de la province, là où nous n’en avons jamais vu auparavant. Nous avons vu des vidéos montrant des estomacs de phoques remplis de morue et de crabe.
Nous avons assisté au sommet sur le phoque tenu à St. John’s il y a quelques semaines, et les chiffres les plus récents que nous avons reçus des responsables du MPO étaient ceux de 2019 qui montraient, selon leurs estimations, une population d’environ 7,6 millions de phoques au large de la côte Est. Je parle des phoques du Groenland.
Au cours des cinq dernières années, environ 425 000 phoques ont été retirés. Le nombre moyen de retraits dépasse légèrement les 29 000, ce qui donne le total d’un peu moins de 150 000 sur cinq ans.
De notre point de vue de comité, une partie de ce qui a motivé notre étude, c’est le contexte que nous ont présenté les gens de l’industrie ainsi que leurs préoccupations à l’égard de la population de phoques. Dans le cadre de nos interactions avec des gens comme vous, nous entendons dire qu’il ne fait aucun doute que les phoques mangent du poisson. Nous savons qu’ils ne mangent pas de poulet. Mais nous essayons de déterminer l’incidence de l’augmentation de la population de phoques sur les autres espèces. Je me rends compte qu’il y a d’autres facteurs, comme les changements climatiques et d’autres prédateurs, et nous n’avons pas les connaissances que vous avez. Il est peut-être impossible de répondre à la question, mais comment le comité peut-il déterminer l’incidence de l’augmentation de la population de phoques sur la pêche à la morue, dans ce cas particulier, ou d’autres espèces de proies plus petites?
Je pose la question parce que c’est la réponse que nous recherchons, ou une partie de cette réponse. Je constate que, plus nous en discutons, plus il devient compliqué d’obtenir une réponse. Encore une fois, je me rends compte que c’est peut-être très complexe, mais je dois vider mon sac.
Je vais commencer par Mme Iverson.
Mme Iverson : Eh bien, je peux dire que je ne vous envie pas, les membres de votre comité et vous, parce que c’est très compliqué. Je suppose que c’est une question que nous tentons tous d’étudier collectivement.
Compte tenu des changements qui ont lieu, des espèces de proies qui se déplacent vers le Nord, et aussi des requins… nous observons certainement une augmentation du nombre élevé de grands blancs, qui sont vraisemblablement aussi capables de manger des phoques. Puis, en conséquence des changements de température et de la perte de glace, les capacités de charge pourraient être atteintes pour n’importe laquelle de ces populations de phoques, qui commenceraient ensuite à diminuer en raison des changements climatiques.
C’est pour répéter ce que vous venez de dire, sénateur : que c’est très compliqué et qu’il sera difficile de déterminer les répercussions avec certitude.
Le président : Merci.
Monsieur Rosen?
M. Rosen : Malheureusement, je ne peux pas vous faciliter la tâche. Je pense que ma réponse pourrait rendre les choses plus difficiles.
M. Walters a certainement insisté sur l’importance et le pouvoir de la modélisation des écosystèmes et sur le fait que nous remplissons beaucoup de cases. Si nous n’y sommes pas encore, nous arrivons au stade où nous pourrons parler des répercussions, mais ce n’est pas la même chose que de prédire l’avenir, de prévoir à quoi ressemblera l’écosystème compte tenu de certains changements, qu’il s’agisse du changement climatique ou de je ne sais quelle décision de gestion. Malheureusement, cette situation ne fait que rendre la réponse à question plus difficile à trouver, parce qu’il ne s’agit plus d’un état d’équilibre.
Le président : Merci.
Monsieur Walters?
M. Walters : Selon moi, vous devriez modifier votre question. Vous affirmez que vous devez décider, du point de vue du comité, s’il y a ou non un problème lié à la prédation de certains stocks de poissons par les phoques. Nous venons de vous dire qu’il n’est actuellement pas possible de le faire sans ambiguïté au moyen des données scientifiques disponibles et que ce ne sera pas possible lorsqu’on aura recueilli beaucoup plus de données scientifiques. Il y aura toujours autant d’incertitudes, mais seulement à propos de diverses parties du système.
La question que vous devriez peut-être poser est celle de savoir comment procéder. Quelle est la meilleure recommandation que vous pouvez formuler concernant l’élaboration de systèmes de chasse aux mammifères marins, compte tenu de l’information dont vous disposez actuellement, en ce qui a trait à la valeur potentielle de ces prises de mammifères marins en tant que pêches à part entière ainsi qu’aux avantages qu’elles peuvent avoir pour certains stocks de poissons?
Si vous avez l’impression qu’il vous faut une seule réponse solide, vous allez vous retrouver comme la Commission Cohen, sur la côte du Pacifique, il y a 12 ans, où on allait demander à un tas d’avocats de déterminer ce qui avait causé le déclin de certains stocks de saumon rouge. On avait réuni des scientifiques pour qu’ils analysent ce rapport au préalable, et nous avons dit : « Des avocats? Si nous ne pouvons pas nous entendre entre nous — nous sommes huit scientifiques qui avons huit idées différentes au sujet de la cause du déclin —, pourquoi pensez‑vous que vous allez obtenir quelque chose d’un groupe d’avocats? » Par conséquent, la Commission Cohen a fini par être en grande partie un pur gaspillage d’argent. Beaucoup.
Le sénateur Kutcher : Comme je l’ai déjà dit, je vous remercie de nous confondre. C’est une question importante parce que nous tentons de comprendre les complexités de l’interaction trophique entre le prédateur et la proie. Il s’agit d’un enjeu pour les personnes dont le gagne-pain dépend de notre capacité de comprendre cette interaction et de nous rendre compte que nous ne pouvons pas attendre éternellement. Nous essayons de déterminer ce qu’il est possible de faire pour aider les gens, et nous savons que cette compréhension va rajouter de la complexité dans cette toile. Quels que soient les changements qui toucheront l’écosystème humain et la relation entre cet écosystème et la vie dans l’océan, ils auront toutes sortes de répercussions en cascade et, franchement, nous savons que nous ne savons pas comment cela va se terminer. Nous n’avons pas l’audace de penser que nous le savons.
C’est là que le bât blesse. Nous nous rendons compte et vous entendons nous dire que ces écosystèmes sont dans un état de flux et qu’ils fluctuent tous parce qu’autrement, ils entrent dans un état d’entropie, et c’est la dernière chose que nous voulons pour nos écosystèmes. Que pouvons-nous faire, en tant qu’êtres humains, en ce moment, afin de comprendre l’incidence critique des différences dans les relations proie-prédateur, pour les gens qui vivent dans ces collectivités? Comment pouvons-nous régler ce problème? Nous vous saurions gré de nous communiquer votre sagesse.
Mme Iverson : Je vais commencer. Comme je l’ai déjà dit, nous disposons des outils nécessaires, et nous avons fait la démonstration du concept. J’aimerais simplement souligner l’étude de validation de principe que nous avons réalisée sur les phoques gris du plateau néo-écossais, dans le cadre de laquelle nous avons marqué au moyen d’émetteurs acoustiques un certain nombre d’espèces de poissons : des morues, des saumons, des anguilles et d’autres. Encore une fois, nous disposions d’un financement limité pour ces émetteurs, mais nous avons eu assez de fonds. Nous avons ensuite marqué un certain nombre de phoques au moyen d’émetteurs satellites, et puis aussi d’un petit paquet contenant un récepteur mobile sur leur dos.
Lorsque le phoque se promène, lorsqu’il se trouve à une certaine distance de n’importe quel émetteur — d’autres phoques marqués ou d’autres espèces de poisson —, il l’enregistre. Lorsque le phoque fait surface, cette information est transmise à l’émetteur satellite et téléversée en temps réel vers le satellite, et nous obtenons ces données : où se trouve le phoque, avec qui il a interagi et s’il y a des événements de prédation.
À partir de notre première étude de validation de principe, nous avons montré que les phoques recueillaient des données océaniques en même temps qu’ils… Nous avons aussi cette façon d’analyser les déplacements, de savoir s’ils se déplacent rapidement, surtout entre les bancs de proies, ou lentement, probablement là où ils trouvent des points névralgiques et des aires où il y a des bancs de poissons pour s’alimenter. C’est lorsqu’ils voyageaient et se déplaçaient rapidement que nous avons détecté la plupart des espèces de poissons — la morue, le saumon, les anguilles — et que les individus marqués n’ont pas connu d’événements de prédation.
C’est lorsqu’ils s’alimentaient dans des bancs de poissons qui se déplaçaient lentement que les phoques interagissaient avec de gros thons rouges; ils avaient l’air de partager des niches écologiques semblables. Pour ouvrir une parenthèse, il y a quelques années, je travaillais avec des scientifiques spécialistes du thon qui montaient à bord de bateaux de pêche au thon pour prélever des échantillons; ils ont ouvert un thon rouge, et il y avait un blanchon entièrement intact dans son estomac. Selon nous, il s’agissait d’un accident; les thons se nourrissaient dans la même zone que les phoques, et l’individu a tout simplement avalé le petit.
Quoi qu’il en soit, grâce à des études comme celle-là, nous pouvons montrer où se trouvent ces espèces et avec qui elles interagissent. Nous avons même maintenant des émetteurs de prédation qui changent de numéro de fréquence lorsqu’ils sont ingérés et commencent à être digérés par quelque chose comme un phoque à sang chaud.
Nous disposons de ces outils. Nous ne les avons jamais appliqués aux phoques du Groenland ou aux phoques à capuchon simplement parce que nous n’avions pas les ressources nécessaires pour le faire, mais nous en avons la capacité. Comme je l’ai dit, nous sommes en train de préparer une proposition, et nous espérons commencer à installer certains de ces émetteurs sur des phoques du Groenland et des phoques à capuchon pour commencer à obtenir certaines de ces réponses. Toutefois, pour que nous puissions examiner les interactions avec les proies, nous aurions besoin d’un programme de marquage.
Nous pouvons prélever la graisse de n’importe lequel des phoques que nous capturons au moment du marquage pour en faire une petite biopsie et les soumettre à l’analyse de signature des acides gras afin d’obtenir des estimations du régime alimentaire.
Nous avons des outils. Nous n’avons tout simplement pas de programme de recherche prévu pour une telle entreprise.
Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Kutcher : Non. C’est fascinant et essentiel; je comprends cela. D’après les données que nous avons déjà, sachant qu’elles sont vieilles et qu’elles devront être élargies et améliorées, pouvez-vous nous donner des conseils sur les données de suivi provenant de l’OTN? En toute franchise, la question est la suivante : devrait-il y avoir un moyen de réduire la population de phoques? Si leur population diminuait, quelle devrait être l’ampleur de la diminution, et aurait-elle une incidence sur le rétablissement ou la modification des stocks de poissons à nageoires destinés à la consommation humaine?
Mme Iverson : Je crains qu’il soit impossible d’étendre la portée de ces études aux effets d’une réduction du nombre de phoques.
L’autre problème, c’est que nous savons que toutes ces espèces qui se nourrissent de cet ensemble de proies, y compris la morue, sont très mobiles. Si nous marquons un phoque sur l’île de Sable, il se déplacera dans tout le plateau néo-écossais jusqu’à Terre-Neuve, dans le golfe. Le thon et les grands requins blancs traversent le plateau continental et se rendent jusqu’à Terre-Neuve, dans le golfe et même en Europe. Ainsi, on ne serait pas en mesure de dire quel effet aurait la réduction de la population de prédateurs localement. C’est le problème qui s’est posé dans le passé malgré tous les efforts qui ont été déployés pour tenter de réduire les populations de mammifères marins.
Comme l’a dit M. Rosen, il existe une publication qui examine toutes ces tentatives de réduction du nombre de mammifères marins et leurs conséquences ou conséquences inconnues. Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir ce document ainsi que tous ceux qui découlent des travaux de l’OTN.
Le sénateur Kutcher : S’il vous plaît, oui, merci beaucoup.
Mme Iverson : Certainement.
Le président : Dans la même veine, si vous avez des renseignements qui pourraient nous aider dans notre travail, veuillez les transmettre au greffier.
Mme Iverson : Bien sûr.
Le président : J’adresse la même demande à MM. Rosen et Walters.
Le sénateur Ravalia : Pour poursuivre dans le même ordre d’idées, nous avons entendu dire que certains pays, dont la Norvège et l’Islande, gèrent leurs populations de phoques de façon plus judicieuse que nous. Comme leurs écosystèmes sont probablement aussi complexes que les nôtres, je me demande si vous aviez collaboré avec ces pays. Savez-vous si ce qui se passe dans la mer du Nord et en Norvège et en Islande est différent de ce qui pourrait se produire au large de Terre-Neuve et des côtes des provinces de l’Atlantique?
Mme Iverson : Je crains de ne pas pouvoir répondre à cette question.
Le président : D’accord. C’est une autre bonne question que nous devrons poser à d’autres personnes pour obtenir une réponse.
Quoi qu’il en soit, c’est tout pour les questions de nos sénateurs. Je profite de l’occasion pour remercier encore une fois chacun d’entre vous de vous être joint à nous ce matin. Il ne fait aucun doute que votre travail est extrêmement important, non seulement pour les travaux que nous effectuons au sein du comité, mais aussi pour l’industrie de la pêche du Canada. Nous vous souhaitons bonne chance dans la poursuite de ce travail. J’espère que nous pourrons trouver les ressources nécessaires. Comme je l’ai mentionné, les outils sont disponibles; il s’agit simplement d’obtenir les ressources qui vous permettront de les utiliser. Je pense que nous envisageons de formuler au moins une ou deux recommandations en ce sens, plus tard.
Vous avez beaucoup contribué à notre discussion de ce matin, et vos vastes connaissances sont inégalées. Je laisserai à mes collègues le soin d’évaluer, à une date ultérieure, si nous avons acquis une compréhension plus claire de la situation, mais vous avez soulevé ce matin des éléments qui nous aideront dans nos discussions. Je vous souhaite à tous une bonne journée. Merci.
(La séance est levée.)