Aller au contenu
POFO - Comité permanent

Pêches et océans


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada.

La sénatrice Bev Busson (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Bonjour. Je m’appelle Bev Busson, sénatrice de la Colombie-Britannique, et j’ai le plaisir de présider la réunion d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous tenons une réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. En cas de difficultés techniques, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation, veuillez informer la vice-présidente ou la greffière, et nous nous efforcerons de régler la question. Avant de commencer, j’aimerais prendre quelques minutes pour que les membres du comité se présentent.

Le sénateur Kutcher : Sénateur Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Ravalia : Je suis le sénateur Mohamed-Iqbal Ravalia et je représente Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Ataullahjan : Sénatrice Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

Le sénateur Francis : Brian Francis, d’Epekwitk, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Cuzner : Je suis le sénateur Rodger Cuzner et je représente la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Cordy : Sénatrice Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse également.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, sénateur de la Nouvelle-Écosse, pour compléter l’équipe.

La vice-présidente : Le 4 octobre 2022, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a été autorisé à examiner pour en faire rapport les populations de phoques du Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada. Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, le comité entendra le premier groupe de témoins, soit Paul Irngaut, vice-président, Nunavut Tunngavik Inc. Au nom des membres du comité, je vous remercie d’être ici aujourd’hui par vidéoconférence.

Je crois comprendre que M. Irngaut fera une déclaration préliminaire. Après votre présentation, les membres du comité auront des questions pour vous. Monsieur Irngaut, vous avez la parole. Je vous en prie.

Paul Irngaut, vice-président, Nunavut Tunngavik Inc. : [mots prononcés en langue autochtone] Bonjour, honorable présidente et membres du comité. Je m’appelle Paul Irngaut. Je suis le vice-président de Nunavut Tunngavik Inc., communément appelé NTI, qui représente les Inuits du Nunavut en vertu de l’Accord du Nunavut. Notre mandat est de veiller à ce que les droits constitutionnels des Inuits du Nunavut soient respectés et à ce que les gouvernements assument leurs responsabilités aux termes de l’accord.

La mission de NTI est de promouvoir le bien-être économique, social et culturel des Inuits, grâce à la mise en œuvre intégrale de l’Accord du Nunavut. L’Accord du Nunavut est le traité le plus important au Canada, couvrant un cinquième de la superficie terrestre du Canada, et il constitue un régime de cogestion des ressources, qui garantit la participation des Inuits à la gestion de la faune et à la prise de décisions dans ce domaine.

Les Inuits du Nunavut vivent sur la côte. Nous récoltons des phoques, comme le natsiq ou phoque annelé, l’ugjuk ou phoque barbu et aussi le qairulik ou phoque du Groenland. La récolte de la faune marine et le partage des aliments traditionnels sont au cœur de la culture inuite. Nous avons tout intérêt à assurer la durabilité de nos mammifères marins. Nous exerçons nos droits de récolte en conformité avec des principes de conservation. Par conséquent, le système de cogestion de la faune du Nunavut vise le maintien de populations fauniques vitales et saines, capables de répondre aux besoins des Inuits en matière de récolte.

Les phoques sont abondants partout au Nunavut. Les populations de phoques ont été — et demeurent — robustes. Pour les Inuits du Nunavut, la chasse au phoque combine la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire, la continuité culturelle, la santé et le bien-être des collectivités, la langue Qaujimajatuqangit des Inuits et l’autosuffisance.

Malgré les répercussions d’interdictions et de restrictions commerciales malavisées, nous continuons de chasser, de manger et d’utiliser les phoques et les produits du phoque. Les exemptions accordées aux Inuits n’ont pas réussi à contrer les effets négatifs des interdictions commerciales sur les pratiques, le mode de vie et le gagne-pain des Inuits du Nunavut. Par conséquent, les Inuits du Nunavut doivent participer à la prise de décisions. L’Accord du Nunavut, qui a préséance sur les lois et les politiques, prévoit en outre un régime qui reconnaît et habilite les systèmes inuits de gestion de la faune.

NTI et les associations régionales inuites du Nunavut ont travaillé ensemble pour faire de ce concept une réalité. La Commission Pikialasorsuaq, l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga, la zone de protection marine de Tuvaijuittuq, le projet Qikiqtani de financement de projets pour la permanence, les programmes de gardiens inuits, les discussions sur le site d’intérêt marin de l’île Southampton et les plans de pêche communautaires proposés pour le Règlement de pêche du Nunavut, entre autres, sont des exemples d’efforts de conservation marine dirigés par les Inuits dans des zones et selon des méthodes qui nous semblent logiques. Ces travaux montrent que les Inuits du Nunavut prennent des mesures concrètes pour protéger les habitats marins et la faune de l’Arctique.

Afin de continuer à chasser le phoque, nous nous efforçons de veiller à ce que l’environnement marin du Nunavut puisse subvenir aux besoins de nos descendants, tout comme il l’a fait pour nos ancêtres. Nous serons heureux de travailler avec ce gouvernement à cette fin. Merci. Qujannamiik

La vice-présidente : Merci beaucoup de votre exposé. Plusieurs sénateurs sont impatients de poser des questions.

Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup de votre témoignage. C’est très apprécié.

Je me demandais, monsieur, si vous pouviez nous faire part de votre point de vue sur l’incidence de la réglementation internationale et de la dynamique du marché sur le commerce du phoque, et sur la façon dont cela influe sur la capacité des collectivités inuites de continuer à participer aux activités de chasse au phoque.

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question, sénateur.

Comme vous le savez, l’interdiction du commerce des produits du phoque existe depuis longtemps. Elle est née d’efforts motivés par l’émotion de la part de groupes de défense des droits des animaux, et aussi d’organisations non gouvernementales ou ONG, qui ont eu d’énormes répercussions sur les Inuits au début des années 1980, dans les années 1990 et jusqu’à aujourd’hui.

La chasse au phoque n’a pas cessé, et elle ne va pas cesser. Les sous-produits de cette chasse — dont celui que je porte aujourd’hui — sont utilisés depuis des siècles. Cette utilisation a également des fins économiques, compte tenu du contexte commercial dans lequel nous vivons aujourd’hui. Cela ne va pas s’arrêter. Les interdictions ont eu d’énormes répercussions sur les familles qui dépendent des revenus du commerce du phoque. Dans les années 1970 et au début des années 1980, elles ont causé des ravages dans de nombreuses collectivités inuites qui dépendent beaucoup des sous-produits du phoque. Cela a donc eu des effets.

Le sénateur Ravalia : Je vous remercie de cette réponse.

Si, en tant que groupe de sénateurs qui travaillent sur ce rapport, nous cherchions des moyens concrets de corriger en partie cette désinformation, seriez-vous en mesure de nous donner des conseils du point de vue de votre communauté, afin de sensibiliser la planète au fait que la désinformation a eu des répercussions importantes sur les collectivités autochtones?

M. Irngaut : Je vous remercie, sénateur, de cette question. Par le passé, lorsque des problèmes nous ont touchés en tant qu’Inuits, surtout en ce qui a trait aux activités économiques dans le Nord, et particulièrement dans le contexte des discussions sur les interdictions visant différentes espèces, nous avons collaboré avec nos partenaires et le gouvernement fédéral, et nous nous sommes rendus dans les pays qui se proposaient d’inscrire sur cette liste des espèces interdites à la vente en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ou CITES. Nous nous sommes rendus dans ces pays pour discuter directement avec les gouvernements concernés, ce qui a vraiment aidé les décideurs de ces pays dans leur réflexion. Une mesure de ce genre contribuerait vraiment à sensibiliser les gouvernements et les décideurs de ces pays aux répercussions que cette convention a sur les Inuits ordinaires — pas seulement les Inuits du Nunavut, mais ceux de tous les coins du pays — qui dépendent du phoque. Une telle mesure serait vraiment utile.

Nous l’avons fait lorsque les États-Unis ont essayé d’imposer des interdictions sur les ours polaires. Nous nous y sommes rendus avec le gouvernement fédéral et d’autres organisations inuites, et nous avons parlé directement avec le gouvernement des États-Unis et l’U.S. Fish and Wildlife Service. Une mesure de ce genre aiderait vraiment à éduquer et aussi à changer l’esprit de certains décideurs.

Merci.

Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup.

Le sénateur Francis : Merci de vous joindre à nous. Ma question rejoint un peu celle du sénateur Ravalia.

En ce qui concerne les campagnes menées par des groupes de défense des animaux, comme People for the Ethical Treatment of Animals, ou PETA, qui répandent de l’information erronée au sujet de la chasse au phoque — comme le fait qu’on tue des blanchons en les assommant —, pourriez-vous décrire les répercussions politiques, sociales, économiques et culturelles qu’elles ont sur les Inuits du Nunavut et d’ailleurs, tout comme les autres faussetés qui ont été répandues?

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question, sénateur.

Comme nous le savons tous, les campagnes menées par le passé par ces groupes de défense des droits des animaux — comme le Fonds international pour la protection des animaux, ou FIPA, et PETA — étaient très émotives. Comme je l’ai mentionné plus tôt lorsque j’ai répondu à l’autre sénateur, nous nous sommes adressés directement à ces gens et nous leur avons parlé. Nous leur avons montré l’impact que cela a sur les familles inuites ordinaires.

C’est facile pour eux de trouver tout ce qu’ils veulent en ouvrant leur réfrigérateur, d’aller au restaurant ou de commander en ligne ce qu’ils veulent. Les familles inuites de ces petites collectivités n’ont pas cette option, alors cela a eu un impact énorme sur elles au chapitre de la subsistance. Ces familles se nourrissent de phoque, et les revenus qu’elles tirent des sous-produits qu’elles vendent les aident à se procurer des aliments sains. Cela a eu un impact énorme, non seulement sur les Inuits du Nunavut, mais aussi sur les autres Inuits du pays.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Nous avons beaucoup appris au sujet des dommages causés à l’environnement dans certaines régions du pays en raison de la surabondance de phoques, ainsi que des torts causés aux collectivités et aux familles en raison du manque d’aliments traditionnels et abordables et du peu de possibilités qui leur sont offertes. Le retrait de ces produits enlève des possibilités aux collectivités et aux familles.

Nous devons lutter contre la désinformation. Quels sont les éléments d’information inexacts les plus nuisibles auxquels vous pensez — qui vous préoccupent — et que nous pourrions aider à corriger le mieux possible avec nos recommandations?

Merci, monsieur.

M. Irngaut : Je vous remercie, monsieur le sénateur.

Au Nunavut, nous ne chassons pas le blanchon, mais les images qui ont été utilisées sont celles de blanchons qu’on tue en les assommant. Les images qui ont été diffusées par le passé montraient de mignons phoques blancs que l’on assommait.

Au Nunavut, nous ne chassons pas le blanchon. Nous chassons les phoques lorsqu’ils sont beaucoup plus âgés ou adolescents, parce qu’ils sont une meilleure source de viande. Nous ne chassons pas vraiment les gros adultes, parce que ce sont des animaux reproducteurs. Nous ne chassons que les phoques autonomes — qui sont encore avec leur mère, mais qui sont assez grands pour se débrouiller seuls.

Je pense que les images de la chasse pratiquée sur la côte Est ont vraiment nui à notre cause, et je veux simplement souligner que nous chassons le phoque pour le manger, et que la vente des sous-produits, comme je l’ai mentionné, vient en aide à beaucoup de familles au Nunavut.

Merci.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

Le sénateur Kutcher : Bonjour, monsieur Irngaut. J’ai le plaisir de vous voir deux jours de suite pour discuter de deux sujets complètement différents. Vous vous souvenez certainement de notre dernière conversation?

M. Irngaut : Oui.

Le sénateur Kutcher : C’est un plaisir de vous revoir — et j’espère que ce sera en personne, la prochaine fois.

J’ai écouté vos propos et je sais que la vice-présidente m’accordera quelques minutes de plus. Il y a ce qu’on appelle la Loi de Brandolini, selon laquelle la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des absurdités — et je pèse mes mots — est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. L’enjeu que nous abordons ici est très important.

Il est clair que l’alimentation soulève des questions d’identité culturelle et historique et de patrimoine, et vous nous avez aidés à comprendre l’importance que revêt le phoque pour le patrimoine, la tradition et l’alimentation chez les Inuits. Il s’agit aussi d’une activité économique.

En ce qui concerne la question de l’Union européenne et de l’interdiction, pouvez-vous nous aider à mieux comprendre ce que le gouvernement du Canada a fait de façon systématique pour contrer cette interdiction? C’est ma première question.

Ma deuxième question est la suivante : à ma connaissance, les pays qui imposent des interdictions ont signé la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA. Est-ce qu’une partie de l’orientation comprise dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, à laquelle notre gouvernement et d’autres pays adhèrent, a été utilisée en réponse à l’interdiction de l’Union européenne?

M. Irngaut : Merci, sénateur, et heureux de vous revoir.

Oui, dans une certaine mesure. Nous avons essayé de régler le problème de l’interdiction de l’Union européenne, mais, comme vous le savez, nous n’avons aucun contrôle sur ce qu’elle décide.

Sous l’égide d’Environnement et Changement climatique Canada, nous avons collaboré avec notre gouvernement pour présenter des exposés sur certaines tribunes, comme la CITES. Lorsqu’il a été question de l’interdiction de l’Union européenne, il ne s’agissait pas seulement de celle qui touche les Inuits, mais aussi d’autres enjeux ayant des répercussions sur la chasse au phoque par les Inuits.

Par exemple, si vous imposez une interdiction pour les ours polaires, qui sont les principaux prédateurs au Nunavut et qui mangent beaucoup de phoques, il n’y a pas de problème, puisque cela se fait naturellement. Mais si vous essayez de les protéger trop, ils ont un impact énorme non seulement sur les phoques, mais aussi sur les colonies d’oiseaux et d’autres espèces. Il y a un dicton inuit traditionnel qui dit que l’augmentation d’une population d’animaux ne profite pas à une espèce — l’expansion trop grande d’une espèce n’est pas bonne, surtout lorsqu’il s’agit de grands prédateurs.

Cela est aussi vrai pour les phoques ou les caribous. Lorsqu’ils sont trop nombreux, trois choses se produisent, soit ils commenceront à épuiser leur source d’aliments, soit ils maigriront ou soit ils commenceront à contracter des maladies. Ce genre de choses peut se produire dans les populations de phoques également.

Pour essayer d’éduquer les gens d’autres pays, il faut aller vers eux. Avec l’appui de notre gouvernement fédéral, il est possible d’éduquer les pays qui envisagent d’interdire les phoques. Il est un peu tard pour parler des phoques, parce que les gouvernements ont déjà interdit leur commerce. Il est très difficile d’annuler ce genre de décision une fois qu’elle est prise. Merci.

Le sénateur Kutcher : Merci. Nous savons tous que la lutte contre la désinformation exige un effort incroyable, des poches bien garnies et une approche multidimensionnelle qui cible les divers types de médias, les décideurs, les influenceurs, les gouvernements, et cetera. Serait-il utile pour vous et votre collectivité que le gouvernement du Canada investisse dans l’élaboration d’un programme ciblant la désinformation concernant les phoques, qui aurait une grande portée, sur la base de principes éprouvés pour contrer la désinformation et en collaboration avec vous et d’autres communautés autochtones?

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question, sénateur. Oui, je pense que ce serait vraiment utile si nous avions un programme qui nous permettait de sensibiliser d’autres personnes concernant les produits du phoque. Nous le faisons de toute façon avec Nunavut Sivuniksavut à Ottawa. Nous avons des étudiants qui font la promotion des produits du phoque à l’école à Ottawa. Ils se rendent dans d’autres pays, dans le cadre de programmes d’échange d’étudiants, et ils font la promotion de notre culture et de notre utilisation des phoques. Ils font du très bon travail à cet égard à partir d’Ottawa. Ils peuvent servir d’ambassadeurs pour contrer toute la désinformation qui circule et aussi pour promouvoir la culture inuite et l’utilisation des produits du phoque. Merci.

Le sénateur Kutcher : Si je vous comprends bien, la réponse à cette question est oui, cela est possible, et même si vous faites de grandes choses — et je vous remercie de nous en avoir fait part —, il serait possible de faire beaucoup plus s’il y avait des ressources pour vous aider à mieux faire les choses.

M. Irngaut : Exactement. Vous avez raison; il faut beaucoup de ressources et d’argent pour faire non pas tant de la promotion, mais de l’éducation sur la façon dont nous vivons ici, au Canada. Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous. Merci.

La vice-présidente : Merci.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui, monsieur Irngaut. Comme d’autres l’ont fait, j’aimerais parler de la désinformation qui circule et dont nous prenons connaissance constamment à la télévision, à la radio, dans la presse écrite et dans les journaux. Nous savons qu’il est illégal de chasser les bébés phoques, mais nous voyons des images des blanchons et de sang sur la glace, et ce sont des images très fortes.

Je suppose que bon nombre des groupes qui s’opposent à la chasse au phoque ont fait un excellent travail de désinformation, et nous savons qu’ils sont très bien financés. Ils reçoivent des millions de dollars de groupes et de personnes de partout dans le monde qui s’opposent à la chasse au phoque, et pas seulement du Canada. La semaine dernière, l’un de nos témoins nous a dit que le gouvernement du Canada accepte que ces dons donnent droit à des reçus d’impôt, les personnes qui les versent recevant un certain remboursement lorsqu’elles produisent leur déclaration de revenus. Selon le témoin, qui était avec nous la semaine dernière, ces organisations donnent de faux renseignements en disant être des organismes de bienfaisance. Peut-être devrions-nous nous pencher là-dessus au sein de notre comité et mettre fin à cela au profit de l’industrie.

Dans la foulée de la question et des observations du sénateur Kutcher, je me demande si le gouvernement fédéral ne devrait pas s’attaquer plus énergiquement à la désinformation qui circule.

M. Irngaut : Je vous remercie, sénateur, de cette question. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur la tenue d’une activité d’information conjointe pour sensibiliser plus de personnes à la désinformation qui a lieu. Je suis tout à fait d’accord avec vous; il faudrait faire plus. Nous pouvons certainement contribuer en fournissant du matériel, mais lorsque nous travaillons avec le gouvernement fédéral, nous avons beaucoup plus d’impact avec l’information dont nous disposons, et il serait vraiment utile d’avoir un incitatif conjoint pour diffuser cette information. Merci.

La sénatrice Cordy : Y a-t-il un organisme du gouvernement fédéral qui collabore avec le Nunavut pour aider à développer les marchés internationaux pour les produits du phoque, ou le Nunavut est-il le seul à travailler pour développer ces marchés?

M. Irngaut : Je vous remercie, sénatrice, de cette question. Oui, notre gouvernement a un ministère qui s’occupe strictement des produits du phoque et de leur commercialisation, mais il n’y a pas d’équivalent au gouvernement fédéral.

Pour ce qui est des dispositions fiscales, nous devrions les examiner et nous pourrions vous aider à diffuser davantage d’information au besoin. Pour répondre à votre question, notre gouvernement fait de son mieux, mais ses ressources sont limitées. Oui, la désinformation existe, et il est très difficile de vendre un produit qui attire la sympathie des gens à cause de cette désinformation. Il est difficile de promouvoir les produits du phoque.

La sénatrice Cordy : Je pense que vous avez visé juste. Ils jouent très bien leur rôle pour répandre la désinformation et jouer sur les cordes sensibles des gens. Je vous remercie de vos actions, et je vous suis reconnaissante d’être ici aujourd’hui.

La sénatrice Petten : Nous avons parlé des phoques en général. Vous avez mentionné les blanchons, bien sûr, et le fait qu’il est illégal de les chasser. Quelle est la principale espèce de phoque que vous chassez?

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question, sénatrice. Le principal phoque que nous chassons est le phoque annelé. Mais nous commençons à voir beaucoup plus de phoques du Groenland sur notre territoire, à mesure que l’espèce se déplace vers le nord, et c’est parce que la population de phoques du Groenland a augmenté sur la côte Est après l’interdiction. Nous commençons à en voir de plus en plus dans des régions où il n’y en avait jamais eu auparavant et, bien sûr, ils mangent beaucoup de poisson, ce qui est très bien. Ce sont des prédateurs naturels. Nous commençons à voir beaucoup plus de phoques du Groenland, mais le phoque annelé est le principal phoque que nous mangeons. Merci.

La sénatrice Petten : Voilà ma question complémentaire. Je crois savoir qu’il y a quelques années, le ministère des Pêches et des Océans, ou le MPO, envisageait d’assujettir les phoques annelés à la Loi sur les espèces en péril, et je ne sais pas si cela s’est produit ou non, mais je crois comprendre que c’était en partie en raison de la fonte des glaces qui menace l’habitat du phoque annelé. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet.

M. Irngaut : Je vous remercie, sénatrice, de cette question. Oui, nous sonnons l’alarme au sujet des changements climatiques depuis très longtemps parce que nous avons été les premiers à en voir les effets.

Il y a quelques années, alors qu’il n’y avait presque pas de neige, on voyait des phoques naître sur la glace sans rien pour les protéger des ours polaires. Nous avons vu les effets des changements climatiques sur les phoques.

En ce qui concerne votre question sur le fait que le MPO voulait les inscrire sur la liste des espèces menacées, c’est à ce moment-là qu’on a insisté pour les inscrire sur la liste des espèces en voie de disparition. Il faut vraiment tenir compte de la population avant de prendre des décisions, et faire des recherches appropriées sur la question. Si je ne me trompe pas, il arrive même parfois que des gens qui travaillent à Environnement et Changement climatique Canada fassent la promotion de la désinformation.

Je veux simplement être prudent à cet égard. Je ne dis pas qu’ils sont tous de cet avis, mais il y en a qui, quand on leur parle, montrent bien qu’ils ne verraient pas d’inconvénient à mettre fin à la chasse au phoque. C’est tout ce que je peux dire. Merci.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup d’être parmi nous, monsieur Irngaut.

J’aimerais en savoir un peu plus sur ce qui se passe en temps réel dans vos collectivités en réponse à l’accord qui a été conclu, il y a environ neuf ans, après que l’Organisation mondiale du commerce ait décidé que l’interdiction de l’Union européenne était discriminatoire dans la façon dont elle était appliquée à l’époque. À partir d’octobre 2014, grâce à l’accord, nous avons obtenu le cadre de coopération nécessaire pour veiller à ce que les communautés autochtones soient traitées de la même façon que toutes les autres communautés autochtones qui cherchent à avoir accès aux produits du phoque sur le marché au sein de l’Union européenne.

Est-ce une réussite, ou est-ce que cela a fait une différence au niveau de vos collectivités? Dites-nous-en un peu plus à ce sujet, s’il vous plaît.

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question.

Quand il a commencé à être question de l’interdiction des produits du phoque, des exemptions étaient prévues pour les Inuits. Les exemptions sont une bonne chose, mais elles ne fonctionnent pas, parce que l’interdiction est déjà en place et qu’il n’y a pas de marché.

Vous devez comprendre que nous nous préoccupons vraiment de nos espèces et que nous sommes des protecteurs de l’environnement. Nous observons constamment nos différentes espèces. Nous voyons de plus en plus de phoques dans certaines régions, et de phoques qui se déplacent aussi vers certaines régions. De ce fait, des personnes qui n’ont pas la chance de les observer diront qu’ils disparaissent ou que leur population diminue. Mais ils ne font que se déplacer et suivre leur source de nourriture.

Les exemptions en place ont joué un rôle, mais un impact s’est quand même fait sentir sur les familles inuites, du point de vue du revenu secondaire qu’elles pouvaient tirer des sous-produits. Oui, cela a quand même eu un impact. Merci.

La sénatrice McPhedran : On peut donc dire que les exemptions ne fonctionnent pas. À partir d’un cadre juridique, qu’est-ce qui ferait une différence positive pour vos communautés?

M. Irngaut : Je pense que l’effet positif nécessaire dans nos collectivités, c’est d’offrir plus de possibilités aux femmes, surtout à celles qui ont perdu ces revenus, afin de leur offrir un marché quelconque avec des pays qui partagent nos vues et qui peuvent acheter nos produits.

Comme je l’ai dit, ces exemptions ne fonctionnent pas, parce qu’il n’y a pas de marché. Mais même si nous devions créer des marchés dans notre propre pays, il serait très difficile de vendre des produits du phoque dans le Sud. Notre gouvernement a déjà fait de son mieux pour acheter les peaux de phoque, mais on ne peut en vendre qu’un certain nombre à une petite population comme celle du Nunavut.

S’il y avait des marchés à l’extérieur de notre territoire, cela aiderait certaines des collectivités inuites vraiment pauvres, et surtout les femmes qui dépendent de ce revenu. Merci.

La sénatrice McPhedran : Nous savons que l’interdiction de l’Union européenne a un effet d’entraînement aux États-Unis et que les restrictions sont de fait très semblables. Selon votre expérience, y a-t-il vraiment des débouchés aux États-Unis et dans l’Union européenne?

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question, sénatrice.

Lorsque nous sommes allés aux États-Unis avec le gouvernement fédéral — le ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada — pour discuter avec le U.S. Fish and Wildlife Service, c’est ce que nous avons constaté. Je ne sais pas s’il y a lieu de s’inquiéter, mais l’influence que ces organismes — les ONG — ont eue sur le gouvernement fédéral aux États-Unis a été considérable. Lorsque nous leur avons parlé dans le cadre d’une table ronde avec des représentants du gouvernement, nous avons abordé les répercussions que ces organismes ont eues sur les Inuits. Tout ce qu’ils ont répondu, c’est que les Inuits sont exemptés et qu’ils ne veulent pas nuire aux chasseurs inuits ou autochtones. Mais ils l’ont fait. Ils ont des répercussions sur les chasseurs inuits. La discussion a été très difficile parce que les États-Unis sont puissants par rapport aux autres pays. Ils ont une grande influence. C’était très révélateur, mais aussi très décevant, de voir l’influence que ces ONG ont eue sur le gouvernement de ce pays. Merci.

La sénatrice Ataullahjan : La plupart des questions que j’avais ont été posées, y compris celle sur la désinformation.

En écoutant la discussion, et c’est quelque chose que j’ai déjà mentionné, je me suis fait la réflexion suivante : les agneaux sont aussi très mignons, mais nous continuons quand même de les manger. Personne ne proteste. Je ne comprends pas quel est le problème. Comme vous l’avez dit, des groupes très puissants ont un intérêt, et nous n’avons pas réussi à leur faire obstacle. Je ne sais pas quel mot utiliser — je ne veux pas utiliser le mot « propagande », sinon je pourrais me faire attaquer, mais il semble que c’est ce qui se passe dans ce cas.

Ma fille vit à Iqaluit et, lorsque j’y étais, elle s’est assise avec moi et m’a parlé de la chasse au phoque, de la façon dont elle se pratique depuis des siècles et de son importance. Elle m’a dit : « Rien n’est gaspillé, maman. La peau est utilisée pour les tentes et pour les vêtements. »

Estimez-vous que le gouvernement en a fait assez pour protéger l’industrie de la chasse au phoque? Cela ne devrait-il pas faire partie des négociations commerciales entre les États-Unis et le Canada?

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question, sénatrice.

Je n’ai pas compris la dernière partie de votre question, mais je pense que nous devons être très vigilants à l’égard des organisations qui lancent ces mouvements. Nous devons être plus proactifs avec le gouvernement fédéral pour donner l’heure juste.

Nous — les Inuits — sommes des protecteurs de l’environnement par nature, et il n’est pas dans notre intérêt d’épuiser une espèce. En fait, nous avons des lois traditionnelles selon lesquelles les familles — lorsque nous vivions dans des camps nomades, et même moi, j’ai grandi dans un camp comme celui-là — ne pouvaient pas chasser à un certain endroit, parce que les populations d’animaux devaient se rétablir, surtout les phoques, qui sont la principale source de nourriture pour beaucoup d’animaux. Nous avions des lois qui interdisaient la chasse dans une région donnée pendant un certain nombre d’années pour que l’espèce puisse se rétablir.

Vous avez raison de dire que rien n’est gaspillé. Nous utilisons tout. Mais les gouvernements doivent certainement faire plus. Le gouvernement du Nunavut fait de son mieux, mais nous devons travailler avec nos homologues — comme le gouvernement fédéral — pour en faire davantage au chapitre de l’information des autres gouvernements.

Merci.

La sénatrice Ataullahjan : Vous avez parlé brièvement des changements climatiques. Je sais que vous constatez les répercussions qu’ils ont dans l’Arctique. Pouvez-vous nous dire quelle a été leur incidence sur la chasse au phoque?

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question, sénatrice.

Oui, il y a des changements climatiques — l’air se réchauffe, mais pas seulement l’air, la mer aussi, ce qui fait fondre la glace.

Nous commençons à voir que les courants commencent à se renforcer, et à cause de ces courants, la fonte s’accélère. Cela a une incidence sur certains chasseurs qui se rendent dans des zones traditionnelles où ils savent qu’ils peuvent chasser le phoque. C’est une conséquence des changements climatiques.

Comme vous le savez, en hiver, la glace nous sert de route. Elle nous permet d’aller là où nous ne pouvons pas nous rendre pendant l’été parce que, comme vous le savez, nous n’avons pas de routes ici. Mais la glace nous sert de route pour nous rendre vers des endroits où nous pouvons récolter d’autres animaux.

Lorsque nous savons que nous ne pouvons plus aller dans une certaine zone en raison de l’état de la glace, cela a une incidence sur notre récolte, et la glace fond beaucoup plus rapidement maintenant qu’auparavant.

Merci.

La vice-présidente : Avant de passer au deuxième tour, j’aimerais, si vous me le permettez, faire un suivi d’un certain nombre de questions de mes collègues.

Vous avez dit que la désinformation posait un gros problème, et je pense que nous avons tous été témoins de différentes situations par le passé. Vous avez également fait un commentaire très intéressant au sujet des marchés internationaux — et même si des efforts sont faits, nous n’avons pas beaucoup de contrôle là-dessus.

L’une des choses qui m’ont frustrée lorsque j’ai parlé à beaucoup de chasseurs — nous avons eu l’occasion de parler à des chasseurs de Terre-Neuve-et-Labrador, et vous y avez fait allusion également —, c’est qu’il y aurait plus de chasseurs s’il y avait un plus grand marché. Même si nous avons peu d’influence à l’étranger, au sein de l’Union européenne ou même aux États-Unis, y a-t-il quelque chose que le gouvernement canadien peut faire à l’échelle nationale qu’il ne fait pas?

La sénatrice Cordy a mentionné que l’Agence du revenu du Canada avait procédé à un examen minutieux des organismes de bienfaisance, et vous avez parlé de vos jeunes ambassadeurs, mais y a-t-il des ministères qui pourraient faire davantage à l’échelle nationale pour remettre en contexte la question de la chasse au phoque et rappeler que le phoque est une viande de grande qualité, une protéine de grande qualité, quelque chose que le monde et les Canadiens réclament à cor et à cri?

Pourriez-vous nous dire si vous pensez que nous ratons une occasion, ou avez-vous des suggestions à nous faire?

M. Irngaut : Je vous remercie de cette question, sénatrice.

Comme je l’ai dit, nous devons commencer à mieux travailler avec nos homologues, surtout le gouvernement fédéral et Environnement et Changement climatique Canada, parce que ce sont eux qui s’occupent de la faune au Canada.

En ce qui concerne le processus d’inscription que le gouvernement fédéral applique en vertu de la Loi sur les espèces en péril — dans le cadre duquel il a essayé d’inscrire les phoques annelés —, je pense qu’il faudrait informer davantage nos collectivités et démontrer le genre de recherches qui ont été faites pour pouvoir dire que les phoques sont en voie de disparition, surtout que nous n’avons pas vraiment vu de recherches dans le Nord. Le gouvernement fédéral et Environnement et Changement climatique Canada doivent informer les Inuits et faire plus de recherche s’il le faut.

Nous ne sommes pas contre les recherches, mais des recherches excessives peuvent aussi nuire aux espèces. Il faut trouver un équilibre et travailler avec les Inuits du Nunavut pour en arriver à des conclusions, car nous disposons de beaucoup de renseignements qui pourraient également être utiles aux chercheurs. Nous devons mieux travailler ensemble, ce qui ne s’est pas fait depuis longtemps avec notre gouvernement fédéral, surtout avec Environnement et Changement climatique Canada, au sujet des phoques. Je ne parle pas des autres espèces, parce que nous avons déjà fait du travail à ce niveau, mais pas pour ce qui est des phoques.

Merci.

La vice-présidente : C’était la deuxième partie de ma question, à savoir s’il y a eu ou non de vastes consultations, ou une tentative de consultations, au sujet des efforts de conservation et de la connaissance des espèces des Inuits.

M. Irngaut : Pour ce qui est des espèces, oui, il y a eu des consultations et, en vertu de notre accord, les Inuits doivent être consultés si cela les touche. Le gouvernement du Nunavut est également tenu de consulter les Inuits. Nous pourrons accomplir des choses en travaillant en étroite collaboration avec ces deux gouvernements.

Plus l’adhésion des Inuits est grande, mieux c’est pour les espèces, parce que nous devons travailler ensemble pour obtenir les bonnes réponses.

Merci.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur C. Deacon : Merci, monsieur Irngaut. La façon incroyablement respectueuse et patiente dont vous relatez les faits — qui ont tellement nui aux communautés que vous aimez — me démontre que le gouvernement canadien doit assurer beaucoup plus vigoureusement votre défense parce que, culturellement, vous êtes respectueux. Votre discours est entièrement fondé sur des données probantes et il est équilibré, mais on ne peut pas en dire autant du discours de ceux qui vous causent du tort. Nous devons trouver des moyens de lutter contre cela en votre nom. C’est une simple observation.

En ce qui concerne le programme de certification des produits du phoque, il n’a de valeur que si ceux qui se trouvent à l’autre bout de la chaîne reconnaissent cette valeur. S’ils achètent quelque chose qui est certifié d’une certaine façon, cela représente une valeur qu’un produit de remplacement n’a pas.

A-t-on donné à ce programme de certification toutes les chances de réussir dans l’esprit des consommateurs, même au Canada — à votre avis — et que pourrions-nous recommander pour nous assurer que des efforts ont été déployés dans le cadre de ce programme de certification pour veiller à ce que les produits soient authentiques, qu’ils soient récoltés de façon traditionnelle, qu’on respecte l’environnement, et que les décisions prises depuis des siècles continuent de l’être et soient mises en pratique? Je ne suis pas certain que cette reconnaissance existe à l’autre bout de la chaîne de valeur, ce qui est essentiel pour que la certification fonctionne. Auriez-vous des recommandations en ce sens qui pourraient nous être utiles?

M. Irngaut : Je vous remercie, sénateur, de cette question. Notre gouvernement a déjà procédé à la certification des produits du phoque au Nunavut auparavant. Je pense que c’est toujours valable; je pense que cela se poursuit. Mais cette certification, comme vous l’avez dit, doit être reconnue par les autres — les acheteurs. Cette certification doit comprendre des renseignements qui indiquent clairement que le produit est récolté de façon traditionnelle et durable, et cela devrait vraiment ouvrir les yeux des acheteurs qui diront : « C’est un produit que nous pouvons appuyer, et c’est un produit que nous voulons. »

Je sais que le gouvernement du Nunavut a procédé à une certaine certification des produits du phoque. Ce processus doit être rationalisé, et il faut fournir plus d’information. Il pourrait même y avoir un dépliant pour expliquer que l’achat du produit aide les familles inuites du Nunavut à mettre de la nourriture sur la table, et que le produit est aussi récolté de façon durable. C’est ce que nous voulons au Nunavut.

Le sénateur C. Deacon : J’imagine un code QR. Les gens pourraient utiliser leur téléphone intelligent et constater immédiatement les avantages et la valeur du produit. Mais je me préoccupe surtout de ce que le gouvernement fédéral peut faire, parce que c’est lui qui est responsable du commerce international — et les mesures doivent s’appliquer partout au Canada et à l’échelle internationale. Nous devons renforcer la valeur de cette certification. Merci.

La sénatrice McPhedran : J’ai beaucoup apprécié votre allusion à l’impact sur les femmes artistes et créatrices dans vos communautés. Je me demande si vous pourriez nous dire s’il y a une stratégie active en place pour représenter les préoccupations et les intérêts particuliers des femmes de vos communautés dans ce contexte.

M. Irngaut : Je vous remercie, sénatrice, de cette question. Nous sommes des chasseurs de phoque, et le phoque fournit de la viande à nos familles. Comme je l’ai dit, ce sont les femmes qui s’occupent des sous-produits; elles les nettoient, les sèchent, les transforment et les vendent.

Avant l’interdiction, nous pouvions vendre la fourrure telle quelle. Maintenant, parce que nous chassons encore beaucoup de phoques, les sous-produits sont donnés aux femmes, qui s’en servent pour fabriquer des vêtements. Elles fabriquent de magnifiques vestes, comme celles que je porte, ainsi que des cravates et des mitaines. Ce sont des produits très chauds — à la mode, oui, mais aussi pratiques. Ils nous gardent au chaud en hiver et au printemps.

Nous avons des programmes qui ne sont offerts qu’au Nunavut et qui permettent aux femmes de vendre leurs produits une fois par année, surtout à Noël. Les mitaines et les autres vêtements qu’elles fabriquent partent vite. Les gens les veulent. Mais il faut mettre davantage l’accent sur la commercialisation de ces produits. Si nous pouvions avoir, comme l’a dit l’autre monsieur, un code ou quelque chose disant que ce sont des produits fabriqués par des femmes inuites, et que cela se fait de façon durable, je pense que cela aiderait beaucoup à promouvoir les produits du phoque que nous avons au Nunavut. Merci.

La sénatrice McPhedran : N’est-ce pas quelque chose qui pourrait être fait maintenant? N’est-ce pas quelque chose que votre organisation pourrait aider à faire bouger?

M. Irngaut : C’est possible. Il faut simplement que ce soit bien pensé. Bien sûr, il faudra de l’argent pour faire la promotion de ces produits, comme des brochures de certification et tout le reste. C’est possible.

Notre organisme peut se pencher là-dessus, mais lorsqu’il s’agit de commercialisation à l’extérieur de notre territoire, nous avons besoin de l’aide de notre gouvernement fédéral pour en faire la promotion. C’est tout ce que je peux dire à ce sujet. Merci.

La sénatrice McPhedran : À titre de mémoire de suivi, pourriez-vous nous donner des précisions sur le genre d’aide nécessaire pour aller de l’avant? Vous dites que vous avez besoin d’aide — et nous n’avons plus de temps, mais vous pouvez nous fournir un mémoire de suivi, dans lequel vous énoncerez plus clairement le genre d’aide qui serait nécessaire pour faire une différence et pour vraiment créer un élan ici, en mettant l’accent sur les femmes.

M. Irngaut : Oui, tout à fait. Nous allons vous fournir cela par écrit parce que, comme vous le dites, nous n’avons plus de temps. Nous vous fournirons des renseignements par écrit. Merci.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.

La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Irngaut, d’avoir pris le temps de comparaître devant le comité ce matin. Ce fut très instructif. Malheureusement, nous n’avons plus de temps. Merci encore de votre temps.

Pour notre prochain groupe de témoins, nous aurons la chance d’entendre Steven Lonsdale, conseiller du programme de conservation, Département de la mer et de la faune, Qikiqtani Inuit Association.

Au nom des membres du comité, monsieur Lonsdale, je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Je crois comprendre que vous allez faire une déclaration préliminaire, et je sais que nos sénateurs sont très impatients de vous poser des questions. Vous pouvez commencer votre présentation si vous êtes prêt.

Steven Lonsdale, conseiller du programme de conservation, Département de la mer et de la faune, Qikiqtani Inuit Association : [mots prononcés en langue autochtone] Merci beaucoup de m’accueillir ici. Je m’appelle Steven Lonsdale et je représente la Qikiqtani Inuit Association, ou QIA, une organisation inuite régionale regroupant 13 communautés et quelque 16 000 Inuits. Après avoir exercé plusieurs fonctions au sein de cette association, je suis actuellement conseiller du programme de conservation au département de la protection des ressources marines et fauniques.

Mon département s’occupe avant tout de la mise en œuvre de l’Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, ou ERAI. Je consacre la majeure partie de mon temps à la gestion de l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga et du programme connexe des gardiens de l’environnement que nous avons conçu et que nous mettons en œuvre.

Dans la région de Qikiqtani, ce programme s’appelle Nauttiqsuqtiit, qui peut se traduire librement par « les surveillants, les protecteurs et les gardiens du territoire ». Leur travail consiste, entre autres, à chasser activement le phoque afin de distribuer la récolte aux communautés, ce qui permet de résoudre certains problèmes liés à la sécurité alimentaire.

Mon travail à la QIA comprend l’aménagement d’aires protégées, la conduite d’évaluations environnementales, l’élaboration de projets stratégiques fondés sur le savoir traditionnel inuit ainsi que la recherche axée sur les connaissances communautaires. J’ai été membre du premier groupe de travail chargé de l’étude de faisabilité de l’aire marine Tallurutiup Imanga, qui s’appelait, à l’époque, le détroit de Lancaster. C’est moi qui dirigeais le projet d’évaluation environnementale stratégique sur l’exploitation pétrolière et gazière dans la baie de Baffin et le détroit de Davis. Il ne s’agissait pas d’une évaluation environnementale scientifique, mais plutôt d’une évaluation environnementale fondée sur le savoir traditionnel, sur la vision inuite du monde, Qaujimajatuqangit.

Je suis également responsable de la planification de la recherche pour les gardiens de notre programme Nauttiqsuqtiit. Je travaille à la QIA depuis une dizaine d’années et je dirais que mon travail consiste en grande partie à expliquer aux communautés inuites les façons de travailler et la bureaucratie occidentales, et à expliquer aux non-Inuits les valeurs sociétales inuites. Peu importe le dossier ou le problème sur lequel nous travaillons, je dois vraiment être un bon communicateur. Le fait d’être biculturel me permet de comprendre les points de vue des deux parties et de faciliter de mon mieux les échanges entre elles.

Je vais faire mon possible pour vous transmettre tout ce que je sais sur les phoques et la chasse aux phoques dans la région de Qikiqtani où j’habite, dans la partie nord-est du Nunavut. Mes commentaires s’appuient sur les expériences vécues à cet endroit et je vais m’efforcer de vous faire part de ce que m’ont raconté des membres de la communauté. J’ai beaucoup voyagé dans le Qikiqtani. J’ai chassé activement dans la plupart des communautés. Je m’intéresse non seulement aux villes, mais aussi aux terres avec lesquelles les habitants interagissent.

Sur le plan personnel, je chasse aussi le phoque durant toute l’année et je fais mon possible pour partager la nourriture avec les habitants des communautés, comme nous le faisons dans le cadre du programme Nauttiqsuqtiit. Je suis conscient de mes limites à exprimer, dans toute leur profondeur et leur ampleur, les points de vue des membres des communautés au sujet des phoques, mais je vais faire mon possible.

Ce matin, j’espère que vous me poserez certaines des questions que vous avez déjà posées à Paul Irngaut, parce que j’ai eu le temps de réfléchir aux réponses que je pourrais vous donner. C’est ainsi que je vais conclure. Merci.

Le sénateur Francis : Je vous remercie. Je vais revenir sur une question qui a été posée au groupe précédent. Pouvez-vous nous parler de l’impact que les campagnes de désinformation de la part de groupes de protection des droits des animaux ont sur les Inuits? Quelles sont les répercussions de ces campagnes sur le gagne-pain des chasseurs, sur leurs familles et sur leurs communautés? Dans quelle mesure ont-elles contribué à l’insécurité alimentaire?

M. Lonsdale : C’est une question complexe parce qu’il y a tellement de réponses possibles. Je vais essayer de les résumer. Je dirais qu’avant l’interdiction de la chasse imposée vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, c’était l’époque où les premiers Inuits ont subi les pratiques coloniales et ont été déplacés dans des communautés sur des terres environnantes. De semi-nomades qu’ils étaient, ils sont devenus un peuple sédentaire. Cet énorme changement a eu beaucoup de répercussions. L’une des choses qui les a aidés à atténuer le choc, c’est qu’ils pouvaient continuer à chasser le phoque et à nourrir les membres de la communauté — des Inuits, comme eux —, tout en préservant leur culture de la chasse et la pratique de toutes activités entourant la chasse. Tout cela a contribué à la préservation de la langue, des pratiques culturelles et des coutumes. Le fait de pouvoir faire tout cela, tout en subvenant aux besoins financiers de leur famille grâce à la vente des peaux, a facilité la transition. Je ne dis pas que la situation était formidable, mais cela a facilité la transition. Les Inuits étaient ainsi en mesure de subvenir à leurs besoins. Si vous revenez à la période qui a suivi l’interdiction, vous constatez immédiatement que le nombre de suicides a quadruplé et que la pauvreté est vite devenue apparente. Sur ce plan, les répercussions ont été dévastatrices. Comme l’a dit Paul Irngaut tout à l’heure, cette désinformation a été dévastatrice à bien des égards et nous en ressentons encore les effets aujourd’hui. Cette campagne active de désinformation a eu des répercussions dévastatrices.

Le sénateur Francis : J’ai aussi constaté, en écoutant votre allocution préliminaire, que vous aviez tendance à adopter une approche à double perspective — comme disent les Mi’kmaqs — qui combine les points de vue autochtones et non autochtones. Ai-je raison de dire que vous laissez entendre qu’une telle approche est nécessaire pour lutter efficacement contre la désinformation sur la chasse au phoque et promouvoir la souveraineté alimentaire des Inuits?

M. Lonsdale : La réponse courte est oui.

La sénatrice Petten : Vous avez aussi parlé des connaissances traditionnelles des membres de la communauté. Dans le cadre des consultations que nous avons tenues à St. John’s, à Terre-Neuve, aux fins de cette étude, certaines personnes nous nous ont dit — surtout des chasseurs — qu’il semblait y avoir beaucoup de phoques là-bas. Nous avons tendance à parler de la population de phoques en général. J’ai d’ailleurs posé une question tout à l’heure au sujet des espèces, parce qu’elles sont très différentes. On dit que la population de phoques a explosé, ce qui pose évidemment une menace pour les poissons, notamment pour la morue, parce qu’il y a tellement longtemps que le moratoire a été imposé dans la région. Des chasseurs de phoque ont contribué à la recherche, et je sais que le ministère des Pêches et des Océans envisage de fournir un certain financement et qu’il a déjà annoncé le versement de fonds dont une partie servira à consulter certains chasseurs pour en apprendre davantage sur leurs connaissances traditionnelles. Je me souviens que le représentant du Fish, Food and Allied Workers Union, ou FFAW-Unifor, a exprimé son enthousiasme en apprenant que nous allions enfin écouter ce que les chasseurs ont à dire sur le contenu intestinal des phoques. Cela pourrait vous aider à gérer tout ce dossier.

Je me demande si les fonctionnaires écoutent ce que vous leur dites au sujet des quotas et de la gestion actuelle de la population de phoques. S’appuient-ils sur cette information pour déterminer de quelle façon elle doit être gérée?

M. Lonsdale : En ce qui concerne les connaissances des chasseurs, comme nous ne disposons malheureusement pas d’une plateforme aussi vaste que celle des chercheurs, nous traitons l’information d’une manière différente; la majorité des renseignements dont nous disposons proviennent des comptes rendus oraux que les chasseurs échangent au sein de leurs réseaux. Il leur est difficile de diffuser cette information à grande échelle. Lorsqu’il y a des audiences comme la vôtre, je suis toujours content d’y participer et de fournir certaines réponses. J’ai été très heureux d’apprendre que le comité consultait directement les chasseurs.

L’information représente un seul point de vue parce que les chercheurs disposent de cette plateforme. Les données provenant de la recherche représentent souvent un instantané de la situation par rapport, disons, au savoir inuit qui a été acquis durant des générations. Si on s’appuie sur cet instantané, il est peut-être facile d’imaginer des scénarios apocalyptiques parce que vous regardez à travers une fenêtre très étroite. En revanche, le savoir inuit s’appuie souvent sur des observations recueillies durant une année entière. Je dis souvent à la blague que certains chercheurs sont comme des snowbirds, ces retraités qui vont passer l’hiver dans le Sud et ne reviennent ici qu’au retour des beaux jours. La recherche effectuée par les Inuits repose sur la transmission orale de connaissances sur une très longue période. C’est une recherche beaucoup plus approfondie qui nous permet de voir les tendances. Ce savoir est très difficile à décrire parce qu’il se transmet oralement. Il est donc difficile de transmettre ces connaissances.

La sénatrice Petten : À votre avis, l’écosystème est-il en équilibre compte tenu du nombre de phoques? Je sais que vous disposez de toute une gamme de [Difficultés techniques]. Selon vous, y a-t-il un déséquilibre?

M. Lonsdale : Quand je vais chasser, je constate qu’il y a beaucoup plus de phoques du Groenland qu’avant dans la baie Frobisher, près d’Iqaluit. Je remarque souvent que chaque fois qu’il y a des phoques du Groenland dans la baie, surtout en grand nombre, ils font concurrence aux phoques annelés qui sont notre principale source de nourriture. Ils les font fuir vers d’autres secteurs. Chaque fois que je me trouve dans un secteur très fréquenté par les phoques du Groenland, je vais ailleurs. J’ai entendu dire qu’à Pond Inlet, où il n’y a pas beaucoup de phoques du Groenland, la situation commence à changer depuis quelques années. Il y a une sorte de concurrence qui s’exerce entre les espèces. Comme M. Irngaut l’a mentionné tout à l’heure, nous chassons surtout le phoque annelé qui est notre principale source de nourriture. Le phoque du Groenland est surtout chassé pour nourrir les chiens d’attelage. Nous avons aussi des phoques barbus, une espèce assez importante, mais ils sont difficiles à abattre à cause de leur taille. La récolte est toutefois assez bonne. Nous commençons à voir des espèces de phoques que nous n’avions encore jamais vues. Par exemple, à l’entrée de la baie Frobisher, certains pêcheurs attrapent des phoques communs, plus petits, et ils ont même vu des otaries.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur C. Deacon : Merci, monsieur Lonsdale, d’être parmi nous.

Je veux approfondir la question de la recherche. Jamais je n’oublierai l’exposé que nous ont présenté des chercheurs de Génome Canada, dans lequel ils comparaient leurs données aux connaissances traditionnelles. C’était pendant ma première année au Sénat. Ils nous ont appris que des aînés inuits avaient observé la présence de deux espèces différentes d’omble chevalier dans deux baies assez rapprochées. Après un examen génétique, les chercheurs ont conclu que les aînés avaient tout à fait raison. Génétiquement, il s’agissait de deux espèces complètement différentes. La valeur du savoir traditionnel est extraordinaire. Je pense que les chercheurs n’en tiennent pas suffisamment compte et cela nous empêche d’avancer. Dans ce dossier, nous n’avons pas de temps à perdre.

Savez-vous si des organisations collaborent avec des communautés pour établir des plans de recherche pertinents et fondés sur le savoir traditionnel. Ce travail pourrait se faire près du littoral, non en eau profonde, et apporter des réponses essentielles qui nous permettraient de démontrer les préjudices culturels, écologiques, familiaux et communautaires que causent ces interdictions de chasser le phoque? La désinformation et la diffusion intentionnelle de faux renseignements profitent personnellement, selon moi, aux employés de ces organisations. Connaissez-vous des organismes de recherche qui pourraient nous aider à miser sur ce savoir traditionnel communautaire dans le but de recueillir des preuves qui nous permettront de prendre des mesures concrètes? Je vous remercie.

M. Lonsdale : Je vais d’abord revenir sur ce que vous avez dit au sujet du savoir inuit qui confirmait l’existence de deux populations distinctes de poissons. C’est étrange parce que nous le savons pertinemment, et pourtant il faut avoir la confirmation de la science pour reconnaître que c’est la réalité. Mais c’était bien réel quand nous l’avons constaté.

Lorsque vous entretenez un lien aussi étroit avec un animal et avec les animaux que vous attrapez, cela a une valeur inestimable. J’ai entendu des gens dire que vous pouvez goûter la différence entre un poisson attrapé dans un secteur et un autre attrapé ailleurs. Quand vous entretenez un tel lien avec votre source alimentaire, vous pouvez dire : « Je n’aime pas le goût du poisson pêché dans ce lac. Je préfère celui de l’autre lac. » Je pense qu’on commence à reconnaître la valeur de ce savoir traditionnel. Il y a dix ans, il n’en était jamais question, mais il est en train d’être reconnu comme une base de connaissances fiable. J’adore entendre des histoires à ce sujet, parce que nous en entendons assez souvent dans le Nord.

Pour ce qui est de la recherche axée, disons, sur les connaissances traditionnelles menées par des organisations, il n’y en a pas beaucoup à l’heure actuelle. C’est une activité qui est en croissance et qui prend de l’ampleur. À l’heure actuelle, la recherche se fait en vase clos. Elle est menée de façon indépendante parce qu’il y a, disons, une université qui se consacre à un projet, puis des scientifiques du gouvernement qui travaillent à un autre. Cela se fait en vase clos. Je n’ai pas vu de véritable façon systémique et organisée d’utiliser les connaissances traditionnelles.

L’une des activités auxquelles je travaille depuis quelques années, c’est l’élaboration de politiques et de règlements dans le cadre du processus de délivrance de permis pour utiliser les connaissances traditionnelles parce qu’à l’heure actuelle, c’est ce que j’appelle une bonne chose à faire. Si vous êtes chercheur, c’est bien de les utiliser. Elles vont enrichir votre recherche et permettront de créer des liens avec les communautés et de mettre à profit cette base de connaissances qui, autrement, serait inconnue à l’extérieur des communautés. C’est fantastique de pouvoir le faire. Ce n’est pas une obligation, cependant, et elles peuvent facilement être réfutées, par exemple, par une autre étude scientifique. Tout se fait en vase clos, de sorte qu’il n’y a pas d’effort coordonné pour pouvoir utiliser les connaissances traditionnelles.

L’un des facteurs contributifs, c’est que les chercheurs ne savent tout simplement pas comment procéder. Il revient vraiment aux Inuits de leur montrer comment faire et d’être des partenaires actifs dans ce domaine.

Le sénateur C. Deacon : Ce n’est pas qu’une bonne chose à faire, et je pense que vous seriez d’accord pour dire que c’est beaucoup plus que cela. C’est un gaspillage que de ne pas bâtir sur ces connaissances.

Pour ce qui est de la capacité d’éliminer ces cloisonnements — parce que nous n’avons pas le temps —, le mal est fait, et les dommages écologiques seront difficiles à réparer. Dans la foulée de vos recommandations, et puisque vous avez quelque chose à nous dire, pourriez-vous s’il vous plaît nous en faire part par écrit? Ou peut-être avez-vous quelque chose à ajouter. Ce serait très utile. Nous pouvons souligner l’orientation, la stratégie et l’importance de cet aspect, si nous convenons au comité que c’est crucial. Ce serait bien d’avoir plus de précisions.

M. Lonsdale : Je peux ajouter quelque chose.

À l’heure actuelle, il semble que l’utilisation des connaissances traditionnelles porte, disons, sur les principes directeurs des énoncés généraux des interactions avec les Inuits et sur les valeurs énoncées qu’il faut respecter. Toutefois, les principes directeurs ne fournissent que des directives sur la conduite, sur les interactions respectueuses avec les Inuits. Il manque vraiment de directives sur la façon dont les connaissances traditionnelles devraient être recueillies, utilisées et analysées et, par conséquent, on n’explique pas de façon claire de les incorporer.

Dans ce cas, sans orientation, il incombe habituellement aux participants — aux Inuits — de montrer comment procéder. C’est souvent une demande injuste et tendancieuse, car il s’agit souvent d’une question ouverte. J’ai participé à de nombreuses consultations, et cette question ouverte est la suivante : « Comment devrions-nous utiliser l’Inuit Qaujimajatuqangit, ou IQ? » L’IQ est utilisé dans le contexte des pratiques, protocoles, politiques, règlements et procédures législatives du gouvernement. Il est très difficile de répondre pour quelqu’un qui n’a pas été initié au processus bureaucratique du gouvernement. C’est une demande un peu déraisonnable. À l’heure actuelle, l’IQ est utilisé dans le cadre de ces projets cloisonnés. Pour que la pratique se répande systématiquement, il faudra une coordination stratégique à plus grande échelle, et je pense que cela supposerait des investissements dans des discussions avec les intervenants sur la meilleure façon de procéder, plutôt que de poser une question ponctuelle et ouverte lors d’une réunion quelque part, pour demander comment procéder. Merci.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie de votre réponse éloquente.

La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Lonsdale.

La sénatrice Ataullahjan : Vous avez dit une chose qui a piqué ma curiosité. Vous avez parlé d’expliquer la bureaucratie occidentale aux Inuits. J’ai moi-même de la difficulté à comprendre certaines des méthodes bureaucratiques, alors ce doit être un travail difficile. D’un autre côté, lorsque vous expliquez les façons de faire des Inuits aux bureaucrates, constatez-vous qu’il existe une culture de sensibilité? Y a-t-il une compréhension? Au sein de ce comité, nous avons constamment entendu parler de problèmes de racisme à divers niveaux.

M. Lonsdale : Je ne suis pas certain de bien comprendre la question, mais j’ai essayé d’expliquer les façons de faire des Inuits à des non-Inuits, et c’est une constante, et j’ai littéralement bâti une carrière sur cette expérience. De temps à autre, je suis simplement épuisé, et c’est à ce moment-là que je me tourne vers divers amis et collègues qui m’appuient bien. Cela me motive à continuer d’avancer parce qu’il est parfois assez répétitif de s’expliquer et de se justifier constamment.

C’est la différence. En raison des pressions extérieures, il est difficile de toujours se battre. La Loi sur les pêches ne fait pas de distinction entre la chasse au phoque et la pêche — les pêches sont des pêches. Mais si vous demandez au grand public, la pêche, c’est de la pêche et la chasse au phoque, c’est de la chasse. Donc, essayer d’exercer mes droits dans le cadre de cette pêche devient en quelque sorte un combat.

C’est très difficile lorsqu’il s’agit de combats personnels profondément enracinés dans ma culture ainsi que des aspects comme la sécurité alimentaire, la conservation de la langue et la transmission des coutumes. Ce sont des combats très personnels. Il est épuisant d’être attaqué ou jugé sur ces aspects parce que c’est un combat sans fin.

La sénatrice Ataullahjan : En tant que femme racialisée, je comprends la difficulté d’essayer constamment d’expliquer et de faire comprendre aux gens. Vous dites que c’est un combat répétitif. Y a-t-il un manque de volonté de comprendre? S’il y a un dialogue, pourquoi ne peuvent-ils pas comprendre?

J’espère que je ne vous mets pas dans une situation difficile, mais pourquoi pensez-vous que vous devez vous répéter? Il est clair que vous parlez d’une certaine culture et d’un mode de vie qui existe depuis des siècles et que nous sommes tous en train d’apprendre.

Est-ce par manque d’intérêt? S’agit-il de racisme? De quoi s’agit-il? Est-ce que tout cela est relié?

M. Lonsdale : Je dirais que c’est un manque de sensibilisation. Lorsqu’on s’adresse à un groupe, c’est très localisé. Ensuite, je vais aller ailleurs, et je vais reprendre la parole. C’est simplement le manque de sensibilisation en général. Ce n’est pas seulement à moi que cela arrive, mais aussi à mes collègues, ou à ceux qui travaillent dans mon domaine, qui communiquent constamment ces choses; il s’agit de joindre un petit groupe, et nous nous répétons continuellement à différents groupes. Sur le plan des communications, nous ne nous rejoignons pas à un public plus vaste.

La sénatrice McPhedran : Merci d’être parmi nous, monsieur Lonsdale. Vous étiez dans la salle lorsque j’ai posé des questions à notre témoin précédent au sujet des répercussions sur les femmes dans vos communautés, ainsi que des stratégies visant à appuyer, à promouvoir et à créer de meilleures possibilités pour la participation économique des femmes.

Avez-vous quelque chose à ajouter aux réponses données par le témoin précédent?

M. Lonsdale : Comme je l’ai dit plus tôt, l’interdiction de la chasse au phoque a eu des répercussions rapides et extrêmement importantes. J’ai dit que le taux de suicide avait quadruplé à l’époque. C’était surtout des hommes qui se suicidaient parce que, à l’époque, c’était une façon de pratiquer la culture et les coutumes tout en participant à la vie économique. Comme le fait de pouvoir faire les deux choses est très habilitant, lorsque cela a été supprimé, les répercussions ont été graves.

Cela a touché non seulement les hommes, bien sûr, mais aussi les femmes. Il y avait encore les rôles traditionnels de chasseur-cueilleur, ainsi que la transformation et la fabrication de vêtements et autres activités de ce genre. Cela a perturbé toute la dynamique de la communauté et la façon dont nous interagissons les uns avec les autres. Nous en ressentons encore les effets aujourd’hui.

Pour ce qui est du soutien, nous essayons d’appuyer une industrie où il y a beaucoup de désinformation. Par où commencer? Je ne sais pas. Il n’y a pas de réponse simple à cela.

Lorsque nous regardons la désinformation qui circule, nous nous battons contre une machine de campagne médiatique dans laquelle des millions de dollars ont été investis. De notre côté, il n’y a pas autant d’investissements, alors ce n’est pas une bataille équitable pour commencer.

Lorsque vous regardez les groupes de défense des droits des animaux qui s’opposent à l’industrie de la chasse au phoque, ce sont les seuls groupes qui, à mon avis, ne vendent rien d’autre que des idées. Leur seule raison d’être consiste à créer davantage de cette information et de la vendre.

Vous pouvez, sur papier, être un organisme de bienfaisance, mais lorsque cet organisme de bienfaisance a des répercussions négatives sur les gens, dans quelle mesure s’agit-il d’un organisme de bienfaisance? C’est la seule raison d’être de cette machine médiatique, soit continuer de propager de l’information. Lorsque des membres de la communauté essaient de profiter de la chasse au phoque, la lutte devient très désavantageuse.

Pour ce qui est du soutien, c’est vraiment difficile. Je pense qu’il faut d’abord changer cela — essayer de combattre cette image — parce que cela devient une question morale lorsqu’il s’agit des groupes de défense des droits des animaux. La moralité de tuer un animal est inacceptable selon eux, et c’est la fin de la discussion. On ne parle pas de viabilité. Des avantages pour la communauté. La chasse contribue-t-elle à la sécurité alimentaire? La chasse est simplement perçue comme quelque chose de négatif, et la discussion s’arrête là. Je pense qu’il faut favoriser le dialogue et sensibiliser davantage les gens aux aspects positifs, plutôt que de poser tout de suite voir ce jugement moral.

Cela semble un peu extrême sous cet angle, mais lorsque vous avez, disons, des amis de gens qui affichent ces idéaux, ou simplement du grand public, vous ne voulez peut-être même pas être associé à la chasse au phoque ou à l’industrie de la chasse au phoque, même si vous ne croyez pas à ces mêmes idéaux. Vous ne voulez tout simplement pas être jugé. Vous ne voulez pas être mis sur la sellette. Vous ne voulez pas être perçu comme un génie du mal. Même ceux qui n’appuient pas ces idéaux ne s’y opposeront pas, en même temps, parce qu’ils ont peur du jugement. Il y a peut-être des gens qui sont empathiques et qui appuient les Inuits, mais qui ne le diront pas ouvertement ou publiquement.

La sénatrice McPhedran : Je veux m’assurer d’avoir bien compris votre réponse jusqu’à maintenant. Ce que j’entends, ce sont des mesures futures, prospectives et possibles qui pourraient être prises.

Pourriez-vous nous dire si, à votre connaissance, il se passe quelque chose — auquel vous participez potentiellement — qui met l’accent sur le développement économique des femmes et la promotion de la production créative des femmes dans vos communautés? Y a-t-il quelque chose qui se passe actuellement?

M. Lonsdale : Je ne sais pas s’ils sont encore en activité, mais il y avait un groupe sans but lucratif à Iqaluit qui organisait des activités de couture pour la fabrication de kamiks, qui sont des bottes en peau de phoque. C’est extrêmement difficile à faire. Il faut une personne très compétente pour pouvoir le faire. La fabrication de ces bottes comporte de nombreuses étapes.

À cause de la perte de ces traditions et de la perte de la capacité de les fabriquer dans la population, ces bottes sont devenues très rares. Si vous en voyez passer sur, disons, Facebook Marketplace, elles coûtent très cher et sont très convoitées.

Lorsque vous voyez des programmes comme celui-là essayer de faire revivre cette tradition des kamiks, c’est très positif. Ce programme s’adresse surtout aux femmes. On y trouve peut-être quelques hommes ici et là, mais le programme a été organisé et appuyé par des femmes.

Ces bottes sont très convoitées. Lorsque vous êtes en mesure d’apprendre comment les fabriquer, ce n’est pas une activité ponctuelle. Il faudra des années pour perfectionner ce métier. C’est très encourageant de voir des programmes de ce genre, et c’est un produit très concret. En même temps, en faisant cela, vous voyez les impondérables, comme la conservation de la langue, la pratique des coutumes, le réseautage et les pratiques culturelles positives qui deviennent de plus en plus rares de nos jours.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup pour vos réponses, qui ont été très percutantes, surtout lorsque vous avez parlé de l’effet dévastateur de la perte de l’industrie de la chasse au phoque, ou certainement du ralentissement de l’industrie de la chasse au phoque, dans les territoires.

Souvent, les industries de la chasse au phoque dans les territoires sont situées dans des communautés très rurales, et les gens qui vivent dans des villes ne comprennent pas vraiment l’impact de ce ralentissement, et font comme s’il s’agissait d’une énorme industrie dans une région urbaine. Merci beaucoup de ces précisions.

J’ai également aimé votre commentaire sur la valeur d’un organisme de bienfaisance s’il a un effet aussi dévastateur sur les gens. C’était un très bon commentaire.

En tant que comité, lorsque nous rédigeons notre rapport et que nous faisons des suggestions pour certaines des choses vraiment importantes — les deux groupes de témoins d’aujourd’hui ont parlé de désinformation —, quels sont les principaux éléments que nous devrions inclure dans notre rapport en ce qui concerne la désinformation et les moyens d’y remédier?

Cela dure depuis très longtemps. Les images que ces groupes montrent sur leurs affiches ne sont pas factuelles. On y voit des blanchons, mais leur chasse est interdite par la loi au Canada. C’est très mignon de voir quelqu’un tenir un blanchon. Qui voudrait faire du mal à un si charmant animal? Si vous voulez faire la promotion d’une interdiction, c’est certainement cela qu’il faut montrer, mais c’est malhonnête.

Quelles suggestions feriez-vous au comité?

M. Lonsdale : Je pense que l’un des principaux messages qui sont communiqués par les défenseurs des droits des animaux est le jugement moral, qui fait que nous sommes perçus comme un méchant, ou comme quelqu’un qui fait quelque chose d’extrêmement négatif. C’est l’une des plus grandes difficultés à surmonter.

Du point de vue inuit, c’est une réalité que de pouvoir récolter, d’être une bonne personne et de pratiquer sa culture. Lorsqu’on examine la situation d’un point de vue très holistique, elle englobe tout. Le lien entre les phoques et les Inuits ne se limite pas au produit. C’est plus que de la nourriture pour nous. Cela fait partie de notre identité.

Si l’on regarde seulement la préparation à la chasse au phoque, ainsi que la chasse elle-même et les activités après la chasse, cela contribue à la sécurité alimentaire, à la préservation de la langue et de la culture et aux possibilités économiques, et cela améliore la qualité de vie en général. Comment pouvez-vous considérer cela comme quelque chose de méchant ou de mauvais? Cela englobe tellement de choses. C’est l’une des façons les plus importantes d’exprimer l’identité inuite, être en mesure d’exercer les droits de récolte énoncés à l’article 5 de l’Accord du Nunavut. C’est un droit qui est protégé par la Constitution. Les Inuits ne voient pas cela sous un mauvais jour.

Comme je l’ai dit, c’est le genre de choses que je communique continuellement. C’est une bonne chose que je sois têtu parce que je ne me décourage pas. J’ai simplement besoin d’un rappel de temps à autre pour continuer, et j’en suis très heureux. Merci.

La sénatrice Cordy : Mon conseil serait de « rester têtu ».

Vous avez parlé de la santé des populations de phoques. S’il y a un groupe plus important que n’importe quel autre qui voudrait des populations de phoques en santé, ce sont les chasseurs de phoques. Les gens oublient cela, mais ce serait le problème des chasseurs.

Un député et ancien ministre du Canada atlantique avait l’habitude de dire que le ministère des Pêches et des Océans ne devrait pas avoir son siège social à Ottawa, mais plutôt être situé sur l’une des côtes du Canada. Est-ce que cela changerait quoi que ce soit si le ministère était plus près de ce qui se passe réellement?

M. Lonsdale : Bien sûr. Différents ministères qui ont mené des consultations dans le Qikiqtani m’ont déjà posé cette question. Une personne a demandé : « Comment pouvons-nous faire mieux? » J’ai dit : « Avoir plus de bureaux ici, non seulement à Iqaluit, mais aussi dans les communautés. » Il faut vivre à l’endroit où vous offrez des services publics. Quand vous n’avez pas de bureau sur le terrain, vous ne pouvez pas prendre le pouls de la communauté. Vous ne savez pas ce qui se passe vraiment.

Lorsque ces consultations ont lieu, il semble que ce soit toujours à partir de zéro. Si vous exercez une présence continue dans une région, vous n’avez pas besoin de recommencer à zéro chaque fois. Vous pouvez vous appuyer sur ce que vous avez appris et sur ce que vous avez entendu directement de la part des membres de la communauté, de sorte que votre consultation pourrait simplement consister à vivre sur le terrain. Avoir un bureau gouvernemental à Pond Inlet, à Grise Fiord, à Resolute Bay, c’est un pas de plus vers la capacité de bien servir le public, et les Inuits sont le public cible; nous sommes des Canadiens. Il y a peut-être souvent une distinction à faire, mais nous faisons partie du Canada, et pourtant nous sommes très loin des services gouvernementaux, des bureaux gouvernementaux et de ce genre de services. Je dirais simplement qu’il faut se rapprocher des gens.

La sénatrice Cordy : De cette façon, ce ne serait pas une consultation une fois par année ou une fois tous les deux ans. La consultation serait continue.

M. Lonsdale : Exactement.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d’être ici.

M. Lonsdale : Je vous en prie.

La vice-présidente : Monsieur Lonsdale, j’aimerais aborder un point. Mes collègues ont touché bon nombre des questions qui m’intéressaient également, mais vous avez dit, au début de votre déclaration préliminaire, que vous étiez venus ici pour notre autre témoin, et que vous aviez fait des observations que vous vouliez vous assurer que nous entendions. Je veux vous donner l’occasion maintenant, si vous avez quelque chose à dire ou à recommander dont vous n’avez pas eu l’occasion de parler, de faire un commentaire et j’aimerais insister sur le fait que, si, par la suite, vous pensez à quelque chose qui, selon vous, est pertinent à cette étude et qui serait utile à l’atteinte de nos objectifs, n’hésitez pas à présenter un mémoire écrit. Cela fera certainement partie de notre étude.

M. Lonsdale : En ce qui a trait aux pratiques culturelles, c’est quelque chose que j’aimerais certainement communiquer, c’est-à-dire qu’il est toujours difficile de vraiment les souligner. Je trouve habituellement les déclarations sur l’importance culturelle très difficiles à expliquer, et il est difficile d’expliquer la profondeur, le sentiment et le lien qui semblent toujours sous-estimés, même lorsque j’utilise mes propres mots.

J’ai vu des références à la culture dans la Loi sur les pêches. J’ai oublié de quel article il s’agit, mais cela concerne le rôle discrétionnaire du ministre en ce qui concerne les répercussions culturelles, et pourtant, l’aspect culturel des choses n’est pas clairement défini.

Comme je l’ai dit, il est très difficile pour moi de décrire les répercussions culturelles. C’est quelque chose qu’on sous-estime parfois, et pourtant, qui a tellement de signification. Je vais faire de mon mieux pour expliquer l’importance culturelle de la chasse au phoque à l’aide d’un exemple précis.

La chasse au phoque annelé dans le Nord se fait toute l’année, mais en hiver, elle se fait sur la banquise quand il fait noir toute la journée. C’est probablement l’une des chasses les plus intimes qui soient.

Vous vous tenez debout au-dessus d’un trou de phoque, à quelques centimètres de votre source de nourriture. Le trou de phoque en hiver — selon le phoque — peut être de ce diamètre, ou de ce diamètre, et il est maintenu libre de glace tout au long de l’année. Il s’agit d’un animal non migrateur, et son trou est donc maintenu tout au long de l’année. C’est pourquoi il s’agit d’une source d’aliments de base. Il ne migre pas. C’est le seul animal plus gros qui est disponible toute l’année et qui n’est pas en migration parce qu’il maintient ces trous pour respirer.

Lorsqu’il remonte, il expire, et un peu de glace s’accumule jusqu’à former un genre de cône. Cela ressemble au volcan qu’un enfant fait pour un projet d’école avec un petit trou sur le dessus. Il y a cette croûte de glace au-dessus du trou du phoque, et vous vous tenez au-dessus, à moins 30 degrés Celsius, et vous devez attendre que le phoque remonte pour prendre de l’air. Certains phoques laissent aller une grande expiration, tandis que d’autres respirent très doucement. Il faut avoir une très bonne ouïe. Une fois que vous entendez la première respiration, vous devez attendre la deuxième avant de faire quoi que ce soit, car certains phoques montent à la surface et redescendent tout de suite. Il faut donc attendre la deuxième respiration. Il faut écouter littéralement la respiration. Il est difficile d’imaginer le sentiment qu’on éprouve au milieu de nulle part, quand on entend la respiration du phoque à quelques centimètres de distance. Après la deuxième respiration, il faut faire feu directement vers le bas. Vous ne voyez pas l’animal et il ne vous voit pas. Vous chassez uniquement au son. Jusqu’à ce coup de feu, tout doit se faire dans un silence total, sinon le phoque va simplement s’enfuir.

Être avec sa nourriture et sentir sa nourriture à partir de là et jusqu’au moment où elle est sur sa table, au moment où on la donne à sa famille pour fabriquer des vêtements, c’est vraiment un lien que très peu de gens ont. Quand quelqu’un explique l’importance culturelle de cette chasse, c’est tellement profond.

Ce n’est là qu’un aspect de notre culture. Lorsque nous parlons de liens culturels avec d’autres choses, c’est tout aussi profond.

Quand j’entends parler de références culturelles dans ces dispositions législatives, elles ne sont pas aussi détaillées qu’elles devraient l’être. Je voulais simplement profiter de l’occasion pour le dire.

La vice-présidente : Le sénateur Cuzner a été inspiré à poser une question. Je vous invite à le faire, si vous le souhaitez.

Le sénateur Cuzner : Madame la présidente, je vous remercie de m’avoir permis de me joindre à vous et je remercie le comité. C’est mon premier comité sénatorial. C’était très intéressant. Il y a eu d’excellentes questions.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de siéger à la Chambre, je peux vous dire que certaines des questions dont nous sommes saisis sont semblables à celles que nous étudions depuis un certain nombre d’années dans l’industrie du phoque.

Je me souviens qu’en 2006, Paul McCartney et son épouse avaient fait prendre cette célèbre photo sur la glace avec les blanchons, condamnant le gouvernement canadien pour la chasse au phoque, une pratique qui avait cessé 20 ans auparavant. La désinformation était répandue à l’époque, et je pense que d’excellentes questions ont été posées sur la façon de remédier à la situation.

J’ai deux questions, mais j’aimerais tout d’abord faire une observation. Au-delà de la désinformation, une tendance naturelle est maintenant que les gens mangent moins de viande. Quand je cuisine au barbecue maintenant, j’ai mon hamburger et environ cinq hamburgers au tofu sur le barbecue. C’est déjà assez difficile. Les gens mangent moins de viande.

Je ne sais pas s’il y a différentes façons de servir la viande, ou de la faire sécher, ou peu importe, pour la rendre un peu plus attrayante et la rendre accessible, mais c’est l’utilisation absolue de l’animal au complet.

Je sais qu’il y a quelques années, on a lancé une initiative assez énergique pour envisager d’utiliser des parties de l’animal pour fabriquer des engrais biologiques. Je ne suis pas du tout prêt pour la réunion d’aujourd’hui. Je ne sais pas où on en est à ce sujet — le comité en a peut-être entendu parler —, mais est-ce encore envisagé? Est-ce toujours une autre option pour d’autres parties de l’animal?

M. Lonsdale : Avant de répondre à cette question, j’aimerais faire quelques observations. J’ai remarqué votre bague ornée d’un X, et j’ai immédiatement pensé à ma femme, Sonja Lonsdale, qui porte la même.

Pour ce qui est de la séance de photos des blanchons avec McCartney, j’ai examiné la question du point de vue des Inuits. Dès que j’ai vu la personne caresser et tenir le blanchon, j’ai su que le blanchon n’allait probablement pas s’en remettre. La mère, quand elle sentira le parfum humain, pourrait laisser le blanchon mourir de faim. Il est très difficile d’être témoin de ce genre d’hypocrisie.

La vice-présidente : Monsieur Lonsdale, il nous reste environ deux minutes, puis le groupe derrière nous devra passer à une autre responsabilité. Je suis désolée de vous interrompre, mais pourriez-vous conclure en deux minutes, s’il vous plaît?

M. Lonsdale : Bien sûr. Pour ce qui est des engrais, je n’en suis pas certain. Je connais, par exemple, différentes options où la possibilité de fabriquer des comprimés de fer à partir de phoques a été explorée. La viande de phoque contient autant de fer que les suppléments de fer. Cela est dû au fait que, livre pour livre, ils ont deux fois plus de sang que les humains, afin de pouvoir plonger profondément et retenir leur souffle pendant longtemps. Les suppléments de fer pourraient être une option parce que, techniquement, vous ne mangez pas la viande, mais un supplément. Il y a là des possibilités.

La vice-présidente : Merci. Je m’excuse encore une fois de vous avoir pressé. Je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd’hui et de nous avoir fait part de votre expérience personnelle sur ce sujet extrêmement important.

(La séance est levée.)

Haut de page